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ENCYCLOPEDIE,
ou
DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES,
DES ARTS ET DES MÉTIERS.
T RO IS IEME È DITION
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TOME DOUZIEME.
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ENCYCLOPÉDIE,
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DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES,
DES ARTS ET DES MÉTIERS,
PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES.
Mis en ordre & publié par M. DIDEROT ; & quant à la Partie
Mathématique, par M. D'ALEMB ERT.
Tantùm ferles junSuracjue polie t,
Tantùm de medlo fumptls accedlt honoris J Ho RAT,
TROISIEME ÉDITION.
=âSS£-
TOME DOUZIEME.
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A GENE V E,
Chez Jean-Léonard Pellet , Imprimeur de la République,
A NEUFCHATEL,
Chez la Société Typographique.
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M. D C C. L XX VI IL
AUAMS
ENCYCLOPEDIE,
o u
DICTIONNAIRE RAISONNÉ
DES SCIENCES,
DES ARTS ET DES MÉTIERS.
E L G
LCANA, {Hift.facr.) de
la tribu de Levi , père de
Samuel & mari d'Anne , étoit
de Ramatha , du canton de So-
phim. En allant à Silo où étoit
l'arche , il confoloit fa femme qui gémifïbit
defaflérilité. Les larmes & les vœux d'Anne
méritèrent que Dieu leur donnât un fils ,
qu'ils offrirent au Seigneur. Il y a encore
du même nom un petit- fils de Coré , un pre-
mier miniflre du roi Achaz , deux lévites &
quelques autres.
ELCATIF , ( Géograph. mod. ) ville de
PArabie heureufe fur la côte occidentale du
Golfe Perlique. Long. 70 , 40 ; lat. 16.
ELCESAITES, ou HELCESAITES ,
nu ELCESAIENS , comme les appelle
E L C
Théodoret , hérétiques qui parurent au com-
mencement du fécond fiecle , & qui prirent
leur nom d'Elcéfaï ou d'Elxaï , leur chef.
Elxaï étoit Juif d'origine & de fentiment ,
mais il n'obfervoit pas la loi. Il fe préten-
dit inipiré , compofa un livre où il or—
donnoit à ùs fe&ateurs une forme de fer-
ment myflérieux par le fel , l'eau , la terre ,
le pain , le ciel , l'air & le vent. D'autres
fois il leur ordonnoit de prendre fept au-
tres témoins de la vérité , le ciel , l'eau , les
elprits , les SS. anges de la prière , l'huile ,
le fel & la terre. Des livres de l'ancien
& du nouveau Teftament , il n'admettoit
que quelques parfàges détachés. Ce pré-
tendu prophète contraignoit {es feâateurs.
au mariage. Il difok qu'on pouvoit làfts
6 E L C
pécher , céder à la perfécution , adorer les
idoles , & diflimuler fa. foi au dehors ,
pourvu que le cccur n'y eût point de part:
il reconnoiffbitle Chriftpour le grand roi ;
mais il ne paroifîoit pas clairement, par Ton
livre , fi Tous ce nom il défignoit Jefus-
Chrifl ou s'il en entendoit un autre. Il dé-
fendoit de prier vers l'orient , & vouloit
qu'on tournât le vifâge vers Jérufalem en
quelque pays que l'on fût. Il condamnoit
les facrifices comme indignes de Dieu , &
ne lui ayant , difoit-il , été offerts ni par
les pères , c'efl-à-dire les patriarches , ni
en vertu de la loi. Il défendoit de manger
de la chair comme faifoient les Juifs , &
rejetoit l'autel & le feu ; mais il croyoit que
l'eau étoit bonne , ce qui pourroit faire
conjecturer qu'il admettoit une forte de
baptême.
Elxaï décrivoit le Chrifl comme une
vertu célefîe qui, née dès le «commence-
ment du monde , avoit paru de temps en
temps feus divers corps , & il en décrivoit
ïiinfi les dimenfions : vingt-quatre fchœnes
en longueur , c'eft-à-dire quatre-vingt-feize
mille pas ; fix fchœnes en largeur , ou vingt-
quatre mille pas , & l'épaifTeur à -propor-
tion. Ces mefures femblent avoir été for-
gées fur une interprétation grofîîere de ces
paroles de S. Paul aux Ephéfiens, ch. iij y
ir ? 8 y utpojjitis comprehendere cum om-
nibus fanctis , quee fit latitudo y & longi-
tudo y & fublimitas y & profundum. Par
une erreur femblable , il donnoit au faint
Efprit le fexe féminin , parce qu'en Hébreu
rouats ou rouach y qui lignifie efprit y eu
de ce genre. Il le faifbit femblable au
Chrifl & polé devant lui , droit comme
une ftatue , fur un nuage entre deux mon-
tagnes , & toutefois invifible. Il donnoit
à l'un & à l'autre la même mefure , &
prétendoit l'avoir connue par la hauteur
des montagnes , parce -que leurs têtes y
atteignoient. Enfin , il enfeignoit dans fon
livre une prière en termes barbares , dont
il défendoit de chercher l'explication , &
que faint Epiphane traduit ainfi : la baf-
fejfe y la condamnation y Voppreffwn y la
peine de mes pères efl pajfée par la mijjîon
parfaite qui efl venue. Ce père , Ongene
& Eufebe ont parlé des Elcéfaïtes. Le
premier les nomme auûî Samfe'ens y du
E L E
mot hébreu famés 9 qui lignifie le foie il.
Scaliger s'efl trompé en prétendant qu'Elxaï
étoit le même qu'EJ/aïou E^en ; & par
une fuite de fa première erreur, il a con-
fondu les Elcéfaïtes avec la fèàe des Ef-
féens. Les difciples d'Elxaï fe joignirent à
ceux d'Ebion , & gardoient comme eux la
circoncifion ; ils fu brillèrent plufieurs fie-
cles , quoiqu'Eufebe , liv. VI y ch. xxxviij y
allure le contraire. Fleury , hift. eccle'f liv.
I y tome II y page zgz &gz. (G)
ELCHE , ( Géograph. mod. ) ville du
royaume de Valence en Efpagne. Elle eQ.
fituée fur la Segre. J^ong. 17 , 25 ; lat.
38, .10.
ELDAGSEN ou ELDAGSHAUSEN ,
( Géogr. ) petite ville d'Allemagne , dans
le cercle de bafTe Saxe , dans l'éle&orat
d'Hanovre , & dans la principauté de Ca-
lenberg. Elle efl ancienne & faifoit jadis
partie du comté de Hallermunde : elle
avoit des murs & des foffés ; elle avoit
jurifdiclion criminelle & civile , & elle
donnoit fon nom à un certain diftricT:. Ces
avantages font à -peu -près tous perdus
pour elle aujourd'hui ; il ne lui relie que
fa jurifdiclion civile, un long procès avec
le bailliage de Calenberg au fujet de la
criminelle , & 200 & quelques maifons.
(D.G.)
* ELEATIQUE ( Secte ) , Hift. de
la Philofophie. La fecle ele'atique fut ainfî
appellée d'Elée , ville de la grande Grèce ,
où naquirent Parménide, Zenon & Leu-
cippe , trois célèbres défenfeurs de la philo-
fophie dont nous allons parler.
Xénophane de Colophon pafîe pour le
fondateur de YEléatiJme. On dit qu'il fuc-
céda à Telauge fils de Pythagore , qui
enfeignoit en Italie la doctrine de fon père.
Ce qu'il y a de certain , c'efl que les
Eléatiques furent quelquefois appelles Py-
thagoriciens.
Il fe fit un grand fchifine dans l'école
ele'atique y qui la divifà en deux fortes de
philofophes qui conferverent le même nom ,
mais dont les principes furent auffi oppofés
qu'il étoit poflible qu'ils le fufïênt ; les uns
fè perdant dans des abflra&ions , & éle-
vant la certitude des connoiflances méra-
phyfiques aux dépens de la feience des
faits , regardèrent la phyfique expérimentale
E L E
& l'étude de la nature comme l'occu-
pation vaine & trompeufe d'un homme
qui , portant la vérité en lui-même , la
cherchoit au dehors , & devenoit de pro-
pos délibéré le jouet perpétuel de l'appa-
rence & des fantômes : de ce nombre
furent Xénophane , Parménide , Mélifîe
& Zenon ; les autres , au contraire , per-
fuadés qu'il n'y a de vérité que dans les
propolîtions fondées fur le témoignage de
nos fens , & que la connoiffance des phé-
nomènes de la nature eft la feule vraie
philofophie , fe livrèrent tout entiers à
l'étude de la phyfimie : & l'on trouve à la
tête de ceux-ci les noms célèbres de Leu-
cippe , de Démocrite , de Protagoras , de
Diagoras & d'Anaxarque. Ce fchifme nous
donne la divifion de l'hiftoire de la philo-
fophie éléatique y en hiftoire de VEléatifme
métaphyfique , & en hiftoire de VEléatifme
phyfique.
Hiftoire des éléatiques métaphyjiciens.
Xénophane vécut fi long-temps , qu'on ne
fait à quelle année rapporter fa nahTance.
La différence entre les hiftoriens eft de
vingt olympiades : mais il eft difficile d'en
trouver une autre que la cinquante-fixie-
me , qui fatisfafîè à tous les faits donnés.
Xénophane , né dans la cinquante-fixieme
olympiade , put apprendre les élémens de
la grammaire , tandis qu'Anaximandre flo-
riffoit ; entrer dans l'école pythagoricienne
à l'âge de vingt - cinq ans ; profefîer la
philofophie jufqu'à l'âge de quatre-vingt-
douze : être témoin de la défaite des Per-
fes à Platée & à Marathon ; voir le règne
d'Hiéron ; avoir Empedocle pour difciple ;
atteindre le commencement de la quatre-
tingt & unième olympiade , & mourir âgé
de cent ans.
Xénophane n'eut point de maître. Per-
fécuté dans fa patrie , il fe retira à Zancle
ou à Catane dans la Sicile. Il étoit poëte
& philofophe. Réduit à la dernière indi-
gence , il alla demander du pain à Hiéron.
Demander du pain à un tyran! il valoit
encore mieux chanter Ces vers dans les
rues; cela eût été plus honnête & plus
conforme aux mœurs du temps. Indigné
des fables qu'Homère & Héfiode avoient
débitées fur le compte des dieux , il écrivit
contre ces deux poètes j .mais les vers
E L E 7
d'Héfiode & d'Homère font parvenus jus-
qu'à nous , & ceux de Xénophane font
tombés dans l'oubli. Il combattit les princi-
pes de Thaïes & de Pythagore , il harcela
un peu le philofophe Epiménide; il écrivit
l'hiftoire de fon pays ; il jeta-les rondemens
d'une nouvelle philofophie dans un ouvrage
intitulé : de la nature. Ses difputes avec les
philofophes de fon temps fervirent au fi!
d'aliment à la mauvaife humeur de Timon ;
je veux dire que le mifanthrope s'en réjouie
(bit intérieurement , quoiqu'il en parût fâché
à l'extérieur.
Nous n'avons point les ouvrages des Eléa-
tiques ; & l'on accufe ceux d'entre les an-
ciens qui ont fait mention de leurs princi-
pes , d'avoir mis peu d'exaclitude & de
fidélité dans Pexpofition qu'ils nous en ont
laiffée. Il y a toute apparence que les Eléa-
tiques avoient la double doctrine. Voici tout
ce qu'on a pu recueillir de leur métaphyfi-
que & de leur phyfique.
Métaphyfique de Xénophane. Rien ne
fe fait de rien. Ce qui eft , a donc toujours
été : mais ce qui eft éternel , eft infini , ce
quLeft infini eft un : car où il y a difîi"
miîitude , il y a pluralité. Ce qui eft éter-
nel , infini , un , par-tout le même , eft
aufli immuable & immobile : car s'il pou-
voit changer de lieu , il ne feroit pas
infini ; & s'il pouvoit devenir autre , il
y auroit en lui des chofes qui commen-
ceroient , & des chofes qui finiroient fans
caufe , il fe feroit quelque chofe de rien ,
& rien de quelque chofe ; ce qui eft ab-
furde. Il n'y a qu'un être qui foit éternel ,
infini , un , immuable , immobile , tout ;
& cet être eft Dieu. Dieu n'eft point
corps ; cependant fa fubftance s'étendant
également en tout fens , remplit un efpace
immenfè fphérique. Il n'a rien de commun
avec l'homme. Dieu voit tout , entend
tout , eft préfent à tout ; il eft en même
temps l'intelligence , la durée , la nature ;
il n'a point notre forme ; il n'a point nos
panions ; fes fens ne font point tels que les
nôtres.
Ce fyftême n'eft pas éloigné du Spino-
fifme. Si Xénophane femble reconnoître
deux fubftances dont l'union intime conf-
titue un tout , qu'il appelle l'univers; d'un
autre côté l'une de ces fubftances eft figurée,
8 E L E
& ne peut , félon ce philofophe , fe
concevoir diftinguée & féparée de l'autre
que par abftraction. Leur nature n'eft pas
eflentiellement différente ; d'ailleurs cette
ame de l'univers que Xénophane paroît
avoir imaginée , & que. tous les philofo-
phes qui font fùivi ont adraife , n'étoit
rien de ce que nous entendons par un
efprit.
Phyfique de Xénophane. Il n'y a qu'un
univers : mais il y a une infinité de mondes.
Comme il n'y a point de mouvemeni vrai ,
il n'y a en effet ni génération , ni dépériffe-
rnent , ni altération. Il n'y a ni commen-
cement , ni fin de rien , que des apparen-
ces. Les apparences font les feules procef-
fions réelles de l'état de poffibilité à l'état
ci'exiftence , & de l'état d'exiftence a celui
d'annihilation. Les fens ne peuvent nous
élever à la connoiflancede la raifon première
de l'univers. Ils nous trompent néceflaire-
mcnt fur [es loix. Il ne nous vient de fcience
fonde que de la raifon ; tout ce qui n'eft
fondé que fur le témoignage des fens , eft
opinion. La métaphyfique eft la fcience des
chofes ; la phyfique eft l'étude des appa-
rences. Ce que nous appercevons en nous ,
eft ; ce que nous appercevons hors de nous ,
nous paroît. Mais la feule vraie philofophie
eu des chofes qui font , & non de celles '
qui paroiflent.
Malgré ce mépris que les EUatiques
faifoient de la fcience des faits & de la
connoiffance de la nature, ils s'en occu-
paient férieufement ; ils en jugeoient feu-
lement moins favorablement que les phi—
lofophes de leur temps. Ils auroient été
d'accord avec les Pyrrhoniens fur l'incer-
titude du rapport des fens ; mais ils au-
roient défendu contre eux l'infaillibilité de
la raifon.
Il y a, difoient les EUatiques 9 quatre
clemens ; ils fe combinent pour former la
terre. La terre eft la matière de tous les
êtres. Les aftres font des nuages enflam-
mes" : ces gros charbons s'éteignent le jour
& s'allument la nuit. Le foleil eft un amas
de particules ignées , oui ie détruit & fe
réforme en 24 heures ; il fe levé le matin
comme un grr.nd brafier allumé de vapeurs
récentes ; ces vapeurs fe confument à me-
inre que fon cours s'avance ; le foir il
E L E
tombe épuifé fur la terre ; fon mouvement
fe fait en ligne droite : c'eft la diitance
qui donne à l'efpace qu'il parcourt , une
courbure apparente. Il y a plufieurs foleiîs ;
chaque climat, chaque zone a le fien. La
lune eft un nuage condenfé ; elle eft ha-
bitée ; il y a des régions , des villes. Les
nuées ne font que des exhalaifons que
le foleil attire de la furface de la terre ;
eft-ce l'afHuence des mixtes qui fe préci-
pitent dans les mers qui les fale ? Les mers
ont couvert toute la terre ; ce phénomène
eft démontré par la préfence des corps
marins fur fa furface Sk. dans fes entrailles.
Le genre humain finira lorfque la terre
étant entraînée au fond des mers , cet
amas d'eau fe répandra également par-tout ,
détrempera le globe , & n'en formera qu'un
bourbier; les fiecles s'écouleront, l'immenie
bourbier fe féchera , & les hommes renaî-
tront. Voilà la grande révolution de tous les
êtres.
Ne perdons point de vue au milieu de ces
puérilités , plufieurs idées qui ne font point
au defTous de la philofophie de nos temps ;
la diftinction des élémens , leur combinai-
fon , d'où réfulte la terre ; la terre , prin-
cipe général des corps ; l'apparence circu-
laire , effet de la grande diftance ; la plu-
ralité des mondes & des foleiîs ; la lune ha-
bitée , les nuages formés des exhalaifons
terreftres ; le féjour de la mer fur tous les
points de la furface de la terre. Il étoit diffi-
cile qu'une fcience qui en étoit à fon al-
phabet , rencontrât un plus grand nombre
de vérités ou d'idées heureufes.
Tel étoit l'état de la philofophie éléx-
tique y lorfque Parménide naquît. Il éroit
d'Elée. Il eut Zenon pour dilciple. Il
s'entretint avec Socrate. Il écrivit fa phi-
lofophie en vers ; il ne nous en refte que
des lambeaux fi découfus , qu'on n'en peut
former aucun enfemble fyftématique. Il y
a de l'apparence qu'il donna auffi la pré-
férence à la raifon fur les fens ; qu'il re-
garda la phyfique comme la fcience des
opinions , & la métaphyfique comme la
fcience des chofes , & qu'il laifîà YEle'a-
tifme {péculatif où il en étoit, à moins
qu'on ne veuille s'en rapporter à Platon,
& attribuer à Parménide tout ce que le
Pîatonifme a débité depuis fur les idées.
Parménide
ELE
Parménide fe fît un fyftême de phyfique
particulier. Il regarda le froid & le chaud ,
ou la terre & le feu, comme les principes
des êtres ; il découvrit que le foïeil & la
lune brilloient de la même lumière , mais
que l'éclat de la lune étoit emprunté ; il
plaça la terre au centre du monde , il attri-
bua fon immobilité à ià diftance égale en
tout fens , de chacun des autres points de
l'univers. Pour expliquer la génération des
fubfîances qui nous environnent , il difoit :
le feu a éré. appliqué à la terre , le limon
s'efl échauffé , l'homme & tout ce qui a
vie a été engendré ; le monde finira ; la
portion principale de l'ame humaine efl
placée dans le cœur.
Parménide naquit dans la fbixante-neu-
vieme olympiade. On ignore le temps de fa
mort. Les Eléens l'appellerent au gouverne-
ment ; mais des troubles populaires le dé-
goûtèrent bientôt des affaires publiques , &
il fe retira pour fc livrer tout entier à la
philofophie.
Méliffe de Samos fleurit dans la 84e
olympiade. Il fut homme d'état, avant que
d'être philofophe. Il eût peut-être été plus
avantageux pour les peuples qu'il eût com-
mencé par être philofophe. , avant que
d'être homme d'étar. Il écrivit dans fa
retraite de Vitre & de la nature. Il ne
changea rien à la philofophie de Tes prédé-
ceffeurs : il croyoit fetilement que la nature
des dieux étant incompréhenfible , il falloit
s'en taire , & que ce qui n'efl pas eft
impoflible ; deux principes , dont le pre-
mier marque beaucoup de retenue, & le
fécond beaucoup de hardiefïê. On croit que
ce fut notre philofophe qui commandoit les
Samiens , lorfque leur flotte battit celle des
Athéniens.
Zenon Yéléatîque fut un beau garçon ,
que Parménide ne reçut pas dans fon école
fans qu'on en médît. Il fe mêla auffi des
affaires publiques , avant que de s'appliquer
à l'étude de la philofophie. On dit qu'il
fe trouva dans Agrigente , lorfque cette
ville gémiflbit fous la tyrannie de Phalaris ;
qu'ayant employé fans fuccès toutes les
■ reffources de la philofophie pour adoucir
cette bête féroce , il inîpira à la jeuneffe
l'honnête & dangereux deffein de s'en
<■ délivrer ; que Phalaris inftruit de cette
Tome XII,
ELE $
confpiration., fît faiflr Zenon & Pexpofa
aux plus cruels tourmens , dans l' efpéranc
que la violence de la douleur lui arra-
cheroit les noms de fes complices ; que
le philofophe ne nomma que le favori du
tyran ; qu'au milieu des fupplices , fon
éloquence réveilla les lâches Agrigentins;
qu'ils rougirent de s'abandonner eux-mê-
mes , tandis qu'un étranger expiroit à leurs
yeux , pour avoir entrepris de les tirer
de l'efclavage ; qu'ils fe fouleverent brus-
quement, & que le tyran fut aflommé à
coups de pierre. Les uns ajoutent qu'ayant
invité. Phalaris à s'approcher , fous pré-
texte de lui révéler tout ce qu'il defiroit
(avoir , il le mordit par l'oreille , & ne
lâcha priie qu'en mourant fous les coups
que les bourreaux lui donnèrent. D'autres
que , pour ôter à Phalaris toute efpérance
de connoître le fond de la conjuration , il
fe coupa la langue avec les dents , & la
cracha au vifage d a tyran. Mais quelque
honneur que la philofophie puifîe recueillir
de ces faits , nous ne pouvons nous en
diffimuler l'incertitude. Zenon ne vécut ni
fous Phalaris , ni fous Denis ; & l'on ra-
conte les mêmes. chofes d'Anaxarque.
Zenon étoit grand dialecticien. Il avoit
divifé fa logique en trois parties. Il traitoit
dans la première de l'art de raifonner ;
dans la féconde , de l'art de dialoguer ;
& dans la troifieme , de l'art de difputer.
Il n'eut point d'autre métaphyfique que celle
de Xénophane. Il combattit la réalité du
mouvement. Tout le monde connoît ibn
fbphifme de la tortue & d'Achille. " Il
» difoit : fi je fouffre fans indignation l'in-
» jure du méchant , je ferai infenfïble à la
a louange de l'honnête homme. » Sa phy-
fique fut la même que celle de Parmémae.
Il nia le vuide. S'il ajouta au froid & au
chaud l'humide & le fec , ce ne fut pas
proprement comme quatre difïerens princi-
pes , mais comme quatre effets de deux
caufès , la terre & le feu.
Hiftoire des Eléatiques Phyjiclens. Leu-
cippe d'Abdere , difciple de MélifTe & de
Zenon , & maître de Démocrite , s'ap-
perçur bientôt que la méfiance outrée du
témoignage des fens détruifoit toute philo-
fophie , & qu'il valoit mieux rechercher en
quelles circoçftances ils nous trompoient't
B
io E L E
que de fe perfuader à foi-même & aux
autres par des fubtilités de Logique qu'ils
nous trompent toujours. Il fe dégoûta de
la .métaphyfique de Xénophane , des idées
de Platon , des nombres de Pythagore , des
fophifmes de Zenon , & s'abandonna tout
entier à l'étude de la nature , à la connoif-
iance de l'univers , & à la recherche des
propriétés & des attributs des êtres. Le feul
moyen , difoit-il , de réconcilier les fens
avec la raifon , qui femblent s'être brouillés
depuis l'origine de la fecte éléatique , c'eft
de recueillir des faits & d'en faire la bafe de
le fpéculation. Sans les faits , toutes les ir^ées
iyftématiques ne portent fur rien : ce font
des ombres inconfiantes qui ne le refïèm-
bient qu'un inftant.
On peut regarder Leucippe comme le
fondateur de la philofophie corpufculaire.
Ce n'eu1 pas qu'avant lui on n'eût confidéré
les corps comme des amas de particules ;
mais il eu le premier qui ait fait de la
combinaifon de ces particules > la caufe
univerfelle de toutes chofes. Il avoit pris
la métaphyfique en une telle averfion , que
pour ne rien laiiîer , difoit-il , d'arbitraire
dans fa philofophie ,. il en avoit banni le
nom de Dieu. Les philofophes qui l'avoient
précédé , voyoient tout dans les. idées ;
Leucippe ne voulut rien admettre que ce
qu'il obfervoit dans les corps. Il fit tout
émaner de l'atome , de fa figure & de fon
mouvement. Il imagina l'atomilme ; Démo-
crite perfectionna ce fyftême ; Epicure le
porta jufqu'où. il pouvoit s'élever: Voye^
Atomisme.
Leucippe & Démocrite avoient dit que
les atomes difFéroienr par le mouvement ,
la figure & la maffe , & que c'éroit de
leur coordination que naifloient tous les
êtres. Epicure ajouta qu'il y avoit des
atomes d'une nature fi hétérogène , qu'ils
ne pou voient ni fe rencontrer , ni s'unir.
Leucippe & Démocrite avoient prétendu
que toutes les molécules élémentaires
avoient commencé par fe mouvoir en ligne
droite. Epicure remarqua que fi elles
avoient commencé à- fe mouvoir toutes en
ligne droite , elles n'auroient jamais changé
de direâion , ne fe feroient point choquées ,,
ce fe feroient point combinées , & n'au-
rokot produit aucune fubûacce : d'où il
E L E
| conclut qu'elles s'étoient mues dans des
directions un peu inclinées les unes aux
autres , & convergentes vers quelque point
commun , à-peu-près comme nous voyons
les graves tomber vers le centre de la terre.
Leucippe & Démocrite avoient animé leurs
atomes d'une même force de gravitation.
Epicure fit gn.viter les fiens diverfement.
Voilà les principales différences de la phi-
lofophie de Leucippe & d'Epicure , qui nous
foient connues.
Leucippe difoit encore : l'univers eu. in-
fini. Il y a un vuide abfolu , & un plein
abfolu : ce font les deux portions de l'es-
pace en général. Les atomes fe meuvent
dans le vuide. Tout naît de leurs combi-
naifons. Ils forment des mondes , qui fe
réfolvent en atomes. Entraînés autour d'un
centre commun , ils fe rencontrent , fe
choquent , fè féparent , s'unifient ; les plus-
légers font jetés dans les efpaces vuides >
qui embrarfent extérieurement le tourbillon:
général. Les autres tendent fortement vers
le centre ; ils s'y hâtent , s'y preffent , s'y
accrochent , & y forment une mafîe qui
augmente fans ceffe en denfité. Cette mafîe-
attire à elle tout ce qui l'approche ; delà
naiffent l'humide , le limoneux , le {ec , le
chaud y le brûlant , l'enflammé , les eaux ,
la terre, les pierres , les' hommes , le feu,,
la flamme , les aflres. Le foleil eft envi-
ronné d'une grande atmofphere , qui lui
efl extérieure. C'eft le mouvement qui en-
tretient fans ceffe le feu des aflres , en por-
tant au lieu qu'ils occupent des particules
qui réparent les pertes qu'ils font. La Lune
ne brille que d'une lumière empruntée du
Soleil. Le Soleil & la Lune fouffrent des
éclipfes , parce que la terre penche vers le
midi.. Si les éclipfes de Lune font plus
fréquentes que celles de Soleil, il en faut
chercher la raifon. dans la différence de leurs
orbes. Les générations ,. les dépériffemens ,
les altérations , font les fuites d'une loi gé-
nérale & néceflaire , qui agit dans toutes \e&
molécules de la matière-
Quoique nous ayions perdu les ouvrages
de Leucippe , il nous efl refté , comme on
voit y afîez de connoifîànce des principes
de fa philofophie , pour juger du rnérite de
quelques-uns de nos fyflématiques moder-
nes i &: nous pourrions demander aux
E L E
Cartéfiens , s'il y a bien loin des idées de
Leucippe à celles de Defcartes. Voy. CAR-
TÉSIANISME.
Leucippe eut pourfuccefîèur Démocrite ,
un des premiers génies de l'antiquité. Dé-
mocrite naquit a Abdere , où fa famille étoit
riche & puifïânte. Il floriflbit au commen-
cement de la guerre du Péloponefe. Dans
le defîèin qu'il avoit formé de voyager,
il laifîà à (es frères les biens-fonds , & il
♦ prit en argent ce qui lui revenoit de la
fùcceffion de fonpere. Il parcourut l'Egypte,
où il apprit la Géométrie dans les féminai-
res ; la Chaldée ; l'Ethiopie , où il converfa
avec les Gymnofophiftes ; la Perlé , où il
interrogea les mages ; les Indjs , &c. Je
n'ai rien épargné pour m'iûfiruire , difoit
Démocrite ; fhi vu tous les hommes célè-
bres de mon temps ,* ; 'ai parcouru toutes
les centrées où j'ai efpéré rencontrer la
vérité : la difiance des lieux ne m'a point
effrayé ; j'ai obfen'é les différences de
plujieurs climats ; j'ai recueilli les phéno-
mènes de Vair y de la terre & des eaux:
la fatigue des voyages ne m'a point em-
pêché de méditer ; j'ai cultivé les Mathé-
matiques fur les grandes routes , comme
dans lejilence de mon cabinet ; je ne crois
pas que perfonne me furpaffe aujourd'hui
dans l'art de démontrer par les nombres &
par les lignes _, je n 'en excepte pas même
les prêtres de l'Egypte.
Démocrite revint dans fà patrie , rempli
de la fageffe de toutes les nations , mais il
y fut réduit à la vie la plus étroite & la
plus obfcure ; {es longs voyages avoient
entièrement épuifé fa fortune ; heureu-
femei-it il trouva dans l'amitié de Damafis
fon frère , les fecours dont il avoit befoin.
Les loix du pays refufoient la fépulture à
celui qui avoit diflipé le bien de (es pères.
Démocrite ne crut pas devoir expofer fa
mémoire à cette injure : il obtint de la
république une fomme confidérable en
argent, avec une ftatue d'airain , fur la
feule ledure d'un de fes ouvrages. Dans la
fuite , ayant conjecturé par des obfervations
météorologiques , qu'il y auroit une grande
difette d'huile , il acheta à bon marché
toute celle qui étoit dans le commerce ,
la revendit fort cher , & prouva aux dé-
tracteurs de la philofophie , que le philo-
E L E . ii
fophe favoit acquérir des richefles quand
il le vouloit. Ses concitoyens l'appellerent
à l'adminiftration des affaires publiques : il
fe conduifir à la tete du gouvernement ,
comme on l'attendoit d'un homme de fon
caractère. Mais Ion goût dominant ne tarda
pas à le rappeller à la contemplation & à
la philofophie. Il s'e fonça dans les lieux
fàuvages & folitaires ; il erra parmi les tom-
beaux ; il fe livra à l'étude de la morale , de
la nature , de Panatomie & des mathéma-
tiques ; il confuma fa vie en expériences;
il fit difTbudre des pierres ; il exprima le
flic des plantes ; il diflëqua les animaux. Ses
imbécilles concitoyens le prirent alternati-
vement pour magicien & pour irîfenfe. Son
entrevue avec Hippocrate , qu'on avoit ap-
pelle pour le guérir , eft trop connue &
trop incertaine , pour que j'enfaflè mention
ici. Ses travaux & fon extrême fobriété
n'abrégèrent point {es jours. Il vécut près
d'un iiecle. Voici les principes généraux de
fa philofophie.
Logique de Démocrite. Démocrite difoit:
il n'exifte que les atomes & le vuide ; il
faut traiter le refte comme des fimulacres
trompeurs. L'homme eft loin de la vérité.
Chacun de nous a fon opinion ; aucun n'a la
feience. Il y a deux philofophies ; l'une feniï-
ble , l'autre rationelle ; il faut s'en tenir à la
première , tant qu'on voit , qu'on fent, qu'on
entend , qu'on goûte & qu'on touche ; il
ne faut pourfuivre le phénpmene à la pointe
de l'efprit , que quand il échappe à la portée
des fens. La voie expérimentale efl longue ,
mais elle eft sûre ; la voie du raifonnement
a le même défaut , & n'a pas la même
certitude.
D'où l'on voit que Démocrite s'étoit un
peu rapproché des idées de Xénophane en
métaphyfique , & qu'il s'étoit livré fins ré-
ferve à la méthode de phiiofopher de Leucip-
pe en phyfique.
Phyfiologie de Démocrite. Démocrite
difoit : rien ne fe fait de rien ; le vuide
& les atomes font les caufes efficientes de
tout. La matière eft un amas d'atomes , ou
n'eft qu'une vaine apparence. L'atome ne
naît point du vuide , ni le vuide de l'atome ;
les corps exiftent dans le vuide. Ils ne
aillèrent que par la combinaifon de leurs
élémens. Il faut rapporter l'efpaçe aux
ii E L E
atomes & au vuide. Tout ce qui eft plein
eft atome ; tout ce qui n'eft pas atome eft
vuide. Le vuide & les atomes font deux
infinis ; l'un en nombre , l'autre en étendue.
Les atomes ont deux propriétés primitives ,
la figure & la mafle. La figure varie à
l'infini ; la maffe eft la plus petite poffible.
Tout ce que nous attribuons d'ailleurs aux
atomes comme des propriétés , eft en nous.
Ils fe meuvent dans le vuide immenfe , où
il n'y a ni haut ni bas , ni commencement ,
ni milieu , ni fin : ce mouvement a toujours
été & ne ceffera jamais. Il fe fait félon une
direction oblique , telle que celle des graves.
Le choc & la cohéfion font des fuites de
cette obliquité & de la diverfité des figures.
La juftice , le deftin, la providence, font
des termes vuides de fens. Les actions réci-
proques des atomes , font les feules raifons
éternelles de tout. Le mouvement circu-
laire en efl un effet immédiat. La matière
eft une : toutes les différences émanent de
l'ordre , de la figure & de la combinaifon
des atomes. La génération n'eft que la co-
héfion des atomes homogènes : l'altération
n'eft qu'un accident de leur combinaifon ;
la corruption n'eft que leur féparation ;
l'augmentation , qu'une addition d'atomes ;
la diminution , qu'une fouftradion d'atomes-
Ce qui s'apperçoit par les fens , eft toujours
vrai 'y la doétrine des atomes rend raifon
de toute la diverfité de nos fènfations. Les
mondes font infinis en nombre : il y en a
de parfaits , d'imparfaits , de femblablcs >
ce dilîérens. Les efpaces qu'ils occupent ,
les limites qui les circonfcrivent , les inter-
valles qui les féparent , varient à l'infini.
Les uns fe forment , d'autres font formés ;
d'autres fe réfolvent & fe détruifent. Le
monde n'a point d'ame , ou l'ame du monde
e]t le mouvement ignée. Le feu eft un amas
d'atomes fphériques. Il n'y a d'autres diffé-
rences entre les atomes constitutifs de l'air ,
de l'eau & de la terre , que celle des mafles.
Les affres font des amas de corpufcules
ignées & légers , mus fur eux-mêmes. La
lune a fes montagnes , fes vallées & Ces
plaines. Le foieil eft un globe immenfe de
feu. Les corps céleftes font emportés d'un
mouvement général d'orient en occident.
Plus leur orbe eft voifin de la terre , plus
u fe meut lenteraenu Les comètes font des
E L E
amas de planètes fi voifines, qu'elles n'ex-
citent que la fenfation d'un tout. Si l'on
refferre dans un efpace trop étroit une
grande quantité d'atomes , il s'y formera un
courant ; fi l'on difperfe au contraire les
atomes dans un vuide trop grand pour leur
quantité , ils demeureront en repos. Dans
le commencement , la terre fut emportée
à travers l'immenfité de l'efpace d'un mou-
vement irrégulier. Elle acquit dans le temps
de la confiilance &c du poids ; fon mou-
vement fe ralentit peu à peu , puis il ceilà.
Elle doit fon repos à fon étendue & à
fa gravité. C'eft un vafte difque qui divife
l'eipace infini en deux hémifpheres , l'un
fupérieur , & l'autre inférieur. Elle reflé
immobile par l'égalité de force de ces deux
hémifpheres. Si l'on confidere la fection de
l'eipace univerfel relativement à deux points
déterminés de cet efpace , elle fera droite
ou oblique. C'eft en ce fens que l'axe de la
terre eft incliné. La terre eft pleine d'eau :
c'eft la diftributioa inégale de ce fluide
dans Ces immenies & profondes concavi-
tés , qui caufe& entretient fes mouvtmens.
Les mers décroiffent fans cefîè r & tariront.
Les hommes font fortis du limon & de
l'eau. L'ame humaine n'eit que la chaleur
des élémens du corps ; c'eft par cette cha-
leur que l'homme fe meut & qu'il vit. L'ame
eft mortelle ; elle fe diffipe avec le corps.
La partie qui réfide dans le cœur , réfléchit ,
penfe & veut ; celle qui eft répandue
uniformément par-tout ailleurs , fent ieu-
lement. Le mouvement qui a engendré les
êtres détruits , les réformera. Les animaux ,
les hommes & les dieux , ont chacun leurs
fens propres. Les nôtres font des miroirs
qui reçoivent les images des chofes. Toute
fenfation n'eft qu'un toucher. La diftinction
du jour & de la nuit eft une expreflion
naturelle du temps.
Théologie de Dermocrite. II y a des
natures compofées d'atomes très - fubtils r
qui ne fe montrent à nous que dans les
ténèbres. Ce font des fimulacres gigantes-
ques : la diffoîution en eft plus difficile &
plus rare que des autres natures. Ces êtres
ont des voix : ils font plus inftruits que
nous. Il y a dans l'avenir des événemens
qu'ils peuvent prévoir, & nous annoncer; les
,uns font bienfaifans, les autres malfaifans*
E L E
Ils habitant le vague des airs ; ils ont la figure \
humaine. Leur dimenfion peut s'étendre jus-
qu'à remplir des cfpaces immenfes. D'où
l'on voit que Démocrite avoit pris pour des
êtres réels les fantômes de Ton imagina-
' tion ; & qu'il avoit compofé fa théologie de
{es propres viiions ; ce qui étoit arrivé de Ton
temps à beaucoup d'autres , qui ne s'en dou-
tolem pas.
Morale de Démocrite. La fanté du corps
& le repos de l'ame font le fouverain bien
de l'homme. L'homme fage ne s'attache
fortement à rien de ce qui peut lui être
enlevé. Il faut le confoler de ce qui efl ,
par la contemplation du poflible. Le phi—
îofophe ne demandera rien, & méritera
tout; ne s'étonnera guère, & fe fera fou-
vent admirer. C'eft la loi qui fait le bien
& le mal , le jufte & l'injufte , le décent &
le déshonnête. La connoifïance du nécefîàire
efr. plus à délirer que la jouiffance du
fuperrlu. L'éducation fait plus d'honnêtes
gens que la nature. Il ne faut courir après
la fortune , que jufqu'au point marqué par
les befoins de la nature. L'on s'épargnera
bien des' peines & des entreprifes , fi l'on
connoît fes forces , & fi l'on ne fe propofè
rien au delà , ni dans fon domeftiquc , ni
dans la fociété. Celui qui s'eff. fait un
cara&ere , fait tout ce qui lui arrivera. Les
loix notent la liberté qu'à ceux qui en abu-
feroient. On neû point fous le malheur,
tant qu'on eft loin de l'injufiice : le méchant
qui ignore la difTolution finale , & qui a
la confcience de fa méchanceté , vit en
crainte , meurt en tranfe , & ne peut
s'empêcher d'attendre d'une juftice ulté-
rieure qui n'efl pas , ce qu'il a mérité de
celle qui eft & à laquelle il n'ignore pas qu'il
échappe en mourant. La bonne fanté eu
dans la main de l'homme. L'intempérance
donne de courtes joies & de longs dé-
plaifirs , &c.
Démocrite prit pour difcipïe Protagoras ,
un de (hs concitoyens ; il le tira de la
condition de portefaix , pour l'élever à
celle de philofophe. Démocrite ayant con-
. fidéré avec . des yeux méchaniciens l'ar-
tifice fingulier que Protagoras avoit ima-
giné pour porter commodément un grand
, fardeau , l'interrogea , conçut fur {es
réponfes bonne opinion de fon elprit ; &
E L E 13
fe l'attacha. Protagoras profefTa l'éloquence
& la philofophie. Il fit payer chèrement Ces
leçons : il écrivit un livre de la nature des
dieux , qui lui mérita le nom d'impie , &
qui l'expofa à des perfécutions. Son ouvrage
commençoit par ces mots : Je ne fais s'il
y a des dieux ; la profondeur de cette
recherche y jointe à la brièveté de la rie y
m'ont condamné à V ignorer toujours. Pro-
tagoras fut banni , & les livres recherchés ,
brûlés & lus. Punitis ingeniis glifcit auc-
toricas.
Ce qu'on nous a tranfmis de fa philo-
fophie , n'a rien de particulier ; c'eft la
métaphyfique de Xénophane , & la phyfi-
que de Démocrite.
Délêatique Diagoras de l'île de Melos ,
fut un autre impie. Il naquit dans la 38e
olympiade. Les défordres qu'il remarqua
dans l'ordre phyfique & moral , le déter-
minèrent à nier l'exiftence des dieux. Il ne
renferma point fa façon de penfer , malgré
les dangers auxquels il s'expofbit en la
laifïânt tranfpirer. Le gouvernement mit
fa tête à, prix. On éleva une colonne
d'airain , par laquelle on promettoit un
talent à celui qui le tueroit , & deux talens
à celui qui le prendroit vif. Une de (es
imprudences fut d'avoir pris , au défaut
d'autre bois , une ftatue d'Hercule pour
faire cuire des navets. Le vaiiîeau qui le
portoit loin de fa patrie , ayant été accueilli
par une violente tempête , les matelots,
gens fuperftitieux dans le danger , com-
mencèrent à fe reprocher de l'avoir pris fur
leur bord ; mais le philofophe leur mon-
trant d'autres bâtimens , qui ne couroienc
pas moins de danger que le leur , leur
demanda avec un grand fang - froid , fi
chacun de ces vaifîèaux portoit auffi un
Diagoras. Il difoiî dans une autre con-
joncture à un Samothrace de fes amis , qui
lui faifoit remarquer dans un temple de
'Neptune , un grand nombre d'ex vota
offerts au dieu par des voyageurs qu'il
. avoit fauves du naufrage , ,que les prêtres
ne feroîent pas fi fiers , fi l'on avoit pu
tenir regiflre des prières de tous les
honnêtes gens que Neptune avoit laiffê
périr. Notre athée donna de bonnes loix
aux Mantinéens 3 & mourut tranq^uilieiucnf
à Corinthe,
i4 E L E
Anaxarque d'Abdere fut plus fameux
par la licence de (es mœurs , que par (es
ouvrages. Il jouit de toute la faveur
d'Alexandre : il s'occupa à corrompre ce
jeune prince par la flatterie. Il parvint à Je
rendre inacceflible à la vérité. Il eut la
bafTefTe de le confoier du meurtre de
Clitus. An ignoras 9 lui difoit-il, jus Ùfas
Jovi ajjidere y ut quidquid rex agat y id
fas juflumque putetur. Il avoit long-temps
follicité auprès d'Alexandre la perte de
Nicocreon , tyran de l'île de Chypre. Une
tempête le jeta entre les mains de ce
dangereux ennemi. Alexandre n'étoit plus.
Nicocreon fit piler Anaxarque dans un
mortier. Ce malheureux mourut avec une
fermeté digne d'un plus honnête homme.
Il s'écrioit fous les coups de pilon : Anaxar-
çhi culeum y non Anaxarchum tundis. On
dit aufli de lui , qu'il fe coupa la langue
avec les dents . & qu'il la cracha au vifage
du tyran.
ELEAZAR, (-7//?./^r.)froifiemefils
d'Aaron , & fon fucceflèur dans la dignité
de grand-prêtre , nomb. XX y z&. Le fou-
verain pontificat demeura dans fà famille
jufqu'au temps du grand-prêtre Héli , qui
étoit de la famille d'Ithamar. (-f-)
ElÉAZAR , ( Hifl. facr. ) fils d'Abina-
dab , à qui l'on confia la garde de l'arche
du Seigneur , lorfqu'elle fut renvoyée par
}es Philiftihs. L'écriture dit qu'on confacra
Eléa^ar pour être le gardien de l'arche
du Seigneur, foit que cette confécration
fut .une fimple deftination à cet emploi ,
foit qu'on lui donnât l'onction facerdotale,
ou qu'on l'obligeât à fe purifier pour re-
cevoir chez lui ce dépôt làcré. (4-)
ElÉAZAR, ( Hifl. facr.) fils d'Aod ,
frère d'Ifaï , un des trois braves qui
traverferent avec impétuofité le camp des
ennemis du peuple de Dieu , pour aller quérir
au roi David de l'eau de la citerne qui
étoit proche la porte de Bethléem. Une
autre fois , les Ifraélites , faiiis d'une frayeur
fubite , à la vue de l'armée nombreufe
des Philifhns , prirent lâchement la fuite ,
& abandonnèrent David. Eléa\ar feul ar-
rêta la fureur des ennemis , & en fit un fi
grand carnage , que fon épée fe trouva collée
à fà main, (-f-)
pLÉAZAR , ( Hifl. facr. ) furnommé
E L E
Âuran ou 'Abaron, frère des Maccha-
bées , étoit le dernier des cinq fils de
Mathatias. Dans la bataille que Judas livra
à l'armée d'Antiochus Eupator , Eléa\ar 9
appercevant un éléphant plus grand & plus
richement enharnaché que les autres, &
s'imaginant que ce pouvoit être celui du
roi , réfolut de fauver fon peuple , & de
s'acquérir un nom immortel ; /. Mac. ij9
44- Il fe fif donc jour à travers les plus
épais bataillons , fe coula fous le ventre
de l'éléphant , & le tua à coups d'épée ;
mais ayant été accablé fous le poids de
l'animal , il fut enfèveli fous fon propre
triomphe. On efl partagé fur l'action d'J?-
lca\ar , & le motif qui l'y a ' porté : les
uns 1'accufent d'avoir été lui-même caufè
de fa mort par un motif de vaine gloire :
les autres , avec plus de raifon , louent
fon action comme l'effet d'un courage
héroïque. C'efl en effet un citoyen qui
s'expoie à un grand péril pour le falut de
fon peuple , mais non à une mort véri-
table , puifqu'il pouvoit arriver que la bête
tombât de telle manière , qu'il eût le temps
de fe retirer. Il y auroit plus de difficulté
fur le fécond motif que l'écriture femble
lui attribuer , qui étoit d'acquérir un nom
immortel, mais pour juffifier l'expreffion ,
il n'eft pas nécefTaire qu'Eléa^ar ait ctté
pouffé formellement par ce motif, il fùffit
que fon a&ion dût lui acquérir un grand
nom chez la pofférité. (-f-)
ELÉAZAR, ( Hifl. facr.) l'un des prin-
cipaux docteurs de la loi chez les Juifs,
qui fouffrit la mort dans la perfécution
d'Antiochus Epiphanes. Ce prince voulut
l'obliger de violer la loi , en mangeant
de la chair de porc ; mais ce vénérable
vieillard lui ayant réfiffé courageufement ,
Antiochusle fit cruellement fouetter, Ceux
qui étoient préfens , touchés d'une corn-
paflion injufte , propoferent au faint martyr
de feindre de manger les viandes immo-
lées aux idoles , pour s'arracher au fup-
plice ; mais Elt'a^ar eut horreur d'un tel
confeil » & refufa de conferver fa vie par
cette lâcheté criminelle ; & les bourreaux
ayant continué de le tourmenter , il ex-
pira entre leurs mains. II. Mac. vj 3
ELÉAZAR , ( Hifl. facr. ) fils d'Oniaç
E L E
premier , & frère de Simon , furnommé
le Jufte y fuccéda à Ton frère dans la
ibuveraine facrificature , parce qu'Onias ,
fon neveu , éroit encore trop jeune pour
l'exercer. Ptolémée Philadeiphe , roi d'E-
gypte , lui envoya cent mille Juifs qui
étoient captifs dans fon royaume , & le
pria par des lettres obligeantes , accom-
pagnées de riches préfens, de lui com-
muniquer les loix des Juifs. Ce pontife lui
envoya LXXII favans de fa nation , qui
traduifirent la Bible d'hébreu en grec ; &
c'eft la verfion qu'on nomme ordinairement
des Septante.
Il eft fait mention dans l'écriture de plu-
fteurs autres Eléa^ars y dont on ne connoîr
que le nom. (-{-)
ELECTEURS, f. m. pi. {Hifloire &
droit public d'Allemagne. ) On donne ce
nom en Allemagne à des princes qui font
en pofleffion du droit d'élire l'empereur.
laes auteurs ne s'accordent pas fur l'origine
de l'a dignité électorale dans l'Empire.
Pafquier dans fes recherches } croit qu'après
l'extinction de la race des Carlovingiens ,
l'élection des empereurs fut commife à fix
des princes les plus confidérables de l'Alle-
magne , auxquels on ajoutoit un feptieme en
cas que les voix fufTent partagées également.
Quelques-uns prétendent que l'inftitution
des électeurs doit être rapportée au temps
d'Othon III , d'autres au temps d'Othon
IV , d'autres à celui de Frédéric II. Il s'eft
aufiî trouvé des écrivains qui ont cru que
c'étoit le pape de qui les électeurs dérivoient
leur droit ; mais c'eft une erreur , attendu
que le fouverain pontife n'ayant jamais eu
aucun droit fur le temporel de l'Empire ,
n'a jamais pu conférer le privilège d'élire
un empereur. Le fentiment le plus vrai-
femblable , eft que le collège électoral prif^
naifTance fous le règne de Frédéric II , &
qu'il s'établit du confentement tacite des
autres princes & états de l'Empire , qui
avoient lieu d'être fatigués des troubles , de
la confufion & de l'anarchie qui depuis
long - temps agitoient l'Allemagne ; ces
malheurs étoient des fuites nécefîaires des
longs interrègnes qui arrivoient lorfque l'é-
lection de l'empereur fe faifoit par tous
les états de l'Empire. Cependant il y a des
jouteurs qui prétendent que les électeurs fe
E L E 1 5
font arrogé pour toujours un droit qui ne
leur avoit été originairement déféré que
par la néceffité des circonftances & feule-
ment pour un temps , & que toutes choies
étant rentrées dans l'ordre , les autres états
de l'Empire devroient aufli rentrer dans
le droit de concourir à donner un chef à
l'Empire. Ce qu'il y a de certain y c'eft que
la bulle d'or eft la première loi de l'Empire
qui fixe le nombre des électeurs , & aflîgne
à chacun d'eux (es fondions : par cette loi
le nombre eft fixé à fept , dont trois
eccléfiaftiques , & quatre laïques. Mais en
1648 , par le traité de Weftphalie on créa
un cinquième électorat féculier en faveur
du duc de Bavière ; enfin en 1692 , on
en créa un fixieme en faveur du» duc de
Brunswick-Lunebourg , fous le nom à'élec->
torat de Hannovrc ; mais ce prince ne fut
admis fans contradiction dans le collège
électoral qu'en 1708 ; de forte qu'il y a
préfentement neuf électeurs } trois ecclé-
fiaftiques ; favoir , ceux de Mayence , de
Trêves & de Cologne , & fix féculiers qui
font , le roi de Bohême , le duc de Ba-
vière , le duc de Saxe , le Margrave de
Brandebourg , le comte Palatin du Rhin ,
& le duc de Brunswick-Hannovre. Ces
électeurs font en pofteffion des grands offi~
ces de l'Empire qu'on appelle archi-ojficia
Imptrii.
\1 électeur de Mayence eft archi- chan-
celier de l'Empire en Germanie. \J électeur
de Trêves a le titre d'archi-chancelier de
l'Empire pour les Gaules & le royaume
d'Arles j Sélecteur de Cologne eft archi-
chancelier de l'Empire pour l'Italie. Ces
trois électeurs font archevêques.
Le roi de Bohême eft archi-p'mcerna y
c'eft-à-dire, grand échanfon de l'Empire^
V électeur de Bavière eft archi-dapifer y
grand -maître d'hôtel. Sélecteur de Saxe'
eft archi - marefcallus ? grand - raaréchaL
Uélecteur de Brandebourg eft archi-came-
rarius y grand - Chambellan.- \J électeur
Palatin eft archi - thefaurarius , grand—
tréforier de FEmpire. Quant à ïeleâeur
de Hannovre , on ne lui a point encore
affigné d'office. Il y a tout lieu de- croire
que la dignité électorale ou le droit d'élire?
l'empereur n'a été attaché aux grands
offices de la couronne , que parce qu#
\i E L E
dans les commencemens c'étoient les grands I
officiers qui înnonçoient l'élection qui avoit '
été laite par tous les états de l'Empire. Le
jour du couronnement , les eleâeurs font
tenus d'exercer leurs fondions auprès de
l'empereur par eux-mêmes ou par leurs
fubftituts , dont les offices font héréditaires
dans certaines familles. Voy. l'art. EMPE-
REUR , où l'on trouvera les formalités qui
fè pratiquent à l'élection & au couronnement
d'un empereur.
Les électeurs eccléfiaftiques parviennent
à la dignité électorale par le choix d.es
chapitres qui en élifant un archevêque , le
font électeur; d'où l'on voit que fouvent
un fimple gentilhomme qui eït chanoine
d'une des trois métropoles de Mayence ,
de Trêves , ou de Cologne , peut parvenir
à cette éminente dignité. Pour que les
électeurs ecclénafhques piaffent jouir du
droit d'élire un empereur , il fuffit qu'ils aient
été élus ou pofîulés légitimement , fans qu'il
foit befoin d'attendre la confirmation du
pape.
Les électorats feculiers s'acquièrent par
le droit de naiffance : ils font héréditaires , ne
peuvent fe partager , mais appartiennent en
entier aux premiers nés des maifons électora-
les ; ils font majeurs à l'âge de 18 ans , &
durant leur minorité , c'eft le plus proche
des agnats qui eft leur tuteur.
Les électeurs forment le corps le plus
augufre de l'empire ; on le nomme le collège
électoral. Voyez cet article 9 & l'article
DlETE. Ils jouifîent d'un grand nombre
de prérogatives très-conlidérables qui les
mettent au delfùs des autres princes d'Al-
lemagne. i°. Ils ont le droit d'élire un
empereur & un roi des Romains , feuls
& fans le concours des autres états de
l'Empire. 2.°. Ils peuvent s'afîembler pour
former une diète électorale , & délibérer
de leurs afTiires particulières & de celles
de tout l'Empire, fans avoir befoin pour
cela du confentement de l'empereur. 3°. Us
exercent dans leurs électorats une jurif-
diction fouveraine fans que leurs vallàux &
fujets puifîènt appeller de leurs dédiions
aux tribunaux de t'Empire , c'eft-à-dire , à
la chambre impériale & au confeil aulique ,
c'efl ce qu'on appelle en Allemagne privi-
legium de non appellando. 40. L'empereur
E L E
ne peut pas convoquer la diète fans le
confentement du collège électoral, qui lui
eft aufli néceilaire dans les affaires prei-
{ées &c qui ne foufrrent point de délai. 50.
Chaque électeur a le droit de préfenter
deux afTefîeurs ou juges de la chambre im-
périale. 6°. Les électeurs font exempts de
payer des droits à la chancellerie impé-
riale , lorfqu'ils prennent l'inveiiiture de
leurs états.
Les électeurs prétendent marcher de pair
avec les têtes couronnées , & même ils ne
cèdent point le pas aux rois à la cour de
l'empereur ; ils ont le droit d'envoyer des
ambafîàdeurs. L'empereur , quand il leur
écrit , traite les ^électeurs ecclefialtiques de
neveux } & les feculiers d'oncles. Us veulent
être feuls en droit de drefTer les articles
de la capitulation impériale : mais ce droit
leur eft conteflé par les autres princes &
états de l'Empire ; cependant julqu'à pré-
fent ils en font demeurés en pofTellion. V.
Capitulation Impériale.
Outre ces privilèges qui (ont communs à
tous les électeurs, il y en a encore d'autres
qui font particuliers à chacun d'eux , & que
l'on peut voir dans les auteurs qui ont écrit
fur le droit public d'Allemagne. V. Vitriarii
Injiitut. juris publ.
Les attributs de la dignité électorale , font
le bonnet & le manteau fourrés d'hermine ,
l'épée, & la crofTe pour les eccléiiafHques,&c.
On leur donne le titre d'altejje électorale.
Le fils aine d'un électeur féculier le nomme
prince électoral. (— )
ELECTEUR, f. m. (Jurif prudence. ) efl
celui qui donne fon fuffrage pour l'élection
qui fe fait de quelque perfonne , foit pour
un bénéfice , foit pour un office , eommif-
fion , ou autre place. Voye\ ci-après ELEC-
TION. (A)
ELECTIF, adj. {Hifi. mod.) chofe qui
fe fait ou qui fe pane par élection. Voye\
Election.
L'empire d'Allemagne étoit héréditaire
du temps de Charlemagne & de [es fucce£-
feurs jufqu'à la mort de l'empereur Louis
IV , en 912.. L'Empire commença dès-lors
à être électif en la perfonne de Conrad
I , & depuis ce temps-la l'Empire ,• quoique
quelquefois héréditaire , fut cenfé électif 9
parce que les fils ne fuccédoient à ïems
pères
E L E
pères que du confentement du corps ger- J
manique. D'ailleurs cette dignité paffa en
différentes imifons, fans égard au prétendu
droit de fucceffion. Jufqu'au temps de
l'empereur Frédéric II, en 121 2, l'Empire
a toujours été électif , jufqu'à ce que la
maiibn d'Autriche , en le laiflant tel en
apparence , l'ait rendu réellement hérédi-
taire, comme on l'a vu depuis Charles-
quint jufqu'à Charles VI.
Il y a des bénéfices électifs. Les charges
municipales font généralement électives en
Angleterre, 6k vénales en Efpagne. La
Pologne eft un royaume électif. Avant le
concordat , les évêchés étoient électifs en
France , 6k font maintenant à la nomi-
nation du roi, &c. Chambers 6k Trév. {G)
ELECTION , (Arithm. &Alg.) dans
les nombres 6k les combinaifons, eft la
différente manière de prendre quelques
nombres ou quantités données, ou féparé-
ment , ou deux à deux , ou trois à trois ,
fans avoir égard à leurs places. Ainfi les.
quantités a> h9 c, peuvent être prifes
de fept façons différentes , comme a b c ,
A b; a'C) b c , 6k a, b , c. Voye^
Combinaison , Alternation, Per-
mutation. (O)
Election, eleclio en Théologie ,
fîgnifie quelquefois prédestination à la
grâce & à la gloire , 6k quelquefois à la
grâce feulement, ou à la gloire feulement.
V. Prédestination.
C'eft un article de foi , que Sélection à
la grâce eft purement gratuite 6k abfolu-
inent indépendante de la prévifion des
mé itesdel homme. Mais c'eft une queftion
fur laquelle les Théologiens font partagés,
que de favoir fi Yéleclion à la gloire eft
antécédente ou conféquente à la prévifion
des mérites de l'homme.
Ceux qui founennent qu'elle eft confé-
quente à cette prévifion, ont pour eux
plufieurs textes de l'Ecriture qui paroiiTent
décififs. Leurs adverfaires trouvent dans la
tradition , 6k fur-tout dans les écrits de
S. Auguftin , un grand nombre de paffages
favorables à ï élection antécédente à la
prévifion de nos bonnes œuvres : c'eft ce
qu'on appelle en termes d'école, eleclio
ou preedeftinatio ante vel pofi prœvifa
mtrua, Voy. PRÉDESTINATION. (G)
Tome XII.
E L E 17
Election impériale. Voy, Empe-
reur & Electeurs.
Election d'ami ou en ami. (Jurifp.)
cetermeeft ufité dans quelques provinces
pour exprimer la déclaration que celui qui
paroît être acquéreur ou adjudicataire d'un
immeuble, fait du nom du véritable acqué-
reur pour éviter doubles droirs feigneu-
riaux. Le ftyle ufité dans quelques provin-
ces eft que l'acquéreur ou adjudicataire dé-
clare dans le contrat ou dans l'adjudica-
tion qu'il acquiert pour lui , fon ami élu ou
à élirez ce qu'il ftipule ainfi , afin de pou-
voir faire enfuite fon élection en ami ou
déclaration du nom de celui au profit
duquel l'acquifition doit demeurer. Les
élections en ami font ufirées dans toutes
les adjudications de biens qui f© font par
juftice, ces fortes d'adjudicationsTe faifant
toujours à un procureur, lequel à î'inftant
ou par un acte féparé déclare que l'adjudi-
cation à lui faite eft pour un tel : ces
élections en ami ont auffi lieu dans les
ventes volontaires.
Au moyen de la déclaration ou élection,
en ami , il n'y a qu'une vente , 6k il n'en
eft point dû doubles droits ; mais il faut
pour cela que Yéleclion en ami ou déclara-
tion foit faite dans le temps fixé par la
loi , coutume ou ufage des lieux ; autre-
ment la déclaration feroit regardée comme
une revente qui produiroit de nouveaux
droits au profit du feigneur. Suivant le
préfident Faber, l'acquéreur ou adjudica-
taire ne doit avoir que quarante jours pour
faire fa déclaration , conformément aux
loix du code, liv. IV. tit. 50. Siquis alteri
velfibifub alterius nomine vel alidpecunid
emerit. Dans quelques endroits, l'acqué-
reur a un an pour faire Yéleclion en ami\
dans d'autres , deux ans ou plus. [A)
Election en matière bénéfi-
CIALE , {Jurifp.) eft le choix qui eft fait
par plufieurs perfonnes d'un eccléiiaftique,
pour remplir quelque bénéfice , office ou
dignité eccléfiaftique.
Cette voie eft la plus ancienne de tou-
tes celles qui font ufitées pour remplir ces
fortes de places , 6k elle remonte jufqu'à
la naiflance de l'Êglife.
La première élection qui fut faite de
cette efpece , fut après l'afcenfion de J. C.
i8
E L E
Les apôtres s'étant retirés dans !e cénacle
avec les autres difciples , lafainre Vierge,
les faintes femmes , 6k les parens du Sei-
gneur , S. Pierre leur propofa d'élire un
apôtre à la p'ace de Judas. Après avoir
invoqué le Seigneur, ils tirèrent au fort
entre Barnabas 6k Matthias , ck le fort
tomba fur ce dernier. L'afTemblée cù
cette élection fut faite, eu comptée pour
le premier concile de JérufaJem : tous les
fidèles , même les femmes eurent part à
Yéleciion.
Au fécond concile de Jérufalem, tenu
dans la même année , on fit Yéleciion des
premiers diacres.
Ce fut aufli dans le même temps ck par
voie (Yéleciion, que S. Jacques , furnommé
h Mineur ou le Jufie , fut établi premier
évêque de Jérufalem.
A mefure que l'on établit des évêques
dans les autres villes, ils furent élus de la
même manière , c'eft-à-dire par tous les
fidèles du dioeefe afïemb'és à cet effet,
tant le clergé que le peuple. Cette voie
parut d'abord la plus naturelle ck la plus
canonique pour remplir les fîeges épifeo-
paux , étant à préfumer que celui quiréu-
niroit en fa faveur la plus grande partie
de ftiffrages du clergé 6k du peuple , feroit
le plus digne de ce miniftere, 6k qu'on
lui obéiroit plus volontiers.
Optât dit de Cécilien, qui fut évêque
de Carthage en 311, qu'il avoit été choifi
par les fufFrages cle tous les fidèles.
Ce fut le peuple d'Alexandrie qui voulut
avoir S. Athanafe, lequel fut fait évêque
de cette ville en 316; 6k ce faint prélat
dit, en parlant de lui-même, que s'il
avoit mérité d'être dépofé , il auroit fallu ,
fuivant les conftitutions eccléfiaftiques ,
appeller le clergé 6k le peuple pour lui
donner un fuccefTeur.
S. Léon , qui fut élevé furie faint fiege
en 440, dit qu'avant de confacrer un
évêque, il faut qu'il ait l'approbation des
eedéfiaftiques , le témoignage des per-
fonnes diftinguées , 6k le confentement du
peuple.
S. Cyprien qui vivoit encore en 54^ ,
veut que Ton regarde comme une tradi-
tion apoftolique , que le peuple ailifte à
X élection de l'évêque , afin qu'il connoiffe
E L E
la vie , les mœurs 6k la conduite de celui
quejes évêques doivent confacrer.
Cet ufage fut obfervé tant en Orient
que dans l'Italie , en France ck en Afrique :
le métropolirain 6k les évêques de la pro-
vince afîiftoient à Yéleciion de l'évêque ;
6k après que le clergé 6k le peuple s'éioient
choifi un pafteur , s'il éroit jugé digne de
Pépifcopat, il étoit facré par le métropo-
litain qui avoit droit de confirmer Yélec-
tion. Celle de métropolitain étoit confir-
mée par le patriarche ou par le primat,
6k Yéleciion cle ceux-ci étoit confirmée par
les évêques afTemblés comme dans un con-
cile ; le nouvel évêque, aulTi tôt après fa
confécration , écrivoit une lettre au pape
pour entretenir l'union de fon églife avec
celle de Rome.
L'élection des évêques fut ainfi faite par
le clergé 6k le peuple pendant les douze
premiers fiecles de l'Eglife. Cette forme
fut autorifée en France par plufieurs conci-
les, notamment par le cinquième concile
d'Orléans en 549 , par un concile tenu à
Paris en 614; 6k Yves de Chartres allure
dans une de fes lettres , qu'il n'approuvera
pas Yéleciion qui avoit été faite d'un évêque
de Paris , à moins que le clergé 6k le
peuple n'ait choifi la même perfonne , 6k
quelemétropolitaincklesévêquesnel'aient
approuvée d'un confentement unanime.
On trouve néanmoins beaucoup d'exem-
ples dans les premiers fiecles de l'Eglife ,
d'évêques nommés fans élection', le concile
de Laodicée défendit même que l'évêque
fût élu par le peuple.
Il y eut aufîi un temps où les élections
des évêques furent moins libres en Francej
mais elles furent rétablies par un capitulaire
de Louis le Débonnaire de l'an 822 , que
l'on rapporte au concile d'Aftigni ^'igno-
rant pas, ditl'empereur, lesfacrés canons,
6k voulant que l'Eglife jouiffe de fa liberté,
nous avons accordé que les évêques foient
élus par le clergé 6k par le peuple , 6k pris
dans le dioeefe , en considération de leur
mérite 6k de leur capacité, gratuitement
6k fans acception de perîonnes.
Les religieux avoient part à Yéleciion
de l'évêque, de même que les autres eedé-
fiaftiques, tellement quele vingt-huitième
1 canon du concile de Latran tenu en 1 139 %
E L E
défend aux chanoines (de la cathédrale)
fous peine d'anathême, d'exclure de Y élec-
tion de févêque les hommes religieux.
Il faut néanmoins obferver que dans
les temps même où les évêques étoient
élus par le confentement unanime du
clergé, des moines , ck du peuple, les>
fouverainsavoient dès-lors beaucoup de
part aux élections, foit parce qu'on ne
pouvoir faire aucune affemb'ée fans leur
permifïïon , foit parce qu'en leur qualité
de fouverains ck de protecteurs de l'Eglife
ils ont intérêt d'empêcher qu'on ne mette
point en p!ace fans leur agrément , des
perfonnes qui pourraient être fufpev5r.es; le
clergé de France a toujours donné au
roi dans ces occafions des marques du
refpect qu'il lui devoit.
On trouve dès le temps delà première
race , des preuves que nos rois avoient
déjà beaucoup de part à ces élections.
Quelques auteurs prétendent que les rois
de cette race conféroient les évêchés à
rexclufion du peuple ck du clergé , ce qui
paroît néanmoins trop général. En effet ,
les lettres que Dagobert écrivit au fujetde
l'ordination de Saint-DizierdeCahors, à
S. Sulpice ck aux autres évêques de la
province , font mention exprefle du con-
fentement du peuple; ck dans les conciles
de ce temps on recommandoit la liberté
des élections , qui étoit fouvent mal obfer-
vée ; ainfi l'ufage ne rut pas toujours uni-
forme fur ce point.
Il eft feulement certain que depuis Clo-
vis jufqifen 590 , aucun évêquen'étoit inf-
talté,finon pari'ordreoudu confenxement
du roi.
Grégoire de Tours qui écrivoit dans
le même fiecle , fait fouvent mention du
confentement ck de l'approbation que les
rois de la première race donnoient aux
évêques qui avoient été élus par le clergé
ck par le peuple ; & Clotaire II , en confir-
mant un concile de Paris qui déclare nulle
la consécration d'un évêque faite fans le
confentement du métropolitain, des ecclé-
iîaftiques ck du peuple, déclara que celui
qui avoir été ainfi élu canoniquement, ne
devoir être facré qu'après avoir obtenu
l'agrément du roi.
Dans les formules du moine Marculphe
E L E t^
qui vivoit clans le feptieme fiecle , il y
en a trois qui ont rapport aux élections,
La première eft l'ordre ou précepte par
lequel le roi déclare au métropolitain ,
qu'ayant appris la mort d'un tel évêque,
il aréfolu, de l'avis des évêques ck des
grands , de lui donner un tel pour fuc-
cefleur. La féconde eft une lettre pour
un des évêques de la province. La troi-
fieme eft la requête des citoyens de la
ville épifcopale, qui demandent au roi
de leur donner pour évêque un tel dont
ils connoiiîent le mérite; ce qui fuppofe
que l'on attendoit le confentement du
peuple , mais que ce n'étoit pas par forme
(Y élection.
Il y eut même fous la première race
plufieurs évêques nommés par le roi fans
aucune élection précédente, comme S.
Amant d'Utrecht ck S. Léger d'Autun.
La formule du mandement que le roi faifoit
expédier fur cette nomination , eft rap-
portée par Marculphe. Il y eft dit que le
roi, ayant conféré avec les évêques ck prin-
cipaux officiers de fa cour , avoir choiii
un tel pour remplir le fiege vacant.
Cette manière de pourvoir aux évêchés
étoit quelquefois néceftaire, pour empê-
cher les brigues ck la fimonie : c'étoit
aufli fouvent la faveur feule qui détermi-
noit la nomination.
Charlemagne ck Louis le Débonnaire
firent tous leurs efforts pour rétablir
l'ancienne difcipline fur les élections. Le
premier difpofa néanmoins de plufieurs
évêchés, par le confeil des prélats ck des
grands de fa cour, fans attendre Sélec-
tion du clergé ck du peuple. Plufieurs
croient qu'il en ufa ainfi du confentement
de l'Eglife , pour remédier aux maux dont
elle étoit alors affligée : il rendit même
à plufieurs églifes la liberté des élections ,
par des actes exprès.
Il y eut fous cetre féconde race plu-
fieurs canons ck capitulaires , faits pour
conferver l'ufage des élections ; mais ce
futtoujours fans donner atteinte aux droits.
On tenoit alors pour principe qu'en cas
de trouble ck d'abus le roi pouvoit nom-
mer à l'évêché; tellement que l'évêque-
vifiteur avertiiToit ceux qui dévoient élire,
que s'ils fe laiffoient féduire par quelque
C z
20 E L E
moyen injufte, l'empereur nommeroit !
fans contrevenir aux canons.
Les choies changèrent bien de forme
fous ia troïfieme race ; les chapitres des
cathédrales s'attribuèrent le droit d'élire
feuls les évêques, privativement au refte
du clergé & au peuple. Au commence-
ment du xiij fiecle ils étoient déjaenpof-
ELE
déterminoient que par le mérite du fujefv
L'évêquechoififfoit ordinairement deb prê-
tres &t des clercs entre les plus faints
moines; les abbés y confentoient pour le
bien général de l'Eglife, qu'ils préféroient
à l'avantage particulier de leur monaftere.
Il y avoit dans le xij fiecle une grande
confufîon dans les élections pour les pré-
feffion d'élire ainfi feuls l'évêque & les latures; chaque églifè avoit fes règles Se
métropolitains; de confirmer feuls Yélec- i fes ufages, qu'elle changeoit félon les bri-
//o/z, fans appeller leurs furfragan^, comme i gués qui prévaloient.
il paroît par le concile de Latran , tenu
en i2i5.Les papes, auxquels ons'adref-
foit ordinairement lorfqu'ii y avoit contef-
tation fur la confirmation des évêques,
firent de ce droit une caufe majeure
réfervée au faint fiege : les droits du roi
furent cependant toujours confervés.
Lorfque Philippe Augufte partit pour
fon expédition d'outre-mer, entre les
pouvoirs qu'il laiiTa pour la régence du
royaume à fa mère & à l'archevêque de
Rheims , il marqua fpécialement celui
d'accorder aux chapitres des cathédra-
les la permiffion d'être un évêque.
S. Louis accorda le même pouvoir à
la reine fa mère , lorfqu'ii l'établit régente
du royaume. Il ordonna cependant parla
pragmatique fanclion qu'il fit dans le même
temps, en 1268, que les églifes cathé-
drales & autres auroient la liberté des
élections.
\2 élection des abbés étoit réglée fur les
mêmes principes que celle des évêques.
Les abbés étoient élus par les moines du
monaftere qu'ils dévoient gouverner. Ils
étoient ordinairement choifis entre les
moines de ce monaftere ; quelquefois néan-
moins on les choififToit dans un monaftere
voifin, ou ailleurs. Avant de procédera
Xélection , il falloit obtenir le confen-
tement du roi; ÔC celui qui étoit élu
abbé , ne pouvoit aufli avoir l'agrément
du roi, avant d'être confirmé & béni
par l'évêque.
Les autres bénéfices j offices & dignités
étoient conférés par les fupérieurs ecclé-
fiaftiques; favoir les bénéfices féculiers
parl'évêque , ck les réguliers par les abbés,
chacun dans leur dépendance. Les uns &
les autres n agii;oient dans leur choix
Ce fut pour remédier à ces défordres,1
que le quatrième concile de Latran , tenu
en 121 5, fit une règle générale, fuivant
laquelle on reconnoît trois formes diffé-
rentes d'élections , qui font rapportées
aux décrétales , liv. I. tit. vj. capit, Quia
pr opter.
La première eft celle qui fe fait par
ferutin.
La féconde eft de nommer des corn-
miffaires , auxquels tout le chapitre donne
pouvoir d'élire en fon lieu & place.
La troifieme forme d'élection eft celle:
qui fe fait par une efpece d'infpiration
divine, lorfque par acclamation tous les
électeurs fe réunifient pour le choix d'un
même fujet.
Ce même concile de Latran , celui de
Bourges en 1276, celui d'Aufch en 1300 y
les conciles provinciaux de Narbonne ÔC
de Touloufe, tenus à Lavaur en 1368»
déclarent nulle toute élection faite par abus
de l'autorité féculiere ou eccléfiaftique.
La liberté des élections ayant encore
été troublée en France par les entreprifes
des papes, fur-tout depuis que Clément V.
eut transféré le faint fiege à Avignon r
le concile de Confiance en 141 8 , &c
celui de Balle en 143 1 , tentèrent toutes
fortes de voies pour rétablir l'ancienne
difeipline.
Les difficultés qu'il y eut par rapport à
ces conciles , firent que Charles VII con-
voqua à Bourges en 1438 une affemblée
de tous les ordres du royaume , dans la-
quelle fut drefiee la pragmatique fanclion ,
laquelle entr'autres chofes rétablit les élec-
tions dans leur ancienne pureté. L'affem-
blée de Bourges permit aux rois &C aux
princes de leur fang, d employer leurs.
qu'avec connoifïance de caufe 3 ôc ne fe i recommandations auprès des électeurs, ea
E L E
faveur des personnes qui auroient rendu
fervice à l'état.
Nos rois continuèrent en effet d'écrire
des lettres de cette nature, & de nom-
mer des commiiTaires pour affifter à IV-
leclion.
Les papes cependant firent tous leurs
efforts pour obtenir la révocation de la
pragmatique , aind qu'on le dira au mot
Pragmatique.
Enfin en 1 5 1 6 François I , voulant pré-
venir les fuites fâcheufes que tes difTérens
de la cour de France avec celle de Rome
pouvoient occafioner , fit avec Léon X,
une efpece de tranfaétion , connue fous le
nom de concordat.
On y fait mention des fraudes èk des
brigues qui fe pratiquoient dans les élec-
tions, & il eft dit que les chapitres des
églifes cathédrales de France ne procéde-
ront plus à l'avenir, le fiege vacant, à
X élection de leurs évêques ; mais que le
roi fera tenu de nommer au pape , dans
les fix mois de la vacance, un dofteur
ou licencié en théologie ou en droit cano-
nique, âgé de 27 ans au moins, pour en
être pourvu par le pape ; que fi la per-
sonne nommée par le roi n'a pas les qua-
lités requifes , le roi aura encore trois mois
pour en nomme^un autre , à compter du
jour que le pape aura fait connoitre les
caufes de réeufation; qu'après ces trois
mois il y fera pourvu par le pape ; que
les élections qui fe feront au préjudice de
ce traité, feront nulles; que les parens
du roi , les perfonnes éminentes enfavoir
& en doctrine , ck les religieux mendians,
ne font point compris dans la rigueur de
cet article; que pour les abbayes & prieu-
rés conventuels vraiment électifs , il en
fera ufé comme aux évêchés , à l'exception
de l'âge , qui fera fixé à vingt-trois ans ;
que fi le roi nomme aux prieurés un iécu-
lier ou un religieux d'un autre ordre , ou
un mineur de vingt-trois ans , le pape fe
réferve le droit de le refufer , & d'en
nommer un autre après les neuf mois
pafîes, en deux termes, comme dans le?
évêchés. Il eft dit que l'on n'entend paf
néanmoins déroger par cer article , aux
privilèges dont jouifTent quelques chapitres
.& quelques monafteres qui le font main-
E L E îi
tenus en pofîefïïon d'élire leurs prélats &
leurs Supérieurs, en gardant la forme pref-
crite par le chapitre Quia pr opter.
Sur la manière dont le roi en ufe pour
les nominations, j'oy.EvÊCHÉS & NO-
MINATION ROYALE.
Le clergé de France a renouvelle en
plufieurs occasions fes vœux pour leréta-
bliflement des élections à l'égard des évê-
chés, abbayes &: autres prélatures, comme
on le voit dans le cahier qu'il préfenta
aux états d'Orléans en 1560; dans celui
qu'il drefTa pour être préfenté aux états
de Blois , dans le concile de Rouen en
1 581 , celui de Rheims en 1 583 , le cahier
de l'afïemblée générale du clergé en 1 595,
& celui de i'afïémblée de 1605.
L' 'article ter. de l'ordonnance d'Orléans,
en 1 560 , porte que les archevêques &
évêques feront déformais élus & nommés;
fa voir , les archevêques par les évêques de
la province & par le chapitre de la mé-
tropole; les évêques, par l'archevêque,
les évêques de la province , <k les cha-
noines de l'égliié cathédrale appelles avec
eux, douze gentilshommes qui feront élus
par la nobleffe du diocefe, & douze
notables bourgeois élus en l'hôtel de la
ville archiépifcopale ou épifcopale : tous
lefquels s'accorderont de trois perfonnages
de qualités requifes , âgés au moins de
trente ans, qu'ils préfenterontàSa Ma-
jefté qui choifira l'un des trois.
L'exécution de cette ordonnance a été
commandée par Y art. 3 G de celle de
Roufîillon; cependant cet article de l'or-
donnance d'Orléans & plufieurs autres
ne s'obfervent point.
Ainfi les évêchés ne font plus électifs.'
A l'égard des abbayes, toutes celles
qui étoient électives , font affujetties par
le concordat à la nomination royale , à
i'exceptien feulement des chefs d'ordre &C
des quatre filles de Cîteaux. On fuit en-
core dans ces abbayes , pour les élections^
les règles preferites par la pragmatique
fanction.
Pour ce qui eft des dignités des cha-
pitres qui font électives, des généraux
d'ordres réguliers qui n'ont pas le titre
tablés , & des abbayes triennales éîec-
1 tives , les élections dépendent en partie.
iî E L E
des- ufages ckftatuts particuliers de chaque
églife , congrégation ou communauté.
II y a néanmoins plusieurs règles tirées
du droit canonique, qui font communes
à' toutes les élections.
On ne peut valablement faire aucun acte
tendant à Sélection d'un nouvel abbé , ou
autre bénéficier ou officier, jufqu'à ce
que la place foit vacante , fait par mort
ou autrement.
Avant de procéder à Sélection dans les
abbayes qui font électives , il faut que le
chapitre obtienne le confenteinent du roi ,
lequel peut nommer un commiffaire pour
afïifter à Sélection, à l'effet d'empêcher
les brigues, ck de faire obferver ce qui
eft preferit par les canons ck les ordon-
nances du royaume.
Pour que Sélection foit canonique , il
faut y appeller tous ceux qui ont droit
de fuffrage ; les abfens doivent être aver-
tis , pourvu qu'ils ne foient pas hors du
royaume.
Ceux qui font retenus ailleurs par quel-
que empêchement légitime, ne peuvent
donner leur fuffrage par lettres; mais ils
peuvent donner leur procuration à cet
effet à un ou plufieurs des capitulans ,
pourvu néanmoins qu'ils donnent a chacun
d'eux folidairement le droit de fuffrage ;
ck dans ce cas le chapitre peut choifir
emr'eux celui qu'il juge à propos , pour
repréfenter l'ab'ent. Celui-ci peut auffi
donner pouvoir à quelqu'un qui n'eft pas de
gremio , fi le chapitre veut bien l'agréer.
Le fondé de procuration ne peut nommer
qu'une feule perfonne , foit que la procu-
ration marque le nom de la perfonne qu'il
doit nommer , ou qu'elle foit laidée à fon
choix.
Si l'on omettoit d'appeller un feu! c?pi-
tulant , ou qu'il n'eût pas été valablement
appelle, X élection feroit nulle, à moins
que pour le bien de la paix il n'approuvât
Sélection.
Il fuffit au refte d'avoir appelle à Sélec-
tion ceux qui y ont droit de fuffrage ; s'ils
négligent de s'y trouver, ou fi, après y
avoir afîifté , ils fe retirent avant que
lV/ef?/0/zfoitconfornmée, ckmême avant
d'avoir donné leur fuffrage, ils ne peuvent,
fousce prétexte, contefler Sélection,
E L E
Les chapitres des monafreres doivent
procéder à Sélection de l'abbé clans les trois
mois de la vacance, à moins qu'il n'y ait
quelque empêchement îégiume;autrement
le droit d'y pourvoir eft dévolu au fupé-
rieur immédiat.
Le temps fixé par les canons pour pro-
céder à \ élection, court contre les élec-
teurs, du jour qu'ils négligent de faire
lever l'empêchement qui les arrête.
Le concile de Bafle veut que les élec-
teurs , pour obtenir du ciel les lumières
ck les grâces dont ils ont befoin, enten-
dent avant Sélection la méfie du Saint-
Efprit, qu'ils feconfeffent & communient;
ck que ceux qui ne fatisferont pas à ces
devoirs, foient privés de plein droit de
la faculté d'élire , pour cette fois.
Chaque électeur doit faire ferment entre
les mains de celui qui préfide , qu'il choi-
fira celui qu'il croira en confeience pouvoir
être le plus utile à lEglife pour le fpiri-
tuel ck le temporel, ck qu'il ne donnera
point fon fuffrage à ceux qu'il faura avoir
promis ou donné directement ou indirec-
tement quelque chofe de temporel pour
fe faire élire. L'abus ne feroit pas moins
grand de donner ou promettre dans la
même vue quelque chofe de fpirituel.
Ceux qui procèdent £ Sélection, doi-
vent faire choix d'une perfonne de bonnes
mœurs , qui ait l'âge , ck les autres qua-
lités ck capacités preferites par les canons,
ck par les autres loix de l'Eglife ck de
l'état.
Ileff également défendu par les canons
d'élire ou d'être élu par fimonie : omre
l'excommunication que les uns ck les autres
encourent par le feul fait , les électeurs
perdent pour toujours le droit d'élire; ck
ceux qui font ainfi élus , font incapables
de remplir jamais la dignité , le bénéfice
ou office auxquels il- ont afpiré.
Lor:que les d.ffrages ont été entraînés
par l'impvefTon de quelque puiffance iécu-
liere , Sélection eft nulle : les é'ectturs
doivent même être fufpeus pendant ois
années de leur ordre ck béi éfi ces , même
du droit d'élire; 6k fi celui qiu a été ainfi
élu, accepte fa nomination, il ne ptut
fans difper.fe êt.e élu pour une autre di-
gnité, office ou bénéfice ecciefi^flique.
E L E
Mais on ne regarde point comme un abus jf
les lettres que le roi peut écrire aux élec-
teurs, pbur leur recommander quelque
perfonne affectionnée au fervice de l'Egli-
fe , du roi 6k de l'état.
Les novices ni les frères convers ne
donnent point ordinairement leurs voix
pour V élection d'un abbé ou autre fupé-
rieur : il y a néanmoins des monafteres
de filles, tels que ceux des Cordelières,
où les fceurs converfes font en pofteffion
de donner leur voix pour V élection de
l'abbeffe.
Quant à la forme de Yélection , on doit
fuivre une des trois qui font prefcrites par
le iv concile de Latran , fui van t ce qui a
coutume de s'obferver dans chaque Eglife
ou monaftere.
On distingue dans les élections la voix
active ckla voix paffive; la première eft
le fuffrage même de chaque électeur , con-
sidéré par rapport à celui qui le donne,
ck en tant qu'il a droit de le donner; la
voix paffive eft ce même fuffrage confi-
déré par rapport à celui en faveur duquel
il eft donné. Il y a des capitulans qui
ont voix active ck paffive, c'eft-à-dire ,
qui peuvent élire ck être élus; d'autres
qui ont voix active feulement, fans pou-
voir être élus , tels que ceux qui ont patte
par certaines places auxquelles ils ne peu-
vent être promus de nouveau, ou du
moins feulement après un certain temps :
enfin ceux qui font de la maiion, fans
être capitulans, n'ont point voix active ni
paffive ; ceux qui font fufpens ne peuvent
pareillement élire ni être élus.
CeuxNqui ont voix active , doivent tous
donner leurs fuffrages en même temps ck
dans le même lieu.
Les fuffrages doivent être purs ck /im-
pies : on ne reçoit point ceux qui feroient
donnés fous condition, ou avec quelque
alternative ou autre claufequi les rendroit
incertains.
V élection doit être publiée en la forme
ordinaire, auffi-tôt que tous les capitulans
ont donné leurs fuffrages, afin d'éviter
toutes les brigues ck les fraudes ; ck ce
feroit une nullité de différer la publication,
pour obtenir préalablement le confeme-
?nem de celui qui efi élu,
E L E 23
V élection étant notifiée à celui qui a
été élu , il doit , dans un mois , à compter
de cette notification , accepter ou refu-
fer ; ce délai expiré, il eft déchu de fon
droit , ck le chapitre peut procéder à une
nouvelle élection.
Ce délai d'un mois ne court à l'égard
des réguliers élus , que du jour qu'ils ont
pu obtenir le conientement de leur fu-
périeur.
Quand le fcrutin eft publié , les élec-
teurs ne peuvent plus varier; ck ceux qui
ont donné leur voix à celui qui eft élu,
ou qui ont confenti à YélcUion , ne peu-
vent l'attaquer fous prétexte de nullité, à
moins que ce ne foit en vertu de moyens
dont ils n'avoient pas connoifiance lors-
qu'ils ont donné leur fuffrage ou confen-
tement.
Il ne fuffit pas pour être élu , d'avoir
le plus grand nombre de voix; il faut en
avoir feul plus de la moitié de la totalité.
Si les voix font partagées entre plufieurs,
de manière qu'aucun d'eux n'en ait plus
de la moitié , il faut procéder à une nou-
velle élection , quand même la plus grande
partie du chapitre fe réuniroit depuis la
publication du fcrutin , en faveur de celui
qui avoit feulement le plus grand nombre
de voix.
Néanmoins dans X élection à 'une abbeffe,
quand le plus grand nombre de voix don-
nées à une même perfonne , ne fait pas
la moitié , les autres reîigieufes peuvent
s'unir au plus grand nombre , même après
le fcrutin ; ck s'il y en a aflez pour faire
plus de la moitié des voix , celle qui eft
élue peut être confirmée par le fupérieur,
fauf à faire juger l'appel , fi les oppo-
fantes à l' élection ck confirmation veulent
le foutenir.
Si dans ce même cas les reîigieufes ne
fe réunifient pas jufqu'à concurrence de
plus de la moitié , le fupérieur , avant de
confirmer ck bénir celle qui a eu le plus
de voix, doit examiner l'élection, ck les
raifons de celles qui ne veulent pas s'unir;
ôk néanmoins par provifion la religieufe
nommée par le plus grand nombre ,
gouverne le temporel ckle fpirituel; mais
elle ne peut faire aucune aliénation, ni
recevoir de reîigieufes à laprofelfion.
2+ E L E
La plus grande partie du chapitre nom-
mant une perfonne indigne , eft privée
pour cette fois de Ton droit d'élire, &
dans ce cas Xélection faite par la moindre
partie , fubiifte.
Quoiqu'un des capitulans ait nommé
une perfonne indigne, il n'eft point privé
de fon droit d'élire, û le fcrutin où il a
donné fa voix , n'eft point fuivi d'une élec-
tion valable.
Quand les électeurs ont nommé un ou plu-
fieurs compromiiTaires, ils doivent recon-
noître celui que les compromhTaires ont
iiommé,pourvuqu'ilairlesqualitésrequifes.
Les compromiiTaires ayant commencé
à procéder à X élection , le chapitre ne peut
plus les révoquer, attendu que les choies
ne font plus entières.
Si les compromiiTaires choifliTent une
perfonne indigne, le droit d'élire retourne
au chapitre : il en eft de même lorfque
celui qui eft nommé refufe d'accepter.
Mais iorfque les compromiiTaires négli-
gent défaire l'élection dans le temps pref-
crit par les canons , alors le droit d'élire
eft dévolu au fiipérieur, Sinon au cha-
pitre qui doit s*imputer de s'en être rap-
porté à des mandataires négligens.
L'élection téant faite par des compro-
miiTaires, un d'entr'eux doit auiîi-tôr la
publier.
S'il arrive que Xélection foit cafTée par
un défaut de forme feulement, & non
pour incapacité de la perfonne élue , la
même perfonne peut être élue de nouveau.
En cas d'appel de Sélection , on ne
peut procéder à une nouvelle , qu'il n'ait
été ftatué fur la première.
Quand la première élection n'a pas lieu ,
fans que les électeurs foient déchus deleur
droit , ils ont pour procéder à une nou-
velle élection , le même délai qu'ils avoient
eu pour la première , à compter du jour
qu'il a été confiant que celle-ci n'auroit
point d'effet.
Ceux qui ne peuvent être élus peuvent
être poftulés, c 'eft- à- dire, demandés au
fupérieur , quand les qualités qui leur man-
quent font telles ,que le fupérieur en peut
difpenfer ; mais le même électeur ne peut
pas élire Ô* poftuler une même perfonne.
Voyc{ Postulation,
E L E
Il n'eft pas permis à celui qui eft élu y
de taire aucune fonction avant d'être con-
firmé, à peine de nullité. Le pape eft le
feul qui n'ait pas befoin de confirmation.
Voyej^ au mot PAPE.
Avant de confirmer celui qui eft élu ,
le fupérieur doit d'office examiner s'il eft
de bonnes mœurs & de bonne doctrine ;
s'il a les qualités** & capacités requifes ,
quand même perfonne ne critiqueroit
Y élection.
Cette information dévie & mœurs doit
fe faire dans les lieux où celui qui eft élu
demeuroit depuis quelques années.
Il y a des abbés dont Xélection doit être
confirmée par l evêque diocéfain , d'autres
par leur général, d'autres par le pape dont
ils relèvent immédiatement.
Le chapitre , feit vacante , a droit de
confirmer les élections que l'évêque auroit
confirmées.
Les abbés triennaux n'ont pas befoin de
confirmation pour gouverner le fpirituel,
non plus que pour le temporel.
La confirma'ion doit être demandée par
celui qui eft élu , dans les trois mois du
jour du confentement qu'il a donné à
Xélection , à moins qu'il ne foit retenu par
quelque empêchement légitime; autrement
il eft déchu de fon doit , &. l'on peut
procéder à une nouvelle élection.
Telles font les reg!es générales que Ton
fuit pour les élections ; elles reçoivent néan-
moins diverlès exceptions, fuivant les fta-
tuts particuliers , privilèges ck coutumes de
chaque monaftere, pourvu que ces ufages
foient conftans , ck qu'ils n'aient rien de
contraire au droit naturel ni au droit divin.
Il y a des bénéfices électifs, fur lefquels
il faut la confirma ion du fupérieur: d'au-
tres qui font purement collatifs ; d'autres
enfin qui font électifs - collatifs , c'eft-à-
dire , que le chapitre confère en élifant ,
fans qu'il foit befoin d'autre collation.
Sur !e> élections , voyez aux décrétâtes
le titre de electione & electi potejlate ; la
bibliothèque can 'nique de Bouchel , & les
définitions canoniques & la jurijprudence
canonique , au mot ÉLECTION \l'hifi. du
droit ecclejîaflique , par M. Fleury , tome
I, chapitre x, les loix ecclèfiajiiques de
M, d'Héricourt, titre de /'éleélion. (A)
Election
E L E
Election de Domicile , [Jurifp.)
eft le choix que l'on fait d'un domicile
momentané ou ad hoc , c'eft-à-dire qui
n'eft pas le vrai & actuel domicile , mais
■qui a feulement pour objet d'indiquer un
lieu où on puîflè faire des offres ou autres
actes. Ces élections de domicile fe font
dans les exploits , dans les contrats. Voye \
Domicile élu.
Election d'héritier, {Jurifp.)
eft le choix de celui qui doit recueillir
une fuccefïïon. Ce choix eft ordinairement
fait par celui qui dilpofe de fes biens par
fon teftament : quelquefois il eft fait par
contrat de mariage ; ou bien le père ma-
riant un de fes enfans , fe réferve la liberté
de nommer pour héritier tel de fes enfans
qu'il jugera à propos.
Quelquefois le teftateur défère par tes-
tament le choix de fon héritier à une autre
perfonne , foit en lui indiquant plufieurs
perfonnes entre lesquelles elle pourra choi-
fir, foit en lui lailTant la liberté entière
de choifir qui bon lui femblera ; & quel-
quefois cette même perfonne à laquelle le
teftateur donne pouvoir d'élire , eft par lui
d'abord instituée héritière , à la charge de
remettre l'hoirie à un de ceux qui font,
indiqués , ou à telle perfonne qu'elle jugera
à propos.
Le teftateur peut auffi inftituer héritier
celui qui fera nommé par la perfonne à
laquelle il donne ce pouvoir.
Ces fortes de diipofitions font fort ufi-
tées dans les pays de droit écrit , où il
cil allez ordinaire que le mari & la femme
s'inftituent réciproquement héritiers , à la
charge de remettre l'hoirie à tel de leurs
enfans que le furvivant jugera à propos.
Lorfque celui qui avoit le pouvoir d'élire ,
décède fans avoir fait fon choix , tous les
héritiers préfomptifs fuccedent également.
Le conjoint furvivant qui avoit le pou-
voir d'élire , ne le perd point en fe rema-
riant.
Quand un des enfans éligibles vient à
décéder , le père ou la mère qui a le droit
d'élire , peut choifir l'enfant de celui qui
étoit éligible. Voye\ la trente-quatriemt
çonfultation de Cochin , tome II.
U élection étant une fois confommée par
un a&e entie-vifs , celui qui Ta faite ne
Tome XII.
E L E ty
peut plus varier ; mais fi c'eft par tefta-
ment, Y élection eu révocable jufqu'au décès
de celui qui l'a faite , de même que le
furplus de (on teftament. Voye\ Henrys ,
tom. I. liv. IV* ch. vj. quejl. €y . Ù liv,
V. que/f. iq.. z £. 16. ij. î8. 19. zo.
6l. 6z. & tome II. liv. V. quefl. zo.
ZZ. $1. $z. 53. §8. &l. VI. quefl. 52.
& fon quatrième plaidoyer ; le traité des
élections ^héritier contractuelles & tefta-*
mentaires , par M. Vulfon , confeiller au
parlement de Grenoble. (A)
Election de Tuteur ou Cura-
teur , eft le choix qui eft fait d'un tuteur
ou curateur par les parens & amis de celui
auquel on le donne. Voye\ CURATEUR
ù Tuteur. (A)
Election d'un Officier , eft la
nomination qui eft faite de quelqu'un à un
office public par le fufFrage du plufieurs
perfonnes.
Romulus accorda au peuple le droit de
fe choiiir (es magiftrats , même les féna-
teurs , ce qui fè taifoit dans ces affemblées
publiques appelîées comices ; & lorlque
l'état monarchique de Rome fut changé
en république , ie peuple élifoit auffi lui-
même les confuls , qui étoient chargés di*
gouvernement général de l'état.
Comme if étoit difficile d'aflèmbler fou-
vent le peuple, il n'élifoit que les grands
officiers , & ceux-ci commettoient chacun
dans leur département les moindres offi-
ciers qui leur étoient fubordonnés.
Les empereurs ayant ôté au peuple le
droit Sélection 9 conféroient les grands
offices par l'avis des principaux de leur
cour , afin de conferver encore quelque
forme d'élection ; c'eft pourquoi ils appel-
loient fuffrages les avis & recommanda-
tions des courtifans.
On en ufa d'abord de même en France
pour les offices , c'eft-à-dire que nos rois
y nommoient par l'avis de leur confeil ,
ce qui étoit une efpece ^ élection.
Quand le parlement eut été rendu fçden-
taire à Paris , Philippe de Valois , par des
lettres du mois de Février I327 » donna
pouvoir au chancelier , en appellant avec
lui quatre conieillers au parlement & le
>révôt de Paris, de nommer , c'eft-à-dire,
I d'élire entr?euxles confeiilers au châtelet.
D
i€ E L E
Charles V ordonna en 13?!» <îue fe '
chancelier , les préfidens , & confèillers du
parlement feroient élus par ferutin au par-
lement ; Charles VI ordonna encore la
même choie en 1400 , ce qui dura jus-
qu'au mariage d'Henri , roi d'Angleterre ,
avec Catherine de France , fille de Charles
VI ; alors le parlement nomma trois per-
fonnes au roi qui. donnoit des provHions à
l'un des trois ; mais comme le parlement
pour fe conferver V élection nommoit ordi-
nairement deux fiijets inconnus- & inca-
pables afin de faire tomber la nomination
fur le troifieme , Charles VII lui ôta les
élections , & rentra en pofîeflion de nom-
mer aux places vacantes du parlement
de même qu'aux autres offices , & nos rois
choififlôiént les officiers de l'avis de leur
confeil , ce qui dura ainfi jufqu'à la vénalité
des charges.
Dès le premier temps delà monarchie,
il y avoit dans chaque ville & bourg des
officiers municipaux qui étoient électifs ,
appelles en quelques endroits échevins , en
d'autres jures ou jurats, en d'autres confuls,
& à Touloufe capitouls. Ces officiers font
encore la plupart élus par le peuple , con-
formément aux intentions du roi.
Les élus qui étoient autrefois choifis
par l'es trois états pour le gouvernement
des aides & tailles-, ont depuis été érigés
en titre d'office ; il y a néanmoins- encore
des élus dans les pays d'états qui font
éle&ifs. Voye\ ÉLECTIONS-, ÉLUS, &
ÉTATS. (A)
Election , ( Jurifp. ) ce font des
jurifdidions royales, ainfi nommées à caufe
des élus qui y connoiffent en première
inffance des conteftations qui s'élèvent au
fujet des tailles., de toutes matières, d'ai-
des , & autres impofitions &ç levées des
deniers du roi , tant aux entrées . des villes
que des fermes du roi, a l'exception des
domaines & droits domaniaux , droits de
gabelle , capication , dixième , vingtième ,
cinquantième , & deux fous pour livre ,
Iorfque ces impoiitions ont lieu.
Ils connoifloient cependant aufïî autre-
fois des gabelles ; mais depuis long-temps
il y a des juges particuliers pour cet objet ,
excepté dans quelques endroits où les gre-
niers à fel. font unis aux élections..
E L E
Il y a auflî en certains endroits des
juges des traites foraines , & des juges pour
la marque des fers.
Avant l'infhtution des élus , c'étoient les
maire & échevins des villes qui fe mêloient
de faire Pailiette & levée des impoiitions ,
ils en étoient même refponfables ; mais
dans la fuite ne pouvant vaquer à cette
levée, & étant occupés à d'autres affaires
de la commune , on fit choix dans le
peuple d'autres perfonnes pour prendre foin
de l'aifiette & levée des impofitions; &
ces perfonnes furent nommées élus à caufe
qu'on les établnToit par élection.
L'origine des élections effc la même que
celle des élus ou juges , dont ces tribu-
naux font compofés.
Quelques-uns rapportent ce premier éta-
bliffement des élus à celui des aides du
temps du roi Jean ; il eff néanmoins certain
qu'il y avoit déjà depuis long-temps des
élus pour veiller fur les impofitions ; mais
comme il n'y avoit point encore d'impo-
iitions ordinaires , & que nos rois n'en
levoient qu'en temps de guerre ou pour
d'autres dépenfes extraordinaires , la com-
miiîion de ces élus ne duroit. que pendant
la levée de l'impofition.
de L
OUÏS
IV
Denis
u
Dès le temps
Heflélin étoit élu à Paris , ainfi que ït
remarque l'auteur du traité de la pairie ,
pag. 2.58,
S. Louis voulant que les tailles fuflent
impofees avec juffice , fit en 1270 un règle-
ment pour la manière de les affeoir dans
les villes royales ; il ordonna qu'on éliroit
trente: hommes ou quarante plus ou moins ,
bons & loyaux par le confeil des prêtres ,
c'elf- à-dire des curés de leurs paroiffes ,
& des autres hommes de religion , enfem-
ble des bourgeois & autres prudhommes,
félon la grandeur des villes ; que ceux qui
feroient ainfi élus jureroient fur les faints
évangiles d'élire y foie entr'eux ou parmi
d'autres prudhommes de la même ville ,
jufqu'à douze hommes qui feroient les plus
propres à affeoir la taille ; que les douze
hommes nommés jureroient de même de
bien & diligemment affeoir la taille , & de
n'épargner ni grever psrfonne par haine ,
amour, prière, crainte, ou en quelque
lr autre manière, que.ee fût; qu'ils aÛir oient
Ê L E
ladite taille à leur volonté la livre égale-
ment ; qu'avec les douze hommes defTus
nommés feraient élus quatre bons hommes,
& feroient écrits les noms i'ecrétement ;
& que cela feroit fait fi fagement , que
leur élection ne fût connue de qui que ce
fût jufqu'à ce que ces douze hommes euf-
fènt aûis la taille. Que cela fait , avant de ,
mettre la taille par écrit , les quatre hom-
mes élus pour faire loyalement la taille n'en
dévoient rien dire jufqu'à ce que les douze
hommes leur euffent fait faire ferment
pardevant la juflice de bien & loyalement
afleoirla taille en la manière que les douze
hommes l'auraient ordonné.
Il paroît fuivant cette ordonnance, que
les trente ou quarante hommes qui étoient
d'abord élus , font aujourd'hui repréfentés
par les officiers des élections ; les douze
hommes qu'on élifoit enfuite étoient pro-
prement les afféeurs des tailles , dont la
fonction eft aujourd'hui confondue avec
celle des colledeurs ; enfin les quatre bons
hommes élus étoient les vérificateurs des
rôles.
Les tailles furent donc la matière dont
les élus ordonnèrent d'abord ; mais outre
que les tailles n'étoient pas encore ordi-
naires , la forme prefcrite pour leur afliette
ne fur pas toujours obfervée ; car Philippe
III , dans une ordonnance du 29 Novem-
bre 12.74., dit ^ue les confuls de Tou-
loufe dévoient s'abftenir de la contribu-
tion qu'ils demandoient aux eccléfiaftiques
pour les tailles , à moins que ce ne fût
une charge réelle & ancienne : ilfemble-
roit par-lA que c'étoïent les confuls qui
ordon noient de la taille , foit ancienne ou
nouvelle loriqu'elle avoit lieu : ce qui fait
penfer qu'il y avoit alors des tailles non
royales impofées de l'ordre des villes pour
fubvenir à leurs dépenfes particulières ,
ce qui efl aujourd'hui repréfenté par les
octrois.
Louis Hutin, dans une ordonnance du
mois de Décembre 131$ , & Philippe V
dans une autre du mois de Mars 13 16 ,
difent que les clercs non mariés ne con-
tribueront point aux tailles , & que les
officiers du roi , officielles noflri , en tant
qu'à eux appartient , ne les y contrain-
dront point & ne permettront pas qu'on
ELE 17
les y contraigne. Ces ordonnances ne font
point mention des élus, ce qui donne lieu
de croire qu'ils n'avoient point encore de
jurifdiction formée , & que pour les con-
traintes on s'adrefîbit aux juges ordinaires :
& en efîèt on a vu que c'étoit devant eux
que les élus prêtoient ferment.
Il y avoit encore des élus du temps de
Philippe de Valois pour la taille non royale
qui fe levoit dans certaines villes , comme
il paroît par une ordonnance de ce prince
du mois de Mars 133 1 , touchant la ville
de Laon , où il efl parlé des élus de cette
ville : ces officiers n'étoient pas feulement
chargés du foin de cette taille ; l'ordon-
nance porte que dorénavant , de trois en
trois ans , le prévôt fera afîèmbler le peuple
de Laon , & en fa préfence fera élire fix
perfonnes convenables de ladite ville y
dont ils en feront trois leurs procureurs
pour conduire toutes les affaires de la ville;
que les trois autres élus avec le prévôt
vifiteroient y chaque année , autant de fois
qu'il feroit nécefTaire , les murs, les portes,
les forterefTes , les puits , fontaines, chauf-
fées , pavés , & autres aifonces communes
de la ville , & verroienr les réparations
nécefîâires , &c*
Que toutes les fois qu'il feroit métier
de faire taille y le prévôt avec ces trois
élus expoieroi' au peuple les caufes pour
lefquelles ilconviendroit/iz/re taille; qu'en-
iuite le prévôt & lefdits élus prendroient
de chaque paroifïê deux ou trois perfonnes
de ceux qui peuvent le mieux lavoir les
facultés de leurs voifins ; lelquelles per-
fonnes & lefdits élus ayant prêté ferment
lu r les laints évangiles de ne charger ni
décharger perionne à leur efeient , contre
raifon , le prévôt feroit impofèr & afTeoir
la taille fur toutes les peribnnes qui en
font tenues ; que l'impofition feroit levée
par les trois élus ; qui en paieraient les
rentes & les dettes de la ville ; qu'à la fin
des trois années fùfdites ils compteraient
de leur recette , tant des tailles que d'ail-
leurs , pardevant le prévôt ou bailii de
Vermandois , qui viendroit ouir ce compte
à Laon & y appellerait les bonnes gens
de la ville ; enfin que le compte rendu
& appuré feroit envoyé par le bailli en
la chambre des comptes pour voir s'il n'y
D a
a8 EL'E
avoit rien à corriger. On voit que ces élus
faifoient eux-mêmes la recette des tailles
pendant trois ans ; c'efl pourquoi ils étoient
comptables,, & en cette partie ils font
repréfentés paroles receveurs des octrois ,
qui comptent encore aujourd'hui à la
chambre.
A l'égard des fubventions qui fe levoient
pour les befoins de l'état par le minifîere
des élus de chaque ville ou diocefe , on
établiffoit quelquefois au dtffus d'eux une
perfonne qualifiée, qui avoit le titre d'élu
de la province , pour avoir la furinten-
dance de la flibvention ; c'eft ainfi que
lors de la guerre de Philippe de Valois
contre les Anglois , Gaucher de Chatillon
connétable de France fut élu par la pro-
vince de Picardie , pour avoir la furintea-
dance de la flibvention qu'on y levoit , ce
qu'il accepta feus certains gages ; l'auteur
du traité de la pairie , pag. $8 , dit en
avoir vu les quittances , où il efr. qualifié
d'élu de la province.
Il eil encore parié de tailles dans des
lettres de Philippe de Valois , du mois
d'Avril 1333 -y mais il n'y efr pas parlé
d'élus. Ces lettres , qui ont principalement
pour objet la répartition d'une impofirion
de cent cinquante mille livres fur la féné-
chaufleç de Carcaficnne, ordonnent feu-
lement au fenéchal de faire appeller à. cet
effet pardevant lui ceux • des bonnes gens
du pays qu'il vendra..
On établit aufll des députés ou élus à
l'occafion des droits d'aides , dont la levée
fut ordonnée fur toutes, les marchandifes
& denrées qui feraient vendues dans le
royaume , par une ordonnance du roi Jean ,
du 28 Décembre 1355. Il y avoit bien eu
déjà quelques aides ou fubventions levées
en temps de guerre fur tous les fujets du
roi à proportion de leurs biens; mais ces
nouveaux droits d'aides auxquels ce nom
'efr dans la fuite demeuré propre , étoient
jufqu'alors inconnus.
L'ordonnance du roi Jean porte que
pour obvier aux entreprifes de Ces enne-
mis ( les Anglois ) > il avoit fait affembler
tes " trois états du royaume r tant de la
Languedoïi que du pays coutumier^ ; que
la guerre avoir été réfolue d'ans L'afTemblée
4$s états i.que pour faire l'armée & payer
ELE
les frais & dépens d'icelle, les états avoîent
avifé que par tout le pays couturriier il
feroit mis une gabelle fur le fel , & aufïi
fur tous les habitans marchands & repai—
rans en icelui , il feroit levé une impo-
firion de h+ùt deniers pour livre fur toutes,
chofes qui feroient vendues audit pays y
\ excepté vente d'héritages feulement, laquelle
feroit payée par le vendeur ; que ces gabelle
& impofirion feroient levées félon certaines
inftructions qui feroient faites fur ce ; que
par les trois états feroient ordonnées Se
députées certaines perfonnes bonnes &c
honnêtes , folvables , loyales , & fans aucun
foupçon, qui par les pays ordonneroient
les chofes defTus dites ; qui auroient rece-
veurs &; minifrres félon l'ordonnance &
inftriiction qui feroit fur ce faite ; qu'outre
les commiifaires *ou députés particuliers,
des pays & des contrées feroient ordon-
nées & établies par les trois états neuf
perfonnes bonnes' & honnêtes, qui fe-
roient généraux & kiperintendans fur tous
• les autres , & qui auroient deux receveurs
généraux..
Qu'aux députés, defïùs dits , tant géné-
raux que-particuliers , feroient tenus d'obéir
toutes manières de gens de quelque état
ou condition qu'ils rufTent & quelque pri-'
viiege qu'ils euifent ; qu'ils pourraient être-
Contraints, par lefdits. députés par toutes
voies ëc manières, que bon leur femble-
roit ; que s'il y en avoit aucun rebeller
que les députés particuliers ne pufTsnt
contraindre , ils lesajourneroient pardevant
les généraux fuperintendans, qui les pour-
raient contraindre & punir félon ce que-
bon leur fembleroit, & que ce qui feroit
fait & ordonné par les généraux députés:
vaudrait & tiendrait comme arrêt de paro-
le ment..
Il eft encore dit un peu plus loin , que
lefdites aides & ce qui en proviendrait, ne
feroient levées ni difîribuées par les gens;
( du roi ) ni par (es tréforiers & officiers ^
mais par autres bonnes, gens , fages ,,
loyaux , & folvables , ordonnés , commis,,
& députés par les trois états, tant es fron-
tières qu'ailleurs où conviendrait de les.
diftribuer ; que ces commis & députes.
jureroient au roi ou à (es gens f & aine:
députés desjrois.àarsj que quelque aéceflk£
E L E
qui advînt , ils ne donneroient ni ne diiîri-
bueroient ledit argent au roi ni à autres,
fors feulement aux gens d'armes & pour
le fait de la guerre fufdite.
Le roi promet par cette même ordon-
nance , & s'engage de faire auffi promettre
fur les faints évangiles par la reine , par
le dauphin , & tous les grands officiers de
la couronne , fuperintendans , receveurs
généraux & particuliers , & autres qui fè
mêleront de recevoir cet argent , de ne
le point employer à d'autres ufages , & de
ne point adreffer de mandemens aux dé-
putés , ni à leurs commis , pour diitribuer
l'argent ailleurs ni autrement ; que fi , par
importunité ou autrement , quelqu'un, obte-
noit des lettres ou rnandemens au contraire,
lefdits députés , commiflâires ou receveurs
jureront fur les faints. évangiles de ne point
obéir à ces lettres ou mandemens , & de
ne point diftribuer l'argent ailleurs ni
autrement ; que s'ils le faifoient, quelques
mandemens qui leur vinffent «, ils feroienr
privés de leurs offices &. mis en prifon
fermée , de laquelle ils ne pourroient fbrtir
ni- être élargis par ceffion de biens ou
autrement jufqu'à. ce- qu'ils enflent entiè-
rement payé & rendu tout ce qu'ils en
auroient donné ; que fi par aventure quel-
qu'un des officiers du roi ou autres , fous
prétexte de tels mandemens , vouloient ou
s'efforçoient de prendre ledit argent ,
lefdits députés & receveurs leur pourroienr
& feroient tenus de réiifter de fait , &
pourroient affembler leurs, voifins. des
bonnes villes & autres , félon ce que bon
leui fanbleroit ,. pour leur réfifrer comme
dit eft..
Qn voit par- cette ordonnance qu'il y
avoir deux fortes de députés élus parles
états , ù voir les députés généraux , & les
députés particuliers ; les uns & les autres
étoient élus parles trois états , c'en1 pour-
quoi les députés généraux étoient quel-
quefois appelles Us élus généraux ; mais
en les appelloit plus communément les
généraux des aides : ceux-ci ont formé, la
cour des aides..
Les députés particuliers furent d'abord
nommés commis ycommiJJaires ou députés
particuliers fur lé fait de s aides : ils étoient
fiemmis. ou ordonnés.,. c'eU-àrdire dusçzr.
E L E 2<y
les trois états , c'eff pourquoi dans la fuite
le nom d'élus leur demeura propre.
On en établit dès -lors en plufieurs
endroits du royaume , tant fur ks fron-
tières qu'ailleurs où cela parnf'néçeiïâire.
Ils prêtaient ferment tant au roi qu'aux
états, étant obligés de conferver égale-
ment les intérêts du roi & ceux des états
qui les av oient prépofes.
Il ne paroît pas qu'ils fuflent chargés de
la recette des deniers , puifqu'ils avoient
fous eux des receveurs & minières à cet
effet.
Leur fonction érbk feulement d'ordonner
de tout ce quiconcernoit les aides , & de
contraindre Jes redevables par toutes voies
que bon leur fembîeroiî ; ils connohToient
auffi alors de la gabelle du fef , & de toutes
autres impofitions.
Ces députés particuliers ou élus, avoient
pour cet effet tout droit de jurifdi&ion
en première infrance ; ^ordonnance dont
on vient de parler, fembie d'abord fup-
pofer le contraire en ce- qu'elle dit que
s'il y avoir quelques rebelles que les députés
ne pufTent contraindre , ils les ajourne-
roient devant les généraux fuperintendans;
mais la même ordonnance donnant pouvoir
aux députés d'ordonner & de contraindre
par toutes fortes de voies 3 il cil évident
qu'elle enrendoit auffi. leur donner une
véritable jurifdiaion , 6k qu'elle n'atribua-
aux généraux fuperintendans que le reiîbrt.
Gène fut pas feulement poijr ks aides
qui fe Jeyoient fur les marchandifes que
les trois états élurent des députés ; ils en
établirent de même, pour les autres impo-
fitions..
En efTer , les états tenus à Paris au mois;
de Mars- fuivant , ayant accordé su roi.
une aide ou efpece de" capitation qui devoir
être payée par tous les fujets du roi , à
proportionne leurs revenus; il fut ordonné
que cette aide feroit levée par ks députés
des trois états^ en chaque pays , la gabelle/
fut alors abolie :ainfî les élus n'avoient:
plus occafion d'en ordonner. Les généraux
: députés de Paris avoient là gouvernement;
& ordonnance fur tous les autres députes »
il devoit y avoir en chaque- ville trois-
députés particuliers ou élus , qui auroierrts
: ua receveur. &- un. clerc sfoec e«x^ fie
30 E L E
ordonneroient certains collecteurs par les
paroiffes , qui s'informeroient des facultés
de chacun ; que fi les députés en faifoient
quelque doute, les collecteurs afligneroient
ceux qui auroient fait la déclaration , par-
devant les trois députés de la ville , lelquels
pourroient faire affirmer devant eux la
déclaration ; mais les collecteurs pouvoient
l'aire affirmer devant eux les gens des villa-
ges afin de ne les point traduire à la ville ;
ceci confirme bien ce qui a déjà été dit
de la jurifdiction qu'avoient dès -lors les
élus. On doit auili remarquer à cette
occafion , que les collecteurs avoient alors
en tant qu'afféeurs des tailles une por-
tion de jurifdiction , puifqu'ils faifoient
prêter ferment devant eux aux gens de la
campagne , par rapport à la déclaration de
leurs facultés.
Il y eut en conféquence de l'ordonnance
dont on vient de parler , des députés ou
élus commis par les états dans chaque
diocefe , & notamment en la ville de Paris,
tant pour la ville que pour tout le diocefe.
Ces commiifaires députés des états pour
la ville & diocefe de Paris , donnèrent le
20 Mars 1355 , fous leurs fceaux une ircf-
truclion pour les commis qu'ils envoyoient
dans chaque parohTe de ce diocefe ; elle
eff intitulée , ordinatio per deputatos trium
jîatuum generalium data : & à la manche
il y a y declaraiio fubfidii , & perfonarum
quje tenentur ad fubjidium. La pièce com-
mence en ces termes ; les députés pour
faire lever & cueillir en la ville & diocefe
de Paris le fubfide dernièrement octroyé ;
-à tel , &c. & plus loin il eft dit , pour
ce efi-il que par vertu du pouvoir à nous
commis ; vous mandons & commettons
que tantôt & fans délai ces lettres vues ,
vous appelliez avec vous le curé de. . . .
& par fon confeil éliriez ou preniez trois
ou quatre bonnes perfonnes de bon état
de ladite paroiflé avec lefquels vous alliez
dans toutes les maifons demander la décla-
ration de leur état & vaillant; c'eff ainfi
que fe faifoit l'affiette de ces fortes d'im-
pofitions.
Le roi Jean , par la même ordonnance
dont on a déjà parlé , établit auflî des
élus pour le fait des monnoies ; il dit en
l'article vij , nous par le confeil des fuper-
E L E
intendans élus par les trois états , élirons
& établirons bonnes perfonnes & honnêtes,
& fans foupçon pour le tait de nos mon-
noies , lefquelles nous feront ferment en
la préfence defdits fuperintendans que bien
& loyaument ils exerceront l'office à eux
commis. Ces commifîaires ou députés furent
établis par lettres du 13 Janvier 135 5*
Les députés particuliers fur le fait des
aides furent qualifiés d'élus dans une ordon-
nance que Charles , dauphin de France ,
qui fut depuis le roi Charles V , donna au
mois de Mars 1356, en qualité de lieutenant
général du royaume pendant la capacité
du roi Jean.
Il ordonne d'abord par le confeil des
trois états , afin que les deniers prove-
nans de l'aide ne ioient point détournés
de leur deffination , qu'ils ne feront point
reçus par les officiers du roi ni par les
fiens , mais par bonnes gens fages, loyaux
& folvables à ce ordonnés , élus & établis
par les gens des trois états tant es fron-
tières qu'ailleurs où befoin fera ; que ces
commis & députés généraux lui prêteront
ferment & aux gens des trois états ; que
les députés particuliers feront de même
ferment devant les juges royaux des lieux,
& que l'on y appellera une perfonne ou
deux de chacun des trois états. Il paroît
que ces députés dévoient avoir la même
autorité que ceux qui avoient été établis
dans les provinces par Y article ij de l'or-
donnance du 28 Décembre 13 5 5-
II devoit y en avoir trois dans chaque
diocefe , cependant la diftribution de leurs
départemens étoit quelquefois faite autre-
ment : en effet on voit par une commifllon
donnée en exécution de cette ordonnance,
que le diocefe de Clermont & celui de
S. Flour avoient les mêmes élus. Cette
même commiflion les autorifoit à aflembler
à Clermont , à S. Flour , ou ailleurs , dans
ces diocefes , tous ceux des trois états
defdits diocefes que bon leur fembleroit
pour raifon de l'aide.
Le dauphin Charles promit que moyen-
nant cette aide, toute taille, gabelle, &
autres importions cefîeroient.
Et comme il avoit eu connoiflance que
plufieurs fujets du royaume avoient été
fort grevés par ceux qui avoient été commis
ELE
* lever , impofer & exploiter la gabelle ,
impofition & fubfides octroyés l'année pré-
cédente ; que de ce que les commis levoient,
il n'y en avoit pas moitié employé pour
la guerre r mais à leur profit particulier ;
pour remédier à ces abus , faire punir ceux
qui avoient malverfé , & afin que les autres
en prifTent exemple , le dauphin ordonna
par la même loi que les élus des trois états
par les diocefes fur le fait de l'aide , lefquels
il commit à ce , verraient le compte des
élus , impofiteurs , receveurs , collecteurs
de l'année précédente ; qu'ils s'informe-
roient le plus diligemment que faire fe
pourroit , chacun en leur diocefe , de ce
qui aurait été levé de ces importions ,
en quelle monnoie , & par qui , & le rap-
porteraient à Paris le lendemain de quaji-
modo pardevers le roi & les gens des trois
états ,. pour y pourvoir le mieux qu'il ferait
poffible.
Il eft encore dit par la même ordon-
nance , que comme ceux qui étoient venus
à Paris aux dernières, aflemblées d'états ,
avoient encouru la haine de quelques offi-
ciers qui s'étoient efforcés de les navrer ,
ble lîèr ou mettre à mort , & qu'il en
pourroit arriver autant à ceux qui vien-
draient dans la fuite à ces fortes d'aflêm-
blées , le prince déclare qu'il prend ces
perfonnes fous la fauve-garde fpéciale du
roi fon père & de lui, & leur accorde
que pour la sûreté & défenfe de leur vie ,
ils puifïènt marcher avec fix compagnons
armés dans tout le royaume toutes fois,
qu'il leur plaira. Il défend à. toutes perfonnes
de les molefter -, & veut qu'au . contraire
ils foient gardés & confervés par tout le
peuple , & enjoint à tous. juges de les laiffer
aller eux & leur compagnie par-tout où,
il leur plaira, fans, aucun empêchement
pour raifon- du ■ port d'armes, & de leur
prêter main-forte en cas de befoin s'ils
en font requis , pour les caufes defTus dites.
On voit par-là que. le port d'armes .étoit
dès-lors défendu. Cette ordonnance paraît
auffi être la- première qui- ait établi la
diltinclion des afleeurs & des collecteurs
d'avec les élus.
L'inflruclion qui fut faire- par îes trois
erats de la Languedoïl fiir le fait de cette
aide , porte qu'il . y aurait en. la. ville, de i
E L E 3?
Paris dix perfonnes , & dans chaque eveché
trois perfonnes des états élus tant par les
gens de Paris que des évechés & diocefes
autorifés de M. le duc de Normandie ,
(c'étoit le dauphin.)
Les bonnes villes & paroifles doivent
élire trois , quatre , cinq , ou fix perfonneâ
( qui font en cet endroit les aiféeurs )
comme bon leur femblera , qui allieront
par ferment ladite cueillete.
Il eft au AL ordonné qu'il fera établi par
les trois, élus un ou plufieurs receveurs es
villes & évêchés de leur département (ce
font les collecteurs ) , qui recevront l'argent
de ce fubfide en la manière & au lieu^
ordonné par les élus..
Que les élus feront auffi— rot publier que
les gens d'églife & les nobles aient à donner-
la declaration.de leurs biens. Que les maires
& échevins ,. & autres officiers des com-
munes , ou les curés dans les lieux où il
n'y a pas de commune , leur donneront
auffi la déclaration du nombre de feux;,
que les élus prendront note des bénéfices
& de leur revenu , du nom des nobles &
dé leurs poifeffions ,. du. nombre, de feux
de chaque lieu..
Enfin que les élus feront- contraindre
toutes lefdites perfonnes par leurs commis
& députés y. comme pour, les propres dettes
du roi,, favoir , les gens du clergé vivant
cléricalement par les juges ordinaires de
l'églife ; & il femble par-là que les élus
n'euffent pas alors de. jurifdiclion fur les
eccléfiaftiques.
Comme l'aide établie par l'ordonnance
du Roi Jean, du 28 Décembre 1355,
n'avoit heu que dans le payscoutumier, les
états de la -Languedoïl accordèrent de leur
part au mois de Septembre 1356 5 une
aide au roi ; & à cette -occafion le Dau-
phin Charles . rendit encore, une ordon-
nance au mois de Février fuivant, portant
que les états entretiendraient pendant un
^an içoco. hommes armés ; que pour l'en-*
t retien de- ces troupes ,. chacun paierait
une certaine fomme qui étoit une efpece
décapitation ; qu'en outre, les Su jets des
prélats & des nobles ,. & les autres habi-
tans qui auraient. douze ans, & quiferoient
aifés, paieraient un autre fubfide à pro-
portion de. leurs biens, .
3* E L E
Que fur les fommes provenantes de cts
importions , la fblde des gens de guerre
leur feroit payée par quatre tréforiers
généraux choifis par les tfcois états ; &
que ces quatre tréforiers généraux en
nommeroient d'autres particuliers dans
chaque fénéchauflee , pour lever les im-
pofitions.
Que le paiement des gens de guerre
feroit fait par les quatre tréforiers géné-
raux, fous les ordres de vingt-quatre per-
fonnes élues par les trois états , ou de
pluiieurs d'entr'eux ; que ces vingt-quatre
élus feroient appelles au confeil du lieute-
nant du roi lorlqu'il le jugeroit à propos;
qu'eux feuls pourroient donner une décharge
fuififante aux tréforiers.
Que les trois états députeroient douze
perfonnes , quatre dé chaque ordre pour
recevoir les comptes , tant des quatre
tréforiers généraux que des particuliers , &
leur feroient prêter ferment à eux & à
leurs commis: que les tréforiers généraux
& particuliers ne rendroient compte à
aucun officier du roi , quel qu'il fût , mais
feulement aux douze députés des états
3ui feroient auffi pafTer en revue les gen-
armes & les autres troupes , & leur fe-
roient prêter ferment.
Telle fut l'origine des élus qui font en-
core nommés dans les pays d'états ; mais
dans ces pays il n'y a pas communément
des tribunaux d'élections , excepté dans
quelques-uns comme dans les généralités
de Pau , Montauban & Bourgogne ; il y
a auffi dans ces mêmes pays d'états des
juges royaux qui connoiffent des matières
d'élection, & dont l'appel en ces matières
refîbrtit aux cours des aides chacune en
droit foi.
Les trois états de la Languedoïl af-
{èmblés à Compiegne , ayant accordé au
dauphin Charles une nouvelle aide en
1358 , le dauphin fit encore une ordon-
nance le 14 Mai de ladite année , par
laquelle il révoque toutes lettres & com-
miffions par lui données fur le fait des fub-
iides & aides du temps paffé , tant aux
généraux de Paris qu'aux élus particuliers
par les diocefes & autrement ; que les
prélats & autres gens d'églife , nobles &
gen^ des bonnes villes avoient élu fk éli-
E L E
roient des perfonnes pour gouverner lYidd
qui venoit d'être octroyée.
Il ordonne enfuite que les élus des pays
(de la Languedoïl) pourroient , quant aux
gens autres que de fainte églife , faire mo-
dération loyalement , de bonne foi , fans
fraude , comme ils verroient être à faire ;
& que,- quant aux gens d'églife demeurant
dans lefdits plats pays connus , & qui y
auroient leurs bénéfices , les prélats du lieu
appelles , avec eux les élus & le receveur
pourroient les modérer quant au dixième
defdits bénéfices , après avoir oui lefdits
élus & receveur.
Que certaines perfonnes , c'efl à favoir
une de chaque état , feroient élus par les
gens d'églife , nobles & bonnes villes , &
commis de par le dauphin pour le fait def-
dites aides ordonner & mettre fus & gou-
verner es lieux où ils feroient des commis
& receveurs qui recevroent les deniers de
cette aide. Que ces receveurs feroient
ordonnés par les élus , par le confeil des
bonnes gens du pays. Que les élus & rece-
veurs feroient ferment au roi ou à fes
officiers , de bien & loyalement fè com-
porter fur ce fait. Il n'eft plus parlé en cet
endroit de ferment envers les états.
Les élus étoient alors au nombre de trois ;
car le même article dit qu'ils ne pourroient
rien faire de confidérable fur ce fait l'un
fans l'autre, mais'tous les trois enfemble.
Ces élus avoient des gages & régloient
ceux des receveurs : en effet l'article fui-
vant porte que les autres aides du temps
paffé avoient été levées à grands frais , &
qu'elles avoient produit peu de chofe à
caufe des grands & exceffifs gages &
falaires des élus particuliers , receveurs
généraux à Paris. C'efl pourquoi le dauphin
ordonne que chacun des élus aura pour fes
gages ou falaires 5° livres tournois pour
l'année , & les receveurs au deffous de
ladite fomme , félon ce que les élus régie-
roient par le confeil des bonnes gens du
pays.
A l'occafion de cette aide le Dauphin
donna encore des lettres le même jour
14 mai 1358 , portant que dans l'afTem-
blée des états de la Languedoïl, meflire
Sohier de VoHïns , chevalier , avoit été élu
de l'état des nobles pour ladite aide , mettre
fus
ELE
fus & gouverner en la ville & diocefe de
Paris , excepté la partie de ce diocefe qui
tir. de la prévôté & reilbrt de Meaux ; que
pour l'état de l'églife , ni pour les bonnes
•villes & plats pays aucuns n'avoient été
élus pour la ville de Paris ; & en confé-
quence il mande au prévôt de Paris , ou fon
lieutenant , qu'ils fafïênt alfembler .à Paris
les gens d'églife & de la ville de Paris , &
les contraindre de par le roi & le dauphin
d'élire , favoir l'état de l'églife , une bonne
& furfifante perfonne ; 6k pour les gens de
la ville de Paris & du pays , un bon &
lliffilant bourgeois , pour gouverner l'aide
avec le fufdit chevalier ; que 11 ces élus
étoient refufans ou délayans de s'acquitter
de ladite commiflîon , ils y feroient con-
traints par le prévôt de Paris , favoir lefdits
chevaliers & bourgeois par prife de corps
& biens , & celui qui leroit élu par l'églife ,
par prife de fon temporel ; que li lefdits
gens d'églife & bourgeois refufoient ou dif-
féraient de faire l'élection } le prévôt de
Paris , ou Ion lieutenant , éliroit par bon
confeil-deux bonnes & fuffifantes perionnes
à ce faire , c'elî- -à- favoir de chacun def-
dits états avec ledit chevalier. L'exécution
de ces lettres ne fut pas adrefïee aux géné-
raux des aides , attendu que par d'autres
lettres du même jour toutes les commiûions
de ces généraux avoient été révoquées ,
comme on Fa dit ci-devant.
Enfin il eft dit que les élus feront Tin-
quifirion & compte du nombre des feux
des bonnes villes & cités , & par le confeil
des maires des villes ou aiourne's , dans les
lieux où il y en a , linon des perionnes les
plus capables.
Le roi Jean ayant , par fon ordonnance
du 5 Décembre 1360 , établi une nouvelle
aide fur toutes les marchandifès & denrées
qui feroient vendues dans le pays de la
Languedoïl ; le grand confeil fit une inl-
truâion pour la manière de lever cette
«ide , & ordonna que pour gouverner l'aide
en chaque cité , & pour le diocefe , il y
aurait deux perionnes notables , bonnes &
fuffilàntes : ainli le nombre des élus fut
réduit à deux , au lieu de trois qu'ils étoient
auparavant.
Il fut aufïl ordonné que l'impolîtion de
douze deniers pour livre fur toutes les mar-
Tome XIL
ELE 33
cliandifes & denrées , autres que le fel , le
vin & les breuvages , feroit donnée à ferme ;
les cautions prifes & les deniers reçus de
mois en mois par les élus & députés en,
chaque, ville , pour toute la ville & dio-
cefe d'icelie , tant par eux que par leurs
députés.
Les députés dont il eft parlé dans cet
article , & qui dans une autre ordonnance
du premier Décembre 1383 , & autres ordon-
nances poftérieures , font nommés commis
des élus y étoient des lieutenans que les élus
de chaque diocefe envoyoient dans chaque
ville de leur département , pour y connokre
des importions. Ces élus particuliers furent
depuis érigés en titre d'office^ par Fran-
çois Ier : ce qui augmenta beaucoup le nom-
bre des élevions _, qui étoit d'abord feuie-r
ment égal à celui des diocefes.
L'inf traction du grand confeil de 1360 ,
portoit encore que les élus établiraient des
receveurs particuliers en chaque ville , où
bon leUr fèmbleroit , pour lever l'aide du.
vin & des autres breuvages.
Que tous les deniers provenans de cette
aide , tant de l'impolîtion des greniers à
fèl , que du treizième des vins & de tout
autre breuvage , feroient apportés & remis
aux élus & à leur receveur , pour ce qui
en auroit été levé dans la ville & dioceie
de leur département ; que les deniers ainli
reçus , feroient mis par eux chaque jour;
en certaines huches , écrins , coffres , 04
arches , bons & forts , & en lieu sûr ; &;
qu'à ces huches , coffres , &c. il y auroic
trois ferrures fermantes à trois diverfes
clefs , dont chacun defdits élus & rece-
veurs en auroient une ; & qu'ils donne-
raient fous leurs fceaux , lettres & quif^
tances des deniers reçus à ceux qui les
paieraient.
Que lefdits élus & receveurs feroient
tenus d'envoyer à Paris tous les deux mois
pardevers les tréfbriers généraux ordonnés ,
& le receveur général , pour l'effet de l'aide
defîus dite , tous les deniers qu'ils auraient
pardevers eux ; & qu'ils en prendraient,
lettres de quittance deiuits tréforiers & rece-
veur général.
S'il étoit apporté quelque trouble aux
élus en leurs fonctions , ou qu'ils euflén?
quelque doute , l'ordonnance dit qu'ils eq
E
34 E L E
écriront aux tréforiers généraux à Paris , lef-
buels en feront leur déclaration.
Enfin il eit dit qu'il leur fera pourvu , &
à leurs receveurs & députés , de gages ou
falaircs fuffifans.
L'inftrudion qui efl enfuite , fur l'aide du
fel , porte que dans les villes où il n'y aura
point de grenier établi , l'aide du fel fera
vendue &: donnée à ferme par les élus dans
les cités , ou par leurs députés , par mem-
bres & par parties , le plus avantageufe-
inent que faire fe pourra ; & que les fer-
miers feront tenus de bien applégier leurs
fermes , c'eft-à-dire , de donner caution ,
& de payer pardevers les élus & leur rece-
veur , le pri* de leurs fermes : favoir , poul-
ies fermes des grandes villes , à la fin de
chaque mois , & pour celles du plat-pays ,
tous les deux mois.
Il fembleroit «, fuivant cet article ,. que
les élus n'avoient plus d'infpedion fur la
gabelle , que dans les lieux où il n'y avoit
point de grenier à. fel établi i on verra ce-
pendant le contraire dans l'ordonnance de
12.79 , dont on parlera dans un moment.
Charles V , par une ordonnance du 19
juillet 1367 , régla que les élus de chaque
diocefe aviferoient tel nombre d'entre les
fergens royaux qui leur feroit néceffaire
pour faire les contraintes ; & qu'ils arbitre-
roient le falaire de ces fergens. C'efî fans
doute là* l'origine des huiffiers attachés aux
élections-, & peut-être un guliérement celle
des huiffiers des tailles.
Ce même prince ordonna au mois d'Août
1370 , que les élus fur le fait des fubfides ,
dans la- ville , prévôté , vicomte & diocefe
de Paris, ne feroient point garans des fer-
mes de ces fubfides. qu'ils adjugeroient , ni
de la régie des collecteurs qu'ils nomme-
roient pour faire valoir la ferme- de ces fub-
ïides , qui auroient été abandonnés par les
fermiers.
Par deux ordonnances des 13 Novembre
1372 , & 6 Décembre 1373., il défendit aux
élus de faire commerce publie ou caché
d'aucune forte de marchandifes , à, peine
d'encourir l'indignation du roi , de' perdre
leurs offices , & de reflitution de leurs ga-
ges ; il leur permit feulement de fe défaire
inceffamment des marchandifes qu'ils rjour-
xoient avoir alors..
E L E
II ordonna aufîi que les généraux dimî-
nueroient le nombre des élus.
Et dans Y article z 8 , il dit que pour ce
qu'il eft voix &: commune renommée , que
pour l'ignorance , négligence ou défaut d'au-
cuns élus & autres officiers , fur le fait des
aides , & pour l'exceQif nombre d'iceux ,.
dont plufieurs avoient été mis plutôt par
importimité , que pour la fuffifance d'iceux ,
les fermes avoient été adjugées- moins fiire-
ment , & fouvent moyennant des dons ; que
quelques-uns de ces officiers les avoient
fait prendre à leur profit , ou y étoient in-
téreflés ; qu'ils commettaient de femblables
abus dans Paillette des fouagesr le chance-
lier & les généraux enverroient inceffam-
ment des réformateurs en tous les diocefes
de Languedoc , quant au fait des aides ;
que les élus & autres officiers ( apparem-
ment ceux qui auroient démérité ) lèroient
mis hors de leurs offices ; qu'on leur en
fubrogeroit d'autres bons & fuffifans ; que
ceux qui feroient trouvés prud'hommes , &
avoir bien & loyalement fervi , feroient
honorablement & grandement guerdonnés r
c'eft-à-dire , récompenfés & employés L
d'autres plus grands & plus honorables offi>
ces , quand le cas y écherroit-
L'infîruction & ordonnance qu'il donna
aumois d'Avril 1374 , fur la levée des droits,
d'aides , porte que l'impofition de douze
deniers pour livre feroit donnée à ferme
dans tous les diocefes , par les élus ; qu'ils
aflermeroient féparément les droits fur le
vin ; que ceux qui prendroienr ces fermes ,.
nommeroient leurs- cautions aux élus ; que
ceux-ci ne donneroient point les fermes
j à leurs parens au deffous de leur valeur ;
qu'ils feroient publier les fermes dans les
villes & lieux accoutumés y- par deux ou
trois marchés ou dimanches , & les don-
neroient au plus offrant ; que le bail fait ,.
feroit envoyé aux généraux à Paris :, qu'au-
cun élu ne pourra être intéreffé dans les
fermes du roi, à peine de confifeation de
fes biens ; que le receveur montrera cha-
que femaine fon. état aux élus : enfin , ce
même règlement fixe les émolumens que les
élus peuvent prendre pour chaque ade de
leur miniflere , & fait mention d'un règle-
ment fait au confeil du roi , au mois d'Août
précédent fur Y auditoire des dus.
E L E
Cette pièce eft la première qui fafïè men-
tion de Yauditoire des élus ; mais il eft
confiant qu'ils dévoient, en avoir un , dès
qu'on leur a attribué une jurifdiction.
Celui de X élection de Paris étoit dans
l'enclos du prieuré de S. Eloy en la cité ;
comme il paroît par les lettres de Charles
VI, du 2. Août 1398 , dont on parlera ci-
après en leur lieu. Il eft dit, au bas de ces
lettres , qu'elles furent publiées à S. Cloy ;
mais il eft évident qu'il y a en cet endroit
un vice de plume ; & qu'au lieu de S. Çloy,
il faut lire S. Eloy, qui eft le lieu où font
préfèntement les Barnabites.
Il paroît en effet que c'étoit en ce lieu
où les élus tenoient d'abord leurs féances ,
avant qu'ils enflent leur auditoire dans le
palais où il eft préfèntement.
Il y# avoit anciennement dans l'empla-
cement qu'occupent les Barnabites & les
maifons voifines , une vafte , belle & grande
maifon , que Dagobert donna à S. Eloy ,
lequel établit en ce lieu une abbaye de
filles , appellée d'abord S. Martial , ôc en-
fuite S. Eloy. Les religieufes ayant été
difperfées en 1107 , on donna aux reli-
gieux de S. Maur-des-FofTés cette maifon ,
qui fut réduite fous le titre de prieuré de
S. Eloy : ce prieuré avoit droit de juftice
dans toute l'étendue de fav feigneurie , qui
s'étendoit aufli fur une coulture appellée de
S. Eloy y où eft préfèntement la paroifîe
S. Paul : elle avoit près du même lieu , fa
prifon qui fubfïfte encore , appellée la pri-
fon de S. Eloy ; mais la juftice du prieuré
qui appartenoit depuis quelque temps à
l'évêché de Paris , fut fupprimée en 1674,
en même temps que plufieurs autres juftices
feigneuriales qui avoient leur fiege dans cette
ville.
On ignore en quel temps précifément les
élus commencèrent à fiéger dans l'enclos
du prieuré de S. Eloy , mais il y a apparence
que ce fut dès le temps de S. Louis , lequel
établit des élus pour la taille : ce prince
habitoit ordinairement le palais fitué proche
S. Eloy. Philippe-le-Bel y logea le parle-
ment en 1302.: mais comme ce prince &
plufieurs de Cqs fucceflèurs continuèrent
encore pendant quelque temps d'y demeu-
rer , il n'eft pas étonnant qu'on n'y eût pas
placé dès -lors ï élection y non plus que
E l e 3r
bien d'autres tribunaux qui y ont été mis
depuis.
D'ailleurs., comme la fonction des élus
n'étoit pas d'abord ordinaire , ils n'avoienc
pas befoin d'un fiege exprès pour eux : c'eft
apparemment la raifon pour laquelle ils choi-
fîrent le prieuré de S. Eloy , pour y tenir
leurs afTemblées & féances ; & lorfque leur
fonction devint ordinaire , & que le droit
de jurifdi&ion leur fut accordé , ils établi-
rent leur fiege dans le prieuré de S. Eloy,
fans doute pour être plus à portée du palais,
& de rendre compte de leurs opérations
aux généraux des aides.
Il y avoit dans l'ancienne églife de S. Eloy,'
une chapelle fondée en 12.39 , par Guillaume
de Vanves & Sanceline fa femme , en l'hon-
neur de S. Jacques & de S. Maur , à laquelle
Guillaume Cerveau , élu des aides , fit du
bien en 1417 ; ce qui donne lieu de croire
que les élus de Paris avoient encore leur
fiege dans ce prieuré.
On ne voir pas s'il y avoit un fiege exprès
pour eux. Il eft probable qu'ils tenoient
leurs féances dans Yauditoire de la juftice
du prieuré ; de même qu'ils fe fervoient de
la prifon de cette juftice , pour y ren-
fermer ceux qui étoient. détenus en vertu de
leurs ordres ; en effet , cette prifon eft en«-
core celle où l'on écroue les collecteurs que
l'on conftitue prifonniers pour la taille , &
autres perfonnes arrêtées à la requête du
fermier général du roi , & en vertu des
jugemens de Y élection : & la cour des aides
envoie fes commiflaires faire la vifite de
cette prifon toutes les fois qu'il y a féance
aux prifons.
Ce ne fut probablement qu'en 1452,*
que Yauditoire de Yélection de Paris fut
transféré dans le palais , & en conféquence
de l'ordonnance du mois d'Août de ladite
année , portant que le fiege des élections1
■feroit établi au lieu le plus convenable de
leur reffort.
Comme toutes les importions , dont les
élus avoient la direction , étoient levées
extraordinairement , pour fubvenir aux dé-»-
penfes de la guerre ; c'eft delà que dans des
lettres de Charles V , du 10 Août 1374 , ils
font nommés élus Ù receveurs fur le fait
de la guerre ; ce qui eft une abréviation du
titre qu'on leur donnoit plus fouvent d'élus
E 2.
56 E L E
fur le fait de l'aide ordonnée pour la guerre.
On voit par une ordonnance du 13 juillet
1376, que c'étoient les élus qui donnoient
à ferme l'impolition foraine dans chaque
élection ; mais il paroît aufli par des lettres
<3u roi Jean , du 27 novembre 1376 , adref-
ïees aux élus fur l'impofition foraine , qu'il
y avoit des élus particuliers pour cette forte
d'impofition.
Au mois de Novembre 1379 , Charles V
fit une autre ordonnance fur le fait des
aides & de la gabelle , portant qu'attendu
les plaintes faites contre les élus & autres
officiers ils feraient vifités , & leurs œuvres
& gouvernement fus ; que ceux qui ne
ièroient pas trouvés fuffifans en difcrétion ,
loyauté & diligence, ou n'exerceroient pas
leurs offices en perfonne , en feroient mis
dehors ; & qu'en leur place il en ferait
mis d'autres , que le roi feroit élire au pays ,
ou qui ièroient pris ailleurs , fi le cas fe
préfent oit.
Il défendit aux élus de mettre es villes
& paroifïès du plat-pays des afTeeurs des
fouages ou collecteurs , mais que ces afféeurs
& collecteurs Ièroient élus par les habitans
des villes 6c paroifïès ; que pour être mieux
obéis , ils prendroient , s'il leur plaifbit, des
élus commiâlon dé leur pouvoir , qui leur
ieroit donnée fans frais.
Que fi l'on ne pouvoit avoir aucun fer-
gent royal pour faire les contraintes , les
élus ou receveurs donneroient à cet effet
commiflîon aux fergeras des hauts-jufticiers.
Que fi dans les villes fermées il y avoit
quelques perfonnes puiffantes qui ne vou-
lufïènt pas payer , ou que l'on n'osât pas
.exécuter , elles feroient exécutées par les
v élus , leurs receveurs ou commis de la ma-
nière la plus convenable , & contraintes
de payer le principal & acceffoires fans
déport,
. Le nombre des élus s'étant trop mul-
tiplié , Charles V ordonna qu'il n'y en
aurait que trois à Paris, deux à Rouen,
pour la ville & vicomte ; un à Gifors , un
à Tefcamp , & deux en chacun des autres
diocefes.
Qu'aucun receveur ne feroit l'office d'élu..
11, révoqua & ôta tous les élus receveurs
généraux y excepté, le receveur général de
Paris.
E L E
Il ordonna encore qu'en chaque diocefe
ou ailleurs où il y auroit des élus , il y
auroit auffi avec eux un clerc ( ou greffier )
qui feroit gagé du roi , feroit le contrôle
des livres des baux des fermes , des en-
chères , tiercemens , doublemens , amen-
des , tant du fait du fel , que des autres
taxations , défauts & autres exploits ; qu'il
feroit les commiflions du bail des fermes ,
& autres écritures à ce fujet , fans en pren-
dre aucun profit , autres que fes gages ; que
les élus ne fcelleroient ni ne délivreroient
aucune commiflîon ou lettre , fi le clerc
ne l'avoit d'abord fignée , & qu'il en enr-
régifrreroit auparavant la fubftance par-
devers lui.
Que les œuvres , c'eft-à-dire les regiftres ,
qui feront envoyés en la chambre des comp-
tes , quand le receveur voudrait compter ,
feroient clos & fcellés des fceaux des élus,
& fignés en la fin du total de chaque
fubfide , & aufli à la fin du total du livre ,
du fting manuel des élus & de leur clerc.
Si le grenetier d'un grenier à fel. trouvoit
quelques marchands ou autres perfonnes
en contravention , il devoit requérir les
élus du lieu qu'ils en fifTont punition ; fi
c'étoit en lieu où il n'y eût point d'élus,
mais feulement grenetier & contrôleur , ils
en pouvoient ordonner félon la qualité dû
délit , Ùc.
Dans chaque diocefe, il devoit être mis
certains commiflaires ( ou gardes des ga-
belles) par les élus , grenetiers & contrô-
leurs des lieux. Ces gardes dévoient prêter,
ferment tous les ans-, aux élus &, grene-
tiers, de prendre les délinquans , & de les-
leur amener ; ou s'ils ne pouvoient les
prendre , de révéler leurs -noms aux élus &
grenetiers.
Ceux-ci dévoient auffi tous les ans faire
prêter ferment fur les faint-s évangiles aux
collecteurs des fouages de chaque paroifïè , ,
• de leur donner avis des fraudes- qui pou-
voient fè commettre pour -le fel.
• Les élus , grenetiers , clercs , contrô-
leurs , & chacun d'eux , dévoient aufli
s'informer- diligemment de toutes les con-
traventions au fufet du fel ; & après infor-
mation y punir les coupables ; ou s'ils n'en'
vouloient pas connoîrre , les faire ajourner
, pardevant les généraux à- Paris,.
E LE
Les éfats d'Artois , du Bqnîonnois , du
comté de Saint-Pol , ayant accordé une
aide , commirent auili des élus dans leur
pays pour recevoir le paiement de cette
aide ; & ces élus furent autorifés par
Charles VI, comme il eft dit dans une
ordonnance du mois de juin 1381.
Il y avoit aufli en 1382 des élus dans
la province de Normandie : car les habi-
tans du Vexin-François obtinrent le 21
juin de ladite année , des lettres de Charles
VI , portant qu'ils paieroient leur part de
Paide qui avoit été établie à des perlonnes
prépofées par eux , qui ne feroient point
ïoumifes aux élus établis par les trois #états
de Normandie.
Le 26 janvier de la même année I3^2>
Charles VI donna des lettres , par les-
quelles il autorifa les généraux des aides ,
toytes les fois que le cas le requerroit ,
de mettre , ordonner , & établir les élus ,
de les fubftituer ou renouveller , fi befoin
étoit , en toutes les villes , diocefes, &
pays , où. les aides avoient cours. Il y eut
encore dans la fuite d'autres lettres &
réglemens , ; qui leur confirmèrent le même
pouvoir.
Dans le même temps , c'eft-à-dire le 21
janvier 1382, Charles VI fit une inftrue-
tion pour la levée des- aides , . qui contient
plufieurs réglemens par rapport aux élus ,
pour la manière dont ils dévoient adjuger
les fermes à l'extinction . de. la chandelle ,
& pour la fixation de leurs droits. . Mais
ce qui eft plus remarquable ,, c'eft ce- qui
touche leur jurifdiction. Il eft dit que les
élus auront connoiflànee fur les fermiers ;
qu'ils feront droit fommairement> &: de
plain. (de, piano) , fans figure de jugement
( ce quis'obferve encore.) ; qu'en cas d'ap-
pel , les parties feront renvoyées devant
les généraux fur le fait des aides à Paris,
pour, en ordonner & déterminer par eux;
que les élus feront ferment d'exercer leurs
offices- en perfonne ; que fi aucun appelle
des élus , l'appellation- viendra, pardevant
les généraux, comme autrefois a été fait;
ce qui eft dit ainfi , parce que l'on avoit
cefîë. pendant quelques années , à caufe-des
troubles , de lever des aides dans le royaume,
'& que cela avoit aufli interrompu l'exercice
de. toute jurifdi&on fur cette matière...
ELE t7
Ce que porte ce règlement au fujet de la
jurifdiction des élus & de l'appel de leurs
jugemens , eft répété mot pour mot dans-
une autre infini clion faite fur la même
matière au mois de février 1383.
L'ordonnance que Charles VI fit en la-
même année , qualifie les élus de collège 9.
tant ceux des fjeges généraux , que des fie-
ges particuliers ; étant dit qu'en cas d'em-
pêchement , ils pourront , collégialement
aiîêmblés , établir un commis ( ou lieute-
nant ) , homme de bien , lettré , & expéri-
menté au fait de judicature. '
Le même prince, par fon ordonnance
du mois de février 1387 , réduifit encore
le nombre des élus , voulant qu'en chaque
diocefe il n'y en eût que deux, un clerc,,
& un lai , excepté en la ville de Paris ou -
il y en auroit trois, & que l'on y mettroit
les plus fuffifans- par élection , appelles à ■
ce , les gens du confeil du roi y Ù les
généraux des aides.
L'inftruclion qu'il fit pour la levée des
aides le II mars 1388 , portoit que dans
les-plus grands diocefes il n'y auroit qu'un «
élu pour le clergé , & deux élus, lais : qua-
dans les lieux de recette où il n'y avoit pas
d'évêché , il n'y. auroit qu'un élu , moyen-
nant que le receveur des aides feroit avec
l'élu. toutes- les fois qu'il feroit néceflaire ;
que cependant les élus qui étoient à Paris,
y demeureroient jufqu'à ce que les généraux
eufîënt fait leur rapport au roi i des pays où
ils dévoient aller. , & . qu'alors, il en feroit .
ordonné par le roi.
Que les clercs ( greffiers ) des élus , fe-
roient mis à leurs périls , falarres , & dépens j ,
fans prendre aucuns frais ni gages fur le
roi ni fur le peuple, -à caufè de leurs let-
tres ou autrement , , excepté, ce- qui leur
étoit permis par l'inftruâion ancienne, -
Que comme plufieufrs élus & autres offi-
ciers des aides y avoient été mis par- faveur ; ,
que plufieurs ne- favoient, ni lire ni écrire , ,
ou n'étoienr point d'ailleurs au fait, des aides -
& des tailles qui avoient été.mifes en fus ; -
que les généraux -réformateurs qui avoient
été-ordonnés depuis peu -, feroient leurrap- -
port au confeil de ceux qu'ils auroient appris -
à ce fujet , & que les élus qui feroient
trouvés capables , feroient confervés dans:
leurs offices.; les. autres. en feroient privés,-
38 E L E
Une autre inftruction que ce même prince
fit le 4. Janvier 1392- , veut que les élus
lais & commis par le roi , connoiiTent du
faït des aides comme par le parle , & pa-
reillement l'élu pour le clergé. Il femble
par-là que le roi ne commit que les élus
lais , & que l'autre fut commis par le clergé.
Au mois de juillet 1388 , Charles VI fit
encore une nouvelle inftruction fur les aides ,
portant , entre autres chofes , que fi quel-
ques officiers des aides étoient maltraités
dans leurs fonctions par quelque perfonne
que ce fût , noble , ou non noble , les élus
ou grenetiers en informer oient ; que s'ils
avoient befoin pour cet effet de confeil ou
de force, ils appelleroient les baillis & juges
du pays, & le peuple même s'il étoit né-
cefîaire ; qu'ils auroient la punition ou cor-
rection des cas ainfi advenus , ou bien qu'ils
pourroient la renvoyer devant les généraux
confeillers , lefquels pourroient auffi les évo-
quer & en prendre connoifïance , quand
même les élus ou grenetiers ne la leur au-
roient pas renvoyée.
Il eft auljl défendu aux élus & à leurs
commis de prendre fur aucun fermier ni
autre , douze deniers pour livre , comme
quelques-uns s'ingéroient de prendre pour
vinage ou pot de vin , ni aucun profit fur
les fermes , à peine d'amende arbitraire &
de privation de leurs offices. C'eft fans doute
ce qui a donné occafion de charger les baux
des fermes envers les cours des aides &
élections y de faire chaque année certains
préfens aux officiers.
Le même prince , par fon ordonnance du
2.8 mars 1395 , portant établifTement d'une
aide en forme de taille , ordonna que cette
aide ou taille feroit mife par les élus lur le
fait des aides , es cités , diocefes & pays du
royaume , qu'il avoit commis à cet effet par
d'autres lettres.
Celles du 28 août 139^ , par Icfquelles
il inflitua trois généraux des finances , por-
tent que ces généraux pourroient ordonner,
commettre & établir tous élus ; les deffituer
& démettre de leurs offices s'ils le jugeoient
à propos , fans que les généraux , pour le
fait de la juffice , pufïent s'en entremettre
en aucune manière.
Le roi laifToit quelquefois aux élus le
choix d'affermer les aides , ou de les met?-
E L E
tre en régie ; comme on voit par des îef-ï
très du même prince , du 2. août 1398 ,
adreflées A nos ame's les élus fur le fait des
aides ordonnées pour la guerre dans la
ville & djocefe de Paris. Ces lettres conti-
nuent pour un an l'impofition de toutes
denrées ou marchandées vendues , l'impo-
fition des vins & autres breuvages vendus
en gros , le quatrième du vin & autres breu^
vages vendus en détail ,. l'impofition foraine ,
& la gabelle du fel ; & le roi mande aux
élus de Paris , de les faire publier & don-
ner à ferme le plus proficablement que faire
le pourra , ou de les fà*ire cueillir & lever
par la main du roi , c'eft-à-dire , par forme
de régie. Il eft marqué au bas de ces lettres ,
qu'elles ont eu' publiées à S. Eloy , devant
les élus de Paris.
Charles VI fît encore plufieurs régle-
mens concernant les élus ; par fon ordon-
nance du 7 janvier 1400 , il régla qu'il
n'y auroit à Paris , fur le fait des aides ,
que trois élus 3 & un fur le fait du cierge ,
c'eft-à-dire pour les décimes qui fe levoient
fur le clergé.
Qu'en chacune des autres bonnes villes
du royaume , & autres lieux où il y avoit
ordinairement Jiege d'élus y il n'y aura
dorénavant que deux élus au plus avec
celui du clergé ; dans les lieux où il y en
avoit ordinairement un , que le nombre des
élus feroit encore moindre , fi faire fe pou-
voit , félon l'avis des généraux ; & afin que
lefdites élections fuffent mieux gouvernées ,
que les élus feroient pris entre les bons
bourgeois , riches & prud'hommes des lieux
où ils feroient établis élus. Cette ordon-
nance eft , à ce que je crois , la première qui
ait- qualifié Sélection le fiege des élus ; &
depuis ce temps , ce titre eft devenu pro-
pre à ces tribunaux. On dit pourtant
encore quelquefois indifféremment une fen-
tenee des élus , ou une fentence de Vélec~
tion.
La même ordonnance porte encore que
ceux" qui feroient ordonnés pour demeurer
dans ces offices , ou qui y feroient mis de
nouveau , auroient des lettres du roi fur ce ,
paffées par les trois généraux , & fcellées du
grand fceau.
Que comme on avoit propofé de donner
à ferme au profit du roi les offices des cler«
E L E
giés des élus, & auffi les offices des greffes
de leurs auditoires, cette affaire 1er oit dé-
battue pour (avoir ce qui feroit le plus avan-
tageux. Cette difpofition fait juger que les
élus avoient alors deux greffiers , l'un pour
les affaires contentieufes dont ils étoient
juges , l'autre pour les opérations de finan-
ces dont ils étoient chargés.
Les commiffions d'élus furent enfin éri-
gées en titre d'office formel fous le rogne de
Charles VII , lequel , dans une ordonnance
du mois de juin 1445 , appelle les élus fes
juges ordinaires.
Les élus particuliers dont nous avons
déjà touché quelque chofe , furent auffi éri-
gés en titre d'office par François I. L'appel
de ces élus fe relevoit d'abord devant les
élus en chef. Par une déclaration de Char-
les VII, du 23 mars 145 1 , il fut ordonné
qu'il fèroit relevé en la cour dts aides ;
mais par un édit du mois de janvier 1685 ,
les élus particuliers ont été fupprimés &
réunis aux élus en chef , & toutes les
commiffions furent érigées en élection en
chef.
Il y a préfentement 181 élections dans le
royaume , qui font difîribuées dans les pro-
vinces & généralités , qu'on appelle pays
d'élections ; favoir ,
Dans la généralité de Paris y vingt-deux
élections*
Paris.
Beauvais.
Compiegne.-
Senîis.
Meaûx.
Rozoy.
Coulommicrs.-
Provins.
Montereâu.
Nogent-fur-Seine.
Sens-
Pontorf«..
Vezelay.
Joigny.
Saint-Floréntin.-
Tonnerre.
Nemours.
Melun.
Étampes.
Mantes.
Mon tfort-Lam aury
Dreux.
Amiens y fx.
Amiens.
.Abbeville.-
Dourlens..
Peronne.
Montdidier.
Saint- Quentin*,
E L E
SoiJ/bns y fept.
SohTons. Crefpy.
Laon. Clermont.
Noyon. " Guife.
Château -Thierry.
Orléans y dou\e.
33
Orléans.
Petiviers.
Beaugency*
Chartres.
Châteaudun.
Vendôme.
Montargis*
Gien.
Blois.
Romorantkiv
Dourdan.
Clamecy.
Bourges y fept.
Bourges*
IfToudun.
Château-Roux*
Leblanc*
La Châtre.
Saint-A#nand.
La Charité-fur-
Loire.
Moulins y fept.
Moulins*
Gannat.
Montluçon;
Gueret.
Evaux.
Nevers.
Chateau-Chinon.
Lyon , cinq.
Lyon.
Saint-Etienne.-
Montbrifon.
Roanne.
Villefranche en Beau-
joiois.
Riom.
Clermonts
Iifoire.
Grenoble.
Vienne.
Roman Si
Riom y frx.
• Brioude.
Saint-Flour.
Aurillac.
Grenoble y Jix.
Valence.
Gap.
Montelimart.
Poitiers y neuf.-
Poitiers.-
Niort.
S'aint-Maixant.
Fontenay.
, ; Thouar-s,
Ghâtillon.
Les fables d'Olonne.
Châtellerault. .
Gonfolens.
4« BLE
La. Rochelle , cinq.
La Rochelle. Marenne.
Saintes. Coignac.
Saint- Jean-d'Angely.
Limoges y cinq.
Bourganeuf.
Angoulême.
Limoges.
Tulles.
Brives.
Bordeaux , cinq.
Bordeaux. Agen*
Périgueux. Condom.
Sarlat.
Tours y fei^e.
Tours. Saumur.
Amboife. Château-Gontier.
Loches. Baugé.
Chinon. La Flèche.
Loudun. Le Mans.
Richelieu. Mayenne.
Angers. Laval.
Montreuil-Bellay. Château-du-Loir.
Pau & Aufch^ Jix.
Aufch ou Armagnac. Cominge.
Lomagne. Aftarac.
Rivière-Verdun. Les Landes.
Montauban y Jix*
Montauban. Villefranche.
Cahors.
Rhodez.
Figeac
Milhault.
Champagne 9 dou-^e.
Châlons.
Langres.
Rhetel.
Bar-fur-Auhe.
Sainte-Menehould.
Troyes.
y^'y.- .
Epernay.
Joinville.
Sezane en Brie,
Chaumont.
Rheims.
Rouen
y quatorze.
Rouen.
Andely.
Arques.
Evreux.
Eu.
Pont-de-1' Arche.
Neufchatel
Pont-1'Evêque.
Lions.
Ponteau~de-mer.
Gifors.
Caudebec.
ELE
Caen, neuf.
Çhmmonx Ù Magny.. Montiviiiier,
Caen.
Bayeux.
Saint-Lo.
Carentan.
Valognes.
Coutances.
Avranche.
Vire.
Mortain.
Alcnçon , neuf.
Alençon. Domphront.
Bernay. Falaifè.
Lizieux. Argentan.
Conches. Mortagne.
VerneuiL,
Bourgogne y deux.
XI élection de Breffè féante à Bellay , qui
ou de Bourg , eu tant pour le
feante à Bourg. Bugey que pour les
L'élection de Bugey ' pays de Gex & Val-
ez/ de Bellay , romey.
Dans les autres villes du duché de
Bourgogne où il y a bailliage royal , le
bailliage connoît des matières d'élection ;
&. l'appel de leurs jugemens dans ces ma-
tières va aux cour» des Aides , chacun félon
leur refïort.
Les jufHces du Cîermontois connoifîenc
aufli des matières d'élection y & l'appel de
leurs jugemens dans ces matières elt porté
à la cour des Aides de Paris.
Chaque élection comprend un certain
nombre de paroifies plus ou moins confidé-
rable , félon leur arrondiffement. L'ordon-
nance faite au boisdeSiraine enaoût 1452,
portoiî que le refTort de chaque élection ne
lèroit que de cinq à fix lieues au plus , afin
que ceux qui feroient appelles devayt les
élus , puffent y comparoîrre & retourner
chez eux en un même jour.
Dans les pays d'états il n'y a point dY/Vc-
tion , û ce n'eff dans quelques-uns , comme
on l'a marqué ci-devant.
Les officiers dont chaque élection eu com-
pose , font deux préfidens , un lieutenant ,
un aiTeffeur , & pluheurs confeillers ; un
procureur du roi , un grenier ? plufieurs
huifiiers , & des procureurs.
L'office de premier préfi dent fut créé en
1578 , fupprimé en 1583 , ^. rétabli au mois
de mai 1585,
L'office
E L E
L'office de fécond préfident fut créé
d'abord en 1587 , enfuite fùpprimé , puis
rétabli par édit du mois de mai 1702 ; &
depuis , en quelques endroits > cet office
a été réuni ou fupprimé. A Paris il a été
acquis par la compagnie de Sélection ; le
préfident a néanmoins confervé le titre de
premier préfident , quoiqu'il foit préfen-
tement feul préfident ; ce qui fut ainii or-
donné par un édit du mois de janvier 1703 ,
en faveur du fieur Nicolas Auniilon , en
confidération de (es fervîces , & ce titre fut
en même temps attaché à fa charge.
Le lieutenant , qui efl officier de robe-
longue , fut créé en 1587 , pour fiéger après
les préfidens , avec le même pouvoir que
les élus.
L'aflêffeur dans les élections où cet office
fubfifte , fiege après le lieutenant.
Le nombre des confeillers n'eft pas par-
tout le même ; à Paris il y en a vingt , ou-
tre le préfident , le lieutenant & l'affeffeur.
Dans les autres grandes villes il devoit y
en avoir huit , préfentement il n'y en a
que quatre. La création des deux premiers
en titre d'office , eft du temps de Charles
VII , le troilieme fut créé par édit du 22
juillet 1523.
Les contrôleurs des tailles , qui furent
établis par édit de janvier 15^ > & autres
édits poflérieurs , faifoient aufli dans plu-
fieurs élections la fonction d'élus , & en
pouvoient prendre la qualité , fuivant l'édit
du mois de mai 1 5S7 : c'eft ce qui a formé
le quatrième office d'élus. Ces offices de
contrôleurs ont depuis été réunis aux élec-
tions y en forte que tous les élus peuvent
prendre le titre de contrôleur ; mais il y a eu
depuis d'autres contrôleurs , créés pour
contrôler les quittances des tailles.
Les qualités de préfident , lieutenant ,
& de confeiller , furent fupprimées par
édit de l'an I')99, avec défenfes à eux de
prendre d'autre qualité que celle d'élus ,
& le nombre de ces officiers réduit à trois
élus & un contrôleur ,. vacation advenant
par mort ou forfaiture ; que jufqu'à ce ils
fe partageroient par moitié , pour exercer
alternativement autant d'officiers en une
année qu'en l'autre ; mais en 1505 > les
qualités de préfident , lieutenant & de con-
feiller furent rétablies , &. tous furent remis]
Tome XlL
E L E 41
en l'exercice de leurs charges , comme
auparavant , pour fervir continuellement &
ordinairement , ainfi qu'ils font encore pré-
fentement.
Une des principales fonctions des élus efl
d'afîèoir la taille fur les paroiffes de leur
département , & pour cet eflèt ils font
chacun tous les ans , au mois d'août , leur
chevauchée ou tournée dans un certain
nombre de paroifïès , pour s'informer de
l'état de chaque paroifTe ; favoir fi la récolte
a été bonne , s'il y a beaucoup d'exempts &
de privilégiés , & en un mot ce que la
paroifTe peut jufkment porter. Voye\ ce
qui en a été dit ci-devant au mot CHEVAU-
CHÉE des Elus.
Suivant l'article z z de la déclaration
du 16 août 1683 ■> les ^us vérifiant les rôles
faits par les collecteurs , n'y peuvent rien
changer , fauf aux cotifés à s'oppofer en
furtaux.
Le même article leur défend de retenir
les rôles plus de deux ou trois jours pour
les calculer & vérifier , à peine de payer le
féjour des collecteurs , & de demeurer ref-
ponfables des deniers de la taille en leurs
propres & privés noms.
L'article z j du règlement de 1673 » &
l'article z z de la déclaration de 1683 *
leur ordonnent de remettre au greffe de
l'éleclion les rôles , trois jours après la
vérification qu'ils en auront faite , à peine
de radiation de leurs gages & droits , &
d'interdiction de leurs charges pour trois
mois.
Ils connoifîeiit entre toutes fortes de
perfonnes , de toutes conteflations civiles
& criminelles pour raifon des tailles &
autres impofitions , excepté de celle dont
laconnoiiîànce eft attribuée fpécialement à
d'autres juges , comme les gabelles. La
déclaration du n janvier 1736 , attribue
au préfident la faculté de donner feul la
permiflion d'informer & décerner feul les
décrets ,* & en fon abfence le plus ancien
officier , fuivant l'ordre du tableau , a le
même pouvoir. L'exécution de cette dé-
claration a été ordonnée par arrêts du con-
feil des 29 mai & 20 novembre 1736 ,
& le 16 octobre 1743 ; il y a eu une
nouvelle déclaration qui confirme celle de
173$. La déclaration du 16 octobre 1743 %
F
4t ELE
l'autorife auffi à faire les interrogatoires ,.
rendre hs jugemens à l'extraordinaire , &
les jùgem-ens préparatoires ; procéder aux
récolemens & confrontations , & généra-
lement faire toute l'infïrudion & rapport
du procès , &: rendre toutes les ordonnances
qui peuvent être données par un feul juge
dans les fieges ordinaires qui connoiffent
des matières criminelles. En cas d'abfence
ou autre empêchement du préfident , tou-
tes ces fondions font attribuées au lieute-
nant, ou autre plus ancien officier.
L'appel des f?ntences & ordonnances des
élections , eft porté aux cours des aides ,
chacune dans leur refTbrt.
L'édit du mois de janvier IÇ^S avait
• uni les greniers à fel & [es élections établis
dans les mêmes villes , pour ne faire qu'un
même corps d'élection & grenier à fèl ;
mais par édit d'odobre 1694 , les greniers à
fel ont été défunis des élections.
Les officiers des élections jouiffent de
plufîeurs privilèges , dont le principal eft
Fexemption de la taille , chacun dans l'éten-
due de leur élection. L'édit de juin 16 14
n'accordoit ce privilège qu'à ceux qui réfi-
doient en la ville de leur jurifdidion : ils
furent enfuite exemptés par le règlement
du mois de janvier 1634 , fans être affu-
jettisà la réfidence.
La déclaration du mois de novembre
I°34 révoqua tous leurs privilèges.
Mais par une autre déclaration du mois
de décembre 1644 > vérifiée en la cour des
aides au mois d'août 1645 , le roi les a
rétablis dans l'exemption de toutes tailles ,
crues , emprunts , fubventions , fubfiftances ,
contribution d étapes , logement de gens
de guerre , tant en leur domicile , maifon
des champs , que métairies ; paiement
d'uflenfiles , & de toutes levées pour lefclits
logemens , & autres contributions faites &
à faire ,pour quelque caufe & occafion que
ce foit , même en la jouifïànce de toutes
autres impoli fions qui feroient faites par
les habitans des lieux où lefdits officiers- fe
trouveraient demeurans , foit par. la per-
miffion de Sa Majefté ou autrement , pour
quelque caufe & occafion ; pour en jouir
eux & leurs veuves es lieux de leur réfi-
dence , pourvu qu'ils ne faffent ade déro-
geant auxdits privilèges ? commerce , ou |
ELE
tiennent ferme d'autrui ; leur laifîant k
liberté d'établir leur demeure où bon leur
femblera , nonobftant les édits contraires
La déclaration du 22 feptembre 1627,
leur donnoit auffi droit de committimus au
petit fceau ; mais n'ayant pas été enré-
gifhrée , ils ne jouiffent pas de ce droit,
excepté ceux de T élection de Paris , aux-
quels il a été attribué en particulier , tant
par l'ordonnance de 1669 t que par uns
déclaration pofiérieure du mois de décem-
bre 1732.
Ils ont rang dans les alTemblées publi-
ques , après les juges ordinaires du lieu ,
foit royaux ou ieigneuriaux ; ils précèdent
tous autres officiers , tels que. ceux des eaux
& forêts , les maire & échevins.
Les offices de judicature, foit royaux ou
autres , font compatibles avec ceux des
élections y fui-vant la déclaration du mois
de décembre 1644. Voye\ les décijions
fur les ordonnances des tailles & de la
jurif diction des élus , par Dagereau ; traité
des élections > par Vieville ; Chenu , des
offices , th. des élections. Voye\ auffi les
auteurs qui traitent de la cour des aides &
des tailles , & au mot TAILLES. (A)
ELECTION fe dit aufli d'une partie de
la Pharmacie , qui eft celle qui apprend à
choifir les drogues médicinales & les fin>
ples , & à diffinguer les bonnes & les mau-
vaifès. Voye\ PHARMACIE.
Il y a des auteurs qui difringuent' une
élection générale , qui- donne les règles &
les caraderes des remèdes en général , &
une particulière pour chaque, remède en par?-
ticuliêr. Charniers.
ELECTORAL, ad jed. (Hifi.mod. ) fe
dit d'une chofe qui fe rapporte ou, convient
à un éledeur.
Le prince, électoral eft le fils aine d'un
éledeur ,- & l'héritier préfomptif de &
dignité. Voye\ P R I N C E. On traite les
eledeurs dalcejje électorale. Voye^ AL-
TESSE.
Les princes qui font revêtus de la dignité
électorale , ont dans les aflemblées impé-
riales la preiéance eu deffus de tous- les
autres. Le roi de Bohême qui cède à
pluiieurs autres rois , ne le cède à aucun
dans les diètes pour l'eledion d'un empe-
reur ou d'un ici Ots Romains ; les éledeurs
E L E
•ont par confinent Iapréféance fur les car-
dinaux : l'empereur les traite de dileclion ,
(ans pourtant leur donner la main. HeifT.
hijioire de V Empire , tome UT.
Le collège électoral , qui eiïcQmpofé de
tous les électeurs d'Allemagne, €Û ie plus
iliuftre & le plus augufle corps de l'Europe.
Bellarmin & Baronius attribuent i'infli'turion
du collège électoral au Pape -Grégoire V ,
&: à l'empereur Gthon III , dans le X
fïecle : pre'que tou<? les Hiiloriens & les
Canoniftes (ont de ce fentiment. Wiqucfort
penfe autrement , & tâche de faire voir
par l'élection des empereurs fuivans , que le
nombre des électeurs n'étoit point fixé , &
que la dignité électorale n'étoit point annexée
à certaines principautés , à l'exclufion de
certains princes d'Allemagne. Il ajoute qu'il
n'y a eu rien de réglé là - deffus avant Char-
les IV., & que la publication de la bulle
d'or n'a eu pour objet que de prévenir les
fchifmes , & aflurer le repos de l'Empire
par un règlement en former
Ce fut donc la bulle d'or publiée en
1356, qui forma le collège électoral , &
réduifit à fept le nombre des électeurs ; mais
il a été depuis augmenté de deux. Voyt\
Collège & Bulle. Vcyt\ aujjfl Elec-
teurs, Constitution de l'Empire,
Empire , Diète , &c
Couronne électorale y c'efl un bonnet
d'écarlate entouré d'hermine , fermé par un
demi -cercle d'or , le tout couvert de perles :
il eff furmonté d'un globe , avec une croix
Bn deffus. Voye\ COURONNE. Voye\ le
diclionn. de Trév. & Chambers.
ELECTORAT, f. m. ( Hifi. & droit
public d'Allemagne. ) c'en1 le nom qu'on
donne en Allemagne aux territoires ou
fiefs immédiats qui font pofîédés par les
électeurs , comme grands officiers de l'Em-
pire. Voye\ Electeurs.
C'eft l'empereur qui donne l'invefliture
dts électorals , comme des autres fiefs
immédiats de l'Empire. On ne peut créer
de nouvel électorat en Allemagne , fans le
confentement non feulement des électeurs ,
mais encore de tous les états. Un électorat
ne peut être ni vendu , ni aliéné , ni par-
tagé ; mais il appartient de plein droit au
premier né d'un électeur laïque. Lorfque
la ligne directe d'un électeur vient à man-
E L E 45
quer, {'électorat doit paffèr. au p!us proche des
agnats de la ligne collatérale. Quant aux
électoral eccîénafîiqùes , ils font déférés
à ceux qui ont été é]vs par les chapitres.
Voye\ V article ELECTEURS.
ËLECTRA; (Ajjron. ) nom d'une
des fept étoiles des pléiades , fituées fur
le cou du taureau ; les anciens les pla—
çoient fur la queue du taureau ; leur nom
vient de tkw , qui fignifie naviguer , parce
qu'au printemps & vers le temps de leur
lever héliaque , on commençoit les grandes
navigations. Les poètes difent que les
Pléiades étoient filles d'Hefperis & d'Atlas;
c'eft. pourquoi on les appelle aufli Hefpéri-
des ou Atlantiades. Jupiter les ayant aimées,
& les voyant attaquées par Orion , les plaça
dans Je ciel , pour les fouflraire aux pour-
fuites de fon rival.
Ovide les renferme fous le nom de Taïgetc,
dans ces vers ;
Taygetemque , Hyadefque oculis , Arc*
tonque notavi.
Met. III , 596.
Et il rapporte leurs noms en détail dans le
IVe. liv. des Fajles , v. 16 j. Voye%
Plétades, {M. de la Lande. )
ELECTRICITE , f. f. i Ptyjique. )
ce mot fignifie en général , les effets d'une
matière très- fluide Ù très-fubtile , diffé-
rente par lès propriétés , de toutes les autres
matières fliiides que nous connoifîbns ; que
l'on a reconnue capable de s'unir A pres-
que tous les corps , mais à quelques-uns
préférablement à d'autres ; qui paroît le
mouvoir avec une très-grande vîtelîè , fui-
vantdesloix particulières , & qui produit par
fèsmouvemens des phénomènes très-lingu-
liers , dont on va effayer dans cet article de
donner une hiftaire.
Les fentimens des Physiciens font par-
tagés fur la caufè de Y électricité : tous ce-
pendant conviennent de l'exiftence d'une
matière électrique plus ou moins ramaflee
autour des corps électrifés , & qui produit
par (es mouvemens [qs effets d'électricité
que nous appercevons ; mais ils expliquent
chacun différemment les caufes & les direc-
tions de ces différens mouvemens. Voye\
FEU ÉLECTRIQUE , où nous rapporterons
F ^
44 E L E
leurs opinions. Nous nous contenterons?
d'expofer ici les principaux phénomènes de ;
X électricité > & les loix que la nature a paru j
fuivre en les produifanr.
Comme on ne connoît point encore '
l'efïence de la matière électrique , il eft j
impo'fllble de la définir autrement que par j
fès principales propriétés. Celle d'attirer & I
de repouffer les corps légers , eft une des
plus remarquables , & qui pourroit d'autant
mieux fervir à caractérifer la matière élec-
trique , qu'elle eft jointe à prefque tous
fes effets , 8f qu'elle en fait reconnoîrre
aifément la préfence , même dans les
corps qui en contiennent la plus petite
quantité.
On trouve dans les plus anciens monu-
mens de la Phyiique , que les Naturaliftes
ont connu de tout temps au fuccin la
propriété d'attirer des pailles & autres
corps légers. On s'eft apperçu par la fuite
que les corps bitumineux & réfineux , tels
que lefoufre , le jais , la cire , la réjme >
avoient aufli cette propriété ; que le verre y
les pierres précieufés , la Joie , la laine ,
le crin , & prefque tous les poils des
animaux , avoient la même vertu ; qu'il
fuffit de bien fécher chacun de ces corps ,
& de les frotter un peu , pour voir voler '
vers eux tous les corps légers qu'on leur ■
préfente. Sur ces exemples on a depuis
chauffé un peu plus vivement , & frotté i
avec plus de patience une infinité d'autres
corps , & on leur a trouvé auffi la même
propriété ; en forte qu?en po. fiant plus loin
cet examen , on s'eft aiiuré que tous les \
corps de la nature peuvent devenir électri-
ques , pourvu qu'ils foient auparavant par-
faitement léchés & frottés.
Néanmoins les métaux fe font conftam-
ment fouftraits à cette épreuve ; rougis ,
frottés , battus , jjmés , ils n'ont jamais don-
né le moindre ligne d'attraction électrique ,
en forte qu'ils font une exception à la règle
générale , ainfi eue l'eau & toutes les
liqueurs qu'il eft impoffible de foumettre au
frottement.
En examinant à quel degré tous les corps
de la narure deviennent électriques par
l'effet du frottement , on voit que l'on peut
defeendre par une infinité de nuances de
ceux qui s'électriiènt beaucoup & facile-
EL E
ment , à ceux dont la vertu fe rend à peine
fenfible , jufqu'à ce qu'on arrive aux mé-
taux fur lefquels , comme on vient de le
dire , le frottement n'a aucun effet ; c'eft
pourquoi on a partagé en deux claffes géné-
rales tous les corps de la nature , fuivant
qu'ils font plus ou moins fufceptibles
d'électricité.
On a compris dans la première clafïe ,
ceux qui s'électrifent très-facilement après
avoir été un peu chauffés & frottés , & on
les appelle fimpiement corps éleclriqi es :
tels font,
i°- Les diamans blancs & colorés de
toutes efpeces , le rubis , le faphir , le
péridore , l'émeraude , l'opale , l'amethyfte ,
la topafe , le beril , les grenats , enfin le
cryftal de roche , & tous ceux qu'on appelle
cailloux du Rhin y de Médoc , &c.
2°. Le verre & tous les corps vitri-
fiés ; fàvoir les émaux de toute couleur ; la
porcelaine , le verre d'antimoine , de
plomb , &c.
3°. Les baumes , larmes & réfines de
toutes efpeces , telles que la poix noire ,
la poix-réfine , la térébenthine cuite , la
colophane , le baume du Pérou , le maftic ,
la gomme-copal , la gomme-lacque , & la
cire , &c.
4°. Les bitumes , lefoufre , le fuccin , le
jais ,1'afphalte, &c.
5°. Certains produits des animaux , tels
que la foie , les plumes , le crin , la laine ,
les cheveux , & tous les poils des animaux
morts ou vivans.
La féconde claffe contient les corps qui
ne s'électrifent pas du tout par le frotte-
ment , ou du moins très-peu , & que l'on
nomme pour cet effet non éleclriques ;
favoir ,
i°. L'eau & toutes les liqueurs aqueufès
& fpiritueufes , qui font incapables de s'épaif»
fir & d'être frottées.
2°. Tous les méraux parfaits & impar-
faits , & la. plupart des minéraux ; favoir l'ai-
mant , l'antimoine , le zinc , le bifmuth ,
l'agate , le jafpe , le marbre , le grès , l'ar-
doife , la pierre de taille , &c.
3°. Tous les animaux vivans , à l'excep-
tion de leurs poils. On peut y joindre
aufli la plupart de leurs produits ; favoir le
cuir , le parchemin , ks os 3 l'ivoire , la
E L E
corne , les dents , l'écaillé , la baleine , les
coquilles , &c.
4°. Enfin les arbres & toutes les plantes
vivantes , & la plupart des choies qui en
dépendent , telles que le fil , la corde , la
toile , le papier , &c.
Ce n'eft pas que ces corps ne puifTent
jamais devenir électriques par d'autres
moyens que par la chaleur & le frottement,
mais parce que ces deux préparations leur
font ordinairement infuffifantes. En ^effet ,
quoique les métaux & les liqueurs ne puif-
fènt pas devenir électriques par la voie du
frottement , ils le deviennent très -bien,
comme nous le verrons dans la fuite , dans
la fimple approche d'un autre corps élec-
trilé. Il eft vrai que ces corps ne peuvent
manifefter la vertu qu'ils reçoivent , que
dans de certaines circonflances , & qu'ils la
perdent avec la même facilité qu'ils la
reçoivent , fi on ne prend pas quelque pré-
caution pour la leur conferver & la fixer,
pour ainfi dire , dans leur étendue. Cette
précaution , pour le dire d'avance , confifte
à les pofir fur des corps électriques un peu
élevés , & à les éloigner fuffilàmment de
ceux -qui pourroient leur enlever les cou-
rans de matière électrique , à mefure qu'on
les répandroit fur eux.
Ainli une barre de fer deviendra élec-
trique par l'approche d'un tube de verre
frotté , fi elle eft fou tenue horizontalement
par deux autres tuyaux de verre bien fecs ,
ou fufpendue par des cordons de foie , ou
enfin pofée fur un pain de réfine de quel-
ques pouces d'épailleur ; & on électrifera de
même l'eau & les autres métaux , ainfi que
tous les autres corps qui ne pouvant être
élecVifés que très-peu par le frottement ,
font rangés dans la claffe des non-électri-
ques. Ceux-ci acquerront même beaucoup
plus à électricité' par le moyen que nous
venons d'indiquer , qu'on ne leur en pour-
rait jamais exciter en les frottant.
Le frottement a paru néceifaire en gé-
néral pour exciter les mouvemens de la
matière électrique , & rendre apparens ics
effets d'attraction & de répulfion , & il y
a même très-peu de corps qui puiffent
devenir électriques fans cette préparation ;
cependant il fuffit que quelques-uns le
foient devenus fans ce fecours , m celui de
E L E 4,
la communication , pour qu'on puiffe con-
clure que le frottement n'eft pas abfoîument
effentiel à la production des effets de \ élec-
tricité. En effet , un gros morceau de fuc-
cin ou de jais , dont la fiirface eft large &
bien polie , un cône de foufre fondu dans un
verre à boire bien fec , &c. conferve de la
vertu électrique pendant des années entières
& fans le fecours d'aucun frottement , foi-
ble à la vérité , mais qui n'eft pas moins
bien caractérifée par l'attraction & la ré-
pulfion d'un cheveu. On peut joindre à ces
exemples celui d'une pierre plate & orbi-
culaire que l'on trouve dans quelques-unes
des rivières de Ceylan , qui attire & rc-
poufîè fucceffivement des paillettes , fans
qu'il foit jamais befoin de la frotter pour
exciter fa vertu.
Mais fi le frottement ne paroît pas abfo-
lument nécefTaire pour produire de l'élec-
tricité} on ne fauroit nier qu'il n'y contribue
infiniment ; car fans parler du plus grand
nombre des corps qui n'ont jamais de vertu
électrique qu'à force de frottement , il eft
confiant , par des expériences réitérées , que
ceux même qui ont cette vertu fans ce
fecours , produifent des effets électriques
d'autant plus confidérables qu'ils font plus
vivement frottés.
Il eft également nécefTaire que les corps
que l'on veut électrifer par le frottement ,
foient exempts de toute humidité : celle
qu'ils contiendroient dans leurs pores , &
qui paroît d'ailleurs fe répandre fur eux ,
paroît un obftacle bien décidé à ce qu'ils
deviennent électriques. On a beau frotter
un corps humide , il n'a jamais qu'une
vertu foible & languiffante ; au lieu que
lorfqu'il eft bien fec , le moindre frottement
fuffit pour exciter la matière en abon-
dance , & lui faire produire les effets les
plus fenfibles. De même la vertu électrique .
n'eft jamais plus apparente dans un corps
que lorfque l'air eft bien fèc & bien ferein ,
fur-tout s'il fouffle un vent frais du nord
ou du nord-eft : au contraire lorlque le
vent eft du iud ou de l'oueft , & que i'air
fe trouve chargé de vapeurs humides , les
effets de l'électricité font a peine fenfibles ;
en forte que les corps qui ne montrent
u'une médiocre électricité par un temps
èc , paroiffent n'en point avoir du tout
l
4<tf E L E
dans un temps humide & pluvieux , & c'eît
fans doute parce que les grandes chaleurs
font prefque toujours accompagnées d'hu-
midité , que les expériences fur ^électricité
réufliffent moins bien en été qu'en hiver.
Cependant cette condition n'efl pas pins
efTenticIle que le frottement à la production
de X électricité : l'humidité enlevé & détourne
la matière électrique , mais elle n'empêche
pas qu'elle ne fort excirée ; elle ne nous
ôte que l'apparence de les effets fans les
anéantir véritablement : car fi on refpire
fur un morceau d'ambre échauffé , ou fur
tin tuyau de verre , immédiatement après
qu'ils aur oient été frottés , ils ce fieront
tout-à-coup de paroître électriques ; mais
leur vertu le rétablira aufli-tôt que l'humi-
dité fe fera évaporée , en forte qu'ils pro-
duiront comme auparavant tous leurs effets
d'attraction & de répulfion.
La flamme paroît nuire plus poiîtivement
à Y électricité ; -en approchant feulement
une bougie allumée d'un tube de verre
•frotté , ou d'une barre de fer éleclrifée
par communication , on voit fenfiblement
diminuer leur vertu élecîrique , lors même
que la bougie en eft encore éloignée de 12.
à 15 pouces. Cette vertu difparoît à vue
-d'œil , à mefure qu'on approche la bougie
de plus près ; en forte que fi on porte
iubitement la flamme fur ces corps électri-
ques , leur vertu cefîè aufli-tôt , & ne fe
rétablit qu'avec peine par un nouveau
frottement. Le charbon & tous les corps
embraies produifent le même effet , auflï-
foien que les métaux qu'on a fait rougir
jufqu'au blanc: ceux-ci n'ont cependant pas
la même propriété , quand ils font feule-
ment bien échauffés & qu'ils ne commen-
cent qu'à rougir ; ce qui prouveroit que ce
n'eft pas par l'effet de la chaleur que dif-
paroît la vertu élecîrique , mais plutôt par
l'effet des vapeurs & des émanations parti-
culières que les corps embrafés laifîènt
échapper. On s'attend bien par cet effet de
la flamme fur les corps actuellement éleclri-
^ques , que les corps enflammés ne fàuroient
jguere être attirés ; aufli l'approche d'un tube
(élecîrique n'excite-t-elle aucun mouvement
flans la flamme d'une bougie , ni dans un
morceau de papier enflammé & fuipendu
ffSf mal
E L E
•On ignore quel efl le plus élecîrique de
tous les corps , à caufe de la difficulté qu'ii
y a de les comparer -exactement volume à
volume ; cependant on a reconnu en gé-
néral que le diamant fk les pierres pré-
cieufes , le cryfîal de roche , &c. devien-
nent plus fortement électriques que les
corps réfineux : mais il n'y en a pas dont
les Phyficiens fe foient plus fervis que du
verre , tant parce qu'il eff. naturellement
très- électrique , que parce que l'on a la
facilité de lui donner route forte de formes
commodes , comme celle d'un tube, d'un
globe ou d'un cylindre. Le tube a ordi-
nairement trois pies de longueur, un pouce
& demi de diamètre , & une ligne &
demie d'épaiflêur : ces dimenfions ne font
que commodes , & ne font point effentielles
pour produire de Xéleclricité : il eft. plus
avantageux qu'il foit fermé hermétiquement
par une de fes extrémités , & que l'on puifTe
boucher l'autre avec un bouchon de liège,
pour empêcher la pouffiere & l'humidité
de s'y introduire. On le frotte fùivant fa
longueur après l'avoir un peu léché au feu ;
& de toutes les matières qu'on peut em-
ployer pour le frotter , il riy en a pas qui
réuffhTe mieux que la main fèche , ou garnie
d'un morceau de papier pour en abforber
l'humidité. Les effers de cet inftrument font
très-fenfibles , il efl: fou vent le plus com-
mode , & c'efî par fon moyen que les Phy-
ficiens ont fait leurs principales découvertes
fur Yéleclricité.
Pour éviter la fatigue du frottement, &
aufîï pour rendre les phénomènes électri-
ques beaucoup plus forts & plus apparens ,
on a fubflirué au tube un globe de verre
creux d'environ un pie de diamètre &
aufîï d'une ligne & demie d'épaifîeur : par
le moyfen de deux calottes de bois tournées
& mafliquées extérieurement aux endroits
de fès pôles , on peut le retenir entre deux
pointes comme les ouvrages du tour , & le
faire tourner rapidement fur fon axe par le
mouvement d'une grande roue fèmblable
à celle dont fe fervent les couteliers.
( Voye\ la figure j8 expliquée dans nos
planches de phyjique. ) En appliquant les
mains fous l'équateur de ce globe , tan-
dis qu'il tourne avec rapidité , on excite fur
cette partie de fa fùrface un-mouvement
E L E
beaucoup plus vif qu'on ne peut faire arec
le tube , la matière électrique eft excitée
en bien plus grande abondance , & il en
réfulte de plus grands effets. Quoiqu'il
foit plus avantageux de frotter ce globe
avec les mains nues & bien feches ■; quel-
ques Phyficiens ont imaginé pour une plus_
grande (implicite & uniformité , de le
frotter avec un couffinet un peu concave
& ferré convenablement contre l'équateur
du globe ; ils ont employé avec luccès
différentes matières pour recouvrir ce couf-
finet , & quelques-uns ont préféré une
feuille de papier doré , dont- la dorure eft
appliquée contre le globe. L'ufage du couf-
finet a. fait imaginer de fubftitujsr au globe
un vailfeau de verre cylindrique , qu'on peut
faire tourner & frotter de la même manière.
Voye\ la figure- 79.
Le verre frotté fous l'une ou l'autre de
ces formes ,, acquiert en peu de temps une
vertu électrique très-confidérabîe ; elle fè
fait appercevoir par le mouvement des-
corps légers qu'il attire vivement à la dis-
tance de deux à trois pies ;. on fent alors,
en appro^iant le vifage ou la main ,. l'im-
preflion delà matière électrique qui fe ré-
pand de deffus le verre , & qui fait l'effet
d'un voile délié qu'on pafferoit très-légé-
rement fur la peau de ces parties. Ces éma-
nations continuent à. fe-- répandre tant que
l'on frotte le verre ; &. loriqu'on ceffe de
frotter , elles continuent encore quelque
temps en diminuant graduellement jufqu'-à-
ce qu'enfin elles s'évanouiffent^
L'application des autres corps électriques
bien iecs , fur la fuperficie du tube ou du
globe frottés , ne diminue pas fenfiblement
leur vertu : on a beau les toucher en difré-
rens endroits avec un autre tube de verre-,
un morceau d'ambre , de foufre ou de cire
d'Efpagne, on nappercevra aucun chan-
gement , ni dans l'étendue de leurs -émana-
tions , nr dans leur. vivacité à attirer ou à
repouffer les corps légers -, non. plus que
dans Ja durée de leur vertu. Au contraire
le voifinage des corps non électriques , ou leur
application immédiate fur le tube., -diminue*
très-prornptement ^électricité qu'on a pro-
duite par le frottement , en forte qu'on
éteint prefqu'en un moment toute fa vertu ,
ta l'empoignant daûs l'endroit ùà il a été
E L Ë 47
frotté , ou bien en le préfentant par cet
endroit à du métal ou à quelqu'autre corps
auffi peu électrique.
Cette propriété qu'ont les métaux d'é--
teindre prefque en un inftant la vertu d;un
corps électrique frotté , n'a lieu qu'autant
qu'ils établirent une communication entre
le corps électrique & la terre , au moyen-
de laquelle les émanations qu'il répand le
dirigent & fe tranfmettent promptement à
notre globe ; «.r fi l'on applique à l'extré-
mité d'un tube un corps non électrique :
quelconque , comme un morceau de métal ;..
& qu'on frotte le tube à l'ordinaire , en
prenant garde que ce corps qu'on aura atta-
ché au tube ne touche point à aucun autre-,
non feulement ce métal ne diminuera pas ;
la vertu du tube , parce qu'il n'établit plus
de communication avec la terre , mais il
deviendra lui-même électrique y & fera
capable d'attirer &t de repouffer les- petits •
corps légers.
Si l'on attache à l'extrémité du tube des
corps naturellement électriques , tels qu'un
morceau de verre, un bâton de foufre ou *.
de cire d'Efpagne , ces corps ne diminueront
pas non plus , comme nous l'avons déjà dit ,
la- vertu du tube,, mais ils ne recevront
jamais de lui, comme les métaux, la propriété
d'attirer, & de repouffer de petits corps
légers: d'où l'on voit que les cour-ans de la
matière électrique parlent avec une très-gran- ■
de. facilité dans les corps non électriques ,
puifqtie ceux-ci cn.deviennentélectriles , &
qu'ils leur lèrvent de moyens pour fe difîiper
&: le répandre dans la terre ; au lieu que les
corps naturellement électriques ne reçoivent -
rien du tube , & ne fauroient traniinettre
les émanations- Voici quelques expériences ■
qui confirmeront cette vérité;
I Expérience. Si on met une- barre de
fer ou tout autre corps non électrique fur
un guéridon de verre d'un pié & demi de
hauteur. .&.- bien fec , ou. fur un pain de
cire un peu épais , fur une maire de -foufre
ou de réfine , &c. en forte que cette barre
foit abfblument ifolée ùi. éloignée de tout "
autre -corps ; aufli-tôt qu'on approchera *
d'elle un tube de verre nouvellement frotté , ,
elle pourra attirer de petites feuilles d'or
ba:ru , ou d'autres corps légers , de tous
les points de fafurfaçe, &. elle confèrvera
4» E L E
cette vertu pendant quelques minutes ;
même après qu'on aura éloigné le tube.
Ces effets d'attraction & de répuliion
feront d'autant plus vifs & plus fenlibles ,
que le tube aura été plus rapidement frotté ,
que l'air, de l'atmofphere fera plus fec ; ou
dans l'égalité de toutes ces circonfïances ,
fuivant que la barre aura plus d'étendue en
longueur & en furface ; en forte qu'un
long tuyau de fer-blanc de quatre à cinq
pouces de diamètre , ainfi éledrifé par le
tube , paraîtra attirer beaucoup plus vive-
ment qu'une fimple barre de fer moins groffe
& beaucoup plus pefante.
Mais fi au lieu d'un corps métallique on
met fur le guéridon de verre quelque corps
que ce foit , facile à électrifer par le frot-
tement > car exemple, un long tuyau de
verre bien fec , un écheveau de foie , un
pain de réfine , ou un long canon de
foufre, aucun de ces corps ne deviendra
électrique par l'approche du tube , ou ne
recevra tout au plus qu'une très-foible
vertu.
Nous exceptons cependant un cas parti-
culier , dans lequel le verre affocié à des
corps non électriques , reçoit beaucoup
d'électricité par communication. Ce cas ,
dont l'examen nous meneroit trop loin , a
rapport à la fameufe expérience de Leyde.
Voye\ cette expérience au mot Coup
FOUDROYANT.
II Expérience. Lorfqu'on électrife une
barre de fer pofée fur un guéridon de verre ,
ii quelqu'un y applique le bout du doigt ,
elle ceffera' aufli - tôt d'être électrique ,
quelque rapidement que l'on continue de
frotter le tube ; & la même chofe arrivera ,
fi au lieu d'y mettre le doigt , on y attache
une petite chaîne de métal qui traîne jufqu'à
terre. Cependant fi la perfonne qui touche
la barre , eft montée fur un pain de réfine ;
ou fi la chaîne , au lieu de traîner à terre ,
eft foutenue par un cordon de foie , non-
fèulement la barre deviendra électrique ,
comme à l'ordinaire , en approchant le tube,
mais la perfonne & la chaîne recevront
àuflî de Y électricité par communication.
III Expérience. Si au lieu de toucher à
la barre avec le doigt , on y touche avec
un morceau de verre bien fec , un bâton de
cire d'Efpagne , un morceau d'ambre ou
E L E
de jais , elle deviendra tout aufîî électrique
à l'approche du tube , que ii rien ne la
touenoit.
On voit donc par ces expériences , que
les corps non électriques tels que les
métaux , les hommes , &c. reçoivent de
la matière électrique par la fimple approche
du tube de verre frotté ; qu'ils tranfmettent
cette même matière & la partagent avec
les autres non électriques qui leur font
contigus; au lieu que les corps naturelle-
ment électriques ne reçoivent rien du tube ,
& ne permettent pas à fes émanations de
fe répandre : car fi le verre , la foie ? la
cire d'Efpagne , le foufre , Ùc. n'avoient
pas la propriété d'arrêter la matière électri-
que , les phénomènes de ïéleclrieité ne
nous fèroient jamais rendus fenfibles , &
Iescourans de cette matière fe diiîiperoient
dans la terre fans que nous nous en apper-
çuflïons , àmefure qu'ils fortiroient du tube.
C'eft pourquoi on emploie ces fortes de
corps pour fupporter ceux à qui on veut
communiquer de Y électricité. On fe fert de
cordons de foie , de crin ou de laine ,
quand ils ne font pas trop pefa# , & qu'il
eft plus commode de les fufpendre. On pofe
les plus folides fur des piédeftaux garnis de
glaces étamées pardeffous , fur des pains
de cire jaune , ou fur des maffes de poix &
de réfine feules ou mêlées enfèmble , &
auxquelles il eft bon d'ajouter du foufre en
poudre , pour leur donner plus de dureté
& de féchereffe. On verfe t es matières
fondues & mêlées , dans des caiffes de bois
de deux pies en quarré , & de deux pouces
de profondeur , ce qui forme des gâteaux
très-commodes pour électrifer des hommes.
On doit toujours prendre garde que tous ces
fupports foient bien fecs & un peu chaufïes
auparavant que de faire les expériences ; &
l'on doit choifir , autant qu'il eft poffible ,
un lieu fec & vafte.
Les expériences fuivantes vont répandre
encore plus de lumière fur toutes ces obfer-
vations , en même temps qu'elles feront
connoître de nouvelles propriétés de la
matière électrique. Nous avons préféré de
rapporter celles dans lefquelles on éleétrife
par communication une ou plufieurs per-
fonnes , parce qu'elles nous découvrent
quelques phénomènes que le fentiment
feul
E L E
feul peut faire appercevoir ; mais à l'excep-
tion de ces phénomènes , on doit entendre
que tout ce qui arrive à des perfonnes
éle&rifées , arrive auffi aux métaux & aux
autres corps non électriques , pourvu qu'ils
foient exactement dans les mêmes cir-
conftances.
IV Expérience. Si dans un lieu fuffilam-
ment fpacieux on fait monter un homme
fur un pain de réfine bien fec , d'environ
quinze pouces de diamètre , & de fept à
huit pouces d'épaiffeur , & que d'une main
cet homme touche légèrement la partie
fupérieure du globe tandis qu'on le frotte
& qu'il tourne avec rapidité , au bout de
quelques fécondes- il deviendra électrique
depuis les pies jufqu'à la tête , ainfi que
dans fes habits , & on pourra obferver les
phénomènes fuivans.
i°. Son autre main & toutes les parties
de fon corps attireront & repoufleront de
très-loin les petits corps légers ; favoir à la
diftanee de trois à quatre pies , & même
davantage , il le temps eit favorable.
2°. Tous les corps non électriques qu'il
tiendra dans fa main , s'électriferont comme
lui , pourvu qu'ils ne touchent qu'à lui feul ,
ou qu'ils foient fupportés par des corps
électriques bien féchés. Bien - loin que ces
corps en s'électrifant diminuent la vertu que
la perfonne aura reçue du globe , elle pa-
raîtra au contraire un peu plus forte , tant
dans cette perfonne que dans les corps
qu'elle tiendra : & fi on augmente prodi-
^ gieufement l'étendue de ces corps , fur-tout
en furface & en longueur , par exemple ,
fi on fait communiquer cette perfonne à
une longue chaîne de ter, ou encore mieux
à de gros & longs tuyaux de fer -blanc
fulpendus à des cordons de foie , la vertu
électrique paroîtra de beaucoup plus forte
dans la perfonne électrifée , ainfi que la
furface de la chaîne ou des tuyaux.
3°. Si cette perfonne donne la main à
une autre femblablement pofée fur un pain
de réfine , celle - ci deviendra aullï élec-
trique que la première ; & il en arrivera
de même à autant de. perfonnes que l'on
voudra , pourvu qu'elles foient toutes po-
fées fur des matières électriques , comme
des pains de réfine , &c. & qu'elles fe com-
muniquent uniquement entr'elles , foit en
Tome XII.
E L E 42
fè donnant la main , foit en tenant les
extrémités d'une barre ou d'une chaîne de
fer , ou de tout autre corps femblable qui
puiife tranfmettre ¥ électricité. Mais la vertu
ceffera dans toutes à la fois , fi une per-
fonne qui n'eft point électrique , en touche
une feule de la bande , ou s'il y a quel-
qu'autre communication directe avec des
corps non électriques. Il efl cependant
arrivé quelquefois, lorfque l' électricité étoit
bien forte , qu'une perfonne efl defeendue
de defTus le pain de réiine , & a marché
quelques pas dans une chambre , fans per-
dre entièrement fon électricité : mais on
a toujours obièrvé que fa vertu diminuoit
très-rapidement ; & que cette expérience ,
qui paroîr contraire aux effets ordinaires
de Y électricité y n'avoit lieu que dans un
temps très-fec , & fur un plancher naturel-
lement un peu électrique.
4°. Si la première perfonne qui a fa
main étendue fur le globe ceiîè de le tou-
cher tandis qu'on le frotte , elle confer-
vera pendant quelque temps Vélectricité
qu'elle aura reçue , ainfi que toutes les
perfonnes qui feront électrifées avec elle ;
cependant les effets d'attraction & de
répulfion s'affoibJ iront infenfiblement juf-
qu'au point de difparoître ; mais ils s'éva-
nouiroient fur le champ , fi cette per-
fonne en touchoit une autre qui ne fût pas
électrique.
Les grands tuyaux de fer-blanc électri-
fés de cette manière , confervent leur
électricité bien plus long-temps que les
animaux après qu'on a interrompu leur
communication avec le globe ; ce qui
arrive vraifemblablement parce que leur
matière électrique ne fe diflipe pas comme
dans les animaux avec celle de la trans-
piration ; mais ils perdent comme eux dans
un inffant toute la vertu qui leur a été
communiquée , âès qu'une perfonne qui
n'eff. point électrique les touche du bout
du doigt en quelque point que ce foit. Le
départ de la matière électrique efl marqué
comme fon entrée par une étincelle qui
frappe le doigt de celui qui .les touche ,
& cette étincelle eft également vive en
quelque endroit qu'on préfente le doigt.
5°. Si une perfonne qui n'eff point élec-
trifée approche graduellement la main du.
jo EL E
vifage de la première , elle fentira Pim-
■preiïlon d'une atmofphere fluide , qui en-
vironne tout le corps de la perfonne élec-
trifée , & en continuant d'approcher le
doigt de quelque partie Taillante , du nez ,
par exemple , le doigt & le nez paraîtront
lumineux dans l'obfcurité ; enfin quand ces
deux parties s'approcheront encore davan-
tage , il fortira avec bruit une étincelle
très - éclatante qui frappera les deux per-
fonnes en même temps , & leur fera fentir
ine douleur d'autant plus vive que V élec-
tricité fera plus forte. Cette étincelle for-
tira pareillement de toutes les parties de
Ja perfonne électrifée , defquelles on ap-
prochera le doigt , & même au travers de
ies habits.
C'eft dans Pexplolion de cette étincelle ,
que s'élance la matière électrique dans les
corps auxquels elle fe communique ; ainfi
des tuyaux de fer-blanc fufpendus par des
cordons de foie , feront électrifés tout-
d'un-coup par une feule étincelle qui fort
du doigt de la perfonne électrifée par le
globe : & toutes chofes égales d'ailleurs ,
cette étincelle fera , comme la vertu attrac-
tive , d'autant plus forte que ces tuyaux
auront plus d'étendue en furface & en
longueur.
6°. Lorfqu'on s'approche allez près d'une
perfonne électrifée , on fent exhaler de
fon corps une odeur extraordinaire que
quelques-uns rapportent à celle du phof-
phore d'urine : cette odeur eft remarquable
dans toutes les parties de la perfonne élec-
trifée , & même dans tous les corps non
électriques qu'elle tient dans fa main : elle
fort de même d'un tuyau de fer - blanc
électriiè immédiatement par le globe , &
elle s'imprime pendant quelque temps dans
les corps que l'on préfente à ceux qui
font électrifés pour en faire fortir de la
lumière.
V Expérience. On a pofé fur des cor-
dons de foie tendus horizontalement , à
quatre ou cinq pies au defïus de la furface
de la terre, un fil -de -fer d'un quart de
ligne de diamètre , & long d'environ deux
mille toifes : une de fes extrémités étoit
arrêtée par un cordon de foie au deffus
du globe , afin d'en recevoir de Yéleclri-
titi) & l'on a fufpendu à l'autre une balle
E L E
de plomb , de laquelle on approchoit
de temps en temps des feuiiles d'or
battu , pour recorinoître fi' elle devenoit
électrique.
i°. Après cinq ou fix tours de roue V élec-
tricité a pafle dans le fil - de - fer , & s'eft
communiquée très-promptement jufqu'à la
balle de plomb , en forte que les feuilles
d'or ont été attirées & repouffées à la dis-
tance de cinq à fix pouces.
2°. Cette balle eft devenue pareillement
électrique en quelque endroit du fil-de-fer
qu'elle ait été fufpendue , foit à fon extré-
mité proche du globe , foit dans fon mi-
lieu , foit par-tout ailleurs dans toute fon
étendue : il y a beaucoup d'apparence que
la matière électrique fe répandroit également
dans un fil-de-fer d'une longueur encore
bien plus confidérable.
3°. Tous les corps qu'on s'eft avifé de
fubftituer à la balle de plomb fe font
électrifés pareillement , & ont attiré la
feuille d'or , mais non pas tous avec une
égale vivacité ; car les métaux , les ani-
maux vivans , & les liqueurs , ont attiré
toujours plus vivement que le bois , la
pierre, & les autres corps un peu électri-
ques ; en général ceux-ci attiroient d'au-
tant plus foiblement qu'ils avoient plus
de difpofition à s'électrifer par la voie du
frottement.
4°. Non feulement la balle de plomb
& tous les corps fufpendus ont attiré &
repouffé les feuilles d'or , mais il en eft
for ti , lorfqu'on leur a préfenté le doigt >
des étincelles lumineufes , comme lorfqu'on
électrifoit une perfonne pofée fur un gâ-
teau de réfine ; & cette étincelle n'a pas
été plus vive lorfque la balle étoit fuf-
pendue proche du globe , que lorfqu'elle
étoit à l'autre extrémité du fil-de-fer.
5°. Tous ces effets ont entièrement
ceffé lorfqu'une perfonne qui n'étoit point
électrique a pincé le fil-de-fer proche l'une
ou l'autre de fes extrémités , & ils ont
recommencé à paroître dès qu'on a cefîé
de le toucher. Cependant fi cette perfonne
étoit montée fur un gâteau de réfine , elle
avoit beau toucher le fil-de-fer, il reftoit
auffi électrique qu'auparavant.
6°. Les mêmes efièts arrivoient , quoi-
qu'avec un peu plus de peine , quand on
E L E
fcrbflituoit aux cordons de foie qui fer-
voient de fupports , des cordons de crin ou
de laine ; mais il ne paroifïoit rien fi les
cordons étoient de chanvre , de fil , ou fi '
les cordons de foie éroient mouillés , &
encore moins fi on s'étoit fervi de fil d'ar-
chal ou de laiton , ou de toute autre ma-
tière qui pût tranfmettre V électricité.
7°. Lorfqu'on fubftituoit au grand fil-
de-fer une corde de chanvre , la balle pen-
due a fon extrémité devenoit électrique ,
mais avec plus de difficulté que lorfqu'elle
étoit au bout du fil -de -fer , fur -tout fi
la corde étoit feche ; car lorfque la corde
étoit bien mouillée , V électricité pafïbit
beaucoup mieux.
8°. Si on fubffituoit au fil-de-fer un
cordon de foie bien iec , ou un long tuyau
de verre , ils ne recevoient l'un & l'autre
qu'une électricité très-toible , elle n'étoit
plus fenfible dans le tuyau de verre , à
12 pies du globe, &à 25 dans le cordon
de foie.
9°. Lorfqu'on électrifoit un long fil-de-
fer comme dans le premier cas de cette
expérience , fi on le coupoit en un ou plu-
fîeurs endroits , en forte que les extrémités
coupées fufîent arrêtées vis-à-vis l'une
de l'autre à une difrance moindre qu'un
pie , la matière électrique s'élançoit au
travers de toutes ces interruptions , & fe
faifoit appercevoir jufques dans la balle
fufpendue à l'extrémité la plus éloignée
du fil-de-fer. Un vent très -violent que
l'on excita par le moyen d'un foufHet dans
une de ces interruptions , n'empêcha pas
la matière électrique de parler , non plus
que tous les corps naturellement électriques
qu'on s'avifa d'interpofer , favoir un car-
a reau de verre , une plaque de cire d'Es-
pagne , un mouchoir de foie , &c. mais
tous les corps non électriques , tels que
la main d'un homme , la pointe d'une
épée nue , & même une gaze humide ,
arrêtèrent la propagation de la matière
électrique & l'empêchèrent de parvenir
E L E Tr
d'eau , dans laquelle on fit plonger un bouc
de fil mouillé , qui pendoit de chacune des
extrémités coupées du fil-de-fer ; la matière
électrique pafîa avec la même facilité que
fi le fil-de-fer n'eût jamais été coupé , &
l'eau de la cuvette fe trouva entièrement
électrifée.
io°. Lorfqu'un homme pofé fur un gâ-
teau de réfine a prélenté la pointe d'une
épée dans l'une de ces interruptions du fil-
de-fer ; il eff devenu aufli-tôt électrique ,
quoique ni I'épée ni lui n'eufîent point
touché au fil-de-fer ; & dans ce cas I'épée
interpolée n'a pas empêché la propagation
de la matière électrique jufqu'à la balle :
d'où l'on voit que la matière électrique
parlé librement au travers d'une médiocre
quantité d'air , fans fe déranger de fà
direction, quoiqu'elle fe répande latérale-
ment dans les corps qui font capables de la
recevoir.
ii°. Si l'on fufpend verticalement par
des cordons de foie un cercle de fil de
laiton d'environ trois pies de diamètre ,
& qu'on faffe pafTer le fil-de-fer des expé-
riences précédentes, à -peu -près par le
centre de fon plan fans toucher à fa cir-
conférence , de manière qu'il demeure
toujours perpendiculaire au plan de ce cer-
cle , Y électricité communiquée du globe
au fil - de - fer fe fera appercevoir très-
fenfiblement dans ce cercle de laiton , à
quelque diffance du globe qu'il foit placé ,
& on éled rifera tout autant de pareils cer-
cles qu'on en placera avec de femblables
précautions dans toute la longueur du fil-
de-ter ; d'où l'on voit que les émanations
électriques fe répandent en tout fens , &
même à une diftance afTez confidérable du
corps électrifé.
12°. On a difpofé le même fil-de-fer
fur des cordons de foie bien fecs , de
manière qu'après avoir parcouru mille toi-
fes en ligne droite , il fit un double coude
& revint parallèlement jufqu'auprès du
globe , en laifïant 9 à 10 pies d'intervalle
jufqu'à la balle. La flamme d'une bougie entre fes deux branches : chacune de fes
l'arrêta fubitement , mais la fumée, ne
l'interrompit pas : un glaçon interpofé &
tous les corps mouillés l'interceptèrent ;
enfin Ton mit fur un guéridon de verre
afTez élevé une grande cuvette pleine
extrémités étoit éloignée du globe de 7
à 8 pies , & arrêtée vis-à-vis un cordon
de l'oie bien fec , & la balle de plomb
étoit fufpendue à l'une d'elles. Une chaîne
1 de fer fixée au deflîis du globe avec un
G 2
5* E L E
autre cordon de foie en recevoir. Téleclri-
cité par une de fes extrémités ; l'autre bout
<k cette chaîne étoit fixé à une canne de
verre de cinq pies de long , en forte qu'on
pouvoit tranimettre quand on vouloit , au
jil-de-fer , Yélec7ricité du globe , en lui
appliquant le bout de la chaîne fixé à -la
canne de verre. Tout étant ainfi préparé,
on a frotté le globe , & après cinq ou fix
tours de roue on. a appliqué la chaîne à
une àes extrémités du fil-de-fer arrêtée à
3a foie ; on a obfervé que dans le même
inftant la balle fufpendue à fon autre
extr<émité attiroit les feuilles d'or. On a
répété la même expérience , en approchant
le doigt de la balle , au lieu de lui préfen-
ter les feuilles d'or , afin d'en tirer une
étincelle ; & l'on a obfervé que l'étincelle
frappoit le doigt au même inftant qu'on
appliquoit la chaîne à l'autre extrémité du
fil-de-fer : cet inftant étoit aifément fai-
iiffable par une fèmblable étincelle qui
fbrtoit du bas de la chaîne , quand on
l'approchoit du fil -de -fer : or ces deux
étincelles partoient en même temps , fans
qu'on pût y remarquer la moindre fuc-
ceflîon.
130. Lorfqu'on électrifoit ce même fil-de-
fer plié en deux , comme dans l'expérience
précédente , en le touchant fimplement
une fois avec la chaîne , & en la retirant
suffi - tôt , on s'eft apperçu que fa vertu
électrique fe confervoit pendant cinq à fix
minutes plus ou moins , fuivant l'état de
i'atmofphere. On a. remarqué auffi que
cette vertu s'évanouiffcit dès qu'on avoir
tiré l'étincelle en le touchant du doigt ,
quelque part que ce fût. Comme donc on
avoit obfervé dans l'expérience précédente ,
que la matière électrique s'étoit élancée
dans un inftant d'une des extrémités de ce
fil-de-fer jufqu'à l'autre , en a cherché à
découvrir fi cette matière pourroit revenir
fur fes pas avec la même vîtefîè : c'eft
pourquoi on a encore eîectrifé le fil-de-fer
en lui appliquant la chaîne ; & on s'efl
alîliré par les feuilles (For, que X électricité
étoit parvenue jufqu'à la balle : alors on a
préfenté le*doigt à cette même extrémité
du fil-de-fer à laquelle la chaîne venoit
«d'être appliquée , & il en eft forti auffl-tot
une étincelle ; au même inflant on préfenta
E L E
les feuilles d'or à la balle qui ne les a pas
attirées ; d'où il a paru évident que la
matière électrique répandue dans le fil-de-
fer s'étoit toute portée vers le doigt en
rétrogradant avec une vîteffe prefque
infinie.
On voit par le détail de ces expériences :
i°. Que la matière de Y 'électricité Te com-
munique à tous les corps non électriques ,
de quslque grandeur & de quelque étendue
qu'ils puiflènt être ; & que les effets de cette
matière nous font fenfibles tant qu'ils ntt tien-
nent qu'à àes corps électriques & qu'ils ne
communiquent point à d'autres.
2°. Que cette matière (è répand dans ces
corps en une quantité d'autant plus confi-
dérable qu'ils ont plus de furface & de lon-
gueur ; qu'elle fe diftribue uniformément
dans toute leur étendue , en forte qu'elle
n'eft jamais plus abondante dans une partie
que dans une autre.
3°. Qu'après s'être communiquée de cette
manière , elle en fort avec la même liberté ,
dès qu'on lui établit quelque parc une com-
munication avec la terre.
4°. Que de médiocres interruptions dans
la continuité de ces corps électrifés , n'em-
pêchent pas la propagation du fluide élec-
trique , & qu'il pafîë avec affez de facilité
au travers de l'air.
5°. Que cette matière fe répand avec une
vîteffe prodigieufe , puifqu'eile parcourt un
efpace de 2000 toiles dans un inftant indé-
fîniffable.
6°. Qu'elle fe meut en rétrogradant , avec
h. même vîtefîê , à la fimple approche d'un
corps non électrique.
7°. Enfin qu'on peut accumuler une
grande quantité de cette matière en appli-
quant le globe à des corps non électriques,
d'une très-grande étendue & parfaitement
ifolés , comme à des lames de métal très-
longues , & d'une grande fuperficie. On a
trouvé , depuis quelques années , d'autres
moyens de condenfer dans un très - petit
efpace beaucoup de matière électrique :
nous examinerons ailleurs ces difrérens
moyens. Voye^ COUP FOUDROYANT &
Feu électrique.
Les conféquences que nous venons de
tirer des expériences précédentes , font
connaître en général les loix que la nature
ELE
obferve dans les phénomènes de Xéleclri-
cité } & dans la diftribution qui fe fait de
la matière éleârique dans les différens
corps ; on peut les regarder comme autant
de principes , qui fervent à expliquer la
plus grande partie des effets furprenans de
cette matière , & à rendre raifon de toutes
les précautions qu'il faut prendre pour le
iuccès des expériences : c'eft pourquoi nous
avons jugé à propos de faire précéder l'exa-
men que nous allons faire des autres proprié-
tés de cette matière.
Le premier effet qui nous manifefte dans
un corps la préfence de la matière électri-
que , eft l'attraâion des petits corps légers
qu'on lui préfente ; les corps naturellement
éleâriques peuvent attirer de tous les points
de leur furface ; mais ils n'attirent guère
que ceux qui ont été frottés , & leur attrac-
tion eft toujours dirigée fuivant la ligne la
plus courte : c'eft ce qu'il eft aifé de voir ,
en frottant un globe de verre, & en le
plaçant au milieu d'un grand cercle de fer ,
garni dans fa circonférence de plufieurs
fcrins de fil égaux , & plus courts que le
rayon du cercle : tous ces fils qui devroient
pendre parallèlement par l'effet de leur
.gravité , feront dirigés vers le centre du
globe , s'il a été frotté fur fan équateur ,
ou bien vers le centre de tout autre cercle
parallèle , que l'on aura frotté ; comme
s'ils étoient devenus des rayons de ces
cercles. Un tube de verre , un bâton de
cire d'Efpagne , un morceau d'ambre , n'at-
tirent jamais que par le côté par lequel ils
ont été frottés.
Mais les corps qui font éleârifés par
communication attirent fenfiblement de
tous les points de leur furface , & il paroît ,
autant qu'on en peut faire Feftimation par
les effets , que leur force attractive eft
«également répandue dans tous leurs points.
On voit néanmoins que la matière élec-
trique fe détermine plus facilement vers les
singles & aux parties faillanres des barres
qu'on éleârife , qu'au milieu des furfaces
planes: ainfi un 'globe de métal attire éga-
lement de tous les points de fa fuperficie ,
& il en eft de même d'un parallélipipede ;
cependant l'attraâion fera toujours plus
fenfible aux angles de ce dernier corps ,
qu-du milieu d'une de {es longues furfaces :
maïs cette variété dans la force attraâive
ne dépend , fuivant toute apparence , que
delà figure : car un tuyau de fer -blanc
conique paroît attirer bien plus fortement
par la circonférence de fon plus grand cer-
cle , que par fa pointe.
Le mouvement par lequel les corps légers
tendent vers les corps éleâriques , eft tou-
jours réciproque ; celui qui eft le plus mo-
bile , va conftamment vers celui qui eft fixe ,
& toujours par le plus court chemin : s'ils
font mobiles tous les deux , ils s'avanceront
l'un vers l'autre ; on va voir dans les ex-
périences fuivantes des exemples de ces di£-
férens mouvemens.
i°. Préfentez un tube éleârique à de
petites feuilles d'or pofées fur une plaque
de cuivre polie , elles voleront auffi-tôt
vers le tube.
2°. Sufpendez un tibe éleârique par deux
cordons de foie , de la longueur d'une aune ,
& préfentez lui une feuille d'or , que vous
tiendrez entre vos doigts , le tube s'avan-
cera vers la feuille.
3°. Si une perfonne éleârifée , & mon-
tée fur un pain de réfine , tient dans fa main
la plaque de cuivre poli , fur laquelle ibient
pofées les feuilles d'or ; & qu'une autre
perfonne , qui n'eft point éleârifée , appro-
che le doigt au delfus de la plaque , on
verra aufii-tôt les feuilles d'or , qui étoient
devenues éleâriques par communication,
fe porter vers le doigt de la perfonne qui
n'eft point éleârifée.
4e. Enfin fi l'on fuipend deux boules
de papier doré , à % pouces de diftance
l'une de l'autre , la première par un fil de
foie de deux à trois pies , & l'autre par
un fil d'argent très-fin & de même largeur,
& fi on approche le tube de la boule qui
eft fufpendue par de la foie pour féleâriièr,
ces deux boules s'avanceront l'une vers l'au-
tre avec une égale vîteffe , quoiqu'il n'y en
ait qu'une feule d'éleârifée.
Tous les corps légers , excepté la flamme ,
font attirés par les corps éleâriques , mais
non pas tous avec la même force : les
feuilles d'or , d'argent , de cuivre battu ,
& en général toutes les particules métal-
liques , amincies & rendues légères , paroifc
Cent , toutes chofes égales , être attirées
plus vivement que les autres corps. Mais
54 E L E
la matière , & même la figure des corps
fous lcfquels on pofe ces parues minces des
métaux , apporte une grande différence
dans les effets fenfibles d'attraction ; ces
fupports doivent être parfaitement non élec-
triques : & à cet égard , rien ne convient
mieux que des plaques de métal poli ; ainfi
toutes chofes égales , les feuilles d'or feront
attirées bien plus vivement de deffus une
plaque de cuivre poli , que l'on tiendra à
la main , que de deffus une glace de même
grandeur. L'élévation du fupport doit être
proportionnée à l'étendue du corps élec-
trique , & il eft toujours plus avantageux
que ces fupports foient élevés de deux ou
trois pies de terre ; car on aura toujours
beaucoup plus de peine à attirer avec le
tube , des feuilles d'or pofées à terre fur
une plaque de cuivre , que fi cette même
plaque étoit tenue à la main , ou portée
par un guéridon de métal , d'un pié ou
deux d'élévation. Par la même raifon , fi
la tablette du guéridon eft d'une très-
petite furface y fi elle eft un peu convexe ,
les feuilles d'or feront encore mieux atti-
rées , que fi cette furface étoit large , ou
qu'elle eût des rebords un peu élevés. L'ex-
périence fuivante va faire voir combien
il eft avantageux que les corps légers
foient ifolés , pour qu'ils foient attirés de
plus loin. Si on met des feuilles d'or au
milieu d'une plaque de cuivre d'un pié
quarré , qui forme la tablette fupérieure
d'un guéridon de métal , & qu'on examine
jufqu'à quelle diftance on eft obligé d'en
approcher le tube électrique , pour qu'elles
foient attirées ; on verra que cette diftance
fera toujours beaucoup plus petite , que
lorfque ces feuilles d'or feront pofées fur
un des angles de la plaque : & quand les
feuilles d'or font au milieu , fi l'on pofe
autour d'elles un anneau de métal de cinq
à fix pouces de diamètre , & d'un pouce
ou deux d'épaifleur ; on aura beau appro-
cher le tube électrique , on ne pourra ja-
mais les attirer. La même chofe arrivera ,
fi au lieu de l'anneau on met d'équerre à
droite & à gauche , à quatre ou cinq pouces
de diftance de ces feuilles , deux autres
plaques quarrées de quatre pouces de hau-
E L E
moins qu'on ne l'approche d'elles à la dif-
tance d'un demi-pouce : mais fi pendant
qu'on le prelente à la diftance d'un pié ,
quelqu'un ôte fubitement l'anneau , ou les
deux plaques pofées d'équerre , les feuilles
d'or voleront aufli-tôt vers le tube. Les
conditions les plus favorables pour qu'un
corps léger foit attiré, font donc, i°. qu'il
foit parfaitement non électrique.
2°. Qu'il foit d'un très-petit volume.
3°. Qu'il foit fupporté par un corps non
électrique , prefque terminé en pointe , &
fuffifamment élevé.
4°. Enfin , qu'il n'y ait point dans fon
voifinage d'autre corps non électrique plus
près que lui du tube , qui puiffe en détour-
ner les émanations.
A l'attraction fuccede ordinairement la
répulfion , c'eft - à - dire , que lorfqu'une
feuille d'or a été attirée par un tube , elle
en eft aufïï-tôt repouffée , & s'en éloigne.
Cette répulfion n'eft guère fenfible , quand
Y électricité eft foible ; mais dès qu'elle de-
vient un peu plus forte , la feuille d'or ne
manque guère d'être repouffée aufli - tôt
qu'elle s'eft affez approchée pour toucher
le tube. Enfin , quand 1' 'électricité eft très-
forte , il n'y a plus de contact, entre la
feuille & le tube , & la répulfion commence
lorfque la feuille d'or s'en eft approchée à
deux ou trois pouces : dès ce moment cette
feuille devient électrique par communica-
tion ; & lorfqu'elle commence à être re-
pouffée , elle a acquis une atmofphere aufG
denfe que celle du tube : alors elle s'en
éloigne , & refte fufpendue au deffus de
lui , jufqu'à ce qu'elle ait perdu la vertu
qu'elle avoit acquife , foit peu après en la
communiquant aux vapeurs humides répan-
dues dans l'air ; foit fubitement , en touchant
à quelque corps non électrique ; elle fe
porte même vers ces fortes de corps , lor£
qu'il s'en rencontre dans fon voifinage ,
& il fembleroit qu'elle en feroit attirée ;
mais il eft aifé de reconnoître qu'elle n'a
ce mouvement que parce qu'elle eft elle-
même devenue électrique , en lui préfen-
tant une autre petite feuille d'or battu ,
fufpendue par une foie , qu'elle ne manque
pas d'attirer fur le champ : ou bien parce
teur environ {voye\ la figure 8o)\ jamais ' qu'elle fe précipite avec impétuofité fur
le tube ne pourra attirer les feuilles , à } le tube , fi on en détruit fubitement la
E L E
vertu en l'approchant de la flamme d'une
chandelle.
On peut faire attirer & repouffer de
la même manière une feuille d'or , en la
préfentant à un grand tuyau de métal
éleclrifé par communication : dans ce cas ,
lorfque la feuille d'or eft repoufTée & qu'elle
voltige à une certaine diflance au defîùs
du tuyau , il eft facile de démontrer fon
électricité > en touchant du doigt le bout
de ce tuyau , pour détruire la vertu ; car
alors la feuille d'or fufpendue s'y précipite :
il fuffit même de préfenter le doigt à quel-
que diflance du tuyau , pour faire ceffer
la répulfion & faire retomber la feuille
d'or : fi au lieu du doigt on préfente la
pointe aiguë d'un poinçon , la répulfion cef-
fera beaucoup plus promptement , favoir ,
lorfque le poinçon fera encore éloigné de
neuf à dix- pouces.
Si on prélente une feuille d'or quarrée
un peu large fous une grofïe barre de fer
horizontale, foutenue par des cordons de
foie , & médiocrement éie&rifée , par le
moyen d'une chaîne arrêtée au defîùs du
globe ; cette feuille fera attirée & repoufTée
enfuite, comme nous venons de le dire ;
mais en tenant le doigt fort près au deffous
d'elle pour la toucher à chaque fois qu'elle
fera repoufTée , on pourra parvenir à la ren-
dre immobile & comme fufpendue entre
la barre & le doigt , fans qu'elle touche
ni à l'une ni à l'autre : alors elle préfènte
toujours la tranche & un de Ces angles à
la barre , & l'angle oppofé efl vers le
doigt. Or il efl vraifemblable qu'elle refte
dans cet état, parce qu'elle communique
au doigt autant de vertu électrique, qu'elle
en reçoit continuellement de la barre , moins
la quantité qui lui efl nécefTaire pour furpaf-
fer l'effort de la gravité.
Quand la feuille d'or repoufTée par un
tube de verre a communiqué à l'air ou à
quelque corps non éle&rique la vertu qui
lui avoit été communiquée , la répulfion
ceiTe , comme nous l'avons dit ; alors la
feuille recommence à être attirée , pour
êrr^pareillement repoufTée , dès qu'elle
fera*devenue fuffifamment électrique. On
peut de cette manière promener une feuille
d'or autour d'une chambre , en la. repouf-
fant par un tube bien éleclrifé , & la faire
E L E jj
bondir autant de fois qu'on voudra fur ce
tube , en lui préfentant le doigt chaque fois
qu'elle fera repoufTée.
On voit par ces obfervations , que l'at-
traclion des feuilles d'or ne précède leur
répulfion , que parce qu'il efl nécefîaire
qu'elles acquièrent une atmofphere d'une
denfité égale à celle du tube éleclrique ,
auparavant que d'en être repoufTées. Car
fi on met une feuille d'or defîùs une glace
bien feche & d'une largeur médiocre ,
comme de cinq à fix pouces , qu'on appro-
che enfuite pardefTous un tube nouvelle-
ment frotté , la feuille d'or s'enlèvera de
deffus la glace , & continuera d'être re-
poufTés par le tube , fi on le lui préfènte ,
après avoir éloigné la glace. Or la feuille
d'or pofée fur la glace a été éleclrifée par
communication ( comme il le paroît en
lui en préfentant une autre petite fufpen-
due par une foie ) , & elle n'a commencé
à être repoufTée de defTus la glace , que
lorfqu'elle a été éleclrifée par le tube
autant qu'il étoit poifible ; c'eft - à - dire ,
jufqu'à ce qu'elle eût contracté une
atmofphere d'une denfité égale à celle
du tube.
Lorfqu'un tube repoufTe une feuille d'or ,
fi on lui fubflitue promptement un autre
tube à-peu-près aufîi éleclrifé que le pre-
mier , la feuille d'or continuera d'être re-
poufTée à la même diflance ; laquelle fera
cependant un peu plus grande ou moindre ,
fuivant que le nouveau tube fera plus ou
moins éleclrifé que le premier : cependant
fi on fubflituoit un tube très-foiblement
éleclrique , la feuille d'or ne feroit plus
repoufTée & retomberoit vers ce tube. De
même fi on préfente à une feuille d'or
repoufTée un bâton de cire d'Efpagne , ou
un morceau d'ambre , qui n'ont jamais
qu'une électricité médiocre , elle ne con-
tinuera pas d'être repoufTée , & elle retom-
bera ver^; ces corps. Cette différence avoit
fait penfer à quelques phyficiens que la
matière éleclrique , qui émane des corps
réfineux , étoit d'une nature différente de
celle qui fort du verre ; mais on penfe
afïèz généralement aujourd'hui , que cette
différence n'exifte pas , & que ces effets
auxquels on ne devoit guère s'attendre ,
ne font dus qu'à l'inégale denfité des
56 ELE
atmofpheres électriques qui émanent au
verre & des corps refineux.
Quand on préfente deux ou plufieurs feuil-
les d'or à un tube bien éleclrifé , elles font
toutes attirées & également repouffées par ce
tube ; mais alors elles fe repoulîent suffi mu-
tuellement fans qu'il foit poflible d'en faire
joindre deux enfemble ; en forte qu'elles
s'écartent d'autant. plus les unes des autres ,
qu'elles font repouffées chacune à une plus
grande diftance du tube.
Si on fait attirer & repouffer par un tube
de verre une feuille d'or circulaire & dé-
coupée en franges fort menues jufqu'à fôn
centre , toutes ces franges s'écarteront les
unes des autres dans le temps de la répul-
fîon , & divergeront d'autant plus que le
tube fera plus fortement éleârife : ia^même
chofe arrivera à un morceau de duvet , de
plume , & à tout autre corps fèmblable dont
les parties pourront s'écarter.
De même fi on attache à l'extrémité d'une
barre de fer électrifée une aigrette formée
par un afïèmblage de fils d'argent très-fins ,
tous les fils de cette aigrette s'écarteront
les uns des autres f à mefure que l'on com-
muniquera de ['électricité à la barre , &
aucun d'eux ne fe touchera.
Si on met de la poufliere à l'extrémité
de cette même barre de fer , elle fera
toute chafTée dès que la barre deviendra
électrique ; fes parties s'écarteront les unes
des autres dans ce mouvement de répul-
fion , & leur diflipation fera bien plus
prompte fi l'on préfente le do;gt à quel-
ques pouces au deffus du petit monceau
de poufliere.
Enfin fi on attache à l'extrémité de la
barre un petit vahTeau de métal plein d'eau ,
garni d'un fiphon dont la branche la plus
longue foit extérieure & capillaire , l'eau qui
ne peut couler que goutte à goutte par la
branche de ce fiphon, coulera d'un feul jet,
lorfqu'elle fera devenue électrique avec la
barre ; & fe divifera en plufieurs filets très-
fins , qui s'écarteront les uns des autres ,
comme les filets de l'aigrette.
Tous ces effets d'attraction & de répul-
fion ont aufîi.lieu dans le vuide , avec
quelques circonftances particulières.
Il paroît donc , par tout ce que nous
venons de dire de l'attraction & de la
ELE
répulfîon , i°. que les corps légers font
attirés par ceux qui font électriques, jufqu'à
ce qu'ils foient autant éleclrifés qu'eux par
la communication , & que leurs atmofphe-
res foient devenues aufll denfes que celle du
corps qui la leur a communiquée.
2°. Que dès le moment qu'ils ont acquis
cetre atmofphere r l'attraction cefTe & la
répulfîon commence.
3°. Quril n'y a de répulfîon qu'entre
les corps qui font devenus également élec-
triques.
4°. Que cette répulfîon dure tant que
fubfifre l'égale denfité des atmofpheres ,
& qu'elle cefïè dès qu'on affoiblit l'une
ou l'autre ; qu'alors l'attraction recom-
mence jufqu'à ce que l'égale denfité foit
rétablie , d'où il réfulte une nouvelle
répulfîon.
5°. Que la répulfîon peut fubfifler entre
deux corps qui ne fe font jamais attirés mu-
tuellement , pourvu qu'ils aient des atmof-
pheres également denfes ; comme entre un
nouveau tube de verre , & la feuille d'or re-
pouffée ; entre deux feuilles d'or repouffées
par un même ou par deux difFérens tubes ;
entre deux tubes de verre frottés , & fulpen-
dus par des foies ; entre deux rubans de foie
frottés & approchés l'un de l'autre ; enfin
entre tous les corps éleclrifés par commu-
nication , & qui confervent leurs atmofphe-
res électriques.
6e. Que la répulfîon efl d'autant plus
forte entre deux corps électriques t c'efl-
à-dire , qu'ils s'éloignent davantage l'un de
l'autre , qu'ils font plus fortement électri-
{és ; en forte que par les efpaces dont ils
s'écartent kdans leurs difFérens degrés de
répulfion , on peut efhmer leurs forces réci-
proques électriques. On s'en1 fervi avec
avantage de cette propriété des corps élec-
triques , pour mefurer leurs difrerens degrés
$ électricité. Voye\ ELECTROMETRE.
Nous ne faurions rapporter dans cçt
article toutes les découvertes que les
Phyficiens ont faites pendant ces dernières
années fur Y électricité ; nous nous conten-
tons d'avoir donné ici une idée générale
de la diftribution de cette matière vdans
les difFérens corps de la nature , & d'avoir
expofé les effets de fa propriété attractive
& répulfive. Nous examinerons ailleurs
fes
E L E
{es autres propriétés. Voye\ Coup fou-
droyant, Conducteur, Feu élec-
trique , MÉTÉORES. Cet article eft de
M. lu Monnier , médecin ordinaire de
S. M. à Saint-Germain-en-Laye , O de
l'académie royale des Sciences , auteur
d:s articles AlMANT, AIGUILLE , &c.
Électricité Médicinale. Dès le
temps qu'on n'employoit encore que le
tube de verre pour les expériences de
Xéleclricité , quelques phyiiciens avoient
recherché les effets qu'étoit capable de
produire fur le corps humain la matière
électrique actuellement en action. Les
découvertes furent très-bornées , parce
que le frottement du tube ne donnoit pas
des résultats d'expérience affez fènfibles:,
mais à jpeine eût on fubftitué le globe
de verre au tube , que les merveilles de
Xéleclricité fè « développèrent plus fènfîble-
ment dans une longue fuite d'expériences ,
& parurent dans un plus grand jour. Les
aigrettes lumineuïes , les torrens de lumière
qui fortirent des barres de fer électrifées ?
répandirent une odeur de phofphore qu'on
n'a pas pu méconnoître. La iàlive lu mi
neufe qui fort de la bouche d'une per-
fbnne actuellement électrifee , le fang
lumineux jailli/Tant d\ine veine ouverte ,
la terrible commotion , la fècoufiè que
fait fentir l'étincelle foudroyante dans l'ex-
périence de Leyde } ces faits principaux ,
fans parler des autres , firent conclure que
le corps humain étoit un des plus amples
magaiius de matière électrique ; que cette
matière y étoit , comme dans les autres
corps , d'une mobilité étonnante } qu'elle
y étoit capable d'une inflammation géné-
rale & fubite , ou d'une forte d'explofîon ^
qu'étant ainfi mife en action , elle par-
courait en un inftant les plus petits canaux ^
qu'elle devoit par conféquent produire des
changemens fiir le fluide nerveux ; & ona
même foupçonné que la matière de ce
fluide contenue dans les nerfs des animaux ,
eft de nature électrique. D'ailleurs l'idée
que fournit le fourmillement produit dans
les parties électrifées , a donné lieu à tenter
quelque chofe pour rendre Xéleclricité utile
à la Médecine.
On s'eft donc déterminé à appliquer le
globe électrique à la Médecine, on a tenté
Tome XII.
E L È 57
de guérir les paralytiques ; M. l'abbé
Noîlet , avec M. de lafsône , de l'académie
des Sciences , ont les premiers tenté ces
expériences ; leur exemple a été bientôt
fuivi par M. Morand & d'autres habiles
phyiiciens.
On fit d'abord fubir la commotion de
Leyde pluiïeurs fois & plusieurs jours de
fuite , à diiférentes perfonnes de l'un ôc
de l'autre fèxe. Dans quelques-unes la
commotion parut ne fe faire que peu-à-
peu & par gradation , dans les parties
paralyfées \ d'autres la feutirent dès les
premières expériences : prefque tous eurent
des douleurs feurdes , & une e(j>ece de
fourmillement dans les organes paralyfés ,
plufieurs jours après que les expériences
furent faites. Mais aucun ne fut guéri à
Paris.
Dans ce temps M. le Cat, célèbre
chirurgien de Rouen, fit part à l'acadé-
mie rGyaîe des Sciences , dout il étoit cor-
refpondant . de la guéri fon d'un paralytique
qu'il avoit éleètrifé. Le fait parut fur-
prenant , & l'on penfa qu'il pourroit bien
y avoir quelques circonftances dans cer-
taines paralyfies d'où dépendroit le fuccès
de Xéleclricité.
M. Louis foutint à-peu-pres dans le
même temps , que l'on ne pouvait guérir
la paralyfie par le moyen du globe élec-
trique.
M. Jaîlabert , habile profeflèur de
Phyfîque à Genève, communiqua à l'aca-
démie royale des Sciences dont il eft cor-
refpondant , un fait des plus étônnâïis»
C'eft la guérifon prefque totale d'un bras
paralytique & atrophié depuis plus de dix
ans. M. Jaîlabert inftruit des tentatives
peu heureufès qu'on avoit. faites à Paris
<k en divers autres lieux , en communi-
quant Amplement aux malades la commo-
tion de Leyde , comme on le fait ordinai-
rement , voulut s'y prendre d'une autre
manière. ÏI éiectrjfa fortement fon para-
lytique } & de toutes les parties de la
peau qui répondent aux difTérens mufcles
. moteurs de l'avant-bras & du bras , il tira
fuccefiivement un grand nombre d'étin-
celles. Dès les premiers jours le malade
commença à remuer les doigts ^ oc à faire
queîqu'autre mouvement. Les expériences
il
58 E L E
ayant été continuées tous les jours de la
même manière , la liberté & l'étendue des
mouvemens de tout le bras paralytique ,
augmentèrent par gradation & allez rapi-
dement j mais ce qui furprit le plus , ce
fut de voir ce bras qui depuis long-temps
étoit atrophié & en partie defféché , re-
prendre nourriture , grofîir & redevenir
prefque femblable au bras fain : alors on
obferva qu'en tirant les étincelles fur les
différens mufcles de ce bras paralytique ,
il y parohToit en même temps une agi-
tation involontaire dans les fibres , une
efpece de mouvement vermiculaire , ou
comme un petit mouvement convulfif.
Enfin le malade fut éleclrifé jufqu'à ce
qu'il pût porter la main au chapeau , loter
de deiîus fà tête & l'y remettre , & foulever
encore certains corps pefans.
Le fait publié par M. Jallabert étoit
trop authentique & trop intérefiant , pour
ne pas mériter beaucoup d'attention \ il
étoit , ce fèmble , confirmé par des ex-
périences faites à Montpellier par M. de
Sauvages , qui annonçoient le même fuccès.
Alais comme depuis long-temps on a pris
le fage parti de ne pas tirer des inductions
trop précipitées , & de ne point annoncer
de découvertes qu'elles ne foient conflatées
par un grand nombre de faits, l'académie
royale des Sciences chargea M. l'abbé
Noliet de répéter la nouvelle expérience .
en fuivant la méthode de M. Jallabert.
M. le comte d'Argenfon , miniftre de la
guerre , donna les ordres néceiîaires pour
que les expériences puflent être faites à
l'hôtel royal des invalides» Elles y ont été
fondes long-temps & avec beaucoup d'at-
tention , fur un grand nombre de foldats
paralytiques, en préfence de plufieurs mé-
decins & chirurgiens } mais le réfuîtat n'en
a pas été favorable , nulle guérifon , pas
même aucun effet qui la fît efpérer. On a
feulement obfêrvé ces mouvemens fpon-
tanées ou convulnfs dans les différens muf-
cles d'où on tirok les étincelles ; ce qui
eu1 toujours un fait très-fingulier.
[ Les habiles gens , tels que M. l'abbé
Nolîet , ne font pourtant pas aifément
incrédules fur les reffources de la nature.
Comme on mandoit d'Italie de très-belles
claofes concernant les bons effets de Yélcc-
E L E
triché médicinale, ce célèbre académicien
conçut le delfein de juger par lui-même
de ces prodiges , dont il paroifToit qu'on
avoit eu jufqu'aîors le privilège èxclufîf
au delà des Alpes. D'autres raifons litté-
raires concoururent à faire exécuter ce
projet. M. l'abfeé Noliet fe rendit à Turin ,
opéra avec M. Bianchi , célèbre médecin
de ce .pays-là , répéta fur un grand nom-
bre de malades les expériences électriques
fans aucun fuccès marqué : ainfî tous les
phénomènes , publiés à Turin en faveur de
ï électricité méd ici raie , refterent fans preu-
ves fuffifàntes , & même combattues par un
témoignage authentique.
M. f abbé Noliet étoit comme . le député
de tout l'ordre des Phyficiens françois ,
allemands , anglois , de tous ceux en un
mot qui ne voyoient dans aucune expérience
la vertu curât ive de ïélectricité. Il fs
tranfporta à Venifè , où M. Pivati le plus
célèbre orateur des guérifous électriques ,
exerce fes talens j le même dont on a vu
l'ouvrage electricitas medica traduit en fran-
çois , auquel tous les bons zélateurs des
nouvelles découvertes avoient fait accueil ,
parce qu'on ne le foupçonuoit pas d'infi-
délité, ou de broderie fiirabondante. Il
étoit réfervé à M. Noliet de bien pénétrer
le vrai des chofes : tout l'attelier de M.
Pivati demeura fans action en préfence
du voyageur françois ; on n'ofà pas même
tenter les opérations :, & quand on vint
à faire mention de la guérifon fameufe
de l'évêque de Sebraïco , il fe trouva que
le prélat n'avoit jamais été guéri par Yélec-
tricité ; & quand M. l'abbé Mollet inter-
rogea les perfounes du pays fur les mer-
veilles électriques de M. Pivati , il ne fe
trouva qu'un médecin de fes amis qui put-
dire avoir vu quelque chofe de réel : d'eu
il eft bien aifé de conclure que Yélectricité
médicinale n'a pas fort brillé à Veniiè.
Reftoit encore Bologne , où M. l'abbé-
Noliet pourfuivit ces fantômes de gué-
rifons. M. Veratti , médecin de cette ville 7
& aufîï prévenu en faveur de la merveille ,
converfà de bonne foi avec l'académicien
françois } & dans ces conférences le ton
affirmatif des livres imprimés fur ce fujet 7
baifTa beaucoup. Il ne refta plus que des:
doutes & 4es efpérançes. ] Ce qui vient
E L E
<îe!r2 dit , renfermé entre deux crochets ,
eft tiré dis mémoires de Trévoux , Avril
IfSî.art. 43.
De l'hifloire de tous ces faits connus ,
il paroît réiulter que la Médecine ne doit
pas fe flatter de tirer un grand avantage
des nouvelles expériences de Yé'eâricité.
On n'eft cependant pas en droit d'en con-
clure l'inutilité abfolue j peut-être n'y a-
t-il qu'une eipece allez rare de paralyfie
qui paille en attendre quelque fècours , ou
peut-être y a-t-'il dans ces maladies quel-
que circQnftance favorable qu'on n'a point
encore apperçue , Se fans laquelle point
de (accès. Le peu que l'on en a eu , fufiït
pour encourager à faire de nouvelles ten-
tatives , non feulement dans le cas de
paralyiie , mais pour plufieurs autres mala-
dies , où la raréfaction des liqueurs du corps
humain , leur accélération dans les vaif-
feaûx , ''augmentation de la tranfpiration
inienilble , la fonte des humeurs , les vi-
ves fecoufîés , ou l'ébranlement des parties
folides ? pourraient être utiles : car un
grand nombre d'expériences fcmblent prou-
ver que tous ces effets fout dus à Yélec-
tricité appliquée au corps humain } & d'ail-
» leurs la matière électrique joue peut-être
un plus grand rôle qu'on ne penfe dans
l'économie animale, (d)
* ELECTRIDES, L m. pi. ( Mytk. &
Géfigr. anc. ) îles fuppofées par la fable
à l'embouchure du Pô. Ce fut dans une
de ces iles que tomba Phaéton foudroyé.
Le lac qui le reçut en avoit confèrvé une
grande chaleur , & une odeur de foufre
funefte aux oifjaux qui s'y expofoient. On
ajoute qu'on y trouvoit beaucoup d'am-
bre , en grec y.hîKT^v , d'où vient le nom
é'ElecIrides.
ELECTRIQUE , adj. ( Phyfiq. ) on
appelle ainfï tout ce qui reçoit ou commu-
nique l'éleclricité. Aiuii on dit vertu élec-
trique , matier-e é le Brique , corps éUclrique ,
&c. Voye\ Electricité. -
ELÊCTRISER, v. a&. {Phyfiq.)
c'eft. donner à un corps la vertu élec-
trique , ou leleclxicité. Voye\ Electri-
\ ELECTROMETRE , f. m. {Phyfiq.)
c'eft le nom d'un mftmment . qui fert à
meiùrer la force de l'électricité. Il eft
E L E 55,
\ formé des mots grecs , nhiKTfcv , ambre , &
y.i7(-cv , mefure.
Avant que d'en donner la defeription ,
il eft à propos de faire quelques réflexions
fur les avantages qu'on retire dans la
Phyfique des inftrumens de cette efpece ,
c'eft-à-dire , qui fervent à mefurer les di-
vers degrés d'une force ou d'une • vertu
dont on obfcrve les effets.
L'ignorance où nous fbmmes fur la plu-
part des caufes & fur la chaîne des cf*
fels qui en dépendent , fait que fouvent
nous croyons que tels '& tels effets font
produits par différentes caufes , lorfquils
réfultent uniquement du plus ou moins de
force de la même caufe , comme on pour-
rait le prouver par des exemples fans
nombre. On ne peut donc trop s'attacher
dans la Phyfique à obferver la parité des
circonllanccs j afin i°. d'obvier aux varié-
tés qui pourraient naître de la différence
de ces circonftances , ou au moins de pou-
voir reconnoître à quoi l'on peut attri-
buer ces variétés ; i°. de pouvoir répéter
les mêmes expériences, avec quelque cer-
titude d'obferver les mêmes phénomènes j
30. enfin pour les décrire de façon que les
autres^ pui fient avoir un fuccès femblable
en les répétant , ou fi cela n'arrive pas ,
qu'ils piaffent démêler la caufe qui les en
a empéché.s. AufTi voyons-nous fouvent les
plus grands Phyfîciens defeendre , dans la
defeription de leurs expériences , dans des
détails qui peuvent fèmbJer minutieux à
des perfonnes qui ont peu étudié la nature .
mais qui n'en paroilîént pas moins nécef-
faires aux yeux de ceux qui l'ont fuivie
de plus près. Ils favent bien que dans
plufieurs occafîons les circonftances quî
nous paroiflent peu importantes , font
fouvent celles qui produifent ces irrégu-
larités que nous remarquons avec tant
d etonnemenî. On ne peut donc obferver
trop foigneufement la parité des circonf-
tances. Mais comment le fera-t-on, fi l'on,
n'a pas des moyens de s'affurer que la
caufe principale qui opère les phénomènes
que Ton obferve , eft toujours à-peu-près
la même , ou fi elle change , quelle eft
la nature de Tes variations ? Or, c'eft à
quoi on ne peut parvenir que par des inf-
trumens tellement conftruits relativement
Hz
6o E L E
à la nature de cette caufè , qu'ils nous
indiquent aufîi sûrement qu'il eft pofïible
fès divers cliangcmens : on voit par - là
combien il eft utile de multiplier les inf-
trumens de cette efpece. On fait afîèz les
avantages que l'on a retirés des baromètres
& des thermomètres , depuis fur-tout qu'on
a fait ces derniers fur des échelles , de
manière à pouvoir comparer leurs divers
degrés de froid & de chaud dans différens
climats.
Or s'il y a une partie de la Phyfique
où un infiniment de l'elpece de ceux dont
je viens de parler , foit néceffaire , c'eft
sûrement dans l'électricité qui eft fi chan-
geante , tantôt forte , tantôt foible j le
feul changement de pofition des mains par
rapport à l'équateur du globe que l'on
frotte , l'augmente ou la diminue. Si donc
l'on n'eft pas en état d'eftimer ou de con-
noître les variations de cette force , on
fera à tout moment expofé à tirer de
fauifes conféquences des expériences les
plus fimples j & il n'y a prefque pas lieu
de douter , que fi plufieurs physiciens ©ut
embraifé des fèntimens différens fur divers
phénomènes de l'électricité , c'eft par cette
raifon } parce que l'un ayant fait fes ex-
périences avec une électricité plus forte que
l'antre , cette feule différence dans la force
a fùffi pour en produire de telles dans
les effets, qu'elles les ont portés à en dé-
duire des conféquences très-différentes. Un
éleârometre les eût bientôt mis d'accord ?
en leur faifant voir que ces différences
qu'ils ont obfervées , ne naiifoient que de
celle de la force électrique. Ceci nous
montre clairement combien cet inftrument
eft néceffaire pour faire avec quelque fuccès
des expériences fur cette matière. Il y
a plus : c'eft qu'avec des inftrumens de
cette efpece bien conftruits & uuiverfels
comme le thermomètre , c'eft-à-dire , dont
on pourroit comparer les degrés d'éléva-
tion dans différens pays , on pourroit peut-
être parvenir à décider une queftion im-
portante } fa voir , d l'électricité a le même
degré de force dans les différens cli-
mats j fi elle eft plus forte dans les fep-
tentrionaux que dans les méridionaux , &
de combien.
La ncceflité de cet inftrument étant
E LE
établie , il ne refte plus qu'à choifir parmi
les divers phénomènes de l'électricité ,
celui qui eft le plus propre à donner une
mefure exacte & générale de la force
électrique } mais c'eft ce qui n'eft pas dif-
ficile à faire , la répulficn étant le feul
dont on puiffe faire ufage dans cette vue.
Car fi l'on y emploie l'attraction , ce fera
celle d'un corps foutenu ou par des non
électriques ou par des électriques par eux-
mêmes : dans le premier cas , à meilire
que le corps fera attiré , il dérobera de
l'électricité à celui qui l'attire , & ainfi
cette vertu fe perdant à chaque inftant ,
on n'en pourra eftimer la force : dans le
fécond , le corps s'clectrifànt à mefure
qu'il eft attiré , & cet effet diminuant
inftantanément la force avec laquelle il
eft attiré , cette manière ne pourra encore
fervir de mefure j parce qu'on pourra attri-
buer à la diminution de l'électricité dans
le corps attirant , ce qui fera produit uni-
quement par l'électrifation du corps attiré }
fi l'on fe fert des aigrettes , elles augmen-
teront ou diminueront , non feulement
félon le nombre & la figure des parties
aiguës du fyftême des corps électrifés ,
mais encore félon que les corps non élec-
triques circonvoifins en feront plus ou
moins près. De plus ces aigrettes étant
formées par le fluide électrique qui s'é-
chappe des corps électrifés , l'électricité
diminuera d'autant plus , que ces corps
auront un plus grand nombre de points
ou de parties cipables de rendre des ai-
grettes , & que ces parties feront plus
aiguës. Ce moyen fera donc encore im-
parfait j puifqu outre fon incertitude , on
ne pourra eu faire ufage fans faire perdre
aux corps électriques une partie de leur
électricité. Enfin les étincelles n'en four-
niffent pas un plus certain \ car ces étin-
celles font plus fortes ou plus foibles fé-
lon que la maffe des corps électrifés eft
augmentée ou diminuée , félon que l'on
les tire de parties plus ou moins liftes de
la furface d'un même corps , ou que l'on
les tire avec des corps qui approchent
plus ou moins de la figure fphérique. Voy*
Electricité. Il réfulte de tout cela
que la répulfion , comme je l'ai dit , eft
le feul moyen sûr ôç général dont on puiiîe
E L E
fe fêrvir pour mefurer la force électrique :
c'eft auffi celui que nous avons employé , M.
le chevalier d'Arcy & moi dans l'inftru-
ment dont je donnerai la defcription dans
un moment , & qui eft , fi je ne me trom-
pe , le premier élecirometre que l'on ait exé-
cuté. Cependant ou dira peut-être , comme
je fais qu'on l'a déjà fait , qiiil eft trop tôt de
penfer à un élecirometre j qu il faut avant
toutes chofes que ce que ton veut mefurer
foit faififfable de tout point , fans quoi
la mefure ne fait qu embrouiller. Mais je
demanderai ce qu'on entend par faififfa-
ble de tout point : fi on entend qu'un
élecirometre doit mefurer à la fois l'attrac-
tion , la répulfion , la grandeur des aigret-
tes , la force des étincelles , &c. c'eft
demander un être chimérique. Mais fi
Ton entend feulement qu'en mefurarlt la
force électrique , ou en nous montrant
fes variations , il doit nous indiquer toutes
celles qui en doivent réfulter dans les
phénomènes dont je viens de faire men-
tion , ( lorfque toutes les circonftances
refient abfolument les mêmes , ) on a
raifon ; & c'eft , je puis l'afiurer , ce que
fait M élecirometre dont il fera queftion
dans cet article. Car fi toutes les cir-
conftances d'un fyftême de corps électri-
ques reftent les mêmes ainfi que celles
des corps qui les environnent \ quand cet
infiniment marquera que la force électri-
que eft augmentée , les aigrettes des corps
éleerrifés deviendront plus grandes & plus
vives , l'attraction fera plus forte , & les
étincelles que l'on tirera avec le même
corps & des mêmes points de la furface
d'un des corps éle&rifés , feront aufîi plus
fortes , &c. Mais fi l'on fuppofe la figure
de ces corps changée , leur mafte augmen-
tée ou diminuée , & les corps circonvoifius
plus près ou plus éloignés \ alors ï éleciro-
metre n'indiquera ni ne pourra indiquer di-
. verfes variétés des phénomènes dont je viens
de parler , qui réfuîtent uniquement de ces
chaugemens de mafte , de figure , &c. parce
qu'ils fùffifent, comme je l'ai expofé plus
haut, pour produire des différences dans
ces phénomènes , quoique la force élec-
trique foit toujours au même degré dans
chaque partie qui compofe le lyftême des
corps éleclrifés»
E L E Ci
Il fuit de tout ceci , qu'il h\ft point
trop tôt^ pour penfer à un infiniment
fervant à mefurer la force de l'électricité \
que la répulfion nous fournit un moyen
fur & général de le faire \ & qu'un élec-
trometre conftruit en conféquenee , loin
d'embrouiller , peut au contraire éclaircir
beaucoup de difficultés -7 & c'eft j'ofe dire ,
ce qu'a fait ïéleclrometre fuivant , nous
ayant fervi à M. d'Arcy & à moi à nous
aflurer de pîufieurs faits , & entre autres
de ceux-ci : favoir , i°. que la force élec-
trique eft toujours comme les furfaces &
non comme les mafîes : 20. qu'elle a la
propriété des fluides qui par les loix de
preftion fe répandent toujours également
quels que foient les canaux de communica-
tion , &c. Voyei Electricité. Voyei les
Mémoires de l'Académie de 1749 , page
63.
Defcription de ? élecirometre^ Dans un
grand vafe A B plein d'eau ( PI. Pkyf.
fi g. 75. ; on plonge une bouteille C D
de verre , que les marchands appellent
œuf pkilofophique ; à l'extrémité de cette
bouteille , on adapte une verge V par-
faitement cylindrique d'une ligne de dia-
mètre & de douze pouces de long. Le
vafe A B fe recouvre d'une plaque de
laiton H percée d'un grand trou à fou
centre ( qui eft aufii celui du vafe , ) afin
que la verge puifté paner à travers très-
librement. Sur l'extrémité fupérieure de
la verge , on fait entrer une petite plaque
circulaire L de laiton de 14 lignes \ de
diamètre. L'œuf eft plongé dans le vafe
A ' B ( plein d'eau , comme je l'ai déjà
dit ) à une certaine profondeur , qui doit
être telle , que l'inftrument étant en repos 7
c'eft-à-dire , n'étant pas électrique , l'ex-
trémité inférieure de l'œuf foit fort près
du fond du vafe , fans cependant y toucher.
Pour que l'œuf & la verge foient toujours
dans une fituation verticale , on met dans-
' le premier du mercure qui fert de lefte \
par ce moyen le centre de gravité étant
fort bas , le tout fe tient perpendiculai-
rement à l'horizon , & éprouve en hauflàht
ou en baifiaut le moins de balancement
qu'il eft pofiible. Comme cet œuf, s'il
n'en étoit empêché , iroit vers les bords
> du vafe* ? &. «flotter oit tantôt d'ua côté y
6i E L E
tantôt de l'autre , on l'oblige de refter
au centre de la manière fuivante. Sur la
plaque H dont j'ai parlé , on fixe en croix
des fils d'argent fort déliés , tels que ceux
des micromètres j cette croix eft formée
par des fils doubles qui taillent entre eux
au centre de la plaque un petit efpace
quarré , qui étant plus grand que le dia-
mètre de la verge , lui permet de monter
& de defeendre entre ces fils , fans éprou-
ver aucun frottement feufible , &c cepen-
dant fans s'écarter du centre :, il arrive
même un efiêt fort fingulier , c'eft que
lorfqtie toute la machine eft bien élcdtri-
que , la verge eft contenue au milieu de
ces fils prefque fans y toucher , parce qu'é-
tant électrique comme eux, elle les évite
continuellement.
Après cette defeription , on imaginera
fans peine comment cet inftrument fait
ion effet , fur-tout fi l'on réfléchit fur ce
principe d'Hydroftatique , ( voyei HY-
DROSTATIQUE , ) qu'un corps plongé
dans l'eau fumage ou s'y enfonce félon
qu'un volume d'eau femblabîe à celui qu'il
occupe eft plus léger ou plus pefant que
ce même corps. Il fuit de ce principe
qu'un volume d'eau égal à celui de l'œuf
ïk de la partie de la verge qui trempe
dans l'eau , lorfque le tout eft en repos ,
pefe autant que l'œuf , la petite plaque &
toute la verge j conféquemment il le tout
s'élève d'un pouce , la puil'Iance qui le
foutiendra à cette hauteur , foutiendra un
poids égal à un volume d'eau rie la grof-
ièur de la verge & d'un pouce de haut ,
puiique le volume d'eau que l'œuf & la
verge occupent alors , eft diminué de cette
quantité. Si donc différentes puiiïunccs le
foutiennent a i ,~ 2 , 3 , 4 pouces , &c.
de hauteur au deffus du point de repos ,
ces puiffances feront entre elles comme
ces nombres , c'eft-à-dire , doubles , tri-
ples , quadruples , &c. Or l'électricité
produit le même effet fur cet inftrument ,
e'eft-à-dire , qu'elle fait la fonction d'une
puiffance qui le foutiendroit à 1,2, 3 ,
4 pouces , &c. au deffus de fon point de
sepos j on peut donc par fon moyen me-
furer tous les différens degrés de force de
cette vertu. En effet , fi l'on fuppofè pour
un moment tonte la machine compofée
E LE
[ du vafè A B de l'œuf , &c. pofée
comme elle eft en K , dans la fîg. 76 ,
fiir un récipient de verre , ou fur quelque
autre matière qui ne laiïie point palier
l'éleclricité , tk que le vaiè A B devienne
électrique , la verge V le deviendra aulîi ,
comme la plaque L. Mais tout le monde
fait que les corps électriques le repoufient \
ainfi la petite plaque L 6c la verge V
étant repoufices par la grande plaque H ,
s'élèveront nécefiairement plus ou moins
félon que l'éleclricité fera plus forte ou
plus foible. L'éleclricité fera donc alors ,
comme je l'ai dit plus haut ? la fonction
d'une, puiiiaiice qui fout:er.droit l'initru-
meiit à une certaine h.auteur j & comma
ces puiffances font proportionnelles aux
hauteurs de l'inftrument au deffus du point
de repos , ces mêmes hauteurs feront
aufïi proportionnelles aux différentes forces
électriques ; ce qui prouve ce que j'ai
avancé , que notre infiniment meiiire
exactement tous les différens degrés de la
force éleclrique \ il cil donc un véritable
élecïrometre : mais il y a plus , cet élec-
tt&meiie peut être employé comme infini-
ment , fbit pour faire mi grand nombre
d'expériences fur l'électricité , foit pour
déterminer les Ioix d'attraction , de répul-
fiou , de diffufion , de trarffmifTîon , &c. de
l'éleclricité \ propriété qui n'eft pas moins
importante que celle de mefurer la force
électrique.
Manière de fe fervir de cet infiniment*
Les corps électriques ayant cet inconvé-
nient , qu'on ne peut en approcher finis
leur dérober l'éleclricité , il eft clair que
fi l'on étoit allez près de l' élecïrometre
pour juger de fes meuvemeus avec préci-
sion , on lui enlèverait l'éleclricité. Afin
l'donc déparer cet inconvénient, on place
dans une partie de la chambre où l'on
fait ùs expériences , une grande lanterne
dans laquelle on met une greffe bougie ,
qui projette fà lumière par un trou , fur
un ou deux éleclrometres fitués comme
on le voit en K dans la fig. 76. Derrière
ces éleclrometres on fixe un cadre Q très-
foîide , dont toute la partie X eft de bois j
elle peut être de toute autre matière opa-
que. Dans ce cadre 011 fait deux ouver-
tures rectangulaires ou fenêtres F T 9 on
E L E
inet dans ces fenêtres des glaces (^G qui
ne font qu'adoucies ; & fur ces glaces ,
©n marque des divifions très-précifos avec
de l'encre de la Chine bien noire.
Il faut que ce cadre foit toujours placé
de façon que la projection des éleclr ome-
ttes tombe fur" ces glaces ^ & au moyen
de la figure conique qu'on donne à l'ex-
trémité de la verge , elle y forme une
ombre très-nette. Comme ces glaces font
trau (parentes , l'obfervateur placé derrière
en F , voit de la manière la plus diftiu&e
toutes les différentes élévations de Vélec-
trometre , & eft par - là en état de juger
avec la dernière préciilon de toutes ces
variations. Le plan du cadre étant fop-
pofé perpendiculaire à l'horizon , tk. Vélec-
trometre , ou plutôt fa verge , hauffant
& baiffant dans un plan parallèle , il eft
évident que l'élévation & l'abaiifement de
l'ombre font toujours proportionnels à ceux
de V éleclrometre. On font facilement que
le cadre que je viens de décrire pourroit
n'avoir qu'une fenêtre \ mais Véleclrometre
pouvant aufTi fervir d'inftrument , comme
je l'ai dit , il eft à propos qu'il y eu ait
deux , afin que Véleclrometre véritable , &
celui qui ne fert que d'infiniment , étant
plus près , on puiflè les obferver plus com-
modément : au relie , l'intervalle entre
l'un & l'autre doit être tout au moins de
30 pouces.
On voit par la conftru&ion de cet élec-
trometre , qu'il a les propriétés eflènîielies
inftrumeut de cette efpece } car ,
. la force électrique étant très-foible ,
il faut un inftrumeut très- mobile & fort
fenlîbîe } au/fi un poids de 8 grains pofé
for la petite plaque , le fait-il baiiîèr de
plus de 4 pouces.
La force électrique éjtant fort chan-
geante , il faut un inftrumeut , lequel n'a-
gifiànt pas par faut , foit en état de
donner à chaque inftant £es variations j
& celui-ci tendant toujours au repos , &
n'étant foutenu hors de cet état que par
la répulflon des plaques, il baiffe au même
inftant que cette répulflon diminue , &
haufte de même aufîi-tôt qu'elle augmente.
C'eft un fait dont des expériences fans
nombre nous oitf afforés , M. d'Arcy &
moi.
a un
■.o
E L E 65
Enfin il eft univerfel j car on voit que
le véritable éleclrometre eft la verge cylin-
drique V , qui détermine par le nombre
de fes parties élevées au deffus cKi point
de repos , la quantité de la force électri-
que. Or il n'eft pas difficile d'avoir une
verge cylindrique d'une ligne de diamètre.
Il eft vrai que le diamètre de la petite
plaque Z , & fa diftance à la grande H
au point de repos , peuvent produire quel-
ques différences dans la répulflon \ mais
il eft facile d'obferver toutes ces propor-
tions : de forte que tout le monde pourra
faire un éleârometre qui s'élèvera de la
même quantité pour la même force élec-
trique : propriété qui me paroît une des
plus remarquables de cet inftrument , &
qui eft une de celles qui y font le plus à
defirer , comme je l'ai remarqué au com-
mencement de cet article.
On objectera peut-être que la différente
denfité de l'eau dans les différeus climats ,
formera un ob.ftacîe à cette univerfalité.
Il eft clair cependant, que toutes les fois
que Von fera une verge qui defeendra de
4 pouces pour 8 grains , on aura un élec-
trometre qui indiquera à très peu-près les
mêmes degrés de la force électrique que
le. nôtre j car quoique , dans un pays
chaud , une pareille verge fût un peu plus
repouffée , puifqu'elle foroit plus jrofTe que
la nôtre , ce feroit d'une quantité fi peu
coniidérable , que cette répulfion ne pour-
roit entrer en comparaifon avec celle de
la plaque.
Enfin on pourra alléguer encore , que
les différentes pofitions de Y éleclrometre par
rapport au cadre & à la lanterne , chan-
geront fes élévations apparentes , mais il
eft toujours facile d'avoir le rapport de ces
élévations par la méthode foivante. Ayant
placé Véleclrometre , & arrangé le tout ,
comme pour faire des expériences , char-
gez la petite plaque de cet inftrument de
8 grains , par exemple , & voyez de com-
bien de degrés fon ombre defeend en con-
fëquence for le cadre } la fomme de ces.
degrés comparée à celle qu'un même poids
aura fait parcourir à 'l'ombre d'un autre
éleclrometre for lequel on aura fait la même
expérience , donnera le rapport précis de
leurs élévations.
U E L E
D'après cette defcription de Vélè#ro-
metre , & de la manière de s'en ièr\ ir , il
pourra paroître à quelques perfomes d'un
ufage peu commode, par les divefcfes at-
tentions qu'il exige , &: par la nécefliié
où l'on eft d'obfcurcir ie lieu où l'on fait
ces expériences , pour pouvoir juger de
fes élévations & de (es abaiiièmens : mais
fi l'on fait attention à la nature de l'élec-
tricité , & à l'impofiïbilité d'obierver de
près , comme je. l'ai dit, les divers mou-
vemens des corps électriques , on verra que
fi cet infiniment a quelque chofe d'em-
barraflant dans fon ufage , c'eft en quelque
façon une fuite néceiîaire de la nature de
la force électrique qu'il doit mefurer.
J'ai fait voir au commencement de cet
article , que de tous les phénomènes, des
corps électriques la répulfion étoit le feul
qui fournît un moyen fur & général de
niefûrér la force de l'électricité. Cependant
comme il y a des cas où l'on eft indif-
penfablement obligé d'employer les étin-
celles , tels que ceux , par exemple , où
l'on veut , par leurs différentes grandeurs ,
juger des denfités refpe&ives du fluide
électrique dans les corps entre lefquels ces
étincelles partent , je crois devoir ajouter
ici la defcription d'une efpece de fph'mcîc-
rometre ou mefure-étincelles , dont je me
fers , & au moyen duquel on peut être à
très-peu près fur que les différentes gran-
deurs ou forces de ces étincelles naiflènt
uniquement des différentes forces de l'é-
lectricité , ce qu'on ne peut faire en les
tirant à la manière ordinaire : car félon
cette manière , on peut , quoique l'élec-
tricité refte toujours la même , on peut ,
dis-je , faire partir ces étincelles de plus
près ou de plus loin , comme je l'ai dit ,
non feulement en les tirant de corps de
figures &. de volumes différens , mais en-
core en les tirant de parties plus ou moins
lifl.es de la furface d'un même corps. L'inf-
trument dont je viens de parler, eft cons-
truit de la manière fuivante.
Dans Hti tube de verre T T ( fig. 77. ;
recouvert par les deux bouts de deux pla-
ques PS, PI, fè meut librement , mais
fans jeu , une balle de métal B , adap-
tée à l'extrémité d'une verge de fer quar-
rée W ; cette verge pàlfe à travers un
E L E
trou de la même forme , percé dans la
plaque PS , dans lequel elle s'ajufte par-
faitement. On voit par cette dnpoiition ,
qu'on peut bien faire mouvoir la baîle
dans le tube d'un bout vers l'autre, mais
qu'on ne peut lui faire prendre d'autre
mouvement. Sur l'extrémité de la verge
W , qui déborde la plaque P S , font
marqués des degrés , afin qu'on puiffe ju-
ger de la diftance où la balle fe trouve
de la plaque PI : on pourroit pour une
plus grande précifiou , en place de ces
degrés , adapter à l'extrémité de la xerge
une vis qui feroit la fonction du micro-
mètre.
D'après la defcription de cet infini-
ment , il eft facile de concevoir comment
011 s'en fert , &: comment il remédie aux
inconvéniens que j'ai fpécifiés plus haut*
On voit en premier lieu , qu'en le prenant
par le tube , & le faifànt toucher par la
plaque PI fur le corps électrique dont 011
veut tirer une étincelle , cette plaque
s'éledlrife au même degré que ce corps,
&. qu'au moyen de la verge VV , on ap-
proche graduellement de la même plaque
la balle B ( qu'on en tenoit auparavant fort
éloignée ) jufqu'à ce que l'étincelle parte.
Or cet effet arrivant dans Titillant précis
où cette balle fe trouve à la diftance re-
quife pour qu'il ait lieu , on reconuoit cette
diftance par le nombre de degrés marqués
fur cette verge. On voit , 20. que ces dis-
tances ne peuvent venir ici que de la dif-
férence de la force électrique , parce que
l'étincelle part toujours entre les mêmes
corps ,' la plaque PI, & la balle B , Se
que c'eft toujours des mêmes points de la
balle & de la plaque , puifque cette balle
ne pouvant que s'en éloigner ou. s'en ap-
procher , les différens points de fa furface
inférieure doivent toujours regarder les
mêmes points refpe&ifs de cette plaque.
(T)
Il ne fera pas inutile de dire aufiî quel-
ques mots d'un éhclrometre fort fimple , qui
eft de l'invention de M. Daniel Bernoulli ,
& duquel j'ai vu ce favant faire un ufage
très-heureux.
Cet infiniment eft un fimple pefe-liqueur,
dont le corps fubmergé dans l'eau eft de
laiton & creux , de la groftèur d'un œuf j
de
E L E
de ce corps monte une flèche graduée ,
large en tous fens d'environ une ligne :
on a des plaques rondes & minces de
métal qu'on peut mettre au bout de la
flèche , dans une pofition horizontale ;
enfin , il y a au bas du corps plongé un
petit crochet pour y fufpendre de petits
poids afin que l'inflrument plonge dans
l'eau , jufqu'à une certaine marque de la
flèche. Pour faire ufage de cet électrometre ,
on commence par iulpendre au conducteur
une grofîè plaque de métal , épaifle d'en-
viron deux lignes , & de quatre ou cinq
pouces de diamètre ; on plonge Yélectro-
metre dans un vafe d'eau , après avoir mis
au bout de la flèche une petite plaque
mince d'environ deux pouces de diamètre ;
on met ce vafe fur une table , au defibus
de la plaque fufpendue au conducteur , &
à une dilîance plus ou moins grande de
cette plaque , comme de dix-huit à vingt
pouces ; fi après cela on électrife la groflè
plaque , elle attire la plaque mince de
Y électrometre y celui-ci monte , & c'efl
cette élévation qui mefure la force de
¥ électricité. M. Bernoulli a appris de cette
manière plufieurs nouvelles propriétés ; par
exemple , en appliquant au haut de la
flèche un autre rond du même métal &
du même diamètre , mais trois fois plus
épais , il lui fallut diminuer le poids fuf-
pendu par le crochet plongé dans l'eau ,
& il remarqua que l'électricité élevoit Y élec-
trometre également pour la plaque mince ,
& pour l'autre qui étoit trois fois plus
épaifle ; cela prouve , à ce qu'il fèmble ,
que l'électricité agit Amplement fur les fur-
faces , fans entrer dans les fubflances des
corps: il efl remarquable que dans tous
les aimans artificiels aflez connus , que
faifoit à Baie un bon artifte nommé Die-
trich ^ & qui étoient très-difFérens en
grandeur , mais toujours d'une figure fem-
blable , les forces de ces aimans fe iont
toujours trouvées pareillement proportion-
nelles à leurs furfaces ou aux racines cubi-
ques des quarres de leurs poids.
Al. Bernoulli a enfuite diminué la dis-
tance entre les deux plaques rondes , & il
nous a paru que les attractions étoient r.r
peu-près en raifon réciproque des quarrc s
âçs diflances ; cependant en approchait
T*me XII,
E L E 6$
peu à peu les deux plaques, f attraction
augmentoit toujours moins ; enfin , après
avoir ceflë d'augmenter , elle commençoit
à diminuer : ce réfultat pouvoit paroître
furprenant , mais ce qui l'explique y c'efl
que l'électricité du conducteur diminuoit
elle-même par l'approche du corps non
électrique , favoir de Y électrometre.
On peut varier ces expériences de plu-
fieurs manières , & il feroit bon que quelque
phyficien qui en auroit le loifir & la com-
modité , voulût en prendre la peine.
Suppofons , par exemple , qu'on ifole le
vafe qui renferme Y électrometre : en ce
cas , le conducteur ne perdra rien de fon
électricité , fi on defcend peu à peu la
plaque fufpendue , mais V électrometre s'é-
lectrifera infenfiblement lui-même ; l'attrac*
tion diminuera & fe changera enfin en
répulfion , & il fera à propos d'obferver
la relation qu'il y aura entre les diflances ,
les attractions & les répulfions.
Je fuppofe encore qu'on ôte la plaque
qui tient au conducteur , en ifolant le vafe
de Y électrometre & en y conduifant le
conducteur ; alors le vafe & Y électrometre
feront électrifés , & il doit arriver que la
furface de l'eau repoufTera la petite plaque
appliquée à Y électrometre y & que cet ins-
trument s'élèvera : il fera encore bon ici
de remarquer la relation entre les éléva-:
tions de Y électrometre & ,les diflances ini-
tielles de la petite plaque depuis la furface
de l'eau. (/. B.)
* Vélectrometre de MM. d'Arcy & le
Roy , dont nous avons parlé , a été adopté
par quelques phyficiens , mais plufieurs
l'ont rejeté , l'ayant trouvé défectueux Se
peu exact; parmi ces derniers fe trouve
l'abbé Nollet , qui afïùre même qu'il n'efl
pas poffible d'en faire un bon. Mais , fi
celui de MM. d'Arcy & le Roy ne fe
rouve pas jufle ( parce qu'il efl trop com-
pofé & fujet à trop de frottement), il
oaroît qu'il n'efl pas impoffîble , en fe
èrvant du même principe qu'ils ont em-
ployé pour faire le leur , d'en trouver'
n d'abord beaucoup plus Ample & par
conlequent beaucoup plus exact. Celui
iont nous allons donner la defeription ,
.1 ces deux qualités : il efl très-fimple ,
X M. de Saufiure qui en cft l'inventeur ,
I
é6 E L E
nous affure qu'il l'a toujours trouvé très-
exact.
Elecirometre de M. de SauJJure. On
prend une petite planche de fapin , qui
doit avoir deux pies de long , fix pouces
de large, & un demi-pouce d'épaiifeur ,
fur laquelle on colle une feuille de papier
blanc. On prendra une verge de iaitcn
parfaitement cylindrique , qui auravauffi
deux pies de long comme la planche &
une demi-ligne d'épaiifeur; on la fixera
fur le milieu de la planche iùivant ts\
longueur. Toute la longueur de cette
planche fera divifée eri pouces & en
quarts de pouces , que' l'on aura foin de
marquer exactement de chaque côté de'
la verge.
On prendra après cela un fil de lin ,
très-délié , le plus égal qu'on pourra trouver
& qui n'ait pas été lavé ; on lui donnera
la même longueur qu'à la planche ; un des
bouts fera attaché au haut de la verge de
laiton , & on ajuitera à l'autre bout une
petite boule de liège qui ne pefera qu'un
quart de grain.
Cet inftrument ainfl ajufté, fe placera
au milieu de la chambre avec un cordon
de foie , qui ira d'une paroi à l'autre ,
auquel on le pendra. Alors fi en établit
avec une chaîne une communication du
conducteur à la verge de laiton , il s'élec-
crifera , de même que la boule de liège ,
qui en s'éloignant de la planche , indiquera
par la diftance a laquelle elle en eft , la
Force de l'électricité
Mais afin de pouvoir la mefurer avec
plus d'exactitude, il faut marquer un endroit
vis-à-vis de cet infiniment au bas & à
quatre pies de la planche , où on placera
l'œil , & d'où l'on verra à quel degré la
boule répond à mefure qu'elle s'eleve quand
la force de l'électricité augmente , & d'où
on la verra s'abaiffer dès que cette force
diminue , jufqu'à ce qu'enfin le fil foit
vertical lorfque l'électricité fera tout-à-fait
diflipée. (•+•)
ElECTROMETRE inventé par
M. Lasse > jinglois. Voyez planche II ,
fig. 4 9 fuppl' des planches.
A. Vaifléau de verre cylindrique de fix choc
pouces de long , & de feize de circonfé-
rence qu'on a fubftitué au globe.
EL E
S. La roue dont chaque révolution en
fait faire quatre au cylindre.
C. Le conducteur.
D. Phiole bouchée.
E. Fil de cuivre qui aboutit à une plaque
mince fur laquelle pofe la phiole.
F. Pilier de ïe'le chôme tre y il eft de bois
& vuidé en forme de cylindre environ les ^
deux tiers de fa longueur : on le rend
électrique en le failant chauffer dans un
lour , en le faifant bouillir dans de l'huile
de lin , & l'y remettant enfuit . Ce pilier
étoit d'abord de cuivre , & il me réuflit
allez pour divers uiages de la Médecine ,
mais l'ajTant trouve défectueux à quelques
égards , je lui en ai fuMrnué un de bois.
G. Cylindre de cuivre dont le bas cfî
enchâffé dans le pilier.
H. Vis qui fert à l'arrêter.
/. Rainure dans laquelle on fait couler
la vis pour hauffer ou bailler X élect'rometrt
félon la hauteur des phioles.
K. L'hcmiiphere de cuivre très-poli qui
tient au conducteur..
L. Vis d'acier qui pallè par le haut du.
cylindre , dont les pas font éloignés d'en*
viron -1* de pouce l'un de l'autre.
M. Globe de cuivre poli qui tient à 1»
vis L y en face de K : le poli de K. &
déifié détruit lorfque les explofions font
fortes , & il faut les repolir lorfque les
expériences demandent de. l'exactitude.
N. Echelle dont les divifions marquent
les tours de la vis.
O. Plaque circulaire qui fe meut avec
la vis , & dont chaque tour répond au*:
divifions de l'échelle : elle eft divifée en
douze parties pour marquer celles de chaque
tour.
Voici le principe félon lequel XéleBro--
mètre agir , il eft très-limple. La phiole
verniffée devient incapable d'amailèr &
de retenir au delà de la quantité de fluide:
électrique qu'exige L'expérience, lorfqu'il fe
fait une communication électrique ou non
électrique de la vis H au fil d'archal E de
la machine ; & cette quantité efl propor-
tionnée à la diftance de K & de M f au
moyen de quoi on règle l'explofion & le
Par exemple , fi une perfonne tient d'une
t main un fil d'archal attaché à la vis H s
E LE
& de l'autre un autre fil d'archal attaché
à la gance E , il n'éprouvera aucun choc,
fi K & Mk touchent , quoique le vaifleau
cylindrique A agilL avec beaucoup de
force. Que s'il tourne la vis L , de manière
que le globe M Toit éloigné de K de t!»
de pouce ; il fentira un petit coup , &
l'explofion fe fera de K ou M : li K &
M font éloignés d'un pouce , la quantité
du fluide électrique lors de l'explofion ,
augmentera au centuple. Par exemple , il
paroît par l'expérience qu'on a faite, que
îi l'explofion fe fait après quatre tours de
la roue B , lorfque M eft éloigné de K de
A de pouce , ou d'un tour de la vis , la
même chofe arrivera après que la roue
aura fait huit tours , ou que M & K feront
éloignés de /* de pouce : fi K & M font
éloignés de trois tours de la vis , la roue
• en aura fait douze lors de l'explofion. La
même chofe arrivera tant que la diftance
de K & de M fera égale au pouvoir con-
denfatif de la phiole , fans que la matière
s'épuite : cet épuifecnent a lieu lorfque la
phiole eft tellement chargée , qu'une partie
du fluide électrique s'échappe par fon ori-
fice ou par le condudeur dans l'air , &
fe communique à un corps non électrique:
le nombre des tours de la roue , lorique
K &cM font dans les diftances que j'ai dit
ci-defîus , eft plus ou moins nombreux ,
félon la température de l'air , l'état du
vaiiîèau cylindrique , celui du couflïnet
contre lequel il frotte ; & celui de la phiole.
L'explofion de celle-ci eft moins forte
lorfque l'air eft humide , que lorfqu'il
cil fec. s ' '.
Moins la roue fait de tours , plus la
machine a de force; on peut déterminer
par- là la différence qu'il y a entre deux
machines.
Un fil d'archal vaut mieux en général
qu'une chaîne , à moins qu'elle ne foit
extrêmement ferrée , parce que le fluide
électrique fe perd en paflant d'un chaînon
à l'autre.
On fait encore par expérience que la
quantité du fluide électrique à chaque
explofion , eft proportionnée à la furface
du vernis , a la gro fleur de la phiole , de
même qu'au nombre de celles qu'on emploie.
Par exemple , fi l'on découvre la phiole à
E L E €7
moitié de chaque côté , l'explofion fe fera
après que la roue aura fait la moitié moins
de tours ;& fi l'on emploie au lieu delà
phiole D , une autre phiole dont le verre
loit couvert du double , la roue fera une
fois plus de tours : la même chofe arrivera
fi l'on emploie deux phioles '-ouvertes en
place de D ; fi l'on en emploie trois , le
nombre des tours fera triple. {Cet article
efi tiré des fournaux Anglois.)
ELECTUAIRE , f. m. (Pharm. ) LV-
lecluaire eft une composition pharmaceu-
tique , deftinée à l'ufage intérieur , formée
en incorporant une ou plufieurs poudres
avec du miel ou du firop , des extraits ,
des pulpes , des gelées , des robs , des con-
ferves, & quelquefois des vins doux.
Les élecluaires font foîides ou mous. Les
premiers font plus connus fous le nom de
tablettes , & il eft même commode de les
diftinguer par ce nom des éUcluaires mous.
Voye\ TABLETTE. Les féconds doivent
être d'une confiftance moyenne entre le
firop & le bol , & fort approchante de
celle des marmelades de fruits bien cuites :
c'eft de ceux-ci que nous allons parler dans
cet article.
UélecTuaire eft une forme de médicament
très-anciennement employé en médecine.
Galien en a décrit quelques-uns ; les hiera ,
les confections , la thériaque d'Andro-
maque , le fameux antidote attribué à Mi-
thriaate , tous remèdes très-anciens, font
des élecluaires.
Mais le nom même à'élcauaire neft pas
de la même antiquité que l'ufage du re-
mède auquel nous le donnons aujourd'hui ;
les Grecs & les Arabes font toujours ap-
pelle antidote , quelque vertu médicinale
particulière qu'il pofledât, & ils en ont
préparé afîurément de toutes les diverfès
vertus obfervées ou imaginées dans les re-
mèdes , de roborans , de cordiaux , de
céphaliques > d'alexipharmaques , de chola-
gogues , d'hydragogues , de panchyma-
gogues , d'emmenagogues , de narcotiques,
&c.
JEYius Aurelianus a employé le mot élec-
tuaire , elecluarium ; mais c'eft un remède
delà nature de notre looch , qu'il a dé-
figné par ce nom. Voye\ LOOCH.
Le nombre des élecliuiires a été pouflô
I 2.
68 ELE
îufqu'à un excès dont l'ignorance la plus
profonde & la charlatnnerie la plus impu-
dente font feuls capables. Le leul Myrep-
fùs nous en a décrit jufqu'à cinq cents onze
dans fon antidotaire. Les difciples des Ara-
bes ne firent qu'enchérir fur la prodigieufe
fécondité de leurs maîtres , & les élec-
tuaires ne ceflerent de fe multiplier jus-
qu'au temps où la chymie s'empara heu-
reufement de la pharmacie , c'eft-à-dire ,
jufqu'à ce qu'on fût en état de découvrir
& de démontrer que la plupart des élec-
tuaires étoient des préparations monf-
trueufes , fouvent inutiles , quelquefois dan-
gereufes , toujours très-dégoûtantes pour
les malades.
En effet , YélecTuaire a d'abord tous les
inconvénient des comportions comme
telles : le plus grand de ces inconvéniens
eft celui qui dépend de l'action chymique
ou menftruelle de certains ingrédiens les
uns fur les autres ; action qui détruit leurs
▼ertus refpeclives. ( V. COMPOSITION ,
Mélange , Formule. ) Or ce défaut
doit d'autant plus décréditer tous les élec-
tuaires anciens , que leurs auteurs n'a-
voient aucun fecours pour l'éviter. Secon-
dement, la confiflance de quelques - uns
eft telle que ces remèdes font expofés à un
mouvement de fermentation qui dénature
tous leurs ingrédiens. Cet inconvénient a
paffé pour un bien dans quelques têtes ,
nous lui devons en effet la vertu de la
thériaque vieille : mais 11 le hafard nous a
bien fèrvi à cet égard , car un produit utile
de la fermentation de cent drogues cil un
vrai préfent du hafard , iL nous a nui dans
tous les autres cas. Un tlectuaire qui a fer-
menté , eft regardé par les connoiffeurs
comme un élecluaire perdu ; & voilà pour-
quoi la confection hamech , par exemple ,
telle qu'elle efl décrite dans la pharma-
copée de Paris, qui par fa conîiiiance ,
doir neceflairement fermenter , efl une
préparation défectueufe. Troifiémement ,
la difficulté de faire avaler à des malades
une once d'un remède auffi dégoûtant
qu'un ihchiaire , doit être comptée pour
beaucoup,: or c'eft-là la dofè ordinaire de
ee remède ; & ne fût-elle que de deux
gros, comme c'eft en effet celle de quel-
ques-uns y Iêl tourment d'ayalei; deux gro*.
ELE
8 élecluaire doit être épargné à un malade,
s'il eft pofïîble.
Non feulement les Pharmaciens devenus
chymiftes arrêtèrent le débordement des
élecluaires , mais même ils entreprirent
de réformer ceux qui étoient le plus en
ufàge. Zwelfer chez les Allemands , le
Fevre > Charas , Lémery , chez les Fran-
çois , fe font fur-tout diftingués par ce
projet. Je n'appelle le travail de ces auteurs
que projet, ou tentative ; parce que, foit
qu'ils n'aient pas affez ofé contre l'auto-
rité de la véritable antiquité, & l'opinion
unanime des médecins de leur temps ; foit
que les lumières de leur fiecle ne fufTent
pas encore fuffifantes pour produire une
réforme complète ; foit qu'il fût en effet
impoflible de faire un bon remède d'un
élecluaire , on peut avancer que les élec-
maires corrigés de ces auteurs font en-
core des remèdes allez imparfaits.
Il me femble donc que tout confidéré5,
on peut propofer de lupprimer tous les
élecîuaires , au moins de n'en retenir que
le petit nombre qui font le moins impars
faits , tels que le diafeordium , le diaprum,,
le lénitif ,. & le catholicon double , &c
Voye\ Us articles particuliers.
Quand on veut faire un élecluaire , on
commence par préparer la poudre félon l'art:
( Vojei POUDRE ); enfuite fi elle ne
doit être unie qu'à du miel ou à un. iirop r
on n'a qu'à la mêler avec foin au miel:
écume ( Voye\ Ml EL.) y ou au firop qu'on
a préparé d'autre part ( Voye\ SlROP. )
Pour cela , on la répand à diverfesreprifes
& peu à peu avec un tamis , & on l'in-
troduit dans le miel ou- dans le firop , en<
brajfanttwec un biftortier. S'il doir entrer
dans la compofition de Y élecluaire des
pulpes , des extraits, des robs , Ùc. on-
Relaie ces matières avec une partie du firor>-
ou du miel encore chaud , on incorpore les
poudres de la manière que nous venons ds
dire, & on ajoute enfin le refte du firop^
ou du miel. Les vins s'emploient à -peu.'
près de la même façon que les firops & le
miel , & quelquefois mêlés enfemble. Oat!
peut s^en fervir auffi pour diiïbudre cer-
taines matières peu-propres à être réduites
en poudre , comme les fucres épaifiïs qui en-
trent dans la thériaque. V. TttÉRIAOUE*
E L E
Tous ces mélanges fè font à froid , ou
fur un feu très-léger dans quelques cas. V.
les exemples particuliers.
Il n'y a qu'une feule loi pour la perfec-
tion de Yélecluaire , c'eft que les poudres
doivent être répandues très-uniformément,
en forte que Yélecluaire ne foit pas graine
ou grumelé ; on voit de quelle conféquence
il eft qu'on ne trouve pas dans une cer-
taine portion d'un élecluaire purgatif de
petits amas de poudre compofée ordinaire-
ment des purgatifs les plus violens.
N<jus n'avons parlé jufqu'à préfent que
des élecluaires officinaux ; on en prépare
aufîî de magiftraux , mais qui font plus
connus fouslenom à'opiate. V. OPIATE.
ÉLÉGANCE, f. f. (Belles-Lettres.)
ce mot vient , félon quelques-uns , iïélec-
tus , choifi ; on ne voit pas qu'aucun
autre mot latin puiffe êtrefon étymologie :
en effet , il y a du choix dans tout ce
qui eft élégant. Inélégance eft un réfultat
de la jufteffe &, de l'agrément. On em-
ploie ce mot dans la fculpture & dans la
peinture. On oppofoit elegans jignum à
Jignum rigens ,* une figure proportionnée ,
dont les contours arrondis étoient expri-
més avec mollefie , à une figure trop roide
& mal terminée. Mais la févérité des pre-
miersRomains donna à ce mot elegantia ,
un fens odieux, lis regardoient Y élégance
en tout genre , comme une afféterie ,
comme une politefTe recherchée , indigne
de la gravité des premiers temps : pitié y
non laudis fuit 9 dit Aulu-Gelie. Us ap-
pelaient un homme élégant , à - peu - près
ce que nous appelions aujourd'hui un
petite-maître , bellus homuncio , & ce que
les Anglais appellent un beau. Mais vers
îe temps de Cicéron , quand les mœurs
eurent reçu le dernier degré de politefTe ,
élégant étoit toujours une louange. Cicéron
fe fert en cent endroits de ce mot pour
exprimer un homme, un difeours poli; on
dilbit même alors un repas élégant ,. ce qui
ne fe diroit guère parmi nous. Ce terme
eft confacré en françois , comme chez les
anciens Romains , à la fculpture , à la
peinture , à l'éloquence , & principalement
à la poélie. Il ne lignifie pas en peinture
& en fculpture précifément la' même choie-
E L E é$
que grâce. Ce terme grâce fe dit particu-
lièrement du vifage , & on ne dit pas un
vifage élégant , comme des contours élé-
gans : la raifon en eft que la grâce a tou-
jours quelque chofe d'animé ; & c'eft dans
le vifage que paroît l'ame ; ainfi on ne
dit pas une démarche élégante , parce que
la démarche eft animée.
"L'élégance d'un difeours n'eft pas l'élo-
quence , c'en eft une partie ; ce n'eft pas
la feule harmonie , le fêul nombre , c'eft la
clarté , le nombre &: le choix des paroles,
Il y a des langues en Europe dans les-
quelles rien n'eft fi rare qu'un difeours
élégant. Des terminaifons rudes , des con-
fbnnes fréquentes , des verbes auxiliaires,
nécefïairement redoublés dans une même
phrafe , ofïènfent l'oreille même des natu-
rels du pays.
Un difeours peut être élégant fans être
un bon difeours , Y élégance n'étant en effet
que le mérite des paroles ; mais un diicours
ne peut être abfolument bon fans être
élégant.
U élégance eft encore plus néceftaire à la
poéfie que l'éloquence, parce qu'elle eft
une partie principale de cette harmonie 11
néceffaire aux vers. Un orateur peut con-
vaincre, émouvoir même fans élégance , fans
pureté , fans nombre. Un poème ne peur
faire d'effet s'il n'eft élégant : c'eft un des
principaux mérites de Virgile : Horace eft
bien moins élégant dans Yes fatyres , dans
fes épîtres ; aufli eft-if moins poète , fer--
moni propior.
Le grand point dans la poélie & dans
l'art oratoire , eft que Y élégance ne fafïe
jamais rorràla force ;& le poè'teen cela,
comme dans tout le refte , a de plus gran-
des difficultés à furmonter que l'orateur :
car l'harmonie étant la bafe de fon art, il
ne doit pas fe permettre un concours de
fyilabes rudes. Il faut même quelquefois fa-
crifier un peu de- la penfée à Y élégance de
l'expreffion" : c'eft une. gêne que l'orateur
n'éprouve jamais.
Il eft à remarquer que fi Y élégance a*
toujours l'air facile, tout ce qui a cet air
facile & naturel ,. n'eft cependant pas- élé-
gant. Il n'y a rien de fi facile ,. de fi- na-
turel que, la cigale ayant chanté tout l'été r
&. j, maître corbeau fur un arbre perché. ■
7* E L E
Pourquoi cts morceaux manquent-ils $ élé-
gance ? c'efl que cette naïveté eft dépour-
vue de mots choifis & d'harmonie. Amans
heureux , voulez-vous voyager ? que ce/oit
aux rives prochaines ; & cent autres traits,
ont avec d'autres mérites celui de ¥ élé-
gance.
On dit rarement d'une comédie qu'elle
eft écrite élégamment. La naïveté & la
rapidité d'un dialogue familier , excluent
ce mérite , propre à toute autre poéfie.
U élégance fembleroit faire tort au comique:
on ne rit point d'une chofe élégamment
dite; cependant la plupart des vers de l'Am-
phitrion de Molière , excepté ceux de pure
plaifanterie , font élégans. Le mélange des
dieux & des hommes dans cette pièce
unique en fon genre , & les vers irrégu-
liers qui forment un grand nombre de ma-
drigaux , en font peut-être la caufe.
Un madrigal doit bien plutôt être élé-
gant qu'une épigramme , parce que le ma-
drigal tient quelque chofe des fiances , &
que l'épigramme tient du comique ; l'un
eft fait pour exprimer un fentiment délicat,
& l'autre un ridicule.
Dans le fublime , il ne faut pas que
Yélégance fe remarque , elle l'afToibliroit.
Si on avoit loué Yélégance du Jupiter-
Olympien de Phidias , c'eût été en
faire une fatyre. Inélégance de la Vénus
de Praxitèle pouvoit être remarquée. V.
Eloquence , Eloquent , Style ,
GOUT , &c. Cet article ejï de M. de
Voltaire.
Nous allons en joindre un de M. Mar-
montel fur le même mot.
'L'élégance du ftyle fuppofe l'exactitude ,
la juftefle & la pureté , c'efl-à-dire , la
fidélité la plus févere aux règles de la
langue , au fens de la penfée , aux loix
de l'ufage & du goût , accord d'où réfulte
la correction du ftyle ; mais tout cela
contribue à Yélégance & n'y fuffit pas.
Elle exige encore une liberté noble , un
air facile & naturel, qui, fans nuire à la
correction , en déguife l'étude & la gêne.
Le ftyle de Defpréaux eft correct. , celui
de Racine & de Quinault eft élégant.
« \J élégance confifte , dit l'auteur des
*> Synonymes François , dans un tour de
v penfée noble & poli , rendu par des
E L E
» cxpreflîons châtiées , coulantes & gra-
» cieufes à l'oreille. » Difons mieux : c'efl
la réunion de toutes les grâces du ftyle ,
& c'efl: par-là qu'un ouvrage relu fans ceiTe,
eft fans celle nouveau.
La langueur & la molleiTe du ftyle font
les écueils voifins de Yélégance ,• & parmi
ceux qui la recherchent , il en eft peu qui
les évitent : pour donner de l'ailànce à
l'expreffion , ils la rendent lâche & diffùfe ;
leur flyle eft poli , mais efféminé. La pre-
mière caufe de cette foiblefle eft dans la
manière de concevoir & de fentir. Tout
ce qu'on peut exiger de Yélégance , c'efl:
de ne pas énerver le fentiment ou la penfée ,
mais on ne doit pas s'attendre qu'elle donne
de la chaleur ou de la force à ce qui n'en
a pas.
Le point effentiel & difficile , eft: de
concilier Yélégance avec le naturel. L' élé-
gance fuppofe le choix de l'exprefllon :
or , le moyen de choifir , quand l'expref-
fion naturelle eft unique ? Le moyen
d'accorder cette vérité , ce naturel , avec
toutes les convenances des mœurs , de
l'ufage & du goût ; avec ces idées factices
de bienféances & de nobleffe qui varient
d'un fiecle à l'autre , & qui font loi dans
tous les temps ? Comment faire parler
naturellement un villageois , un homme du
peuple , fans blefler la délicatefTe d'un
homme poli , cultivé ?
C'efl-là fans doute une des plus grandes
difficultés de l'art , & peu d'écrivains ont
fu la vaincre. Toutefois il y en a deux
moyens : le choix des idées & des chofes ,
& le talent de placer les mots. Le flyle
n'efl le plus fouvent bas & commun que
par les idées. Dire comme tout U monde,
ce que tout le monde a penfé , ce n'efl
pas la peine d'écrire ; vouloir dire des
chofes communes d'une façon nouvelle ,
& qui n'appartienne qu'à nous , c'efl courir
le rifque d'être précieux , affecté , peu
naturel ; dire des chofes que nous avons
tous confufément dans l'ame , mais que
perfonne n'a pris foin encore de démêler ,
d'exprimer , de placer à propos ; les dire
dans les termes les plus fimples , & en
apparence les moins recherchés , c'efl: le
moyen d'être à la fois naturel & in-
génieux.
ELE
Le fage efi ménager du temps Ù des
paroles.
Qui ne l'eût pas dit comme la Fontaine?
Qui n'eût pas dit comme lui.
Qu'un ami véritable efi une douce
chofe ;
Qu'il cherche nos befoins au fond de
notre cceur î
ou plutôt qui l'eût dit avec cette vérité fi
touchante ?
Le moyen le plus sûr d'avoir un ftyle
à foi, ce feroit de s'exprimer comme la
nature , & le poëte que je viens de citer
en eu la preuve & l'exemple ; mais fi le
vrai feul efi aimable , il faut avouer qu'il
ne l'efl pas toujours. Il efi donc important
de choifir dans la nature des détails dignes
de plaire , & dont l'expreiHon naïve &
fimple n'ait rien de groflier ni de bas :
par exemple, tout ce qu'on peint des mœurs
des villageois doit être vrai fans être dégoû-
tant ; & il y a moyen de donner à. ces
détails de la. grâce & de- la noblefîè.
Il en eu du moral comme du phyfique ;
& fi la nature efl choifie avec goût , les
mots qui doivent l'exprimer , feront décens
& gracieux comme elle. L'art de placer ,.
d'aflbrtir les mots , de les relever l'un par
l'autre , de ménager à celui qui manque
de clarté, de couleur,, de noblefîè , le
tfeflet d'un terme plus noble , plus lumi-
neux , plus coloré , cet art , dis-je , ne
peut fe preferire ; c'eft l'étude de l'exercice
qui le donne , fécondé du talent , fans
lequel l'exemple efl infructueux , & le travail
même inutile..
On demande pourquoi il efl des auteurs
dont le. ftyle a moins vieilli que celui de
leurs contemporains ; en voici la caufe :
il efl rare que ï'ufage retranche d'une langue
les termes qui reunifTent l'harmonie , le
coloris & la clarté : quoique bizarre dans
tes dédiions, Ï'ufage ne lailîe pas de prendre
affez fouvent confeil de l'efprit, & fur-
tout de l'oreille : on peut donc compter
afîèz fur le pouvoir du fentiment. & de
la raifon pour garantir qu'à mérire égal ,
celui des poètes qui dans le. choix des
ELE 71
termes aura le plus d'égard à la clarté ,
au coloris , à l'harmonie , fera celui qui
vieillira le moins.
Un fort oppofé attend ces écrivains qui
s'empreffent à iaifir les mots dès qu'ils
viennent d'éclore & avant même qu'ils
foient reçus. Ces mots que la Bruyère
appelle aventuriers 9 qui font d'abord
quelque fortune dans le monde , & qui
s'éclipfent au bout de flxmois , font dans
le ftyle , comme dans les tableaux ces cou-
leurs brillantes & fragiles , qui après nous
avoir féduits quelque temps , noircilfene
& font une tache. Le fecret de Pafcal eft
d'avoir bien choifi Ces couleurs.
Le dictionnaire d'un écrivain , ce font
les poètes , les hiftoriens ,. les orateurs qui.
ont excellé dans l'art d'écrire. C'efr-là.
qu'il doit étudier les fineffes , les délica-
tefîês , les. richeffes de fa langue ; non
pas à mefare qu'il en a befoin , mais avant
de prendre la plume ; non pas pour le
faire un ftyle des débris de leurs phrafes
& de leurs vers mutilés , mais pour faifir
avec précifion.le fens des termes & leurs
rapports., leur oppofition , leur analogie ,
leur caractère & leurs nuances , l'étendue
& les limites des idées qu'on y attache ,
l'art de les placer ,. de les combiner , de
les faire valoir l'un par l'autre , en un mot
d'en former un tiffu où la nature vienne
fe peindre >. comme fur la toile , fans que
l'art paroiffe y avoir mis la main. Pour
cela ce n'efl pas affez d'une lecture indo-
lente & fuperflcielle ,. il. faut une étude
ferieufe & profondément réfléchie. Cette
étude feroit pénible autant qu'ennuyeufe
fi elle é.toit ifolée ; mais en étudiant les
modèles on étudie tout l'art a la fois, &
ce qu'il, y a de fec & d'abftrait s'apprend
fans qu'on s'en apperçoive , dans le temps
même qu'on admire ce qu'il a de plus
raviffant.
ÉLÉGANCE , (Peinture.) L'élégance en
peinture , coniifte principalement dans la
beauté du choix ,, & la délicateffe de l'exé-
cution : c'efl donc une manière d'être qui
embellit les objets ou dans le deflîn ou dans
la forme , ou dans la couleur , ou dans tous
les trois enfemble , fans en détruire le
vrai. Heureux préfent du ciel, qu'on tient
de la naifTançc 3 & qui ne dépend ni des
7i ELE
maîtres ni des préceptes ! Le goût naturel
donne Y élégance aux ouvrages de l'artifle,
le goût la fait fentir à l'amateur.
Cette partie de la peinture brille admi-
rablement dans l'antique & dans Raphaël.
N'imaginons pas néanmoins , par cette
raifon , qu'elle foit nécefTairement fondée
fur la correction du deilîn , & qu'elle lui
foit toujours fubordonnée ; elle peut fe
trouver éminemment dans des ouvrages
qui font d'ailleurs négligés. Elle fe trouve
par exemple , dans la plupart des tableaux
du Correge , où ce célèbre maître pèche
fouvent contre la jufteffe des proportion > ,
tandis que dans ces mêmes tableaux il fe
montre par (es contours coulans , légers
& fmueux , un peintre plein de grâces &
& élégance. Voye\ Correge , au motEcQLE
Lombarde.
Cependant celui qui joint Y élégance 3 la
correction , attache encore davantage par
cette perfection nos avides regards. Un
peintre de cet ordre élevé notre elprit ,
après l'avoir agréablement étonné , remplit
notre attente , & touche prefqu'au fublime
de l'art, article de M. le Chevalier de
J AU COURT.
ELEGIAQUE, adj. {Belles-Lettres.)
fe dit de ce qui appartient à l'élégie , &
s'applique plias particulièrement à l'efpece
de vers qui entroient dans l'élégie des
anciens , & qui confritoient dans une fuite
de çliitiques formés d'un hexamètre & d'un
pentamètre. Voye\ les mots ÉLÉGIE ,
Distique , &c.
Cette forme de vers a été en ufage de
très-bonne heure dans les élégies, & Ho-
race dit qu'on en ignore l'auteur.
Quis tamen exiguos elegos emlferit
auclor
Grammatici certant, & adhuc fub judice
lis efl.
Il avoit dit auparavant que la forme du
diftique avoit d'abord été employée pour
exprimer la plainte , & qu'elle le fut enfuite
auffi. pour exprimer la fajisfaction & la joie;
Verfibus impariter junclis queerimonia
primhm ,
pofl etiam inclufa efl voti fententia
çompos,
ELE
Sur quoi nous propofons aux favans les
queftions fuivantes : i°. Pourquoi les an-
ciens avoient-ils pris d'abord cette forme
de vers pour les élégies trilles ? Eil-ce parce
que l'uniformité des diftiques , les repos
qui fe fuccedent à intervalles égaux , &
l'efpece de monotonie qui y règne , ren-
doient cette forme propre à exprimer l'a-
battement & la langueur qu'infpire la trif-
tefîe ? 2°. Pourquoi ces mêmes vers ont-
ils enfuite été employés à exprimer les fen-
timens d'une ame contente ? Seroit-ce
que cette même forme , ou du moins le
vers pentamètre qui y entre , auroit une
lorte de légèreté & de facilité propres à
exprimer la' joie ? feroit-ce qu'à mefure
que les hommes le font corrompus , l'ex-
preffion des fentimens tendres & vrais efl
devenue moins commune & moins rou-,
chante , & qu'en conféquence la forme des
vers confacrés à la trifteffe , a été em-
ployée par les poètes ( bien ou mal-à-pro-
pos ) à exprimer un fentiment contraire ,
par une bizarrerie à-peu-près femblable à
celle qui a porté nos muficiens modernes
à compofer des fonates pour la flûte , ins-
trument dont le caractère fembloit être
d'exprimer la tendreffe & la trifteffe? (O)
M. Marmontel nous a communiqué fur
ce fujet les réflexions fuivantes. L'inéga-
lité des vers élégiaques les diftingue , dit-
il , des vers héroïques , dont la marche
foutenue caractérife la majeflé :
Arma y gravi numéro y violentaque beïïa
parabam
Edere P materiâ conveniente modis.
Par erat infçrior verfus : rijijfc Cu-
pido
Dicitur y atque unum fubripuijfe pedem.
Ovid. Am. lib, tel. z.
Mais comment cette mefure pouvoit-elle
peindre également deux affections de l'ame
oppofées ? c'efl ce qui cft encore fenfible
pour nos oreilles, continue M. Marmontel,
malgré l'altération de la profodie latine
dans notre prononciation.
La trilreffe & la joie ont cela de com-
mun , que leurs mouvemens font inégaux
& fréquemment interrompus ; l'un & l'au-
tre fufpendçnt la refpiration , coupent la
voix*
E L E
voix , rompent la mefure : l'une s'afToiblit ,
expire & tombe ; l'autre s'anime, trefîaille
& s'élance. Or le vers pentamètre a cette
propriété , que Tes interruptions peuvent
être ou des chûtes ou des élans, fuivant
l'exprefïzon qu'on lui donne : la mefure en
eft donc également docile à peindre les
mouvemens de la trifleffe & de la joie.
Mais comme dans la nature les mouve-
mens de l'une & de l'autre ne font pas
auffi fréquemment interrompus que ceux
du vers pentamètre , on y a joint , pour les
fùfpendre & les foutenir, la mefure ferme
du vers héroïque : delà le mélangé alter-
natif de ces deux vers dans l'élégie.
Cependant le pathétique en général fe
peint encore mieux dans le vers ïambe ,
dont la mefure fimple & variée approche
de la nature , autant que l'art du vers peut
en approcher ; & il eft vraifemblable que
fi ce vers n'a pas eu la préférence dans le
genre éléglaque , comme dans le drama-
tique s c'eft que l'élégie étoit mife en chant.
Quintilien regarde Tibulle comme le
premier des poètes éléglaques ; mais il ne
parle que du Âyle , mihl ter fus atque elegans
maxime vldetur. Pline le jeune préfère Ca-
tule , fans doute pour des élégies qui ne
font point parvenues jufqu'à nous. Ce que
nous connoifîbns de lui de plus délicat &
déplus touchant, ne peut guère être mis
que dans la claflfe des madrigaux. Voye\
MADRIGAL. Nous n'avons d'élégies de Ca-
tule, que quelques vers à Ortalus fur la
mort de fon frère ; la chevelure de Bé-
rénice , élégie foible , imitée de Calli-
maque ; une épître à Mallius , où fa dou-
leur , fa reconnoifïance & fes amours font
comme entrelaiTés de l'hiftoire de Laoda-
mie , avec affez peu d'art & de goût ;
enfin l'aventure d'Ariane & de Théfée ,
épifode enchâffée dans fon poè'me fur les
noces de Thétis , contre toutes les règles
de l'ordonnance , des proportions & du
deffin. Tous ces morceaux font des mo-
dèles du ftyie éléglaque ; mais par le fond
des chofes , ils ne méritent pas même , à
notre avis , que l'on nomme Catule à côté
de Tibulle & de Properce : auffi , M.
l'abbé Souchai ne l'a— t-iî pas compté parmi
les élëgiaques latins. ( Mém. de Vacad. des
Infcriptions Ù Belles-Lettres , tome VIL)
Tome XIL>
E L E y j
Le même auteur dit que Tibulle efl le
feul qui ait connu & exprimé parfaitement
le vrai cara&ere de l'élégie , en quoi nous
ofons n'être pas de fon avis; plus éloignés
encore du fentiment de ceux qui donnent
la préférence à Ovide. Pqyq ÉLÉGIE. Le
feul avantage qu'Ovide ait eu fur Ces ri-
vaux , eft celui de l'invention ; car ils n'ont
fait le plus fouvent qu'imiter les Grecs ,
tels que Mimnerme & Callimaque. Mail
Ovide , quoique inventeur , avoit pour
guides & pour exemples Tibulle & Pro-
perce , qui venoient d'écrire avant lui : fe-
cours important, dont il n'a pas toujours
profite.
Si l'on demande quel eft l'ordre dans
lequel ces poètes fe font fuccédés , il efl
marqué dans ces vers d'Ovide. Trifl. lib.
IV. el 10.
Nec amara Tibullo
Tempus amicitice fata dedêre mece f
Succeffor fuit hic tlbl y Galle y Pro-
perdus illi ;
Quartus ab hisferie temporis Ipfeful:
Il ne nous refte rien de ce Gallus ; mais
fi c'efl le même que le Gallus , amî
de Properce , il a dû être le plus véhé-
ment de tous les poètes éléglaque s , comme
il a été le plus dur , au jugement de Quin-
tilien. Article de M. Marmontel.
M. l'abbé Souchai divife les élégiaques
grecs en deux clafïès : l'une comprend ceux
qui à la vérité ont fait des élégies , mais qui
font plus connus par d'autres genres de
littérature ; & l'autre renferme ceux qui
s'étant plus particulièrement adonnés à l'é-
légie, méritent aufîi plus proprement Je
titre ^éléglaques. Il compte dans la pre-
mière claffe Archi loque , Clonas , Polym-
neflus , Sapho , Efchyle , Sophocle , Eu-
ripide , Ion , Melanthus , Alexandre Eto-
lien , Platon , Ariftote , Antimaque , Eu-
phorion, Eratofthene, & Parthénius ; &
dans la féconde clafïe , Callinus , Mim-
nerme , Tyrtée , Périandre , Solon > Sa-»
cadas , Xénophane , Simonide , Evenus ,
Critias , Denis Chatius , Philetas & Cal-
limaque ; Myro de Bizance , Hermianax ,
&c. Mém. de Vacad, des Belles-Lettres 3
tome VU,
K
74 E L E
Les poètes flamands fe font diftiiïgués
parmi les modernes par leurs élégies la-
tines. Celles de Biderman , de Grotius &
de Vallius , approchent du goût de la belle
antiquité. Madame de la Suze & madame
Deshoullieres fe font auffi exercées dans ce
genre , dans lequel les Anglois n'ont rien
que quelques pièces fugitives de Milton.
te)
ÉLÉGIAQUE , ( Mufique des anc. )
nome pu air de flûte trille & plaintif.
ÉLÉGIE , f. f . ( Belles-Lettres. ) petit
poëme dont les plaintes & la douleur font
le principal caractère.
La plaintive élégie en longs habits de
deuil ,
Sait, les cheveux épars y gémir fur un
'm ^cercueil.
Boil. Artpoét.
Nous difons le principal caractère , car
bien que ce poëme fe fixe ordinairement
aux objets lugubres , il ne s'y borne pour-
s tant pas uniquement :
Elle peint des amans la joie & la trif-
teJT€ >
Flatte, menace, irrite y appaije une
maitreffe.
Ibidem.
Les grammairiens font partagés fur I'é-
tymologie de ce nom : Voffius , après Dy-
dime , le tire du grec s s hfytv , dire hélas.
'L'élégie fut ainfi nommée , parce qu'elle
étoit remplie de l'exclamation 5 « , fi fa-
milière aux poètes tragiques , & qui échappe
fi naturellement aux perfonnes affligées.
Le vrai caractère de ¥ élégie confifte dans
la vivacité des penfées , dans la délicateffe
des fentimens , dans la (implicite des ex-
-preffions.
La diction dans F 'élégie doit être nette,
aifée & claire , tendre & pathétique ;
peindre les mœurs, n'admettre ni pointes
ni jeux de mots; & le fens de chaque
penfée ( au moins dans ïélégie latine ) doit
être renfermé dans chaque diftique. Voye\
Mém. de Vacad. des Belles-Lettres y tom.
VIL {G)
\J élégie dans fa fimplicité touchante &
E L E
noble , réunit tout ce que la poéfie a de
charmes , l'imagination & le fentiment ;
c'eft cependant, depuis la renaiiiance des
Lettres, l'un des genres de poéiie qu'on a
le plus négligés : on y a de plus attaché
l'idée d'une trilteflë fade , foit qu'on ne dis-
tingue pas affez la tendrefle de la fadeur ;
foit que les poètes , fur l'exemple delquels
cette opinion s'eft établie , aient pris eux-
mêmes le ftylc doucereux pour le ffyle
tendre.
Il n'eft donc pas inutile de développer
ici le caractère de Y élégie , d'après les mo-
dèles de l'antiquité.
Comme les froids légiflateurs de la poé-
fle n'ont pas jugé Vélegie digne de leur
févérité , elle jouit encore de la liberté de
fon premier âge. Grave ou légère , tendre
ou badine , paffionnée ou tranquille , riante
ou plaintive à fon gré, il n'eft point de
ton , depuis l'héroïque jufqu'au familier ,
qu'il ne lui foit permis de prendre. Pro-
perce y a décrit en paflant la formation
de l'univers ; Tibulle les tourmens du tar-
tare ; l'un & l'autre en ont fait des ta-
bleaux dignes tour-à-tour de Raphaël , du
Correge & de l'Albane : Ovide ne cefîe
d'y jouer avec les flèches de l'amour.
Cependant pour en déterminer le carac-
tère par quelques traits plus marqués , nous
la diviferons en trois genres , le paffionné ,
le tendre & le gracieux.
Dans tous les trois elle prend également
le ton de la douleur & de la joie ; car «
c'eft fur-tout dans Yélégie que l'amour eft
un enfant qui pour rien s'irrite , s'appaife y
qui pleure & rit en même temps. Par la
même raifon y le tendre , le paffionné , le
gracieux , ne font pas des genres incom-
patibles dans F 'élégie amoureulè ; mais dans
leur mêlaHge il y a des nuances , des paP
fages , des gradations à ménager. Dans la
même fituation où l'on dit torqueor} in-
felix ! on ne doit pas comparer la rougeur
de fa maîtreflê convaincue d'infidélité , à
la couleur du ciel y au lever de l'aurore y
à V éclat des rofes parmi les lis , &c. ( Ovid.
amor. lib. II. el. A. ) Au moment où l'en
crie à fes amis : Enchaîne \-moi , je fuis
un furieux y j'ai battu ma maitreffe , on
ne doit penfer ni aux fureurs d'Orefte y
ni à celles d'Ajax. ( Ov. lib, L cL 7»
ELE
Que ces écarts font bien plus naturels dans
Properce ! On m'enlève ce que j'aime ,
dit-il à fon ami , Ù tu me défends les
mencé les guerres , c'eft par-là qu'a péri
Trqye .... Mais pourquoi recourir à
V exemple des Grecs ? c'eft toi } Romulus,
qui nous as donné celui du crime ; en en-
levant les Sabines , tu appris à tes neveux
à nous enlever nos amantes y &c. (Lib. II.
el.7.)i
En général , le fentiment domine dans
le genre paffionné , c'eft le caractère de
Properce ; l'imagination domine dans le
gracieux , c'eft le caractère d'Ovide. Dans
le premier l'imagination modefte & fou-
mife ne fe joint au fentiment que pour
l'embellir, & fè cache en l'embelliflànt,
fubfequiturque. Dans le fécond le fenti-
ment humble & docile ne fe joint à l'ima-
gination que pour l'animer , & fe iailîe
couvrir des fleurs qu'elle répand à pleines
mains. Un coloris trop brillant refroidi-
roi t l'un , comme un pathétique trop fort
obfcurciroit l'autre. La paffion rejette la
parure des grâces , les grâces font effrayées
de l'air fombre de la paillon ; mais une
émotion douce ne les rend que plus tou-
chantes & plus vives : c'eft ainli qu'elles
régnent dans l'élégie tendre , & c'eft le
genre de Tibulle.
C'eft pour avoir donné à un fentiment
foible le ton du fentiment paffionné , que
Y élégie eft devenue fade. Rien n'eft plus
infipide qu'un défefpoir de fang-froid. On
a cru que le pathétique étoit dans les mots :
il eft dans les tours & dans les mouve-
mensdu ftyle. Ce regret de Properce après
s'être éloigné de Cinthie ,
Nonne fuit meliuindominœ pervincere
mores ?
ce regret , dis-je , feroit froid. Mais com-
bien la réflexion l'anime.
Quamvis dura 9 tamen rara puella
fuit.
C'eft une étude bien intéreflante que celle
4es mouvemens de l'ame dans les élégies
ELE 7r
de ce poète, & de Tibulle fon rival ! Je
veux y dit Ovide , que quelque jeune homme
bleffé des mêmes traits que moi , recon-
larmes l II n'y a d'injures fenfibles qu'en noijfe dans mes vers tous les fignes de fa.
amour c'eft par-là qu'ont com- flamme , & qu'il si * écrie après un long
étonnement : Qui peut avoir appris a ce
poète à fi bien peindre mes malheurs ?
C'eft la règle générale de la poéfie pathé-
tique. Ovide la donne ; Tibulle & Properce
la fuivent , & la fuivent bien mieux que lui.
Quelques poètes modernes fe font per-
fùadés que l'élégie plaintive n'avoit pas
befoin d'ornemens : non fans doute , lors-
qu'elle eft paffionnée. Une amante éperdue
-ti'a pas befoin d'être parée pour attendris
en fa faveur ; fon défordre , fon égare-
ment , la pâleur de fon vifage , les ruiffeaux
de larmes qui coulent de fes yeux , font
les armes de fa douleur , & c'eft avec ces
traits que la pitié nous pénètre. Il en eft
ainfi de l'élégie paffionnée.
Mais une amante qui n'eft qu'affligée ,
doit réunir pour nous émouvoir les charmes
de la beauté , la parure , ou plutôt le
négligé des grâces. Telle doit être l'élégie
tendre , femblable à Corine au moment
de fon réveil.
Scepe etiam nondùm digeftis mane
capillis ,
Purpureo jacuit femi fupina thoro ;
Tumque fuit neglecla decens.
Un fentiment tranquille & doux, tel qu'il
règne dans l'élégie tendre , a befoin d'être
nourri fans cefle par une imagination vive
& féconde. Qu'on fe figure une perfonne
trifte & rêveufe qui fe promené dans une
campagne , où tout ce qu'elle voit lui
retrace l'objet qui l'occupe fous mille faces
nouvelles : telle eft dans l'élégie tendre la
fituation de l'ame a l'égard de l'imagination.
Quels tableaux ne fe fait-on pas dans ces
douces rêveries ? Tantôt on croit voya~
ger fur un vaiffeau avec ce qu'on aime y
on eft expofé à la même tempête ; on dort
furie même rocher , & à l'ombre du même
arbre ; on fe déf altère à la même fource ;
fou àla pouppe ,foit à la proue du navire,
une planche fuffit pour deux ; on fouffre .
le vent
tout avec plaijir\ qu'importe que
du midi , ou celui du nord , enfle !
la vailt
K i
76 E L E
pourvu qu'on ait les yeux attachés fur fon
amante ? Jupiter embraferoit le vaijjeau ,
on ne tremblerait que peur elle. Prop. L. IL
él. 2,8. Tantôt on fe peint foi-même expi-
rant ; on tient d'une défaillante main la
main d'une amante éplorée ; elle fe préci-
pite fur le lit où Von expire; elle fuit fon
amant jufques fur le bûcher ; elle couvre
fon corps de bai fers mêlés de larmes ; on
voit les jeunes garçons & les jeunes filles
revenir de ce fpeclacle les yeux baijfés &
mouillés de pleurs ; on voit fon amante
s' arrachant les cheveux y & fe déchirant
les joues ; on la conjure d'épargner les
maux de fon amant ) de modérer fon défef-
poir. Tib. L. I. él> l. C'eft ainfi que dans
Y élégie^ tendre , le fentiment doit être fans
cefTe animé par les tableaux que l'imagi-
nation lui préfente. Il n'en eft pas de
même de V élégie paffionnée , l'objet préfent
y remplit toute l'ame ; la paflion ne rêve
point-
On peut entrevoir quel eft le ton du
fentiment dans Tibulle & dans Properce ,
par les extraits que nous en avons donnés ,
n'ayant pas ofé les traduire. Mais ce n'eft
qu'en les lifant dans l'original , qu'on peut
fentir le charme de leur ftyle : tous deux
faciles avec précifion , véhémens avec dou-
ceur , pleins de naturel , de délicateffe ,
& de grâces. Quintilien regarde Tibulle
comme le plus élégant & le plus poli des
poètes élégiaques latins ; cependant il avoue
que Properce a des partifans qui le pré-
fèrent à Tibulle , & nous ne diffimulerons
pas que nous forames de ce nombre. A
l'égard du reproche qu'il fait à Ovide d'être
ce qu'il appelle lafcivior ; foit que ce mot-
là lignifie mains châtié , ou plus diffus ,
ou trop livré à fon imagination y trop
amoureux de fon bel efprit , nimiiim ama-
tor ingenii fui y ou dune molleffe trop
négligée daiis fon fiyle ( car on ne fauroit
l'entendre comme le lafciva puella de
Virgile , dune volupté folâtre ) ; ce repro-
che dans tous ces fens eft également fondé, j
Aufîi Ovide n'a-t-il excellé que dans V élégie ',
gracieufè , où les négligences font plus
cxcu fables.
Aux traits dont Ovide s'eft peint à lui-
même Yélégie amoureufe , on peut juger I
du ftyle & du ton qu'il lui a donnés* [
E L E
Venit odoratos elegia nexa capillos
Forma decens , vefiis tenuiffima, cultus
amantis.
limis fubrijit ocellis,
Fallor ? an in dextrâ myrthea virgafuit?
Il y prend quelquefois le ton plaintif, mais
ce ton-là même eft un badinage.
Croye\ qu'il efl des dieux fenfibles a
V injure ,
Après mille fermens Corinefe parjure.
En a-t-elle perdu quelqu'un de fes
attraits ,
Ses yeux font-ils moins beaux y fon
teint efl-il moins frais ?
Ah ! ce Dieu _, s'il en efl , fans doute
aime les belles ;
Et ce qu'il nous défend, n' efl permis
que pour elles !
L'amour avec ce front riant & cet air
léger , peut être aufli ingénieux , auili
brillant que l'on veut. La parure fied bien
à la coquetterie ; c'eft elle qui peut avoir
les cheveux entrelacés de rofes. C'eft fur
le ton galant qu'un amant peut dire :
Cherche un amant plus doux , plus
patient que moi ;
Du tribut de nies vceux ma pouppe
couronnée
Brave au port les fureurs de l'onde
mutinée.
C'eft-là que feroit placée cette métaphore
fi peu naturelle , dans une élégie ferieufe ?
Nec procul a métis quas penè tenere
videbar ,
Curriculo gravis efl fada ruina meor
Trift. /. IV. él. 8.
Tibulle & Properce rivaux d'Ovide dans
Y élégie gracieufe , l'ont ornée comme lui
de tous les tréfbrs de l'imagination. Dans
Tibulle , le portrait d'Apollon qu'il voit
en fonge ; dans Properce , la peinture des
champs élyfées ; dans Ovide , le triomphe
de l'amour , le coe£-d'œuvre de fes élégies ,
ELE
font des tableaux raviffans : & c'eft ainfi
que Y élégie doit être parée de la main des
grâces toutes les fois qu'elle n'eft pas animée
par la paflîon , ou attendrie par le fenti-
ment. C'eft à quoi les modernes n'ont pas
aflez réfléchi : chez eux, le plus fouvent
Y élégie eft froide & négligée , & par confé-
quent plate & ennuyeufe : car il n'y a
que deux moyens de plaire; amufer, ou
émouvoir.
Nous n'avons encore parlé ni des héroïdes
d'Ovide , qu'on doit mettre au rang des
élégies pafïionnées , ni de fes trifles dont
fon exil eft le fujet , & que l'on doit comp-
ter parmi les élégies tendres.
Sans ce libertinage d'efprit , cette abon-
dance d'ima ination qui refroidit prefque
par-tout le ° fentiment dans Ovide , {es
héroïdes fer ient à côté des plus belles
élégies de Pooperce & de Tibulle. On eft
d'abord furprrs d'y trouver plus de pathé-
tique & d'intérêt, que dans les trifles. TLn
effet il femble qu'un poëte doit être plus
ému & plus capable d'émouvoir en déplo-
rant {es malheurs, qu'en peignant les
malheurs d'un perfonnage imaginaire. Ce-
pendant Ovide eft plein de chaleur , lors-
qu'il foupire au nom de Pénélope après le
retour d'Ulyffe -, il eft glacé , lorfqu'il fe
plaint lui-même des rigueurs de fon exil
à {çs amis & à fa femme. La première
raiion qui fe préfente de la foibleûe de. Ces
derniers vers , eft celle qu'il en donne lui-
même.
Da mihi Mœoniden , & tôt circumfpiçe
eafus ;
Ingenium tamis excidet omne malis.
9i Qu'on me donne un Homère en bute
» au même fort ,
«Son génie accablé cédera fous PefTôrt.
Mais le malheur qu i emouffe l'efpnt , .qui
afïairfe l'imagination , & qui énerve les
idées , femble devoir attendrir l'arae &
remuer le fentiment : or c'eft le fentiment
qui eft la partie foibîe de ces élégies , tandis
qu'il eft la partie dominante des héroïdes.
Pourquoi ? parce que la chaleur de fon
génie étoit dans fon imagination , & qu'il
*'eft peint les malheurs des autres bien plus
ELE 77
vivement qu'il n'a refTenti les Mens. Une
preuve qu'il les refTentoit foibleinent , c'eft
qu'il les a mis en vers :
Sesfoibles déplaijirs s'amufent à parler^
Et quiconque fe plaint , cherche d fe
confoler.
A plus forte raifbn , quiconque fe plaint
en cadence. Cependant il femble ridicule
de prétendre qu'Ovide exilé de Rome dans
les défèrts de la Scythie , ne fut point
pénétré de fon malheur. Qu'on lifè pour
s'en convaincre cette élégie où il fe com-
pare à Ulylfe ; que d'eiprit , & combien
peu d'ame ! Ofbns le dire à i'avantage des
Lettres : le plaifir de chanter Ces malheurs,
en étoit le charme : il les oublioit en les
racontant : il en eût été accablé, s'il ne
les eût pas écrits;. & fij'on demande
pourquoi il les a peints froidement, c'eft
parce qu'il fe plaifoit à les peindre.
Mais lorfqu'il veut exprimer la douleur-
d'un autre , ce n'eft plus dans fon ame ,
c'eft dans fon imagination qu'il en puife
les couleurs; il ne prend plus fort modèle
en lui-même, mais dans les poflibles : ce
n'eft pas fa manière d'être , mais fa manière
de concevoir qui fe reproduit dans fes vers ;
& la contention du travail qui le déroboit
à lui-même , ne fait que lui repréfenter
plus vivement un perfonnage fuppofé. Ainfi
Ovide eft plus Brifeis ou Phèdre dans les
héroïdes , qu'il n'eft Ovide dans les trifles.
Toutefois autant l'imagination difïîpe &
afFoiblit dans le poëte le fentiment de fà
fituation préfente, autant elle approfondit
les traces de fa fituation pafïee. La mé-
moire eft la nourrice du génie. Pour peindre
lem'alheur il n'eft pas befoin d'être malheu-
reux , mais il eft bon de l'avoir été.
Une comparaifon va rendre fenfible la
raifon que nous avons donnée» de la froi-
deur d'Ovide dans les trifles.
Un peintre affligé fe voit dans un miroir ;
il lui vient dans l'idée de fe peindre dans
cette fituation touchante ,* doit-il continuer
à fe regarder dans la glace , ou fe peindre
de mémoire après s'être vu la première
fois? S'il continue de fe voir dans la glace,
l'attention à bien faifir le caractère de fà
douleur, & le deftr de le bien, rendre „
78 ELE
commencent à en afïbiblir l'expreffion dans
le modèle. Ce n'eft rien encore. Il donne
les premiers traits ; il voit qu'il prend la
refTemblance y il s'en applaudit , le plaifir
du fuccès fe griffe dans fon ame , fe mêle
à fa douleur , en adoucit l'amertume ; les
mêmes changemens s'opèrent fur Ton vifage,
& le miroir, les lui répète: mais le progrès
en eft infenfible , il copie fans s'apperce-
voir qu'à chaque inftant ce ne font plus
les mêmes traits. Enfin de nuance en
nuance , il fe trouve avoir fait le portrait
d'un homme content, au lieu du portrait
d'un homme affligé. Il veut revenir à fa
première idée ; il corrige , il retouche , il
recherche dans la glace l'expreffion de la
douleur : mais la glace ne lui rend plus
qu'une douleur étudiée, qu'il peint froide
comme il la voit. N'eût-il pas mieux réuiii
à la rendre , s'il l'eût copiée d'après un
autre, ou fi l'imagination & la mémoire
lui en avoient rappelle les traits? C'eft
' ainfî qu'Ovide a manqué la nature , en
voulant l'imiter d'après lui-même.
Mais , dira-t-on , Properce & Tibulle
ont fi bien exprimé leur fituation pré-
fente , même dans la douleur ? Oui fans
doute , & c'eft le propre du fentiment qui
les infpiroit , de redoubler par l'attention
qu'on donne à le peindre. L'imagination
eu le fiege de l'amour : c'eft-ià que fes
feux s'allument , s'entretiennent , & s'irri-
tent ; & c'eft-là que les poètes élégiaques
en ont puifé les couleurs. Il n'efl donc pas
étonnant qu'ils foient plus tendres , à pro-
portion qu'ils s'échauffent davantage l'ima-
gination fur l'objet de leur tendreffe , &
plus fenfibles à fon infidélité ou à fa perte ,
à meftire qu'ils s'en exagèrent le prix. Si
Ovide avoit été amoureux de fa femme ,
la fixieme élégie du premier livre des trifies
ne feroit pas compofée de froids éloges
& de vaines comparaifons. La fiction tient
lieu aux amans de la réalité, & les plus
paffionnés n'adorent fouvent que leur propre
ouvrage , comme le fculpteur de la fable.
Il n'en efl pas ainfi d'un malheur réel ,
comme l'exil & l'infortune ; le fentiment
tn eft fixe dans l'ame : c'eft une- douleur
que chaque infiant , que chaque objet
reproduit, & dont l'imagination n'eft ni
le fiege ni la fource. Il faut donc , fi l'on
ELE
parle de foi-même , parler d'amour dans
Vélégie pathétique. On peut bien y faire
gémir une mère , une fœur , un ami tendre ;
mais fi l'on eft cet ami , œtte mère , ou
cette fœur , on ne fera point d'élégie , ou
l'on s'y peindra foiblement.
Nous ne nous arrêterons point aux élégies
modernes. Les meilleures font connues fous
d'autres titres, comme les idyles de Madame
Deshoulieres aux mourons , aux fleurs , &c.
modèle d'élégie dans le genre gracieux ; les
vers de M. de Voltaire fur la mort de Made-
moiièlle Lecouvrcur : modèle plus parfait en-
core de Vélégie paffionnée , & auquel Tibulle
& Properce même n'ont peut-être rien à op-
pofer , &c.
La Fontaine qui fe croyoit amoureux , a,
voulu faire des élégies tendres : elles font au
deffous de lui. Mais celle qu'il a faite fur la
difgrace de fon protecteur , adreffée aux
nymphes de Vaux , eft un chef-d'œuvre de
poéfie , de fentiment , & d'éloquence. M.
Fouquet du fond de fa prifon infpiroit à la
Fontaine des vers fublimes , tandis qu'il n'inf-
piroitpas même la pitié à fes amis ; leçon bien
frappante pour les grands , & bien glorieufe
pour les lettres.
Du refte , les plus beaux traits de cette
élégie de la Fontaine fontauffi bien exprimés
dans la première du troifieme livre des
tri [fie s , & n'y font pas aufîl touchans.
Pourquoi ? parce qu'Ovide parle pour lui ,
& la Fontaine pour un autre. C'eft encore
un des privilèges de l'amour, de pouvoir
être humble & fuppliant fans baifeffe : mais
ce n'eft qu'à lui qu'il appartient de flatter
la main qui le frappe. On peut être enfant
aux genoux de Corine; mais il faut être
homme devant l'empereur. Article de
M. Marmontel.
Réflexions fur la Poéfie élégiaque.
A ce difeours intérefTant fur Vélégie ,
joignons-y plufieurs autres réflexions pour
fatisfaire complètement la curiofité du
lecteur.
Le mot élégie veut dire une plainte. U élé-
gie a commencé vraifemblabiement par les
plaintes ou lamentations , ufitées aux funé-
railles dans tous les temps & chez tous les peu-
ples de la terre ; & c'eft à fon origine que fe
E L E
rapportent les deux vers de Defpréaux , cités
à la tête de cet article (a).
Ces plaintes ou lamentations auxquelles
en ajuftoit la flûte , s'appelloient , ainfi
que Y élégie , des airs trifies & lugubres. Il
eft naturel de préfumer que ces plaintes
furent d'abord fans ordre , fans liaifon ,
fans étude : fimples exprefllons de^ la
douleur, qui ne laiffoient pas de confoîer
les vivans en même temps qu'elles hono-
roient les morts. Comme elles étoient
tendres & pathétiques , elles remuoient
E L E
19
arrive que toute œuvre poétique écrite en
vers pentamètres & hexamètres , quel qu'en
fût le fujet , gai ou trifte , s'eft nommée
élégie ; ce mot ayant changé fa première
acception , & ' ne lignifiant plus qu'une
pièce écrite en vers pentamètres & hexa-
mètres.
Il ne faut donc pas confondre élégie avec
le vers élégiaque , ni par conféquent les
poètes élégiaques avec les poètes élégio-
graphes : qu'on me permette cette exprefllon
nouvelle , mais néceffaire.
l'ame ; & par les mouvemens qu'elles lui i On employa d'abord les vers élégiaques
ïmprimoient , elles la tenoient tellement : dans les tfecafions lugubres ; enfuite
occupée 9 qu'il ne lui reftoit plus d'attention Caliinus & Mimnerme écrivirent l'hiftoire
pour l'objet même dont la perte l'afHfgeoit. de leurs temps en ces mêmes vers. Les
Delà vient que l'on fit un art de ces I fages s'en fervirent pour publier leurs loix ;
plaintes , & qu'elles furent bientôt auffi i Tirtée , pour chanter la valeur guerrière ;
liées & auflî fuivies que le permettoit l'oc- Butas , pour expliquer les cérémonies de la
cafion qui les faifoit naître , ou plutôt le ! religion ; Callimaque , pour célébrer les
lujet à l'occafion duquel elles étoient louanges des dieux ; Eratofiene , pour
çompofées.
Mais qui eft-ce qui a donné à ces plaintes
l'art & la forme qu'elles ont dans Mim-
traiter des queftions de mathématique. Mais
tout poëme qui employant le vers élégia-
que , ne déplore point quelque malheur ,
nerme , & dans ceux qui l'ont fuivi ? C'eft ' ou ne peint ni la triftefle , ni la joie des
ce qu'on ignore & qu'on ignoroit même du amans, n'eft point une élégie, dans le
temps d'Horace , & ce qui nous intérefîê fens qu'on a généralement adopté pour ce
encore moins aujourd'hui. Il nous fuffit de mot : par conféquent les vers élégiaques
favoir que les Grecs dont les Latins ont des faftes d'Ovide & de (es amours ne font
fuivi l'exemple , fe déterminèrent à com- point une élégie.
pofer leurs poéfies plaintives , leurs élégies , Cependant , il eft certain qu'en grec &
en vers pentamètres & hexamètres en- en latin le mélange des vers hexamètres
trelacés : delà cette forte de vers a pris le & des vers pentamètres eft tellement affecté
nom d' 'élégiaques. à Y élégie , & lui eft tellement propre , que
Enfuite les poètes qui avoient employé les grammairiens n'approuveroient pas qu'on
cette mefure pour foupirer leurs peines, appellât élégie, la plainte de Bion fur
l'employèrent pour chanter leurs plaifirs : Adonis mort , ni celle que nous avons de
delà par la bizarrerie de l'ufage , il eft Mofchus fur la mort de Bion , par la feule
(a) LaPoéfie prend un ton mélancolique &affe£tueux, lorfqu'elle-devient l'interprète dr la triftefle.
Le Poète, fidèle copifte de la nature , multiplie comme elle les motifs de fa douleur , fe repréfente fous
différentes formes l'objet qui la caufe , Se exagérant ce qui l'attrifte , trouve toujours que la perte qu'il
a faite eft la plus grande que l'on puifle faire. Les partions font un microfeope : elles groflîflent les
objets de la triftefle ou de la joie du Poète.
La douleur a recours aux contraftes. Tantôtil ferappelle les momens gracieux qu'il a pafles auprès
de celui qu'il pleure : tantôt il remet fous fes yeux le ipectade féduifant de la nature qui ne lui paroîc
plus que trifte , fombre & lugubre ; mais dans ces oppofîtions , que d'art pour pafler infenfiblemenc
des idéesjagréables à des idées triftes î C'eft alors fur-tout qu'il faut connoître la magie du clair-obfcur,
& empêcher par des gradations infenfibles, les couleurs d'être trop tranchantes. Tel eft l'effet du goût ;
& le goût ne s'enfeigne pas. C'eft à lui feul à diriger les écarts qui doivent être fréquens dans l'élégie ,
puifqu'ils le fcnt dans les partions qu'elle peint. Ledéfordre eft le langage de la douleur. Elle veut & ne,
veut plus ; elle S'irrite & fe confole à la vue du même objet. Elle menace & fupplie ; mais cetre irré-
f;ularité apparente eft le chef-d'œuvre de la réflexion & le triomphe du talent. Réfultat des combinaifons
es plus fines , elle eft la fource de l'intérêt le plus vif. Cette note efl tirée de h Poétique élémentaire.
8o E L E
raifon que l'une & l'autre font conçues en
vers hexamètres.
Le temps nous a ravi toutes les élégies
des Grecs proprement dites ; il ne nous
refte du moins en entier , que celle qu'Eu-
ripide a inférée dans fon Andromaque
(Acte I. fcene iij.) , comme nos poètes
ont inféré quelquefois des fiances dans leurs
tragédies. Ce morceau eûVune véritable
élégie à tous égards , en tous fens > & l'on
n'en connoît point de plus belle.
Andromaque dans le temple de Thétis ,
baignant de les larmes la ftatu&de la déeffe
qu'elle tient embrafïee , fait 'en vers élé-
giaqucs & en dialecte dorique , une plainte
très-touchante fur l'arrivée d'Helene à
Troye y fur le fac de Troye, fur la mort
d'Hector , fur fon propre efclavage & fur
la dureté d'Hermione. La pièce qui ne
contient que 14 vers, comprend tout ce
qu'une profonde & vive douleur peut
raffembler de plus affligeant dans l'efprit
d'une princeffe malheureufe ; car la grande
affliction nous rappelle fous un feul point
de vue, tous nos différens déplaifirs.
» Oui, (dit cette malheureufe princeffe ,
en baignant de fes larmes la flatue de
Thétis, qu'elle tient embrafïee) " oui ,
» c'efl une furie & non une époufe que
99 Paris emmena dans Iiioneny amenant
» Hélène ; c'eft pour elle que la Grèce
« arma mille vaiffeaux ; c'efr, elle qui a
99 perdu mon malheureux & cher époux ,
» dont un ennemi barbare a traîné le corps
9> pâle & défiguré autour de nos murailles.
9» Et moi arrachée de mon palais , &
93 conduite au rivage avec les triftes mar-
9> ques de la fervitude ; combien ai— je
» verfé de larmes , en abandonnant une
93 ville encore fumante, & mon époux
9) indignement laiHé fur la pouffiere? Mal-
9> heureufe , hélas , que je fuis ! d'être
m obligée de furvivre à tant de maux , &
9> d'y furvivre pour être l'efclave d'Her-
99 mione , de la cruelle Hermione qui me
9> réduit à me confumer en pleurs, aux
?> pies de la déeffe que j'implore & que je
« tiens embraffée.»
Euripide auroit pu exprimer les mêmes
E L E
parce que l'élégiaque étoit le plus propre
pour rendre les fentimens douloureux.
Si nous n'y fentons pas aujourd'hui cette
propriété y cela vient fans doute , de ce
que la langue grecque n'eff plus vivante, &C
de ce que nous ne lavons pas la manière
dont les Grecs prononçoient leurs vers :
cependant pour peu qu'on fafîe de réflexion
fur la forme de V élégie grecque , on recon-
noîtra aifément combien le mélange des
vers , la variété des pies , la période com-
mençant & finiffant au gré du poëte, &
à quelque mefure que ce foit , donnent de
facilité à varier les vers , fuivant les varia-
tions qui arrivent dans les grandes pallions
& fpécialement dans les fentimens dou-
loureux , & dans les accens plaintifs qui en
fontrexprefîîon.
Je dis Yélégie grecque , à la différence
de Y élégie latine y car les Latins en prenant
Aes Grecs les différentes formes de vers ,
les ont réduites à une forte de correction
qui approche prefque de la frérilité & de
la monotonie.
On ne peut s'empêcher, en faifant ces
réflexions fur le mérite des élégies grecques ,
de ne pas regretter particulièrement celles
de Sapho, de Platon, de Mimnerme r
de Simonide , de Philetas , de Callima-
que , d'Herméfianax & de quelques autres
dont les outrages du temps- nous ont
privés.
Il ne nous refte que deux feules pièces
& quelques fragmens de toutes les poéfies
de Sapho ; mais la délicateffe de ces pré-
cieux refies forît regretter la perte des autres
ouvrages de cette fille, que la beauté de fon
génie fit furnommer/a dixième mufe, mais
il efl aifé de fe perfuader , & par l'hymne
qu'elle adreffe à Vénus , & par cette ode
admirable où elle exprime d'une manière
fi vive les fureurs de l'amour, combien
Ces élégies dévoient être tendres , pathé-
tiques & pafïïonnées.
Je penfè aufli que celles de Platon , fî
bien nommé l'Homère des phîlofophes ,
font dignes de nos regrets; j'en juge par
le goût , les grâces, les beautés , le ffyle
enchanteur de {es autres ouvrages , &
chofes en vers ïambes comme il le fait par- mieux encore par les vers pafïionnés qu'il
tout ailleurs ; il .auroit pu employer le vers
ïiexametre ; mais il a préféré i'élégiaque ,
fit pour Agathon , & que M. de Fonte-
nelle a traduits dans fes dialogues.
Lorfqii Agathis
E L E
Torfqu* Agathis pour un baifer de
flamme
Confent à me payer des maux que j'ai
fentis ;
Sur mes lèvres faudain je vois voler
mon ame ,
Qui veut pajfer fur celles d'Agathis.
Mîmnerme , dont Smyrne & Colophon
jfè diiputerent la naiflance , déploya /es
talens fupérieurs dans ce genre de poéfie.
Etant vieux ôc déjà fur le retour , il devint
éperdument amoureux d'une joueufe de
flûte appellée Nanno , ôc en éprouva les
rigueurs. Ce fut pour fléchir cette maîtrefle
inhumaine , qu'il compofa des élégies fi
-tendres ôc fi belles , qu'au rapport d'Aih 'née
tout le monde fe &iiok un plaiiîr de les
chanter. Sa poéfie a tant de douceur ôc
d'harmonie , dans les fràgxni • rai nous
reftent de lui , qu'il n'eft pis furpi
qu'on lui ait donné le furnom de Ligyftade ,
& qu'Agathocle en fît fes délices. Sa
réputation le r: pandit dans tout l'univers;
ôc ce qui couronne fon éloge , eft qu'Ho-
race le préfère à Callimaque.
Simonide à qui Tifle de Céos donna la
naiflance , dans la 75 Olympiade , n'eut
guère moins de fuccès que Mimnerme dans
le genre élégiaque. Le caractère de là
mu'e étoit fi plaintif, que les larmes de
Simonide pailerent en proverbe.
^ Philétas ôc Callimaque , car je ne les
féparerai point , vécurent tous deux à la
cour de Ptolémée Philadelphe , dont
Philétas fut précepteur , ôc Callimaque
bibliothécaire. Les anciens qui font men-
tion de ces deux poètes , les joignent
prefque toujours eniemble. Properce invo-
que à la fois leurs mânes , ôc quand il a
commencé par les louanges de l'un , il
finit ordinairement par les louanges de
l'autre. Quintilien même en parlant de
l'élégie , ne les a pas féparés. Philétas
publia plufieurs élégies qui lui acquirent
une grande réputation , ôc dont l'aimable
Battis ou Bittis fut l'objet. Elles lui méri-
tèrent une ftatue de bronze , où il étoit
repréfenté chantant fous un plane , cette
Bittis qu'il avoit tendrement aimée.
Pour Callimaque , oa le regardoït > 1 au
Tome XXL
E L Ë
de Quintilien
comme le
témoignage
maître de Yélégie. Catulle le fit un hon-
neur de traduire Ion poëme fur la chevelure
de Bérénice , ôc de tranfporter quelquefois
dans les propres écrits , les penlees Ôc les
exprefTions du poète grec ; ôc Properce
malgré fes talens , n'ambitionnoit que le
titre de Callimaque romain.
Herméfianax contemporain d'Epicure ,
eft le dernier poète grec dont le temps
nous a ravi les élégies. Il parut dans la foule
des amans de la fameufe Léontium , ôc
c'eft à cette célèbre courtifane qu'il les
avoit adreflees.
La poéfie fut ignorée , ou peut - être
méprifée des Romains jufqu'au temps que
la icile parla fous leur domination. Alors
Livius Andronicus , grec d'origine , fut
leur infpirer avec l'amour du théâtre y
quelque goût pour un art fi noble ; mais
ce goût ne commença de fe perfectionner
qu'après que la Grèce allujettie leur eut
donné des modèles. Bientôt ils tentèrent
les mêmes routes ; ôc leur émulation étant
de plus en plus excitée , ils réufïirent enfin
à le difputer prefque en tous les genres ,
à ceux-mêmes qu'ils imitoient.
Parmi les hommes de goût qui contri-
buèrent davantage aux progrès de leur
poéfie , on vit paroître fuccefïivement
Tibulle , Properce ôc Ovide (car je laifîè
Galius , Valgius , PafTienus , dont le temps
nous a envié les écrits) ; ôc ces trois poètes ,
malgré la différence de leur caractère , ont
fait admirer leur talent pour le genre
élégiaque : mais Tibulle ôc Properce ont
finguliérement réuni tous les fulfrages ; on
ne fè lafîè point de les louer.
Tibulle a conçu ôc parfaitement exprimé
le caractère de Yélégie : ce délordre ingé-
nieux qui eft fi conforme à la nature , il a
fu le jeter dans fes élégies; on diroit
qu'elles font uniquement le fruit du fenti-
ment. Rien de médité, rien de concerté,
nul art , nulle étude en apparence. La
nature feule de la paiïion eft ce qu'il s'eft
propolé d'imiter , ôc qu'il a imité en en
peignant les mouvemens ôc les effets , par
les images les plus vives ôc les plus natu-
relles. Il defire , il craint ; il blâme , il
approuve ; il loue , il condamne; il
détefte , il aim,e \ il" s'irrite
il s'appaifej,
L
r
Si E L È
il paftè en un moment des prières aux
menaces , des menaces aux fupplications.
Rien dans Tes élégies qui puifle faire voir
de la fiction , ni ces termes ambitieux qui
forment une efpece de contraire , 8c fuppo-
fent nécessairement de l'affectation , ni
ces allufîons favantes qui décréditent le
poète , parce qu'elles font difparoitre la
nature & qu'elles détruifent la vraifem-
blance. Dans Tibulle tout reipire la vérité.
Il eft tendre , naturel, délicat , pafïionné ,
noble fans fafte , fimple fans bailèfle ,
élégant fans artifice. Il fent tout ce qu'il
dit , 8c le dit toujours de la manière dont
il faut le dire , pour perfuader qu'il le fent.
Soît qu'il fe repréfente dans un défert
inhabité , mais que la préfence de Sulpicie
lui fait trouver aimable ; foit qu'il fe
peigne accablé d'ennui , & réglant , comme
s'il devoit expirer de la douleur , Tordre
8c la pompe de fes funérailles, il touche,
il laifit, il pénètre; 8c quelque chofe qu'il
repréfente K il tranfporce fon lecteur dans
toutes les fituations qu'il décrit.
Properce , exact , ingénieux , inftruit ,
peut le parer avec raifbn du titre de
Callimaque rcmain ; il le mérite par le
tour de fes expreflions , qu'il emprunte
communément des Grecs , 8c par leur
cadence qu'il s'eft propofé d'imiter. Ses élé-
gies font l'ouvrage des grâces mêmes ; &n'en
pas fentir les beautés, c'eft fe déclarer ennemi
des mures. Rien n'eft au deflus de fon art ,
de fon travail , de fon favoir dans la
fable ; peut-être quelquefois pourrait - on
lui en faire un reproche ; mais fes images
plaifent prcfque toujours. Cynthie eft - elle
légèrement anoupie ?. telle fut ou la fille
de Mines , lorfque abandonnée par un
amant perfide , elle s'endormit fur le
rivage ; ou la fille de Céphée , quand déli-
vrée d'un monftre affreux , elle fut con-
trainte de céder au iommeil qui vint la
furprendre. Cynthie verfe-t-elle des larmes ?
jamais cette femme fuperbe qui fut trans-
formée en rocher , Niobé , n'en répandit
autant. Peint - il la fimplicité des premiers
âges? ce font des fleurs , des fruits , des
raifins avec leurs pampres qu'il offre à fa
maîtreffe. Enfin tout ce qu'il exprime eft
conforme à la vérité , & l'harmonie de la
>eriificati©n y répand mille charmes.
Ovide eft léger
E L E
agréable , abondant ,
plein d'efprit ; il lurprend , il étonne pair
Ion incomparable facilité. Il répand les
fleurs à pleines mains ; mais il ne fait peindre
que les grotefques ; il préfère les agrémens ,
les traits , les faillies , au langage de la
nature ; il néglige le fentiment pour faire
briller une penfée ; il fe montre toujours
plus fpirituei que plein d'une véritable
pafïion ; il s'égaie même lorfqu'il croit ne
tracer que la peinture de3 fujets les plus
férieux. En vain il fe repréfente expo'ë à
périr par la tempête , dans le vaiifeau qui
le porte au lieu deftiné pour fon exil ; il
compte les flots qui fe fuccedent impé-
tueufement les uns aux autres , 6c il a le
fens froid de nommer le dixième pour le
plus grand.
Qui
hic fluclus fupereminet
venu
omnes
PoJIerior nono ejî , undecimoqut prior.
Avec ce ftyle poétique , il ne m'intérefïè
point en fa faveur ; je ne partage point fes
dangers , parce que j'en apperçois toute
la fiction. Quand il tenoit ce difeours , il
étoit déjà parmi les Sarmates , ou du moins
dans le port. En un mot , Ovide eft plus
fardé , moins naturel que Tibulle & que
Properce ; 8c quoique leur rival , il étoit
déjà beaucoup moins goûté , moins admiré
au temps de Quintilien.
Mais pour ce qui concerne la préémi-
nence de mérite entre Tibulle 8c Properce,
je n'ai garde de la décider; c'eft peut - être
une affaire de tempérament. Ainfi j lans
rappeller au lecteur pour y parvenir , les
grandes règles de la poéfie , ces règles
primitives qui s'étendent à tous les genres ,
8c dont l'obfervation eft toujours indif-
penfable , parce qu'elles ont leur fondement
dans la nature ; fans alléguer une autorité
refpectable que les partifans de Tibulle
nomment en leur faveur ; fans croire même
qu'on puiffe bien juger aujourd hui de
Tibulle 8c de Properce , en fe donnant la
peine de les comparer fur les mêmes fujets
qu'ils ont traités l'un 8c l'autre; j'entends
les vices, le luxe, l'avarice de leur fieclev
8c les plaintes qu'ils font de leurs maîrrenes,
•* ( Tibulle , liv. IL éttg. iv. Properce , &\
E L E
$11 y élég. xij. Sec. ) je dis feulement que
les gens de lettres refteront toujours par-
tagés dans leurs opinions , fur La préférence
des deux poètes , de qu'on ne réfoudra
jamais ce problême de goût Se de fèntiment.
C'eft pourquoi , loin de m'y arrêter davan-
tage , je palîe à la difcufïion un peu
détaillée du caractère de Y élégie , Se je
vais tâcher néanmoins de n'ennuyer per-
ionne.
Il n'eft point de genre de poéfie qui n'ait
.fon caractère particulier*, Se cette diverfité ,
que les anciens obferverent fi religieufe-
ment , eft fondée fur la nature même des
du jets imités par les poètes. Plus leurs
imitations font vraies , mieux ils ont rendu
les caractères qu'ils avoient à exprimer.
Chaque genre d'ouvrage a les loix ; Se fes
loix lui font tellement propres , qu'elles
ne peuvent être appliquées à un autre genre.
Ainfi Féglogue ne quitte pas fes chalu-
meaux pour entonner la trompette , Se
l'élégie n'emprunte point les lublimes
accords de la lyre.
Ne croyons donc pas que pour faire des
élégies , il fufïîfe d'être palîionné , & que
l'amour lêul en infpire de plus belles que
l'étude jointe au talent fins l'amour. La
pafïion toute feule ne produira jamais rien
qui foit achevé : elle doit fins doute fournir
les fentimens ; mais c'eft à l'art de les
mettre en œuvre , Se d'y ajouter les grâces
de l'exprefïion. Le caractère de l'élégie
n'admet point , à la vérité , la méthode
géométrique , Se la fcrupuleufe exactitude
représente mal les paillons que peint l'élégie ;
mais l'art lui devient nécenaire pour
exprimer le défordre des pallions , confor-
mément à la nature , que les grands
maîtres ont fi bien connue.
C'eft par-là que Tibulle eft admirable :
s'il fe plaint ( liv. I, élég. 3 ) d'une maladie
qui le retient dans une terre étrangère , Se
l'empêche de fuivre Mefïala ; " il regrette
»• bientôt le fiecle d'or, cet heureux liecle
*> où les maux qui depuis affligèrent les
•> hommes , étoient absolument ignorés. ••»
Puis revenant à fa maladie , " il en demande
•• à Jupiter la guérifon. » Il décrit enfuite
les ch?mpS élifées , où " Vénus elle-même
»» doit le conduire , fi la parque tranche le
*> jîl de fes jours « : enik-i fentant, reaaîtré
E L E $3
l'efpérafice dans fon eccur , « il fe flatte
» que les dieux , toujours propices aux
» amans , lui accorderont de revoir Délie ,
» que fon abfence rend inconlolable. » Il
femble que l'on penferoït , que l'on par-
lerait de cette manière, fi l'on étoit dans
la fituation que le poë'te repréfente.
Rien n'eft plus oppofé au caractère de
l'élégie que l'affectation , parce qu'elle
s'accorde mal avec la douleur , avec la
joie , avec la tendrefle , avec les grâces ;
elle n'eft propre qu'à tout gâter. L'élégie
ne s'accommode point des penfées recher-
chées , ni dans le genre tendre Se pafTïonné
de celles qui feraient feulement ingénieufes
Se brillantes ; elles pourraient faire honneur
au poète dans d'autres occafions , mais
l'efprit n'eft point à fa place où il ne faut
que du fèntiment. De plus , les penfées
font fouvent faufles ; Se bien qu'il fbit
toujours indifpeniable de penfer jufte , le
vrai du fèntiment doit principalement
régner dans l'élégie.
Les penfées fublimes , Se les images
pompeufes , n'appartiennent pas non plus
au caractère de l'élégie; elles font réfervées
à Iode ou à l'épopée, Ce n'eft pas furie
ton pompeux que Marcellus , oui M arcellus
lui - même , nls d'Augufte par adoption ,
l'héritier de l'empire Se les délices des
Romains , eft pleuré dans une des élégies
de Properce , quoiqu'il paroiiïe que les
images pompeufes convenoient bien au
héros dont il s'agifïbit , ou du moins auraient
été très-excufables dans cette occafion :
cependant Properce n'a pas ofé fe les
permettre ; il fe contente de dire tout
iimplement : (l Une mort prématurée nous
>■ a ravi Marcellus ; il ne lui a de rien
» fervi d'avoir Octavie pour mère , Se de
» réunir dans fa perfonne tant de vertus
» héroïques. Rien ne garantit de la com-
» mune loi , ni la force , ni la beauté , ni
» les richeiîes , ni les triomphes. De quei-
» que rang que vous fbyez , il faudra qu'un
» jour vous appaifiez Cerbère , & que
» vous palliez la £>àrque de l'inexorable
» vieillard. » Liv. III, élég. 15.
Aulîi quand ce même poè'te invoquoit
les mânes de Philétas Se de Callimaque , il
ne leur demandoit pas où les Mules leur
avoient infpiré des vers pompeux , mais er#
L %
«4 ELE
quel antre ils avoient trouvé l'un Se l'autre
la fimplicité propre à Yéiégie.
Les images funèbres conviennent parfai-
tement au caractère de Yéiégie trifte ; delà nation
rient dans les anciens ce tour ingénieux
de ramener fouvent l'idée de leur propre
mort , Se d'ordonner quelquefois la pompe
de leurs funérailles ; ou bien encore de
finir leurs élégies par des inferiptions fur
les tombeaux. Tibulle a-r-il déclaré qu'il
ne peut furvivre à la perte de Néa:ra , qui
lui avoit été promife , Se qu'un rival lui
avoir enlevée î il règle à l'inftant l'ordre
de fes funérailles : " Il veut , quand il ne
» fera plus , qu'une ombre légère , que cette
» même Néa?ra , les cheveux épars , pleure
» devant ion bûcher ; mais il veut qu'elle
« foit accompagnée de fa mère , 8c que
» toutes deux également affligées &: vêtues
y> de robes noires , elles recueillent les
*> cendres j qu'elles les arrofent de vin &:
-»> de lait ; qu'elles les renferment dans un
» tombeau de marbre , avec les plus riches
» parfums; Se que pénétrées de douleur,
» elles verfent des larmes fur ce tombeau.
5j II veut enfin que l'infeription faiîe con-
» noître que c'eft la perte cfe Néscra qui a
n caufé la mort. » Liv. III, élég. %.
Il eft ordinaire de voir la grande dou-
leur s'occuper de raifonnemens faux , alors
le délire de cette pafïion eft du caractère
cdentiel de Yél'giel " Plût à Dieu ( dit
« Tibulle ) qu'on fut demeuré dans les
» mœurs qui régnoient au temps de Saturne,
r> lorfqu'on ne connoiiloit point encore l'art
?> de voyager , 'Se que la terre n'étoit point
i-> partagée en grands chemins ! » Comme
ii delà eût dépendu le départ de fa maîtrene ,
qui avoit entrepris un grand voyage.
La douleur produit^ aufïi des defirs Se
des efpérances , qui font un adoucilFemenr
à nos peines , Se qui nous retracent une
iituation plus heureufe. Delà viennent les
«ligreilions du même Tibulle fur des plans
de vie imaginaires , il jamais ion état venoit
à changer. Par ces idées frivoles, entre-
tenant une pafïion qui le remplit tour-à-tour
d'efpérances Se de craintes , il nourrit la
flamme quile dévore , Se qui ne le laiife jamais
fans inquiétude.
Voilà ce que l'on peut obferyej: furies
4fégies wiftes & paifiomiées,
ELE
Par rapport aux élégies gracieuies , M.
Marmontel a remarqué qu'elles doivent
être ornées de tous les tréfors del'imagi-
Se je n'ai rien de plus à en dire.
Quant aux élégies qui doivent repré-
fenter l'état d'un cœur au comble de fes
vœux , Se ne connoiflùait rien d'égal au
bonheur dont il jouit, le ton peut être
hardi , Se les penfées exagérées. L'extrême
joie n'eft pas moins hyperbolique que
l'extrême douleur , Se fouvent il arrive que
les figures les plus audacieufes font l'expref-
fion naturelle de ces tranfports. C'eft encore
alors que les images riantes répandent dans
ce genre d'élégie des grâces particulières.
Pour ce qui regarde les louanges que les
poètes donnent à leurs maîtreiïès dans les
élégies amoureufes , ou les éloges qu'ils font
de leur beauté ; comme c'eft le cœur qui
dicte ces fortes de louanges , elles doivent
en fuivre le langage , Se par confequent être
amenées fimplement & naturellement.
Voyez avec quelle naïveté , avec quel
goût , avec quel coloris , Tibulle nous peint
Sulpicie : " Les Grâces (dit-il) préiident
» à toutes fes actions , Se font toujours
» attachées à fes pas fans qu'elle daigne
» s'en apercevoir. Elle plaît fi elle
» arrange les cheveux avec art ; il elle les
» laiffe flotter , cet air négligé lui donne
» un nouvel éclat. Soit qu'elle foit vêtue
» de pourpre , ou qu'elle préfère à la
» pourpre une autre couleur , elle enchante ,
» elle ravit tous les cœurs. Tel dans
» l'olympe , l'heureux Vertumne prend
» mijle formes différentes , Se plaît fous
» toutes également. » Liv. IV , élég. z.
En un mot , de quelque genre qu'on
fuppofe Yéiégie , elle doit toujours fuivre le
langage de la paillon Se de la nature ; elle
doit s'exprimer avec une vérité , une force ,
une douceur , une noblefle , Se un fentiment
proportionné au fujet qu'elle traite. Il y
faut le choix des penfées & des exprefïions
propres ; car ce choix eft toujours ce qu'il
y a de plus important Se de plus efîentiel.
Ces réflexions doivent naître du fond même
de la penfée, Se paraître un fentiment
plutôt qu'une réflexion : il faut aufTi que
l'harmonie du vers la foutienne. Enfin , iî
liaifon fecrete entre
faut qu'il y ait une
tomes fes parties ,
Se que le plaji foi*
E L E
.«Jiftribué avec tant d'ordre & de goût ,
qu J'es fe fortifient les unes les autres , &
augmentent infenfiblement l'intérêt , comme
ces coteaux qui s'élèvent peu-à-peu , & qui
femblent terminés dans un efpace éloigné
par des montagnes qui touchent aux
aïeux.
Ce n'eft pas d'après ces règles que la
plupart des modernes ont co'mpofe leurs
élégies ; ils paroiilent n'avoir pas connu
fon caractère. lis ont donné à leurs pro-
ductions le titre à' élégie , en fe contentant
d 'y donner une certaine forme ; comme fi
cette forme fufSfbit toute feule pour
caradrérifer un poème , fans, la matière qui
lui eft propre ; ou que ce fut la nature
des vers , & non pas celle de l'imitation ,
qui distinguât les poètes.
Les uns pour briller , ie font jetés dans
les écarts de l'imagination , dans des orne-
mens frivoles , dans des percées recher-
chées , dans des images pompe ufes , ou
dans des traits d'efprit quand il s'agilïoit
de peindre le fentiment. Les autres ont
imaginé de plaire , ik d'émouvoir par des
louanges de leurs rnaîtreiles , qui ne font
que des flatteries extravagantes ; par des
gémifîemens , dont la feinte faute aux
yeux ; par des douleurs étudiées , &c par
des défelpoirs de fahg froid. C'eft à ces
derniers poètes que s'adretîènt les vers
fuivans de Deipréaux :
Je hais ces vains auteurs , dont la Mufe
forcée
M'entretient de fes feux y toujours froide
6* glacée ;
Qui s'affligent par art ; & faux de fens
rajjis,
S'érigent , pour rimer , en amoureux
tranjiî :
Leurs tranfports les plus doux 'ne font
que parafes vaines ;
Ils ne faveni jamais que fe charger de
chaînes ,
Que lénir leur martyre , adorer leur
prifen,
JEt faire quereller le fens ù ta raifon.
Ce n'était pas jadis fur ce ion ridicule
Qu'Amour dicloit les vers que foupiroit
Tibulie.
Ait poétiq. chant II. v. 45.
E L Ë Sj
Auffî les Anglois dégoûtés des fadenrs
de Y élégie plaintive Se amoureule , ont pris
le parti de confacrer quelquefois ce poème
à l'éloge de l'efprit , de la valeur , & des
talens ; on en verra des exemples dans
Waller. Je ne déciderai point s'ils ont eu
rort ou raifbn \ cet examen me meneroit
trop loin.
Je finis par une récapitulation. L'él'sie.
doit fon origine aux plaintes ufitées de
tout temps dans les funérailles. Après avoir
long - temps gémi fur un cercueil , elle
pleura les dilgraces de l'amour > ce paflàge
fut naturel. Les plaintes continuelles des
amans font une efpece de mort ; & pour
parler leur langage y ils vivent uniquement
dans l'objet' de leur paiïîon. Soit qu'ils
louent les plaifirs de la vie champêtre , foit
qu'ils déplorent les maux que la guerre
entraîne après elle , ce n'elî pas par rapport
à eux qu'ils louent ces plaifirs ÔC qu'ils
déplorent ces maux , c'eft par rapport à
leurs rnaîtreiles : " Ah , pourvu ieulement
» que j'euile le bonheur d'être auprès de
» vous ! »... dit Tibulie à Délie.
Ainli l'élégie , derKnée dans fa première
inftitution aux gémiilemens ôc aux larmes ,
ne s'occupa que de fes infortunes; elle
n'exprima d'autres fentimens', elle ne parla
d'autre langage que celui de la douleur :
négligée comme il lied aux personnes
affligées , elle chercha moins à plaire qu'à
toucher ; elle voulut exciter la pitié , ôc
non pas l'admiration. Elle retint ce même
caractère dans les plaintes des amans , Ôc
jufquesdans leurs chants de triomphe elle
fe iouvint de fa première origine
Enfin , dans toutes fes viciiTitudes' , fes
penfées furent toujours vives & naturelles ,
lès fentimens tendre-, ôc délicats- , fes expreA
fions fimples ôc -faciles ; êc toujours elle
confer va cette marche inégale dont Ovide
lui fait un fi grand mérite , & qui , pour le
dire en paflànt , donne à la poéiie éiégiaque
des anciens tant d'avantage1 fur la notre.
Cependant je m'apperçpis qu'en traitant
ce fujet , qui a été h bien approfondi
dans piufieurs ouvrages , ôc en particulier
dans les mémoires de l'académie des inf-
criptions , je me fuis peut-être trop étendu ,
entraîné par la matière même , & par les
charmes de Tibulie ôc de Properce. Mais
M E L E
le genre élégiaque a mille attraits , parce
qu'il émeut nos pallions , parce qu'il eft
limitation des objets qui nous intéreffent ,
parce qu'il nous fait entendre des hommes
■touchés , qui nous rendent très - feniibles
à leurs peines comme à leurs plaiiîrs , en
nous en entretenant eux-mêmes.
Nous aimons beaucoup à être émus ( V.
Emotion ) ; nous ne pouvons entendre
les hommes déplorer leurs infortunes (ans
•en être affligés , fans chercher eniuite à en
parler aux autres , (ans profiter de la pre-
mière occafion qui s'offre de décharger
notre cœur, fi je puis parler ainii , d'un
poids qui l'accable.
Voilà pourquoi de tous les po'émes ,
comme l'a dit avant moi M. l'abbé Sou-
<:hay, il n'en eft point après le dramati-
que qui foie plus attrayant que Y élégie.
Aufïi a-t-on vu dans tous les temps des
génies du premier ordre faire leurs délices
de ce genre de poéiie. Indépendamment
<ie ceux que nous avons cités , élégingra-
phes de profeffion , les Euripide 3c les So-
phocle ne crurent point , en s'y appliquant ,
déshonorer les lauriers qu'ils avoient cueillis
fur la fetne.
Plufîeurs poètes modernes fe font aufTi
cônfacrés à l'élégie : heureux s'ils n'avoient
pas fubftitué d'ordinaire , le faux au vrai ,
le pompeux au fîmple , 3c le langage de
îefprit à celui de la nature ! Quoi qu'il
en loit , ce genre de poéiie a des beautés
fans nombre ; 3c c'eft ce qui m'a fait ef-
pérer d'obtenir quelque indulgence , quand
j'ai cru pouvoir les détailler ici d'après les
grands maîtres de l'art. Article de M. le
tkevalier DE J AU court.
Elégie , ( Mufique des a ne. ) forte de
«orne pour les flûtes , inventé , dit-on , par
Sacadas Argien. (S)
* ELÉGIR , v. a<5t. il fe dit , dans les arts
«néchaniques , de toutes pièces en bois ou
cri fer qu'on rend plus légères , en les af-
foibliflant dans les endroits où il n'eft point
nécefïaire qu'elles foient fî fortes. Il eft
particulièrement d'ufage dans la menuiferie
Se la charpenterie.
* ELÉLÉEN , adj. (Mythol.) furnom de
Êacchus & de fès prêtrefïes , qu'on ap-
pella aufïi Eléléides. Eléléen lignifie bruyant;
ce .gui eft relatif à h manière tumul-
E L E
tueufè Se bruyante dont ks fêtes 3c fcs
myfteres de Bacchus fe célébraient V.
Bacchantes.
ELEMENS DES SCIENCES. (Philof.)
On appelle en général élémens du tout ,
les parties primitives 3c originaires dont
on peut fuppofer que ce tout eft formé.
Pour tranfporter cette notion aux feiences
en général , 3c pour connoitre quelle idée
nous devons nous former des élémens d'une
feience quelconque , fuppoions que cette
feience ioit entièrement traitée dans un
ouvrage , en forte que l'on ait de fuite 3c
fous les yeux les propofitions tant géné-
rales que particulières , qui forment l'en-
femble de la (c'ienœ 3 3c que ces propofi-
tions foient difpofées dans l'ordre le plus
naturel 3c le plus rigoureux qu'il loit pof-
fible : fuppoions eniuite que ces propofi-
tions forment une fuite absolument con-
tinue , en forte que chaque proportion
dépende uniquement de immédiatement
des précédentes , 3c qu'elle ne iuppoie point
d'autres principes que ceux que les pré*-
cédentes propofitions renferment ; en ce
cas , chaque propoiition , comme nous
l'avons remarqué dans le difeours préli-
minaire , ne fera que la traduction de la
première, pré fentée fous différentes faces;
tout fe réduirai: par conféquent à cette
première propofidon , qu'on pourrait re-
garder comme Vêlement de la feience dont
il s'agit , puiique cette feience y ferait
entièrement renfermée. Si chacune des
feiences qui nous occupent étoit dans le
cas dont nous parlons , les élémens en fe-
raient aufïi ficiles à faire qu'à apprendre ;
3e même fi nous pouvions appercevoir fans
interruption la chaîne invifible qui lie tous
les objets de nos connoi Minces , \ts élé-
ment de toutes les feiences le réduiraient
à un principe unique , dont les conféquences
principales feraient les élémens de chaque
feience particulière. L'efprit humain parti-
cipant alors de l'intelligence fuprême ,
verrait toutes ces cennoiflances comme
réunies fous un point de vue indivifible ;
il y aurait cependant cette différence entre
dieu & l'homme , que Dieu placé à ce
point de vue , appercevroit d'un coup d'œil
tous les objets , 3c que l'homme aurait be-
foin de les parcourir l'un après l'autre p
E L E ,
pour en acquérir une connoiiîance détaillée.
Mais if s'en' faut beaucoup que nous puiiîions
nous placer à un tel point de vue. Bien-loin
d'appercevoir la chaîne qui unit toutes les
fciences, nous ne voyons pas même dans
leur totalité les parties de cette chaîne qui
constituent chaque fcience en particulier.
Quelque ordre que nous puilîîons mettre
entre les proportions , quelque exaétitude
que nous ciierchions à obferver dans la
déduction, il s'y trouera toujours nécef-
fairement des vuides ; toutes les proportions
ne fe tiendront pas immédiatement , Se for-
meront pour ainli dire des grouppes difFé-
icns Se défunis.
Néanmoins quoique dans cette efpece de
tableau il y ait bien des objets qui nous
échappent , il eft facile de distinguer les
proportions ou vérités générales qui fer-
vent de baie aux autres , Se dans lefquelles
celles-ci font implicitement renfermées.
Ces proportions réunies en un corps , for-
meront , à proprement parler ; les élémens
de la fcience , puiique ces élément feront
comme un germe qu'il furfiroit de déve-
lopper pour connoitre les objets de la
fcience fort en détail. Mais on peut encore
conrdérer les été mens d'une fcience fous
un autre point de vue : en effet , dans la
fuite des proportions , on peut distinguer
celles qui , foit dans elles-mêmes , foit dans
leurs conféquences , confîderent cet objet
de la manière la plus rmple ; Se ces pro-
portions étant détachées du tout , en y
joignant même les conféquences détaillées
qui en dérivent immédiatement , on aura
des élémens pris dans un fécond fens plus
vulgaire Se plus en ufàge , mais moins phi-
lofophique que le premier. Les élémens pris
dans le premier fens , confèrent pour ainfi
dire en gros toutes les parties principales
de l'objet : les élémens pris dans le fécond
iens , çonfiderent en détail les parties de
l'objet les plus groilïeres. Ainfi des élé-
mens de géométrie qui contiendraient non
feulement les principes de la mefure Se des
propriétés des figures planes , mais ceux
de l'application de l'algèbre à la géomé-
trie, Se du calcul différentiel & intégral
appliqués aux courbes , feraient des élé-
mens de géométrie dans de premier fens ,
parce qu'ils renfermeraient les principes de
E L t 8j
la géométrie tarife dans toute fon étendue -y
mais ce qu'on appelle des élémens de géo-
métrie ordinaire, qui ne roulent que fur les
propriétés générales des figures planes Se
du cercle , ne font que des élémens pris dans
le fécond fens , parce qu'ils n'embrafient
que la partie la plus fimple de leur objet y
foit qu'ils Pembrailènt avec plus ou moins
de détail. Nous nous attacherons ici aux
élémens pris dans le premier fens ; ce que
nous en dirons pourra facilement s'appli-
quer enfuite aux élémens pris dans le
fécond.
La plupart des fciences n'ont été inven~
tées que peu-à-peu : quelques hommes de
génie , à différens intervalles de temps ,
ont découvert les uns après les autres un
certain nombre de vérités ; celles-ci en ont
fait découvrir de nouvelles , jufqu'à ce
qu'enfin le nombre des vérités connues eft
devenu allez confidérable. Cette abondance
du moins apparente , a produit deux effets.
En premier lieu , on a fenti la difficulté d'y
ajouter , non feulement parce que les génies-
créateurs font rares , mais encore parce que
les premiers pas faits par une fuite de bons
efprits , rendent les fuivans plus difficiles à
faire ; car les hommes de génie- parcourent
rapidement la carrière une fois ouverte , .
jufqu'à ce qu'ils arrivent à quelque obftacle
infurmontable pour eu^x , qui ne peut être
franchi qu'après des fiecles de travail. En
fécond lieu , la difficulté d'ajouter aux
découvertes a dû naturellement produire le.
deflein de mettre en ordre les découvertes-
déjà faites ; car le caractère de l'efprit humain
eft G'amafïer d'abord le plus de connoif-
fances qu'il eft poffibie , Se de Conget
enfuite à les mettre en ordre , lorfqu'il n'eft
plus fi facile d'en amaffer. Dell font nés
les premiers traités en tout genre; traipés,
pour la plupart imparfaits Se informes. Cette
imperfection venoit principalement de ce
que ceux qui ont drefle ces premiers ouvra-
ges , ont pu rarement ie mettre à la place
des inventeurs dont ils n'avoient pas recu-
le génie en recevant le fruit de leurs
travaux. Les inventeurs feuls pouvoient
traiter d'une manière fatisfaifante les fcien-
ces qu'ils avoient trouvées , parce qu'en
revenant fur la marche de leur efprit , Se
en examinant de quelle manière une pra*
ss
E LE
poiîtîon les avoir conduits à une autre , ils
étoient feuis en état de voir h. iiaifon des
vérités, 8c d'en former par coniéquent la
chaîne. D'ailleurs , les principes philoiophi-
ques fur lefquels la découverte d'une fcience
eft appuyée , n'ont fouvent une certaine
netteté que dans l'efprit des inventeurs ;
car foit par négligence , foit pour déguiier
leurs découvertes , foit pour en faciliter aux
autres les fruits , ils les couvrent d'un lan-
gage particulier , qui fert ou à leur donner
un air de myftere , ou à en amplifier l'ufage :
or ce langage ne peut être mieux traduit
que par ceux-mêmes qui l'ont inventé , ou
qui du moins auraient pu l'inventer. Il eft
enfin des cas où les inventeurs mêmes n'au-
roient pu réduire en ordre convenable leurs
connoillinces \ c'eft lorfqu'ayant été guidés
moins par le raifonnemént que par une
•fcfpece d'inftincl: , ils font hors d'état de
pouvoir les tranfmettre aux autres. C'eft
encore lorfque le nombre des vérités le trouve
afïez grand pour être recueilli , 8c pour
qu'il foit difficile d'y ajouter y mais non
allez complet pour former un corps 8c un
cnfemble.
Ce que nous venons de dire regarde les
traités détaillés 8c complets ; mais il eft
évident que les mêmes réflexions s'appli-
quent aux traités élémentaires : car puifque
les traités complets ne différent des traités
élémentaires bien faits , que par le détail
des conféquences de des proportions par-
ticulières omifes dans les uns Se énoncées
dans les autres , il s'enfuit qu'un traité élé-
mentaire 8c un traité complet , fî on les
fuppofe bien faits , feront ou explicitement
ou implicitement renfermés l'un dans
l'autre.
Il eft donc évident par tout ce que nous
venons de dire , qu'on ne doit entrepren-
dre les èlémens d'une fcience que quand
les proportions qui la conftituent ne feront
point chacune ifolées 8c indépendantes
l'une de l'autre , mais quand on pourra y
remarquer des proportions principales dont
les autres feront des conféquences. Or
comment diftinguera-t-on ces proportions
principales î voici le moyen d'y parvenir.
Si- les proportions qui forment l'enlèmble
d'une fcience ne fe luivent pas immédia-
tement les unes les autres , on remarquera.
E L E
les; endtoits ou la chaîne eft rompue , Sa
les propolitions qui forment la tête de
chaque partie de la chaîne , font celles qui
doivent entrer dans les élémens. A l'égard
des proportions mêmes qui forment une
feule portion continue de ta chaîne , on y
en diitinguera de deux efpeces; celles qui
ne font que de (impies conféquences , une
rmple traduction en d'autres rermes de la
propofition précédente , doivent être exclues
des élémens , puilqu'eiles y fo:it évidem-
ment renfermées. Celles qui emprun-
tent quelque chofe , non feulement de la
propolition précédente , mais d'une autre
propofition primitive , fembleroient devoir
être exclues par la même raifon , puifqu'elles
font implicitement 8c exactement renfer-
mées dans les proposions dont elles déri-
vent. Mais en s'attachant fcrupuleufement
à cette règle , non feulement on réduirait
les élémens à prelque rien , on en rendrait
encore l'ufage 8c l'application trop diffi-
ciles. Ainfî les conditions néceiîaires pour
qu'une propofition entre dans les élémens
d'une fcience pris dans le premier fens ,
font que ces proportions foient allez dil-
tinguées les unes des autres , pour qu'on
n'en puifïe pas en former une chaîne immé-
diate ; que ces proportions foient elles-mêmes
la fource de plufeurs autres , qui n'en
feront plus regardées que comme des confé-
quences ; 8c qu'enfin fi quelqu'une des pro-
posions eft comprife dans les précédentes ,
elle n'y foit comprife qu'implicitement , ou
de manière qu'on ne puille en apperce\1&ir
la dépendance que par un raiionnement
développé. A
Noublions pas de dire qu'il faut inférer*
dans les élémens les proportions ifolées ,
s'il en eft quelqu'une qui ne tienne ni comme
principe ni comme conféquence , à aucune
autre ; car les élémens d'une fcience doivent
contenir au moins le germe de toutes les
vérités qui font l'objet de cette fcience :
par conféquent l'omifïion d'une feule
vérité ifolée , rendrait les élémens impar-
faits.
Mais ce qu'il faut fur-tout , s'attacher à
bien développer , c'eft la métaphyrque ejes ,
proportions. Cette métaphyrque qui a guidé
ou dû guider les inventeurs , n'eft aïïtfe
chofe que l'exposition claire 8c précife des
yéïkés
E
L £
«Pcîités générales & philosophiques fur les-
quelles les principes de la icience font
fondés. Plus cette métaphyfique eft fimple ,
facile , & pour ainfi dire populaire , plus
elle eft précieufe ; on peut même dire
que la (implicite ôc la facilité en font la
pierre de touche. Tout ce qui eft vrai , fur-
tout dans les feiences de pur raifonnement ,
a toujours des principes clairs Ôc ienfibles ,
& par conféquent peut être mis à la portée
de tout le monde fans aucune obfcurité.
En effet , comment les conféquences pour-
roient-elles être claires ôc certaines , fi les
principes étoient obicurs ? La vanité des
auteurs ôc des lecteuis eft caufe que Ton
s'écarte fouvent de ces règles : les premiers
font flattés de pouvoir répandre un air de
myftere &: de iublimité fur leurs produc-
tions •■> les autres ne haïfïènt pas l'obfcurité 3
pourvu qu'il en réfulte une elpece de
merveilleux ; mais la vérité eft fimple ,
ôc veut être traitée comme elle eft. Nous
aurons occafion dans cet ouvrage d'appli-
çuer fouvent les règles que nous venons
de donner , principalement dans ce qui re-
garde les ioix de la méchanique , la géo-
métrie qu'on nomme de l'infini , ôc plu-
iieurs autres objets ; c'eft pourquoi nous
in liftons pour le préfent allez légèrement
là-deflus.
Pour nous borner ici à quelques règles
générales , quels font dans chaque feience
les principes d'où l'on doit partir î des
faits (impies , bien vus ôc bien avoués ; en
phyiique , Fobfervation de l'univers ; en
géomérrie , les propriétés principales de
1 étendue ; en méchanique , l'impénétrabilité
des corps j en métaphyfique ôc en morale ,
l'étude de notre ame ôc de fes affections ,
Se ainfi des autres. Je prends ici la méta-
phyfique dans le fèns le plus rigoureux
qu'elle puiile avoir , en tant qu'elle eft la
feience des êtres purement fpirituels. Ce
que j'en dis ici fera encore plus vrai , quand
on la regardera dans un fens plus étendu ,
comme la feience univerlelle qui contient
les principes de toutes les autres ; car fi
chaque feience n'a ôc ne peut avoir que
l'obtèrvation pour vrais principes , la mé-
taphyfique de chique icience ne peut con-
cilier que dans les conféquences générales
£ui résultent de l'obier vaxkni , ^réfentées ,
Tome XI L
ELÈ iff
fbuS le point de vue le plus étendu qu'on
puiile leur donner. Ainfi , duilé-je , contre
mon intention , choquer encore quelques
perfonnes , dont le zèle pour la métaphy-
iîque eft plus ardent qu'éclairé , je me
garderai bien de la définir , comme elles le
veulent , la feience des idées ; car que le-
roit-ce qu'une pareille feience ? La philo-
fophie , fur quelque objet qu'elle s'exerce ,
eft la feience des faits ou celle des chi-
mères. Ceft en_ effet avoir d'elle une idée
bien informe & bien peu jufte , que de
la croire deftinée àfè perdre dans les abftfao
tions , dans les propriétés générales de
l'être , ôc dans celles du mode ôc de la fubf-
tance. Cette fpéculation inutile ne con-
fifte qu'à préfenter fous une forme ôc un
langage feientifiques , des proportions qui
étant mifes en langage vulgaire , ou ne
feroient que des vérités communes qu'on
auroit honte d'étaler avec tant d'appareil ,
ou feroient pour le moins douteufes , ôc
par conféquent indignes d'être érigées en
principes. D'ailleurs , une telle méthode eft
non feulement dangereufe , en ce qu'elle
retarde par des queftions vagues ôc con-
tentieufes le progrès de nos connoiflances
réelles , elle eft encore contraire à la marche
de l'efprit , qui , comme nous ne faurions
trop le redire , ne connoit les abftradions
que par l'étude des êtres particuliers. Ainfî
la première chofè par où l'on doit com-
mencer en bonne philofophie , c'eft de faire
main-bafïè fur ces longs ôc ennuyeux pro-
légomènes , fur ces nomenclatures éter-
nelles , fur ces arbres ôc ces divifions fans
fin ; triftes reftes d'une rniicrable fcholaf-
tique ÔC de l'ignorante vanité de ces tfecles
ténébreux , qui dénués d'obfervations ôc de
faits , fe créoient un objet imaginaire de
fpéculation & de difputes. J'en dis autant
de ces queftions aufîi inutiles que mal ré-
solues , fur la nature de la philofophie ,
fur fon exiftence /fur le premier principe des
connoiflances humaines , fur l'union de la
probabilité avec l'évidence , & fur une in-
finité d'autres objets femblables,.
Il eft dans les feiences d'autres -queftions
conteftées , moins frivoles en elles-mêmes ,
mais aulîi inutiles en effet , qu'on doit
abfolument bannir d'un livre à'élemeas. On
peut juger sûrement de l'inutilité abfolus
M
qo E L E
d'une queftîon fur laquelle on fè divife,
lorfqu'on voit que les philofophes fe réu-
nifient d'ailleurs fur des proportions qui
néanmoins au premier coup-d'œil femble-
roient tenir nécefïairement à cette queftion.
Par exemple , les élémens de Géométrie ,
de calcul , étant les mêmes pour toutes
les écoles de philofophie , il réfulte de cet
accord , Se que les vérités géométriques ne
tiennent point aux principes conteftés fur
la nature de l'étendue , Se qu'il eft fur cette
matière un point commun où toutes les
lècres fe réunifient ; un principe vulgaire
Se fimple d'où elles partent toutes fins s'en
appercevoir ; principe qui s'eft obfcurci
par les difputes , ou qu'elles ont fait négli-
ger , maïs qui n'en fubfifte pas moins. De
même , quoique le mouvement & fes pro-
priétés principales foient l'objet de la
méchanique , néanmoins la métaphylique
obfcure ôc contentieufe de la nature du
mouvement , eft totalement érrangere à
cette feience > elle fuppofe l'exiftence du
mouvement, tire de cette fuppofition une
foule de vérités utiles , & laifle bien loin
derrière elle la philofophie fcholaftique s'é-
putfer en vaines fuhtiîités fur le mouve-
ment même. Zenon chercheroit encore fi
les corps fe meuvent , tandis qu' Archimede
auroit trouvé les loir de l'équilibre ,
Huyghens celles de la pereuflion , &
Newton celles du fyftême du monde.
Concluons delà que le point auquel on
doit s'arrêter dans la recherche des prin-
cipes d'une feience , eft déterminé par la
r.ature de cette feience même , c'eft-à-dire
par le point de vue fous lequel elle envifage
ion objet ; tout ce qui eft au delà doit
être regardé ou comme appartenant à une
autre feience , ou comme une région entiè-
rement refufée à . nos regards. J'avoue que
les principes d'où nous partons en ce cas ne
ibnr peut-être eux-mêmes que des confé-
quences fort éloignées des^ vrais principes
qui nous font inconnus , Se qu'ainfî ils
méritero'ent peut-être le nom de conclu-
fwns plutôt que celui de principes. Mais il
n'eft pas néceflàife que ces concluions
Ibîent des principes en elles-mêmes 3 il
fuffic qu'elles en Ibient pour nous.
Nous n'avons parlé jufqu'à préfent que
des principes proprement dits , de ces
E L E
vérités primitives par lefquelles on peoé
non feulement guider les autres , mais
fe guider foi-même dans l'étude d'une feien-
ce. Il eft d'autres principes qu'on peut appel-
les fecondaires ; ils dépendent moins de la
nature des chofes , que du langage : ils
ont principalement lieu , lorfqu'il s'agit de
communiquer fes connoilTances aux autres.
Je veux parler des définitions , qu'on peut ,
à l'exemple des Mathématiciens , regarder
en effet comme des principes ; puiique
dans quelque efpece à' élémens que ce puifîè
être , c'eft en partie fur elles que la plupart
des proportions font appuyées. Ce nouvel
objet demande quelques réflexions : l'article
Définition en préiente plufieurs * nousy
ajouterons les fuivantes.
Définir , fuivant la force du mot , c'eft
marquer les bornes Se les limites d'une
chofe ; ainfî définir un mot , c'eft en
déterminer Se en circonferire pour ainfî
dire le fens , de manière qu'on ne puifîe,
ni avoir de doute fur ce fens donné , ni
l'étendre , ni le reftreindre , ni enfin l'attri-
buer à aucun autre terme.
Pour établir les règles des définitions ,
remarquons d'abord que dans les Sciences
on fait ufage de deux fortes de termes ,
de termes vulgaires , Se de termes feien-
tifîques.
J'appelle termes vulgaires , ceux dont
on fait ufage ailleurs que dans la feience
dont il s'agit , c'eft-à-dire dans le langage
ordinaire, ou même dans d'autres feiences;
tels font par exemple les mots efpace ,
mouvement en méchanique ; corps en Géo-
métrie ; fon en Mufique , Se une infinité
d'autres. J'appelle termes feientifiques , les
mots propres Se particuliers à la feience,
qu'on a été obligé de créer pour déiigner
certains objets , Se qui font inconnus à
ceux a qui la feience eft tout-à-fait étran-
gère •
Il femble d'abord que les termes vul-
gaires n'ont pas befoïn d'être définis , puif-
qu'étant , comme on le fuppofe , d'un
ufage fréquent , l'idée qu'on attache à ces
mots doit être bien déterminée 8c familière
à tout le monde. Mais le langage des
Sciences ne fauroit être trop précis , Se
celui du vulgaire eft fbuvent vague Se obf-
cur j on ne fauroit donc trop s'applicuie^
E L E
\ fïxeï la lignification des mots qu'on
emploie , ne fût-ce que pour éviter toute
équivoque. Or pour fixer la lignification
des mots , ou , ce oui revient au même ,
pour les définir , il faut d'abord examiner
quelles font les idées fimples que ce mot
renferme; j 'appelle idée fimple , celle qui
ne peut être décompofée en d'autres , Ôc
par ce moyen être rendue plus facile à
iailïr : telle eft par exemple l'idée d'exif-
tence , celle de fenfation , ôc une infinité
d'autres. Ceci a befoin d'une plus ample
explication.
A proprement parler , il n'y a aucune
de nos idées qui ne foit fimple ; car quelque
compofé que foit un objet , l'opération
par laquelle nc\re efprit le conçoit comme
compofé, eft une opération inftantanée &
unique : ainfî c'eft par une feule opération
iimple que nous concevons un corps comme
une fubfta'hce tout - à - la - fois étendue ,
impénétrable , figurée , ôc colorée.
Ce n'eft donc point par la nature des
opérations de l'efprit qu'on doit juger du
degré de fimplicité des idées ; c'eft la
/implicite plus ou moins grande de l'objet
qui en décide : de plus cette fimplicité plus
ou moins grande , n'eft pas celle qui eft
déterminée par le nombre plus ou moins
grand des parties de l'objet , mais par le
nombre plus ou moins grand des propriétés
qu'on y confidere à la fois ; ainfi quoique
l'efpace Ôc le temps foient compofés de
parties , & par conféquent ne foient pas
des êtres fïmples , cependant l'idée que
nous en avons eft une idée fimple , parce
que toutes les parties du temps Ôc de l'ef-
pace font abfolument femblables ; que
l'idée que nous en avons eft abfolument la
même , ôc qu'enfin cette idée ne peut être
décompofée , puifqu'on ne pourroit fim-
plifier l'idée de l'étendue ôc celle du temps
làns les anéantir : au lieu qu'en retranchant
de l'idée de corps , par exemple , l'idée
d'impénétrabilité , de figure , ôc de cou-
ieur , il refte encore l'idée de l'étendue.
Les idées fimples dans le fens où nous
l'entendons , peuvent fe réduire à deux
cfpeces : les unes font des idées abftraites ;
l'abftra&ion en effet n'eft autre chofe que
l'opération par laquelle nous confidérons
\Luis un objet une propriété particulière p
E L E ^r
fahs faire attention à celles qui fe joignent
à celle-là pour conftituer l'eflènee de l'objet.
La féconde e'pece d'idées fimples eft
renfermée dans les idées primitives que
nous acquérons par nos fènfations , comme
celles des couleurs particulières , du froid *
du chaud , Ôc plufieurs autres femblables ;
auiïi n'y a-t-il point de circonlocution plus
propre à taire entendre ces chofes , que le
terme unique qui les exprime.
Quand on a trouvé toutes les idées
fimples qu'un mot renferme , on le définira
en préfentant ces idées d'une manière aufTî
claire , aufli courte , ôc aufïi précife qu'il
fera poflible. Il fuit de ces principes , que
tout mot vulgaire qui ne renfermera qu'une
idée fimple , ne peut Ôc ne doit pas être
défini dans quelque fcïence que ce puiflè
être , puifqu'une définition ne pourroit
en mieux faire connoître le fens. A l'égard
des termes vulgaires qui renferment plu-
fieurs idées fimples , fuflent-ils d'un ufage
très-commun , il eft bon de les définir ,
pour développer parfaitement les idées
fimples qu'ils renferment.
Ainfi dans la Méchanique ou Ccience dut
mouvement des corps , on ne doit définir
ni l'efpace ni le temps , parce que ces mots
ne renferment qu'une idée fimple; mais
on peut .ÔC on doit même définir le mou-
vement , quoique la notion en foit afïèiS
familière à tout le monde , parce que
l'idée de .mouvement eft une idée complexe
qui en renferme deux fimples , celle de
l'efpace parcouru , ôc celle du temps employé
à le parcourir. Il fuit encore des mêmes
principes , que les idées fimples qui entrent
dans une définition doivent être tellement
diftinctes l'une de l'autre , qu'on ne puifle
en retrancher aucune. Ainfi dans la défi-
nition ordinaire du triangle recHigne , on
fait entrer mal - à - propos les trois côtés ÔC
les trois angles > il fufrit d'y faire entrer
les trois côtés , parce qu'une figure ren-
fermée par trois lignes droites a néceilai-
rement trois angles. C'eft à quoi on ne
fauroit faire trop d'attention , pour ne pas
multiplier fans néceflité les mots non plus
que les êtres , ôc pour ne pas faire regardée
comme deux idées diftincîes , ce qui n'effe
individuellement que la même.
On peut donc dire non feulement qu'un»
Ml
S* ILE
définition doit être courte , mais que plus
elle fera courte , plus elle fera claire ; car
la brièveté confifte à n'employer que les
idées néceilàires , Se à les- difpofer dans
Tordre le plus naturel. On n'eft Couvent
obfcur , que parce qu'on eft trop long :
robfcurité vient principalement de ce que
les idées ne font pas bien distinguées les
unes des autres , & ne font pas mifes à
leur place. Enfin la brièveté étant néceffaire
dans les définitions , on peut & on doit
même y employer des termes qui renfer-
ment des idées complexes , pourvu que ces
termes aient été définis auparavant , 8c
qu'on ait par conféquent développé les
idées Simples qu'ils contiennent. Ainfi on
peut dire qu'un triangle re&iligne eft une
figure terminée par trois lignes droites ,
■pourvu qu'on ait défini auparavant ce qu'on
entend par figure, c'eft - à - dire un elpace
terminé entièrement par des lignes : ce
<mi renferme trois idées , celle d'étendue ,
celle de bornes , & celle de bornes en
tout fens.
Telles font les règles générales d'une
définition ; telle eft l'idée qu'on doit s'en
faire , 8c fuivant laquelle une définition
n'eft autre chofe que le développement des
idées Simples qu'un mot renferme. Il eft
fort inutile après cela d'examiner fi les
définitions font de nom ou de chofe , c'eft-
à-dire Si elles font Amplement l'explication
de ce qu'on entend par un mot , ou fi
elles expliquent la nature de l'objet indiqué
par ce mot. En effet , qu'eft - ce que la
nature d'une chofe ? En quoi conSïfte-t-elle
proprement , 8c la connoifîons - nous ? Si
on veut répondre clairement à ces quef-
tions , on verra combien la diftinétion dont
il s'agit eft futile 8c abfurde : car étant
îgnorans comme nous le fommes fur ce que
les êtres font en eux-mêmes , la connoif
iance de la nature d'une chofe (du moins
par rapport à nous ) ne peut confifter que
dans la notion claire & décompofée , non
des principes réels 8c abfolus de cette chofe 5
mais de ceux qu'elle nous paroît renfermer.
Toute définition ne peut être envifagée que
fous ce dernier point de vue : dans ce cas
elle fera plus- qu'une (impie définition de
nom , puisqu'elle ne fe bornera pas à
expliquer le fens d'un mot , mais qu'elle- en
EL fe
' décompoïera l'objet; 8c elle fera moine
auffi qu'une définition de choie , puifque la
vraie nature de l'objet , quoiqu'ainSi décom-
poie , pourra toujours refter inconnue.
Voilà ce qui concerne la définition de*
termes vulgaires. Mais une feience ne fe
borne pas à ces termes , elle eft forcée d'en*
avoir de particuliers ; foit pour abréger le
dilcours 8c contribuer ainfi à la clarté , en
exprimant par un feul mot ce qui auroit
befoin d'être exprimé par une phrafe
entiere ; foit pour désigner des objets peu
connus fur lefquels elle s'exerce , 8c que
fouvent elle fe produit à elle - même par des
combinaisons fingulieres 8c nouvelles. Ce»
mots ont befoin d'être définis , c'eft -à-dire
Simplement expliqués par d'autres termes
plus vulgaires 8c plus iimples; ôc la feul»
règle de ces définitions , c'eft de n'y
employer aucun terme qui ait befoin lui-
même d'être expliqué , c'eft-à-dire qui ne
foit ou clair de lui-même a ou déjà expliqué
auparavant.
Les termes feientifiques n'étant inventé*
que pour la néceiïité , il eft clair que l'on
ne doit pas au hafard charger une feienec
de termes particuliers. Il feroit donc à
fouhaiter qu'on abolit ces termes feientifi-
ques &c pour ainfi dire barbares , qui ne
Servent qu'à en impofer ; qu'en Géométrie ,
par exemple , on dît Simplement propojîtion
au lieu de théorème , conséquence au lieu
de corollaire , remarque au lieu de fcholie ,
8c ainfi des autres. La plupart des mots de
nos Sciences font tirés des langues favantes ,
où ils étoient intelligibles au peuple même ,
parce qu'ils n'étoient fouvent que des terme*
vulgaires , ou dérivés de ces termes : pour-
quoi ne pas leur conferver cet avantage ?
Les mots nouveaux , inutiles , bizarres ,
ou tirés de trop loin , font prefque auSîl
ridicules en matière de feience , qu'en
matière de goût. On ne fauroit , comme
nous l'avons déjà dit ailleurs , rendre la
langue de chaque feience trop Simple , &
pour ainfi dire trop populaire ; non feule-
ment c*eft un moyen d'en faciliter l'étude \
c'eft ôter encore un prétexte de la décrier
au peuple , qui s'imagine ou qui voudroiî
fe perfuader que la langue particulière d'une
feience en fait tout le mérite ; que c'eft une
efpece de rempart inventé poux en défendra
ELE
tes approches : les ignorans reffemblent en
«ela à ces généraux malheureux ou mal-
habiles , qui ne couvant forcer une place,
fe vengent en iniultant les dehors.
Au refte ce que je propofe ici , a plutôt
pour objet les mots abfolument nouveaux
que le progrès naturel d'une icience oblige
à faire , que les mots qui y font déjà con-
facrés , fur-tout lorfque ces mots ne pour-
roient être facilement changés en d'autres
plus intelligibles. Il eft dans les chofes
d'ufage , des limites où le philofophe s'ar- j
rete ; il ne veut ni les réformer , ni s'y j
foumettre en tout , parce qu'il n'eft ni tyran
ni efclave.
Les règles que nous venons de donner , j
concernent les élémens en général pris dans
le premier fens. A l'égard des élémens pris
dans le fécond fens , ils ne différent des
autres qu'en ce qu'ils contiendront nécefïài-
rement moins de proportions primitives ,
ôc qu'ils pourront contenir plus de confé-
quences particulières. Les règles de ces
deux élé'nens font d'ailleurs parfaitement
femblables; car les élémens pris dans le
premier fens étant une fois traités , l'ordre
des proportions élémentaires & primitives
y fera réglé par le degré de {implicite ou de
multiplicité , fous lequel on envifagera
l'objet. Les proportions qui envifagent les
parties les plus fimples de l'objet , fe trou-
veront donc placées les premières j & ces
proposions en y joignant ou en omettant
leurs conféquences , doivent former les élé-
mens de la féconde efpece. Ainfi le nombre
des propofitions primitives de cette féconde
efpece d'élémens , doit être déterminé par
l'étendue plus ou moins grande de la feience
que l'on embraffe , & le nombre des con-
séquences fera déterminé par le détail plus
ou moins grand dans lequel on embraffe
cette partie.
On peut propofer plusieurs queftions fur
la manière de traiter les élémens d'une
feience.
En premier lieu , doit-on fuivre , en
traitant les élémens , l'ordre qu'ont fuivi
lés inventeurs ?. Il eft d'abord évident qu'il
ne s'agit point ici de l'ordre que les inven-
teurs ont pour l'ordinaire réellement fuivi,
& qui étoit fans règle & quelquefois fans
pbjet , mais de celui qu'ils auroiem pu
fuivre en procédant avec méthode. On ne
peut douter que cet ordre ne foit en général
le plus avantageux à fuivre ; parce qu'il eft
le plus conforme à la marche de l'efpri: ,
qu'il éclaire en inftruifant , qu'il met fur la
voie pour aller plus loin , & qu'il fait pour
ainfi dire prellentir à chaque pas celui qui .
doit le fuivre : c'eft ce qu'on appelle autre-
ment la méthode analytique , qui procède
des idées compofées aux idées- abftraites ,
qui remonte des conféquences connues aux
principes inconnus , &c qui en généralifant
celles - là , parvient à découvrir ceux -ci-y
mais il faut que cette méchode réunifie
encore la fimplicité & la clarté , qui font
les qualités les plus eflentielles que doivent
avoir les élémens d'une icience. Il faut bien
fe garder fur-tout , fous prétexte de fuivre
la méthode ' des inventeurs , de fuppofer
comme vraies des propofîtions qui onc
befoin d'être prouvées , fous prétexte que
ks inventeurs , par 1a force de leur génie,
ont dû appercevoir d'un coup - d'œil 8c
comme a vue d'oifeau la vérité de ces
propofitions. On ne fauroit traiter trop
exactement les Sciences, fur-tout celiea
qui s'appellent particulièrement exactes.
La méthode analytique peut fur-tout être
employée dans les feiences dont l'objet
n'eft pas hors de nous , ôc dont le progrès
dépend uniquement de la méditation-; parce
que tous les matériaux de la feience étant
pour ainfi dire au dedans de nous , l'ana-
lyfè eft la vraie manière &. la plus fîmple
d'employer ces matériaux. Mais dans les
feiences dont les objets nous font extérieurs ,
la méthode fynthétique , celle qui defeend
des principes aux conféquences , des idées-
abftraites aux compofées , peut fouvent être
employée avec fuccès & avec plus de fim-
plicité que l'autre; d'ailleurs, les faits font
eux-mêmes en ce cas les vrais principes;
En général la méthode analytique eft plu5
propre à trouver les vérités , ou à faire
connoître comment on les a trouvées. La
méthode fynthétique eft plus propre à
expliquer & à faire entendre les vérités
trouvées : l'une apprend à lutter contre les
difficultés , en remontant à la fource^ l'autre
place l'efprit à cette fource même , d'où il
n'a plus qu*à fuivre un cours facile. Voyer
Analyse % Synthèse..
94 E L E
On dematiclc en fécond lieu > laquelle r
des deux qualités doit être préférée dans des
élémens , de la facilité , ou de la rigueur
exacte. Je réponds que cette queftion
fuppofe une choie faullè ; elle iuppofe que
la rigueur exacte puifle exifter fans la facilité,
Se c'eft le contraire; plus une déduction
eft rigoureufe , plus elle eft ficile à entendre :
car la rigueur confîfte à réduire tout aux
principes les plus fimples. D'où il s'enfuit
encore que la rigueur proprement dite
entraine nécessairement la méthode la plus
naturelle Se la plus directe. Plus les prin-
cipes feront difpofés dans Tordre conve-
nable , plus la déduction fera rigoureufe ;
ce n'eft pas qu'abfolument elle ne put 1 être
il on fuivoit une méthode plus compofée ,
comme a fait Euclide dans fès élémens :
mais alors l'embarras de la marche feroit
aifément fèntir que cette rigueur précaire
Se forcée ne ieroit qu'improprement telle.
Nous n'en dirons pas davantage ici fur
les règles qu'on doit obferver en général ,
-pour bien traiter les èUmens d'une feience.
La meilleure manière de faire connoître
res règles , c'eft de les appliquer aux diffé-
rentes feiences ; Se c'eft ce que nous nous
propofons d'exécuter dans les - différens
articles de cet ouvrage. A l'égard des
élémens des Belles-Lettres , ils (ont appuyés
fur les principes du goût. Voy. Goût.
Ces élémens , femblabîes en pîufîeurs
chofes aux élémens des Sciences , ont été
faits après coup fur l'obfervation des diffé-
rentes chofes qui ont paru affecter agréa-
blement les hommes. On trouvera de même
à ['article Histoire , ce que nous penfons
des élémens de l'hiftoire en général. Voye^
aujjï Collège.
Nous dirons feulement ici que toutes nos
connoilîances peuvent le réduire à trois
efpeces ; l'Hiftoire , les Arts tant libéraux
.que méchaniques , 6c les Sciences propre-
ment dites , qui ont pour objet les matières
.de pur raifonnement ; Se que ces trois
.efpeces peuvent être réduites à une feule ,
à celle des Sciences proprement dites. Car ,
ifi. l'Hiftoire eft ou de la nature , ou des
jpenfées des hommes , ou de leurs actions.
^L'hiftoire de la nature , objet de la médi-
tation du philofophe , rentre dans la clafle
des feiences j il en eft de même de l'hiftoire
E LE
des penfées des hommes , fur-tout Ci on né
comprend fous ce nom que celles qui ont-
été vraiment lumineufes Se utiles , Se qui
fbnt aufïi les feules qu'on doive préfenter à
fes lecteurs dans un livre d'élémens. A
l'égard de l'hiftoire des rois , des conque-
rans , Ôc des peuples , en un mot des
événemens qui ont changé ou troublé la
terre , elle ne peut être l'objet du philo-
fophe (ju'autant qu'elle ne fe borne pas aux
faits feuls ; cette connoillànce ftérile ,
ouvrage des yeux Se de la mémoire , n'efl
qu'une connoifîance de pure convention
quand on la renferme dans fes étroites
limites ; mais entre les mains de l'homme
qui fait penfer elle peut devenir la première
de toutes. Le fige étudie l'univers moral
comme le phyfique , avec cette patience ,
cette circonfpection , ce f ilence de préj ugés
qui augmente les connoiflances en les
rendant utiles ; il fuit les hommes dans
leurs paffions comme la nature dans fes
procédés ; il obferve , il rapproche , il
compare, il joint fes propres oblervations
à celles des fiecles précédens , pour tirer
de ce tout les principes qui doivent l'éclairer
dans fes recherches ou le guider dans fes
actions : d'après cette idée , il n'envifage
l'Hiftoire que comme un recueil d'expé-
riences morales faites fur le genre humain ,
recueil qui feroit fans doute beaucoup plus
complet s'il n'eût été fait que par des
philofbphes , mais qui , tout informe qu'il
eft y renferme encore les plus grandes leçons
de conduite , comme le recueil des obler-
vations médicinales de tous les âges , maigre
tout ce qui lui manque Se qui lui manquera
peut-être toujours , forme néanmoins la
partie la plus importante Se la plus réelle
de l'art de guérir. L'Hiftoire appartient
donc à la claile des Sciences , quant à la
manière de l'étudier Se de fe la rendre utile ,
c'eft-à-dire quant à la partie philofophique.
i°. Il en eft de même des Arts tant
méchaniques que libéraux : dans les uns Se
les autres ce qui concerne les détails eft
uniquement l'objet de l'artifte ; mais d'un
côté les principes fondamentaux des Arts
méchaniques font fondés fur les connoif-
fances mathématiques Se phyfîques des
hommes , c'eft-à-dire fur les deux branches
les plus confidérables de h Phiiofophie $
E LE
3e l'autre , les Arts libéraux ont pour baie
l'étude fine & délicate de nos fenfations.
Cette métaphyiîque fubtile Se profonde qui
a pour objet les matières de goût , lait y
diftinguer les principes abfolurnent géné-
raux Se communs à tous les hommes ,
d'avec ceux qui font modifiés par le carac-
tère , le génie , le degré de fen (milité des
nations ou des individus ; elle démêle par
ce moyen le beau eilentiel Se univerfel ,
s'il en eft un , d'arec le beau plus ou moins
arbitraire Se plus ou moins convenu : égale-
ment éloignée ôc d'une décifion trop vague
Se d'une difcuiîion trop fcrupuleufè , elle
ne poulie l'analyfe du fentiment que jufqu'où
elle doit aller , Se ne la rdferre point non
plus trop en deçà du champ qu'elle peut fe
permettre. En comparant les impreilîons
Se les affections de notre ame , comme le
métaphyficien ordinaire compare les idées
purement fpéculatives , elle tire de cet
examen des règles pour rappeller ces
împreiïions à une fource commune , &c
pour les juger par l'analogie qu'elles ont
entr'elles ; mais elle s'abftient ou de les
juger en elles-mêmes , ou de vouloir appré-
cier les impreffions originaires & primitives
par les principes d'une philofophie auffi
obfcure pour nous que la itru&ure de nos
organes , ou de vouloir enfin faire adopter
fes règles par ceux qui ont reçu , foit de la
nature foit de l'habitude , une autre façon de
fentir. Ce que nous dilons ici du goût dans
les Arts libéraux , s'applique de foi -- même
a cette partie des Sciences qu'on appelle
Belles -Lettres. C'eft ainfi que les élémens
de toutes nos connoifïànces font renfermés
dans ceux d'une philofophie bien entendue.
VoyeT^ Philosophie".
Nous n'ajouterons plus qu'un mot fur la
manière d'étudier quelques foi tes à' élémens
que ce puifïè être , en fuppofant ces élè mens
bien faits. Ce n'eft point avec le iecours
d'un maître qu'on peut remplir cet objet ,
mais avec beaucoup de méditation 8c de
travail. Savoir des • élémens , ce n'eft pas
feulement connaître ce qu'ils contiennent,,
c'eft en connoître l'ufage , les applications .
Se les conséquences ; c'eft pénétrer dans k-
génie de l'inventeur , c'elf fe mettre en
état d'aller plus loin que lui , ôc voilà ce
qu'on ne fait bien qu'à force d'étude &
d'exercice : voilà pourquoi oli ne fmra
jamais parfaitement que ce qu'on a appris
loi - même. Peut -être feroit - on bien par
cetzo. ration , d'indiquer en deux mots dans
des éUmens l'ufage Se les conféquences des
proportions démontrées. Ce feroit pour les
commençans un fujet d'exercer leur efprit
en cherchant la démonftration de ces confé-
quences , &c en faifant disparaître les vuides
qu'on leur auroit laides à remplir. Le propre
d'un bon livre â'elémens eft de laifter beau-
coup à penfef.
On doit être en état de juger maintenant
il des élémens complets des Sciences 5
peuvent être l'ouvrage d'un homme feul :
ôc comment pourroient-ils l'être, puifquils-
fuppofent une connoiftance univerfeile Se
approfondie de tous les objets qui occupent
les hommes ? Je dis une conncijfance appro~* +
fondie , car il ne faut pas s'imaginer que
pour avoir effleuré les principes d'une
feience , on foit en état de les enfèigner.
C'eft à ce préjugé , fruit de la vanité &c de
l'ignorance , qu'on doit attribuer l'extrême
difette où nous fommes de bons livres
élémentaires , Se , la foule de mauvais dont
nous fommes chaque jour inondés. L'élevé
à peine forti des premiers fentiers ; encore
frappé des difficultés qu'il a éprouvées, Se
que fouvent même il n'a furmontées qu'en
partie , enrreprend de les faire connoître
& furmonter aux autres ; cenfeur Se pla-
giaire tout enfemble de ceux qui l'ont'
précédé , il copie , transforme , étend ,-.
renverfe , refferre , obfcurcit , prend fes
idées informes êc confufes pour de; idées
claires, Se l'envie qu'il a eue d'être auteur'
pour le defïr d'être utile, On pourroit le
comparer à un homme qui ayant parcouru-
un labyrinthe à tâtons & les yeux bandés , .
croiroit pouvoir en donner le plan Se en-
développer les détours. D'un autre côté, les
maîtres de l'art, qui par une étude longue "
'Se afliduc en ont vaincu les difficultés Se
connu le; fîr.eîîê", dédaignent de reveai-r
fur leurs pas pour faciliter aux autre:; 1er
'chemin qu'ils ont eu tant depeine à fuivre :
peut-être encore frappés de la multitude Se.
c h nature des obftacies qu'ils ont fur--
> montés," redoutent -ils le travail qui ferait-
';néceiïaïre pour les rpplanir, & qui feroit
'trop peu fenti pour qu'on pût leur enteiiir
^ E L E
compte. Uniquement occupés de faire de
nouveaux progrès dans Fart , pour s'élever,
s'il leur eit pofïible, au deilus de leurs
predéceflèurs ou de leurs contemporains ,
Se plus jaloux de l'admiration que de la
reconnoillànce publique , ils ne penfent
qu'à découvrir & à jouir , 6c préfèrent la
gloire d'augmenter l'édifice au foin d'en
éclairer l'entrée. Ils penfent que celui qui
apporsera comme eux dans l'étude des
Scienc es , un génie vraiment propre à les
approfondir , n'aura pas befoin d'autres
élémens que de ceux qui les ont guidés
eux-mêmes; que la nature îk les réflexions
fuppléeront infailliblement pour lui à ce
qui manque aux livres , & qu'il eft inutile
de faciliter aux autres des connoiflances
qu'ils ne pourront jamais fe rendre vraiment
' propres, parce qu'ils lont tout au plus en
éteZ de les recevoir (ans y rien mettre du
leur. Un peu plus de réflexion eût fait
ientir combien cette manière de penfer efl
nuiiible au progrès & à la gloire des
Sciences ; à leur progrès , parce qu'en
facilitant aux génies heureux l'étude de ce
qui eft connu , on les met en état d'y
ajouter davantage &c plus^ promptement; à
leur gloire , parce qu'en les mettant à la
portée d'un çlus, grand nombre de per-
ionnes , on le procure un plus grand
nombre de juges éclairés. Tel eft l'avan-
tage que -produiroient de bons élémens des
Sciences , élémens qui ne peuvent être l'ou-
vrage que d'une main fort habile & fort
exercée. En effet , fi on n'eft pas parfaite-
ment inftruit des vérités de détail qu'une
Science renferme-, fi par un fréquent ufage
on n'a pas apperçu la dépendance mutuelle
de ces vérités, comment diftinguera-t-on
parmi elles les proportions fondamentales
dont elles dérivent, l'analogie ou la diffé-
rence de ces proportions fondamentales,
l'ordre qu'elles doivent obfèrver entr elles ,
Se fur-tout les principes au delà defquelson -
ne doit pas remonter î C'eft ainii qu'un chy-
mifte ne parvient à connoître les mixtes qu'a
près des analyfes & des combinaifons fré
quentes 3e variées. La comparaifon eft d'au- i
tant plus jufte, que ces analyfes appren-
nent au chymifte non feulement quels font j
les principes dans lefquels un corps fe
* éfcut , mais encore , ce qui n'eft pas moins
ILE
important , les bornes au delà defqueïïei
il ne peut fe réfoudre, &c qu'une expé-
rience^ longue & réitérée peut feule faire
connoître. ;
Des élémens bien faits , fuivant le plan
que nous avons expofé _, & par des écri-
vains capables d'exécuter ce plan , auraient
une double utilité : ils mettraient les bons
elprits fur la voie des découvertes à faire,
en leur préfentant les découvertes déjà
faites; de plus ils méfieraient chacun plu«
à portée de diftinguer les vraies décou-
vertes d'avec les fauifes ; car tout ce- qui
ne pourrait point être ajouté aux élémens
d'une Science comme par forme de fup-
plément , ne ferait point digne du nom
de découverte. Voyez ce mot. (0)
Après avoir expofé ce qui -concerne les
élémens des Sciences en général , nous
allons maintenant dire un mot des élémens
.de Mathématiques Se de Phyfique , en indi-
quant , pour répondre à' l'objet de cet
ouvrage , les principaux livres où ils font
traités.
Les élémens des Mathématiques ont été
expliqués dans des cours &e des fyftêmes
qu'ont donné différens auteurs. Voye^
Cours.
Le premier ouvrage de cette efpece eft
celui de Hérigone , publié en latin & en
françois l'an 1664, en dix volumes. Cet
auteur y a renfermé les élémens d'Euclide ,
les données du même , &c. avec les élé-
mens d'Arithmétique, d'Algèbre , de Tri-
gonométrie , d'Architecture , de Géogra-
phie , de Navigation , d'Optique , des
Sphériques , d'Aftronomie , de Mufîque ,
de Perfpective , &c. Cet ouvrage a cela
de remarquable , que l'auteur y emploie
par-tout une elpece de caractère univerfel ,
de manière que , fans fe fervir abfolument
d'aucun langage , on peut en entendre tou-
res les démonftrations , pourvu que l'on fe
fouvienne feulement des caractères qui y ibnt
employés. Voye^ Caractère.
Depuis Hérigone , d'autres auteurs ont
expliqué les élémens de différentes parties
de Mathématiques , particulièrement le
jéluite Schott dans fon curfus mathema-
ticus , publié en 1 674 ; Jonas Moore ,
dans fon nouveau Syjlême de Mathéma-
tiques, imprime a* anglais en i68ij
E L E
Dechales dans fbn curfus Mathématicus l
qui parut en 1674 ; Ozanam dans fbn
cours des Mathématiques , publié en 1695) :
mais perfbnne n'a donné de cours de
Mathématiques plus étendu ni plus appro-
fondi que M. Wolf; Ton ouvrage a été
publié fous le titre de elementa mathefeos
univerfce , en deux volumes in-40. dont
le premier parut en 171 3 , & le fécond
■en 1715 : depuis il y a eu une édition
de Genève en 1733 , en cmai volumes
in-40. : en général cet ouvrage fait hon-
neur à ion auteur , quoiqu'il ne foit pas
exempt de fautes , mais c'eft le meil-
leur ou le moins mauvais que nous avions
juiqu ici.
Les éiémens d'Euclide font le premier ,
•ôc félon plufieurs perfonnes , le meilleur
livre d'élémens de Géométrie. On a fait
un grand nombre d'éditions &c de com-
mentaires fur les quinze livres des éiémens
de cet auteur. Oronce Fine eft le premier
quia publié, en 1536, les fix premiers
livres de ces éiémens avec des notes pour
expliquer le fens d'Euclide. Peletier ht la
même chofe en 1557. Nie. Tartaglia fit
un commentaire vers ce même temps fur
les quinze livres entiers ; il y ajouta même
quelque chofe de lui.
Dechales , Hérigone , & d'autres , ont
pareillement travaillé beaucoup fur les éié-
mens d'Euclide , ainfî que Barrow , recom-
mandable fur-tout par la précifion 8c la
rigueur de fes démonftrations. Mais comme
les quinze livres entiers ne paroiflènt pas
néceflaires , principalement aux jeunes
Mathématiciens, quelques auteurs fefont
appliqués feulement à bien éclaircir les flx
premiers livres , avec l'onzième & le dou-
zième tout au plus. On ne finiroit pas ,
il l'on vouloit rapporter les différentes
éditions qu'on en a faites : celles qui parlent
pour les meilleures , font une édition fran-
çoife de Dechales 8c une latine d'André
Tacquet : celle de Dechales , qu'on eftime
le plus , a été faite à Paris en 1709 par
Ozanam : & la meilleure de Tacquet eft
une édition de Cambridge faite en 1703
par Whifton.
Quelques auteurs ont réduit en fyllogif-
mes toutes les démonftrations d'Euclide,
pour faire voir comment l'on s'élève, par
Tome XII,
E L E $7
une chaîne de raifbnnemens , à une dé-
monftration complète. Pierre Ramus n'ap-
prouva pas l'ordre d'Euclide , comme il
le paroît par fon difeours fur les quinze
livres de cet auteur y c'eft ce qui le déter-
mina à compiler vingt-trois nouveaux livres
d'élémens , fuivant la méthode fcholafti-
que , mais fans fuccès. Arnaud , en i66j,;
Gafton Pardiés , Jéfuite , en 1680; le
P. Lamy , en 1 685 ; Poliniere , en 1704;
&c depuis 2.0 ans M. Rivard , ont public
le fonds de la doctrine. d'Euclide , fuivant
une nouvelle méthode particulière à chacu*
d'eux.
Il y a quelques années que M. Clairaut #
de l'académie des Sciences de Paris ,
publia une Géométrie où les proportions
ne paroiflènt qu'à mefure qu'elles font
occafionées par les be foins des hommes
qui les ont découvertes : cette méthode eft
frès-lumineufe , 8c n'a point la féche-
refle des précédentes j mais , outre que
l'auteur y fuppofe quelquefois fans démonf-
tration ce qui à la rigueur pourrait en avoir
beioin , les proportions , ainfî que dan?
toutes les autres méthodes , n'y font point
déduites immédiatement les unes des au-
tres , 8c forment plutôt un aflèmbîage
qu'un édifice de propo fixions ; cependant
une chaîne non interrompue de vérités -,
feroit le fyftême le plus naturel 8c le plus
commode , en même temps qu'elle offri-
rait à l'efprit l'agréable fpectacle de géné-
rations en ligne directe ; or c'eft ce que
l'on a exécuté dans les inftitutions de
Géométrie , imprimées à Paris en 1746 ,
chez de Bure l'ainé. Toutes les propoiî-
tions de cet ouvrage font déduites immé-
diatement les unes des autres ; 8c donnent
occafion à la réfblution d'un fort grand
nombre de problêmes curieux 8c utiles ,
ainfi quià des réflexions fur les dévelop-
pemens de l'efprit humain ; ce qui répand
quelque agrément fur une matière qui ne
comporte par-elle même que trop de f éche-
reflè. Moyennant cet appas ou cet artifice , .
la Géométrie élémentaire a été mifè à la
portée de la plus tendre enfance , ainfî
que l'expérience l'a démontré , 8c le dér
montre tous les jours. On délirerait que
M. Clairaut , dans les excellens éiémens
d'Algèbre qu'il a publiés . , eût mis les
N
5-S Ë LE
opérations du calcul plus à portée clés com-
mençans. Voye^ Algèbre.
Sur les élémens des différentes parties
des Mathématiques , voye^ Algèbre , Dif-
férentiel , Intégral , Méchanique ,
Optique , Astronomie , ùc.
Les meilleurs élémens de Phyfique font
Veflài de' Phyfique de Muffchenbroeck , les
élémens de s'Gravelande , les leçons de
Phyfique de "M * l'abbé Nollet , & plufieurs
autres. Vcye^ Physique. ( E )
El k; m en s , ( Géomét. tranf. ) On appelle
ainfi dans la Géométrie fublime , les parties
infiniment petites ou différentielles d'une
.ligne droite , d'une courbe , d'une furface ,
4\m fblide. Ainh* ( Ph d'anal, fig. 18.)
le petit efpace P M- m p , formé par les
deux ordonnées infiniment proches P M,
m p: & par l'arc^ Mm de la courbe , eft
l'élément de l'efpace A P M; P p eft
l'élément de Tablcifîè ; Mm , celui de la
-courbe , ùc. Voyci^ 'Différentiel , Flu-
xions , Indivisibles , Intégral , Infini ,
■ ùc. ( 0 )
Elémens , en Ajlronomie. Les Aftro-
îaomes. entendent communément par ce
mot les principaux réfultats des obfèrva-
tions agronomiques , Se généralement tous
les nombres effentiels qu'ils emploient à la
^onftruétion des tables du mouvement des
iplaneies, Ainii les élémens de . la théorie
<iu foleil , ou plutôt de la terre 3 font fon
-mouvement moyen , fon excentricité , & le
^mouvement de- fon aphffie. Les élémens
de la théorie de la iune font fon mouve-
ment : rmeyen . celui de fon accud & de
4on apogée . fon- excentricité , l'inclinaifon
■fiioyenne de fon orbite à lJécliptique. Voye^
Tipoque , Mouvement moyeu., Excen-
tricité, &» ( O)
Elémens , f. m. pi. On appelle ainfi
< ■' -• ■ <•.'•■'-' les parties primitives des corps.
Les anciens, comme tout le monde fait,
admestoient quatre élémens ou corps pri-
mitifs dont ils fuppofoicnt les autres for-
cés , l'air , îe feu^ l'eau , la terre; &
ceite opinion», quoique abandonnée depuis,
jVctoit pas fi déraisonnable , car il n'y a
fçueie de mixtes dans lefquelslaChymie ne
uc ave. ces quatre corps $ ou du' moins
quelques-uns /d^eux: De&fcrtes eft venu ,
çui à -ces "quatre êUm^Ss h\w a -fohilitué
1 ï
E L E
trois autres, uniquement tirés de ion ima-
gination , la matière- fubtile ou du premier
élément , la matière globuleufe ou du fé-
cond , & la matière rameufe ou du troi-
îieme. Vcye^ Cartésianisme , Ether ,
Matière subtile > Globltles , ùc.
Aujourd'hui les Philosophes (âges recon-
noiflent , i°. qu'on ignore abfolument enr
quoi confident les élémens des corps. Voye^.
Configuration , Corps , Matière ,
Corpuscule , ùc. z°. Qu'on ignore
encore , à plus forte raifon , fi les élémens
des corps font tous femblables , & fi les
corps différent entr'eux par la différente
nature de leurs élémens , ou feulement
par leur différente difpofition. 30. Qu'il y
a apparence que les élémens ou particules
primitives des corps font durs par eux--
mêmes. Voye^ Dureté. On fera peut-
être étonné de la brièveté de cet article :
mais nos connoiffances fur ce qui en fait,
l'objet font encore phis courtes. (O)
Elément ou premier Principe, ( CAy-
mie. } Voye^ Principe.
Elément , ( Médec. Phyfiol Pathol. )
ce terme eft employé dans la théorie de
1a Médecine pour défigner les premiers
principes de la ftructure du corps humain.
Voye^ Fibre, Nutrition, (d)
ELEMENTAIRE , , adj ( Phibfophie. )
fë dit de ce qui fe rapporte aux élémens.
Voyeç Elément. Ainfi les élémens d'un
corps fe nomment aulîl les particules élé-
mentaires de ce corps.
Tout l'efpace qui eft compris dans l'or*-
bite de la Lune , étoit appelle par les
anciens la région élémentaire , parce que
c'étoit félon eux le liège ou la fphere des
quatre élémens vulgaires; C'eft par la même
raifon que de prétendus philosophes ont
appelle peuple élémentaire une efpece d'êtres
imaginaires qu'ils ont cru -ou fuppofé habiter
les quatre élémens des- anciens , ùc. En
voilà allez; & trop fur ces fottifes. Sur
Y air êc le feu élémentaire^ vvye^ Air. ù
Feu.
Elémentaire fe dit aufTT, en parlant
dune feience , de la partie de cette feience
qui en renferme les élémens. Ainfi on dit
•ia Géométrie élémentaire ' pour- les élémens
de Géométrie , la Méchaniaue élémentaire
pour tes -eiémens de- Méchanique > &c. ( Oj
EL'E
ÏLEMI, ( Hijl. tint, des Drogues. )
télîne étrangère qui s'enflamme aifément,
& qui fe diifout dans l'huile. On diftingue
deux fortes cY élémi , i°. le vrai élémi ou
celui d'Ethiopie & de l'Arabie heureufe ,
i°. Yélémi d'Amérique.
Le vrai élêmi eft une réfine jaunâtre ,
ou d'un blanc noirâtre , lolide extérieure-
ment , quoiqu'il ne foit pas entièrement
&c , mou &c gluant intérieurement , formé
«en morceaux cylindriques qui brûlent lors-
qu'on les met fur le feu ; ion odeur forte
n'eft pas défigréable , elle approche de
•celle du fenouil. Ces morceaux cylindri-
ques font ordinairement enveloppés de
grandes feuilles de roleau ou de palmier.
Nous n'avons encore rien de certain iur
l'arbre dont cette réfine découle , Se même
«on la trouve aujourd'hui très-rarement dans
les boutiques : on eft trop heureux de
rencontrer Yélémi pur d'Amérique.
Celui-ci eft une efpece de réfine quel-
quefois blanchâtre , quelquefois verdâtre ou
jaunâtre , trartfparente , approchant de la
réfine du pin , de coniiftance tantôt plus
molle f tantôt plus feche , d'une odeur
rélïneufe , défagréable. On l'eftime quand
il eft récent , tranfparent , un peu verd ,
gras , gluant , odoriférant. Il nous vient
du Brélil , de la nouvelle Efpagne & des
îles d'Amérique : on l'apporte' en pains de
deux à trois livres ; Se parce qu'ils font
enveloppés dans des feuilles de cannes ,
on lui donne communément le nom de
gomme élémi en rofeaux. L'arbre qui fournit
cette réfine s'appelle ici cari bu. Voye-^
Icicariba.
On xcnA pour de Yélémi naturel , celui
qui , à caufe de fa ialeté , a été fondu ik
recuit au feu , Se c'eft peut - être là la
moindre des tromperies. On contrefait
allez communément cette réfine avec du
gilipor lavé dans de l'huile commune
d'afpic. On fait auiïï paflèr des gommes
communes &c quelques elpeces de poix-
réfines jaunâtres , blanchâtres, grifés , pour
Yélémi d'Amérique. Lés connoifieurs les
diftinguent par l'odeur & la couleur; mais
fi La chofe en valoir la peine dans la pra-
tique , la meilleure connoiilànce pour un
acquéreur feroit celle d'un bon droguifte,
tdrtJele dt M. Iz chevalier de jAUCGURTi
EL E 5)9
Élemî résine , ( Pharm, mai. Mer. )
La réiinè élémi eft plus connue dans tes
boutiques fous le nom de gomme que fous
celui de réfine ; cependant comme c'eft
abfolument une réfine , nous l'appellerons
ainfi , &c en cela nous fuivrôns M. Geoffroy ,
qui lui donne ce nom dans fa matière
médicale.
La réfine élémi s'emploie rarement feule ,:
mais elle entre dans beaucoup de prépa-
rations officinales externes ; "c'eft c«tle qui
fait la ba-fe du baume d'A-rceus , auquel
on donne quelquefois le nom d'onguent
élémi, Vbye^ Baume d'Arceus.
Si on diftille par la retorre la réfine-
elemi , on en retire tout ce que donnent
ordinairement les réfines , c'eft-à-dire , dit
flegme acide , une huile allez limpide dans
le commencement , & qui s epaiffit de plus
en plus vers la fin de l'opération ; il ne
refte dans la cornue qu'une petite quantité
de caput mortuitm , iur - tout li Yélémi
étoit pur.
La réfine élémi appliquée extérieurement
pafle pour réloudre les tumeurs , détergec
les ulcères , Ôc pour être un très-bon digeftif;
mais , comme nous l'avons dit , on ne l'em-
ploie point feule.
On ne l'emploie point non plus pour
l'intérieur , cependant quelques auteurs la
vantent comme diurétique.
L'élémi entre dans le baume d'Arceus
& dans celui de Fioraventi, 'dans les onguens-
de ftyrax &: martiatum , dans les emplâtres
de bitoine , oppodeltoch , d'André de la
Croix , &c. (b)
' ELÉOMELI, G m. (Pharmacie.) c'eft
une huile plus épaifte que le miel , ôc
douce: au goàt , qui coule du tronc d'un
arbre à Palmyre contrée de la Syrie. Cette
huile prife dans de 'l'eau, évacue p.iv les
ielles les humeurs crues ôc biiieu:'es ; les
malades qui s'en fervent font attaques d'en-
gourdillèment ôc perdent leurs forces , mais
ces iympiomes ne font point à craindre. •
On rire au 111 cette huile des bourgeons
oléagineux de cet. arbre. Dïofccride &
Chamb-rs. • < I
ELEO - SACCHARtIM , (. CLymk &
Pharmacie. ) on , appelle ainfi toute huile
e'dentielle combinée -av-ec du « fncre. C'eft
un moyen pour rendre ks-ihtjiles propecs..^
N i
>qo E L E
fe mêler avec l'eau ; ce qu'elles ne fërofent
point à moins que le fucre , qui eft foluble
dans l'eau , ne fervit d'intermède à cette
union. Pour faire l'eleo-faccharum , on
n'a qu'à verfer quelques gouttes d'une
huile I eilèntielle de citron , de canelle , de
lavande , &c. fur du fucre en poudre ; ou
oien on n'a qu'à frotter des morceaux de
fucre 'fur la peau d'une orange , d'un citron ,
&c. par-là le fucr fe charge d'une huile
eilèntielle aromatique , ôc lui donne des
entraves qui l'empêchent de fe diffiper
aufïi promptement qu'elle feroir fans cela.
C'eft - là le moyen qu'emploient les Ita-
liens , ôc fur - tout les Napolitains , pour
donner à leurs fleurs artificielles tes mêmes
©ieurs qu'ont les fleurs naturelles. Pour
tY'la lis ne font que cacher un peu à'eleo-
faccharum dans le calice de la fleur artifi-
cielle ; cependant à la fin la partie aroma-
tique fe diffipe*
Dans .la Pharmacie on connoît l'eleo-
faccharum carminativum , qui le fait en
yerfant de l'huile eilèntielle de camomille
vingt -quatre gouttes , fur douze onces de
fucre blanc en poudre. Il y a aulïi l'eleo-
fcccharum de faflàfras , qui fe fait avec 3 ij
d'huile de faflàfras , & ? vj de fucre blanc :
on dit, que- c'eft un bon remède pour les
catarres. Voye^ Woyt y Ga[o -phylacium
medico-phyjicum, ( — )
ELEPHANT , eîephas , f. m. ( HiJÎ.
nat. Zoolog. ) le plus grand de tous les
animaux quadrupèdes , & un des plus fin-
guliers dans la conformation de plusieurs
parties du corps. En confidérant l'éléphant
relativement à l'idée que nous avons de
là juftelîè des proportions, il femble être
mal proportionné ôc mal deiïîné , pour
ainfi dire , à caufe de fon corps gros ôc
court , de fes jambes roides Ôc mal for-
mées , de fes pies ronds & tortus , de la
groflè tê:e , de fes petits yeux y ôc de fes
grandes oreilles. On pourroit dire aulïi
crue L'habit dont il paroît couvert , eft
encore plus mal taillé èc plus mal fait. Sa
trompe , fes défenfes , fes pies , ùc. is
rendent auffi extraordinaire que la grandeur
«Je fa taille. La defcription de les parties ,
ôc l'hiftoire de leurs ufages , ne donnera
pas moins d'admiration que leur aiped
caufe de furprife..
: i ri
E L E
Le roi de Portugal envoya en 1668 au
roi de France un éléphant du royaume de
Congo , âgé de dix-fept ans , ôc haut de
fix pies & demi depuis terre jufqu'au dellus
du dos. Il vécut dans la ménagerie de
Verfailles pendant treize ans , Se ne grandit
que d'un pié , fans doute parce que le
changement de climat ôc de nourriture
avoit . retardé fon accroiiïement ; ainfi il.
n'avoir que fept pies ôc demi de hauteur
lorfque MM. de l'académie royale des
Sciences en firent la defcription.
Le corps de cet animal avoit douze piési
ôc demi de tour > fa longueur étoit prefque
égale à fa hauteur. Il avok depuis le front
j ulqu'au commencement de la queue , huit
pies ôc demi > ôc trois pies ôc demi depuis
le ventre jufqu'à terre. En prenant la
mefure des jambes fur le fquelette , on a.
trouvé que celles de devant avoient quatre
pies ôc demi , ôc celles de derrière quatre:
pies huit pouces ; mais lorfque l'animal
eft revêtu de fa chair & de fa peau , les-
jambes de derrière paroiflent plus courtes
que celles de devant , parce qu'elles font
moins dégagées de la mafle du corj& : elles:
reflèmblent plus à celles de l'homme qu'à
celles de la plupart des quadrupèdes , en
ce que le talon pofe à terre , ôc que le
pié eft fort court. Les pies de l'éléphant
dont il s'agit ici étoient fi petits , qu'on
ne les diftinguoit pas des jambes , qui
defeendoient tout d'une venue jufqu'à terre v
ôc dont la peau renfermoit les doigts des
pies. La plante des pies de derrière avoit
dix pouces de longueur , ôc celle des pies
de devant , quatorze ; elle étoit garnie
d'une corne en forme de femelle , qui
étoit dure , folide ôc épaifiè d'un pouce y
ôc qui débordoit comme fi elle avoit été
écachée par le poids du corps , ôc formoit
quelques ongles mal figurés : il n'y en avoit
que trois à chaque pié , cependant il s'eft
trouvé cinq doigts dans le fquelette ; mais
ils .étoient recouverts par la peau , ôc
n'avoient aucun rapport avec les ongles.
La corne , que l'on a comparée à une
femelle , formoit encore d'autres proîon-
gemens que l'on auroit pu prendre pour
des ongles. Il y a lieu de cro're que cette,
partie varie dans diiférens individus, commç
nous Je ferons voir dans la fuite» La queuq*
E L E
croit menue Se pointue ; elle avoit deux
pics & demi de longueur , Se étoic termi-
née par une houpe de gros poils longs de
trois ou quatre pouces. Cet éléphant étoit
femelle; l'orifice extérieur de la matrice
fe trouvoit placé au milieu du ventre près
du nombril , à l'extrémité d'un conduit
qui formoit une éminence qui s'étendoit
depuis l'anus jufqu'à la vulve, & qui ren-
fermoit un clitoris de deux pies Se demi
de longueur , Se de deux pouces de dia-
merre ; de forte qu'on l'auroit pris , avant
la diffect-ion , pour une verge , parce que
cette partie eft fîtuée de la même façon
dans la plupart des quadrupèdes. Il y avoit
fur la poitrine deux mamelles , les mame-
lons étoient petits. La tête étoit grande ;
elle avoit deux boiîes par derrière > Se
un creux entre deux. Le cou étoit court ,
le front large , les yeux petits , la bouche
étroite , Se prefque cachée lous le menton ;
la mâchoire inférieure fort pointue , Se les
oreilles deux fois plus grandes à propor-
tion que celles d'un âne > elles avoienr
trois pies de hauteur , deux pies de largeur ,
Se feulement deux lignes d'épailïèur : leur
figure approchoit de l'ovale , Se elles étoient
collées contre la tête , comme celles de
l'homme, Se s'étendoient en arrière. On
voit par leurs dimenlions qu'aucun animal
n'a les oreilles à proportion autïi grandes que
{'éléphant. La trompe avoit cinq pies trois
pouces de longueur après la mort de l'animal,
neuf pouces de diamètre à fa racine , Se trois
vers l'extrémité , qui s'élargifloit comme le
haut d'un vafe , Se formoit un rebord dont
la partie de delîous étoit plus épaifle que
les côtés. Ce rebord s'alongeoit par le
deilus en manière d'un bout de doigt r
tout le rebord formoit comme une petite
talle , au fond de laquelle étoient les nari-
nes ; aulTî la racine de la trompe fort de
l'endroit qui correfpond à celui des narines
dans les autres quadrupèdes. Les défenfes
avoient deux pies de longueur Se quatre
pouces de diamètre vers leur racine ; elles
étoient un peu recourbées en haut , &
fbrtoient de la mâchoire fupérieure , à
cinq pouces au defïus du bord de la lèvre :
il n'y avoit que huit dents , quatre en
chaque mâchoire , deux de chaque côté;
la longueur de la plus, groflè étoit de quatre
épais
en
plu-
couvert
de
par
les
une îiifi-
mémoires
E LE loi
pouces 0 la largeur , d'un pouce Se demi. Il
fè trouvoit fur la peau des crins ou des
foies plus grofïès que celles des fangliers j
elles étoient noires - luifantes , d'une grollèur
égaie depuis la racine jufqu'au bout , qui
paroiffoit coupé : il y en avoit peu, Se
feulement fur quelques parties ; lavoir la
rrompe , les paupières , Se la queue d'un
bout à l'autre , jufqu'à la houpe de l'extré-
mité. La longueur des foies de la trompe -
étoit d'un pouce Se demi. La peau avoit
des rides de deux efpeces ; les unes
étoient des lignes creufées comme nous
les avons au dedans des mains; les autres
étoient élevées comme elles le font au
defïus des mains aux perfonnes vieilles
Se maigres. Les rides rendoient la" peau
de l'éléphant fort vilaine , étant couverte
d'un épiderme gris-brun ,
fieurs endroits , cailleux ,
crade, Se comme déchiré
nité de gerçures. Voye-^
pour fervir a l'hijîoire naturelle des ani-
maux , drcjfés par M. Perrault , troifieme
partie.
Les élêphans fe trouvent en Afie Se en-
Afrique. Ceux de l'Ane font les plus grands >
on prétend qu'ils ont jufqu'à treize , qua-
torze ou quinze pies , Se même plus , de
hauteur depuis terre jufqu'au defïus du dos»
On a vu des défenfes qui pefoient cent
foixante livres : fans doute elles venoient
des élêphans d'Afie , car on allure qu'il y
en a du poids de deux cents livres. On
prétend qu'il s'en eft trouvé en Afrique
du poids de cent vingt-cinq livres ; les
Anglois en ont rapporté de cette partie
du monde , qui avoient plus de huit pies
de longueur , Se qui pefoient quatre-vingt-
dix livres. On dit que la mefure ordinaire
des élêphans d'Afrique eft de neuf ou dix
pies de longueur , Se de onze ou douze de
hauteur. Il y a dans l'île de Ceylan un
très-grand nombre êCéléphans , au rapport.
du capitaine Ribeiro , Hijl. de Ceylan ,
ijot. Les plus grands ont neuf coudées
depuis la pointe du pîé jufqu'à l'épaule.
Plufieurs auteurs s'accordent à dire que les
élêphans de cette île font mieux faits %
plus courageux , Se ont plus d'inftintt que
les autres , quoiqu'ils foient plus petits. Les
élêphans fout de couleur brune 5 il y en
ioi E L E
a quelques-uns de blancs dans les Indes ,
mais ils font très-rares.
L'éléphant alonge & raccourcit fà
trompe ; il dirige l'extrémité en haut , en
bas , de côté ou en arrière : elle eft flexible
en tout iens , il la meut à (on gré & félon
les beloins ; car il s'en fert comme d'un
bras 8c d'une main. Il embrafiè avec fà
trompe tout ce qu'il veut loulever ou en-
traîner , par le moyen d'un rebord qui eft
au bout , 8c du prolongement de ce rebord ,
qui reffemble à une forte de doigt , il faiiit
les chofes les plus petites. C'eft fur- tout
à l'aide de ce doigt qu'il montre une adrelîe
•dont on ne croiroit pas qu'un animal fî
mafïîf fut capable. Enfin c'eft avec fà
trompe qu'il porte à ia bouche tous les
-alimens , foit iolides , foit liquides ; mais
pour entendre la méchanique qu'il emploie
à ecz effet , il faut fe fouvenir que les deux
ouvertures des narines font au fond de la
:cavité qui fe trouve à l'extrémité de la
trompe : c'eft par cet organe qu'il refpire :
auflî f luiîeurs voyageurs ont regardé la
trompe comme un nez fort alongé. L'air
qui pailè par cette trompe dans l'infpira--
tion 8c dans la refpiration , la rend propre
à la fuccion , 8c lui donne la force de
.projeter les chofes qui fe trouvent dans
i'a cavité. Lorfque l'animal applique les
bords de l'extrémité de cette trompe fur
qu.e'.que corps , 8c qu'il retire en même
temps fon haleine, ce corps refte collé
contre la trompe ,. 8c en luit les difFérens
mouvemens. C'eft ainfi que l'éléphant enlevé
des chsfes fort pefantes , Se même jufqu'au
poids de deux cents livres. Lorfqu'il a
k>if, il trempe le bout de ia trompe dans
l'eau , 8c en infpirant il remplit d'eau toute
la cavité de la trompe •; enfuite il la re-
courbe en defibus , pour en .porter rextrê-
mité dans fi bouche : alors l'animal pour-
voit aiiement faire couler l'eau de la
trompe dans la abouche , par un mouvement
d'expiration ; mais de cette façon il ne
l'avalerait pas fuis qu'il en entrât dans le
larynx , puiique .ce mouvement d'expiration
fuppofe nécefiairement que Fépiglotte eft
levée : auiïi Y éléphant enfonce ia trompe
>ufques dans le goder au delà de l'épiglotte ,
Ce on entend un grand bruit que fait l'eau
çn fortant de h irompe pour defeendre
E L E
dans l'œfophage. D'ailleurs on ne volt
aucun mouvement de fuccion dans les
lèvres , ce qui prouve que l'eau eft pouftee
par l'expiration , 8c non pas attirée pat
la fuccion. De même quand l'éléphant
prend l'herbe , il l'arrache avec fa trompe
8c en foit des paquets qu'il porte au fond
de fa bouche. Ces obiervations ont fait
prélumer qu'il tette aufîi avec fa trompe,
mais on n'a jamais vu d'éléphant tetter;
on n'a jamais vu non plus qu'il prît
aucune choie immédiatement avec fa
bouche, ii ce n'eft qu'il reçoit ce qu'on
y jette. Il fait jaillir au loin 8c dirige à fon
gré l'eau dont il a rempli fa trompe : on
dit qu'elle en peut contenir plufieurs féaux.
Loriqu'on mené l'éléphant au combat, on
attache à l'extrémité de la trompe une
chaîne ou un fabre nu , dont il fe fert avec
beaucoup d'adrellè pour frapper l'ennemi.
L'éléphant a beaucoup d'inftinâ: 8c de
docilité ; on i'apprivoife fi aifément , 8c
on le foumet_ à tant d'exercices différens ,
que l'on^ eft furpris qu'une bête auiïi lourde
prenne fi facilement les habitudes qu'on
lui donne. Pour le conduire on fe met
à cheval fur fon cou ; orr tient à la main une
grolîè verge de fer très - pointue par un
bout , &c terminée à l'autre par un crochet
très-fort & auiîi très-pointu ; on iè fert
de la pointe au lieu d'éperon , 8c le cro-
chet fupplée à la bride ; car on pique
l'animal aux oreilles 8c au mufeau pour
diriger fa marche, le conducteur étant
ainiî pofté. On fe place fur le dos de l'élé-
phant : les femmes fe fervent , comme les
hommes , de cette monture ; mais on dit
qu'elle eft fort incommode , 3c qu'on aime-
roit mieux faire dix lieues fur un cheval ,
qu'une ieule fur un éléphant. On leur fait
auflî porter des tours , dans lesquelles on
place pluiieurs hommes armés pour la
guerre. Ces tours, au moins celles dont
parle Pietro délia Vaile dans les Voyages ,
font longues 8c larges comme un grand
• lit, 8c placées en travers fur le dos de
l'éléphant ; elles peuvent contenir fîx ou
iept perionnes ailifes à la manière des
Leva.nraiits : il y en a d'autres où dix ou
douze combatcans peuvent fe placer. Pour
les voyages dès iernmes de qualité & des
£r:.r.di .iV'g-.uis / les éléihai.s on; au lieu
E L E
clé tours , des pavillons richement ornes ,
dans lefquels on peut s'afleoir ou fe cou-
cher. Les éléphans portent aufli de toutes
fortes de fardeaux ,. jufqu'à de petites pièces
de canon fur leurs affûts. Au rapport de
Thevenot ( voyage du Zev. ) x la charge
des plus forts éléphans eft de plus de trois
mille livres. Cet animal a le pie ii sûr ,
qu'il ne bronche prefque jamais. Il fait
beaucoup de chemin en peu de temps ,
à caufe de la longueur de fes jambes : en
allant le pas , il atteint un homme qui
court. Lorfqu'on le prefle , il peut faire
en un jour le chemin de fix journées ; il
court comme le cheval , au galop , & il
fend l'eau avec autant de vîtene qu'une
chaloupe de dix rames. Lorfqu'on eft pour-
suivi par cet animal , on ne peut l'éviter
qu'en faifant des détours , parce qu'il n'eft
pas auffi prompt à fe retourner de coté
qu'à marcher en avant. Les éléphans plient
les jambes de devant , & même celles de
derrière. Lorfqu'on veut les charger on
monte deffus, 6c ils aident avec lejr trompe.
Lorfqu'ils font en voyage , ils ne ie couchent
que rarement ; mais dans d'autres temps
ils fe couchent toutes les nuits , 8c fe relè-
vent avec beaucoup de facilité. Ces ani-
maux font fort commodes & fort utiles
pour le fervice qu'ils rendent , mais ils
coûtent beaucoup à nourrir. Thevenot dans
ion voyage du Levant , dit qu'à Delh'y ,
outre la viande qu'on leur fait manger ,
& l'eau -de -vie qu'on leur fait boire, on
leur donne une pâte de farine, de fucre
& de beurre , & chacun en confoœme au
moins par jour pour une demi - piftole.
Fr. Pierre de Laval rapporte dans fes
voyages, qu'un éléphant mange cent livres
de riz par jour : ils prennent tout ce qu'on
leur donne , principalement du bifeuk. Un
feul de ces animaux peut manger en un
jour ce qui fuffiroit pour nourrir- trente
hommes durant une femaine ; cependant
on en a vu fe palier de manger pendant
huit ou dix jours. Les éléphans fauvages
vivent d'herbe , de fruits , 8c de branches
d'arbres, dont ils mâchent du bois allez
gros.
Ces animaux font fort tranquilles', St ne
s'irritent que lorsqu'on les oflfenfe ; alors ils
' drelfent les oreilles & la trompe,, & c'eft
E L Ë io 3
avec la trompe qu'ils renverfent les hommes
ou les jettent au loin , arrachent des
arbres , 8c foulevent tout ce qui leur fait
obftacle. Lorfqu'ils ont terraffé un homme
8c que leur fureur eft grande , ils l'entraî-
nent à l'aide de leur trompe contre leurs
pies de devant , 8c marchent de {fus ou le
maflacrent en le frappant 8c le perçant,
avec leurs défenfes. C'eft aulii par les
coups redoublés de ces défenfes qu'ils abar-
tent des murs , 8c qu'ils frappent fur les
chofes que leur trompe ne peut pas faiiir.
Ils craignent le feu ; on arrête leur fureur
en leur jerant des pièces d'artifice enflam-
mées. Cet animal fi grand 8c il fore eft
expolé aux infultes des plus vils infectes :
les mouches l'incommodent en le piquant
dans les endroits où fa peau eft gercée ;
c'eft pourquoi il a foin de jeter avec fa
trompe de la pouffiere fur fbn corps , 8c
de fe rouler fur la terre eh fortant dit
bain : car il ne manque pas de fe baigner
fou vent , fbit pour faire tomber la croûte ;
que la pouffiere a formée fur fa peau,
(bit pour ramollir fbn épidémie qui eft fujet
à fe deftécher ; on le frotte d'huile pour
prévenir ce defféchement. En fronçant fa
peau il éerafe les mouches qui fe trouvent
dans les gerçures. Ses ennemis les plus
redoutables font le rhinocéros, le lion , le
tygre 8C les ferpens , mais fur-tout le tygre,
parce qu'il faifït l'éléphant par la trompe
8c la met en pièces. Les Nègres lui donnent
la chafte , parce qu'ils- vendent fes défenfes
'8c mangent fa chairr
! Lorfque les éléphants font en chaleur ils
deviennent furieux ; mais , au rapport de
Tavernier-, cela n'arrive guère à ceux
qui font apprivoifés. On prétend que la
femelle amoncelé dès feuilles avec fi
trompe , en fut une- forte de lit , s'y
couche fur- le- dos qusnd elle veut rece-
voir le mâle, 3c l'appelle par des cris ;
<jue leur accouplement ne fe fait que* dans
les lieux les plus écartés & les plus folitai-
res-, & que les femelles portent pendant
dix ans. Quelques auteurs difent qu'elles-
ne- conçoivent qu'une- fois en fepr ans ,
& que leur portée n'eft que d'un an , de
'dix-huit mois , de deux ans, ou de deux1
ans «Se demi ; -que chaque portée eft d'un
feul fœtus? D'autres foudennent qu'il y» en
204 E L E
a trois ou quatre , 8c que la mère les
allaite pendant fèpt ou huit ans ; mais
tous ces faits font très-incertains , on n'a
pu les obferver fur les éléphans domefti-
ques , puifqu'ils ne s'accouplent pas , 8c
il n'eil guère poffible de fuivre des éléphans
fauvages d'aflèz près & allez long - temps
pour faire de telles obfervations. La durée
de leur vie n'eft guère mieux connue; on
a dit que ces animaux vivoient jufqu'à
trois , quatre ou cinq cents ans , & qu'ils
grandifïent pendant la moitié de leur vie:
d'autres affurent qu'elle ne dure que cent
vingt , cent trente s ou cent cinquante
ans , &c.
On a mis l'éléphant au rang des animaux
fifïipedes , dans les divifions méthodique*
des quadrupèdes. En effet il a cinq doigts
à chaque pie , mais ils font entièrement
léunis & cachés fous la peau. Les ongles
ne font pas vraiment des ongles j ils ne
tiennent pas aux doigts comme il a déjà
été dit , & leur nombre varie , puifque
Y éléphant de Verfailles n'en avoit que trois
à chaque pie* , tandis qu'on en montrait un
autre à Paris qui venoit des Indes , & qui
en avoit quatre. Cependant le P. Tachard
a obfervé que tous les éléphans qu'il a vus
à Siam , avoient cinq ongles.
Il y a eu diverfes opinions fur les dé-
fenfes de l'éléphant. On a cru que la plu-
part des femelles n'en avoient point , 8c
qu'elles étoient très-courtes dans les autres ;
qu'elles fortoient de la mâchoire inférieu-
re , 8c qu'elles tomboient chaque année.
Mais les défenfes de l'éléphant femelle de
Verfailles , tenoient à la mâchoire fupé-
rieure ; elles étoient longues , 8c n'ont
pas tombé pendant les treize ans quti a
été à la ménagerie. Quelques auteurs ont
prétendu que ces défenfes étoient des
dents : d'autres ont foutenu qu'on devoit
les regarder comme des cornes ; en effet
leur fubftance qui eft l'ivoire ( Voye^
Ivoire) s'amolit au feu , ce qui n'arrive
pas à celle des dents ; 8c l'os duquel fbrtent
ces défenfes eft diftinct &c féparé de celui
duquel fortent les dents : ce qui prouve
qu'elles font de véritables cornes.
On feroit une longue hiftoire de l'élé-
phant , h" Ton rapportoit tout ce qu'on a
dit de fon inftinâ , 8c tous les détails du
E L E
cérémonial établi chez difFérens peuples",'
qui ont beaucoup de vénération pour cçt
animal ; on verrait que l'amour du merveil-
leux a fait croire que l'éléphant a des vertus
8c des vices , qu'il eft charte & modefte ,
orgueilleux & vindicatif, qu'il aime les louan-
ges, qu'il comprend ce qu'on lui dit , &c. Des
nations entières ont fait des guerres lon-
gues 8c cruelles , 8c des milliers d'hommes
K font égorgés pour la conquête de l'élé-
phant blanc. Cent officiers foignent un
éléphant de cette couleur à Siam ; il eft
fervi en vaiflèlle d'or , promené fous un
dais , logé dans un pavillon magnifique
dont les lambris font dorés. Plufieurs rois
de l'Orient préfèrent à tout autre titre ,
celui de pofjejfeur de V éléphant blanc. Mais
c'en eft allez fur ce fujet , qui eft fort
étranger à l'hiftoire naturelle de l'éléphant.
Les éléphans fauvages vont par troupes.
Il y a plufieurs manières de les prendre
8c de les apprivoifer. Au royaume de
Siam 3 des hommes montent fur des élé-
phans femelles , 8c fe couvrent de feuil-
lages pour n'être pas apperçus des éléphans
fauvages qu'ils vont chercher dans les fo-
rêts : dès qu'ils fe croient à portée de
quelques - uns de ces animaux , ils font
crier les femelles fur lefquelles ils font
montés ; les mâles répondent à ces cris
par des hurlemens effroyables , 8c s'appro-
chent des femelles , que les hommes font
marcher vers une allée fermée par des
palifîàdes ; les mâles fuivent les femelles ,
8c dès que l'un d'eux eft entré dans l'allée ,
on fait tomber deux couliflès 9 une par-
devant l'éléphant fauvage , 8c l'autre par
derrière: de forte qu'il fe trouve enfermé
fans pouvoir avancer , ni reculer , ni fe
retourner. Il jette des cris terribles , 8c
fait des efforts étonnans pour fe dégager ,
mais c'eft en vain ; alors on tâche de le
calmer 8c de l'adoucir , en lui jetant des
féaux d'eau lur le corps; on verfe de
l'huile fur fes oreilles , & on fait venir
des éléphans privés mâles 8c femelles qui
les careflènt avec leurs trompes. Pendant
ce temps-là , on lui pafîè des cordes fous
le ventre 8c aux pies de derrière , 8c enfin
on fait approcher un éléphant privé. Un
homme eft monté deflus 8c le fait avancer
& reculer , pour donner exemple à X éléphant
fauvage \
E L E
Auvage ; enfuite on levé la coulîfle qui
l'arrête , & auflî - tôt il avance jufqu'au
bout de l'allée : dès qu'il y efl arrivé , on
met à Tes côtés deux éléphans domefti-
ques , que l'on attache avec lui ; un troi-
lieme marche devant , & le tire par une
corde ; & un quatrième le fuit , & le fait
marcher à grands coups de tête qu'il lui
donne par derrière. C'eft ainli qu'on con-
duit Y éléphant fauvage jufqu'à une efpece
de remife , où on l'attache à un gros pilier
qui tourne comme un cabefïan de navire;
on le laille là pour lui donner le temps
d'appaifer fa fureur. Dès le lendemain il
commence à aller avec les éléphans privés ,
& en quinze jours il efl entièrement appri-
tfoifé.
Le roi de Siam a encore une autre façon
<3e faire la chafle aux éléphans : mais elle
■demande beaucoup d'appareil. On com-
mence par attirer le plus grand nombre
tféléphans fauvages qu'il efl poflible dans
un parc fpacieux , environné par de gros
pieux qui laiflent de grandes ouvertures de
oiftance en diftance ; on les y fait venir
par le moyen d'une femelle , ou en les
épouvantant par le fon des trompettes ,
des tambours , des hautbois , & fur-tout
par le feu dans divers endroits de la forêt ,
pour les faire aller dans le parc. Lorfqu'ils
y font arrivés , on lait autour une enceinte
■a éléphans de guerre , pour empêcher que
les éléphans fauvages ne franchiflènt les
paliflades ; enfuite on mené dans le parc
à-peu-près autant & éléphans privés , des
plus forts , qu'il y a ftéléphans fauvages.
Les premiers font montés chacun par deux
chaflèurs , qui portent de grofTes cordes
à nœuds coulans , dont les bouts font
attachés à Yéléphant. Les conducteurs de
chacun de ces éléplians les font courir
contre un éléphant fauvage , qui fuit aufli-
tôt & fè préfente aux ouvertures du parc
pour en fortir ; mais il eft repouflé par
les éléphans de guerre qui forment l'en-
ceinte du dehors ; & pendant qu'il marche
ainfi dans le parc , les chaflèurs jettent
leurs nœuds fi à propos dans les en-
droits où il doit mettre le pié , qu'en
peu de temps tous les éléphans fau-
vages font attachés. On les met entre
des éléphans privés pour les conduire ,
Tome XII.
E L E ioy
comme dans la charte dont il a déjà été
fait mention.
Au Pégu on emploie pour cette chafle plus
d'art , mais moins de monde. On a plufieurs
femelles dreflees au manège qu'elles doi-
vent faire dans cette occafion ; on les frotte
aux parties de la génération avec une huile
fort odoriférante , que les mâles fentent de
loin ; on mené ces femelles dans les forêts ,
& bientôt les éléphans fauvages accourent
de toutes parts , & les fuivent : alors elle*
prennent le chemin d'un parc environné
de gros pieux plantés à telle diflance l'uii
de l'autre , qu'un homme peut paflèr entre"
deux , mais non pas un éléphant y excepté
à l'entrée du parc où il y a une grande
ouverture qui fe ferme par une herfe. Il
fe trouve auflî entre les pieux plufieurs
portes qui communiquent chacune dans
une écurie , & que l'on peut fermer par
des couliflês. Lorfque les femelles privées
font entrées dans le parc avec les éléphans
fauvages , on fait tomber la herlè pour
clore la grande ouverture ; enfuite les
femelles entrent dans leurs écuries , & on
baiflè la couliflè des portes. Les éléphans
fè voyant feuls & enfermés , entrent en
fureur; ils pourfuivent les hommes qui fè
trouvent dans le parc pour faire les ma-
nœuvres néceffaires : mais ceux-ci s^échap-
pent entre les pieux , que les éléphans
frappent avec leurs défenfes ; mais ils caf-
fènt fouvent leurs défenfes , au lieu de
brifer les pieux : ils jettent de grands cris ,
ils pleurent , ils gémiflent , & font des
efforts de toute efpece pendant deux ou
trois heures ; enfin les forces leur man-
quent , ils s'arrêtent , la fueur coule de
toutes les parties de leur corps , ils laiflent
tomber leur trompe a terre , & il en fort
une grande quantité d'eau. Lorfqu'ils font
dans cet état , on fait fortir les femelles
de leurs écuries , elles rentrent dans le
parc , & fe mêlent parmi les éléphans
fauvages. Bientôt elles vont dans d'autres •
écuries qui font deflinées à ces éléphans f
chacun fuit une femelle & entre après elle
dans une écurie ; mais il s'y trouve feul ,
car la femelle fort par une porte de der-"
riere ; auill-tôt on enferme Yék'phant fau-
vage dans cette écurie où il fe trouve fore
ferré ; on l'y tient lié ; il parte quatre ou
Q
lo£
E L E
cinq jours fans vouloir ni manger , ni boire ;■
enfin il s'accoutume à fon eiclavage , &
en huit jours il fe trouve bien apprivoifé.
A Patane , qui efl un royaume dépen-
dant de celui de Siam , on mené feule-
ment un grand éléphant privé dans le bois ;
dès qu'un éléphant fauvage l'apperçoit , il
vient l'attaquer : ces deux éléphans croi-
sent leurs trompes en s' efforçant de fe
jrenverfer l'un l'autre ; pendant que la
trompe de l'éléphant fauvage eft embar-
raffée , on lui lie les jambes de devant ,
alors il n'oie plus fe remuer , parce qu'il
craint de tomber : ainfi il efl aile de l'ap-
privoifer par la faim.
On tend auili des chauffes-trappes pour
faire tomber les éléphans fauvages dans des
foffes , & enfùite on les lie avec des cordes.
JJéléphant s'apprivoife en peu de temps :
trois jours fuffifent , fi on les prive de nour-
riture , ou fi on les empêche de dormir.
On les prend plus facilement lorfqu'ils font
très-jeunes. Voye\ le premier voyage de
Siam , par le P. Tachart ; les mémoires
pour fervir à t'hiftoire naturelle des ani-
maux y qui a déjà été citée ; & plujieurs
relations de voyageurs dont cet article a
été extrait. Voye\ QUADRUPEDE. (I)
ÉLÉPHANT, (Mat. méd.) de toutes
les parties de cet animal , il n'y a que les
dents qui foient en ufage ; elles font connues
ibus le nom d'ivoire. Voye\ IVOIRE.
*ÉLÉPHANS , (Hifl. anc. ) les anciens
employèrent cet animal dans leurs armées ,
les Orientaux s'en étoient fervis avant eux ;
les Perfans & les Indiens en avoient mené
en troupe au combat. Il étoit difficile de les
bleffer. Ils écrafoient fous leurs pies tout
ce qui s'oppofoit à eux ; ils portoient des
tours fur leur dos , d'où des foldats armés
faifoient pleuvoir des traits , des flèches ,
des pierres , & des javelots fur leurs en-
nemis. Ils étoient dreflés à faifir les hommes
îtvec leur trompe , & à les jeter dans la
tour qu'ils portoient. Ils rompoient les
rangs ; ils épouvantoient les chevaux. Lors-
qu'on fe fut accoutumé à cette efpece
de péril , on réfifla aux éléphans avec le
feu , avec des poutres aiguës plantées
devant les rangs , des haches dont on leur
coupa les pies , des armes en forme de
iaulx dont va leur trancha la trompe :
E LE
de longues piques qu'on leur enfonça fous
la queue , où ils ont la peau moins épaiffe ;
enfin on leur oppofa d'autres éléphans. On
vit alors les animaux les plus terribles
prendre part dans les querelles des hom-
mes , & s'entre-détruire pour les défendre
ou les venger.
Les Romains qui en virent pour la pre-
mière fois dans l'armée de Pyrrhus , les
prirent pour des bœufs de Lucanie , une dé-
faite totale fut la fuite de leur ignorance.
Dans la fuite ils firent marcher eux-mêmes
ces animaux contre leurs ennemis : ce fut
une partie principale du butin qu'ils firent
fur les Carthaginois. Ils en oppofèrent
pour la première fois à Philippe ; ils en hono-
rèrent leurs triomphes ; ils en expoferent
dans les jeux du cirque , où l'on vit quel-
quefois des éléphans vaincus par des hom-
mes. C'étoit un bel exemple de la fupé-
riorité de l'induftrie fur la force. On dit
qu'ils en drefferent à marcher fur des cordes
tendues. Ils en attelèrent à leurs chars.
Céfar fe fit éclairer par quarante éléphans ,
qui portoient devant lui des flambeaux à
la guerre. On appelloit \oarque celui qui
commandoit un éléphant ; thérarque celui
qui en commandoit deux ; alpthérarque y
celui qui en commandoit trois ; hylarque ,
celui qui en commandoit huit ; chératarque 9
celui qui en commandoit vingt ; & phallan-
garque } celui qui en commandoit foixante-*
quatre.
ÉLÉPHANT, ( Myth. Médailles. )
L' 'éléphant fur les médailles efl un des fu-
jets qui ont le plus exercé les antiquaires ,
pour en deviner les diverfes lignifications.
Il marque ordinairement les jeux publics
& les triomphes , où l'on prenoix plaifir
de faire voir au peuple ces fortes d'ani-
maux. Dans les médailles de Jules-Céfar
fur la fin de la république , où il n'éroir
pas permis de mettre fa tête fur les mon-
noies , on imagina pour flatter fon ambi-
tion de mettre à la place cet animal ; parce
qu'en langue punique , Céfar fignifioit un
éléphant. Aufîi dans la fuite, Y éléphant
fut pris pour une marque de la puifïance
fouveraine : il efl vrai cependant qu'il dé-
figne ailleurs le fymbole de l'éternité , ou
celui de la piété envers Dieu. Mais pour
abréger , ioye\ Spanjieim , numifmata $
E LE
Begeri , thefaurus Brandenburgicûs ,* &
fur-tout Cuper (Gisbert), de elephantis ,
&c. Hagœ-Comit. lj 19 > in-folio, fig.
Art. ce M. le Chef.', de J au court.
ÉLÉPHANT , nom donné à un ordre
militaire ancien & fort honorable que
confèrent les rois de Danemarek , & qu'ils
n'accordent qu'aux perfbnnes de la plus
haute qualité , & d'un mérite extraordi-
naire.
On l'appelle V ordre de V éléphant , parce
qu'il a pour arme un éléphant d'or émaillé
de blanc , chargé d'une tour d'argent ma-
çonnée de fable , fur une terrafîe de fynople
émaillée de rieurs. Cette marque de l'ordre
efl ornée de diamans , & pend à un ruban
bleu , onde comme le cordon bleu en
France. Charniers. (G)
ÉLÉPHANT (île de V) , ( Géogr. )
i\e de l'Indoftan fur la côte du Malabar.
Elle a été ainfi nommée , de la figure d'un
éléphant qu'on voit taillée dans le roc ,
grande comme nature. Il y a au même en-
droit un cheval de pierre , une pagode ,
avec une quarantaine Je figures gigantes-
ques , rangées fymmètriquement. Les païens
de cette île en . ont fait l'objet de leur
culte.
Éléphant, ( Blafon ) meuble qui
entre dans quelques ccus , il repréfente le
plus grand des animaux quadrupèdes.
L'éléphant fur les médailles efl l'hiéro-
glyfe de l'éternité , parce qu'il vit plus
d'un fiecle.
Il efl auffi le fymbole de la piété , parce
c^u'on dit qu'il s'incline devant le foleil à
ion lever & à fon coucher.
Heudé de Blacy en Champagne , de
gueules à un éléphant d'argent y appuyé
contre un palmier d'or.
ÉLÉPHANTIASE ou ÉLÉPHAN-
TIE, f. f. ou ELEPHANTIAS, f. m.
( Méd. ) c'efl le nom que les Grecs ont
donné à la maladie de la peau , que les
Arabes appellent lèpre.
Celle qui eil la lèpre des Grecs , efl
nommée par les Arabes , albara nigra :
c'efl une efpece de gale à un plus haut
degré de malignité ; ainfi elle ne diffère de
la gale que l'on voit communément , que
par l'intenfité des fymptomes. Voye\ Gale ,
I-EPRE,
E LE 107
La lèpre des Arabes efî encore plus
violente que celle des Grecs. De toutes
les maladies dans lefquelles les tégumeris
font affectés de différens genres de pullu-
les , de tubercules , d'ulcères , il n'en efl
point qui réunifie autant de ces divers
maux , & qui afie&e fi généralement toutes
les parties du corps , d'une manière fi hor-
rible & fi digne de compaffion en même
temps , que Yéléphantiafe ; ce qui l'a fait
regarder comme un chancre univerfel par
./Eginette (lib. /K.) , & par prefque tous
les auteurs qui l'ont décrite après lui. On
lui a donne le nom Yéléphantiafe y foit parce
que cette maladie efl aufîi .grande par la
nature de fes fymptomes , & auffi forte par
la difficulté de la guérir , entre toutes les
autres maladies connues , que l'éléphant fuf-
pafîe en grandeur & en force tous les autres*
quadrupèdes ; foit parce que ceux qui font
affectés de cette efpece de lèpre ont le
corps & les extrémités inférieures- fur-tout
tuméfiées & fi roides , qu'ils ne peuvent
pas les plier : ce en quoi on les comparoit
aux éléphans , dont les anciens croyoient les
jambes fans jointures ; foit parce que cette
maladie rend la peau gonflée , rude , iné-
gale , ridée , couverte d'écaillés , de tubé-
rofités , avec un grand nombre de fentes
fillonnées & de crevaffes , comme l'efî
celle des éléphans. Cette dernière raifon
paroît la plus vraifemblable. On lui a auffi
donné , félon Galien , dans fon livre de.
Tumoribus 9 cap. xiv , le nom de faty-
ryafmum y parce que lorfqu'elle commen-
ce , elle rend les malades extrêmement las-
cifs , & par-là femblables à des fàtyres *
ou parce qu'elle défigure le vifage , & lui
donne quelque reffemblance avec la figure
fous laquelle on repréfente les fatyres. On
la défigne aufîï par le nom de leontiajis ,*
il efl tait mention de ce nom dans Aëtius >
tetracl. 4, parce que ceux qui en font
afFe&és ont le front chargé de grofîes rides f
Palpée! furieux , effrayant , comme le lion :
en forte que ce mal efl auffi cruel que cet
animal. On l'appelle encore le mal de
faint Lazare , parce qu'on le croit le
même que celui du mendiant nommé
Lazare , tout couvert d'ulcères , dont il
efl fait mention dans l'Évangile.
Cette cruelle maladie ne paroît pas tout
O 2.
ïoS E L E
d'un coup dans toute fa force , lès Symptô-
mes ne femblent naître que par degrés : car
avant que les parties extérieures {oient
affectées , les malades fe fentent une pe-
fanteur de corps qui les engourdit & les
rend lents à fe mouvoir , font fujets à la
conftipation , leurs urines font femblables
à celles des bêtes de fomme , leur haleine
devient forte , la peau des joues s'épaifîlt ,
il s'élève des tumeurs dures fur le vilage
& principalement fur le front ; & lorique
le mai augmente plus considérablement , il
fè forme des tubercules & des pullules fur
toute la furface du corps. *
Il y a fix fymptomes , félon Gui de
Chauliac , ( mag. chirg. tract. 6. ) qui cons-
tituent des lignes caractériffiques de Yele-
phantiajis ; lavoir , la rondeur des yeux
& des oreilles , la dépilation , l'épaifïèur ,
& l'élévation de la peau des fourcils ; ta
dilatation & la diftorfion des narines en
dehors , & le refferrement de leurs cavités
en dedans ; la mauvaife odeur des lèvres ,
& la voix rauque , comme lorfqu'oa parle
du nez ; la puanteur de la bouche & de
toute la perfonne j le regard fixe & qui
fait horreur.
Le même auteur rapporte encore feize
autres fignes équivoques de cette mala-
die , dont voici les principaux : la peau
fe hérifîê d'inégalités en forme d'écaillés ;
il s'en fépare une grande quantité qui renaît
bientôt après ; le fentiment qui eft d'abord
beaucoup émouffé dans les extrémités in-
férieures , avec des crampes continuelles ,
fe perd à la fuite entièrement > enforte
qu'il ne peut prefque pas être excité par
la piquure faite avec des aiguilles quoi"
que enfoncées profondément ;r la peau
en général devient infenfible par degrés ,
au point de ne relTentir à la fin aucune
douleur , même par l'afperfion de l'eau
bouillante qui glifife defllis comme fur un
corps onctueux. Les cheveux tombent aulli
bien que les poils des ailfelles , des aines ,
& il renaît à la place une efpece de duvet :
les lèvres font enflées , épailîès , les gen-
cives rongées , la langue , le pakis , les
oreilles fe garnilfent d'une infinité de petits
grains comme des durillons ; une foif ar-
dente tourmente jour & nuit ; & félon
}a delcription qu'Arctée donae ,de cette
E L E
maladie {lib. IV, cap. xlîj) , la ?ace >
les cuilfes , les jambes s'enflent d'une
manière énorme , & quelquefois tout le
corps , en forte que les doigts des pies ,
même ceux des mains font enveloppés &
cachés fous l'enflure : enfin lorique le mal
eff au fuprême degré , les tubercules
s'exulcerent dans toutes les parties du,
corps -y les bords des ulcères deviennent
calleux , & cependant très - tendres &;
fufceptibles de donner du fang par la
moindre irritation ; il s'en forme fouvent
dans l'intérieur de la bouche , dans le
gofier ; il s'y répand un pus de mauvaiie
qualité, une finie, qui font de très-mau-
vaife odeur ; & le corps ainfi affecté dans,
toutes fes parties , ne paroît bientôt plus
que couvert d'un- feul, ulcère comme uru
chancre urtiverfel ; jufqu'à ce que la fièvre
lente qui fe joint inévitablement à tous
ces fymptomes , & la pourriture de toutes.
les parties tant internes qu'externes , aient;
rongé & confommé jufqu'aux os la fubf»-
tance des. miférables qui font dans un fi,
trille état, & leur aient ôté le peu de
vie qui reftoit encore dans leur corps,
changé en affreufe charogne ,. quelquefois,
long - temps même avant la mort ; car
malgré tant de maux qui font produits
par cette maladie , elle ne laine pas d'être*
ordinairement de longue durée ; elle doit
par conféquent ,. félon Celfe , lib. IH >,
cap. xxv [y être mife au nombre des chro--
niques h quelque violente qu'elle foit..
Telle eu l'hiftoire de cette maladie qui:
porte un caractère de malignité exceffive
& qui elf des plus contagieufes ; en forte-
que ceux qui en font attaqués fe voient
abandonnés de: tout le monde, même de
leurs domeltiques & de leurs parens qui-
craignent d'en approcher : c'elt en con-
lequence qu'on a pourvu dans plufieurs
états à leur fournir un afyle où ils puiC-
fent fe mettre & finir leurs jours malheu-
reux dans des hôpitaux ( dits de faint
Lazare) , fondés à cet effet ; on les
oblige à fe féparer de la fociété & à s'y
renfermer dès qu'ils font déclarés tels ;
d'autant plus que Y éléphantias fe commu-
nique aiiement par le commerce ordinaire
de la vie, lùr-tout li l'on couche avec
ceux qui en (ont infeftés , & par ]& coït ;
ÎLE
iofflme ïe rapporte Gordon , Lib. T, cap.
Sxijt ce qu'il confirme par plufieurs exem-
ples : il peut être aufli héréditaire.
C'eft mal-à-propos qu'on a voulu con-
fondre Y éléphamiafe ou lèpre des Arabes
avec la vérole ; attendu que celle - là
toute contagieufe qu'elle eft, peut _ aufli
être contractée par le défaut de régime ,
par l'ufage de mauvais alimens félon le
témoignage des anciens médecins : ce qui
n'arrive jamais par rapport à celle-ci , qui
ne fe communique que par contagion.
jLa vérole commence îbuvent par l'affec-
tion des parties génitales , Yéléphantiafe
n'attaque jamais particulièrement ces or-
ganes : cette maladie-ci rend les malades
extrêmement lafcifs : c'eft tout le contraire
à l'égard de celle-là : celle-ci eft le plus
fouvent fufceptible de guérifon ^ celle-là
ne l'eft jamais loriqu'elle eft confirmée , &c.
Enfin , la lèpre des Arabes ou Yéléphan-
tiafe eft une maladie à peine connue &
vue en Europe dans ces derniers fiecles ,.
& dont le traitement n'a point été appli-
qué à .la vérole : V éléphantias eft endémi-
que en Syrie & en Egypte ; il eft abfo-
lument étranger dans la partie du monde
que nous habitons , il n'y a été répandu
que deux fois félon le témoignage des his-
toriens & des médecins , & il s'y eft éteint
en peu de temps. Pline dit , hifl. nat. lib.
III , qu'elle étoit inconnue en Italie juf*
qu'au temps du grand Pompée : Lucrèce
donne à entendre qu'elle étoit particulière
^.l'Egypte, lib.lV^
JEfl elephas morbUs qui propter fia-
mina Nili >
Qignitur JEgypto in média] 3 neque
prœterea ufquam.
Ce qu'il y a de sûr, c'èft qu'elle a
toujours été plus commune dans les pays
chauds , & que quand l'Europe en a été
infe&ée , fcs parties méridionales en ont
plus fouffert que les feptentrionales : &
en France elle s'eft aufîi fait plus fentir en
Provence & en Languedoc , que dans le
refte du royaume ; il confie cependant
qu'elle s'eft aufîi répandue dans quelques
endroits de l'Allemagne.
Pomme la lèpre des Arabes & çejle des
ÎLE 109
Grecs ne fêmblent différer qu'en ce que
les fymptomes de la première font portés
au plus haut point de malignité ; pour ne
pas tomber dans le cas de la répétition ,
il eft à propos de renvoyer à Yarticle
LEPRE ce qui refte à dire touchant les
caufes , le pronoftic & la curation de
Yéléphantiafe , qui n'eft le plus fouvent
fufceptible d'aucun traitement, Voye\
Lèpre.
Plufieurs- médecins Arabes ont aufîi
entendu par le mot elephantiafis , une-
maladie bien différente de la précédente,
qui afFectoit fimplement les pies avec un
gonflement confidérable & des varices dans
ces parties ; comme il paroît par Avicenne ,..
Rhafis y Avenzoar & autres ; fur quoi
voye\ Fuchfius , lib.. III, & Foreftus r,
lib.. XXIX. (d),
ELEPHANTIN,adj. (Hifl:) qui appar-
tient à. l'éléphant ,. ou qui en a les.,
qualités..
Ce mot fe dit principalement dé. certains^
livres des anciens Romains..
Dans quelques-uns de ces livres étoient
enrégiftrés tous les.acles du fénat & des
magiftrats de Rome : en d'autres , tout ce-
qui fe pafïbit dans les provinces & dans
les armées , &c. Il y en avoit outre cela 3 >
gros volumes autant que des tribus , où'
étoient marquées la naiffance & les claffes
des citoyens. On les renouveiloit tous les
cinq ans à chaque nouvelle, élection des.
cenfeurs ; & on les gardoit tous dans le ..-
tréfor public, au temple de Saturne.
Il y en a- qui croient que ces livres
avoient été. nommés éléphantins par rap-
port à. leur énorme volume ; d'autres parce
qu'ils étoient faits de. tablettes d'ivoire*.
Chambers. (G)
\ ELEPH ANXINE , flûte inventée par
les Phéniciens. On conjecture qu'elle
étoit d'ivoire ; & que c'eft de là que
lui vient le nom à'éléphantine. (F.D. C.)
j ELEPHAS , fub. f. ( Hifl. nat. bot. )
genre de plante à fleurs monopétales,
anomales, tubulées & faites en forme de
mafque dont la lèvre fupérieure refîemble
en quelque façon à la trompe d\m élé-
phant , & l'inférieure eft découpée. Il fort,
du calice un piftil qui entre comme un
çiou &u*s la partie joûérkvire. de. la fieur ^
rro E L E
& qui devient dans la fuite un fruit divife
en deux loges qui renferment des femen-
ces oblongues pour l'ordinaire. Tournefort ,
Infi. rei. herb. corol. Voyez PLANTE. (I)
ELETTE , f. f. ( cordonnier. ) eft une
bande de cuir de la largeur du pouce , qui
fe met en dedans du ibulier autour de l'em-
peigne pour la renforcer.
ELEVATION, Y. ï. (Aflron.) V élé-
vation d'une étoile ou d'un autre point
dans la fphere , en Aftronomie , eft un arc
de cercle vertical compris entre cette étoile
ou cet autre point & l'horizon. Voye\
Vertical.
Ainii comme le méridien eft un cercle
vertical , Y élévation ou hauteur méridienne ,
c'eft-à-dire, V élévation d'un point fitué
dans le méridien , eft un arc du méridien
intercepté entre ce point & l'horizon. V.
Méridien.
Elévation du pôle marque la hauteur
du pôle fur l'horizon d'un lieu , ou un arc
de méridien intercepté entre le pôle &
l'horizon. Voye\ POLE.
Ainfi , ( Planch. Aflronom. fig. 4. )
A Q étant fuppofé l'équateur , H R l'ho-
rizon , H Z P N le méridien , & P le
pôle, P R eft Y élévation du pôle.
Dans ce fens le mot élévation eft oppofé
abaiffement. Voye\ ABAISSEMENT.
\J élévation du pôle eft toujours égale à
la latitude du lieu , c'eft-à-dire , que l'arc
de méridien intercepté entre le pôle &
l'horizon eft égal à l'arc du même méridien
intercepté entre féquateur & le zénith.
Ainfi le p°ole boréal eft élevé fur l'ho-
rizon de Paris de 48 d. 50' , & il y aie
même nombre de degrés entre le zénith
de Paris & l'équaceur ; de forte que Paris
ie trouve à 48 d. 50' de latitude boréale.
Voye\ LATITUDE. Pour trouver Yéléva-
lion du pôle d'un lieu , voye\ POLE &
Latitude.
\J élévation de Péquateur eft un arc du
méridien moindre qu'un quart de cercle ,
intercepté entre l'équateur & l'horizon du
lieu. Voye\ EQUATEUR.
Ainfi , A Z repréfentant comme ci-
deflus l'équateur , H R l'horizon , P le
pôle, & H Z P N le méridien; H A
fera l'élévation de l'équateur . Voye\ EQUA-
TEUR.
ELE
' _ Les élévations de l'équateur te du poîe
jointes enfemble , forment toujours un
quart de cercle , & par conféquent plus
l'élévation du pôle eft grande , moins
celle de l'équateur doit l'être , & réci-
proquement.
Ainii dans la figure que nous avons
déjà indiquée , P A eft fuppolé par la
conftruction un quart de cercle , & A H
-f- A P -\- P R , un demi-cercle , & par
conféquent H A -+- P R, un quart de
cercle.
Trouver /'élévation de Véquateur. Trou-
vez Y élévation du pôle , de la manière in-
diquée à l'article POLE ; fouftrayez Y élé-
vation trouvée d'un quart de cercle ; ou
de 90 d. ce qui reftera , fera Y élévation
de l'équateur. Ainfi Yélévation du pôle à
Paris , fivoir 48 d. >o' , étant fouftraite
de 90 d. le refte donne 41 d. 10' pour
Yélévation de l'équateur au même lieu.
Angle d'élévation en Méchanique , c'efî
l'angle R A B , ( Planch. de Méchan.
fig. 47') compris entre la ligne de di-
rection A R d'un projectile , & la ligne
horizontale A B. Voye\ PROJECTILE
& Angle.
Elévation d'un canon & d'un mortier,
c'eft l'angle que l'axe du canon ou du
mortier fait avec le plan de l'horizon. V".
Canon ù Mortier. ( O)
ÉLÉVATION , en Hydraulique , fe dit
de la hauteur à laquelle montent les eaux
jailliffantes ; elle dépend de celle àes réfer-
voirs & de la jufte proportion de la fortic
des ajuftages avec le diamètre des tuyaux
de conduite.
Les jets font afFoiblis par l'air ou l'a>th-
moiphere qui les entoure , ce qui fait
qu'ils ne s'élèvent jamais aufli haut que
leur réfervoir.
Première Formule.
Connoitre la hauteur des réfervoirs par
rapport à celle des jets.
L'expérience a appris qu'un jet renant
d'un réfervoir de $ pies de haut mon-
toit un pouce de moins , & qu'il falloit
compter Yélévation des jets , de 5 pies en
5 pies , & prendre le quarré du nombre
de fois que 5 eft contenu dans cette élé-
vation , ce qui fera connoitre la havttur.
E L Ë
que doivent avoir les réfervoirs -pouf que
les jets ne perdent rien de la hauteur
propofée.
Ainfi , comme un jet de oo pies de haut
a 12 fois $ dans fon nombre , on prendra
le quarré de 12 qui efl 144 ; ce fera des
pouces que l'on écrira à la fuite 'des 60 pies
réduits en pouces qui font 720; ainfi ce
jet , pour conferver la hauteur de 60 pies ,
demande un réfervoir élevé de 864 pouces ,
ou 72 pies.
Les eaux de décharge & de fuperficie ,
de quelque hauteur qu'elles viennent , ne
font que rouler dans les tuyaux , & que
baver dans les baflins d'en bas ; il faut de
la charge à une conduite pour élever le jet
d'eau , & que le tuyau foit bien plein.
La hauteur d'un jet efl plus difficile à
déterminer par rapport à celle du réfer-
voir ; parce que plus il eft élevé , plus il
trouve de réliitance dans l'air. Les défauts
des jets ou leur différence de hauteur
avec celle des réfervoirs font dans la
raifon des quarré s des hauteurs des mêmes
jets : il faut donc connoître la hauteur du
réfervoir , en fuppofer une pour le jet
demandé , ou en fixer une générale dans
tous les calculs.
Seconde Formule.
Connoître la hauteur d'un jet par rapport
à celle du réfervoir.
Il réfulte de la règle précédente , de
compter V élévation des jets de 5 pies en
5 pies , & prendre le quarré du nombre
de fois que 5 efl contenu dans cette élé-
vation P que la hauteur marquée de 864
pouces pour le réfervoir d'un jet de 6c pieds
de hauteur , efl compofé de deux parties :
i°. de la hauteur du jet : 2°. du quarré du
quotient qu'on auroit en divilànt la hauteur
du jet ( fi on la connoiiïbit ) par 60
pouces , valeur des 5 pies de la règle ,
c'efl-à-dire , que 5 eft douze fois dans 60 ,
6 que 12 eft le quotient : eniuite fi l'on
quarré le quotient & qu'on ajoute fon pro-
duit qui efl ici de 144 pouces à la hauteur
720 qu'on a fuppofée pour le jet , on trou-
vera fûrement la hauteur du jet demandée ,
en augmentant ou diminuant cette hauteur
fuppofée jufqu'à ce qu'on foit arrivé pré*-
cifément à celle du réfervoir , qui a été
propofée de 864 pouces ou 72 pies. (K)
Elévation des puissances»
(Arithmétique.) Voye\ ELEVER.
Elévation , en Phyfique , c'eft lé
mouvement d'un corps qui va de bas en
haut , ou l'action par laquelle un corps
s'éloigne continuellement de la terre. V»
Mouvement. En ce feus , ce mot efl
oppofé à defcente. Voye^ DESCENTE.
Les Péripatéticicns attribuent l'élévation:
fpontanée des corps à un principe de
légèreté qui leur efl inhérent. Voye\
Légèreté.
Les modernes nient qu'il y ait une légè-
reté fpontanée , & prouvent que tout ce
qui monte , le fait en vertu de quelque
impulfion extérieure. C'eft ainfi que la
fumée & d'autres corps raréfiés montent
dans Pathmofphere ; & que l'huile , les
bois légers s'élèvent au deffus de l'eau p
non pas par quelque principe extérieur de
légèreté , mais par l'excès de pelanteur des
parties du milieu où ces corps fè trouvent-
V. Pesanteur , Milieu, Athmos*.
phere , Fluide , ùc
L'élévation des corps légers dans un mi-
lieu pefant , efl produite de la même ma-
nière que I 'élévation du baflin le plus léger
d'une balance : ce n'efl pas que ce baflin
ait un principe intérieur par lequel il tende
immédiatement en haut ; mais il y efl poufîe
par la force du contre-poids de l'autre bauln,'
l'excès du poids de l'un produifant cet efFec
par l'augmentation de là tendance en en-
bas. Voye\ Ceci plus approfondi ou éclairci
aux articles PESANTEUR SPÉCIFIQUE ,
Fluide , Balance hydrostati^
QUE , &c.
Elévation des corps fur des plans in-
clinés. Voyez-en les loix à l'article PLANj
INCLINÉ.
L'élévation ou Yafcenfion des fluides.
s'entend particulièrement de l'action par
laquelle ils montent au defîùs de leur pro-
pre niveau entre les furfaces des corps qui
approchent fort d'être contigus , ou dans
les tuyaux de verre capillaires , ou dans les
vaifièaux remplis de fable , de cendre, ou
d'autres femblablcs fubflances poreiifes. V,
Fluide.
Cet effet arrive aufii-biea dans le -vuidf
fi» E L E
qu'en plein air , dans les tubes recoures r
que clans les droits : quelques liqueurs ,
comme l'eiprit-de-vin & l'huile de térében-
thine,montent plus vite que d'autres liqueurs.
& quelques-unes s'élèvent d'une manière dif-
férente des autres. Le mercure ne s'élève
point du tout au deffus de l'on niveau , au
contraire , il defeend au delfous.
On a parlé plus au long du phénomène
des tuyaux capillaires & de Tes cauies , à
i * article CAPILLAIRE.
A l'égard des plans ; deux plaques de
verre , de métal , de pierre ou d'autre ma-
tière , bien unies & bien polies , étant dif-
pofées de manière qu'elles ioient prefque
contiguës , elles produiront l'effet de plu-
fieurs tubes capillaires parallèles , &: les rlui-
des s'élèveront entre ces plans de la même
manière que dans les tubes. On. peut dire
la même chofe d'un vaifieau rempli de
fable , &c. la multitude des petits interfa-
ces dont il elt. parfemé , forme , pour ainfi
dire , une efpece de tuyau capillaire : c'eft
le même principe qui a lieu dans tous ces
cas ; & c'eft. vrailèmblablement à cette
même caufe que l'on doit attribuer l'al-
cenfion de la fève dans les végétaux. Voy.
Végétation.
Elévation des vapeurs. Voye\ EvAPO-
ration , Nuage ou nuée , Vapeur.
(O)
Elévation , (Akhymie.) Les Alchy-
miftes nomment ainfi les opérations par lef-
quelles ils fubtilifent ou atténuent certaines
fubftances , féparent la partie fpiritueufe de
celle qui elt plus grofliere , la plus légère de
la pefante , celle qui elt fluide de celle qui
elt fixe ; ce qui revient , en langage ordi-
naire , a la fublimation & à la diltillation.
Voye\ Sublimation & Distilla-
tion. ( — )
ÉLÉVATION , terme de Chirurgie ,
mouvement des doigts par lequel le chi-
rurgien incife fuffifamment la veine & la
.peau dans l'opération de la faignée. Voy.
Phlébotomie.
\? élévation le fait en retirant la lan-
cette qu'on a introduite dans le vaifleau.
Il n'y a que le tranchant fupérieur de la
lancette qui coupe , lorfqu'on lait ^éléva-
tion ; quand on ne fait pas ce mouvement ,
^'ouverture de La peau n'étant pas fi grande
E L E
que I incifion de la veine , il s'amafle (Ju
(àng autour du vaifleau ibus la peau , ce
qui forme une tumeur nommée trombe-.
Voyez ce mot. L^ne lancette à grain d'orge
difpenfe de faire une élévation ; mais cette
lancette ne convient que pour les vaiffeaux
qui font gros & fuperficiels. Voye\ LAN-
CETTE. (Y)
Elévation , (Coupe des pierres.}
Voye\ Orthographie.
ÉLÉVATION , à la mejfe > ( Théol. &
Hifi. eccléf. ) marque cette partie de la
mefle où le prêtre élevé l'holtie & le calice
plus haut que la tête , afin de faire adorer
au peuple le corps & le lang de N. S. J. C,
après la confécration , & après qu'il les>
a lui-même adorés par une profonde
génuflexion.
Carloitad ôta Y élévation de la meflê ;
&: Luther la retint d'abord , mais enfuito
il la fupprima.
M. Chambers prétend , mais fans citer
aucune autorité , que faint Louis elt le
premier qui ait ordonné qu'à Y élévation
on fe mît à genoux , à l'exemple de cer-
tains religieux qu'il ne nomme point.
Ce qu'il y a de certain , c'elt que dans
les anciennes liturgies , & en particulier
dans le lacramentaire de faint Grégoire ,
on ne voit point d'autre élévation de
l'holtie , que celle qui fe fait à la fin du
canon , en difant per ipfum & cum ipfo
& in ipfo ,• ce qui n'empêche pas que
l'adoration aujourd'hui en ufage à Yéléva-
tion ne foit bien fondée , puilqu'il elt de
foi qu'au moment que le prêtre prononce
les paroles de la confécration , le corps &
le lang de Jéfus-Chrilt fe trouvent réelle-
ment prélens fous les efpeces du pain &
du vin : ce qui fuflit pour lui attirer l'ado-
ration des fidèles ; car c'en1 principalement?
par le dogme qu'il faut juger des cérémo-«
nies. ( G )
ÉLÉVATION, (Mufiq.) ar/is. Uéléva-
tion de la main ou du pie , en battant la
mefure , fert à marquer le temps foible &
s'appelle proprement levé. C'étoit le con-
traire chez les anciens. L 'élévation de la
voix en chantant elt le mouvement par
lequel on la porte à l'aigu. (S)
ELÉVATOIRE, f. *m. infiniment de
Chirurgie dont on fe fert pour relever
le*
E LE
les os 3u cfâne , qui déprimés ou enfoncis
par quelque coup ou chute , compriment la
dure-mere ou le cerveau.
On trouve dans les anciens la defcription
& la figure des élévatoires , dont on faifoit
ufage de leur temps , & que la Chirurgie
moderne a profcrits, parce qu'on couroit
un rifque évident d'enfoncer les os qui dé-
voient foutenir l'effort de ces inftrumens.
Ceux qui font actuellement le plus en ulage ,
font des leviers de la première efpece ,
dont le point d'appui eft au milieu , le far-
deau à une extrémité , & la puifîânce à
l'autre.
La longueur d'un élévatoire eft d'un demi-
pié ; fa compofition eft de fer très - poli ,
relevé de pommettes dans le milieu ; les
deux extrémités forment chacune une bran-
che courbée à fens oppofé , ce qui fait un
inftrument double. Ces branches font diffé-
remment courbées ; les unes étant prefque
droites , les autres un peu courbes , & quel-
ques-unes fort coudées , parce que le coude
fert quelquefois de point d'appui. Le bout
de chaque branche eft arrondi ou ovale aux
uns , quarré aux autres. Le dedans de l'ex-
trémité de chaque branche eft garni de
petites cannelures rranfverfales qui font
faites comme de petits bifeaux couchés
les uns fur les autres» Voye\ les fig. ify
& * 5 , PL XVI.
La main doit être la force mouvante &
!e point d'appui des élévatoires dont on
vient de faire la defcription , parce qu'en
appuyant le levier fur la partie de l'os
oppofée à celle qu'on veut relever > on
ï'écraleroit fi elle réfiftoit beaucoup ; & en
Tenfonceroit fur la dure - mère , fi elle
ofrroit peu de réfiftance. Pour fe fèrvir
de cet inftrument , on l'empoigne avec les
quatre doigts de la main droite par le
milieu de fon corps , le pouce appuyé à
roppofite , on paffè enfùite l'extrémité
antérieure fous la pièce d'os qu'on veut
relever, obfervant d'appliquer les petits
bifeaux contre fà partie intérieure : le doigt
index fèrt de point d'appui dans l'action de
relever l'os enfoncé : il faut foutenir exté-
rieurement avec les doigts de la main
gauche la portion d'os fous laquelle ['élé-
vatoire agit.
Feu M. Petit , fâchant que la main qui
Tome XI L
i
ELE rrj
a àfTez de force pour l'opération dont on
parle , peut n'avoir pas affez de fermeté
& de précifion pour empêcher que le bout
de Y élévatoire ne s'échappe , ce qui pour-
roit occafioner des accidens , a fait conf*
rruire un nouvel élévatoire 9 dont la main
n'eft point l'appui. Il s'agiffbit de trouver
fur le crâne un appui pour le levier , le
plus près qu'il eft poffible de l'os qu'il faut
relever , & il falloit que cet appui fût fur
un plan folide pour foutenir fans fe rom-
pre l'effort qu'on fait pour relever l'en-
fonçure.
Dans ces vues , M. Petit a fait fabriquer1
un chevalet (PL XVII, fig. z.) dont
les deux jambes appuient fur le crâne ;
on leur donne le plus de furface qu'il eft
poffible pour rendre l'appui plus ftable ,
& afin que l'effort que l'os doit fbutenir
foit partagé fur une plus grande étendue
de fa furface. Ces extrémités font garnies
de chamois , tant pour les empêcher de
glifler que pour qu'elles ne faflent aucune
impreffion fur l'os. A la fommité du che-
valet Ce trouve une entaille (fig. z y n°. z.)
qui reçoit une petite pièce de fer terminée
en vis. Cette vis (fig. z , n°. 3. ) eft des-
tinée à entrer dans des trous taraudé»
ui font à là furface de deiTous le levier
fig* z y n°. 4. ) ; par ce moyen , le levier
eft fixé fur le chevalet par une charnière
qui permet les mouvemens de bafcule.
Si à raifbn d'un grand fracas d'os ou du
peu d'étendue de la plaie , il étoit impof-
fible de placer le point d'appui fur les os
découverts , on a un plus grand chevalet
dont les branches peuvent s'appuyer au
delà des bords de la plaie. Voye\ la figure
de ce nouvel élévatoire , Plane. XVII 9
fig. z y n°. 1 : on en trouve la defcription
plus étendue dans le premier volume des
mêm. de Vacad. de Chirurg. Cet inftru-
ment a paru fufceptible d'être perfectionné.
On voit dans le fécond volume des mé-
moires de la même académie , des remar-
ques fur la conftrudion & Pufàge de Yelé-
vatoire de M. Petit, par un autre acadé-
micien. ( Y~)
ELEVE, f. m. (Philofoph. & Arts.)
celui qui eft inftruit & élevé par quelqu'un ,
qui eft formé de la main d'un autre dans
quelque art ou dans quelque feience. Oti
P
ii4 ELI
donna ce titre à Paris , lors de la fondation
des académies des Sciences & des Infcrip-
tions , aux fujets qui y étoient agrégés , &
qui travailloient de concert avec les pen-
sionnaires. Mais ce mot 8 élevé fignifioit
feulemeat moins d'ancienneté , & une efpece
de furvivance ; cependant on lui a fubftitué
depuis celui ^adjoint ? qui eft en effet
beaucoup plus convenable.
On peut voir au mot ACADÉMIE , par
quelle raifon ce titre mal Tonnant d'élevé
fut fupprimé. On a mieux fait encore dans
l'académie des Infcriptions que dans celle
des Sciences ; on n'y a point fait de clafïè
d'adjoints , & en général l'on a confèrvé
beaucoup plus d'égalité dans la première
de ces académies , que dans la féconde ;
cependant cette égalité fi précieufe & fi
effentielle dans les compagnies littéraires ,
n'eft parfaite que dans l'académie françoifè ;
les grands feigneurs fe trouvent honorés de
n'y être admis qu'à titre de gens de lettres ,
& de s'y voir placés à coté des Voltaire ,
des Montesquieu , des Fontenelle , &c. Il
n'y a dans cette compagnie ni élevés y
ni adjoints, ni aflbciés , ni penfionnaires ,
ni honoraires ; on y eft perfuadé que les
vrais honoraires d'une académie , font ceux
qui lui font honneur par leurs taiens &
par leurs ouvrages ; que tout le monde y
eft élevé , ou que perfonne ne l'eft , parce
qu'il n'y a perfonne , ou du moins qu'il
ne doit y avoir perfonne qui n'y reçoive
& qui n'y mette tout à la fois; que les
penfions attachées à certains grades , &
que îes^difFerens grades eux-mêmes ont de
très-grands inconvéniens , font nuifibles à
l'égalité , à la liberté , à l'émulation , à l'u-
nion , & aux égards réciproques.
Le nom d'élevé eft demeuré particuliè-
rement conftcré à la Peinture & à la
Sculpture ; il lignifie un difciple qui a été
inftruit & élevé dans l'école -d'un célèbre
artifte : c'eft pourquoi on fe fert du mot
d'école pour défigner les élevés d'un grand
peintre ; & on dit dans ce Cens , l'école de
Raphaël } du Titien , de Rubens. Voye\
ECOLE, & l'article fuivant. (O)
ELEVE y f. m. terme de Peinture. Elevé
& difciple font fvnonymes ; mais le dernier
de ces termes eft ordinairement d'ufage
•gpur les feiences , & le premier pour les
elî
arts. On dit , Platon fut difciple de Socrate ,
& Apelle fut élevé de Pamphile. Il feroit
à fouhaiter que les philofophes ne fuflent
difciples que de la fageffe & de la raifon ,
& que les peintres ne fufîént élevés que de
la nature , il y auroit moins d'artiftes & de
philolbphes ; peut-être la philofophie & les
arts n'y perdroient-ils pas : cependant il
faut avouer qu'un maître habile & intelli-
gent qui abrège la route épineufe des con-
noifTances qu'il pofTede , & qui forme de
bonne-foi un difciple ou un élevé, fans
craindre de fe créer un rival ou un fupé-
rieur , procure un avantage ineftimable.
Le bien qu'il fait feroit au defïus de tout
éloge , s'il y ajoutoit celui de féparer des
lumières qu'il communique , les préjugés
qui lui font propres , & qui n'appartien-
nent pas au fond de la feience qu'il enfei-
gne ; mais il eft rare de trouver un maître
afîez éclairé & allez généreux pour cela.
\JéUve qui fe deftine à la peinture ne
fauroit commencer trop tôt à apprendre
les élémens d'un art dont l'étendue eft
immenfe. Les progrès doivent être fort
rapides pour échapper au temps qui les
ralentit & les arrête. C'eft le feu de la
jeuneffe qui doit mûrir des fruits pour lef-
quels l'automne eft fouvent trop froide &
dangereufe. Raphaël mort à trente-fix ans
n'avoit plus rien à faire pour être le premier
des artiftes.
Cette vérité doit engager les élevés à
employer avec vivacité , aux études nécei-
faires à la pratique de leur art , le temps
précieux de la pr«miere jeuneffe, puifque
c'efr. alors que les organes dociles fe fou-
mettent aifément au joug de l'habitude.
L'ordre qu'il faut mettre à ces études , ell
l'objet intéreflant du maître : l'élevé 9 fait
pour fclaiffer conduire , eft une plante dont
celui qui la cultive doit répondre. Au refte ,
j'ai tracé au mot DESSIN une partie do
la route qu'on doit faire tenir au jeune
éle*'e : l'obéifTance & la docilité font les
devoirs qu'il doit pratiquer ; & l'on peut
tirer des préfages plus juftes & plus favo-
rables de ion exactitude à les remplir , que
de ces defirs fuperficiels ou de ces fuccès
prématurés qui font concevoir des efpéran-
ces qu'on voit fi fouvent trompées» C'tft
article eji de M, IVatelei\
E L E
ÉLEVER , EXHAUSSER , fynonym.
Le premier s'emploie au propre & au figu-
ré ; élever une muraille , élever foh efprit.
Le fécond ne Ce dit qu'au propre , exhauf-
fer un plancher , un bâtiment : mais par
Une bizarrerie de notre langue , relever &
rehauffer fe difent tous deux au propre &
au figuré : on relevé une chofe tombée , on
rehaujfe une chofe qui eft trop baffe ; on
relevé le mérite , on rehaujjè le courage.
Art. de M. le Chevalier de JA uco urt.
ÉLEVER , v. act. terme d'arithmétique
& d'algèbre. On dit qu'on élevé un nombre
au quarré , au cube , a la quatrième puif-
fance , &c. lorfqu'on en prend le quarré ,
le cube , la quatrième punTance , &'c.
ainfi 2 élevé au quarré donne 4 > au
cube donne 8 , &c. Voye\ QUARRÉ ,
Cube , Puissance, le mot iïélever
s'emploie dans ces occafi»ns , parce que
les nombres dont on prend le quarré , le
cube , Çfc. augmentent par cette opération.
Cependant on fe fert aufîi du mot élever
lorique la puiffance eft moindre que l'unité ,
& que par conféquent le nombre diminue
par l'opération. Par exemple , on dit élever
à la puiffance \ , 7 , pour dire prendre la
racine quarrée , la racine cube } &c. Voy.
Puissance 6 Exposant. On fe fert
auffi du mot élever au qvarré ', au cube , en
parlant des fractions , quoique par cette opé-
ration les fractions diminuent , ainii \ élevé
au quarré , donne ? ; élevé au cube , donne |.
C'eft ainfi qu'on fe fert du mot multipli-
cation dans les cas même où le produit eft
moindre que le multiplicande. V. MULTI-
PLICATION ; Voye\ auj/i DIVISION.
Des définitions exactes & préeffes lèvent en
ce cas toute l'équivoque. ( O )
Elever, s'Élever, (Marine.) un
vaiffeau qui s'élève , c'eft-à-dire qui fait
route pour s'éloigner de la côte & prendre
le large. Il fe ditaufli lorfqu'on veut tenir le
vent & aller au plus près.
'On dit s'élever en latitude , lorfque l'on
fait route au nord ou au fud , ou à tel autre
.air de vent qui n'eft pas précifément l'eft ou
l'oueft. (Z)
ÉLEVER , (Jardinage. ) La manière d'é-
lever les jeunes plantes , confifte dans les
différens foins qu'on en doit prendre.
Ces foins confiftent en trois chofes , dans
E L E j 1 y
' les labours , dans les arrofemens , & dans
la manière de les conduire les premières
années. Voyez LABOURS , ARROSER &
ÉMONDER. (K)
ELEUSINIES, f. pi. f. (Hifi.ane.)
myfteres de la déefïè Cérès , ou cérémo-
nies religieufes qui (è pratiquoient en ion
honneur : on les nommoit ainfi tiÊleufii
ville maritime des Athéniens , où étoit le
temple de cette cléefTê , fameux par la célo-'
bratton de ces myfteres.
Quelques autours appellent la ville cù Ce.
célébroient les éleufinies , Éîeulme , & non
Eleufis. Harpocration confirme cette ortho-
graphe , en faifant venir ce nom d'Êleu-
Jinas fils de Mercure , & Paufanias dans
lès Attiques fè déclare aufii pour ce fènri-
ment. D'autres croient que cette ville avoit
été nommée de la forte , d'un mot grec
qui lignifie arrivée 9 parce que Cérès après
avoir couru le monde pour troitver fa fille ,
s'y arrêta , & y termina Ces recherches. Die-
• dore de Sicile , li'v. V, prétend que le nom
& Eleufis lui avoit été donné pour fervir de
monument à la poftérité ; que le bled &.
l'art de le cultiver étoient venus dans'
l'Afrique des pays étrangers.
Les éleufinies étoient chez les Grecs les
cérémonies les plus fqlemnelles & les plus
facrées , d'où vient qu'on leur donna par
excellence le nom de myfteres. On pré-
tendoit que Cérès les avoit inftiruées elle-
même à Éleulîs , en mémoire de l'affection.
& du zèle avec lefquels les Athéniens la
reçurent : c'eit ainli qu'Ifocrate en parle
dans fbn panégyrique ; mais Diodore de
Sicile , dit , liv. VI, que ce furent les Athé-
niens qui inftituerent les éleufinies , par re-
connoiftànce de ce que Cérès • leur avoit
appris A mener une vie moins ruftique &
moins barbare ; cependant ce même auteur-
rapporte la chofe d'une autre façon au pre-
mier livre de fa Bibliothèque : " Une gran-
» de fécherefle ayant , dit-il , caufé une
» difette afrreufe dans la Grèce , l'Egypte
n qui avoit fait cette année-là même une
» récolte très-abondante , fit part de Ces
» richefîès aux Athéniens. »
Ce fut Érecthée qui leur amena ce convoi
extraordinaire de bled * & en reconnoif*
fance de ce bienfait il fut créé roi d'Athè-
nes , & 11 apprit aux Athéniens les myfteres
P z
ut ELE
de Cérès , & la manière dont l'Egypte les
tékbroit.
Cette relation revient afîéz à ce que
difent Hérodote & Paufanias , que les Grecs
«voient pris leurs dieux & leur religion des
Egyptiens.
Théodoret, liv. I. Grœcanic. affection.
écrit que ce fut Orphée, & non pasEre&hée,
qui fit cet établifïement , & qui inflitua en
l'honneur de Cérès les folemnités que les
Egyptiens pratiquoient pour Iiis. Ce fenti-
ment eft confirmé par le fcholiafle fur l'Ai—
celle d'Eurypide.
La ville d'Eleufis où fè célébroient ces
myfleres étoit fi jaloufe de cette gloire ,
que réduite aux dernières extrémités par
les Athéniens , elle fe rendit à eux à cette
feule condition , qu'on ne lui ôteroit point
les éleujihies ; cependant ce n'étoient point
des cérémonies religieufes particulières à
cette ville , mais communes à tous les
Grecs.
Ces cérémonies , fuivant Arnobe &
Lactance , étoient une imitation ou repré-
fentation de ce que les Mythologiftes nous
enfeignent de Cérès. Elles duroient pluiieurs
jours , pendant lefquels on couroit avec
des torches ardentes à la main : on facri-
fioit plufieurs victimes , non feulement à
Cérès , mais aufli à Jupiter : on faifoit des
libations de deux vafes , qu'on répandoit
l'un du côté de l'orient , & l'autre du coté
de l'occident : on alloit en pompe àEleulis ,
en faifant de temps en temps des paufes
où l'on chantoit des hymnes , &c l'on im-
moloit des victimes ; ce qui fe pratiquoit
non feulement en allant d'Athènes àEleuils,
mais encore au retour. Au refle on étoit
©bligé à un fecret inviolable , & la loi con-
damnoit à mort quiconque auroit ofé publier
ces myfleres.
Tertullien dans fon livre contre les Va-
leminiens , rapporte que la figure que l'on
montroit dans les eleufiniay & qu'il étoit
fi expreffément défendu de rendre publi-
que , étoit celle des parties naturelles de
l'homme. Selon Théodoret , Arnobe &
Clément Alexandrin , c'étoit la figure des
parties naturelles d'une femme.
Ces imputations peuvent être mal fon-
dées , car où Tertullien , Arnobe & Théo-
doret aYoiem-iis lu ces particularités }
ELE
puifqu'il n'y avoit rien d'écrit fur les mys-
tères d'Eleufine ? l'auroient - ils appris de
quelques initiés ? mais il n'y a pas d'exem-
ple de la plus légère indiferétion fur ce
point. Cicéron qui s'étoit trouvé à Athè-
nes dans le temps que les myfleres d'Eleu-
fine s'y célébroient , & qui n'étoit pas na-
turellement porté à favorifer le fanatifme ,
lbupçonne feulement au commencement
des_ Tufculanes , qu'on découvroit aux
initiés la véritable hiffoire de Cérès & de
la fille , & qu'on les obligeoit par la reli-
gion du ferment à ne jamais révéler que
ces deux prétendues déefîès n'avoient été
que des femmes mortelles , de peur de
décréditer par-là leur culte dans l'efprit
du public.
Le lendemain de la fête le fénat s'afTem-
bloit à Eleufis , apparemment pour examiner
fi tout s'étoit pafïé dans l'ordre.
Il y avoit deux fortes d'éleufinies , les
grandes 6k les petites : nous venons dé-
parier des premières , les petites avoient
été inflituées en faveur d'Hercule. Ce héros
ayant fouhaité d'être initié aux premières
éleufinies , & les Athéniens ne pouvant le
fatisfaire , parce que la loi défendoit d'y
recevoir les étrangers , & ne voulant cepen-
dant rien lui refufer , ils inflituerent de
nouvelles éleufinies auxquelles il pût affilier.
Les grandes fe célébroient dans le mois
boedromion , qui répondoit à notre mois
d'Août ; & les petites au mois d'anthifte-
rion , qui répondoit à notre mois de
Janvier.
On n'éroit admis à la participation de
ces myfleres que par degrés ; d'abord on
fe purifioit , enfuite on étoit reçu aux
petites éleufinies } & enfin admis & initié
aux grandes. Ceux qui n'étoient que des
petites , s'appeiloient myftes ; & ceux qui
étoient admis aux grandes , s'appeiloient
e'poptes ou éphores y c'efl-à-dire infpec~
teurs y & il falloir ordinairement fubir
une épreuve de cinq ans pour pafîér des
petites éleufinies aux grandes. On fe con-
tentoit quelquefois d'un an , & on étoit
admis immédiatement après à tout ce qu'il
y avoit de plus fecret dans ces cérémonies
religieufes. Meurfius a fait un traité fur
les éleufinies , dans lequel il établit la
, plupart 4es faits que nous venons d'avancer.
UE
Quoiqu'on ne fâche pas précisément en
<quoi coniiftoit Yauptofie ou la contempla-
tion claire d'Eleufis , les anciens nous ont
pourtant laiifé quelques defcriptions des
cérémonies qui la précédoienr. Corame_ on
étoit perfuadé que ceux qui participoient
à ces myfteres faifoient profeifion d'une
vie innocente , & qu'après leur mort ils
feroient placés dans les champs élyfées , on
les purifioit , foit pour expier leurs fautes
paifées , foit pour leur faire acheter en
quelque forte par ces premières épreuves ,
les biens dont ils fe flattoient de jouir un
jour. D'abord un facrificateur , qui dans
cette fonction fe nommoit hydranos , immo-
loit à Jupiter une truie pleine ; & après
en avoir étendu la peau à terre , on faifoit
mettre derfus celui qui devoit être purifié.
Les prières accompagnoient cette cérémo-
nie , qu'un jeûne auffere devoit avoir pré-
cédée : enfuite , après quelques ablutions
qu'on faifoit avec de l'eau de la mer , on
couronnoit d'un chapeau de fleurs , nommé
par Hefychius l^îpd , le poffulant , qui après
ces épreuves pouvoit afpirer à la qualité de
mjfie j 0L1 d'initié aux myfferes.
II ne fe pafîbit point dans les myfferes
d'Eleufine , d'infamies comme dans ceux de
Bacchus ; que s'il s'y gliffa quelquefois du
défordre , il fut accidentel , & promptement
réprimé par la févérité des magiftrats. Voy.
les Dictionnaires de Trévoux y de Moréry
& de Chambers. ( G )
ELEUTHERE , f. m. (Hifl. me.) nom
qui lignifie libérateur dans le langage des
Grecs , & qu'ils donnèrent à Jupiter en
mémoire de la victoire qu'ils remportèrent
près du fleuve Afope fur Mardonius , géné-
ral des Perles , dont trois cents mille lurent
exterminés dans cette journée. Les vain-
queurs attribuèrent à Jupiter le fùccès de
cette bataille ,, qui afTura la liberté de la
Grèce , & donnèrent au dieu le titre d'éleu-
theros , parce qu'il les avoit délivrés de la
fervitude qui les menaçoit. Ils inftituerent
auflî en fon honneur des fêtes nommées
élemhériennes , qu'on célébroit tous les
cinq ans par des courfes de chars. C'étoit;
à Platée même , félon le fcholiaffe de Pin-
dare , que fe faifoient ces jeux : circonflance
qui rappelloit encore plus vivement la caufe
de leur étabUflement. (G)
E L T 117
* ELEUTHO, f. f. (Mythe!.) déeflè
qui préfidoit aux: accouchemcns : c'eil la,
même qu'IUythie. Vove\ ILLYTHIE.
ELEZER CARREAUX , terme ^ d'an-
cien monnayage ; c'étoit la manutention qui
agrandiffoit le carreau en le frappant for l'en-
clume. Voye\ Frappes, ca-rreau.
ELFELD , ( Géogr. mod.) ville de Yëkc-
torat du Rhin en Allemagne ; elle cil à trois
lieues de Mavence.
ELHAMMA , ( Géogr. mod.) ville de la
province de Tripoli propre en Afrique*
Long. z8 y z6 ; lat. 34.
* ELIAB , (Hifl. facr.) fils d'Ifaï , &
frère de David , étant à la guerre des Fhi-
liftins , lorfque le géant Goliath infultoit
l'armée de Salil , blâma fbn frère David en
l'acculant de témérité d'ofer combattre le
géant. L'hifloire fainte fait encore mention
de trois autres Juifs qui ont porté ce nom ,
favoir :
ElIAB , père de Dathan & d'Abiron ,
qui furent engloutis tout vivans pour s'être
révoltés contre Dieu. Il offrit le troifieme
Ion offrande au tabernacle.
ElIAB , de la tribu de Lévi , fils d'EIca-
nam & père de Jéroboam.
ELIAB , le troifieme des vaillans hommes
qui fe joignirent à David quand il fuyoit
la perfécution de Salil. Il rendit de grands
Services à David dans toutes les guerres.
* ELIACHIM, (Hifl. facr.) facrifica-
teur , celui qui retourna de Babylone avec
Zorobabel. Son office étoit de jouer de la
harpe devant l'arche.
ELIACHIM , fils de Chelcias , intendant
de la maifon du roi Ezéchias. Dans le
temps du fiege de Jérufalem par le roî
Sennachérib y il fut député à ce prince
'nour parler d'accommodement. Mais Rab-
lacès , général de l'armée ennemie , ne
l donna pour réponfe que des blafphemes
horribles qu'il proféroit en hébreu , pour
être mieux entendu du peuple. Eliachim
le pria- de parler fyriaque ; mais celui-ci.
n'en voulut rien faire , de façon qu'Elia-
c/iim le quitta fort mécontent de fon entre-
vue. Dieu , pour récompenfer la vertu
d' Eliachim, , le fit fouverain facrificateur.
On prétend que ce fut lui qui commanda
les Juifs au fiege de Béthulie par Holo»
1 ferne.
iig EU
ELIACIÎIM , furnommé Joachlm , fut
roi de Juda. Voye\ JOACHIM.
ELIAQUES , adj. pris fubfl {Hifl. anc)
myfteres ; c'étoient les mêmes que les my-
thriaques. Ce mot vient du grec & lignifie
le foleil adoré par les Perfes fous le nom
de Mitras.
ELIE , {Hifl:. facr.) fameux prophète ,
natif de Thisbe dans le pays de Galaad ,
vi voit fous le règne d' Achab roi d'Ifraë'l ,
& de Jofaphat roi de Juda. Il fut fufcité
de Dieu pour s'oppofer à l'idolâtrie , &
fur-tout au culte de Baal , que Jézabel &
Achab avoient introduit dans Ifraël. La
première fois que l'Ecriture parle de ce
prophète , elle le produit tout d'un coup
comme un autre Melchifedech , fans nous
rien apprendre de fon père , ni de fa
mère , ni de fa tribu , ni de la manière
dont il a été appelle à la prophétie. Il
vient à la cour du roi impie , pour lui
annoncer les jugemens de Dieu , & lui
prédire le terrible fléau de la féchereife
& de la famine , dont il alloit frapper
fon peuple. Aum-tôt après, il fe rerira
dans un défert proche le torrent de Carith ,
©ù des corbeaux ven©ient lui apporter
tous les jours à manger. La fécherefle ayant
fait tarir le torrent , il vint par ordre de
Dieu à Sarepta entre Tyr & Sydon , chez
une veuve., à laquelle il fournit le moyen
de fubfifler par une multiplication mira-
culeufe d'huile & de farine qui lui reftoit.
Le fils de cette veuve étant venu à mourir
pendant qu'il demeuroit chez elle , le pro-
fois fur lui , & fe mefurant à fon petit corps,
il le rendit vivant à fa mère , figurant admi-
rablement en cela ce qu'a fait le Verbe
divin pour la réfurre&ion fpirituelle de
l'homme , lorfqu'il s'eft chargé de toutes
nos langueurs , qu'il a raccourci fa gran-
deur pour fe proportionner à notre peti—
tefïè , & qu'il s'eft étendu fur toute notre
nature pour la ranimer toute entière. La
troifiemt année de la flérilité , Elu alla
de la part de Dieu trouver Achab , k
qui il reprocha d'avoir abandonné la voie
du Seigneur pour fuivre le culte de Baal.
Il propofa à ce prince d'affèmbler tout le
peuple fur le Mont Caraiel , où fe ren-
E L I
& < les quatre cents prophètes cTAflarré ;
qui facrifieroien^ à leurs dieux pendant
que lui facrifieroit au fien ; & que ceux
dont les prières attireroient fur la victime
le feu du ciel , feroient feuls eftimés véri-
tables prophètes. Il choifit , préférable-
ment à tout autre prodige , la defeente
du feu du ciel fur la victime , parce qu'il
n'y en avoit pas de moins fufped , ni de
plus capable de faire imprellion fur tour
le peuple. La propofition ayant été accep-
tée , tous les cris des prophètes de Baal
ne purent attirer le feu du ciel , qui , à
la prière d'Elie , tomba fur la vidime ,
& la dévora. Alors tout le peuple con--
fefla que le fèigneur étoit le vrai Dieu ,
& extermina tous les faux prophètes. Ce-
pendant Jézabel , outrée de la mort de Ces
prêtres , en pourfùivit la vengeance fur
Elie , & le prophète s'enfuit dans un
défert de l'Arabie Pétrée , où s'étant en-
dormi de fatigue & de trifteffè , il fut
confolé par un ange qui lui apporta di*
pain & de l'eau. Il marcha enfuite pendant
quarante jours jufqu'à la montagne d'Oreb ,
où il fit fa demeure , & où il reçut ordre
d'aller facrer HazaHl pour roi de Syrie , Se
Jéhu pour roi d'Ifraël. Ce fut dans le
chemin qu'il rencontra Elifee qui labou-
roit , & que lui ayant "mis fon manteau
fur les épaules , il lui déclara la volonté
de Dieu qui l'appelloit au miniffere de la
prophétie. Quelques années après , Achab
ayant fait mourir Naboth pour s'emparer
de fa vigne , Elle vint trouver ce prince
phete fe coucha fur fon lit , fe mit par trois v pour lui reprocher ce meurtre , & lui
prédit tous les maux qui alloient tomber
fur lui-même & fur fà mailbn. La parole
du Seigneur s'accomplit bientôt après fur
Achab , qui fut tué dans un combat contre
ks Syriens. Ochofias fon fucceueur étant
tombé de la plate-forme de fa maifon ,
envoya confulter Béelzebub dans Accaron ,
pour {avoir quelles feroient les fuites de
cet accident ; le Seigneur lui fit dire par
Elle , qu'il mourroit pour avoir eu recours
à une divinité étrangère. Le roi irrité
contre le prophète , envoya , pour le pren-
dre , un capitaine & cinquante hommes ,
qui furent dévorés par le feu d\n ciel.
Un fécond fubit le même fort. Enfin , un
âfioient les (fuarante-cinq prophètes de Baal, [troifieme s'étant humilié devant l'homme
E L î
ele Dieu , obtint grâce du prophète , qui
ie luivk chez Ochofias , à qui il renouvella
la prédiction de fa mort. Elie ayant appris
par révélation , que Dieu devoit bientôt
le tranfporter hors de ce monde , voulut
cacher ce miracle à Elifée , pour l'éprou-
ver : mais ce fidèle difciple ne voulant
pas le quitter , le fuivit jufqu'au Jourdain ,
qu'ils pafferent à pied fec , Elie en ayant
féparé les eaux en étendant fon manteau.
Comme ils marchoient au delà du Jour-
dain , un tourbillon de feu , en forme de
char avec fes chevaux , les fépara tout
d'un coup , & enleva le prophète au ciel ,
non dans le léjour des bienheureux , où
perfonne n'eft entré avant Jefus-Chrifr. ,
mais dans quelque lieu au defîiis de la
terre , qu'il n'a pas plu à Dieu de nous
révéler. Dieu avoit aifemblé dans cet en-
droit cinquante enfans des prophètes ,
pour les rendre témoins de ce prodige
extraordinaire , afin de rendre incontefta-
ble un événement qui devoit être la der-
nière refiource de la maiion d'Ifraël. Car
le miniflcre de ce prophète dans le fécond
avènement , eft marqué par des traits fi
lumineux dans l'Ecriture , qu'on ne peut
s'y tromper. Il efl vivant , & Dieu le
tient enfermé pour le faire fervir un jour
aux defleiAs, de miféricorde qu'il a fur les
Juifs. Il n'a été tiré de ià retraite , quelle
qu'elle foit , que pour dlïfter au myftere
de la transfiguration ; mais quand les temps
marqués par la providence leront arrivés ,
Elie paroîtra ; 6c avec le même zèle dont
il fut autreiois animé , il confondra les
ennemis de Dieu , rétablira les tribus de
Jacob dans les droits facrés dont leur in-
crédulité les avoit fait décheoir , renouvel-
lera la face de rEglife , ranimera la foi
prefque éteinte de la gentilité , & en
arrêtant les progrès du myftere d'iniquité , il
arrêtera la colère de Dieu , prête à lancer
fur la terre un anathême & une malédic-
tion éternelle. {-+■)
*EUEZER , (ffift.fae.) prophète
^qui prédit à Jcfaphar , roi de Juda ,' le
naufrage de plufieurs vaiflfeaux qu'il avoit
joints à ceux de l'impie Ochofias , roi
d'Ifraël. H y eut encore plufieurs Juifs
recommandabies çk ce nom , entr'autres ,
fLlîeqer, fervixeur d'Abraham , qui,, chargé
ELI î rp
de joyaux & de préfens précieux , alla
quérir en Méfopotamie Rebecca pour
être l'époufe d'Iiaac ; & un autre Elié\er ,
parent de Jefus-Chrift félon la chair.
ELIGIBILITE, (Jurifpr.) terme de
droit canonique qui lignifie le pouvoir d'être
élu. On appelle bulle d: 'éligibilité ', celle que
le pape accorde à quelques perfonnes pour
pouvoir être élues à quelque dignité , béné-
fice ou office , pour lequel elles n'ont pas
toutes les qualités & capacités requiies 9
comme l'âge , l'ordre ; & dans quelques
églifes d'Allemagne celui qui n'eft pas de
gremio > ne peut être élu évêque fans une
bulle d'éligibilité. (A)
ELIMINER , v. ad. ( Algèbre. ) Quel-
ques auteurs commencent a fe fervir de
ce mot pour dire chajjer , faire évazouir
ou difparoître d'une ou plufieurs équations
une ou plufieurs inconnues. Ce mot a été
formé du latin éliminare , qui efl beaucoup
plus en ufage. Le mot éliminer eiï forgé
aflez inutilement , puifque les mo:v chajjer >
faire évanouir , faire difparoître , rendent:
précifément la même idée. Voye\ ÉVA-
NOUIR, Equation , Inconnue, àc
ELINE , ( Mufiq. des anc. ) noi« donné
par les Grecs à la chanfon des tiflèrands.
Voye\ Chanson. (S)
ELINGUE, f. f. (Marine) grotte
corde dont on lie bien fortement las.
deux bouts enfemble , de forte qu'elle
forme le cerceau : enfuite on la lie par le
milieu un coté contre l'autre , de forte
qu'elle forme la figure d'un huit de chiffre
compofé de deux boucles. On fe fert fur
mer de cette corde pour embraffer & faifir
les plus gros tonneaux de marchandifes ,
un bout par une boucle , & l'autre bout
par l'autre boucle ; puis parlant un crochet
entre les deux parties au milieu de la corde ,
on enlevé ces tonneaux du fond de cale
à la faveur de la mourie , & on les met
à port.
Elingue à pattes , c'eft celle qui n'a
point de nœuds coulans , mais deux pattes
de fer :. on fè fert de celle-là pour tirer
du fond de cale^ les futailles pleines. ( Z )
ELINGUET , LINGUET , f. m.
(Marine) c'eff une pièce de bois qui
tourne horizontalement fur le poat d'un,
no ELI
vaifïêau ; elle a ordinairement un pie &
demi ou deux pies de longueur , & fert à
arrêter le cabeftan , & empêcher qu'il ne
dévire. Voye\ Mar. PL. IV. fig. i. n°.
îO$. fa pofition.
ELISEE , ( Hifl. facr. ) fils de Saphat ,
difciple & fucceflèur d'Elie , dans le mi-
Jiillere de la prophétie , étoit de la ville
d'Abel-Meula. Elie qui avoit reçu l'ordre
de l'établir en fa place r l'ayant trouvé
labourant la terre avec douze paires de
bœufs , jeta fon manteau fur lui , & à
l'inftant même Elifée prophétifa , quitta
iâ charrue , & fuivit Elie. Celui-ci en
diiparoiffant , lui ayant lahTé fon double
efprit de prophétie & de miracle , Elifée
s'en fervit d'abord pour féparer les eaux
du Jourdain , & ce prodige le fit con-
noître pour fucceflèur d'Elie par les enians
des prophètes. Toute la vie de ce prophète
ne fut qu'une fuite de miracles. Il rendit
jàines & potables les eaux falées du Jour-
dain ; il fit dévorer par des ours , des
enlans qui fe moquoient de lui ; & une
pauvre femme veuve , que fes créanciers
pourfuivoient , trouva de quoi les fatis-
iaire dans la charité du prophète , qui
multiplia un peu d'huile qui lui reftoit.
Enfuite il obtint à une femme ftérile de
Suman , chez qui il logeoit , un fils qu'il
r.effufcita quelques années après , appli-
quant fon Corps fur le petit corps de l'en-
fant. Il guérit aulïi de la lèpre Naaman ,
général du roi de Syrie , en le faifant
baigner dans le Jourdain , & Giezi , fer-
viteur du prophète , fut affligé du même
mal , parce que , contre l'ordre de fon
maître , il avoit reçu de ce feigneur des
préfens. Bénadad , roi de Syrie , qui était
en guerre contre le roi d'Ifraël , apprenant
qu' Elifée révéloit tous fes defTeins , en-
voya des troupes pour le prendre , lorf-
qu'il étoit à Dothan ; mais le prophète
les frappa d'une efpece d'aveuglement ;
& les mena , fans qu'ils s'en appsrçuf-
lerit , jufques dans Samarie. Quelque
temps après le même "Bénadad ayant aflîégé
cette ville , que la famine réduifit à la plus
grande extrémité , Elife'e prédit la levée
du fîege , & le retour de l'abondance ,
paffa enfuite à Damas , où Hafaël l'étant
jrenu eonlulter fur la maladie de Béna-
EL i
dad fon maître , il lui annonça fa future
grandeur , & prédit tous les maux qu'il
devoit caufer à Ifraë'l. Il fît auiii facrer ,
par un de fes difciples , Jehu pour roi
d'Ifraël , en lui ordonnant de la part de
Dieu d'exterminer toute la maifon d'A-
chab. Le prophète étant tombé malade ,
Joas roi d'Ifraël le vint voir , & Elifée
lui prédit autant de victoires contre les
Syriens , qu'il frapper oit de fois la terre de
fon javelot ; & comme il ne frappa que
trois fois , il ne remporta que trois vic-
toires. Elifée ajouta que s'il fût allé jufqu'à
cinq ou fix fois , il auroit entièrement
ruiné la Syrie. Ce prophète mourut à
Samarie âgé d'environ cent ans. Un homme
que des voleurs avoient tué , ayant été jeté
dans fon tombeau , & ayant touché {es os ,
reffufeita. (-+-)
ELISÉES, voye\ Elysée s.
ELISION, f. f. {Belles-Lettres.) dan*
la profodic latine j figure par laquelle la
confonne m & toutes les voyelles &
diphtongues qui fe trouvent à la fin d'un
mot , fe retranchent lorfque le mot fui-
vant commence par une voyelle ou diph-
tongue , comme dans ce vers :
Quod niji & ajjiduis terrant infectabert
rafiris ,
qu'on feande de la forte :
Quod ni s' & | affidu I is ter\ r'infec \
tabere \ rafiris.
Quelquefois Yélijion fè fait de la fin d'un
vers au commencement de l'autre , comme?
dans ceux-ci:
Qiiem non ineufavi amens hominumqui
deorumque ,
Aut quid in everfâ vidi crudelius urbe 9
qu'on feande ainfî :
Que m non \ incu \ fav'a \ mens homi J
numque de \ orum
Quaut quid in \ ever \fâ> &c.
On doit éviter les élijions dures , & elles
le font ordinairement au premier & au
fixieme pié>
Quelques-uns
6 L I
(Quelques-uns* prétendent que Yélijtàlt ef!
une licence poétique ; tk d'autres , qu'elle
eft abfolument néceiïâire pour l'harmonie.
Les anciens Latins retranchoient aufli
Y s qui précédoit une confonne , comme dans
ce vers d'Ennius :
Cur volito vivu' ( pour vivus ) per ora
virûm.
Us & Vm leur paroifîbient dures & rudes
dans la prononciation , aufli les retranche-
rent-ils quand leur poéfie commença à fe
polir. La même raiion a déterminé les
François à ne pas faire fentir leur e féminin ,
ou , pour mieux dire , muet , devant les
mots qui commencent par une voyelle , afin
d'éviter les hiatus. Kqyq HlATUS & BAIL-
LEMENT. ( G)
Dans notre poéfie françoife nous n'avons
-d'autre élifion que celle de Ye muet devant
une voyelle , tout autre concours de deux
voyelles y efl interdit ; règle qui peut pa-
roître allez bizarre , pour deux raifons : la
première , parce qu'il y a une grande quan-
tité de mots au milieu defquels il y a con-
cours de deux voyelles , & qu'il faudroit
donc aufli par la même raifon interdire ces
mots à la poéfie , puifqu'on ne fauroit les
couper en deux : la féconde , c'efl que le
concours de deux voyelles efl permis dans
notre poéfie , quand la féconde efl précédée
d'une h afpirée , comme dans ce héros 9
la hauteur ; c'efl-à-dire que Yhiatus n'efl
permis que dans le cas où il efl le plus
rude à l'oreille. On peut remarquer aufli
que Yhiatus efl permis lorlque Ye muet efl
précédé d'une voyelle, comme dans immolée
à mes yeux ; & que pour lors la voyelle qui
précède Ye muet efl plus marquée. Immolé
à mes yeux n'efl pas permis en poéfie, &
cependant efl moins rude que l'autre : nou-
velle bizarrerie.
Nous ignorons fi dans la profè latine
Y élifion des voyelles avoit lieu ; il y a
apparence néanmoins qu'on prononçoit la
profe comme la poéfie , & il efl vraifem-
blable que les voyelles qui formoient Y éli-
fion en poéfie , n'étoient point prononcées ,
ou l'étoient très-peu ; autrement la mefure
& l'harmonie du vers en auroit fouffèrt
/ènfibiement. Mais pour décider cette
Tome XII*
1 t t rW
quefliofî , il faudroit être au fait de la pro-.
nonciation des anciens ; matière totalement
ignorée.
Dans notre profè les hiatus ne font point
détendus : il efl vrai qu'une oreille délicate
feroit choquée , s'ils étoient en trop grand
nombre ; mais il feroit peut - être encore
plus ridicule .de vouloir les éviter tout-à-
fait : ce feroit fouvent le moyen d'énerver
le flyle , de lui faire perdre fa vivacité , fa
précifion & fa facilité. Avec un peu d'o-
reille de la part de l'écrivain , les hiatus ne
feront ni fréquens ni choquans dans fa
profe.
On afllire que M. Leibnitz compofa un'
jour une longue pièce de vers latins , fans
fe permettre une feule élifion ; cette pué-
rilité étoit indigne d'un fi grand homme ,
& de fon fiecle. Cela étoit bon du temps
de Charles - le - Chauve ou de Louis -le—
Jeune , lorfqu'on faifoit des vers léonins ,
des vers latins rimes , des pièces de vers
dont tous les mots commençoient par la
même lettre , & autres fottifes femblables.
Faire des vers latins fans élifion , c'efl
comme fi on vouloit faire des vers françois
fans fe permettre d'e muet devant une
voyelle. M. Leibnitz auroit eu plus d'hon-
neur & de peine à faire les vers bons ,
fuppofé qu'un moderne puifle faire de bons
vers latins. Voye\ LATINITÉ. (O)
* ÉLITE , f. f. ( Commerce ) fignifTe
ce qu'il y a de meilleur ou de plus par/ait
dans chaque efpece de marchandise. On
dit des foies, des fils y des draps d'élite.
Les marchandifes (Yélite font toujours plus
chères que les autres. H a été tranfporté
delà à d'autres ufages , & l'on dit auffi des
hommes d'élite y &c. (G)
ELITER , v. act. ( Commerce. ) prendre
le meilleur d'une chofè. L'auteur du diction-
naire de Commerce penfe que ce terme n'a
guère lieu que parmi les petites marchandes
des halles de Paris , comme de grofeilles ,
cerifes & autres fruits ; mais il efl d'expé-
rience qu'il efl aufli ufité parmi les autres
marchands , & que cette expreflion , vous
élite\ ma marchandife y leur efl également
familière. ( G )
ÉLITER , v. a£L {Jardinage.) c'eft
choifir parmi les tulipes celles qu'il faut
laifler graîner* ou celles qui s'étant portée^
Tit ELI
à bien , font dignes d'être placées l'année !
fuivante parmi les belles. ( K )
*ELITROLDE, adj. prisfubft. (Anat.)
c'eft la même choie que vaginale : ainii on
dit la membrane élitroïde des teflicules ,
au lieu de la membrane vaginale. Voye\
Testicule.
ELIXATION , f. f. en Pharmacie, &c.
opération par laquelle on fait bouillir quel-
que remède dans une liqueur convenable ,
& à petit feu ; c'eil la même choie que ce
que ceux qui apprêtent à manger appellent
étuvée.
Ce mot eit formé du latin lixare _,
bouillir , ou bouillir dans l'eau. La liqueur
dont on fe fert ordinairement dans les
élixacions , elf d'eau de fource ou de ri-
vière , quoiqu'on s'y ferve auflî quelquefois
de lait , de petit-lait , ou d'autres choies
iembiables.
Le but qu'on fe propoiè ordinairement
dans les élixations , c'eil d'extraire la vertu
du remède , & de la communiquer à la
liqueur ,' quoiqu'on s'en ferve aufli quelque-
fois pour dégager les parties des animaux ,
des plantes , Ùc. de leurs crudités , auffi-
feien que pour les amollir , pour ôter aux
alîmens & aux remèdes un goût déiagréable
ou quelqu'autre mauvaife qualité , pour en
féparer les parties terreufes & groffieres ,
& dans d'autres vues. Voye\ EXTRAC-
TION.
La décoction eit auffi une efpece Rélixa-
tion. Voye\ DÉCOCTION. Chambers.
ELIXIR, f. m. {Pharmacie & matière
médicale. ) Le mot élixir dérive , félon
quelques auteurs, du grec imu , je tire s
parce que Y élixir fe fait en tirant la partie
vraiment médicamenteufe des fimple's ; fé-
lon d'autres de ccKi^a , je fecours y à caufe
du grand fecours qu'on fe promet de ce
remède ; d'autres enfin le font venir de
l'arabe al-ecjir ou al-ekfir y qui fignifie
Chymie : félon cette dernière étymologie
le mot élixir fignirieroit une préparation
chymique y un remède préparé chymi-
quement.
On entend par élixir , une liqueur ordi-
nairement fpiritueufè , chargée , {oit par
l'extraction , foit par la distillation , des
parties médicamenteufes de plufieurs dro-
gues } & deftinée à l'uiâge intérieur, Ce
ELI
remède n*eft donc proprement qu'une
teinture compoiée ou un cfprit compofé
{voye\ Teinture & Esprit;) mais
on n'a donné le nom $ élixir à quelques-
unes de ces préparations , que lorfqu'on
a prétendu qu'étant prifes par gouttes ou
par cuillerées , elles dévoient produire les
effets les plus merveilleux dans la guérifon
des maladies contre leiquelles les remèdes
ordinaires iont le plus iouvent impuiffans ,.
telles que la pelle , les nffeâions foporeufes ,
les poifons prétendus froids , l'épilepfie , &
les autres maladies convuliives , la fyn-
cope , la paralyfie , l'impuifîance , la fup-*
preilion des règles , la fièvre quarte , &c.
iàns compter les digeflions languiffantes y
les défauts d'appétit; en un mot , quand
on a célébré ces préparations comme pof-
iédant au plus haut degré la vertu alexitere fc
cordiale , nervine , tonique, antiipaimodique,.
emmenagogue , fébrifuge , &c. c'efl-à-dire.
lorfqu'on l'a à-peu-près érigé en remède
univerfel..
Il ne paroît pas que les Grecs ni les.
Arabes aient connu V élixir : on ne trouve
ni le mot ni la chofe dans leurs ouvrages ,
fi ce n'eil chez les Alchymifles , qui don-
noient le nom $ élixir à la pierre philofo-
phale confidérée comme médecine univerr
ielle ; ce qui nous porte à croire que Y élixir
ne fut inventé qu'après qu'Arnaud de Vil-»
leneuve eut fait connoître l'efprit-de-vin ,
ou que Raimond Lulle l'eut employé dans
• divers travaux fur, les végétaux.
Ce fut fur^tout depuis Paracelfe que les:
élixirs fe multiplièrent. Il publia lui-même
un élixir fameux , à l'imitation duquel les.
pharmaciens modernes ont compofé celui
qui eil aujourd'hui en vogue fous le nom
d: 'élixir de propriété de Paracelfe. Tous
les difciples de ce chymifte en compoferent
comme leur maître , & il n'eil' prefque
point d'auteur de Chymie médicinale , ou
de médecin prétendant au titre de chymifte >
qui n'ait donné quelque élixir particulier.
Les charlatans ont fur - tout répandu un
grand nombre tf élixirs ; & c'eil fous cette
forme , ou même fous ce nom , que les
remèdes tenus fecrets ont fait le plus rapi->
dément fortune , fur-rtout chez les grands.
Les Médecins inilruits favent a préfent
,, que ks élixirs les olus yamçs j bien- lois*
EL I
clPétre des fecours preique furnatureïs , font
à peine des remèdes , & que la plupart ne
durèrent des liqueurs que l'on fert fur nos
tables , qu'en ce que celles-ci font rendues
agréables au goût par le choix & la dofe
des aromates , & par le fucre ; que d'ailleurs
toutes ces liqueurs agréables font ftama-
chiques & cordiales , feules propriétés
réelles des élixirs ordinaires. Secondement ,
que preique tous les élixirs connus , qui
font les leuls que le médecin puiffe ordon-
ner , font auflï femblables entr'eux , quant
a leurs propriétés réelles , que toutes les
liqueurs fpirituelles de nos tables font fem-
blables entr'elles. Troifiémement , que les
élixirs purgatifs , qui feroient les feuls qui
pufïént différer efîentiellement des élixirs
purement aromatiques & des liqueurs ,
feroient des remèdes le plus fouvent per-
nicieux , toujours inutiles ; car nous ne
manquons pas de purgatifs de toutes les
efpeces. Quatrièmement , que les élixirs
qu'on deffineroit à réveiller ou a augmenter
l'appétit vénérien , & l'aptitude à le fatis-
Faire , feroient des fecours au moins très-
dangereux , & que le médecin ne pourroit
pas par conféquent conièiller.
Pour toutes ces raiibns , l'ufage des élixirs
€it peu commun dans la pratique de la
Médecine dirigée par les Médecins ; & le
nombre de ces élixirs ufuels efï borné tà
ïîx ou fept , que la pharmacopée de Paris
a retenus , & qu'on trouve ordinairement
chez tous les Apothicaires de cette ville.
Ces élixirs font Yélixir de propriété de
Paracelfe , avec acide & fans acide , ce
dernier diftillé fous le nom (Yélixir blanc ,•
Vélixir de Garnis , Yélixir ftomachique , &
Yélixir de vitriol. Voici la defcription de
Yélixir ftomachique , & celle de Yélixir de
vitriol , tirées de la pharmacopée de Paris :
nous réfervons celle de Yélixir de propriété
& celle de Yélixir de Garnis pour des
articles particuliers qui fuivront immédia-
tement celui-ci.
Elixir jlomachique de la Pharmacopée
de Paris. Prenez trois onces d'efprit car-
minatif de Sylvius , cinq onces d'efprit de
menthe , une once d'eau de canelle , une
once d'eau de fleurs d'orange , quatre
onces de teinture d'abfinthe : mêlez le
tout enfemble , & Yélixir fera fait : on le
E Lï 123
garde dans Une bouteille fermée avec foin.
Voye\ la préparation de l'efprit carminatif
de Sylvius au mot Esprit CARMINATIF
DE SYLVIUS ; celle de l'efprit de menthe
au mot MENTHE ; celle de l'eau de canelle
au mot Canelle.
Elixir de Vitriol. Prenez une demi-once
de racine de calamus aromaticus , une
demi-once de racine de gentiane , trois
dragmes de fleurs de camomille romaine,
2. dragmes de feuilles de petite abfinthe ,
3 dragmes de feuilles de menthe frifée , une
dragme & demie de canelle , une dragme
& demie de cubebes , une dragme & demie
de noix mufc'ade , une dragme & demie
de gingembre : pulvérifez le tout groffié-
rement ; mettez - le dans un matras , &
verfez defîus quatre onces d'huile de vitriol ï
lorfque cette huile aura pénétré les matiè-
res fufdites , vous ajouterez quatre onces
d'efprit de vin rectifié , que vous ferez
digérer pendant deux ou trois jours , après
quoi vous verferez fur le tout douze autres
onces d'efprit-de-vin rectifié , & vous bif-
ferez digérer encore pendant quelques
jours, après lefquels , filtrez Yélixir , &
le gardez dans une bouteille exactement
fermée. ( b )
Elixir de propriété de Paracelfe. Dans
la defcription que Paracelie a donnée de
fon elixir , il n'a point nommé le menffrue
qu'il employoit , eu du moins il ne l'a défi—
gné que fous un nom vague qui n'efl entendu,
de perfbnne ; c'efl pourquoi il ne faut point
être furpris fi on trouve chez les auteurs %
des deferiptions de cet elixir fi différentes
les unes des autres , chacun ayant inter-
prété le mot de circulé (c'efl ainfi que
Paracelfe appelle fon menftrue ) comme il
l'a jugé a propos , ou du moins chacun
ayant voulu fubftituer un menflrue qui pût
remplir les vues de l'auteur.
La defcription de cet elixir que Crollius f
célèbre difciplc de Paracelfe , nous a don-
née , a long-temps prévalu dans les Phar-
macopées : mais cette loi pharmaceutique
a été enfin abrogée ; & la préparation des
pharmacopéens modernes , qui porte encore
le nom d' elixir de propriété de Paracelfe y
eu très-différente de celle de Paracelfe ÔC
de celle de Crollius : les voici toutes ie%r
trois.
124 ELI
ËUxir de propriété de Paracelfe. Archi-
dox, lib. VIII, n°. 6 y V de la myrrhe ,
de l'aloès hépatique , du fafran , de chacun
parties égales : faites circuler le tout au
bain de Table , à une lente chaleur , pen-
dant deux mois , après quoi retirez-en par
la diftillation à l'alembic une huile , que
vous ferez digérer pendant un mois avec
poids égal de circulé.
Elixir de propriété de Paracelfe 9 tiré
de la bafilique chymique de Crollius, Pre-
nez myrrhe d'Alexandrie , aloès hépatique ,
iafran oriental , de chaque quatre onces.
Ayant pulvérifé toutes ces drogues , mettez-
les dans un matras ; humec~tez-les avec de
bon eiprit - de - vin alkoolifé , & verfez
enfuite defîus de l'huile de foufre tirée par
la cloche , & rectifiée ; verfez , dis- je ,
de cette huile jufqu'à ce qu'elle furpaffe
la matière d'environ quatre doigts ; faites
digérer & circuler pendant deux jours ,
après quoi vous retirerez par décantation
la liqueur teinte & chargée de l'extrait des
drogues. Reverfez fur la matière reliante
de bon efprit-de-vin , que vous circule-
rez pendant deux mois , après quoi vous
retirerez la liqueur , qui fera encore colo-
rée , & vous la mêlerez à la première. Dif-
tillez à petit feu les fèces refiantes , &
ajoutez ce qui en difhllera d'abord aux
teintures fufdites , & vous ferez circuler
de nouveau le tout enfemble pendant un
mois. Crollius ajoute qu'il faut avoir foin
de commencer par arrofer les ingrédiens
'avec une fuffifante quantité d'efprit-de-vin ,
pour les réduire en une forme de pâte ;
enfuite de verfer l'huile de foufre , autre-
ment toute la matière fe brûleroit & devien-
drait noire ; c'eft , dit notre auteur , ce que
Paracelfe a caché avec foin.
"Elixir de propriété de Paracelfe , félon
la Pharmacopée de Paris, il teintures de
myrrhe , quatre onces ; d'aloès , de fafran ,
de chaque trois onces : verfez ces teintures
dans un matras ; faites-les digérer quelque
temps , & gardez-les pour vous en fèrvir
au befoin.
Si on diftille le mélange , on aura V elixir
de propriété , appelle dans les boutiques
£Îixir blanc. Voyez Elixir de Garnis.
Si on prend une once du premier elixir 3
& qu'on y ajoute douze gouttes d'efprit-
E Lî
de foufre , on aura Y elixir de propriété
avec acide.
Paracelfe attribuoit de grandes vertus à
fon elixir ; & Crollius dit d'après lui , que
c'eft le parfait elixir qui a toutes les vertus
du baume naturel ; qu'il opère des prodiges
dans les maladies de la poitrine & du pou-
mon ; que c'eft un excellent préfervatif
contre la pefîe & contre toutes les maladies
qui peuvent être occafionées par un air
corrompu ; qu'il purge Peftomac de toutes
mauvaifes humeurs : qu'il fortifie tous les
vifeeres ; qu'il eft fpécinque dans le maraf-
me , dans les catarres , & dans la toux ; qu'il
prévient la paralyfie & la goutte ; qu'il guérit
la fièvre quarte , la mélancolie ; qu'il retarde
la vieillerie , enfin que c'efl un vulnéraire
parfait. Aujourd'hui nous employons notre
elixir de propriété comme un très - bon
fïomachique , comme un cordial ordinaire ,
comme un afTez bon hyftérique , & comme
un excellent emmenagogue : on le fait
quelquefois entrer dans les opiates fébri-
fuges , & on a remarqué qu'il ne contri-
buoit pas peu à les rendre efficaces. La
dofe de V elixir de propriété préparé félon
la pharmacopée de Paris , eft depuis 10 ,
12 > *5 gouttes jufqu'à un gros. Ii eft très-
important d'obferver qu'il ne faut pas pouf-
fer la dofe de Y elixir de propriété au defîus
d'un gros , parce qu'une dofe plus forte pur-
geroit le malade , ce qu'on ne fe propofe
point dans le plus grand nombre de cas ; il
y a même des perfonnes qui font purgées à
cette dernière dofe.
On vante beaucoup dans les obftructions
& dans toutes les maladies chroniques
invétérées , Yélixir de propriété préparé
avec de l'elprit-de-vin qu'on a chargé de
terre foliée de tartre jufqu'à faturation*
Voye\ Terre foliée de Tartre an
mot Tartre.
Elixir de Garnis. Uélixir de Garnis
n'eft autre chofe , quant aux ingrédiens
vraiment utiles , que Yélixir de propriété
blanc ( voyez Elixir de propriété) ; l'épi-
cier de Paris , dont ii porte le nom , n'a
eu , pour s'enrichir en vendant fa liqueur
au public , & fon fecret à l'état , qu'à
mêler du firop de capillaire à Yélixir de
propriété blanc , & qu'à le déguifer par
l'addition de quelques nouveaux aromates
E L I
?fcà première opération eft fort connue des
garçons apothicaires , qui favent fort bien
iè procurer fur le champ des liqueurs fort
agréables , en mêlant des eaux fpiritueuiès
officinales & certains firops fimples , fur-
tout le firop de capillaire.
On trouve dans la pharmacopée de
Paris , la defcription fuivante de Y elixir de
Garnis , dont la compolition eft publique
depuis plufieurs années.
If aloès , deux onces & demie ; myrrhe ,
demi-once ; fafran , deux gros ; canelle ,
girofle , noix mufcade , de chaque un
fcrupule : pilez le tout , & le mettez dans
un matras , dans lequel vous verferez efprit-
de-vin rectifié , deux livres ; eau commune ,
deux onces : faites digérer pendant 12
heures , & retirez par la diftilation au
bain-marie tout l'efprit-de-vin.
Prenez Pefprit diftillé , ajoutez-y poids
icgal de firop de capillaire , & tant foit peu
■d'eau de fleurs d'orange : mêlez exacte-
ment , & laifTez repofer pendant quelques
jours , au bout defquels vous verferez par
inclination la liqueur de^ deffus les fèces ,
qui feront dépofées au tond du vafe où le
mélange aura été fait ; c'efl ce qu'on appelle
élixir de Garrus.
Cet elixir ne diffère pas même des
liqueurs ordinaires par l'agrément du goût
& du parfum qui diftingue ces dernières ;
ce n'eft ici abfolument qu'une liqueur des
plus agréables ; une légère odeur de myrrhe
& de fafran , & des autres aromates que
l'eiprit-de-vin a emportée dans la diftilîa-
tion , fait toute fa vertu particulière , s'il
en a réellement quelqu'une qui ne lui foit
pas commune avec toutes les eaux fpiri-
rueufes aromatiques , ce dont on peut
douter à très-jufte titre ; les bons effets
qu'il produit , quand ils feroient auiîi réels
& aulii multipliés qu'on le prétend ; tout
cela , dis-je , ne pouvant pas fournir même
îa plus légère préfomption en fa faveur ,
jufqu'à ce qu'on ait éprouvé dans les mêmes
cas les autres préparations de la même
claffe. La même' cônfidération doit s'é-
tendre à la plupart des prétendus fpécifi-
ques , mis en vogue par des charlatans ,
adoptés par k public , & même par les
médecins , fur la foi des obfervations ; car
î\?bièrvation ne peut faire un titre de
ÈlLl 12 y
préférence qu'après la comparaifon des
remèdes analogues. En un mot une vertu
abfolue n'en1 pas la même choie qu'une vertu
fupérieure , éminente & exclufrve.
La matière reliante dans l'alembic après
h diitillation de Yélixir, étant parlée à
travers une étamine , & épaiflie en confif-
tance de pilules , peut fort bien remplacer
les pilules de Rufus , qui font décrites dans
la pharmacopée dePtiris. Voyt\ PILULES
de Rufus. ( b)
Elixir ouïe grand Élixir, {Alchy-
mie ) c'efi un des noms myftérieux que les
Alchymiftes ont donnés à la pierre philofo-
phale , fur-tout lorfqu'ils l'ont confidérée du
côté de les grandes vertus médicinales. Voy.
Pierre philosophale ù Philoso-
phie hermétique. ( b )
ELIZABETH , (Hijl d'Angleterre.)
Les rares qualités de cette illuftre fouve-
raine ont enrichi les faites de l'hiftoire ;
& les éloges mérités qu'on lit dans les
écrits de Ces apologiftes-, ne me iaiHènt
plus que le foin de jultifier par le récit des
faits qui l'ont immortalifee , l'enthoufiaime
& l'orgueil que le fouvenir de fon règne
infpire encore à la nation Angloife.
Au jugement des âmes tendres & fen-
fibles , des amis de l'humanité , la gloire
d'Anne éclipiè celle <$ Elisabeth. Mais
pour ceux qui préfèrent l'éclat de la vic-
toire aux vertus pacifiques , la pompe
faftueufe des conquérans à la bienfaifance
des rois fages & modérés , l'Angleterre
n'a point eu de fouverain qui puiife entrer
en parallèle avec Eli\abeth , qui réunit
aux talens des héros les vaftes connoiflan-
ces qui font les légiflateurs : ce qui doit
encore ajouter à l'admiration de la pofté-
rité , ce font les circonflances où fe trou*
voit le royaume lors de fon avènement
au trône , c'efl la iituation violente &c
pénible de la nation lors de la mort de la
fanguinaire Marie. Que l'on fe repréfente
l'Angleterre énervée , épuifée par les folles
dépenfes & les caprices tyranniques de
Henri VIII ; agitée , déchirée par le choc
des radions tbus le malheureux Edouard ;
opprimée , défolée , flétrie par les pros-
criptions & l'inflexibilité de Marie. Que
l'on fe repréfente la gloire du fceptre ternie
jpar la perte de plufieurs villes qui étoient
ïttf E L I
rentrées fous la domination françoifê , &
par les fuccès éclatans des Ecoftois , qui ,
fournis & rremblans autrefois , avoient
brifé le joug , & à leur tour étoient de-
venus redoutables en s'alliant avec la
France. Enfin , que l'on fe reprefente
l'Angleterre prelTée dans le même temps ,
au dehors par fes ennemis , au dedans
par l'abus de la puiffance royale qui ten-
doit au defpotifme le plus oppreilif , par
les fureurs & les excès les plus moni-
trueux de l'intolérance ; foible , accablée ,
fans appui ; & l'on verra qu'il ne pouvoit
y avoir qu'un génie élevé-, un efprit vafle
& fécond en reffources , une fermeté
inébranlable , & fupérieure aux obfïacles
en apparence les plus inlurmontables ; en
un mot , qu'il n'y avoit qu'une ame au
<lefïùs du commun , qui pût arrêter les
iîéaux qui menaçoient la patrie , réparer Ces
diigraces parlées , diilïper les malheurs ac-
tuels , & s'oppofer à ceux qui fembloient
annoncer fa ruine prochaine. Ces talens
fupérieurs formoient le caractère à'Eli-
\abeth , qui forcée de fe contraindre pen-
dant la trop longue durée du dernier
règne, avoit couvert du voile de l'indif-
férence le fenfible intérêt qu'elle prenoit
à Poppreffion des peuples , dont elle avoit
juré de faire le bonheur.
Fille de Henri VIII & de l'infortunée
Anne de Boulen , Elisabeth née le 8
Septembre 1533, avoit d'abord reçu , par
les foins & fous les yeux de Henri VIII ,
l'éducation la plus brillante : l'étude des
belles-lettres avoit rempli Ces premières
années ; & le goût qu'elle prit pour la
littérature , la confbla pendant fa jeunefîe
de la dureté de l'efpece de prifon où la
jaloufè vigilance de Marie fa fœur la retint
jufqu'au dernier jour de fon règne. Les
ligueurs outrées de Marie & fon intolé-
rance toujours prête à porter des arrêts
de mort , à proferire , à envoyer les
Proteftans fur l'échafaud , avoient depuis
long-temps ulcéré l'ame compatifTante
ai Elisabeth , qui attribuant par erreur le
fanatifme de Marie aux dogmes du catho-
licifme , avoit abjuré en fecret la religion
dominante , & embrafTé les dogmes du
proteftantifme : mais la crainte d'irriter
la dévotion de fa fœur 3 lui avoit fait dif-
firnuîer les véritables fentimens'f & cÏÏà
étoit reftée catholique en apparence , juf-
ques à ce que raffurée par la mort de
Marie , elle leva le mafque , en montant
fur le trône , le 17 Novembre 1558, &
lé déclara hautement proteftante décidée.
Les premiers foins qui l'occupèrent , fu-
rent très-embarraffans , par les grandes
difficultés qu'elle eut à fùrmonter. Elle
avoit en même temps à prendre des me-
fures contre Henri II , roi de France ,
qui avoit fait déclarer roi d'Angleterre le
dauphin fon fils , en vertu du mariage qu'il
avoit contraclé avec Marie Stuart , rein©
d'EcolTe ; & à écarter les prétentions de
Philippe II , roi d'Efpagne , qui paroiffoie
déterminé à foutenir fes droits , en qualité
d'époux de Marie , dernière reine de la
Grande-Bretagne. Mais l'objet le plus
important étoit de commencer par affermir
fa puiffance ; & dans cette vue elle fe
rendit à Londres , où en fe faifant cou-
ronner folemnellement par l'archevêque
d'Yorck , elle promit de défendre la re-
ligion catholique , & de conferver les
privilèges des églifes ; ferment que les
circonllances la forcèrent de prononcer ,
comme le célèbre Guflave-Vafa promet-
toit à-peu-près dans le même temps ,
devant les états de Suéde , de reipeéter
les privilèges abufifs des évêques qui ble£
foient l'autorité royale , & qu'il fe pro-
pofoit d'anéantir auffi-tôt que le temps ,
î'occafion , & fur-tout (es fujets plus do-
ciles pourraient le lui permettre.
Elisabeth penfant comme Vafa , fè
conduifit arec autant de diffîmulation , &
fe promit en fecret de violer fes fermens
auffi-tôt que les circonflances lui laiffe-
roient la liberté d'opérer les grands chan-
gemens qu'elle fe propofoit de faire dans
toutes les parties de l'adminiflration.
Cependant , Philippe II , ambitieux de
réunir le feeptre Anglois à la couronne
d'Efpagne , fit demander la main d'i?//-
\dbeth par le comte de Féria , fon am-
baffadeur ;\ Londres. Cette propofition
étoit odieufe à la reine , foit par la haine
infurmontable qu'elle avoit pour Philippe ,
foit à caufe de la différence de religion
qui rendoit cette union incompatible :
mais fa finition ne lui permectoit point
m l i
de dévoiler {es fentimens : l'amitié de
Philippe étoit alors pour elle d'autant plus
importante , qu'elle ne pouvoit attendre
la ref finition de Calais, que du zèle & de
la fermeté que montreroient les plénipo-
tentiaires Efpagnols dans le congrès de
Cateau-Cambrefis : elle diffimula , donna
une réponfe vague , prétexta des fcrupules
fur les liens de parenté qu'il y avoit entre
eux; elle montra des craintes fur les dif-
ficultés que feroit la cour de Rome , qui
ne confentiroit jamais que le roi d'Ef pa-
gne époufat fucceffivement les deux fœurs.
Les vrais motifs de ces détours n'échap-
pèrent point a Philippe , qui , ofFenfé du
refus , abandonna les intérêts de l'Angle-
terre , & fit fa paix avec la France , làns
înfifler , comme il avoit fait jufqu'alcrs ,
fur la reflitution de Calais & de Guines.
Elisabeth peu fenfible à cette marque de
reffentiment , ne tarda point aufli à. faire
avec la France une paix avantageufe..
Dans le traité que les miniflres conclurent
avec ceux de Henri II, il fut fripulé que
fendant huit années Calais refteroit aux
rançois , qui remettroient alors cette place
à l'Angleterre , à moins que pour en con-
ferver la pofTeffion , la France n'aimât
mieux payer la fomme de cinq cents mille
écus : traité qui violé trois ans après par
l'entreprife des Anglois fur le Havre-de-
Grace , afîûra pour jamais à la France, la
pofTeffion de Calais.
RafTurée contre les projets des puiffan-
ces étrangères , Elisabeth fe livra, toute
entière aux foins du gouvernement , &
fur-rtout aux moyens d'achever & de rendre
fiable l'établiffement de la réformation..
Afin que rien ne s'oppofât à cette grande
innovation , elle crut que les plus fages
mefures qu'elle eût à prendre ' contre
i'Ecoffe , gouvernée par les princes de
Guife lous le nom de la régente leur fœur ,
étoient d'allumer , en accordant fa pro-
tection, aux Proteflans Ecoffois , le feu de
la difcorde , qui divifant entr'eux les ha-
bitans de ce royaume , les mettroit dans
l'impuhTance de s'oppofer à l'exécution
du plan de la réformation. La nouvelle
doctrine fit des progrès auili rapides en
Angleterre qu'en EcofFe. Dans ce dernier
royaume y la récente s'oppofa, au chan-
gement qui s'opéroit : mais , malgré le
lecours d'un corps de troupes françoifes
que les princes de Guife lui fournirent ,
la réformation s'établit par les foins d'2î7z-
^abethy qui s'en étant déclarée protectrice,
foutint par fes armes la caufe des Pro-
tellans. Mais , tandis que par les confeils
d'une adroite & prévoyante politique %
elle faifoit tourner contre l'EcofTe même'
l'orage qui eût pu s'y préparer contre fa
sûreté , il s'en formoit de plus confidé-
rables & de plus dangereux en France r
en Efpagne , à Rome , en Irlande , &
jufques dans le fein de l'Angleterre même*.
Marie Stuart , qui avoit époufé le dauphin
François II , avoit arboré les armes d'An-
gleterre , annonçant par cette démarche
le defîein où elle étoit de remonter fur
le trône de fès pères. Irritée contre fa
rivale , Elisabeth fe ligue fecrétement
avec les Proteflans de France , comme
elle s'étoit liguée avec les Protellans
d'Ecoffe ; & par cette prudente confédé--
ration , elle mit Marie & fon époux hors
d'état de lui nuire.. Ce n'étoit point affez
d'avoir pris des mefures contre "l'Ecoflè-
& la France , il relloit encore à fe défen— -
dre contre un redoutable ennemi , contre-
Philippe II, qui, moins formidable en- -
core par fes forces de terre & de mer,
qu'il n'étoit dangereux par les infidieufes
reffources de fa politique , ne pouvoit
pardonnera la reine d'Angleterre le refus
qu'elle avoit fait de Ces propofitions. Plein
de l'ambitieux projet d'occuper feul un
trône qu'on n'avoit pas voulu partager
avec lui , il n'attendoit qu'une réponfe
favorable de la cour de Rome , perfuadé
qu'aufîï-tôt qu'iU'auroit obtenue ,' tous les.
catholiques s'emprefîèroient de fe déclarer
en fa faveur , & l'Irlande fur-tout , qui-'
violemment agitée par l'efprit de fanatifme
& de rébellion , refufoit obflinément de
reconnoître la. fouveraineté. de la reine:.
d'Angleterre.
Au milieu de tant de dangers , Elisabeth
inébranlable & fupérieure aux complots
& aux ligues des puiffances ennemies &
des factions intérieures , eut recours à un
moyen qui , pour être de la plus facile
exécution & du fuccès le plus infaillible ,
n'en eil pas pour çeia glus fauvenjt sic in*
ir8 E Lï
par la plupart des fouverains : ce mrôyen
fur de fe concilier la confiance des citoyens
par fa douceur , fa bienfaisance , & prin-
cipalement par fon attention à fupprimer
d'anciens impots , & à ne pas permettre
qu'on en établît de nouveaux. Afin de
foutenir ce rare ' défintéreffement , elle fè
retrancha toutes les dépenfes fuperflues ,
& porta l'économie tout auffi loin que îa
décence & la dignité de fon rang pou-
voient le lui permettre. A cette modéra-
tion fi rare & fi différente de la pompe
fafmeufe & de la prodigalité de fès pré-
déceffeurs > elle joignit un zèle adif &
fou tenu pour la juftice , publia d'utiles
réglemens , mit en vigueur les anciennes
ordonnances , abolit les abus qui s'étoient
introduits , & ne négligea rien de ce qu'elle
crut propre à afîurer le bien public , & à
lui concilier le refped , l'eftime & l'atta-
chement de fès peuples.
Cependant la régente d'EcofTè , fécon-
dée par la France , preffoit avec vivacité
Içs Protefkns » qui > pour fe foutenir ,
n'avoient eu jufqu'alors que les fècours
très-foibles qu'Elisabeth leur fourniffok
en fecret. Leur fituation devint fi vio-
lente , que la reine d'Angleterre penfa
qu'il étoit de fà gloire de défendre hau-
tement la caufe qu'elle avoit embraffée ,
& de foutenir par la force des armes les
Proteftans Ecoffois. Les grands préparatifs
qu'elle fit , étonnèrent la France , qui lui
fit propofer la reftitution de Calais , fi
elle vouloit abandonner les rebelles d'E-
cofle. Trop généreufe & trop fiere pour
accepter une propofirîon qui bleffoit fa
grandeur d'ame , Elisabeth la rejeta ; &
la paix ne fut établie que lorfque la ré-
gente eut ftipulé que les Proteftans joui-
roient en Ecoffe de tous les droits de
citoyens , & que Marie Smart , ainfi que
François II , fon époux , renonceraient à
leurs prétentions fur l'Angleterre. Cette
paix irrita vivement le roi d'Efpagne ,
ennemi déclaré du protefrantifme , & qui
parut fé préparer à déclarer la guerre à
l'Angleterre.
Pendant qu'Elisabeth fè difpofoit à
prévenir les delfeins du roi d'Efpagne ,
îa mort de François II obligea Marie
jfJtuart fa veuve , qu'aucun engagement
E L ï
ne rerenoit plus en France, de fe rendre'
dans fes états, où fa beauté, fès grâces r
& le defir que fes fujets avoient ce la
revoir , excitèrent la joie publique : jeune r
ingénieufè & reine , elle ne tarda point à
recevoir les vœux de plufieurs princes de
l'Europe qui aipirerent à fa main. Parmi
fes adorateurs fe diiîinguoit fur-tout le
duc d'Autriche, appuyé par les princes
de Guife , qui preffoient leur nièce de
lui donner la préférence. L'imprudente
Marie refufa fon. confentement avant que
d'avoir confulté la reine Elisabeth. Celle-
ci qui haïffoit Marie , mais moins encore
qu'elle ne déteftoit la maifon d'Autriche r
diffuada Marie de cette alliance , & lui
propofa pour époux mylord Dudlay fon
favori , feigneur Anglois , depuis long-
temps dévoué aux intérêts de fa fouve—
raine. Marie n'époufa ni l'archiduc , ni
Dudlay; elle fe décida tout-à-coup , 8e
par une de ces paillons de caprice aux-
quelles elle n'étoit que trop fujette , pour
le comte de Darley fon parenr. Cette
union qui eut des fuites fi funeftes , ne
fit qu'ajouter à la haine d'Elisabeth , qui
ne put faire alors éclater fon refïèntiment y
trop occupée à foutenir la guerre contre
la France , de concert avec les Proteftans-
Car ceux-ci commençant à égaler en force
les Catholiques , avoient reconnu pour
leurs chefs le prince de Condé & l'amiral
de Coîîgny. Mais Marie elle - même ne
tarda point à venger Elisabeth , par le
tort irréparable que lui firent à elle - même
fon inconduite , & les égaremens de fa
honteufe paflion pour Rizzo , italien de
la plus obfcure naiffance. Cet homme
vil , malgré fa baffeffe & fa difformité ,
avoit infpiré à Marie un amour fi violent ,
que le roi ne pouvant fe diffimuler l'éclat
de cette intrigue, vengea l'outrage fait à
la majefté royale , en faifant poignarder
l'adultère Rizzo dans les bras même de
fon amante. Marie auffi violente dans fon
relTentirnent qu'elle l'avoit été dans fon
amour , fe lia , foit par goût , foit pour
afïùrer fa vengeance , avec le comte de
Bothwel , le plus lâche & le plus fcéiérat
des hommes i elle vécut bientôt avec lui
comme elle avoit vécu avec Rizzo , &
i lui promit de l'époufer aufïi - tôt qu'il
l'aurait
ELI
Pauroit délivrée de fon époux. Bothvel
remplit dans peu de jours cette affreufe
condition : il étrangla fon maître de Tes
propres mains , & afin de cacher fon
crime, il fit fauter en l'air le cadavre,
au moyen de quelques barils de poudre
qu'il avoit fait placer au defîbus de la
chambre où il venoit de commettre cet
aiTàfïïnat. Mais cette précaution ne trompa
point le peuple , qui connoifTant famé
féroce de Bothwel , fes vues ambitieufes
& fa nouvelle pafîion , ne chercha point
ailleurs l'auteur de cet horrible parricide.
D'ailleurs , quand les fentimens euffent
pu être partagés, Marie eût elle-même
confirmé les foupçons , lorfque très- peu
de temps après on la vit fe marier publi-
quement avec l'infâme Bothwel. Dès ce
moment , Marie fut généralement abhor-
rée ; l'EcofTe entière entra dans la conju-
ration qui fe forma contre elle. Ses fujets
prirent les armes , & la contraignirent
d'abdiquer la couronne , en faveur d'un
fils unique encore au berceau, qu'elle avoit
eu du comte de Darley. Elle nomma le
comte de Murrai _, fon freie naturel ,
régent du royaume pendant la minorité
du jeune fouveiain , & crut , en acceptant
ces dures conditions , fauver du moins fa
vie & fa liberté : mais fes crimes avoient
trop violemment foulevé fes fujets , elle
fut enfermée dans un fort, d'où s'étant
évadée après un an de captivité , elle tenta
de remonter fur le trône : mais la petite
troupe qu'elle avoit r?ffemblée , fut bat-
tue , mife en fuite par le régent ; & Marie
fe vit abandonnée de tout le monde , &
même du lâche Botrnvel qui s'étoit réfugié
enDanemarck, où il vécut dans le me*
pris , & mourut dans l'indigence. Marie
fon époufe , croyant fa vie menacée en
Ecofle , fe retira fur les côtes d'Angle-
terre , & envoya demander à Elisabeth
un afyîe dans fes états. La reine d'Angle-
terre facrifiant fa générofité naturelle à
l'atroce plaifir de fe venger d'une rivale
humiliée , oublia que Marie étoit reine
comme elle , malheureufe & fuppliante:
elle la fit renfermer à Turbury , d'où ,
quelques mois après , elle fut transférée à
Cowentry , place forte fituée au centre de
l'Angleterre , où l'infortunée Marie fut fi
Tome XII.
ELI T29
étroitement enfermée , qu'elle perdit juf-
qu'à l'efpérance de s'évader.
Paiïbns rapidement fur les procédés
iniques ftEli^ibeth envers Marie : ces faits
font trop connus pour que je penfe devoir
m'y arrêter : je dirai feulement que les
moyens employés par Elisabeth, n'étrillent
fa mémoire : je dirai que Marie plus im-
prudente que coupable , & comptant trop
fur le nombre de fes partifans , eut toit
de fe liguer avec les chefs de la conjura-
tion qui fe forma contre la reine d'An-
gleterre , & de répondre , du fond de fa
prifon , aux diverfes propofitions & aux
brillantes efpérances qu'on lui donnoit. Je
conviendrai encore que Marie étoit cou-
pable des plus honteux débordemens &
du plus horrible des crimes , de l'afîaiïi-
nat de fon époux ; mais enfin , Marie
étoit l'égale & non la fujette $Eli\ibethi
celle-ci en fe vengeant , méconnoiflbit
fes propres intérêts ; elle compromet-
toit les privilèges attachés au rang
qu'elle occupoit , & elle aviliilolt de la
plus étrange manière les droits facrés de
la royauté.
Tandis qu'Envahit h éteignoit dans le
fang de Marie la haine que cette fouve-
raine coupable & malheureufe lui avoit
infpirée , Charles IX & la France égarés
par le fanatifme , ofFroient à l'Europe
étonnée le fpecb.cledu mafïacre âe-> Protef-
tans, indignement trompés par Catherine de
Médicis , égorgés par leur prince & leurs
concitoyens. Afin d'amener plus facile-
ment les Protefîans dans le piège infernal
que Catherine leur avoit préparé , Charles
IX affecta de rechercher avec emprefTe-
ment l'alliance d'une reine proteftante ,
& il porta fa noi~e diiîimuiation jufques
à faire demander la main Ck'Eli\abeth
pour le dire d'Alençon. Moins perfide que
Charles , mais plus politique encore , EU"
\abeth difïimuîa avec art , parut écouter
volontiers cette propofîtion , & fournit en
même temps des fecours d'armes & d'ar-
gent aux Proteftans François proferits , &:
foulevés contre leur prince par le maiTàcre
de leurs frères. Lorfqu'à fon tour Elisabeth
n'eut plus rien à craindre , foit du côté
de la France , foit du côté de l'EcofTe ,
ou relativement à la reine Marie , elle)
R
130 ELI
termina par le refus le plus abfoln , la
négociation entreprife pour fon mariage
avec le duc d'Alençon , & répondit qu'elle
vouloit vivre & mourir célibataire. Toute-
fois , ni la moit de Marie , ni les troubles
qui agitoient la France , ni la foumifTion des
EcoîTois ne laifToient point \ov\vEli\abeth
d'une fécurité parfaite : il lui reftoit à
craindre un ennemi puifTant , un rival
d'autant plus formidable , qu'à des forces
fupérieures , à l'éclat de fes vi&oires , il
unifToit une profonde politique , une habi-
leté rare , une ambition outrée , & une
haine perfonnelle & implacable contre la
reine d'Angleterre : cet ennemi fi redou-
table étoit Philippe II , qui , toujours en-
flammé du defir de monter fur le trône
d'Angleterre , en vertu des droits que lui
donnoit fa defcendance de la maifon de
Lancafrre , profita avec adrefle du mé-
contentement des Catholiques , & de l'im-
preflion qu'avoit fait fur eux la mort
tragique de Marie. Afin de s'afTurer du
fuccês de fes vaftes projets , Philippe
demanda & obtint de Sixte-Quint , qui
remplifïbit alors le fiege pontifical , une
bulle , par laquelle il excommunioit la reine
Elisabeth , ordonnoit aux Anglois catho-
liques de fecouer le joug , de dtfarmer la
colère célefte , expier leurs péchés , &
s'aflurer le paradis , en fe baignant dans
le fang de leurs concitoyens attachés au
proreftantifme , & donnoit à Philippe l'in-
veftiture du royaume d'Angleterre. Dans
tout autre temps , cette bulle eût opéré
fans doute les plus grandes révolutions:
mais le defpotiime opprefîif du pouvoir
pontifical avoit éclairé les rois & les na-
tions fur leurs vrais intérêts. Elisabeth
méprifa la bulle de Sixte-Quint , fe rit de
fes menaces, & ne s'attacha qu'aux moyens
d'éloigner des côtes britanniques l'ambi-
tieux Philippe , qui ne doutant point du
fuccèb de fes projets d'invafion , avoit fait
forrir de fes ports , fous les ordres du duc
de Medina-Celi , la flotte la plus formi-
dable oui eût encore paru fur l'Océan :
elle étoit compofée de 150 gros vailTeaux
de guerre , montés de 19000 hommes &
de 1230 pièces de canon : à cette armée
navale devoit fe réunir une flotte de Flan-
dre , fur laquelle devoit s'embarquer le
EL I
duc de Parme avec une armée de 30000
hommes.
Ces forces réunies , loin de déconcertée
Elisabeth , ne firent au contraire qu'ajou-
ter à fa vigilance & à fon adivité. Pou*
s'oppofer à la defeente des Efpagnols ,
elle avoit fur les côtes une armée deb'0000
hommes , & la mer étoit gardée par ur.e
petite flotte qui avoit pour amiral Howard
duc d'Efhngam , & pour vice-amiraux les
fameux Drack , Hawkin & Forbisher ,
officiers intrépides , & qui s'étoient déjà
fîgnalés plufieurs fois contre les Efpagnols.
L'amiral de Philippe entra librement dans
la Manche ; mais il ne put y être joint ,
comme il s'y attendoit , par la flotte du
duc de Parme ; & à peine il fe fut engagé
plus avant , qu'il eut à combattre tout à
la fois contre les vents qui devinrent
contraires , contre les rochers où fes vaif-
feaux alloient frapper , & contre les An-
glois qui , profitant habilement des cir-
conflances , triomphèrent , après quelques
momes de combat y de cette énorme
flotte. Tous les vailTeaux Efpagnols furent
pris , coulés à tond ou brifés contre les
rochers ; en forte qu'il n'en échappa aux
vainqueurs que deux ou trois , qui eurent
la plus grande peine à arriver , défemparés
& hors d'état de fervir davantage , dans
les ports d'Efpagne.
Cette victoire fut le premier a&e de
vengeance c\w"Eli\abeta juftement irritée
exerça contre Philippe II , dans les états
duquel elle porta le feu de la guerre ,
tandis que l'intrépide Drack & le che-
valier de Nowis furprenoient la Corogr.e ,
incendioient la ville balle , s'emparoient
des vailTeaux qui étoient dans le port ,
battoient la garnifon Efpagnole , & al-
loient fur le Tage y fignaler leur valeur
par les mêmes exploits. Peu fatislaite
encore , 2 li\abeth , afin d humilier l'en-
nemi qui l'avoir forcée de s'armer , fe
ligua avec Henri IV , & détourn a les coups
que l'Efpagne & Mayenne fe flattoient de
porter à la liberté françoife. Irritcde la
réfiffance que l'Angleterre oppofoit à fes
entreprifes , Phili ope ne pouvant foumet-
tre par la force la fiere Elisabeth , eut
recours à la plus odieufe des voies ; il
corrompit par fes ambaffadeurs le premier
ELI
médecin de la reine, que îe traitfe ébloui
par une promefTe de 50000 écus, s'engagea
d'empoifonner. Mais le complot fut dé-
couvert peu de temps avant fon exécu-
tion , & le perfide médecin fut avec fes
complices , attaché au gibet. La décou-
verte de cette trame honteufe , qui eût
dû décourager Philippe II, ne fit que l'at-
tacher encore pins étroitement au projet
qu'il avoit formé de réduire l'Angleterre;
& pendant qu'il faifoit les plus grands pré-
paratifs pour une nouvelle expédition , il
fomenta en Irlande une révolte des Ca-
tholiques contre les proteftans , & contre
la puiflance légitime & Elisabeth. Tandis
qu'encouragés par le fecours de l'Efpagne,
les Catholiques Irlandois portoient de pro-
vince en province le feu de la rébellion ,
une énorme flotte Efpagnole s'avançoit
vers les côtes Britanniques , & y touchoit
déjà , lorfque les éiémens fervant Eliza-
betn plus efficacement que ne l 'enflent fait
fes armées , ruinèrent totalement cette
flotte , dont les vaifleaux furent prefque
tous brifés ou fubmergés. Ainfi le roi
d'Efpagne ne retira de cette grande entre-
prife, que le regret & la honte de s'être
£ L î rj*
bontés $Eli\abeth, & plus indigne encore
d'occuper un rang diftingué. L'armée qu'il
conduifit en Irlande étoit la plus belle
& la plus aguerrie qu'on eût encore vue
en Angleterre ; & pour vaincre , il ne lui
manquoit qu'un général courageux & plus
habile que le comte d'Eflèx. Il n'eut que
de foible fuccès , dont il ne fut pas même
profiter. Cependant il étoit le favori d'JE1-
li\abeth. La nation Angloife fe plaignit
hautement de la complaifance de la reine,
& des fautes multipliées du comte d'Eflex.
Le mécontentement devint fi général ,
Qx\Eli\abeth rappella le comte. Celui-ci
ne doutant point desfentimens de la reine,
fe juftifia aifément devant elle. Mais à
peine fut-il retourné en Irlande , qu'au
lieu d'agir contre les ennemis , il entra
en conférence avec le comte de Tiron, chef
des mécontens , fans en rien communiquer
au confeil de guerre. Cette démarche fut
prife pour une trahifon. Il fut accufé ; mais
au lieu de venir à la cour rendre compte
de fa conduite , il leva le mafque , &
tâcha , autant qu'il fut en lui , d'exciter
une fédition dans Londres , réfolu de
perdre la vie , ou de gagner une couronne
vainement donné en fpe&acle à l'Europe, j par la plus criminelle ufurpation. Il fut
Une reftoit plus à Theureufe Elisabeth arrêté en Irlande , amené en Angleterre ,
enfermé â la Tour , jugé , condamné à
que les Catholiques Irlandois à foumettre;
la reine confia le commandement de l'ar-
mée qu'elle envoya contre eux, au comte
d'Eflex , qui depuis quelque temps avoit
fupplanté le comte de Leicefter dans le
cœur de la reine. Qui ne connoîtroit le
célèbre comte d'Eflèx que par le portrait
impofant qu'en a fait Thomas Corneille,
le regarderoit fans doute comme l'un des
plus habiles généraux qtû aient illuftré
l'Angleterre , comme un homme ambi-
tieux , mais d'ailleurs refpectable par les
plus rares qualités , & fur-tout par le
plus brillant héroïfme ; mais il n'y eut
jamais aucun trait de reflemolance entre
îe véritable comte d'Eflex & le héros de
fanraihe que Corneille imagina de montrer
fur la fcene franc oife. Ce trop fameux comte
d'Eflex n'étoit qu'un homme ingrat , un
homme vain, préfomptueux, plein de projets
extravagans , violent fans valeur , emporté
fans courage , mauvais foldat , général
fans talens , perfide citoyen , indigne des
perdre la tête , & 1' rrêt fut exécuté. On
afTure que l'effort c^Eli\abeth fit fur elle-
même pour ligner cette fentence de mort,
abrégea le cours de fa vie : car on ne
doutoit point qu'elle n'eût eu les plus
tendres fentimens pour cet ingrat ; & l'on
prétend que ce ne fut que pour dérober
au public la honte d'un tel attachement ,
qu'elle parut confentir à envoyer fon lâche
amant fur l'échafaud. Quoi qu'il en foit ,
victorieufe de Philippe II , refpectée de
fes peuples , admirée de l'Europe , EU-
\j.beth que la mort du comte d'Eflèx avoit
pénétré de douleur , fentit fa fin appro-
cher , & ne parut point délirer de reculer
le terme de fes jours : un engourdifiement
qui s'étoit emparé de fes membres , &
qui la privoit même de l'ufage de la pa-
role , la mit au tombeau , dans la ?Oe-
année de fon âge , & la 44e- année de fo»
règne. Elle nomma Jacques, roi d'Ecofle*
& fils de Marie , pour lui fuccédex.
R a
iji ELI
La reine Anne ne chercha qu'à fe faire
aimer de Tes fujets , qu'à fe faire eftimer
des puiiTances étrangères : Elisabeth, moins
tendre qu'ambitieufe , voulut régner par
elle-même , & voir jufqu'à quel point elle
pourroit fe rendre maîtiefte de fes peuples
qu'elle tint dans la fou million , tandis que
par fes peuples mêmes elle tenoit fes voiiins
& fes ennemis dans la crainte. Ses vues
ne furent point de conquérir , mais d'em-
pêcher qu'on attentât à fes poffeiTions ,
çu à la plénitude de fa puiflince , qu'elle
fut conferver &: augmenter même par les
reflburces de fa politique & par la terreur
de fes armes. Ceft à ce defir feul de gou-
verner & d'occuper le trône fans partage ,
& non comme l'a répété Moréri d'après
les ridicules vidons de quelques mauvais
annaliftes , aux confeils de fon médecin ,
qu'il faut attribuer l'éloignement $ Elisa-
beth pour les nœuds du mariage. Elle ne
refufa aucun des princes qui afpirerent à
fa main , mais elle n'en accepta aucun ; &
il elle répondit d'une manière favorable à
Philippe II , aux ducs d'Anjou & d'Alen-
çon , à l'archiduc d'Autriche , & au fils
<lu roi de Suéde , elle ne leur donna des
efpérances qu'autant qu'elles fervoient aux
delTeins de fa politique. Elle fuyuic le ma-
riage , parce qu'elle ne vouloir ni maître
ni égal : du relie , l'on allure qu'elle ne fut
rien moins qu'inaccefîible à la tendreilè:
mais fes foiblelles , fi elle en eut , n'écla-
tèrent jamais ; & fi elle donna fon cœur,
elle g.irda fa puiffance pour le- bonheur de
fes fujets & la gloire de h nacrai. (Z. C.)
ELLE , ( Gran. ) pronom relatif
féminin , fur lequel il ne fera pas inutile de
dire un mot en faveur des étrangers qui
étudient notre langue.
Il eft certain , comme l'a rem rqué le
P. Bouhours , que elle au nominatif ne
convient pas moins à la chofe qu'à la per-
fonne; & que Ion dit également bien dune
maifon & d'une femme , elle eft agréable :
mais dans les cas obliques, elle ne convient
pas à la chofe comme à h perfonne , & on
ELL
auffi en parlant d'une vidoire , j'ai fait un
d '/cours fur elle; on diroit bien néanmoins,
une aclion de cette importance traîne' de
g: and. s avantages après elle.
Quoiqu'il n y ait proprement que l'ufage
qui puille nous inftruire à fond la-deflus,
& qu'il foit difficile de rendre raifon pour-
quoi l'un fe dit plutôt que l'autre , on peut
cependant marquer quelques cccaiions, eu
elle fe met fort bien dans les cas obliquer.
Par exemple :
i°. Quand la chofe fe prend pour une
perfonne \fil& vertu paroijfoit à nos yeux
avec toutes fes grâces , nous ferions tous
charntés d'elle. zu. Quand le mot elle eft
entrelacé dans la période & ne finit point
le ciifeours : ainfl je pourrois dire alors en
parlant de la Philofophie , de toutes les
Sciences c'eft la plus utile y ceft d'elle
que les honmes ont appris d vivre y ceft
à elle qu'ils doivent leurs plus belles con-
noijjances. 30. Le pronom elle peut finir
le difeours , quand la phrafe qu'on emploie
a rapport aux perfonnes. Il ne faut pas
s'étonner , dit M. de la Rochef jucaulr, en
parlant de l'amour propre , s'il fe joint
quelquefois à la plus rude auft/rité , 6* s'il
entre Ji nardimenc en fociété avec elle. Le
même écrivain a pu dire, félon ce principe:
la Philofophie triomphe ai fé ment des maux
pajfe's & de ceux qui ne font pas prêts
cC arriver y mais les maux préfens triom-
phent <i'elle. Bjuhours y Remarques fur la
languefranyoife. Article de M. le Chevalier
DE JAUCOURT.
ELLEBORE , (Botaniq.) veratrum 3
plante médicinale , éméiique & cath irti-
que , dont les botaniftes ont établi deux
genres fous le nom à' ellébore blanc , &
d'ellébore noir. Nous allons pailer de ces
deux genres & de leurs efpeces. Commen-
çons par X ellébore blanc, dont voici les
caractères.
V ellébore blanc eft d'un genre de plante
à fleur en rofe , compose de pîulieurs
pétales difpofés en rond , du milieu defquels
il fort un piftil qui devient dans la fuite un
ne diroit pas en parlant d'un homme à qui fruit y dans lequel il y a ordinairement
la philofophie plairoit extrêmement , il
s'attache fore à elle , il ejl charmé d'elle y
il iaut cire pour bien parler, il s'y attacàe
fort } il en eft charmé. On ne diroi: pas |
trois gaines membraneufes raftl-mblées en
bouquet , dans lefquelles il y a des femences
oblongues qui reftemblent à des graines de
îrome if . & qui font bordées 6: pour ainfl
EL L
dire entourées par une petite feuille.
Tournef. infl. reiherb. Voye\ PLANTE.
On diftingue en Botanique les deux
efpeces fuivantes hellébore blanc.
i°. Veratram flore Jubi-iridi , J. R. H.
Helleborus albus fl.re fubviridi , C. B.
P. &c.
2*. V~erj.tr um flore atro rubente , J. R.
H. Helleborus aLbus flore atr* rubente , C.
B. P. &c.
La première efpece poufTe une tige haute
de plus d'une coudée , cylindrique , droite ,
ferme , de laquelle nai fient des feuilles
placées alternativement de la figure de
celles du plantin ou de la gentiane , de
la longueur de deux palmes , prefque
aufii larges ; toutes ftriées & comme
plifie'es , un peu velues , d'un verd clair ,
un peu roides & entourant la tige par
leur bafe , qui eft en manière du tuyau.
Depuis environ le milieu de la tige jufqu'à
fon extrémité' , fortent des grappes de
belles fleurs , compofées de fix pétales
difpofée, en rofe , d'un verd blanchâtre:
au milieu font fix étamines environnant le
piftil , qui le change enfuite en un fruit ,
dans lequel font ramalTées en manière de
tê:e trois graines applaties , membraneufes,
de la longueur d'un demi-pouce , confé-
rant des femences oblongues, blanchâtres ,
femblables à des grains de bled , bordées
d'une aile ou feuillet membraneux.
La racine qui eft d'ufage en matière
médicale , eft oblongue , tubéreufe , quel-
quefois plus grofte que le pouce, brune en
dehors } blanche en dedans , accompagnée
d'un grand nombre de fibres blanches ,
d'un goût acre , un peu amer , un peu
aftihgent , défagréable , & qui caufe des
naafées.
La féconde efpece diffère de la première
en ce que fes fleurs font d'un rouge noir ;
fes feuiîles plus longues, plus minces , &
plus penchées ; fa tige plus élevée , &
garnie d'un petit nombre de feuilles : e\le
paroît aufii plutôt au printemps , & fleurit
ijn mois avant l'autre. On la trouve dans
toutes les montagnes de la France , &
fur-tout dans les Alpes & dans les Pyrénées.
La première efpece eft beaucoup plus
forte & plus acre que l'autre ; car quand on
les place dans le même voifmage , les
E L L 133
limaçons dévorent entièrement les feuilles
de la féconde , tandis qu'ils touchent à
peine à celles de la première.
Toutes les deux font un bel ornement ,
quand on les plante au milieu des bordures
ouvertes d'un jardin. Si on les met près de
haies ou de murailles , où les limaçons fe
tiennent ordinairement , ils en déparent
finguîiérement les feuilles, fur-tout celles
de la féconde efpece , en les ciibhnt de
trous ; & comme la plus grande beauté de
ces plantes coniifte dans leurs feuilles
déployées , dès qu'elles font mangées &
percées , le plaifir qu'elles donnent à l'œil
eft entièrement perdu.
On peut multiplier les deux ellébores
blancs dont on vient de parler , ou en
femant les graines , ou en plantant leurs
racines dans un terrain riche , nouveau , &
léger. La première méthode n'eft guère
d'ufage , parce que ces plantes fleuriftent
rarement en moins de quatre ans ; mais la
féconde méthode réufiit à merveille , &
fournit promptement de très-belles grappes
ce fleurs.
Parlons à préfent àe Y ellébore noir , &
caradirifons-le diftinclement.
\J ellébore noir eft pareillement un genre
de plante à fleur en rofe , compofée de
pîulieurs pétales difpoféesen rond , du mi-
lieu defqueL il fort un piftil dont la bafe eft
environnée de plnfieurs petits cornets ,
pofés entre les écamines & les pétale ;. Il
devient dans la fuite un fruit , dans lequel
il y a des graines membraneufes qui font
raflemblées pour l'ordinaire en bouquets
qui s'ouvrent d'un bout à l'autre , & qui
renferment des femences ordinairement
arrondies , ou ovoïdes. Tournefort , infl.
rei heibur. Voye\ PLANTE. (/)
Les Botaniftes diftinguent fix efpeces
principales oY ellébores noir ; favoir.
1°. HelUborus niger , anguflioribus
foliis y J. R. H. Helleborus nigerfivridus
flore rofeo , C. B. P.
De fa racine naiftent des feuilles , dont
la queue qui a un empan de longueur , eft
cylindiique, épaifte , fucculente , poin-
rillée de taches de pourpre comme la tige
de la grande ferpentaire. Ses feuilles font
divifées jufqu'à leur queue , le plus fouvent
en neuf portions , en manière de digita-^
134 E L L
tions , formant comme autant de petites
feuilles roides , liftes, d'un verd foncé, &
dentelées, fur-tout depuis le milieu jufqu'à
l'extrémité.
On peut fort bien comparer chaque partie
des feuilles de X ellébore noir prifes féparé-
ment , aux feuilles de laurier ; elle n'a
point de tige , les fleurs font uniques ( ou
il y en a deux foutenues fur un pédicule de
la longueur de quatre ,cinq, ou fix pouces :
cesfleurs font compofées le plus fouvent de
cinq feuilles difpofées en rofe , arrondies ,
d'abord blanchâtres , enfuite purpurines ,
enfin verdâtres , fans aucun calice. Leur
centre eft rempli d'un grand nombre d'é-
tamines , entre lefquels & fes feuilles fe
trouve une couronne de cinq , dix , ou
quinze petits cornets jaunâtres , longs
d'une ligne & demie , dont la bouche eft
coupée obliquement.
Au milieu des étamines eft un piftil
compofé de cinq ou fix gaines , qui devien-
nent autant de goufles membraneufes , de
ligure de corne , ramaffées en manière de
têtes , renflées , roufsâtres , dont le dos eft
faillant & comme bordé d'un feuillet , &
terminé par une pointe recourbée : elles
font garnies de fibres demi-circulaires &
tranfverfaîes , qui , en fe contractant, s'ou-
vrent en deux panneaux du côté de la face
interne ; par chaque goufie eft véritable-
ment un mufcle digaftrique , concave ,
dontle tendon fixe eft placé extérieurement
fur le dos de la goufte ; & celui qui eft
mobile eft en dedans , & à l'ouverture des
panneaux. Les graines font ovoïdes , lon-
gues de deux lignes , luifantes, noirâtres ,
& rangées fur deux lignes dans la cavité
de la filique.
La racine eft tubéreufe , noueufe , du
femmet de laquelle fortent un grand nombre
de fibres , ferrées , noires en dehors ,
blanches en dedans , d'un goût acre mêlé
de quelque amertume & excitant des
naufées , d'une odeur forte lorfqu'elle eft
récente.
Cette plante naît dans les Alpes & dans
les Pyrénées ; on la cultive communément
dans les jardins , à càufc de la beauté de
fes fleurs.
! .'■ i9' Helleborus niger orientalis amplijjlmo
folio 7 caule prçealto , flore purpurafceiite ,
ELE
Cor. T. R. H. Helleborus nîger orientalis l
Bellon.
Ses racines font femblables à celles de
X ellébore noir que nous venons de décrire ,
excepté qu'elles font plus grofles , plus
longues , fans odeur ni âcreté , *& fort
ameres. Les feuilles ont la même forme :
mais elles font plus amples , & prefque de
la longueur d'un pié. La tige a plus d'un
pié : elle eft branchue ; les fleurs en font
entièrement femblables à celles de la pre-
mière efpece, aufli-bien que les graioes &
les capfules.
C'eft-Ià Vellébore que M. Tournefort
croit être le vrai ellébore noir d'Hippocrate
& des anciens , parce qu'il eft trèv-commun
dans les illes d'Anticyre qui font vis-à-vis
le mont Oeta , dans le golfe de Zéiton
près de Négrepont; mais encore plus fur
les bords du Pont-Euxin , & fur-tout au
pié du mont Olympe en Afie , proche la
fameufe ville de Prufe. Les Turcs l'ap-
pellent Zopleme.
3°. helleborus niger 9 hortenjis , flore
vindi , C. B. P.
Ses feuilles reiTemblent à celles de celui
de la première efpéce ; mais elles font plus
étroites , d'un verd plus foncé , & dentelées
tout autour. Sa tige a environ un pié de
hauteur , dont le fommet fe parcage en
plufieurs petits rameaux , defquels pendent
des fleurs plus petites , de couleur pâle.
Les racines font fibreufes , un peu plus
grêles , & moins noires.
4e. Helleborus niger y flore albo y etiam
interdum valâe rubente.
5 °. Helleborus niger } trifolicatus y Hort.
Farn.
6e. Helleborus niger } flore rofeo y minor
Belgicus , H. R. Btef.
Ces trois dernières ne demandent point
de defeription particulière.
On cultive toutes les efpeces hellébore
noir dans les jardins > où elles réuiliftènt
parfaitement à l'abri du foleil ; & comme
elles produifent leurs fleurs au milieu de
l'hiver & avant la plupart des autres plantes,
on peut leur donner place dans les avenues ,
& dans les bordures qui font à l'ombre.
C'eft-là qu'elles profperent davantage.
On les multiplie, ou en en femant les
graines , ou en plantant de leurs racines
ELL
dans un terrain léger , humide , & fans
fumier. Si on choifit de les multiplier par
le fecours des graines , la plante fleurira
déjà au bout de la première année: mais
il faut la préferver des mauvaifes herbes ,
qui détruiîent aifément Tes racines. Voye\
Miller fur leur culture. Article de M. le
Chevalier de Jau COURT,
Ellébore , ( Pharm. & Mat. med. )
lu ellébore étoit fort ufité chez les anciens
qui en diftinguoient de deux efpeces, le
blanc & le noir. Hippocrate s'eft fervi de
l'un & de l'autre ; & Galien remarque que
toutes les fois que ce père de la Médecine
fe fert du mot ellébore fans y ajouter d'é-
pithete , il entend hellébore blanc : au lieu
qu'il ne parle jamais du noir fans le fpécifier.
C'eft la racine de ces plantes qui étoit
feule en ufage.
Le blanc étoit employé pour faire vomir
& purger fortement , mais toujours avec
beaucoup de circonfpeclion. Pline nous
apprend qu'on ne le donnoit point aux.
vieillards , ni aux enfans , ni à ceux qui
avoient le tempérament foible , non plus
qu'à ceux qui étoient maigres & délicats ,
plus rarement aux femmes qu'aux hommes ;
enfin qu'on ne le faifoit jamais prendre à
ceux qui crachoient le fang , ni aux valétu-
dinaires.
On préparoit diverfement Vellébore ,
pour tâcher de tempérer fa trop grande
activité. Hippocrate veut qu'on le corrige
avec le daucus , le féfeli , le cumin , l'anis ,
ou quelqu'autre plante odoriférante, voy.
Correctif. On le faifoit infufer dans
la même vue dans du moût , ou dans de
l'hydromel.
Les maladies principales dans lefquelles
les anciens faifoient prendre Vellébore ,
étoient l'épilepfie , le vertige , la mélan-
colie , h lèpre , la goutte , l'hydropifie :
mais c'étoit fur-tout pour purger les fous
qu'il étoit recommandé ; on difoit même
en proverbe , nuvig-ire Anticyras , aller
à Anticyre , pour dire aller cherciier un
remède contre la folie , parce que c'étoit
de cette iliaque venoitle meilleur ellébore.
L'action de Vellébore pris intérieurement,
eftlesplusviolenres; il excite fou/ent les
fymptomes les plus fâcheux. Mefué dit que
de Ion temps les hommes ne pouvoient
ELL itf
fupporter le blanc , & très-difficilement le
noir qui étoit plus foible , & qu'on ne
regardoit que comme purgatif, le blanc
étant reconnu pour un émétique violent.
Aufîi depuis que la Chymie nous a fourni
des vomitifs fûrs & moins dangereux , en
avons-nous abfolument abandonné l'ufage ;
& nous n'avons aujourd'hui qu'une feule
compofition officinale où il entre ; favoir
les pilules de Mathams ou de Starkei , qui
font décrkes dans la pharmacopée de Paris :
encore ne le donne-t-on dans cette com-
pofition qu'en alTez petite dofe , eu égard
à la petite quantité que l'on fiit prendre
de ces pilules , où Vellébore peut même
être regardé comme puifïàmment corrigé
par le favon , qui fait un des ingrédiens &
l'excipient de cette préparation. Vbye\
Pilules de Starkei.
Nous employons auili quelquefois Vellé^
bore blanc comme fternucatoire , & fouvenc
on s'en eft fervi avec fuccès pour guérir la
gale des animaux , comme chevaux y
boeufs , &c. mêlé avec quelque grailTe ou
huile.
L'ufage de Vellébore noir eft un peu plus
fréquent parmi nous. On tire de fa racine,
par le moyen de l'eau , un extrait qui entre
dan sles pilules balfamiques de Stahl. On
trouve dans la pharmacopée de Paris un
firop ft ellébore , compofé fous le nom de
Jirop de pomme elléborifé.
\J ellébore noir entre dans l'extrait pan-
chimagogue de Crollius , dans les pilules
de Starkei , dans les pilules tartareufes de
Quercetan > dans la teinture de Mars
eîléborifée de Wedelius , &c. mais on ne
prefcrit prefque plus ni l'une ni l'autre de
ces racines dans les préparations magiftrales.
Au refte elles font l'une &c l'autre du
genre des remèdes dont l'a&ivité eft due à
une partie volatile : aufti leur extrait pré-
paré à la façon ordinaire ne participe-t-il
que foiblement de cette vertu , en forte
qu'on peut ajouter foi à ce que rapporte
Oribaîius dans fon huitième livre des
collections médicinales y favoir , que l'ufage
d'une forte décoction d'ellébore n'étoit
jamais fui vie des accidens fu nèfles qui
accompagnent Pa&ion des purgatifs excef-
livement violens : quoique le même auteur
obferve dans le même livre , que ces accir
ix6 ELL
dens n'étoient qu'un effet trop commun de
V elle bore donné à la iaçon ordinaire , c'efr-
à-dire, apparemment en fubftance, les pré-
cautions qu'on avoit coutume de prendre
d'avance contre ces dangers , font présen-
tées dans cet endroit fous un appareil fi
effrayant qu'on ne conçoit guère comment
il s'eft pu trouver des malades aflez hardis
pour s'expofer à i'aclion de ce remède , ou ,
pour mieux dire, de ce poifon.
La vertu purgative de Y elle bore eft atteftée
dans les plus anciens fafresde la Médecine ;
on trouve parmi les faits placés dans ces
temps reculés que notre chronologie n'at-
teint point , dans les fiecles des héros, que
Melampe berger , poète , devin , & fils
de roi, guérit les filles de Pratus devenues
folles par la colère de Bacchus , ou par
celle de Junon , en leur faifant prendre
du lait de fes chèvres , auxquelles il avoit
fait manger de V elle bore peu auparavant ; &
qu'il s'avifa de cette reffource , parce qu'il
avoit obfervé que ces chèvres étoient
purgées après avoir brouté cetre plante.
M. Leclerc remarque, dans fon hifloire de
la Médecine , que c'eft-là le plus ancien
exemple que nous ayions de la purgation ,
& qu'on pourroit croire que c'eft ce qui fit
donnera Melampe le furnom de ffa&stprjK ,
celui qui purge , ou purifie , qui femble
marquer qu'il eit le premier qui ait donné
des purgatifs ; c'eft delà auffi que Y ellébore
fut appelle mehmpodium. Voye\ Dicfeo-
ride y liv. IV. c clxxxj. Galien parle de
cette cure de Melampe dans fon livre de
atrabile , c vij ; & Pline , /. XXV,
c. v.
Aulugelle nous a tranfmis une anecdote
bien plus finguliere fur l'ufagede Y ellébore.
Il rapporte ( c. xv. I. XVII. ) que
Carnéade l'académicien fe difpofant à
écrire contre Zenon , fe fit vomir vigou-
reufement avec de Y ellébore , de peur que
les humeurs corrompues dans fon eftomac ,
ne laiffafTent échapper quelque chofe qui
parvînt jufqu'au fiege de fon ame , & en
altérât les fondions, (b)
Valere Maxime raconte cette hiftoire
d'une manière encore plus merveilleufe
qu'Aulugelle. Il dit que Carnéade prenoit
de Yellébore toutes les fois qu'il devoit
-difpmer avec Chryfippe , & il ajoute que
ELL'
le fuccés de Carnéade fît rechercher ce
purgatif par tous ceux qui aimoient les
louanges folides. Pline rapporte que Drufus,
le plus renommé d'entre les tribuns du
peuple, fut guéri de Pépileplie dans fille
d'Anticyre , où l'on avoit coutume d'aller
pour le prendre avec plus de fuccès & de
fureté.
L'Anticyrefifameufe , où tant de poètes
afïignent aux fous un legement , étoit une
ville fituée auprès du golfe Malliaque
aujourd'hui de Zeiton , aflèz près du
mont Oè'ta, d'où l'on tiroit le plus excellent
ellébore. On y préparoit & corrigeoit ce
remède de différentes manières , nous
connoiffons même quelques-unes de ces
corrections & de ces préparations. Aduarius
rapporte celle - ci : on faifoit un peu
macérer dans l'eau la partie fibreufe de la
racine d'ellébore , en rejetant la tête ;
en fuite on féchoit à l'ombre Pécorce que
l'on avoit féparée de la petite moelle qu'elle
renferme : on donnoit cette préparation
avec des raifïns fecs ou de l'oximel , mêlé
quelquefois avec des graines odoriférantes,
afin que ce remède fût pins agréable.
Pline dit aufîi , qu'on mêloit à Anticyre
Yellébore avec une certaine graine qui
croifîbit aux environs de la ville; que l'on
mettoit dans du vin doux une pincée de la
graine avec une obole & demie d'ellébore
blanc , & que ce remède purgeoit toute
forte de bile.
Les anciens employoient Yellébore , non
feulement pour la bile, c'eft-à-dire , la
mélancolie noire & pour la folie , mais
encore , comme on l'a remarqué ci-
defTus , pour rhyftéïifme , la goutte , l'apo-
plexie , l'épilepfie , la ladrerie , la îeuco-
flegmatie , fhydropifie , en un mot pour
toutes les maladies graves de l'ame & du
corps.
Ce remède fut en ufage dès la naiffance
de la Médecine : quelquefois Hippocrate
le faifoit prendre à jeun ; mais il l'ordon-
noit plus ordinairement après le fouper,
parce que , fuivant M. le Clerc , Yellébore
mêlé avec les alimens dans l'efromac , y
perdoit une partie de fa force flimulante :
dans plufieurs cas Hippocrate donnoit le
uslxQzkU ihKîl6opcç ;ce qui , félon le même
favant , étoit une forte de préparation
d'ellébore ,
ELC
hellébore , qui afFoiblifToit fou a&îvîté vio-
lente.
Herophile , A&uarius , Arétée , Celfe ,
étoient fort prévenus en faveur de ce remède ;
Diofcoride , qui en parle fort au long , nous
inftruit particulièrement des cérémonies
fuperftitieufes qu'obfervoient ceux qui le
cueilloient en le tirant de terre.
On appliquoit extérieurement l'ellébore
noir dans les maladies cutanées opiniâtres ;
& Galien prétend que quand on en met-
toit dans une fiftule calleufè , il emportoit
le caltofité en deux ou trois jours.
Cependant malgré l'ufage que les anciens
faifoient de V ellébore , les plus fages méde-
cins n' avoient coutume de l'employer qu'a-
vec une très - grande précaution. Avant
que de le donner aux adultes mêmes , qui
étoient en état de le fupporter , ils exami-
noieiat principalement deux chofes : Tune ,
il la maladie étoit invétérée ; l'autre, fi les
forces du malade fe foutenoient. Lorfque
l'ellébore leur paroillbit convenir , ils ne
l'adminiftroient encore qu'après avoir pré-
paré foigneufement le malade 8c le remède.
Ils préparaient le malade pendant lept
jours , foit par la diète , foit par des remèdes
minoratifs; Pline nous en inftruit fort au
long. De fon temps , la préparation du
remède , à Pvome , confiftoit à introduire
les racines d'ellébore noir dans des morceaux
de raifort , & de les faire cuire enfemble
pour diiîîper la trop grande force de
l'ellébore. Alors les uns donnoient ces raci-
nes adoucies par l'ébullition , les autres fai-
foient manger les raiforts , & rej étoient
les racines ; d'autres enfin faifoient boire
au malade cette décoction qui purgeoit
lufKfamment.
Quoique les anciens aient fait grand
ufàge de leur ellébore , pour les maladies
du corps Se de l'ame , & que les plus fages
l'aient donné très - prudemment , ils l'ont
décrit fi obfcurément , que nous ne recon-
noifïbns plus celui qu'ils employoient. La
defeription de Théophrafte eft en parti-
culier trop tronquée & trop défectueufe ,
pour nous fervir à découvrir l'ellébore dont
il parle. Nous ne retrouvons point dans
aucune de nos efpeces d'ellébore noir celui
de Diofcoride. Enfin l'oriental noir actuel
tT Anticyre , ne quadre avec aucune des
Tome XII.
Ë L £ ij7
defcriptîons anciennes} c'étoi: cependant
le leur , félon toute apparence , du moins
a - t - il la même violence dans fon action.
Tournefort , qui en a fait l'épreuve ,
avoue que tous ceux à qui il en a donné
l'extrait, étoient tourmentés de naufées,
de pefanteur d'eftomac avec acrimonie,
jointe au foupçon de phlogole, qui mena-
çoit la gorge &: les inteftins : il ajoute
encore qu'ils avoient des douleurs de tête
pendant piufieurs jours, avec des élance -
mens , Se le tremblement de tous les
membres, de forte qu'il fe vit obligé dé
s'abftenir de ce remède. La force de celui
de notre pays , eft bien moindre que dans
l'Orient.
Mais quelle qu'elle {bit, puifque nous
ponedons des purgatifs & des émétiques
également efficaces , & beaucoup plus sûrs ,
tels que font les préparations purgatives &
vomitives de l'antimoine , il vaut mieux
nous abftenir de l'ufage de tout ellébore,
outre que les corps des hommes qui vivent
dans nos climats , ont de la peine à en
fupporter les effets. Qu'on ne dife point
qu'on peut l'adoucir, le corriger avec des
aromates , ou bien avec la crème de tartre ,
le fel de prunelle , les tamarins , i'oxymel ,
le fuc de coing , & autres femblables ; il
eft bien plus fimple de ne pas fonger aux
corre&ifs, dès qu'il eft aifé de fe paflerde
la plante même.
Concluons de ce principe , qu'il faut
également proferire toutes les préparations
d'ellébore qui fe trouvent dans les phar-
macopées , fans dire ici que toutes les pré-
parations galéniques & arabefques font mifé-
râbles en elles-mêmes.
Comme tout le monde fait que l'ellébore
blanc eft le plus fort , il eft encore plus digne
de la profeription que le noir. Cette plante
a un fuc cauftique & brûlant , qui , refpiré
par ^ les narines , excite un éternuement
forcé, & c'eft un des plus puiflans fter-
nutatoires dans les maladies fopporeufès.
Si l'on met de cette poudre à la fource d'une
fontaine , l'eau qui en découle purge violem-
ment. Les feuilles , les tiges, les fleurs , Se
les racines de l'ellébore blanc appliquées fur
la peau d'une perfonne vivante , excorient
la partie, & y produifent une exulcéïar»
tion.
i3fc E L L
La feule faveur nauféabonde de l'ellé-
bore 3 eft un ligne de fa vertu émétique
ou purgative ; celle de l'ellébore blanc ,
qui eft fort acre Se fort arrière , indique un
purgatif très-actif ; auiïi Ton place avec rai-
ibn l'un & l'autre genre parmiles mochliques.
J^bye^ Mochlique.
Vous trouverez dans les mém. de l'acad.
des Sciences, année ijoi , quelques expé-
riences chymiques de M. Boulduc , fur la
racine de l'ellébore noir. L'extrait de cette
racine fait avec de l'eau , donne tout ce
qu'on peut en tirer , & le réfîdu ne donne
plus rien par l'efprit-de-vin.
Enfin , les curieux peuvent confulter , s'ils
le jugent à propos , Holzemii ( Petr. ) ejfen-
iia kellebori rediviva; Colonise , 1616. 8.
Manelphi ( Joan. ) difeeptatio de helleboro ;
Roms, 1622. 8. Scobingeri ( Joh. Cafp. )
dijfert. de helleboro nigro ; Bafîl. 1721.
in-4?. Caftellus (Petrus) de ellebcro apud
Hippocratem & alios auctores ; Romae 1628.
in- -4°. Ce dernier ouvrage eft rare , curieux
Se lavant. Article de M. le Chevalier de
Jaucourt.
ELLEBGRiNE , HELLEBORINE , f, f.
(jHiJl. nat. Botaniq. ) genre de plante à
fleur anomale , compofée de fix pétales
différens les uns des autres : les cinq du
deiîus font dijpofés en rond ; celui du
tlefïbus eft fait en forme de goutiere.
Le calice devient dans la fuite, un fruit
qui refiemble en quelque façon à une lan-
terne ouverte de trois côtés, dont les pan-
neaux font charges de femences aulïi menues
que de la fciure de bois. Ajoutez aux carac-
tères de ce genre , que les racines font
Êbreufès. Tournèrent, infi. rei herb. Vcye{
Plante. (/)
ELLERENA , ( Géogr. mod. ) ville de
rEftrumadure de Léon , en Efpagne. Long.
TZ. 45. lat. j#. 8.
^ ELLINGEN ou (ELLINGEN , (Géogr.)
ville & château d'Allemagne dans le cercle
de Franconie fur la rivieye de Rezat ; c'eft
te chef-lieu d'une commanderie confîdé-
rable de l'ordre Teutonique , ou rélide ordi-
nairement le bailli de Franconie.
ELLIPSE , f. f» terme de Grammaire ;
c'eft une figure de conftructicn , ainfi
appeliée du grec W>4k , manquement ,
vmi£ion ; on parle par ellipfe 3 lorlque l'on
E L L
retranche des mots qui feroient néceflaires
pour rendre la conftrucrion pleine. Ce retran-
chement eft en ufage dans la conftruction
ufuelle de toutes les langues ; il abrège le dif-
cours , Se le rend plus vif Se plus foutenu :
mais il doit être autorifé par l'ufage , ce qui
arrive quand le retranchement n'apporte ni
équivoque ni obfcurité dans le diicours ; Se
qu'il ne donne pas à l'efprit la peine de
deviner ce qu'on veut dire , Se ne l'expofe
pas à fe méprendre. Dans une phrafe
elliptique , les mots exprimés doivent
réveiller l'idée de ceux qui font fous-enten-
dus , afin que l'efprit puiiîè , par analogie ,
faire la conftrucrâon de toute la phrafe , Si
appercevoir les divers rapports que les mots
ont entr'eux : par exemple , lorique nous
liions qu'un Romain demandoit à un autre,
où allez-vous ? Se que celui-ci répondoit ad
Cajloris , la terminaifon de Cafcris fait voir
que ce génitif ne fauroit être le complément
de la prépofïtion ad , qu'ainfi il y a quelque
mot de fbus-entendu ; les circonftaYices font
connoître que ce mot eft cedem , & que par
conféquent la conitrucrion pleine eft eo
ad cedem Cajloris , je vais au temple de
Caftor.
UeUipfe fait bien voir la vérité de ce que
nous avons dit de la penfée au mot D£cli-
. naison & au mot Construction. La pen-
fée n'a qu'un inftant , c'eft un point de vue
de l'efprit ; mais il faut des mots pour la
faire palier dans l'efprit des autres : or on
retranche fouvent ceux qui peuvent être aife-
ment fuppléés, & c'eft Yellipfe. Voye[ Ellip-
tique. (F)
Ellipse , ( Mufiq. ) La mufîque a fes ellip-
fes aufïi-bien que la grammaire, c'eft-à-
dire , qu'on omet fouvent des notes , Se même
des accords , dans une phrafe harmonique ;
mais pour que cela fe puifïe fans trop de
dureté , il faut que Yellipfe foit telle qu'il
n'y- ait aucun doute fur l'accord , ou la note
qui la forme..
Il y a donc deux fortes d'etlipfe en mufî-
que yellipfe dans ^harmonie \ iV lorfqu'on
omet un ou plufieurs accords.
2^. L' ellipfe dans la mélodie, lorfqu'on
omet une note dans le chant d'une partie.
\! ellipfe dans l'harmonie a fouvent lieu ,
quand elle eft employée à prepos , elle
produit, un très-grand effet s il eit prefque.
EL t
Smpoiïîble de donner des règles de la manière
de pratiquer les ellipfes , parce quelles font
des exceptions aux règles : en général lorf-
qae Vellipfe n'eft que d'un accord , ôc que
d'ailleurs l'harmonie eft régulière , on peut
toujours la pratiquer. Voye^ des ellipfes dans
l'harmonie , planche IX de Mufiq. fig. 6.
n. z. Suppl. des planches.
On voit dans cet exemple que l'accord de
la tonique ut a été fauté , & qu'on a pris
d'abord celui de la nouvelle dominante-
tonique re. Cette ellipfe eft une des plus frap-
pantes , quoiqu'une des plus uficées , parce
que la feptieme/a de l'accord de dominante -
tonique fur le fol , au lieu de fe fauver régu-
lièrement , monte d'un lèmi-ton mineur &
devient note fenfible.
h' ellipfe dans la mélodie arrive lorfqu'on
omet une note du chant , ôc qu'à fa place on
fait une paufej ordinairement la note qui
luit la paufe ou V ellipfe , eft diflonante , ik
la rend plus piquante. Voye^ Vellipfe dans la
mélodie ,fig. 6. n°. %. planche IX de Mufique,
Supplément des planches.
Ellipse , f. f. en Géométrie , eft une des
fe&ions coniques qu'on appelle vulgaire-
ment ovale. Voye^ Conique & Ovale.
L 'ellipfe s'engendre dans le cône , en cou-
pant un cône droit par un plan qui travene
ce cône obliquement , c'eft-à-dire , non
parallèlement à la bafe , qui ne pallè point
par le fommet , ôc qui ne rencontre la
bafe qu'étant prolongé hors du cône , ou
qui ne fane tout au plus que râler cette baie.
La condition que le cône foit droit , eft
nécelfaire pour que la courbe , formée comme
on vient de le dire , ioit toujours une
ellipfe; car file cône eft oblique, en cou-
pant ce cône obliquement, on peut quel-
quefois y former un cercle ( voye^ la fin
de l'article Conique , & Sous-contraire
ou Anti-parallele , au mot Paral-
lèle;) or la nature de V ellipfe eft d'être
ovale , c'eft-à-dire , d'avoir deux axes iné-
gaux.
Ce mot eft formé du grec êMé/4'* défaut ;
les anciens géomètres grecs ont donné ce
nom à cette figure , parce que entr'autres
propriétés elle a celle-ci , que les quarrés
des ordonnées font moindres que les rec-
tangles formés fous les paramètres &: les
abiciiîes , ou leur font inégaux par défaut.
E L L r^9
En effet l'équation de Y ellipfe , en pre-
nant les abfciiîes au fommet, eft celle-ci
y y = (ax — xx) X— , a étant l'axe»
Ôc b fon paramètre. ( voye^ Paramètre ,
Courbe , & Equation ; voye^ auffi la.
fuite de cet article.} ; donc y y < b x ;
donc, &c Voyez enfin Parabole 6.
Hyperbole.
L 'ellipfe , pour la définir par fa forme;
eft une ligne courbe , rentrante , contenue ,
régulière , qui renferme un efpace plus
long que large , & dans laquelle fe trouvent
deux points également diftins des deux:
extrémités de fa longueur , Ôc tels que fi
on tire de ces points deux lignes à un
point quelconque de Vellipfe , leur fomme
eft égale à la longueur de \' ellipfe. Ces
deux points font éloignés de l'extrémité
du petit axe d'une quantité égale à la moitié
du grand axe.
Ainfi dans Vellipfe A E B D A ( Plan-
che de fecl. conique , fig. %im ) les lignes
F 'a ôc Fa , tirées des deux points F f9
également diftans des deux points A ÔC
B , forment une fomme égale à A B i
Ôc la diftance des points F , /, au point E ,
^ = CA. : ■
Souvent les Géomètres prennent Vellipfe
pour l'efpace contenu ou renfermé dans
cette courbe. Elle a , comme on vient de:
le dire, deux axes inégaux A B Se E Dm
Le grand axe A B s'appelle quelquefois axe
ou diamètre tranfverfe , ÔC le petit axe
D E s'appelle quelquefois Vaxe conjugue
ou fécond axe. Mais on appelle en général
diamètres conjugués ceux dont l'un eft paral-
lèle à la tangente menée à l'extrémité de
l'autre , ôc réciproquement , fbit que leurs
angles foient droits , ou non. Les deux
axes fè coupent toujours à angles droits.
Voye^ Axe.
Les deux axes font le plus grand & le
moindre des diamètres de Vellipfe , mais
Vellipfe a une infinité d'autres diamètres
différens. Voye^ Diamètre , &c.
Le centre d'une ellipfe eft le point Cdans
lequel fe coupent les deux axes. V. Centre.
Les deux points F , f, pris dans le grand
axe , également diftans de ces deux exrré-
I" mités A ôc B 3 ôc diftans chacun du point
D de la valeur de A C, font nommée
S z
140 E L L
foyers de Yeîlipfe , ou en latin umbitici.
Voye^ Foyer.
Mais Yeîlipfe confédérée comme une
fection conique, c'eft-à-dire , comme une
courbe , provenant de la fection d'un cône ,
fè définit encore mieux par fa génération
dans ce folide , que par la manière dont
elle peut être produite fur un plan. C'eft
la ligne courbe D QE qu'on forme en
coupant le cône droit ACB (fig. çlî. n. z.)
de la manière expliquée ci-dellus.
Ou , en la définifïant par une de fes pro-
priétés fuppofée connue , c'eft une ligne
courbe dans kquelle le quarré de la demi-
ordonnée P M (fig. %i.) eft au rectangle
des fegmens A P , & BP de l'axe , comme
le paramètre eft à l'axe ; ainfi fuppofant
A B = a , le paramètre = b , P M =
y , A P = x y on aura b ; a : : y y : a x
«— - x x , & par conféquent a y y=* a b x
*— b x x.
Nous ne donnons point la démonftration
de cette propriété , parce qu'elle fe trouve
par-tout. Nous avons expofé les différentes
définitions qu'on peut donner de Yeîlipfe ,
Si cette dernière propriété peut être regar-
dée ,. fî l'on veut, comme une des défi-
nitions qu'on peut en donner , auquel cas
la démonftration en feroit fuperflue. Mais
la meilleure manière de traiter de Yeîlipfe
& de toutes les fections coniques géomé-
triquement , eft de les conlîdérer a abord
dans le cône , d'en déduire leur équation ,
& de les tranfporter delà fur le plan ,
pour confidérer plus facilement leurs pro-
priétés , & pour trouver , fi l'on veut , la
• manière de les décrire par un mouvement
continu , ou par plu heurs points. Ainfi
des propriétés de Yeîlipfe tranfportée &
confidérée fur le plan , réfulte la defcription
de Yeîlipfe telle que nous l'avons donnée au
mot Conique.
J'ai dit que la meilleure manière de
traiter géométriquement les fections coni-
ques , & en particulier Yeîlipfe, étoit de
les faire naître dans le cône ; car fi on
veut les confidérer algébriquement par la
nature & les différences de leurs équations ,
la- meilleure manière eft celle dont j'ai parlé
au mut Comique. Voye^ aujfi les articles
Courbe & Construction»
EL L
Si on prenoit les abfciflès x au centre C,
on trouveroit y y z== ( — — x x} x — .
Quelquefois cette équation eft plus com-
mode que ayy'=abx—-bxx.
De cette dernière équation il s'enfuit ,
bxx
i °. que y y = b x — ~' c'eft - à - dire ,
que le quarré de la demi-ordonnée eft égal
au rectangle du paramètre par l'abfciflè ,
moins un autre rectangle formé par la même
abfcifie , 8c une quatrième proportionnelle
à l'axe , au paramètre , Se à rabfcilîe.
2°. Le Paramètre , l'abfcifïe, Se la demi-
ordonnée d'une ellipfe , étant donnés , on
trouvera l'axe en fàifant ces proportions.
b : y- :y ; t> T
Voye[ Construction.
3°. L'abfcifTe AP
a.
, l'axe AB , &
l'ordonnée P M , étant donnés , on trouve
le paramètre en faifànt b = ayy * *"
* a x -xx
conftruifant enfuite cette valeur de b fui-
vant les règles expliquées au mot Cons-
truction.
4°. Si du grand axe AB comme dia-.
mètre {figure X%) , on décrit un cercle
ACB , & que par le foyer F on mené.
FC ordonnée à l'axe y FC fera la moitié
du petit axe, & FD la moitié du paramètre
du grand axe. Car l'abfciffe G F = V
(F Ez — G E1) ~ V (aJ. _ ££);
4. 4
pa étant le quarré du petit axe. Voye^
Paramètre & Foyer. Or , C F1 ==
^ .-«■ G, F \ par la propriété du cercle ;
donc C F sw '■ * == la moitié du petit
axe. Or CF* , eft à DF1 comme la moitié"
du grand axe eft au demi-paramètre , c'eft- .
à-dire , comme le quarré de la moitié du
petit axe eft au quarré de la moitié du
paramètre ; donc D F= la moitié du para-,
mètre. Le cercle qui a pour diamètre le
grand axe de Yeîlipfe , eft appelle circonf-
crit à Yeîlipfe ; le cercle qui a pour dia-
mètre le petit axe , eft appelle cercle inf
crit : en effet le premier de ces cercles eft
extérieur , h fécond intérieur à Ydlipfe.
\ j°. t,e paramètre <% l'axe A M éxaiu
ELL
donnés , on trouvera facilement l'axe con-
jugué, puifque c'eft une moyenne propor-
tionnelle entre l'axe ôc le paramètre ; à
quoi il faut ajouter que le quarré du demi-
axe conjugué eft égal au rectangle formé fur
B f Ôc f A {figure %i ) , ou fur A F
ôc B F.
6°. Dans une ellipfe quelconque , les
quarrés des demi-ordonnées P M , p m ,
Ôcc. font entr'eux comme les rectangles
formés fur les fegmens de l'axe : d'où il
s'enfuit que D Ci : P M1 : : CBX:AP
X B P , ôc par conféquent D C : B C : :
P M1 : A P X B P ; c'eft-à-dire que le
quarré du petit axe eft au quarré du grand ,
comme le quarré de la demi - ordonnée eft
au rectangle formé fur. les fegmens de
l'axe.
7°. La droite F D (fig. 2.4. ) tirée du
foyer F à l'extrémité du demi-axe conju-
guée , étant égale à la moitié de l'axe
tranfverfe AC, il s'enfuit que les axes
conjugués étant donnés , on peut aifément
déterminer les foyers. Pour cela on cou-
pera le grand axe A B , en deux parties
égales en C, on élèvera du point C , la
perpendiculaire C D égale au demi - axe
conjugué ; enfin du point D pris pour
centre, ôc de l'intervalle C A , on décrira
un arc de cercle , il déterminera les foyers
W ôc f par fes injerfedions avec le grand
axe.
8°. Comme la fbmme des deux droites
FM & f M. , tirées des deux points F ôcf,
au même point de la circonférence M ,
eft toujours égale au grand axe A B , il
s'enfuit delà que les axes conjugués d'une
ellipfe étant donnés , on peut facilement
décrire Y ellipfe. Voyz\ Conique.
9°. Le rectangle formé fur les fegmens
de l'axe conjugué eft au quarré de la demi-
ordonnée , comme le quarré de l'axe con-
jugué eft au quarré du grand axe \ d'où
il s'enfuit que les coordonnées à l'axe con-
jugué ont entr'elles un rapport analogue
à celui qui règne entre les coordonnées au
grand axe.
io°. Pour déterminer la foutangente P T
{fig, 23. ), & la founorrmle P R dans une
ellipfe quelconque , on fera : comme le
premier axe eft au paramètre , ainfi la
difcuiçe, de. la demi - ordonnée, au. centre
ELL
founormale. Vbyc^
SoUNOR-
eft à la
MALE.
ii°. Le rectangle fous les fegmens de
l'axe eft égal au rectangle formé de la
diftance de la demi-ordonnée au centre ôc
de la foutangente. Voye^ Sou tangente.
ii°. Le rectangle fait de la foutangente
& de la diftance de l'ordonnée au centre
eft égal à la différence du quarré de cette
diftance ôc du quarré du demi-axe tranf-
verfe.
130. Dans toute ellipfe le quarré de la
demi-ordonnée à un diamètre quelconque ,
eft au quarré du demi - diamètre conjugué ,
comme le rectangle fait fous les fegmens
du diamètre eft au quarré du diamètre ;
ôc par conféquent le rapport des demi-
ordonnées des diamètres eft le même que
celui des ordonnées des axes ; le paramètre -
d'un diamètre quelconque eft aufïi une
troifîeme proportionnelle, à ce diamètre ôc
à fon conjugué;
Nous avons rapporté ces propriétés de
Y ellipfe la. plupart fans démonftration , pour
deux raifons : la première , afin que le lec-
teur ait fous les yeux dans un allez petit
efpace les principales propriétés de X ellipfe y
auxquelles il peut joindre celles dont on a
déjà fait mention à Y article Conique.
La féconde raifon eft de donner au lecteur
1 occafîon de s'exercer en cherchant la démonf-
tration de ces propriétés. Toutes celles
que nous venons d'énoncer fe déduifent aifé-
ment de l'équation y y '=■■■{ a x — x x)
-i, ou (~- — x x) -- y félon qu'on prendra
les abfcifïes au centre ou au fbmmet , pour
démontrer plus fimplcment ces propriétés.
Pour démontrer les propriétés des foyers,
on nommera C F ( figure &l.. ) fi ôc on
remarquera que fi e eft lé fécond axe , on
aura a—~ ~~m-ff =^~7 == "X* ^n vo^ P^us
qu'il n'en faut pour mettre le lecteur fur la
voie; On peut remarquer ici en pafîànt que
le cercle eft une efpece à' ellipfe dans laquelle
les foyers coïncident avec le centre.
Pour trouver les tangentes- de Y ellipfe ,
rien n'eft plus fîmple ôc plus commode que
d'employer la méthode du calcul difteren-
uel, on a y^ = â * = -^ > donc 2 #
donc la foutan-
y d x -— - iy y
genre -^ " - j^g£ ^
fer articles
SOU TANGENTE & T A N G E N T E.
A l'égard de la fouperpendiculaire ou
r i 11 n yày y b 2b xy
fbunormale , elle eft y-jf ou — — ~-i =
■ Lî. En voilà allez pour démontrer les
propofitions énoncées ci - deilus au fujet des
;tangences de Yellipfe.
Nous avons déjà vu au mot Conique ,
Se nous prouverons encore au mot Qua-
drature , que la quadrature de Ydlipfe
.dépend de celle du cercle , puifque Yellipfe
.eft au cercle circonferit en raifbn du petit
axe au grand. A l'égard de la rectification
-de Yellipfe , c'eft un problème d'un genre fupé-
rieur à celui de la quadrature du cercle ,
ou du moins tout-à-fait indépendant de
.cette quadrature. Voye^ Rectification ;
vcyei aujfi dans les mémoires que j'ai donnés
à l'académie de Berlin pour l'année 1746,
éc dans le traité du calcul intégral de M. de
Bougainville le jeune , les diffhennelbs
qui fe rapportent à la rectification de Yel-
lipfe.
Au lieu de rapporter Yellipfe à des coor-
données rectangles ou à des ordonnées
parallèles , on peut confidérer Ton équation
par rapport à l'angle que font avec l'axe
îes lignes menées du foyer. Cette confidé-
•ration eft utile dans TAftronomie , parce
que les planètes , comme l'on fait , décri-
vent des eliipfes dont le foleil eft le foyer.
Or 11 on nomme a la moitié du grand axe
jd'une ellipfe , f la diftance du foyer au
.centre , q le connus de l'angle qu'une ligne
menée du foyer à Yellipfe , fait avec l'axe ,
r la longueur de cette ligne; on aura r
£5= -" ~Z.i> *î on apporte 1 équation au
foyer le plus éloigné , & r = y£™~ »
(\ on la rapporte au foyer le plus proche.
Delà on peut tirer la iolution de plusieurs
problêmes aftronomiques , comme de décrire
une ellipfe dans laquelle trois diftances au
foyer font données , &c. Voyez les mémoi-
res de l'académie de Berlin pour Tannée
*747 ? 8c plufieurs autres ouvrages d'ajîro-
pomie,
E L L
Mais la manière la plus générale de confi-
dérer Yellipfe en Géométrie, eft de la
confidérer par l'équation aux ordonnées
parallèles. Nous allons entrer dans quelques
confédérations fur ce fujet, qui pourront
être utiles aux commençans , peut - être
même aux géomètres plus avancés.
L'équation d'une ellipfe rapportée aux
axes , les coordonnées étant prifes au cen-
tre, eft yy~k — g x x, k exprimant
un quarré ou rectangle connu, 8c g un
nombre confiant 8c connu ; cela réfulte
de ce qu'on a vu ci-deflus. Transformons
les axes de cette courbe , de manière qu'ils
ne fbient plus rectangles , fi on veut , mais
qu'ils aient la même origine , 8c fervons
nous pour cela des règles expliquées aux
articles Courbe & Transformation ;
on verra qu'en fuppofant un des axes dans
une pofition quelconque , il fera pofTible
de donner une telle pofition à l'autre ,
que l'équation transformée foit de cette
forme u z/= m — n^[, m 5c n marquant
aufli des circonftances déterminées. En effet
luppofons que l'angle des premiers axes
foit droit , que E foit l'angle du nouvel
axe avec l'un des axes primitifs , 8c F
l'angle que l'axe cherché fait avec l'axe
conjugué à l'axe primitif ; foit finus 2s =e,
cofinus E = V 1 — e&^ on aura finus 90
+ E = V 1 — ee, cofinus 90 -f- E
= — e ; foit finus F=f, 8c cofinus F =
/ ■ _ y
y 1 — ff, on trouvera ^
fin. E
I— //
/
nus 90
cof. F
F —
8c
\^X v -j-^ryy fin 90 _j. £ _ F = j. \
Or , finus 90 -f- E — F= fin. 90 «+- E X
/ 1 — // — / cofin. 90 -f- E ( royei
Sinus ) = V 1 — // X V 1 — e e
■-t-fe. Subftituant ces valeurs, & chafïànt
x 8c y , on aura une équation en £ 8c en u ,
qui fera la transformée de l'équation y y
= k — g x x ; 8c fuppofant dans cette
transfermée que les termes où fe trouve u ç
fe dé triaient , on aura la yaleur de f en e
E LL
convenable pour cela , & l'équation u u
= m — n [ £. Cela pofé ,
Il eft vifible que pour chaque [ , u a
toujours deux valeurs égales , Tune pofitive ,
l'autre négative; que lorfque { = VfL,
n
onau = o dans chacune de ces deux va-
leurs , & qu'ainfi la tangente à l'extrémité
d'un des deux axes eft parallèle à l'autre
axe , & réciproquement ; car la tangente
eft une ordonnée qui coupe la courbe en
deux points coïncidens. V. Tangente
& Courbe. On verra de plus que/— o
rend e = o ; que / = i rend e = i ,
3 repréfentant le finus total; que/= — i
rend e = — i , & qu'ainfi il n'y a que
deux axes dans Yellipfe qui Te coupent à
angles droits ; mais que / = izrtr étant
moindre que i , donne deux valeurs de e
aufli égales entr'elles , & qu'ainfi il y a
toujours deux diamètres diftérens qui font
avec leur conjugué le même angle , fi cet
angle eft moindre qu'un droit. On peut
auili déduire des valeurs de / en e , & de
celles de m & n , que le rectangle des deux
axes eft égal au parallélogramme formé fur
deux diamètres conjugués , Ôc que le quarré
des deux axes eft égal au quarré des deux
diamètres. Mais ces proportions peuvent
encore fe démontrer de la manière fui-
vante , qui eft bien plus iimple.
Pour démontrer que les parallélogram-
mes formés autour des deux diamètres
conjugués font égaux ,« imaginez un dia-
mètre infiniment proche d'un des conju-
gués , & enfuite imaginez le conjugué à
ce diamètre infiniment proche. Achevez
les deux parallélogrammes , ou plutôt le
quart de ces parallélogrammes , vous verrez
à l'inftant , &pourainfi dire à l'œil, parle
parallélisme des tangentes aux diamètres
conjugués , que ces deux parallélogrammes
infiniment proches font égaux ; leur diffé-
rence , s'il y en avoir , ne pouvant être
qu'infiniment petite du fécond ordre par
rapport à eux. Donc , ùc.
Pour démontrer maintenant que la fbmme
des quarrés des diamètres conjugés eft
conftante , confervez la même figure ,
appeliez a un des demi - diamètres , b fon
conjugué, a.^rda3 le demi * diamètre
ELL 143
infiniment proche de a, b — db le demi-
diametre conjugué \ il faut donc prouver
que a a~\- b b = a a + %. ada-\-b b —
% b d b ( voye^ Différentiel) ou que
ad a = bd b. Or traçant du centre de
Yellipfe & des rayons a , b , deux petits
arcs de cercle x , (, on verra d'abord,
évidemment que les deux quarts à'ellipfe-
renfermés entre les demi - diamètres con-
jugés, font égaux, 3c qu'ainfi ax = b^,.
Or#eftà<ftf&çeftà<f£ comme le
finus de l'angle des diamètres eft au cofinus-
du même angle ; donc x : d a : : [ : d b ;,
donc puifque a x = b £ , on aura a d a.
= bdb.
On objectera peut - être que ces deux
démonftrations font tirées de la confidé-
ration des quantités infiniment petites *
c'eft-à-dire d'une géométrie tranfeendante
lupérieure à celle des fections coniques. Je*
réponds que les principes de cette géométrie
font iimples ôc clairs , de qu'ils doivent
être préférés dès qu'ils fourniflent le moyen
de démontrer plus aifçment. Voye[ Infini
^Différentiel. En effet, pourquoi
ne mettra-t-on pas à la tête d'un traité
des fections coniques des principes de calcul
différentiel , lorfque ces principes fîmpli-
fieront & abrégeront les démonftrations ?
J'ofe dire que l'opinion contraire ne fe-
. roit qu'un préjugé mal fondé. Il y a cent
raifons pour la détruire , & pas une pour la
foutenir. Les principes de la géométrie de
l'infini étant applicables à tout , on ne fiuroit
les donner trop tôt ; & il eft bien aifé de les
expliquer nettement. On doit traiter le
problême des tangentes d'une courbe par
îe calcul différentiel , celui de la quadra-
ture & de fa rectification par le calcul'
intégral , & ainli du refte , parce que ces
méthodes font les plus fimples & les plus
aiféesà retenir. Voye^ Elemens £' Mathé-
matiques.
La manière dont nous venons de dé-
montrer l'égalité des parallélogrammes cir—
conferits à l'ellipfe , a donné occafion à.
M. Euler de chercher les courbes qui peu-
vent avoir une propriété fembîable. Voyei^
Us mém. de lxccad. de Berlin , année Z745,.
Au l'ea de| ceniidérer d'abord Yellipfe-
par rapport à &s axes , 011 peut la conii*
*44 ELL
dérer , comme nous avons fait dans l'article
Conique , par rapport à fon équation
envifagée de la manière la plus générale.
Cette équation , comme on le peut voir
à l'article cité , fe réduira toujours à l'équa-
tion des diamètres uu = m — n^> en
ne faifant même changer de pofition qu'une
des coordonnées. Voye^ Courbe, &c.
Le fphéroïde formé par une ellipfe autour
de fon axe , eft à la iphere qui a cet axe
pour diamètre, comme le quarré de Taxe
eft au quarré de fon conjugué ; c'eft une
fuite du rapport des ordonnées correfpon-
dantes de Yellipfe 8c du cercle qui a le
même axe. Voye^ Sphéroïde; voye^
aujji les articles Coeur {Géométrie) &
Conoïde.
Nous avons dit ci-deffus ôc au mot
Conique , comment on décrit Yellipfe
par un mouvement continu : cette manière
de la décrire eft la plus fimple qu'on puiflè
employer fur le terrain , & même fur le
papier : mais toutes les defcriptions orga-
niques de couibes iur le papier font in-
commodes. Voye[ Compas elliptique.
La defcription par plufieurs points doit être
préférée. Vbye{ Description & Courbe.
On peut décrire Yellipfe par plufieurs points ,
en divifant en raifon du petit axe au grand
les ordonnées du cercle circonfcrit. Voye^
à la fin du II livre des feclions coniques
de M. de l'Hôpital , plufieurs autres mé-
thodes très -fimples de décrire /'ellipfe par
plufieurs points. Il y a des géomètres qui
enfeignent à décrire Yellipfe fur le papier
par un . mouvement continu , fuivant la
méthode qui fera expliquée à l'article
Ovale ; mais cette méthode eft fautive ;
ce n'eft point une ellipfe qu'on décrit , c'eft
un compofé d'arcs de cercle qui forment
une ovale à la vue , 8c qui n'eft pas même
proprement une courbe géométrique. Au-
cune portion d'ellipfe n'eft un arc de cercle.
ËLt
( K Anomalie & Exchntîucïte' )t
on a la diftance r de la planète au foyer rm
7~ /coTt ; or » fuPPofant / très - petite
par rapport à a , on peut aifément réduire
en^ féne cette valeur de r. Vbye{ Binôme ,
Développement , & Série ; de plus
l'élément du fecteur qui repréfente l'ano-
malie moyenne ( Voye^ Loi de Kepler
& Anomalie ) eft proportionnel à d /
(«« — //> t, v ., I .r, , . 1
a — f cof. x ) » ' d ou l[ elt ^ de conclure
/cof, o
par les fériés & le calcul intégral , que fi <f
eft l'anomalie moyenne , on aura ( = 7
-f- 2. /Tin. 1-+- 1~ fin. 3 ç + y fin. 3 ^ Sec.
8c par la méthode du retour des fuites
( Voye^ Suite & Retour ) , on aura
<_= { - lfCm.( + ^ fm.iï-'^
fin. 3 { — !_!i , 6>c. ainfi on a égale-
4
ment la valeur de l'anomalie moyenne par
la vraie , ou celle de la vraie par la moyenne,
ce qui donne la folution du problême de
Kepler développé au mot Anomalie. J'ai
mis ici ces formules , afin que les Aftro-
nomes puiflent s'en fervir au befbin. Vcyc{
Equation du centre.
Si Yellipfe eft peu excentrique , 8c qu'une
des lignes menées au foyer foit a -+- ?t
l'autre fera a — ç , ç étant une très-petite
quantité ; donc le produit a a — [ r_ de ces
deux lignes peut être regardé comme conl-
tant & égal à a a , à caufe de la petiteiTè
de 1 ç. Or fi des deux extrémités d'un arc
infiniment petit d'ellipfe on mené des lignes
à chaque foyer, on trouvera, après avoir
décrit de petits arcs du foyer comme centre
& des rayons a ■+• ç , a — ç , que ces
petits arcs font égaux : nommant donc a
chacun de ces petits arcs , on trouvera que
le fecteur qui a a -+• ç pour rayon eft «.
La preuve en eft , que le rayon de la déve- ( L!ZU ) , 8c que l'angle qui a a — £ pour
loppée de cette courbe n'eft confiant en j z
aucun endroit.
On peut le démontrer
d'une infinité d'autres manières. Voyci^
DÉVELOPPÉE & OSCULATEUR.
On a déjà dit un mot de l'ufage de
Yellipfe dans l'Aftronomie , 8c on a vu
ci-deiïus que 7_ étant l'anomalie vraie , a
h diftance moyenne , 8c f l'excentricité
rayon
eft —^r ; donc le rapport du fec-
teur à l'angle eft "" ' ; donc il peut
2
être cenfé confiant , fur quoi veye^ l'article
fuivant Ellipse de M. Cafïini.
De ce que la fomme des lignes menées
aux
E L L
aux foyers eft conftante , il s'enfuit, comme
il eft aifé de le voir , que menant deux
lignes d'un même point aux deux foyers ,
la différentielle de l'une eft égale à la
différentielle de l'autre prife négativement.
Or on conclura delà très-aifément, & par
la plus fimple géométrie élémentaire , que
les deux lignes dont il s'agit font des angles
égaux avec la tangente qui pafîè par le
point d'où elles partent. Donc un corps
partant du foyer d'une ellipfe & choquant
la furface , fera renvoyé à l'autre foyer.
Voye\ Réflexion. Delà l'ufage de cette
propriété dans PAcouftique & dans l'Opti-
que. Voye\ Miroir, Echo, Cabinets
SECRETS. Voilà encore une propriété de
Vellipfe que le calcul différentiel , ou plutôt
le fimple principe de ce calcul , démontre
très-élégamment & très-fimplement. Si les
deux foyers d'une ellipfe s'éloignent jufqu'à
arriver aux extrémités du grand axe, Vellipfe
devient alors une ligne droite ; & fi un
des foyers reftant en place , l'autre s'en
éloigne à l'infini , elle devient parabole.
Voye\ Parabole.
Ellipfes à l'infini ou de tous les genres ,
ce font celles qui font défîgnées par les
équations générales a y m -{-a = b x >»
X a — xn , & que quelques-uns appellent
ellip toi de . Voye\ ElliptoïDE. Mais
ces mots ou façons de parler font peu en
ufage.
Vellipfe ordinaire eft nommée ellipfe
apollonienne ou ^Apollonius , quand on
la compare à celles-ci , ou qu'on veut l'en
diftinguer. Voye\ Apollonien. (O)
Ellipse de M. Cafîini , autrement
nommée caffinoïde , eft une courbe que
feu M. Jean-Dominique Cafîini avoit ima-
ginée pour expliquer les mouvemens des
planètes ; cette courbe a deux foyers F ,
f> {fig- 24« ) dont la propriété eft telle
que le produit F M Y. Mf de deux lignes
quelconques menées de ces foyers à un
point quelconque M de la courbe , eft
toujours égal à une quantité conftante ; au
lieu que dans Vellipfe ordinaire ou d'Apol-
lonius, c'eft la fomme de ces lignes , &
non leur produit , qui eft égale à une
quantité conftante. M. l'abbé de Gu i dans
fes ufages de Vanalyfe de Dejcar.es , a
Tome XII.
E L L 145
déterminé les principales propriétés de cette
ourbe. II y examine les différentes figures
qu'elle peut avoir , & dont nous avons
rapporté quelques-unes à V article CONJU-
GUÉ , & il conclut que cette courbe n'a
pas été bien connue par ceux qui en ont
parlé avant lui , fi on en excepte cependant
Pilluftre M. Grégory. Voye\ afiron. p/iyf.
& ge'ome'tr. élément, pag. 331. édit. de
Genève, en 1726, ou les tranf. phil. Sept.
1704.
Pour avoir une idée des propriétés de
cette courbe , foit a fon demi-axe , f la
diftance d'un des foyers au centre , x
l'abfcifte prife depuis le centre , y l'or-
donnée , on aura , comme il eft aifé de
le prouver par le calcul (x x 2 f x
-+-ff-+-yy ) ( #*-+- ifx->r:ff-Jr-yy )
==(aa ff)x y par la propriété de cette
courbe, ou {yy-\-ff-\~xxy \ff
x x = (a a — f f)x » ou enfin y =^+;
V[ ff x x-±V{aa //)>
-\-^ffx x ] ; donc , i°. cette équatioa
ne donnera jamais que deux valeurs réelles
tout au plus pour y , l'une pofitive , l'autre
négative , & égale à la pofitive ', car les
deux valeurs qu'on auroit en mettant le
figne devant V/( a a - ffl-\-%ffx x
feraient imaginaires , puifque y feroit la
racine d'une quantité négative. 2°. En
fuppofant même le figne -f- devant cette
dernière quantité , il eft vifible que la
valeur de y ne fera réelle que quand
( a a ffY -f- 4 ffx x fera > ou =
(ff-\- x x y , c'eft-à-dire , quand a4 —
iffaa-\-i.ffxx — x\ fera > ou = o.
Doncfi(aa ffY eb>(xx ffY
ou {ff xxY , l'ordonnée fera réelle ,
finon elle fera imaginaire.
Donc fi aa?=2//, l'ordonnée fera
nulle au centre, & la courbe aura la fi-
gure d'un 8 de chiffre ou lemnifcate
( Voye\ Lemniscate ) ; car on aura
alors xx— ou > iff a a , condition
pour que l'ordonnée foit nulle ou réelle.
Si 2 ff > a a , les ordonnées réelles
T
ia6 £ l L
ne commenceront qu'au point où x =
+ J/2//— aa, & elles finiront au point
où x — a; car (afl-//)J doit aufli
être > ou = ( x x — //) ». Ainfi dans
ce cas la courbe fera compofée de deux
courbes conjugues & ifolées , difLintes
lune de l'autre de la quantité 2. V ïff—a a ;
& fi dans cette fuppofition on a de plus
a— l/xff — a a ou f=a, la courbe
fe réduira à deux points conjugés uniques.
Si/> a, la courbe fera totalement ima-
ginaire. Enfin fi 2 //< a a , la courbe
fera continue , & aura toutes fes ordon-
nées-réelles , égales & de figne contraire,
depuis x = o jufqu'à x = a.
Cette courbe que M. Caiïini avoit voulu
introduire dans l'aftronomie , n'eft plus
qu'une courbe purement géométrique &
de (impie curiolité ; car on fait que les
planètes décrivent des ellipfes apollonien-
nes ou ordinaires. On demandera peut-être
par quelle raifon M. Caifini avoit fubifitué
cette ellipfe à celle de Kepler. Voici ma
conjecture fur ce fujet. On fait que la
plupart des planètes décrivent des ellipfes
peu excentriques. On fait aufîi , & on
peut le conclure de l'article ellipfe qui
précède , que dans une ellipfe peu excen-
trique les feàèurs faits par les rayons vec-
teurs à un foyer font proportionnels à
très-peu-près aux angles correfpandans
faits à l'autre foyer ; & c'eft fur cette
propriété que Ward ou Sethus JVurdus a
établi fa R lut ion approchée du problême
<jui coniifte à trouver l'anomalie vraie d'une
planète , l'anomalie moyenne étant donnée.
Voye\ Ellipse & Anomalie. Vvye\
auffi les inftit. aflronomiq. de M. le Mon-
nier pag. 50e. & fuiv. Le rapport du
fedeur infiniment petit à l'angle corref-
pondant , eft comme le rectangle des deux
lignes menées au foyer, & dans une ellipfe
peu excentrique, ce re&rangle eft â-peu-
près confiant : voilà le principe de Ward.
Or M. C-ifTïni paroît avoir raifonné ainfi :
puifque le rapport des fecteurs élémentaires
aux. angles correfpondans eft comme ce
E L L
rectangle , il fera confiant dans une courbje
où le reclangle feroit confiant ; il a en
conféquence imaginé fa Caffinoïde.
Mais , i°. quand la CafTinoïde auroit
cette propriété de la proporcionalité des
fecteurs aux angles , ce ne feroit pas une
raifon pour l'introduire dans l'Aftronomie
à la place de V ellipfe conique que les pla-
nètes décrivent en effet ; que gagne- t-on
à amplifier un problême , lorfqu'on change
Téta: de la queftion ? 20. Si dans Y ellipfe
conique le rapport des fecteurs aux angles
eft comme le rectangle des deux lignes
menées aux foyers, c'eft que la fomme de
ces deux lignes eft confiante ( Voye\
ELLIPSE ) ; fans cela la proportion n'a plus
lieu. Ainii même dans X ellipfe caffinienne
les fecteurs ne font pa> comme les angles.
J'ai cru cette remarque aflèz importante?
pour ne la pas négliger ici. (O)
Ellipse, nom que les Horlogers don-
nent à une pièce adaptée fur la roue an-
nuelle d'une pendule d'équation. C'eft une
grande plaque de laiton dont la courbure
eft irréguliere , mais reflemblant à-peu-près
à celle d'une ellipfe. Cette pièce fert à
faLe avancer ou retarder l'aiguille des
minutes du temps vrai félon l'équation du
foleil . Voye\ U-deJfus V article Pe n d U LE
d'Equation , où l'on explique comment
cela fe fait , & de quelle manière on donne
à cette plaque la courbure requife. ( J)
ELLIPSOÏDE, f. m. (Geom.) eft le
nom que quelques géomètres ont donné au
folide de révolution que forme 1 ellipfe en
tournant autour de l'un ou de l'autre de
fes axes. Voy. Sphéroïde & Conoïde.
Uellipfoïde eftalongé, fi Fellipfe tourne
autour de fon grand axe ; & applati 3 fi
elle tourne autour de fon petit axe. lyoye\
Allongé, Applati. L'ordonnée de
['ellipfe génératrice eft toujours à l'ordon-
née correfpondante du cercle qui a pour
diamètre l'axe de résolution , comme
l'autre axe eft à l'axe de révolution : donc
les cercles décrits par ces ordonnées ( les-
quels cercles forment les élémens de la
fphere & de Xellipfoïde ) , font entr'eux
comme le quarré de l'axe de révolution
eft au quarré de l'autre axe : donc la fpherq1
eft à Xellipfoïde comme le quarré de l'axe
de révolution eft au quarré de l'autre axe.
El L
Voyc\ Axe , Con» ugué , Cercle ,
Conoïde. (O)
ELLIPTICITE, f. f. C^'o/77.) Quel-
ques géomètres modernes ont donné ce
nom à la fraction qui exprime le rapport
de la différence des axes d'une ellipfe ,
au grand ou au petit axe de cette ellipfe.
Plus cette fradion eft grande , plus , pour
ainG dire, l'ellipfe eft ellipfe, c'eft-à-dire,
plus elle s'éloigne du cercle par l'inégalité
de fes axes ; ainli on peut dire que le degré
tfellipticité d'une ellipfe eft représenté par
cette fra&ion. Il feroit à fouhaiter que
cette expreflion fût adoptée ; elle eft com-
mode , claire eft précife. (O)
ELLIPTIQUE, adjedif formé d'ellipfe.
Cette phrafe eft elliptique , c'eft-à-dire ,
qu'il y a quelque mot de fous-entendu dans
cette phrafe. La Langue latine eft prej que
toute elliptique , c'eft-à-dire , que les Latins
faifoient un fréquent ufage de l'ellipfe ;
car comme on connoiftbit le rapport des
mots par les terminaifons , la terminaifon
d'un mot réveilloit aifément dans l'efprit
le mot fous-entendu , qui étoit la feule
caufe de la terminaifon du mot exprimé
dans la phrafe elliptique : au contraire
notre langue ne fait pas un ufage auiîi
fréquent de l'ellipfe , parce que nos mots
ne changent point de terminaifon ; nous
ne pouvons en connoître le rapport que
par leur place ou pofition , relativement
au verbe qu'ils précèdent ou qu'ils fuivent ,
ou bien par les proportions dont ils font
le complément. Le premier de ces deux
cas exige que le verbe foit exprimé au
moins dans la phrafe précédente. Que
demandez-vous ? R. ce que vous m'ave\
promis : l'efprit fupplée aifément , je de-
mande ce que vous myave\ promis. A
l'égard des prépofitions , il faut auïTi qu'il
y ait dans la phrafe précédente quelque
mot qui en réveille l'idée , par exemple :
Quand reviendre^-voust R. Vannée pro-
chaine y c'eft-à-dire , je reviendrai dans
Vannée prochaine. D. Que fere\ - vous ?
R. ce qu'il vous plaira , c'eft-à-dire , ce
qu'il vous plaira quejefajje. (.F)
Elliptique, adj. (Géom.) fe dit de
ce qui appartient à l'ellipfe. V. Ellipse.
Kepler a avancé le premier que les
•rbites des plantes n'étoient pas circu-
E L L 147
laires, mais elliptiques ; hypotliefe qui a
été foutenue enfuite par Bouillaud , Flam'f-
teed, Newton, &c. d'autres, aftronomes'
mooernes l'ont confirme depuis, de façon
que cette hypothefe, qu'on appelloit autre-
fois par mépris V hypothefe elliptique , eft
maintenant univerfellement reçue. Voye\
Orbite & Planète.
M. Newton démontre que 11 un corps
fe meut dans un orbite elliptique , de ma-
nière qu'il dérive autour d'un des foyers
des aires proportionnelles au temps , fa
force centrifuge ou fa gravité fera en raifon
doublée inverfe de fes diftances au foyer,
ou réciproquement comme les quarrés de
fes diftances. Voye\ CENTRIPETE.
Quelques auteurs prétendent que la meil-
leure forme que l'on puifTe donner aux arcs
de voûte , eft la forme elliptique. Voye\
Arc , Voûte , Cabinets , Secrets ,
Ellipse.
Efpace elliptique , c'eft l'aire renfermée
par la circonférence de l'ellipfe. Voye\
Ellipse.
Conoïde ou fphéroide elliptique y c'eft
la même chofe qu'ellipfoïde. V. Sphé-
roïde , Conoïde , & Ellipsoïde.
Compas elliptique , voye\ COMPAS.
Harris & Charniers. (O)
ELLIPTOIDE , f. fém. ( Géométrie. )
lignifie une efpece d'ellipfe ou plutôt de
courbe délignée par l'équation générale
xa , dans la-
a ym-\-n = £ zn X a-
quelle 772 ou n eft plus grand que 1. Voye\
Ellipse.
Il y en a de différens genres ou degrés ,
comme Yelliptoïde cubique dans laquelle
a xl = b xz X a — x.
L'elliptoïde quarrée quarrée , ou furfo-
lide , ou du troiileme ordre , dans laquelle
a y4 = b xx X a — xz .
Si on appelle une autre ordonnée u ,
& PabfcifTe correfpondante \ , on aura
a H«B-i-/x= b \f"X a — \m , & par con-
féquent a y"} -+-n : a um-\-n : : b xm
Xa — z«:^»Xa — $*' , c'eft-à-dire ,
T2
148 E L M _
ym -f-a : um ~*~n : : xm X &
■ xn : %n
Xa
l«.
Elliptoïde , f. m. (Géom.) fe ditaufîi
quelquefois pour ellipfoïde. V. ELLIPSOÏ-
DE. (O)
* ELLOTIDE ou HELLOTIDE ,
f. f. ( Mythol. ) furnom de la Minerve
de Corinthe. Les Doriens ayant mis le
feu à cette ville , Ellotis prêtreffe de Mi-
nerve , fut brûlée dans le temple de cette
déefTe , où elle s'étoit réfugiée. Un autre
fléau donna lieu à la réédification du tem-
ple : ce fut une pefte qui défoloit Corin-
the , & qui ne devoit cefler , félon la ré-
ponfe de l'oracle , qu'aprts qu'on auroit
appaifé les mânes de la prêtreffe Ellotis ,
& relevé les autels de Minerve. Les
autels & le temple furent relevés ; & on
les confacra fous le nom de Minerve-Ello-
tide , afin d'honorer en même temps Mi-
nerve & fa prêtreffe.
*ELLOTIES, adj. pris fubft. {Myth.)
Les Cretois honoroient Europe fous le
nom d' Ellotis , & lui a voient confacré
des fêtes appellées Elloties. On portoit
dans ces fêtes une couronne de vingt cou-
dées de circonférence , qu'ils avoient ap-
pellée Y Ellotis , avec une grande châffe,
qui renfermoit quelques os d'Europe.
ELMEDIN ', ( Géogr. mod.) ville de la
province d'Efcure ou Hafcore , au royaume
de Maroc.
ELMONASKAR , ( Géogr. ) ville de
Barbarie dans le royaume d'Alger , la
troifieme de la province de Beni-Araxid
ou Beni-Razid.
ELNBOGEN ou LOKER , ( Géogr.
mod. ) ville de Bohême au cercle de même
nom : elle eft fur l'Eger. Long. 30. 26.
lat. jo. 20.
ELNE , EAUNE , ( Géogr. ) Elna y
Elena , ancienne ville de la Gaule Nar-
bonnoife , que M. de Marca croit être
Pllliberis ou campa Annibal. Conftantin
la releva de fes ruines, y bâtit un châ-
teau , & lui donna le nom de fa mère
Hélène. Confiant s'étant enfui dans cette
ville , y fut tué par la faction de Ma-
gnence. Les rois G.ctbs lui procurèrent
l'honneur d'un fiege épifcopal. L'évêque
à'Elne aflifta à deux conciles tenus à Nar-
È L O
bonne en 589 & en 627. Jules II, en ifn,
exempta Elene de la dépendance de Nar-
bonne & la fournit au faint fiege ; mais
le cardinal de Ferrare , archevêque de
Narbonne , s'y oppofa & obtint de Léon
X , en 15 17 , une bulle qui caffoit celle
de Jules II. L'évêché d'Elne fut tranféré
à Perpignan par Clément VIII , en 1604,
la ville ayant été ruinée fous Louis XI r
en 1474, & en 1641 , par le prince de
Condé. Elle eft à deux lieues de Perpi-
gnan.dans leRouflilion fur le Tec. Marca ,
Hifpan. pag. 22, Not. Gai. Val. la Mar-
tiniere. Long. 20. 40. lat. 42. 30. (C)
ELOCUTION , f. f. ( Belles-Lettres. )
Ce mot qui vient du latin eloqui , parler,
fignifie proprement & à la rigueur le carac-
tère du difours ; & en ce fens il ne s'emploie
guère qu'en parlant de la converfation ,
les motsjlyle & diclion étant confacrés aux
ouvrages ou aux difcours oratoires. On die
d'un homme qui parle bien , qu'il a une
belle élocution ; & d'un écrivain ou d'un
orateur , que fa diclion eft correcte , que
(on ftyle eft élégant, &c. Voye\ ECRIRE ,
Style. Voye\ aujfi Affectation ù
Conversation.
Elocution , dans un fens moins vul-
gaire , fignifie cette partie de la Rhéto-
rique qui traite de la diction & du ftyle
de l'orateur ; les deux autres font l'/n-
vention & la difpofition. Voye\ ces deux
mots. V. aujji ORATEUR, DISCOURS.
J'ai dit que Y élocution avoit pour objet
la diclion & le ftyle de l'orateur ; car il
ne faut pas croire que ces deux mots foient
fynonymes : le dernier a une acception
beaucoup plus étendue que le premier.
Diclion ne fe dit proprement que des
qualités générales & grammaticales du dif-
cours , & ces qualités font au nombre de
deux , la correction & la clarté. Elles fonC
indifpenfables dans quelque ouvrage que ce
puiffe être, foit d'éloquence, foit de tout
autre genre ; l'étude de la langue & l'ha-
bitude d'écrire les donnent prefque infail-
liblement , quand on cherche de bonne
foi à les acquérir. Style au contraire fe
dit des qualités du difcours , plus parti-
culières , plus difficiles & plus rares , qui
marquent le génie & le talent de celui qui
écrit ou qui parle : telles font la propriété
E L O
des termes , l'élégance , la facilité , la
précifion , l'élévation , la noblefle , l'har-
monie , la convenance avec le fujet , Ùc.
Nous n'ignorons pas néanmoins que les
mots flyle & diction fe prennent fouvent
l'un pour l'autre , fur-tout par les auteurs
qui ne s'expriment pas fur ce fujet avec
une exactitude rigoureufe ; mais la diftinc-
tion que nous venons d'établir, ne nous
paroit pas moins réelle. On parlera plus
au long au mot Style , des différentes
qualités que le ftyle doit avoir en général ,
& pour toutes fortes de fujets : nous nous
bornerons ici à ce qui regarde l'orateur.
Pour fixer nos idées fur cet objet , il faut
auparavant établir quelques principes.
Qu'eft - ce qu'être éloquent ? Si on fe
borne à la force du terme , ce n'eft autre
chofe que bien parler ; mais l'ufage a
donné à ce mot dans nos idées un fens
plus noble & plus étendu. Etre éloquent,
comme je l'ai dit ailleurs , c'eft faire pafTer
avec rapidité & imprimer avec force dans
l'ame des autres , le fentiment profond
dont on eft pénétré. Cette définition paroît
d'autant plus jufte , qu'elle s'applique à
l'éloquence même du filence & à celle du
gefte. On pourroit définir autrement l'élo-
quence , le talent d'émouvoir ; mais la
première définition eft encore plus géné-
rale , en ce qu'elle s'applique même à
l'éloquence tranquille qui n'émeut pas , &
qui fe borne à convaincre. La perfualion
intime de la vérité qu'on veut prouver,
eft alors le fentiment profond dont on
eft rempli , & qu'on fait pafTer dans l'ame
de l'auditeur. Il faut cependant avouer _,
félon l'idée la plus généralement reçue ,
que celui qui fe borne à prouver & qui
laifte l'auditeur convaincu , mais froid &
tranquille , n'eft point proprement élo-
quent, & n'eft que difert. J^oy^.DlSERT.
C'eft pour cette raifon que les anciens ont
défini l'éloquence le talent de perfuader _,
& qu'ils ont diftingué perfuader de con-
vaincre y le premier de ces mots ajoutant à
.l'autre l'idée d'un fentiment a&if excité
dans l'ame de l'auditeur , & joint à la
convi&ion.
Cependant, qu'il me foit permis de le
dire , il s'en faut beaucoup que la défi-
nition de l'éloquence , donnée par les
E L O 149
anciens , foit complète : l'éloquence ne fe
borne pas à la perfualion. Il y a dans
toutes les langues une infinité de morceaux
très-éloquens , qui ne prouvent & par con-
féquent ne perfuadent rien , mais qui font
éloquens par cela feul qu'ils émeuvent puif-
famment celui qui les entend ou qui les
lit. Il feroit inutile d'en rapporter des
exemples.
Les modernes , en adoptant aveuglé-
ment la définition des anciens , ont eu
bien moins de raifon qu'eux. Les Grecs
& les Romains , qui vivoient fous un
gouvernement républicain , étoient con-
tinuellement occupés de grands intérêts
publics : les orateurs appliquoient princi-
palement à ces objets importans le talent
de la parole ; & comme il s'agiftbit tou-
jours en ces occafions de remuer le peuple
en le convainquant , ils appellerent élo-
quence le talent de perfuader , en prenant
pour le tout la partie la plus importante
& la plus étendue. Cependant ils pouvoient
fe convaincre dans les ouvrages mêmes de
leurs philofophes , par exemple , dans ceux
de Platon & dans pîufieurs autres , que
l'éloquence étoit applicable à des matières
purement fpéculatives. L'éloquence des
modernes eft encore plus fouvent appliquée
à ces fortes de matières , parce que la
plupart n'ont pas , comme les anciens ,
de grands intérêts publics à traiter : ils
ont donc eu encore plus de tort que les
anciens , lorfqu'ils ont borné l'éloquence
à la perfualion.
J'ai appelle l'éloquence , un talent , &c
non pas un art y comme ont fait tant de
rhéteurs ; car l'art s'acquiert par l'étude
& l'exercice , & l'éloquence eft un don
de la nature. Les règles ne rendront jamais
un ouvrage ou un difcours éloquent ; elles
fervent feulement à empêcher que les en-
droits vraiment éloquens & didés par la
nature y ne foient défigurés & déparés par
d'autres , fruits de la négligence ou du
mauvais goût. Shakefpear a fait , fans le
fecoursdes règles, le monologue admirable
d'Hamlet ; avec 1e fecours des règles , il
eût évité la fcene barbare & dégoûtante
des fofTcyeurs.
Ce que l'on conçoit bien y a dit Def-
préaux , s'énonce clairement : j'ajoute , cz
iço E L O
que Von fent avec c.ialeur , s* énonce de
même , & les mots arrivent aufîi aifément
pour rendre une émotion vive , qu'une
idée claire. Le foin froid & étudié que
l'orateur fe donnerait pour exprimer une
pareille émotion , ne ferviroit qu'à l'affoi-
blir en lui , à l'éteindre même , ou peut-
être à prouver qu'il ne la reffentoit pas. \
En un mot , fente\ vivement , & dites \
tout ce que vous voudre\> voilà toutes les i
règles de l'éloquence proprement dite. !
Qu'on interroge les écrivains de génie fur i
les plus beaux endroits de leurs ouvrages , !
ils avoueront que ces endroits font prefque I
toujours ceux qui leur ont le moins coûté , j
parce qu'ils ont été comme infpirés en les j
prodnifant. Prétendre que des préceptes
froids & didactiques donneront le moyen
d'être éloquent , c'eft feulement prouver
qu'on eft incapable de l'être.
Mais comme pour être clair il ne
faut pas concevoir à demi , il ne faut pas
non plus fentir à demi pour être éloquent, j
Le fentiment dont l'orateur doit être j
rempli 9 eft , comme je l'ai dit , un
fentiment profond , fruit d'une fenfibilité j
rare & exquife , & non cette émotion j
fuperficielle & paffagere qu'il excite dans
la plupart de fes auditeurs ; émotion qui
eft plus extérieure qu'interne , qui a pour
objet l'orateur même , plutôt que ce qu'il
dit, & qui dans la multitude n'eftfouvent
qu'une impreflion machinale & animale,
produite par l'exemple ou par le ton qu'on
lui a donné. L'émotion communiquée par
l'orateur , bien-loin d'être dans l'auditeur
une marque certaine de fon impuifTance à
produire des chofes femblables à ce qu'il
admire , eft au contraire d'autant plus réelle
& d'autant plus vive , que l'auditeur a plus
de génie & de talent : pénétré au même
degré que l'orateur , il auroit dit les mêmes
chofes : tant il eft vrai que c'eft dans le
degré feul du fentiment que l'éloquence
confifte. Je renvoie ceux qui en douteront
encore , au payfan du Danube , s'ils font
capables de penfer & de fentir ; car je ne
parle point aux autres.
Tout cela prouve fuffifamm^nt , ce me
femble , qu'un orateur vivement & pro-
fondément pénétré de fon objet , n'a pas
befoin d'arc pour en pénétrer les autres.
E L °
J'ajoute qu'il ne peut les en pénétrer , fans
en être vivement pénétré lui-même. En
vain objecteroit-on que plufieurs écrivains
ont eu l'art d'infpirer par leurs ouvrages
l'amour des vertus qu'ils n'avoient pas : je
réponds que le fentiment qui fait aimer la
vertu , les remplifToit au moment qu'ils
en écrivoient ; c'écoit en eux dans ce mo-
ment un fentiment très-pénétrant & três-
vif , mais malheureufement paffàger. En
vain objecteroit-on encore qu'on peut tou-
cher fans être touché , comme on peut
convaincre fans être convaincu. Premiè-
rement , on ne peut réellement convaincre
fans être convaincu foi - même : car la
conviction réelle eft la fuite de l'évidence ;
& on ne peut donner l'évidence aux autres,
quand on ne l'a pas. En fécond lieu , on
peut (ans doute faire croire aux autres qu'ils
voient clairement ce qu'ils ne voient point,
c'eft une efpece de fantôme qu'on leur
préfente à la place de la réalité : mais on
ne peut les tromper fur leurs affections &
fur leurs fentimens , on ne peut leur per-
fuader qu'ils font vivement pénétrés , s'ils
ne le font pas en effet : un auditeur qui
fe croit touché , l'eft donc véritablement :
on ne donne point ce qu'on n'a point ;
on ne peut donc vivement toucher les
autres fans être touché vivement foi-
même , foit par le fentiment , foit au
moins par l'imagination , qui produit en
ce moment le même effet.
Nul difcours ne fera éloquent s'il n'élevé
l'ame : l'éloquence pathétique a fans doute
pour objet de toucher ; mais j'en appelle
aux âmes fenfibles , les mouvemens pathé-
tiques font toujours en elles accompagnés
d'élévation. On peut donc dire qu'éloquent
Scfublimefont proprement la même chofe ;
mais on a réfervé le mot de fublime pour
défîgner particulièrement l'éloquence qui
préfente à l'auditeur de grands objets ; &
cet ufage grammatical , dont quelques
littérateurs pédans & bornés peuvent êtr«
la dupe , ne change rien à la vérité.
Il réfulte de ces principes que l'on peut
être éloquent dans quelque langue que ce
foit , parce qu'il n'y a point de langue
qui fe refufe à l'expreiTion vive d'un fen-
timent élevé & profond. Je ne fais par
quelle raifon un grand nombre d'écrivains
ELO
modernes nous parlent de_ Y éloquence dés
chojes y comme s'il y avok une éloquence
ces mots. L'éloquence n'eft jamais que dans
le fujet ; & le cara&ere du fujet , ou
plutôt du fentiment qu'il produit, paffe
de lui-même & nécelTairement au difcours.
J'ajoute que plus le difcours fera fimple
dans un grand fujet , plus il fera éloquent ,
parce qu'il repréfentera le fentiment avec
plus de vérité. L'éloquence ne confifte donc
point, comme tant d'auteurs l'ont dit d'après
les anciens , à dire les chofes grandes d'un
ftyle fublime , mais d'un ftyle fimple ; car
il n'y a point proprement de ftyle fublime ;
c'eft la chofe qui doit l'être ; & comment
le ftyle pourroit-il être fublime fans elle ,
ou plus qu'elle ?
Aufli les morceaux vraiment fublimes
font toujours ceux qui fe traduifent le plus
aifément. Que vous refle-t-il ? moi
Comment voule\-vous que je vous traite ?
en roi Qu'il mourût Dieu dit :
que la lumière fe faffe , Ù elle fe fit
& tant d'autres morceaux fans nombre ,
feront toujours fublimes dans toutes les
langues. L'expreiîion pourra être plus ou
moins vive , plus ou moins précife , félon
le génie de la langue ; mais la grandeur
de Tidée fubfiltera toute entière. En un
mot on peut être éloquent en quelque
langue & en quelque ftyle que ce foit ,
parce que Yélocution n'eft que l'écorce de
l'éloquence , avec laquelle il ne faut pas
la confondre.
Mais, dira-t-on , fi l'éloquence véritable
& proprement dite a fi peu befoin des
règles de Yel Kution , li elle ne doit avoir
d'autre exprefîion que celle qui eft didée
par la nature , pourquoi donc les anciens
dans leurs écrits fur l'éloquence ont- ils
traité fi à fond de Yélocution l Cette quef-
tion mérite d'être approfondie.
L'éloquence ne coniifte proprement que
dans des traits vils & rapides ; fon effet
eft d'émouvoir vivement , & toute émo-
tion s'aftbiblit par la durée. L'élociuence
ne peut donc régner que par intervalles
dans un difcours de quelque étendue ,
l'éclair part & la nue fe referme. Mais fi
les ombres du tableau font nécefïaires »
elles ne doivent pas être trop fortes; il
faut fans doute & à l'orateur &. à l'auditeur
ELO ip
des endroits de repos , dans ces endroits-
l'auditeur doit refpirer , non s'endormir ,
& c'eft aux charmes tranquilles de Yélo-
cution à le tenir dans cette lituation douce
& agréable. Ainfi (ce qui fembîera para-
doxe , fans en être moins vrai ) les règles
de Yélocution n'ont lieu à proprement
parler , & ne font vraiment nécefTaiiCs
que pour les morceaux qui ne font pas
proprement éloquens , que l'orateur com-
pofe plus à froid , & où la nature a befoin
de l'art. L'homme de génie ne doit craindre
de tomber dans un ftyle lâche , bas &
rampant, que lorfqu'il n'eft point foutenu
par le fujet ; c'eft alors qu'il d-jit fonger
à Yélocution , & s'en occuper. Dans les
autres cas , fon élocution fera telle qu'elle
doit être fans qu'il y penfe. Les anciens,
fi je ne me trompe, ont fenti cette vérité,
& c'eft pour cette raifon qu'ils ont traité
principalement de Yélocution dans leurs
ouvrages fur fart oratoire. D'ailleurs des
trois parties de l'orateur , elle eft prefqne
la feule dont on puiftb donner des pré-
ceptes direds , détaillés & pofitifs : l'in-
vention n'a point de règles , ou n'en a
que de vagues & d'infuffifantes ; la difpo-
fition en a peu , & appartient plutôt à la
logique qu'à la rhétorique. Un autre motif
a porté les anciens rhéteurs à s'étendre
beaucoup fur les règles de Yélocution :
leur langue étoit une efpece de mufique,
fufceptible d'une mélodie à laquelle le peu-
ple même étoit très- fenfible. Des préceptes
fur ce fujet, étoient aufti nécefïaires dans
les traités des anciens fur l'éloquence, que
le font parmi nous les règles de la com-
pofition muGcale dans un traité complet
de mufique. Il eft vrai que ces fortes de
règles ne donnent ni à l'orateur ni au
muficien du talent & de l'oreille ; mais
elles font propres à l'aider. Ouvrez le traité
de Cicéron intitulé Orator, & dans lequel
il s'eft propofé de former ou plutôt de
peindre un orateur parfait ; vous verrez
non-feulement que la partie de 1 élocution;
eft celle à laquelle il s*attache principa-
lement , mais que de toutes les qualités
de Yélocution , l'harmonie qui réfuîte du
choix & de l'arrangement des mots , eft
celle dont il eft le plus occupé. Il paroîe
même avoir regarde cet objet comme
i^2 E L O
très - effentiel dans des morceaux très-
frappans par le fond des chofes , & ou
la beauté de la penfe'e fembloit difpenfer
du foin d'arranger les mots. Je n'en citerai
que cet exemple. « J'étois préfent , dit
. » Cicéron , lorfqueC. Carbon s'écria dans
» une harangue au peuple : O Marce
» Drufe y pâtre m appello ; tu dicere
» foie bas , facram effe rtmpublicam ;
» quicumque eam violavijfent, ab omnibus
» effe el pœnas perfoluus ; patris diclum
>y fapiensj terne ritasfilii comprobavit y ce
» dichorée comprobavit , ajoute Cicéron ,
n excita par fon harmonie un cri d'ad-
» miration dans toute l'afTemblée. » Le
morceau que nous venons de citer renferme
une idée fi noble & fi belle , qu'il eft
afïiirément très-éloquent par lui-même ,
& je ne crains point de le traduire pour
le prouver. O Marcus Drufus ( c'eft au
père que je m'adrejfe , ) tu avois coutume
de dire que la patrie e'toit un dépôt f acre ;
que tout citoyen qui Vavoit violé en avoit
porté la peine ; la témérité du fils aprouvé
lafigejfe des dif cours du père. Cependant
Cicéron paroît ici encore plus occupé des
mots que des chofes. « Si l'orateur , dit-il ,
« eût fini fa période ainfï, comprobavitfilii
» temeritasylh N'Y AUROIT PLUS RIEN ;
« Jam nihjl erit.» Voilà pour le
dire en paffant , de quoi tie fe feroient
pas doutés nos prétendus latiniftes mo-
dernes , qui prononcent le latin auiîi mal
qu'ils le parlent. Mais cette preuve fuffit
pour faire voir combien les oreilles des
anciens étoient délicates fur l'harmonie.
La fenfibilité que Cicéron témoigne ici fur
la diction dans un morceau éloquent , ne
contredit nullement ce que nous avons
avancé plus haut , que l'éloquence du dis-
cours eft le fruit de la nature & non pas
de l'art. Il s'agit ici non de l'expreiïion
en elle-même , mais de l'harmonie des
mots , qui eft une chofe purement arti-
ficielle , & méchanique ; cela eft fi vrai que
Cicéron en renverfant la phrafe pour en
dénaturer l'harmonie > en confervc tous
les termes. L'expreiïion du fentiment eft
dictée par la nature & par le génie; c'eft
enfuite à l'oreille & à l'art à difpofer les
mots de la manière la plus harmonieufe.
Il en eft de l'orateur comme du muficien ,
E L O
à qui le génie feul infpire le chant , 6c
que l'oreille & l'art guident dans l'enchaî-
nement des modulations.
Cette comparaifon tirée de la mufique ,'
conduit à une autre idée qui ne paroît
pas moins jufte. La mufique a befoin d'exêV
cution , elle eft muette & nulle fur le
papier ; de même l'éloquence fur le papier
eft prefque toujours froide & fans vie,
elle a befoin de l'action & du gefte ;
ces deux qualités lui font encore plus
néceffaires que ïélocution ; & ce n'eft pas
fans raifon que Démofthene réduifoit à
l'action toutes les parties de l'orateur. Nous
ne pouvons lire fans être attendris les
peroraifons touchantes de Cicéron , pro
Fonteio , pro Sextio y pro Plancioy pro
Flacco , pro Sylla ; qu'on imagine la force
qu'elles dévoient avoir dans la bouche
de ce grand homme : qu'on fe repréfente
Cicéron au milieu du barreau , animaat
par [qs pleurs & par une voix touchante
le difcours le plus pathétique , tenant le
fils de Flaccus entre fes bras, le préfentant
aux juges , & implorant pour lui l'huma-
nité & les loix ; on ne lëra point furpris
de ce qu'il nous rapporte lui-même , qu'il
remplit en cette occafion le barreau de
pleurs , de gémiflemens & de fanglots.
Quel effet n'eût point produit la pero-
ratfon pro Milone , prononcée par ce grand
orateur !
L'action fait plus que d'animer le dis-
cours , elle peut même infpirer l'orateur ,
fur-tout dans les occafions où il s'agit de
traiter fur le champ & fur un grand théâtre ,
de grands intérêts , comme autrefois à
Athènes & à Rome , & quelquefois au-
jourd'hui en Angleterre. C'eft alors que
l'éloquence , débarraffée de toute contrainte
& de toutes règles, produit fes plus grands
miracles. C'eft alors qu'on éprouve la vérité
de ce pafTage de Quintilien , lib. VII y
cap. x. Peclus eft quod difertos facit f 6?
vis mentis ; ideoque imperitis quoque , fi
modo funt aliquo ajfeclu concitati } verba.
non défunt. Ce partage d'un fi grand maître
ferviroit à confirmer tout ce que nous
avons dit dans cet article fur Vélocution
confidérée par rapport à l'éloquence , fi
des vérités auffi inçonteftables avoient
befoin d'autorité.
Nous
ELO
Nous croyons qu'on nous faura gré à
cette occafion , de fixer la vraie lignifi-
cation du mot difertus ; il ne répond cer-
tainement pas à ce que nous appelions en
françois difert ,* M. Diderot Ta très-bien
prouvé au mot Disert , par le partage
même que nous venons de citer , &: par
la définition exacte de ce que nous en-
tendons par difert. On peut y joindre ce
partage d'Horace , epifl. I. verf. xix. Fœ-
cunui calices quem non Jecêre difertum !
qu'afturément on ne traduira point aiafi ,
quel ejl celui que le vin n a pas rendu
dijertl Difertus chez les latins fignifioit
toujours ou prefque toujours , ce que nous
entendons par éloquent , c'eft-à-dire, celui
qui poftede dans un fouverain degré le
talent de la parole, & qui par ce talent
fait frapper , émouvoir , attendrir , inté-
refler, pjrfuader. Uiferti ejl , dit Cicéron
dans fes dialogues de orutore , lib. I. cap.
Ixxxj. ut oratione perfuadtre pqfjit. Difer-
tus eft donc celui qui a le talent de perfuader
par le difeours , c'eft-à-dire , qui poftede
ce que les anciens appelloient eloquentia.
Ils appelloient eloquens celui qui joignoit
à la qualité de difertus la connoilïânce
de la philofophie & des loix ; ce qui for-
moit, félon eux, le parfait orateur. Si idem
homo , dit à cette occafion M. Gefner
dans fon Thefiurus linguoz latines , di-
fertus ejl & doclus £>' fapiens y is demhm
eloquens. Dans le i" liv. de oratore , Ci-
céron fait dire à Marc-Antoine l'orateur :
eloquentem vocavi , qui mirabiliùs 6" ma-
gnifcentiùs augere poffet atque ornare qiuv
Te lie t y Omn esque omnium re-
RUM QUAS AD DICENDU M PERTI-
JN ERE NT FONTES ANS MO AC ME-
moria contineret. Qu'on life le
commencement du traité de Cicéron inti-
tulé Orator , on verra qu'il appe'loit di-
ferti, les orateurs qui avoient eloquentiam
popularem , ou comme il l'appelle encore,
eloquentiam for enfe m , ornatam verbis at-
que f entendis fine docîrinâ, c'eft-à-dire, le
talent complet de la parole , maisdeftitué
de la profondeur du favoir & de la philo-
fophie : dans un autre endroit du même
ouvrage , Cicéron , pour relever le mérite
de l'action , dit qu'elle a fait réuflir des
orateurs fans talent , infantes . & que des
TomeXIL
ELO r?3
orateurs eloquens , diferti , n'ont point
réufli fans elle; parce que, ajoute -t- il
tout de fuite , eloquentia fine aclione ,
nulla ,* heee autemfine eloquentia perma-
gna ejl. Il eft évident que dans ce partage
difertus répond à eloquentia. Il faut pour-
tant avouer que dans l'endroit deja cité
des dialogues fur l'orateur , cù Cicéron
fait parler Marc-Antoine , difertus femble
avoir à -peu -près la même lignification
que difert en françois : difertos , dit JV arc-
Antoine , me cogiofj'e nonnullos fcripfi ,
eloquentem adnuc neminem , quod eunt
flatuebam difertum y qui prffet fatis acutè
atque dilucidè apud médiocres iiomines ,
ex communi quâdam hominum opinione
dicere y eloquentem vero , qui mirabiliùs ,
&<r. comme ci - deftiis. Cicéron cite au
commencement de fon Orator , ce même
mot de l'orateur Marc- Antoine : Marcus
Antonius . . . fcripfit y difertos fe vidifje.
multos ( dans le partage précédent il y a
nonnullos , ce qu'il n'eft pas inutile de
remarquer ,) eloquentem omnino neminem.
Mais il paroît par tout ce qui précède
dans l'endroit cité , & que nous avons
rapporté ci-deiTus , que Cicéron dans cet
endroit donne à difertus le fens marqué
plus haut. Je crois donc qu'on ne tradui-
roit pas exactement ce dernier pafîàge ,
en faifant dire à Marc-Antoine qu'il avoit
vu bien des hommes diferts y & aucun
d'éloquent ; mais qu'on doit traduire , du
moins en cet endroit , qu'il avoit vu beau-
coup d'hommes doués du talent de la
parole , & aucun de l'éloquence parfaite ,
Omnino- Dans le partage précédent
au contraire , on peut traduire , que Marc-
A ntoine avoit vu quelques hommes diferts ,
& aucun d'éloquent. Au refte on doit
être étonné eue Cicéron dans le partage
de Y Orator iibftitue multos à nonnullos
qui fe trouve dans l'autre partage1 , où .il
fait dire d'ailleurs à Marc-Antoine la même
chofe : il femble que multos feroit mieux
dans le premier partage , & nonnullos dans
le fécond ; car il y a beaucoup plus d'hom-
mes diferts , c'eft-à-dire, diferti dans le
premier fens , qu'il n'y en a qu'on puifle
appeller diferti dans le fécond ; or Marc-
Antoine , fuivant le premier partage , ne
connoiflbit qu'un petit nombre d'hommes
V
i^4 E L O
diferts , à plus forte rai (on n'en connoif-
fbit-il qu'un très-petit nombre de la fé-
conde efpece. Pourquoi donc cette dif-
parate dans les deux pacages ? fans doute
multos dans le fécond ne fignifie pas un
grand nombre abfolument , mais feule-
ment un grand nombre par oppofition à
neminem , c'eft-à-dire, quelques-uns , ou
nonnullos.
Après cette difcufllon fur le vrai fens
du mot difenus , difcullion qui nous pa-
roît mériter l'attention des lecteurs , & qui
appartient à l'article que nous traitons ,
donnons en peu de mots , d'après les grands
maîtres & d'après nos propres réflexions ,
les principales règles de Vélocution ora-
toire.
La clarté , qui eft la loi fondamentale
du difcours oratoire , & en général de
quelque difcours que ce foit , confine non
feulement à fe faire entendre , mais à fe
faire entendre fans peine. On y parvient
par deux moyens ; en mettant les idées
chacune à fa place dans l'ordre naturel ,
& en exprimant nettement chacune de
ces idées. Les idées feront exprimées fa-
cilement & nettement , en évitant les
tours ambigus , les phrafes trop longues ,
trop chargées d'idées incidentes & accef-
foires à l'idée principale , les tours épi-
grammatiques , dont la multitude ne peut
fentir la fmelîè ; car l'orateur doit fe fou-
venir qu'il parle pour la multitude. Notre
langue par le défaut de déclinaifons & de
conjugaisons , par les équivoques fréquen-
tes des ils , des elles , des qui , des que ,
des [on , fa , fe s > & de beaucoup d'autres
mots , eu plus fujette que les langues an-
ciennes à î'ambiguité des phrafes & des i
tours. On doit donc y être fort attentif, ,
en fe permettant néanmoins ( quoique ra-
rement ) les équivoques légères & pure-
ment grammaticales , lorfque le fens eft:
clair d'ailleurs par lui-même , & lorfqu'on
ne pourroit lever l'équivoque fans affoiblir
la vivacité du difcours. L'orateur peut
même fe permettre quelquefois la finelTe
des penfées & des tours , pourvu que ce
foit avec fobriété & dans les fujets qui en
font fufceptibles , ou qui l'autorifent ,
c'eft-à-dire , qui ne demandent ni {impli-
cite , ni élévation , ni véhémence ; ce
E L O
tours fins & délicats échapperont fan
doute au vulgaire , mais les gens d'efpri.
les faifiront & en fauront gré à l'orateur
En effet, pourquoi lui refuferoit - on la
liberté de réferver certains endroits de
fon ouvrage aux g^is d'efprit , c'eft-à-
dire, aux feules perfonnes dont il doit réel-
lement ambitionner l'eftime ?
Je n'ai rien à dire fur la correction ,
finon qu'elle confifte à obferver exa&e-
ment les règles de la langue y mais non
avec afiez de fcrupule , pour ne pas s'en
affranchir lorfque la vivacité du difcours
l'exige. La correction & la clarté font
encore plus étroitement néceflaires dans
un difcours fait pour être lu , que dans
un difcours prononcé ; car dans ce der-
nier cas , une action vive , jufte , animée ,
peut quelquefois aider à la clarté & fauver
l'incorrection.
Nous n'avons parlé jufqu'ici que de la
clarté & de la correction grammaticales ,
qui appartiennent à la diction : il eft aufti
une clarté & une correction non moins
enentielles , qui appartiennent au ftyle ,
& qui confiftent dans la propriété des
termes. C'eft principalement cette qualité
qui diftingue les grands écrivains d'avec
ceux qui ne le font pas : ceux - ci font ,
pour ainfî dire , toujours à côté de l'idée
qu'ils veulent préfenter ; les autres la ren-
dent & la font faifir avec jufteiîe par une
expreflion propre. De la propriété des
termes naiflent trois différentes qualités;
la précifîon dans les matières de difcuf-
fion , l'élégance dans les fujets agréables >
l'énergie dans les fujets grands ou pathé-
tiques. Voye\ ces mots.
La convenance du ftyle avec le fujet ,
exige le choix & la propriété des termes ;
elle dépend outre cela de la nature des
idées que l'orateur emploie. Car , nous
ne faurions trop le redire , il n'y a qu'une
forte de ftyle , le ftyle fïmple , c'eft-à-
dire celui qui rend les idées de la manière
la moins détournée & la plus fenfible. Si
les anciens ont diftingue trois ftyles , le
fimp'e , le fublime , & le tempéré ou
l'orné , il ne l'ont fait qu'eu égard aux
différens objets que peut avoir le difcours :
le ftyle qu'ils appelloient Jimple , eft celui
qui fe borne à des idées fimples & coai-
ELO
munes ; le ftyle fublime peint les idées
grandes , & le ftyle orné les idées riantes
& agréables. En quoi confifte donc la
convenance du ftyle au fujet? i°. à n'em-
ployer que des idées propres au fujet ,
c'eft-à-dire , (impies dans un fujet (impie ,
nobles dans un fujet élevé , riantes dans
un fujet agréable : 2°. à n'employer que
les termes les plus propres pour rendre
chaque idée. Par ce moyen l'orateur fera
précifément de niveau à fon fujet , c'eft-
à-dire, ni au deffus ni au deffous , foit par
les idées , foit par les exprefîions. C'eft
en quoi confifte la véritable éloquence , &
même en général le vrai talent d'écrire , &
non dans un ftyle qui déguife par un vain
coloris des idées communes. Ce ftyle
refïemble au faux bel efprit , qui n'eft
autre chofe que l'art puérile & méprifable,
de faire paroi tre les cho fes plus ingénieufes
qu'elles ne font.
De l'obfervation de ces règles réfultera
la noblefTe du ftyle oratoire ; car l'orateur
ne devant jamais , ni traiter de fujets bas ,
ni préfenter des idées baffes , fon ftyle
fera noble dès qu'il fera convenable à fon
fujet. La baftèfîè des idées & des fujets
eft à la vérité trop fouvent arbitraire ;
les anciens fe donnoient à cet égard beau-
coup plus de liberté que nous , qui , en
banniftànt de nos meurs la délicateffe,
l'avons portée à l'excès dans nos écrits &
dans nos difeours. Mais quelque arbitraires
que puiffent être nos principes fur la baffefle
& fur la noblefTe des fujets , il fuffit que les
idées de la nation foient fixées fur ce point ,
pour que l'orateur ne s'y trompe pas & pour
qu'il s'y conforme. En vain le génie même
s'efForçeroit de braver à cet égard les opi-
nions reçues ; l'orateur eft l'homme du
peuple , c'eft à lui qu'il doit chercher à
plaire ; & la première loi qu'il doit obfer-
ver pour réufïir , eft de ne pas choquer la
philofophie de la multitude , c'eft-à-dire
les préjugés.
Venons à l'harmonie , une des qualités
qui conftituent le plus eftèntiellement le
difeours oratoire. Le plaifir qui réfulte
de cette harmonie eft-il purement arbi-
traire & d'habitude , comme l'ont prétendu
quelques écrivains ? ou y entre-t*il tout à
la fois de l'habitude & du réel ? ce dernier
ELO u*
fentiment eft peut-être le mieux fondé. Car
il en eft de l'harmonie du difeours, comme
de l'harmonie poétique & de l'harmonie
muficale. Tous les peuples ont une mufi-
que , le plaifir qui naît de la mélodie du
chant a donc fon fondement dans la nature:
il y a d'ailleurs des traits de mélodie &
d'harmonie qui plaifent indiftindement &
du premier coup à toutes les nations ; il y a
donc du réel dans le plaifir mufical : mais
il y a d'autres traits plus détournés ; & un
ftyle mufical particulier à chaque peuple f
quidemandent que l'oreille y foit plus ou
moins acecutumée ; il entre donc dans ce
plaifir de l'habitude. C'eft ainfi , & d'après
les mêmes principes , qu'il y a dans tous
les arts un beau abfolu , & un beau de
convention ; un goût réel , & un goût
arbitraire. On peut appuyer cette réflexion
par une autre. Nous (entons dans les vers
latins en les prononçant une efpece de ca-
dence & de mélodie ; cependant nous pro-
nonçons très-mal le latin , nous eftropions
très-fouvent la profodie de cette langue ,
nous feandons même les vers à contrefens ,
car nous feandons ainfi :
Arma vi , rumque ca , no Tro , jœ qui ,'
primus ab , oris ,
en nous arrêtant fur des brèves à quelques*
uns des endroits marqués par des virgules ,
comme (i ces brèves étoient longues ; au
lieu qu'on devroit feander :
Ar y ma virum , que cano , Trojœ , qui
pri y mus ab o , ris i
car on doit s'arrêter fur les longues &
pafTer fur les brèves , comme on fait en
mufique fur des croches , en donnant à
deux brèves le même temps qu'à une
longue. Cependant , malgré cette pronon-
ciation barbare , & ce renverfement de
la mélodie & de la mefure , l'harmonie àes
vers latins nous plaît , parce que d'un côté
nous ne pouvons détruire entièrement
celle que le poète y a mife , & que de l'autre
nous nous faifons une harmonie d'habitude.
Nouvelle preuve du mélange de réel Se
d'arbitraire qui fe trouve dans le plaide
produit par l'harmoniç.
V 2
%$6 E L O
L'harmonie eft fans doute î'ame de la 1
poéiie , & c'eft pour cela que les traduc- j
tions des poètes ne doivent être qu'en
vers ; car traduire un poète en profe ,
c'eft le dénaturer tout- à-fait , c'eft à-peu-
près comme fi l'on vouloit traduire de la
mulique italienne en mufique françoife.
Mais fi la poéiie a fon harmonie particu-
lière qui la cara&érife , la profe dans
toutes les langues a aufïi la fienne ; les
anciens l'avoient bien vu ; ils appelloient
pjQ/xos le nombre pour la profe , & fiirpst
celui du vers. Quoique notre poéfie &
notre profe foient moins fufceptibles de
mélodie que ne l'étoient la profe & la
poéiie des anciens , cependant elles ont
chacune une mélodie qui leur eft propre ;
peut-être même celle de la profe a-t-elle
un avantage en ce qu'elle eft moins mo-
notone y & par conféquent moins fati-
gante ; la difficulté vaincue eft le grand
mérite de la poéiie. Ne feroit-ce point
pour cette raifon qu'il eft rare de lire , fans
être fatigué , bien des vers de fuite , & que
le plaifir caufé par cette ledure , diminue
à mefure qu'on avance en âge ?
Quoi qu'il en foit , ce font les poètes
qui ont formé les langues ; c'eft aufli l'har-
monie de la poéfie > qui a fait naître celle
de la profe : Malherbe faifoit parmi nous
des odes harmonieufes , lorfque notre
profe étoit encore barbare & grofliere ;
c'eft à Balzac que nous avons l'obligation
de lui avoir le premier donné de l'harmo-
nie. « L'Eloquence , dit très-bien M. de
73 Voltaire , a tant de pouvoir fur les
?> hommes , qu'on admira Balzac de fon
» temps , pour avoir trouvé cette petite
» partie de l'art ignorée & néceflàire >
?j qui confifte dans le choix harmonieux
>3 des paroles , & même pour l'avoir fou-
93 vent employée hors de fa place. »
Ifocrate , félon Cicéron , eft le premier
qui ait connu l'harmonie de la profe parmi
les anciens. On ne remarque , dit encore
Cicéron , aucune harmonie dans Hérodote,
ni dans fes contemporains y ni dans fes
prédéceiîeurs. L'orateur romain compare
le ftyle de Thucydide , à qui il ne man-
que rien que l'harmonie , au bouclier de
Minerve par Phidias , qu'on auroit mis en
pièces.
E L O
Deux chofes charment l'oreille dans
le difcours , le fon & le nombre : le fon
confifte dans la qualité des mots ; & le
nombre , dans leur arrangement. Ainfi
l'harmonie du difcours oratoire confifte à
n'employer que des mots d'un fon agréable
& doux ; à éviter le concours des fylla-
bes rudes , & celui des voyelles , fans;
affectation néanmoins ( fur quoi poye\
Varticle Elision ; ) à ne pas mettre entre
les membres des phrafes trop d'inégalité ,
fur-tout à ne pas faire les derniers mem-
bres trop courts par rapport aux premiers ;
à éviter également des périodes trop lon-
gues & les phrafes trop courtes , ou ,
comme les appelle Cicéron , à demi éclo-
fes , le ftyle qui fait perdre haleine , &
celui qui force à chaque inftant de la
reprendre , & qui refïèmble à une forte
de marqueterie ; à favoir entremêler les
périodes foutenues & arrondies , avec d'au-
tres qui le foient moins & qui fervent
comme de repos à l'oreille. Cicéron blâme
avec raifon Théopompe , pour avoir porté
jufqu'à l'excès le foin minutieux d'éviter
le concours des voyelles ; c'eft à l'ufage ,
dit ce grand orateur , à procurer feul cet
avantage fans qu'on le cherche avec fati-
gue. L'orateur exercé apperçoit d'un coup
d'œil la fucceflion la plus harmonieufe des
mots , comme un bon le&eur voit d'un
coup d'œil les fyllabes qui précèdent &.
celles qui fuivent.
Les anciens , dans leur profe , évitaient
de laifïer échapper des vers , parce que la
mefure de leurs vers étoit extrêmement
marquée ; le vers ïambe étoit le feul qu'ils
s'y permiflent quelquefois , parce que ce
vers avoit plus de licences qu'aucun autre ,
& une mefure moins invariable : nos vers ,
fi on leur ôte la rime , font à quelques
égards dans le cas des vers ïambes des an-
ciens ; nous n'y avons attention qu'à la
multitude des fyllabes ; & non à la pro-
fodie ; douze fyllabes longues ou douze
fyllabes brèves , douze fyllabes réelles &
phyfiques ou douze fyllabes de convention
& d'ufage , font également un de nos
grands vers j les vers françois font donc
moins choquans dans la profe françoife.*
( quoiqu'ils ne doivent pas y être prodi-
gués , ni même y être trop fenfibles , }. qaç
E L O
des vers latins ne l'ëtoient dans la profe
latine. Il y a plus : on a remarqué que la pro-
fe la plus harmonieufe contient beaucoup
de vers , qui , étant de différente mefure ,
& fans rime , donnent à la profe un des
agrémens de la poéfie , fans lui en donner
le cara&ere , la monotonie, & l'uniformité.
La profe de Molière eft toute pleine de
vers. En voici un exemple tiré de la pre-
mière fcene du Sicilien :
Chut , n'avance^ pas davantage ,
Et demeure^ en cet endroit
Jufqu'à ce que je vous appelle.
Il fait noir comme dans un four ,
Le ciel s' efi habillé ce foir enfcaramouche ,
Et je ne vois pas une étoile
Qui montre le bout defon ne\.
Sotte condition que celle d'un efclave !
De ne vivre jamais pour foi ,
Et d'être toujours tout entier
Aux pajfions d'un maître ! &c.
On peut remarquer en pafTant , que ce
font les vers de huit fyllabes qui dominent
dans ce morceau , & ce font en effet ceux
qui doivent le plus fréquemment fe trouver
dans une profe harmonieufe.
M. de la Motte , dans une des difTerta-
tions qu'il a écrites contre la poéfie , a
mis en profe une des fcenes de Racine
fans y faire d'autre changement que de
renverfer les mots qui forment les vers:
Arbate , on nous faifoit un rapport fidèle .
Home triomphe en effet , & Mithriddte efi
mort. Les Romains ont attaqué mon père
vers l'Euptirate , & trompé fa prudence
ordinaire dans la nuit , &c. Il obferve
que cette profe nous paroît beaucoup
moins agiéable que les vers qui expriment
la même chofe dans les mêmes termes ;
& il en conclut que le plailir qui naît de
]a mefure des vers , eft un plaifir de con-
vention & de préjugé, puifqu'à l'exception
de cette mefure , rien n'a difparu du
morceau cité. M. de la Motte ne faifoit
pas attention , qu'outre la mefure du vers,
l'harmonie qui réfulte de l'arrangement
des mots avoit auffi difparu , &: que fi
Racine eût voulu écrire ce morceau en
profe , il I'auroit écrit autrement , & choifi
des mots dont l'arrangement auroit formé
une harmonie plus agréable à l'oreille»
E L O if?
L'harmonie fouffre quelquefois de la
juftefle & de^ l'arrangement logique des
mots , & réciproquement : c'eft alors à
l'orateur à concilier , s'il eft poffible , l'une
avec l'autre , ou à décider lui-même juf-
qu'à quel point il peut facririer l'harmonie
à la juftefle. La feule règle générale qu'on
puiflè donner fur ce fujet , c'eft qu'on ne
doit ni trop fou vent facririer l'une à l'au-
tre , ni jamais violer l'une ou l'autre d'une
manière trop choquante. Le mépris de la
juftefle offenfera la raifon , & le mépris
de l'harmonie blelîera l'organe ; l'une eft
un juge févere qui pardonne difficilement,
& l'autre un juge orgueilleux qu'il faut
ménager^ La réunion de la juftefle & de
l'harmonie , portées l'une & l'autre au
fuprême degré , étoit peut-être le talent:
fupérieur de Démofthene : ce font vrai-
femblablement ces deux qualités qui dans
les ouvrages de ce grand orateur , onc
produit tant d'effet fur les Grecs , & même
fur les Romains , tant que le grec a été
une langue vivante & cultivée ; mais
aujourd'hui , quelque fatisfaâion que fés
harangues nous procurent encore par le
fond des chofes , il faut avouer , fi on
eft de bonne foi , que la réputation de
Démofthene eft encore au-deflûs du plaifir
que nous fait fa le&ure. L'intérêt vif que
les Athéniens prenoient à l'objet de ces
harangues , la déclamation fublime de
Démofthene , fur laquelle il nous eft refte
le témoignage d'Efchine même fon enne-
mi , enfin l'ufage fans doute inimitable
qu'il faifoit de fa langue pour la propriété
des termes & pour le nombre oratoire,
tout ce mérite eft ou entièrement ou pref-
que entièrement perdu pour nous. Les
Athéniens , nation délicate & fenfible
avoient raifon d'écouter Démofthene-
comme un prodige ; notre admiration , fi
elle étoit égale à la leur , ne feroit qu'un
enthoufiafme déplacé. L'eftime raifonnée
d'un philofophe honore plus les grands
écrivains , que toute la prévention des
pédans.
Ce que nous appelions ici harmonie
dans le difcours , devroit s'appelîer plus
proprement mélodie : car mélodie en notre
langue eft une fuite de ions qui fe fucce—
dent agréablement ; 6c narmonie eft ls
içg E L O
plaifir qui réfulte du mélange de plufïeurs
fons qu'on entend à la fois. Les anciens
qui , félonies apparences , ne connoiffoient
point la mufique à plufïeurs parties , du
moins au même degré que nous , appel-
aient harmonia ce que nous appelions
mélodie. En tranfportant ce mot au ftyle ,
nous avons confervé l'ide'e qu'ils y atta-
choient ; & en le tranfportant à la mufi-
que , nous lui en avons donné un autre.
C'eft ici une obfervation purement gra.u-
maticale , mais qui ne nous paroît pas
inuti
!^
Cicéron, dans fon traité intitulé Orator,
fait confifter une des principales qualités
du ftyle fimple en ce que l'orateur s'y
affranchit de la fervitude du nombre , fa
marche étant libre & fans contrainte ,
quoique fans écarts trop marqués. En
effet , le plus ou le moins d'harmonie eft
peut-être ce qui diftingue le plus réelle-
ment les différentes efpeces de ftyle.
Mais quelque harmonie qui fefafle fentir
dans le difcours , rien n'eft plus oppofé à
l'éloquence qu'un ftyle diffus > traînant ,
& lâche. Le ftyle de l'orateur doit être
ferré ; c'eft par- là fur- tout qu'a excellé
Démofthene. Or , en quoi confifte le
ftyle ferré ? à mettre , comme nous l'a-
vons dit , chaque idée à fa véritable place ,
à ne point omettre d'idées intermédiaires
trop difficiles à fuppléer , à rendre enfin
chaque idée nar le terme propre : par ce
moyen on évitera toute répétition &
toute circonlocution , & le ftyle aura le
rare avantage d'être concis fans être fati-
gant , & développé fans être lâche. Il
arrive fouvent qu'on eft aufti obfcur en
fuyant la brièveté , qu'en la cherchant ;
on perd fa route en voulant- prendre la
plus longue. La manière la plus naturelle
& la plus fûre d'arriver à un objet , c'eft
d'y aller par le plus court chemin , pourvu
qu'on y aille en marchant , & non pas
en fautant d'un lieu à un autre. On peut
juger delà combien eft oppofée à l'élo-
quence véritable, cette loquacité fi ordi-
naire au barreau , qui confifte à dire fi
peu de chofes avec tant de paroles. On
prétend , il eft vrai , que les mêmes moyens
doivent être préfentés différemment aux
différens juges , & que par cette raifon
E L O
on eft obligé dans un plaidoyer de tour-
ner de différens fens la même preuve.
Mais ce verbiage prétendu néceftaire de-
viendra évidemment inutile , fi on a foin
de ranger les idées dans l'ordre conve-
nable ; il réfultera de leur difpofition na-
turelle une lumière qui frappera infaillible-
ment & également tous les efprits , parce
que l'art de raifonner eft un , & qu'il n'y
a pas plus deux logiques que deux géo-
métries. Le préjugé contraire eft fondé
en grande partie fur les faufles idées qu'on
acquiert de l'éloquence dans nos collèges ;
on la fait confifter à amplifier & à étendre
une penfée ; on apprend aux jeunes gens
à délayer leurs idées dans un déluge de
périodes infipides, au lieu de leur appren-
dre à les refterrer fans obfcurité. Ceux
qui douteront que la concifion puifte fub-
fifter avec l'éloquence , peuvent lire pour
fe délabufer les harangues de Tacite.
Il ne fuffitpas au ftyle de l'orateur d'être
clair , correct , propre , précis , élégant ,
noble , convenable au fujet , harmonieux,
vif . & ferré ; il faut encore qu'il foit
facile, c'eft-à-dire, que la gêne de la com-
pofition ne s'y laifte point appercevoir.
Le ftyle naturel , dit Pafcal , nous en-
chante avec raifon ; car on s'attendoit de
trouver un auteur , & on trouve un
homme. Le plaifir de l'auditeur ou du
îecleur diminuera à mefure que le travail
& la peine fe feront fentir. Un des moyens
de fe préferver de ce défaut, c'eft d'évi-
ter ce ftyle figuré , poétique , chargé d'er-
nemens , de métaphores , d'antithefes , &
d'épithetes , qu'on appelle , je ne fais par
quelle raifon , flyle académique. Ce n'eft
affurément pas celui de l'académie Fran->
çoife ; il ne faut , pour s'en convaincre ,
que lire les ouvrages & les difcours même
des principaux membres qui la compofent.
C'eft tout au plus le ftyle de quelques
académies de province , dont la multipli-
cation excefîive & ridicule eft aufîifunefte
aux progrès du bon goût , que préjudi-
ciable aux vrais intérêts de l'état ; depuis
Pau jufqu'à Dunkerque , tout fera bientôt
académie en France.
Ce ftyle académique ou prétendu %e\ ,
eft encore celui de la plupart de nos pré-
dicateurs } du moins de plufïeurs de ceux
E L O
qui ont quelque réputation ; n'ayanpast
affez de génie pour préTenter d'une ma-
nière frappante , & cependant naturelle ,
les vérités connues qu'ils doivent annon-
cer ; ils croient les orner par un ftyle
affedé & ridicule , qui fait reffembler
leurs fermons , non à l'épanchement d'un
cœur pénétré de ce qu'il doit infpirer aux
autres , mais à une efpece de repréfen-
tation ennuyeufe & montone , ou fadeur
s'applaudit fans être écouté. Ces fades
harangueurs peuvent fe convaincre par la
iedure réfléchie des fermons du P. Maffil-
Ion , fur-tout de ceux qu'on appelle le
petit carême P combien la véritable élo-
quence de la chair eft oppofée à l'affec-
tation du ftyle : nous ne citerons ici que
le fermon qui a pour titre de V humanité
des grands , modèle le plus parfait que
nous connoifîions en ce genre ; difcours
plein de vérité , de fimplicité & de no-
blefîè , que les princes devroient lire fans
ceffe pour fe former le cœur, & les ora-
teurs chrétiens pour fe former le goût.
L'affectation du flyle paroît fur- tout
dans la profe de la plupart des poètes :
accoutumés au ftyle orné & figuré , ils
le tranfportent comme malgré eux dans
leur profe ; ou s'ils font des efforts pour
l'en bannir , leur profe devient trainante
& fans vie : aufîi avons-nous très-peu de
poètes qui aient bien écrit en profe. Les
préfaces de Racine font foiblement écri-
tes ; celles de Corneille font aufîi excel-
lentes pour le fond des chofes , que dé-
fedueufes du côté du ftyle ; la profe de
Rouffeau eft dure , celle de Defpréaux
pefante, celle de la Fontaine infïpide; celle
de la Motte eft à la vérité facile & agréable,
mais aufïï la Motte ne tient pas le pre-
mier rang parmi les vérificateurs. M. de
Voltaire eft prefque le feul de nos grands
poètes dont la profe foit du moins égale
à fes vers ; cette fupériorité dans deux
genres fi différens , quoique fi voifins en
apparence , eft une des plus rares, qualités
de ce grand écrivain.
Telles font les principales loix de Ye'lo-
cution oratoire. On trouvera fur ce fujet
un plus grand détail dans les ouvrages de
Cicéron , de Quintilien , &c. fur-tout dans
l'ouvrage du premier de ces deux écrivains ,
E L O i<$$
qui a pour titre orator, & dans lequel
il traite à fond du nombre & de l'har-
monie du difcours. Quoique ce qu'il en
dit foit principalement relatif à la langue
latine qui étoit la fienne , on peut néan-
moins en tirer des règles générales d'har-
monie pour toutes les langues.
Nous ne parlerons point ici des figures
fur lefquelles tant de rhéteurs ont écrit
des volumes .- elles fervent fans doute à
rendre le difcours plus animé ; mais fi la
nature ne les dide , elles font froides &
infipides. Elles font d'ailleurs prefque aufTi
communes , même dans le difcours ordi-
naire , que Tufage des mots , pris dans
un fens figuré , eft commun dans toutes
les langues. Vcye\ Langue, Diction-
naire, Figure, Trope , Eloquence.
Tant pis pour tout orateur qui fait avec
réflexion & avec defîein une métonymie ,
une catachrefe , & d'autres figures fem-
blables.
Sur les qualités du ftyle en général dans
toutes fortes d'ouvrages >voye\ ELEGAN-
CE , Style , Grâce , Goût , &c.
Je finis cet article par une obfervation,
qu'il me femble que la plupart des rhé-
teurs modernes n'ont point affez faite ;
leurs ouvrages , calqués pour ainfi dire
fur les livres de rhétorique des anciens,
font remplis de définitions , de préceptes,
& de détails , néceffaires peut-être pour
lire les anciens avec fruit , mais abfolu-
ment inutiles , & contraires même au
genre d'éloquence que nous connoifîbns
aujourd'hui. « Dans cet art , comme dans
» tous les autres , dit très-bien M. Freret
v (hift. de l'acad. des Belles-Lettres y
» tome XVIII , pag. 461 , ) il faut dif-
» tinguer les beautés réelles , de celles
» qui étant arbitraires dépendent des
» mœurs , des coutumes , & du gouver-
» nement d'une nation, quelquefois même
» du caprice de la mode ,,dont l'empire
» s'étend à tout , & a toujours été ref-
» pedé jufqu'à un certain point. » Du
temps de la république romaine , où il
y avoit peu de loix , & où les juges écoient
fouvent pris au hafard , il fuffifoit prefque
toujours de les émouvoir, ou de les rendre
favorables par quelque autre moyen ; dans
notre barreau , il faut les convaincre,.
160 E L O
Cicéron eût perdu à la Grand-Chambre
la p lupart des caufes qu'il a gagnées ,
parce que fes cliens étoient coupables ,
ofons ajourer que plufieurs endroits de fes
harangues qui plaifoient peut-être avec
raifon aux Romains , & que nos latiniftes
modernes admirent fans favoir pourquoi ,
ne feroient aujourd'hui que médiocrement
gourées. (O)
ELOGE , f. m. {Belles Let.) louange
que l'on donre à quelque perfonne ou à
quelque chofe en confidération de fon ex-
cellence, de fon rang ou de fes vertus, &c.
La vérité fimple & exacle devroit être
la bafe & 1' me de tous les éloges ; ceux
qui font outrés & fans vraifemblance ,
font tort à celui qui les reçoit y & à celui
qui les donne. Car tous les nommes fe
croient en droit jufqu'à un certain point,
d'établir la réputation des autres , ou d'en
décider ; ils ne peuvent fouflfar qu'un pa-
négyrifte s'en rende le maître , & en faffe
pour ainiî dire une efpece de monopole;
la louange les indifpoie , leur donne lieu
de difcuter les qualités prétendues de la
perfonne qu'on loue , fouvent de les con-
tefter , & de démentir l'orateur. (G)
Voyei au mot DICTIONNAIRE , les
réflexions qui ont été faites fur les éloges
qu'on peut donner dans les Dictionnaires
hiftoriques : ces réflexions s'appliquent à
quelque éloge que ce puilTe être. Bien pé-
nétrés de leur importance & de leur vérité ,
les Editeurs de l'Encyclopédie déclarent
qu'ils ne prétendent point adopter tous les
éloges qui pourront y avoir été donnés par
leurs collègues , foit à des gens de lettres,
foit à d'autres , comme ils ne prétendent
pas non plus adopter les critiques , ni en
général les opinions avancées ou foutenues
ailleurs que dans leurs propres articles.
Tout eft libre dans cet ouvrage , excepté
la fatyre ; mais par la raifon que tout y eft
libre , chacun doit y répondre au public
de ce qu'il avance , de ce qu'il blâme , &
de ce qu'il loue. Voye\ Editeur. C'eft
en partie pour cette raifon que nous nous
fommes fait la loi de nommer dorénavant
nos collègues fans aucun éloge ; la recon-
noiftance eft fans doute un fentiment que
nous leur devons , mais c'eft au public à
apprécier leur travail,
EL O
Qu'il nous foit permis à cette occafion
de déplorer l'abus intolérable de panégyri-
ques & de fatyres , qui avilit aujourd'hui
la république des Lettres. Quels ouvrages
que ceux dont plufieurs de nos écrivains
périodiques , ne rougilTent pas de faire l'é-
loge ? quelle ineptie , ou quelle baflèiTe ?
Que la poftérité feroit furprife de voir les
Voltaire & les Montefquieu déchirés dans
la même page où l'écrivain le plus médiocre
eft célébré ! mais heureufement la pofté-
rité ignorera ces louanges & ces invectives
ophémeres ; & il femble que leurs auteurs
l'aient prévu , tant ils ont eu peu de ref-
pecl pour elle. Il eft vrai qu'un écrivain
fatyiique , après avoir outragé les hommes
célèbres pendant leur vie , croit réparer
fes infukes par les éloges qu'il leur donne
après leur mort ; il ne s'apperçok pas que
ces éloges font un nouvel outrage qu'il tait
au mérite , & une nouvelle manier^ ce fe
déshonorer lui-même. (O)
Eloge , Louange , fynon. (Gram.)
ces mots différent à plufieurs égards l'un
de l'autre. Lou ngea-j fingulier & précédé
de l'article la , iè prend dans un iens
abfclu ; (loge au lingulier & précédé de
l'article , fe prend dans un fens relatif.
Ainiî on dir : la louange eft quelquefois
dangereufe ; Yéloge de telle perfonne eft
jufte j e& outré y 6c. Louange au fingulier
ne s'emploie guère , ce me îemble , quand
il eft précédé du mot une ; on dit un éloge
plutôt qu'une louange : du moins louange ,
en ce cas , ne fe dit guère que lorfqu'on
loue quelqu'un d'une manière détournée &
indirecte. Exemple : 2 el auteur a donné
une louange bien fine à fon ami. 11 femble
auiîiquelorfqu'il eft queftion des hommes,
éloge dife plus que louange , du moins en
ce qu'il fuppofe plus de titres & de droits
pour être loué ; on dit de quelqu'un qu'il
a été comblé déloges , lorfqu'il a été loué
beaucoup & avec juftice ; & d'un autre
qu'il a été accablé de louanges , lorfqu'on
l'a loué à l'excès ou fans raifon. Au con-
traire en parlant de Dieu , louange ligni-
fie plus qu'éloge j car on dit les louanges
de Dieu. Eloge fe dit encore des harangues
prononcées , ou des ouvrages imprimés à
la louange de quelqu'un ; tloge funèbre ,
éloge hijhriaue , éloge académique. Enfin
ces
E L O
ces mots différent aufîî par ceux aux-
quels on les joint : on dit faire t éloge de
quelqu'un , & chanter les louanges de
Dieu. (0)
Eloges Académiques , font ceux
qu'on prononce dans les académies & fb-
ciétés littéraires, à l'honneur des membres
qu'elles ont perclus. Il y en a de deux for-
tes , d'oratoires ck d'hiftoriques. Ceux qu'on
prononce dans l'académie françoife, font
de la première efpece. Cette compagnie a
impofé à tout nouvel académicien le devoir
fi nok\c & li jufte de rendre à la mémoire
de celui à qui il fuccede , les hommages
qui lui font dus. Cet objet eft un de ceux
que le récipiendaire doit remplir dans fon
d if cours de réception. Dans ce difeours
oratoire on fe borne à louer en général les
talens , l'efprit , & même , fi on le juge
à propos , les qualités du cœur de celui à
qui l'on fuccede , fans entrer dans aucun
détail fur les circonftances de fa vie. On
ne doit rien dire de fes défauts :, du moins ,
fi on les touche , ce doit être fi légèrement ,
fi adroitement & avec tant de finellè ,
qu'on les préférée à l'auditeur ou au lecteur
par un côté favorable. Au refte , il feroit
peut-être à louhaiter que dans les récep-
tions à l'académie françoife , un feul des
deux académiciens qui parlent , favoir le
récipiendaire ou le directeur , lé chargeât
de Xéloge du défunt \ le directeur feroit
moins expo le à répéter une partie de ce
que le récipiendaire a dit , &: le champ
feroit par ce moyen un peu plus libre dans
ces fortes de difeours , dont la matière
n'eft d'ailleurs que trop donnée : fans s'af-
franchir entièrement des éloges de juftice
& de devoir , on feroit plus à portée de
traiter des fujets de littérature intéreffans
pour le public. Plufieurs académiciens , en-
trautres M. de Voltaire , ont déjà donné
cet exemple , qui paroît bien digne d'être
fuivi.
Les éloges hiftoriques font en ufage dans
nos académies des Sciences & des Belles-
Lettres , & à leur exemple dans un grand
nombre d'autres : c'eft le Secrétaire qui en
eft chargé. Dans ces éloges on détaille
toute la vie d'un académicien , depuis fa
nailïance jufqu'à fa mort \ on doit néan-
moins en retrancher les détails bas , pué-
Tomt XII.
E L O %*t
riîes , indignes enfin de la majéfté dm
éloge philolbphique.
Ces éloges étant hiftoriques , font pro-
prement des mémoires pour Servir à l'hif-
toire des Lettres : la vérité doit donc en
faire le caractère principal. On doit néan-
moins l'adoucir , ou même la taire quel-
quefois, parce que c'eft un éloge , & non:
une Satyre , que l'on doit faire } mais il ne
faut jamais la déguifèr ni l'altérer.
Dans un éloge académique on a deux
objets à peindre , la perfonne & l'auteur :
l'un & l'autre iè peindront par les faits.
Les réflexions philosophiques doivent fur-
tout être l'âme de ces fortes d'écrits } elles
feront tantôt mêlées au récit avec art &
brièveté , tantôt rafîèmblées & développées
dans des morceaux particuliers , où elles
formeront comme des maflès de lumière
qui Serviront à éclairer le refte. Ces ré-
flexions féparées des faits , ou entre-mêlées
avec eux , auront pour objet le caractère
d'eiprit de l'auteur , l'efpece & le degré de
fes talens , de fes lumières & de fes con-
noiffances , le contraire ou l'accord de fes
écrits & de les mœurs , de fon cœur ôî de
fon efprit , & fur-tout le caractère de fes
ouvrages , leur degré de mérite , ce qu'ils
renferment de neuf ou de Singulier, le
point de perfection où l'académicien avoit
trouvé la matière qu'il a traitée , & le
point de perfection où il l'a laiffée , en lia
mot , l'analyfe raifonnée des écrits '7 car
c'eft aux ouvrages qu'il faut principalement
s'attacher dans un éloge académique : le
borner à peindre la perfonne , même avec
les couleurs les plus avautageufes , ce feroit
faire une fatyre indirecte de fauteur & de
la compagnie j ce feroit fuppofer que l'a-
cadémicien étoit fans talens , & qu'il n'a
été reçu qu'à titre d'honnête homme : titre
très-eltimable pour la lociété , mais infuf-
fifant pour une compagnie littéraire. Ce-
pendant comme il n'eft pas fans exemple
de voir adopter par les académies des
hommes d'un talent très-foible » foit par
faveur 8c malgré elles , foit autrement ,
c'eft alors le devoir du Secrétaire de fe
rendre, pour ainfi dire, médiateur entre fa
compagnie & le public , en palliant eu
excuiànt l'indulgence de l'une fans manquer
de relpect à l'autre , & même à la vérité.
X
161 E L O
Pour cela il doit réunir avec choix & pré-
fenter fous un point de vue avantageux ,
ce qu'il peut y avoir de bon & d'utile dans
les ouvrages de celui qu'il eft obligé de
louer. Mais fi ces ouvrages ne fourniffent
abfolument rien à dire , que faire alors ? Se
tafiré. Et ii par un malheur très-rare , la
conduite a déshonoré les ouvrages , quel
parti prendre ? Louer les ouvrages.
C'eft apparemment par ces raifbns que
les académies des Sciences & des Belles-
Lettres n'impofent point au fecretaire la
loi rigoureufe de faire Xéloge de tous les
académiciens : il fèroit pourtant jufte , &
defirable même , que cette loi fût févére-
meut établie j il en réfulteroit peut-être
qu'on apporteroit dans le choix des fujets ,
«ne fevérité plus confiante & plus continue :
le fecretaire , & fa compagnie par contre-
coup , feroient plus intéreifés à ne choifir
que des hommes louables.
Concluons de ces réflexions , que le
iècretaire d'une académie doit non feule-
ment avoir une connoiffance étendue des
différentes matières dont l'académie s'oc-
cupe , mais pofféder encore le talent d'é-
crire perfectionné par l'étude des Belles-
Lettres , la fineffe de l'eiprit , la facilité
de faifîr les objets 8t de les préfènter , enfin
l'éloquence même. Cette place eft donc
celle qu'il eft le plus important de bien
remplir , pour l'avantage & pour l'honneur
d'un corps littéraire. L'académie des Scien-
ces doit certainement à M. de Fonte-
nelle .une partie de la réputation dont
elle jouit : fans l'art avec lequel ce célèbre
écrivain a fait valoir la plupart des ouvrages
de fes confrères , ces ouvrages , quoique
excellens , ne feroient connus que des
favans fèuls , ils refteroient ignorés de ce
qu'on appelle le public ; & la considération
dont jouit l'académie des Sciences , feroit
moins générale. Auffi peut- on dire de M.
de Fontenelle , qu'il a rendu la place dont
il s'agit très-dangereufe à occuper. Les
difficultés en font d'autant plus grandes ,
que k genre d'écrire de cet auteur célèbre
eft abfolument à lui , & ne peut paffer à un
autre fans s'altérer } c'eft une liqueur qui
ne doit point changer de vafè \ il a eu ,
comme tous les grands écrivains , le ftyle
de ià peniee 3 ce ftyle original & fimple
E L O
ne peut repréfenter agréablement & au
naturel un autre efprit que le lien j en
cherchant à l'imiter (j'en appelle à l'expé-
rience ) , on ne lui reifemblera que par les
petits défauts qu'on lui a reprochés , fans
atteindre aux beautés réelles qui font oublier
ces taches légères. Ainli pour réufïir après
lui, s'il eft poilible . dans cette carrière
épineufe , il feut iwBÉffairement prendre
un ton qui ne foit pas le lien : il faut de
plus , ce qui n'eft pas le moins difficile ,
accoutumer le public à ce ton , & lui
perfuader qu'on peut être digne de lui
plaire , en fè frayant une route différente de
celle par laquelle il a coutume d'être
conduit } car malheureufèment le public ,
femblable aux critiques fubalternes , juge
d'abord un peu trop par imitation , il
demande des chofes nouvelles , & fe ré-
volte quand on lui en préfente. Il eft vrai
qu'il y a cette différence entre le public
& les critiques fubalternes , que celui-là
revient bientôt , & que ceux-ci s'opiniâ-
trent. (O)
Eloge , ( Droit civil ) elogium , dans
le droit écrit , fîgnifie le blâme , & non
pas la louange ; de forte que ce mot ,
chez les jurifconfultes romains , déshonore
ou du moins flétrit la probité & la répu-
tation de celui qu'un teftateur rappelle dans
fon teftament avec éloge. Un père , félon
les loix romaines , doit eu inftituer fes
enfans dans une certaine fomme , ou les
déshériter nommément , à peine de nullité
du teftament. Dans ce dernier cas , la
raifbn que le père donne pour autorifer
l'exhérédation de fon enfant , eft appellée
elogium dans la jurisprudence romaine.
Cicéron plaidant pour Cluentius , fait
mention du teftament de Cn. Egnatius y
qui avoit déshérité fon fils avec cet éloge
( c'eft à-dire avec opprobre ) , que fon fils
avoit pris de l'argent pour condamner
Oppiniacus.
Ce feul pafTage peut fuffîre pour prouver
l'ufàge que les jurifconfultes ont fait du mot
elogium dans un fèns contraire à fà fîgni-
fication naturelle } mais les loix qui font
dans le Dig efte & dans le Code , fous les
titres de liber. & pofth. & de Carbon»,
ediclo , ainfï que les déclamations de Quin-
tilieB 3 en foiunifTent une infinité d'autres
E L O
exemples. Diclionn. de Richelet , dernière
édition. Article de M. le chevalier de
J AU COURT.
ELONGATION, f. f. en Aflronomie ,
eft Ja digrefiîon ou la diftance dont une
planète s'éloigne du Soleil par rapport à un
œil placé fur la Terre , c'eft-à-dire , l'arc
ou angle apparent de la planète & du
Soleil , vus l'un & l'autre de la Terre. V.
Planète.
La plus grande diftance d'une planète
au ibleil , s'appelle fa plus grande élon-
gation , & elle varie par deux raifbns \
favoir , parce que la terre & la planète
tournent Tune & l'autre , non dans des
cercles , mais dans des ellipfès. Cette varia-
tion eft plus ou moins confidérable , félon
que les ellipfes que les planètes décri-
vent , s'éloignent plus ou moins d'être des
cercles } ainfi elle eft moindre dans Vénus
que dans Mercure , dont l'orbite eft fort
elliptique.
C'eft fur-tout dans les mouvemens de
Vénus & de Mercure qu'on a égard aux
élongations. Mercure eft dans fa plus grande
élongation , lorfque la ligne menée de la
Terre à Mercure , eft tangente de l'orbite
de cette planète ; car il eft facile de s'aflurer
que l'arc compris entre le lieu de Mercure
& le lieu du Soleil , c'eft-à-dire l'angle
compris entre les lignes menées de la Terre
au Soleil & de la Terre à Mercure , eft
alors le plus grand qu'il eft pofîîble : il en
eft de même de Vénus. Or fuppofànt que
ces planètes , ainfi que la Terre , décrivent
des cercles autour du Soleil , & qu'on
connoilfe le rapport des rayons de leurs
orbites , il eft facile de tirer delà l'angle
de leur plus grande élongation ; car cet
angle pour Mercure eft l'angle au fommet
d'un triangle rectangle , dont l'hypothénufè
eft la diftance de la Terre au Soleil , &
dont la bafe eft la diftance de Mercure au
Soleil , ou le rayon de fon orbite : & pour
Vénus , c'eft l'angle du fommet d'un triangle
rectangle , dont l'hypothénufe eft la même
que celle du précédent , & dont la bafe eft
le rayon de l'orbite de Vénus. On prend ici
les triangles pour rectangles, quoiqu'ils ne le
foient qu' à-peu- près , & que même ils s'en
■éloignent allez fenfiblement pour Mercure.
#£, les.lnjlit. aftronom.
E L O i£5
A l'exception de Vénus & de Mercure
Xélongation de toutes les autres planètes -
par rapport au Soleil , peut aller jufqu a
i8od} ce qui eft évident , puhque la terre
eft entre ces planètes & le Soleil.
. La plus grande élongation de Vénus eft
de 45d , & la plus grande élongation de
Mercure de 3od 3 c'eft-à-dire , que la pre-
mière de ces planètes ne s'éloigne jamais
du Soleil de plus de 45d , ou n'en eft ja-
mais vue plus diftanteque de ce nombre de
degrés, & que l'autre ne s'en éloigne jamais
plus que de 30e1 3 c'eft ce qui fait que Mer-
cure eft fi rarement vifible , & qu'il Ce perd
d'ordinaire dans la lumière du Soleil. Voy,
Mercure & Vénus.
Quelques auteurs fe font fervi aufti du
terme ^élongation , pour marquer la diffé-
rence du mouvement entre deux planètes,
l'une plus rspide , & l'autre plus lente , ou
la quantité d'eipace dont l'une devance
l'autre.
Le mouvement de la lune par rapport
au foleil , ou l'arc compris entre la lune &
le foleil , s'appelle téloignement de la lune
au foleil ; cependant les aftronomes moder-
nes le fervent prefque toujours en ce cas du
mot diftance. V. les art. LUNE & SOLEIL.
On dit aufîi élongation diurne , élongation.
horaire , &c.
Angle d 'élongation , ou angle a la terre •
c'eft la différence entre le vrai lieu du foleil
8t le lieu géocentrique d'une planète ; tel
eft l'angle ETR (Planches Jajlron. fig.
16. ) compris entre le lieu E du foleil , &
le lieu géocentrique R de la planète. Voye-^
Géocentrique, &c. (O)
ELONGATION , terme de Chirurgie; c'eft
l'alongement d'une partie , caufé par le
gonflement des cartilages qui encroûtent
les têtes & les cavités des os , ou par un
amas d'humeurs dans la cavité articulaire
qui enchâiïe la tête de l'os. "L" élongation eft
une efpece de luxation imparfaite. M. Petit
le chirurgien a parlé dans les mémoires de
f académie royale des feiences , dune luxa-
tion qui fe fait peu-à-peu , & long-temps
après l'action de la caufe externe. Cela
arrive principalement lorfqu'à l'occafion
d'un coup ou d'une chute , il y a eu une
percufllon dans la cavité ,, par ia tête de
l'os même. L'engorgement des caitiiajes eft
A. 2
i£4 ELO
un effet ordinaire de la contufion qu'ils
ont fouffërte. Il y a aum" des caufes internes
du déplacement de l'os. Hippocrate (ap/ior.
Ix. fecl. 6. ) dit qu'il arrive par le relâche-
ment des ligamens à la fuite des douleurs
fciatiques } tk il recommande l'application
du cautère acfuel , pour confumer l'humi-
dité fiiperflue qui abreuve les ligamens ,
afin de les rétablir dans leur reflbrt naturel.
Le feu eft un des meilleurs moyens que
l'art puilfe employer pour fortifier & cor-
roborer les parties } mais c'eft un remède
extrême , auquel on ne doit avoir recours
qu'après avoir reconnu l'inutilité des douches,
des fomentations, de l'application des fachets
faits avec des médicamens qui peuvent avoir
la vertu de remettre les parties dans leur état
naturel. (Y)
ELOQUENCE , f. f. ( Belles-Lettres. )
V article fuivant nous a été envoyé par M.
de Voltaire , qui , en contribuant par [on
travail à la perfection de l'Encyclopédie ,
veut bien donner a tous les gens de Lettres
citoyens , f exemple du véritable intcrh
quils doivent prendre à cet ouvrage. Dans
la lettr°e quil nous a fait f honneur de nous
écrire à ce fujet , il a la mo défie de ne
donner cet article que comme une fimple
efquijfe ; mais ce qui nef regardé que
comme une efquijfe par un grand maître ,
eft un tableau précieux pour les autres. Nous
expofons donc au public cet excellent morceau,
tel que nous t avons reçu de fon illuftre au-
teur : y pourrions-nous toucher fans lui faire
tort ?
V Eloquence , dit M. de Voltaire , cft
née avant le* règles de la rhétorique ,
comme les langues fè font formées avant la
grammaire.' I#a nature rend les hommes
cloquens dans les grands intérêts tk dans
les grandes parlions. Quiconque eft vive-
ment ému , voit les choies d'un autre œil
que les autres hommes. Tout eft pour lui
objet de comparaifon rapide , & de méta-
phore : fans qu'il y prenne garde il anime
tout , & fait parler dans ceux qui l'écou-
tent , une partie de fon enthoufiafme. Un
philofophe trèls éclairé a remarqué que le
peuple même s'exprime par des figures -, que
rien n'eft plus commun , plus naturel que
les tours qu'on appelle trepes. Ainfi. dans
toutes les langues le cceur bxide , le cou-
E LO
rage s'allume , les yeux étincellent , î'eiprrt
eft accablé; il le partage, il s'épuife: le
fang fe glace : la tête iè renverfe : on eft
enflé d'orgueil , enivré de vengeance. La
nature fe peint par-tout dans ces images
fortes devenues ordinaires.
C'eft elle dont l'infiincl entèigne à pren-
dre d'abord un air , un ton modefte avec
ceux dont on a befoin. L'envie naturelle
de captiver fes juges & ks maîtres , le re-
cueillement de lame profondément frappée,
qui fe prépare à déployer les fentimens qui
la preftent , font les premiers maîtres de
l'art.
C'eft cette même nature qui inlpire quel-
quefois des débuts vifs & animés 3 une forte
parfion , un danger preflant , appellent tout
d'un coup l'imagination : ainfi un capitaine
des premiers califes voyant fuir les Muful-
mans , s'écria : Ou coure\-vous , ce neft
pas la que font les ennemis. On vvus a
dit que le calife eft tué : eh ! qu importe
qu'il fvit au nombre des vivans ou des.
morts y Dieu eft vivent & vous regarde , mar-
che %.
La nature fait donc Y éloquence , & fi on
a dit que les poètes naillent & que les ora-
teurs fe forment, on l'a dit quand Y éloquence
a été forcée d'étudier les loix , le génie des
juges , & la méthode du temps.
Les préceptes font toujours venus aprè*
l'art. Tiiias fut le premier qui recueillit les
ioix de Yéloquence dont la nature donne les
premières règles.
Platon dit en fuite dans fon Gorgias r
qu'un orateur doit avoir la fubtilité des dia-
lecticiens , la feience des philofophes , la
diclion prefque des pcëtes , la voix & les
geftes des plus grands acteurs.
Ariftote fit voir enfuite que la véritable
philofophie eft le guide fecretde l'efpritdans
tous les arts. Il creufa les fources de lV/o-
quence dans fon livre de la Rhétorique ; il fit
voir que la dialectique eft le fondement de
l'art de perfuader , & qu'être éloquent , c'eft
favoir prouver.
Il diftingua les trois genres , le délibéra-
tif , le démonftratif , & le judiciaire. Dans
le délibératif , il s'agit d'exhorter ceux qui
délibèrent, à prendre un parti fur la guerre
& fur la paix , fur l'adminiftration publi-
que , &c. dans le démonftratif , de faire
E L G
voir ce qui eft digne -de louange ou de
blâme j dans le judiciaire , de periuader ,
d'abfoudre ou de condamner , &c. On fent
allez que ces trois genres rentrent fouveiit
l'un dans l'autre.
Il traite enfuite des paillons 8c des mœurs
que tout orateur doit connoître.
Il examine quelles preuves on doit em-
ployer dans ces trois genres d'éloquence.
Enfin il traite à fond de l'élocutioa fans
laquelle tout languit \ il recommande les
métaphores, pourvu qu'elles foient juftes Se
nobles \ il exige fur- tout la convenance ,
la bienféance. Tous fes préceptes refpirent
la 'jufteile éclairée d'un philofophe , 8c la
politefie d'un Athénien \ Se en donnant les
règles de {'éloquence , il eft éloquent avec
/implicite.
Il eft à remarquer que la Grèce fut la
feule contrée de la terre où l'on connût
alors les loix de {'éloquence , parce que
c'étoit la feule où la véritable éloquence
exiftât. L'art grailler étoit chez tous les
hommes } des traits fublimes ont échappé
par-tout à la nature dans tous les temps :
mais remuer les efprits de toute une nation
, polie , plaire , convaincre 8c toucher à la
fois ^ cela ne fut donné qu'aux Grecs. Les
Orientaux étoieut prefque tous eiclaves :
c'eft un caractère de la fervitude de tout
exagérer \ ainfi l'éloquence afiatique fut
monftrueufe ; l'Occident étoit barbare du
temps d'Ariftote.
"L'éloquence véritable commença à fe
montrer dans Rome du temps des Grac-
ques , 8c ne fut perfectionnée que du temps
de Cicéron. Marc Antoine l'orateur , Hor-
îeufius , Curion , Céfar, 8c plufieurs autres,
furent des hommes éloquens.
Cette éloquence périt avec la république,
ainfi que celle d'Athènes. L'éloquence fu-
blime n'appartient , dit-on , qu'à la liberté }
c'eft qu'elle confifte à dire des vérités har-
dies , à étaler des raifons & des peintures
fortes. Souvent un maître n'aime pas la vé-
rité , craint les raiibns , 8c aime mieux un
compliment délicat que de grands traits.
Cicéron , après avoir donné les exemples
dans fes harangues , donna les préceptes
dans fou livre de l'Orateur } il fuit prefque
toute la méthode d'Ariftote , 8c l'explique
ayee le ftyle de Platon.
E L O j6y
Il diftingue le genre {Impie . le tempéré
& le fublime. Roiim a fiiivi cette divifio»
dans fou traité des études } 8c ce que Ci-
céron ne dit pas , il prétend que le tempéré
eft une belle rivière ombragée de renés fo-
rêts des deux côtés ; lefsmple , une table fer pie
proprement , dont tous les irJcs font d'un
goût excellent ,■ & dont on bannit tout rafi-
nement ; que le fublime foudroie , & que
c'efi un fleuve impétueux qui renverfe tout ce
qui lui réfifle.
Sans fè mettre à cette table , 8c fans
fuivre ce foudre , ce fleuve 8c cette ri-
vière, tout homme de bon fens voit que
l'éloquence fîmple" eft celle qui a des choies
fimples à expofer , 8c que la clarté 8c l'é-
légance font tout ce qui lui convient. Il
n'eft pas befoin d'avoir lu Ariftote, Cicé-
ron 8c Quinîilien , pour fentir qu'un Avocat
qui débute par un exorde pompeux au fu-
jet d'un mur mitoyen . eft ridicule : c'étoit
pourtant le vice du barreau jusqu'au milieu
du XVII fiecle } on difoit avec emphafe
des choies triviales j en pourrait compiler
des volumes de ces exemples : mais tous
fe réduifent à ce mot d'un avocat , homme
d'eiprit, qui voyant que fou adverfaire par-
lait de la guerre de Troye 8c du Scaman-
dre , l'interrompit en difant , la cour ob-
fervera que ma partie ne s'appelle pas Sca-
mandre , mais Mickaut.
Le genre fublime ne peut regarder que
de puifTans intérêts traités dans une grande
aflèmblée. On en voit encore de vives
traces dans le parlement d'Angleterre j on
a quelques harangues qui y furent pro-
noncées en 1739, quand il s'agiflbit de
déclarer la guerre à l'Efpague. L'efprit de
Démofthene 8c de Cicéron ont dicté plu-
fieurs traits de ces difeours j mais ils ne
parleront pas à la poftérité comme ceux
des Grecs 8c des Romains , parce qu'ils
manquent de cet art & de ce charme de la
diction qui mettent le fceau de l'immor-
talité aux bons ouvrages.
Le genre tempéré eft celui de ces dif-
eours d'appareil , de ces harangues publi-
ques , de ces complimens étudiés , dans les-
quels il faut couvrir de fleurs la futilité de
la matière.
Ces trois genres rentrent encore fouvent
l'un dans l'autre , ainii que les trois çbjets
166 ELO
de V éloquence qu'Ariftote coufidere , oc
le grand mérite de l'orateur eft de les
mêler à propos.
La grande éloquence n'a guère pu en
France être connue au barreau , parce
qu'elle ne conduit pas aux honneurs comme
dans Athènes, dans Rome, &. comme au-
jourd'hui dans Londres, oc n'a point pour
objet de grands intérêts publics : elle s'eft
réfugiée dans les craifons funèbres où elle
tient un peu de la poéfie. Boffuet , &
après lui Flechier , femblent avoir obéi à
ce précepte de Platon , qui veut que l'élo-
cution d'un orateur foit quelquefois celle
même d'un poète.
U éloquence de la chaire avoit été prefque
barbare jufqu'au P. Bourdaloue} il fut un
des premiers qui firent parler la raifon.
Les Anglois ne vinrent qu'enfuite comme
l'avoue Buruet , évêque de Salisburi. Ils
ne connurent point l'orailon funèbre, ils
évitèrent dans les fermons les traits véhé-
mens qui ne leur parurent point convena-
bles à la {implicite de l'Evangile , & ils fe
défirent de cette méthode des divifions re-
cherchées que l'archevêque Fenelon con-
damne dans fes dialogues fur ïéloquence.
Quoique nos fermons roulent fur i'objet
le plus important de l'homme , cependant
il s'y trouve peu de ces morceaux frappans
qui, comme les beaux endroits de Ci-
cèron & de Démofthene , font devenus les
modèles de toutes les nations occidentales.
Le leâeur fera pourtant bien ailé de trou-
ver ici ce qui arriva la première fois que
M. Mafillion , depuis évêque de Clermont ,
prêcha fon fameux fermon du petit nom-
bre des élus : il y eut un endroit , où un
tranfport de faififlement s'empara de tout
l'auditoire , prefque tout le monde fe leva
à moitié par un mouvement involontaire }
le murmure d'acclamation Se. de furprife
fut fi fort , qu'il troubla l'orateur, & ce
trouble ne fervit qu'à augmenter le pathé-
tique de ce morceau : le voici. «. Je fup-
» pofe que ce foit ici notre dernière heure
» à tous j que les cieux vont s'ouvrir fur
» nos têtes : que le temps eft paffé., & que
» .l'éternité commence \ que Jcfus-Chrift
» va paroître pour nous juger félon nos œu-
» vres , & que nous fommes tous ici pour
v attendre de lui l'arrêt de la vie ou de la
ELO
» mort éternelle : je vous le demande ,
» frappé de terreur comme vous , ne fé-
» ,parant point mon fort du vôtre , & me
» mettant dans la même fituation où nous
» devons tous paroître un jour devant Dieu
» notre juge : fi J. C: , dis-je , paroiffoit
» clés- à préfent pour faire la terrible fépa-
» ration des juftes & des pécheurs :> croyez-
» vous que le plus grand nombre fût fauve ?
» croyez-vous que le nombre des juftes
» fût au moins égal à celui des pécheurs?
» croyez-vous que s'il faifoit maintenant la
» dileuffion des œuvres du grand nombre
» qui eft dans cette égîif» , il trouvât fèi:-
» lement dix juftes parmi nous? en trbu-
» veroit-il un fenl? &c. » ( Il y a eu plu-
fieurs éditions différentes de ce difeours ,
mais le fond eft le même dans toutes. )
Cette figure la plus hardie qu'on ait ja-
mais employée , ck en même temps la plus
à fa place , eft un des plus beaux traits
d'éloquence qu'on puilfe lire chez les nations
anciennes & modernes j & le refte du dif-
eours n'eft pas indigne de cet endroit ii
faillant. De pareils chefs-d'œuvre font très-
rares , tout eft d'ailleurs devenu lieu com-
mun. Les prédicateurs qui ne peuvent imiter,
ces grands modèles , feroient mieux de les
apprendre par cœur ck de les débiter à leur
auditoire ( fuppofé encore qu'ils euffent ce
talent fi rare de la déclamation ) , que de
prêcher dans un ftyle languiifant des chofes
aufîi rebattues qu'utiles.
On demande fi l'éloquence eft permifè
aux hiftoriens } celle qui leur eft propre
confifte dans l'art de préparer les événe-
mens , dans leur expofition toujours nette
ck élégante , tantôt vive ck prelîèe , tantôt
étendue ck fleurie , dans la peinture vraie
ck forte des mœurs générales ck des prin-
cipaux perfonnages , dans les réflexions
incorporées naturellement au récit , ck qui
n'y paroilfent point ajoutées. L'éloquence
de Démofthene ne convient pas à Thuci-
dïde ; une harangue direéfe qu'on met dans
la bouche d'un héros qui ne la prononça
jamais , n'eft guère qu'un beau défaut.
Si pourtant ces licences pouvoient quel-
quefois fe permettre \ voici une occafion où
Mezeray dans fa grande hiftoire femble ob-
tenir grâce pour cette hardieffe approuvée
chez les anciens j ii eft égal à eux pour le
E L O
moins dans cet endroit : c'efr. au commen-
cement du règne d'Henri IV , lorfque ce
prince , avec très-peu de troupes , étoit
prefle auprès de Dieppe par une armée
de trente mille hommes , & qu'on lui
confèilloit de fe retirer en Angleterre. IVte-
zeray s'élève au deliiis de lui-même en
faifant parler ainfi le maréchal de Biron ,
qui d'ailleurs étoit un homme de génie ,
& qui peut fort bien avoir dit une partie
de ce que l'hiflorien lui attribue.
« Quoi ! fire , on vous confèille de
» monter fur mer , comme s'il n'y avoit
» point d'autre moyen de coviiferver votre
» royaume que de le quitter ? f? vous n'étiez
» pas en France , il faudroit ' percer au
» travers de tous les hazards & de tous les
» obftacles pour y venir : & maintenant que
» vous y êtes, on voudroit que vous en
» fortifiiez ? & vos amis feroient d'avis
» que vous fiiîîez de votre bon gré ce que
» le plus grand effort de vos ennemis ne
» fauroit vous contraindre de faire ? En
» l'état où vous êtes , fortir de France
» feulement pour vingt -quatre heures ,
» c'efr. s'en bannir pour jamais. Le péril
» au refte , n'efï pas fî grand qu'on vous
» le dépeint } ceux qui nous penfent en-
» velopper , font ou eeux-mêmes que nous
» avons tenus enfermés fi lâchement dans
» Paris , ou gens qui ne valent pas mieux ?
» & qui auront plus d'affaires entre eux-
» mêmes que contre nous. Enfin , Sire ,
» nous fommes en France , il nous y faut
» enterrer : il s'agit d'un royaume , il faut
» l'emporter ou y perdre la vie :, & quand
» même il n'y auroit point d'autre fureté
» pour votre facrée perfonne que la fuite ,
» je fais bien que vous aimeriez mieux
» mille fois mourir de pié ferme , que de
» vous fauver par ce moyen. Votre Ma-
» jefté ne fouffriroit jamais qu'on dife qu'un
» caclet de la maifbn de Lorraine lui auroit
» fait perdre terre \ encore moins qu'on la
» vît mendier à la porte d'un prince étran-
» ger. Non , non , Sire , il n'y a ni cou-
» ronne ni honneur pour vous au delà de
i> la mer : fî vous allez au devant du fè-
» co irs d'Angleterre , il reculera '-, fî vous
•» vous préfentez au port de la Rochelle
» en homme qui fè fauve , vous n'y treu-
» verez que des reproches &. du mépris.
E L O i6>
» Je ne puis croire que vous deviez plutôt
» fier votre perfonne à l'inconfrauce des
» flots & à la merci de l'étranger , qu'à
» tant de braves gentilshommes & tant
» de vieux foldats qui font prêîs de lui
» fervir de remparts & de boucliers : & je
» fiiis trop ferviteur de votre majefté pour
» lui diflîmuler que fî elle cherchoit fa fû-
» reté ailleurs que dans leur vertu , ils
» feroient obligés de chercher la leur dans
» un autre parti que dans le fien. »
Ce difeours fait un effet d'autant plus
beau , que Mezeray met ici en effet dans
la bouche du maréchal de Biron ce que
Henri IV avoit dans le cœur.
Il y auroit encore bien des chofès à dire
fur Xéloquence , mais les livres n'en difènt
que trop } & dans un fîecle éclairé , le
génie aidé des exemples en fait plus que
n'en difènt tous les maîtres. Voyei E LO-
CUTION.
M. de Marmontel va nous prouver que
Xéloquence poétique eft fupérieure à Xélo-
quence oratoire.
Eloquence Poétique , ( Belles let-
tres. ) Qui ne connoît pas le plaifîr que
nous avons à infpirer nos fèntimens , à
perfuader nos opinions , à répandre nos
lumières , à multiplier ainfî notre ame ?
C'efr. un attrait qui , dans le moral , peut
fè comparer à celui de la reproduction
phyfîque , & .peut-être l'un des premiers
befbins de l'homme en fbciété. La poéfîe ,
dont c'efr. là l'obiet , a donc fa fource dans
la nature.
Quant aux moyens d'inftruire & de per-
fuader , ils font les mêmes en philofophie r
en éloquence , en poéfîe ^ & ce n'eut pas ici
le lieu de les examiner.
Il y a cependant un procédé que la
philofophie ne connoît pas } que Xélo-
quence ne devroit pas connoitre , & dans
lequel la poéfîe excelle : c'efr, l'art de la
féduftion , l'art de frapper l'âme du côté
fènfîble , de l'intéreflèr à croire ce qu'on
veut lui perfuader , &. de lui infpirer pour
le fentiment ou l'opinion qu'en lui propole ,
un penchant qui donne à la vraifèmblanee
tout le poids de la vérité. On fènt com-
bien cette éloquence infînuante ou pa/îîon-
née eft effentielle à la poéfîe qui n'eff. que"
, feinte. & illufioii. Ceft peu de fe répaudrr
j£S E L O
dans le ftyle poétique comme un feu élé-
mentaire y elle s'y raftemble quelquefois
en un foyer lumineux & brûlant , dont elle
écarte , comme autant de nuages , les or-
nemens qui robfcurciroient , pu Allante de
fa chaleur & brillante de fa lumière. Alors
la poéfie n'eft que Xéloquence même dans
toute fà force &: avec tous £es artifices.
Voyez dans Xlliade la harangue de Priam
aux pies d'Achille j dans Ovide , celles
d'Ajax & d'Ulylfe \ celles des démons ,
dans les poèmes du Tafle & de Milton fon
imitateur ; dans Corneille , les feenes
d'Augufle & de Cimia } dans Racine ,
les difeours du Burrhus & de Narciiîè au
jeune Néron } dans la Henriade , la ha-
rangue de Potier aux états } celle de Brutus
au fenat , dans la tragédie de ce nom \
dans la mort de Céfar , celle d'Antoine
au peuple , &c. C'eft tour à-tour le langage
de Démoflhene , de Cicéron , de Maflil-
lon , de BofTuct , à quelques hardiefîés
près , que la poéfie autoriie , & que Xélo-
quence elle-même fe permet quelquefois.
Si l'on m'aceufe de confondre ici les
genres , que l'on me dite en quoi différent <
Xéloquence de Burrhus parlant à Néron ,
dans la tragédie de Racine , & celle de
Cicéron parlant à Céfar dans la péroraifon
pour Ligarius ?
Toute la différence que je vois entre
Xéloquence -poétique & Xéloquence oratoire ,
c'eft. que l'une doit être l'élixir de l'autre.
L'importance de la vérité rend l'auditeur
patient \ au lieu que îa ficlion n'attache
qu'autant qu'elle intérefîè. ^éloquence du
poëte doit donc être plus animée , plus
rapide , plus foutenue que celle de l'ora-
teur. L'un eft libre dans le choix , dans
la forme de fes fujets , il les foumet à ion
génie , l'autre eft commandé par fes fujets
mêmes , Se fon génie en eft dépendant :,
aiirfi les détails épineux & languiiiàns qu'on
pardonne à l'orateur , feroient juftement
reprochés au poëte.
\J éloquence du poëte n'eft donc que
Xéloquence exquife de l'orateur , appliquée
à des fujets intéreffans , féconds & dociles :,
& les divers genres ^éloquence que les
rhéteurs ont distingués , le délibératif , le
démonftratif , le judiciaire , font du reffort
de l'art poétique comme de l'art oratoire.
E L O
Mais les poètes ont foin de choifir de
grandes canfes à difeuter , de grands in-
térêts à débattre. Augufte doit-il abdiquer
ou garder l'empire du monde ? Ptolémée
doit - il accorder ou refufer Un afyle à
Potnpée '5 & s'il le reçoit , doit-il le dé-
fendre , doit -il le livrer à Céfar vif ou
mort ? Attila doit - il s'allier au roi des
François ou à l'empereur des Romains ,
foutenir Rome chancelante fur le pen-
chant de fa ruine , ou hâter les deftins de
l'empire François encore au berceau j
écouter la gloire ou l'ambition ? Voilà de
quoi il s'agit dans les délibérations de Cor-
neille. Si la feene d'Attila eft foiblement
traitée , aîi moins eft - elle grandement
conçue , & l'idée feule en auroit dû im-
pofer à Boileau. La feene délibérative qui
mérite le mieux d'être placée à côté de
celles que je viens de citer , eft l'expo-
fition de Brutus : le fénat cloit-il recevoir
l'arnbafîàdeur de Porfenna , & en l'écou-
tant ? doit-il traiter avec l'envoyé du pro-
tecteur des Tarquins : ou bien doit- il le
reiufèr , & le renvoyer fans l'entendre ?
Il n'eft point de fpeciateur dont l'ame ne
refte comme fufpendue , tandis que de tels
intérêts font balancés , Se difeutés avec
chaleur. Ce qui rend encc're plus théâ-
trales ces fortes de délibérations , c'eft
lerque la caufe publique fe JGint à l'intérêt
capital d'un perîbnnage inîéreifant , dont
le fort dépend de ce qu'on va refondre j
car il faut bien fe fouvenir que l'intérêt
individuel d'homme à homme , eft le fcul
qui nous touche vivement. Les termes
collectifs de peuple , d'armée , de répu-
blique , ne nous préfentent que des idées
vagues. Rome , Carthage , la Grèce , la
Phrygie , ne nous intérefTent que par l'en-
îremhe des personnages dont le deftin
dépend du leur. C'étoit une belle chofe ,
dans Inès , que la feene où l'on délibère
ii Alphonfe doit punir ou pardonner la
révolte de fon fils } mais il failoit à ce
jugement terrible un appareil impoiant ,
& fùr-tout dans les opinions un caractère
majeftueux & fombre , qni infpirât la
crainte des loix & la pitié pour l'ame d'un
père. Cett& feene , j'ofè ie dire , étoit au
deifus des forces de la Motte : c'étoit à
celui qui a peint l'ame d'Alvarez & l'ame
de
- \
EL O
E L O
e Brutus , de traiter cette fituatîon qui , j Achille indigné
uite & éloquence 6k de dignité , n'eft ni ' retire feul fur 1
fe
touchante ni vraifemblable.
On a voulu , je ne fais pourquoi , diftl li-
guer en poéfie ie difeours préméclitéd'avec
celui qui n'eft pas cenfé l'être : l'exprelîion
n'a fa vraifemblance que lorfqu'elle eft tel'e
•que la nature doit l'infpirer dans le mo-
ment. Toute la théorie de Véloquence
poétique fe réduit donc à bien favoir quel
eft celui qui parle , quels (ont ceux qui
l'écoutent, ce qu'on veut que l'un perfuade
aux autres , 6k de régler fur ces rapports
le langage qu'on lui fait tenir.
Mais quelquefois aufïï celui qui parle ne
veut que répandre 6k foulager fon cœur.
Par exemple , lorfqu'Andromaque fait à
Céphife !e tableau du maiïacre de Troie,
ou qu'elle lui retrace les adieux d'Hec-
tor, fon deffein n'eft pas de l'inftruire ,
de la perfuader , de l'émouvoir : elle n'at-
tend , ne veut rien d'elle. C'eft un cœur
déchiré qui gémit , 6k qui , trop plein de
fa douleur, ne demande qu'à l'épancher.
Rien de plus naturel , rien de plus favo-
rable au développement des paffions. Il
eft un degré où elles font muettes , mais
avant de parvenir à cet excès de fenfibilifé
qui touche à i'infenfibilité même , plus
on eft ému , moins on peut fe fuffire; 6k
fi l'on n'a pas un ami fidèle 6k fenfible à
qui fe livrer, on efpere en trouver un jour
parmi les hommes; on grave les peines
ou fes plaifirs fur les arbres , fur les ro-
chers; on les confie dans fes écrits aux
fiecles qui font à naître , 6k qui les liront
quand on ne fera plus : ainfi par une illu-
fion vaine , mais confolante , on fe furvit
à foi- même, 6k l'on jouit en idée de l'in-
térêt qu'on infpirera : c'eft -là ce qui fonde
la vraifemblance de tous les genres de
poéfie où l'ame , par un mouvement fpon-
tanée, dépofe fes iéntimens les plus cachés,
{qs affections les plus intimes : c'eft-là fur-
tout que les mceur> font naïvement expri-
mées ; car dans toutes les autres feenes la
nature eft gênée , 6k peut fe déguifer.
Plus la paillon tient de la foibleffe, plus
elle eft facile à fe répandre au dehors :
l'amour a plus de eonfidens que la haine
6k que l'ambition ; celles-ci fuppofent dans
l'ame une foce qui fert à les renfermer.
Tome XIL
169
contre Agamemnon, fe
avoit aimé Briféis , il auroit eu befoin de
Patrocle. Aufli l'élégie, qui n'eft autre
chofe que le développement de l'ame ,
préfere-t-e!le l'amour à des fentimens
plus férieux 6k plus profonds ; aufti nos
poètes qui ont mis au théâtre cette paflion,
que les Grecs dédaignoient de peindre ,
ont-ils trouvé dans le trouble, les com-
bats, les mouvemens divers qu'elle excite,
une fource intarifTabîe de la plus belle
poéfie. Dans combien de fens oppofés le
feul Racine n'a-t-il pas vu les plis 6k les
replis du cœur d'une amante ! avec com-
bien de paffions diverfes il a mêlé celle de
l'amour ! C'eft fur-tout dans ces confiden-
ces intimes qu'il a eu l'art de ménager,
c'eft-là , dis-je , qu'il expofe ou prépare
l'effet touchant des fituations, 6k qu'il éta-
blit fur les mœurs la vraifemblance de la
fable. Sans les trois feenes de Phèdre avec
(Enone , ce rôle qui nous attendrit juf-
qu'aux larmes, eût été révoltant pour nous.
Qu'on fe rappelle feulement cqs vers :
Je me connois > je fais toutes mes per-
fidies ,
(Enone , & ne fuis point de ces femmes
hardies ,
Qui goûtant dans le crime une tranquille
paix ,
Ont fu fe faire un front qui ne rougit
jamais.
Je connois mes fureurs , je les rappelle
toutes ;
// mefemble déjà que ces murs , que ces
voûtes
Vont prendre la parole , 6* prêts à
m'accujèr ,
Attendent mon époux pour ledéfabufer.
C'eft-là de la vraie éloquence ; c'eft-là ce
qui gagne les efprits en faveur du coupa-
ble odieux à lui-même , 6k tourmenté par
fes remords. La fureur jaloufe de Phèdre,
la comparaifon qu'elle fait du bonheur
d'Hypolite 6k de fon amante avec les
maux qu'elle-même a foufferts :
Ils fuivoient fans remords , leur pen-
chant amoureux.
Tous les jours fe levoknt clairs & fe-
reins pour eux ;
170 ELO ELR
Et moi , tri fte rebut de la nature entière, 'voilà ce qui fe préfente au premier conri
Je me cachois au jour , je fuyois la
lumière.
La mort efi le feul dieu que fofois
implorer,
ek delà Ton égarement ck fon cîéfefpoir
rendent naturel ck fupportable le filence
qu'elle a gardée fur l'innocence d'Hypo-
tite : mais il n'en falloit pas moins pour
obtenir grâce; ck la fable d'Euripide , fans
l'art de Racine , n'étoit pas digne du théâ-
tre françois. On a reproché à notre fcene
tragique d'avoir trop de difcours èk trop
peu d'action : ce reproche bien entendu
peut être jufte. Nos poètes fe font enga-
gés quelquefois dans des analyfes de fen-
timens aufli froides que fuperfiues ; mais
fi le cœur ne s'épanche que parce qu'il eft
trop plein de fa paffion r ck lorfque la vio-
lence de (es mouvemens ne lui permet pas
de les retenir, l'erTufion n'en fera jamais
ni froide, ni languiffante. La paffion porte
avec elle dans (es mouvemens tumultueux,
de quoi varier eeuxdu ûyle ^ & fi le poète
eft bien pénétré de (es (ituations, s'il fe
laiffe guider par la nature, au lieu de vou-
loir la conduire à fon gré ,. il placera ces
mouvemens où la nature les follicite ; 6k
biffant couler le fentiment à pleine fource,
il en faura prévenir à propos l'épuifement
& la langueur..
Les réflexions , tes affections de l*ame
qui fervent d'alimens à cette efpece de
pathétique , peuvent fe combiner , fe va-
rier à l'infini. Cependant comme elles ont
pour bafe un caractère ck une fituation
donnée, le poète, en méditant fur les fen-
timens qu'il veut développer ,. peut y
obferver quelque méthode,. 6k dans les
eirconftances les plus marquées, fe donner
quelques points d'appui. Je fuppofe, par
exemple , Ariane exhalant fa douleur fur
l'infidélité de Théfée: quel eft celui qu'elle
aime , à quel excès elle l'a aimé , ce qu'elle
a fait pour lui , le prix qu'elle en reçoit ,
quels fermens il trahit , quelle amante il
abandonne , en quels lieux , dans quel
moment , en quel état il la laiffe , quel
étoit fon bonheur fans loi , dans quel mal-
heur il l'a plongée, 6k de quel fupplice il
punit tant d'amour, & tant de bienfaits i,
d'œil. Que le poète fe plonge dans l'illu-
fion ; à mefure que fon ame s'échauffera,
tous ces genres de fentiment vont (e dé-
velopper d'eux-mêmes.
Comme c'eft-là fur-tout que fe mani-
feftent les affeclions de l'ame , 6k que les
traits les plus déliés , les nuances les plus
délicates des caractères fe font fentir ;
cette forte de fcene exige 6k fuppofe une
profonde étude des mœurs. Les com-
mençans ne demandent pas mieux que de
s'épargner cette étude ; 6k l'exemple du
théâtre anglois , encore barbare auprès
du nôtre , leur fait donner tout aux mou-
vemens , aux tableaux 6k aux (ituations- y
c'eft-à-dire , au fquelette de la tragédie.
Aitifî , pour éviter la langueur ck la mol-
leffe qu'on nous reproche , on tombe dans
un excès contraire , la féchereffe ck la-
dureté. Il eft plus facile de fentir que
d'indiquer précifément quel eft , entre ce$=
deux excès , le milieu que l'on devroit
prendre ; mais on le trouvera fans peine 9
n , renonçant à la folle vanité de briller
par les détails, l'on fe pénètre au fond du
iéntiment que l'on exprime , ck fi l'on s'a-
bandonne à la nature, qui n'en dit ni trop
ni trop peu. Mais ^éloquence poétique n 'eft:
jamais plus animée , plus véhémente , plus-
rapide que dans les momens où les intérêts^
les fentimens , les pallions fe combattent.
V. Dialogue. (M. Marmontel.\
ELOQUENT, adj. (Belles-Lettres,^
On appelle ainfi ce qui perfuade, touche.,,
émeut, élevé famé : on dit un auteur
éloquent , un difcours éloquent , un gefte
éloquent, Voye^ aux mots EloCUTION*
6* Eloquence, les qualités que doit
avoir un difcours éloquent. (O)
ELOSSITES, {Hift. nat.) pierre dont
on ne nous dit rien , finon qu'en la por-
tant on fe guérit des douleurs de tête ;,
c'eft à Ludovico Dolce que l'on eft rede-
vable de ce détail.
ELPH1N, (Géog. mod.) ville du comte
de Rofcommon , en Irlande. Long, 19.,,
20 ; lat. 53, «ç6.
ELRICH, (Géogr.J ville d'Allemagne
dans le cercle de haute Saxe.; ck dans
le comté de Hohnftein , fur la rivière de-
Zorge , au pié du Hartz ; c'eft la capitale
E LS
de la feigneurîe de Klettenberg , appar- T
tenante au roi de Prude, & le fiege d'une
fijrintendance eccléfîaftique : il y a des ma-
nufactures en divers genres. (D. G.)
ELSEÇAITES. Pbysi ElcesaÏtes.
ELSTÊR , ÇGéogr. mod.) ville du cer-
cle de haute-Saxe, en Allemagne , elle eft
fituée au confluent de l'Elfter & de l'Elbe.
Long. 31 , 20 ; lat. < i , 28.
ELTEMAN, (Geogr. mod.) ville de
Franconie , en Allemagne ; elle eft fituée
fur le Mein. Long. 28 , 21 ; lat. 49 , 58.
ELU , adj. eleaus, choifî , en Théolo-
gie, & fur-tout dans V Ecriture-Sainte ,
fe dit des faints & des prédeftinés : en ce
fens les élus font ceux que Dieu a choifis,
ou antécédemment ou conféquemment à
leurs mérites , pour leur accorder la gloire
éternelle. Voyt\ PRÉDESTINATION.
Dieu, qui a prédeftiné les élus à la
gloire, les aauflî prédeftinés à la grâce &
à la perfévérance , qui font les moyens
pour parvenir à la gloire.
Dans un fens plus général , leT'apôtres
ont donné aux premiers chrétiens le nom
d'élus , parce qu'ils avoient reçu la grâce
de la vocation au Chriftianifme. Voye^
Vocation. Chambers. (G)
Elu, adj. (Jurifpr.) eft celui qui eft
choifî pour remplir quelque place , ou
pour recueillir une fucceffion.
Celui qui acheté pour autrui , déclare
que c'eft pouc fon ami élu ou à élire.
Voye\ Election en ami.
Elus sur le fait de l'Aide ,
étoient ceux qui étoient choifis par les
états , pour afleoir & faire lever les aides
& autres fubfides accordés au roi par les
états. Voye{ ci-devant ELECTION.
Elu CLERC. Voyt\ ci-après Elu DU
Clergé.
Elu du Clergé ou pour le Cler-
gé , étoit une perfonne choifîe par le
clergé de France, dans fon ordre, pour
afleoir & faire lever fur tous les membres
du clergé , la part qiae chacun d'eux devoit
fupporter des aides &: autres fubventions
que le clergé payoit au roi dans les befoins
extraordinaires de l'état , de même que la
noblefîe 6>c le peuple. Voyt\_ ce qui en eft
dit ci-devant au mot ELECTION , ÔC ce
gui fera dit au mot Etats,
ELU ,7r
ELU , ou Conf ciller d*une élection , eft
un des juges qui font la fonétion de con-
feiller dans les tribunaux appelles élections.
On donne auflï quelquefois le nom d'élus
à tous les officiers de ces tribunaux, c'eft-
à-dire au préfident, lieutenant &c aflefîeur,
de même qu'aux confeillers. Voyet ci-
devant Election.
Elus Conseillers de la Marées
Voyt\ Elu de la Marée.
Elus Conseillers de Ville : ils
font nommés élus dans des privilèges de
Mâcon , accordés par Philippe de Valois
en février 1346; ils font aufîi ailleurs
nommés prud'hommes &c élus.
Elus des Décimes, étoient les mê-
mes que les élus du clergé , ils faifoient
l'afliette & répartition des décimes & au-
tres fubventions payées par le clergé. Voy.
Décimes & Elections.
Elu Ecclésiastique , étoit celui
qui étoit choifî par le clergé. Voyei ci"
devant Elu du Clergé.
Elus ou Echevins, ces termes étoient
autrefois fynonymes en quelques pro-
vinces.
Elus des Elections. Voy. Elec-
tions.
Elus des Etats , c'eft-à-dire , ceux
qui font élus par les états généraux du
royaume ou d'une province , pour faire
l'afliette & répartition des importions que
le pays doit porter. Voyei ELECTIONS
& Etats.
Elus sur le fait des Finances
des aides , étoient les mêmes que les
élus fur le fait de l'aide.
Elus sur le fait des Gabelles :
on donnoit quelquefois ce nom aux pre-
miers prépofés qui furent établis pour avoir
l'intendance de la gabelle du fel , parce
qu'ils étoient mis par élection des trois
états , de même que les élus dés aides &
des tailles : on les appella depuis grene-
tiers-contrôleurs de la gabelle , &c. ou
officiers des greniers àjel.
Elus Généraux ; on donnoit quel-
quefois ce nom à ceux qui étoient élus
par les états généraux du royaume ou
d'une province, ou aux généraux des aides
qui étoient élus par les trois états ; dans
}es derniers temps on donnoit ce nom aux
y %
i7i ELU
élus de chaque diocefe , pour les diftin-
guer des élus particuliers qu'ils cjommet-
toient dans chaque ville. Voye^ ELEC-
TION.
Elus sur le fait de la Guerre ;
dans quelques ordonnances ils font ainfi
appelles par abréviation de ces termes élus
fur le fait de l'aide ordonnée pour la guerre.
Elus sur le fait de l'Imposi-
tion FORAINE , étoient les perionnes
élues par les états , qui faifoient l'affiette
ck levée de l'impofition foraine. Il en eft
parlé dans un règlement de Charles V, du
13 juillet 1376, ck dans des lettres du 15
novembre 1378. Voye\ ELECTIONS.
Elus des Juifs , étoient une ou deux
perionnes que les Juifs demeurans en Fran-
ce , chdîmToient entr'eux, fuivant la per-
miiTion que le roi Jean leur en avoit don-
née au mois de Mars 1360 , pour ordon-
ner faire afteoir & impoi'er tailles ou cueil-
lettes, comme bon leur fembleroit, pour
fournir à leurs dépenlés communes.
ELUS Laïcs , étoient ceux qui étoient
choifis par la noblefte ck par le tiers état ,
pour ordonner de l'affiette ck levée des
aides ck autres impositions avec Y élu du
clergé. Voye\ ELECTIONS.
Elus de la Marée ou Conseil-
lers ; c'eft ainfi que le confeil des mar-
chands forains de marée eft qualifié dans
les anciennes ordonnances , notamment
dans des lettres de Charles V, du 20 juin
1369; c'étoient eux qui mettoient par
élection les vendeurs de marée. Voye\ le
tr. de la Police de la Mare, tome III ,
liv. V, ch. v.
Elus de Mer. Voyt\ Elus de la
Marée.
Elus des Métiers, c'étoient les
jurés de chaque métier, que l'on appelloit
ainfi clans quelques villes , comme à Tour-
*nay , où il 'y en avoit trois dans chaque
métier; il en eft parlé dans des lettres de
Charies V , du 7 février 1365.
Elus sur le fait des Monnoies,
furen t établis en conféquence d'une ordon-
nance du roi Jean , du 28 décembre
1355 -, ils étoient différens de ceux qui
furent établis pour les aides par la même
ordonn ance.
Elus *>ur le fait des Octrois ou
ELU
Tailles des villes. Voye% ce qui eti
ft dit ci-devant au mot Election , à
loccafion de l'ordonnance du mois de
mars 1331, pour la ville de Laon.
ELUS PARTICULIERS , étoient d'abord
les lieutenans ou commis des élus de
chaque diocefe, ils furent enfuite érigés
en titre d'ofnce : mais ces élus particuliers
ont été réunis aux élus généraux. Voye\
Elections.
Elus des Poissonniers de la
Marée fraîche , c'eft le titre que l'on
donnoit en 1551 aux élus des marchands
de marée. Voye{ Elus DE LA MARÉEr
& la Mare , à C endroit cité.
Elu de la Province , étoit une
perfonne choifie par une province , pour
ordonner de l'afliette ck levée des tailles.
Voy. ce qui en eft dit au mot ELECTION.
Elus ou Prud'hommes , ces termes
étoient autrefois fouvent conjoints ck fy-
nonymes , pour défigner des échevins ou
conseillers de ville , des élus ou députés
fur le fait des aides ou autres impositions
des jurés de chaque métier.
Elus sur le fait des Subsides :
quelques ordonnances donnent ce titre à
ceux qui étoient élus par les états pour
faire afteoir ck lever les aides , tailles ck
autres fubfides. Voye^ les lettres de Char-
les V, du 2 feptembre 13 70, ordonnan-
ces de la troifieme race.
Elus pour les Tailles , étoient les
perfonnes choifies par les états en confé-
quence de l'ordonnance de S. Louis pour
faire afteoir ck lever la taille. Voy. ELEC-
TIONS.
Elus pour les Tailles des vil-
les ou pour les Octrois. Voyc^
au mot Elections ce qui en eft dit à
l'occafion de l'ordonnance du mois de
mars 13 31 , pour la ville de Laon. (A)
ELVAS, (Géogr. modj ville de l'A-
lentejo , en Portugal : elle eft fituée fur
une montagne , proche de la Guadiana.
Long. 11 , 16; lat. 38, 44.
ELUL , f. m. (Hift. anc.) mois des
Hébreux, qui revient à-peu-près à notre
mois d'août. Il n'a que vingt-neuf jours*
C'eft le douzième mois de l'année civile*
ck le fixieme de l'année fainte.
Le feptieme ou le. neuvième de ce mois^
ELU
les Juifs jeûnent en mémoire de ce qui
arriva après le retour de ceux qui étoient
allés considérer la terre promife. <
Le vingt-deuxième de ce mois fe fait
la fête delà xylophone, dans laquelle on
portoit le bois au temple. Selden prétend
qu'onlacélébroit le dix-huitieme du mois
ab. Voyc^ Ab & Xylophorie.
Le vmgt-fixieme du mois élul, les Juifs
font mémoire de la dédicace des murs de
Jérufalem par Nehemie. Dictionnaire de
la Bible. (G)
ELUTRIATION , (Chymie .) opéra-
tion méchanique, employée en Chymie,
qui confifte à agiter dans un grand volume
d'eau , un amas de petits corps folides
non folubles dans l'eau , afin de féparer
par ce moyen les parties les plus lourdes ,
qui gagnent les premières le fond de l'eau,
des plus légères qui reftent fufpendues
pendant quelque temps dans ce fluide.
Cette opération eft fur tout ufirée en Mé-
tallurgie , ck elle eft: plus connue fous le
nom de lavage. Voye\ Lavage.
On emploie quelquefois Yélutriation en
pharmacie ; elle fait partie de la pulvéri-
sation à l'eau. Voyei Pulvérisation
a l'eau , fous le mot Pulvérisa-
tion, (b)
ELWANGEN, ÇGéogr. mod.) ville
de la Suabe , en Allemagne ; elle eft fi tuée
fur le Jart. Long. 28 , 5] ; lat. 49 , 2.
ELY , (Géogr. mod.) ville du comté
de Cambridge , en Angleterre ; elle eft
fituéefurl'ouft.Za/z^. 17, }yylat. J2, 20.
ELYERYSUM ou IMMORTELLE.
Voyei Immortelle.
ELYME, ( Mufique infl. des anc.)
Athénéepenfe que laiiûte appellée élyme,
n'étoit autre que la flûte phrygienne. Il
rapporte encore que Xélyme inventée par
les Phrygiens, fuivant Juba, avoitété fur-
nommée fajtaliennek caufe de fagroifeur,
fembiable à Celle de fajtales des Laco-
niens. Voye{ Sajtale. On trouve aufli
dans le Traité de Tibiis Veter. par Bar-
tholin , qu'Hefychius appelle élyme la par-
tie de la flûte à laquelle tenoit la glotte.
On appelloit encorejlûte bérécynthitnne
Yélyme , en fuppofant que ce foit la même
que la phrygienne , à caufe de Bérécyn-
the2 mont ck ville de Phrygie j ck comme
ELY 173
Tony ajoutoit au bas une corne, voye^
FLUTE , (Mujiq. infl. des anc.) les Grecs
l'appelloient encore keras , ck keraults
ceux qui en jouoient. Peut-être pourtant
le keras étoit un autre infiniment. Voye\
KEREU , (Mîifiq. infl. des Hébreux.)
Au refte, Pollux nous apprend que Ton
faifoit Vélyme de buis. (F. D. C.)
ELYSËES (XhampsJ, Mytkol. en
latin elyfium , elyfii , elyjîi campi ("que
Virgile caradtériié fi bien en deux mots ,
quand il les appelle locos loztos , fedefque
beatas) étoient félon la théologie païenne ,
un lieu dans les enfers , plein de campa-
gnes admirables, de prairies charmantes %
6k de bois délicieux , qui faifoient la de-
meure des gens de bien après leur mort.
Orphée, Hercule, Enée, eurent le bon-
heur pendant leur vie , de voir une fois
ce beau féjour.
A la droiie du Tartare, difent les Poè-
tes , fe trouve un chemin qui conduit aux
champs élyfées , dans ces îles fortunées ,
où les âmes de ceux qui ont bien vécu pen-
dant cette vie , jouiflent d'une paix pro-
fonde , 6k des plaifirs innocens. *
Tout ce qui peut entrer dans les des-
criptions les plus brillantes & les plus fleu-
ries, eft peut-être raflemblé dans la pein-
ture des champs élyfées faite par Pin-
dare; du moins Anacréon ckSapho, Mo£
chus ck Bion , dont les écrits font pleins
d'images douces 6k riantes , n'ont rien qui
foit au deffus du tableau du poète lyrique
de la Grèce; cependant Homère a donné
le premier modèle de toutes les deferip-
tions de Yélyfée , qu'ont fait depuis , fous
différentes peintures , Virgile , Ovide ,
Tibulle, Lucain , 6k Claudien.
Refte à favoir en quel endroit du monde
étoit cette demeure fortunée , fon origine,
ck l'efpace de temps que les âmes habi-
toient ce féjour délicieux. Mais c*eft fur
quoi les fentimens font fort partagés.
Les uns établiffent lV/y/& au milieu des
airs; d'autres , comme Plutarque , dans la
lune ou dans le foleil ; 6k d'autres au cen-
tre de la ferre. Platon le met fous la
terre, c'eft-à-dire , dans l'hémifphere de
la terre diamétralement oppofé au nôtre ,
ou pour le dire en d'autres termes, aux an-
tipodes. Homère iemble placer les champs
i74 ELY
élyfées au pays des Cymmériens ^ que
M. le Clerc croit être l'Epire; Virgile les
met en Italie ; quelques modernes enten-
dent par les îles fortunées, celles que nous
appelions aujourd'hui les Canaries; mais
elles n'étoient pas connues des anciens 9
qui n'ofoient parler le détroit, ck qui ne
perdoient point les côtes de vue.
Si l'on en croit quelques autres, Vély-
fée étoit le charmant pays de la Bétique
("aujourd'hui la Grenade ck l'Andaloufie):
tout y quadre , félon Bochard , à la des-
cription des Poètes.
Le plus important eft de découvrir
l'origine de leurs fables touchant le féjour
des âmes après la mort. On ne peut douter
ici que la première notion des champs
élyfées , de même que celle de l'enfer ,
ne foit venue d'Egypte. Voye\ Enfer.
Confliltez Vofîius, le Clerc, ck autres;
voye^ aum" Jacques "Windet , de vïtâ
funclorum jlatu , apud Ethnicos.
M.-Pluche, dans fon hiftoire du ciel,
"donne à cette fable une explication a/îez
fimple. Diodore de Sicile dit que lafépul-
ture commune des Egyptiens étoit au delà
d'un lac nommé Acherufîe ; que le mort
étoit apporté fur le bord de ce lac, au
piéd'un tribunal compofé de plufieurs ju-
ges , qui informoient de fes vie ck mœurs.
S'il n'avoit pas éré fidèle aux loix , on
jetoit le corps dans une foiTe ou efpece
de voirie qu'on nommoit le Tan are. S'il
avoit été vertueux, un batelier conduifoit
le corps au delà du lac dans une plaine
embellie de prairies, de ruifleaux, de bof-
quets, ck de tous les agrémens champê-
tres. Ce lieu fe nommoit élifout ou les
champs élyfées , c 'eft - à- dire , pleine
fatisfa&ion , féjour de repos ou de joie.
Hiftoire du ciel , tome I , page 1 24 &
116. (G)
Au refte , fi les Poètes ont varié fur la
fituatipn des champs élyfées , ils ne font
pas plus d'accord fur le temps que les
âmes y doivent demeurer. Anchife femble
infinuer à Enée fon fils , qu'après une
révolution de mille ans , les âmes buvoient
de l'eau du fleuve Lethé, ck venoient dans
d'autres corps; en quoi Virgile adopte en
quelque manière la fameufe opinion de la
pié;empfycofe qui a eu tant de partifans,,
E LY
ck qui devoit encore fon origine aux
Egyptiens. Voye\ MÉTEMPSYCOSE.
Add. de M. le Chev. DE Jav COURT.
ELYTPcOIDE, f. f. en Anatomie ,
eft l'une des trois tuniques propres des
tefticules. Ce mot vient du grec khvjfor ?
pagina, gaîne , ck JeP«* , forme.
Vélytroïde eft la féconde des tuniques
propres des tefticules : elle reftemble à
une gaîne, ce qui l'a fait nommer aufti
vaginale par quelques auteurs : elle eft
formée par la dilatation de la production
du péritoine ; fa furface interne eft tapif-
fée d'une membrane particulière très-fine,
qui forme une efpece de diaphragme qui
empêche la communication entre la gaîne
du cordon fpermatique ck la capfule ou
tunique vaginale du tefticule ; ck l'externe
eft cellu'aire , ce qui la rend d'autant plus
adhérente à la première des tuniques pro-
près, qui fe nomme érythroide.
\J érythroide qui vient des mots grecs,
ld60c( rouge ck iï foi forme, eft la première
des membranes propres qui environnent
les tefticules.
Les anciens qui fe font fervi de cette
exprefîion, peuvent l'avoir appliquée aux;
fibres épanouies du cremaftere , qui for-
ment une efpece de gaîne rouge-pâle ,
dont le tefticule eft enveloppé : peut-être
d'autres anciens parloient-ils du dartos :
cela eft allez indifférent ; il eft fur que le
tefticule de l'homme n'a que les envelop-
pes fuivaintes : 1 . la peau , 2. peu de graifîe,
3. le dartos , cellulofité rouge , à caufe
du grand nombre de vaifîeaux qui s'y
ramifient , membrane à laquelle d'autres
auteurs ont attribué des fibres mufculaires.
Il ne nous paroît pas qu'il y ait dans le
dartos des fibres dont la direction foit conf-
tante; ck peut-être ce qui peut donner
lieu d'y admettre des fibres , c'eft l'irrita-
bilité dont le dartos eft pourvu , ck qui
redreffe les tefticules dans la fanté robufte,
au contact de l'air froid , ck dans d'autres
occafions:4. une cellulofité allez copieufe,
dont nous allons donner un détail d'au-
tant plus néceffaire, que l'on n'a eu que
depuis peu une idée complète de ces tu-
niques.
Il y a trois enveloppes qu'on peut ap-
pelles vaginales ; la commune , celle du
E L Y
cordon fpermatique 6k celle du tefticule.
La première enveloppe également 6k
le cordon 6k le tefticule : elle eft cellu-
leufe , 6k forme de grandes veffies quand
on Ta foufïïée ; elle enveloppe le tefticule
& s'attache fortement à la tunique vagi-
nale propre du tefticule dans le bord
pofté rieur; 6k à fon extrémité inférieure ,
elle fournit des lames qui recouvrent celles
de la vaginale propre 6k qui s'y attachent.
On a cru trouver une cloifon entre la
vaginale commune 6k celle du tefticule ,
parce que l'air s'eft arrêtée l'attache de la
vaginale commune à la vaginale propre
du tefticule, 6k n'a pas pafle dans la cavité
comprife entre le tefticule 6k la vaginale
propre.
L'adhérence dont nous venons de parler,
arrête l'air qui fait crever les veflies de la
vaginale commune quand on la prefte trop .
La tunique vaginale propre du cordon
eft contenue dans la cavité de la précé-
dente , elle eft également cellulaire , 6k
donne une gaîne à chaque vaifteau : elle
s'attache fortement 6k à l'albuginée 6k à
la vaginale propre des tefticules à laquelle
elle fe continue.
Enfin , la tunique vaginale propre des
tefticules, naît de la commune ck de celle
du cordon , auxquelles elle eft fortement
attachée le. long du bord poftérieur du
tefticule ; elle s'attache auflï ck fortement
à l'épididyme qu'elle recouvre , ck à l'al-
buginée. Pour parler plus exactement ,
elle couvre du côté interne le tefticule ,
& s'attache avec beaucoup de force à
l'albuginée, à laquelle elle donne une lame
très-fine , découverte par Antoine Moli-
netti , 6k qu'on peut féparer par la ma-
cération.
Pour le côté externe du tefticule , ù.
vaginale propre pafte pardefTus la furface
du tefticule ck pardefTus celle de l'épi-
didyme , ck lie cette dernière partie du
tefticule à l'albuginée ck en haut ck en bas;
mais dans le milieu elle retourne fur elle-
même, revêt la face concave de l'épidi-
dyme, remplit un cul-de-fac entre fa partie
Supérieure ck inférieure, 6k fe réfléchit de
nouveau fur l'albuginée à laquelle elle
donne une lame extérieure.
, Mais il y a dans le foetus Se dans l'a<-
E L Y i7r
dulte une différence par rapport à la vagi-
nale , ck la fîtuation du tefticule , qui
mérite d'être connue plus généralement ,
c'eft une découverte de M. de Haller,
perfectionnée par M. Hunter.
Dans le fœtus, le tefticule eft contenu
dans le bas-ventre avec les inteftins ; l'al-
buginée paroît alors continuée avec le
péritoine ; mais il y a fous les tefticules
un efpace où le péritoine eft mince ,
lâche ck prefque muqueux ; il eft même
quelquefois ouvert , mais cette ftructure
n'eft pas naturelle , ck elle caufe une
hernie dès que le fœtus vient au monde,
parce que le tefticule defeend par cette
ouverture dans la cellulofité qui accompa-
gne le cordon , ck arrive par ce chemin
dans le ferotum même.
Sous la place foibîe du péritoine il y a
une cellulofiré qui forme une gaîne cylin-
drique attachée depuis les reins jusqu'au-
ferotum , qui dans le fœtus eft vuide en-
core : mais pendant que le fœtus eft dans
l'utérus , le tefticule s'ouvre un paftage par
cet endroit foible , il entre dans la gaîne
cellulaire, ck arrive peu à peu au ferotum.
Quand il y eft arrivé, la gaîne fe rompt,
la partie fupérieure refte attachée au péri-
toine , ck il y paroît comme une légère
empreinte. L'inférieure fait la vaginale, '
L'académie parle d'un rat mufqué dans
lequel le tefticule defeend annuellement
depuis les reins, ck remonte alternative-
ment : apparemment que l'ouverture du:
péritoine y refte libre.
Laftrudture du chien eft cette que M„
de Haller a trouvée dans quelques fœtus
humains: le péritoine y eft ouvert > ck il
y a une gaîne fous cette membrane qui
enveloppe le tefticule. Dans l'homme,
dont le corps eft perpendiculaire, cette'
ftruclure auroit été dangereufe 6k la hernie
inévitable : il ne laide pas que de s*en
faire , à caufe de la foibleffe d'une partie
de Panneau. (H. D. G.)
E M A
EMAGÉ , f. m.. (Comm.) ancien droit
qui fe levé fur le felen quelques endroits
de Bretagne, 6k particulièrement dans les'
bureaux delà prévôté de Nantes. La pan*
carte de cette prévôté porte,. que le- roi
ij6 E M A
ck duc prend fur les fels de Poitou le
fixieme denier du prix que fe monte l'an-
cienne coutume appellée émage. Diction-
naire de -Commerce & de Trévoux. Voy.
V article S EL. (G)
* EMAIL , f. m. [Art Méch.J branche
de Part de la Verrerie. V émail eft une
préparation particulière du verre , auquel
on donne différentes couleurs, tantôt en
lui confervant «ne partie de fa tranfpa-
rence , tantôt enJa lui ôtant ; car il y a
àes émaux tranfparens, 6k des émaux opa-
ques. Voyf{ à V article VERRERIE , l'art
de colorer Le verre.
Les auteurs distinguent trois fortes dV-
maux: ceux qui fervent à imiter & con-
trefaire les pierres précieufes ; V. PlERRE
PRÉCIEUSE: ceux qu'on emploie dans ia
peinture fur Yémail ; ck ceux dont les
émailleurs à la lampe font une infinité
de petits ouvrages , tels que des magots ,
des animaux, des rieurs , des aigrettes,
des poudres brillantes, &c. Ils prétendent
qxxectsémaux font les mêmes' pour le fond,
ck que s'ils différent , ce n'eft que par les
couleurs & la tranfparence.
Le P. Kircher elt un des premiers qui
ont parlé de la peinture en émail. Voye\
ce qu'il en dit dans Ton mundus fubter-
ranzus , ouvrage de génie, mais dont le
mérite eft un peu rabaifTé par le mélange
du vrai 6k du faux.
On a cru pendant long-temps , que la
peinture encauftique des anciens étoit la
même chofe que notre peinture en émail.
Ce fait commence à devenir très-douteux.
Voyt[ l'article ENCAUSTIQUE.
Il elt vrai que les anciens ont connu
l'art de la verrerie, 6k qu'ils ont potTédé
le fecret de porter des couleurs dans le
verre ; ce qui condufoit naurellement à
la peinture en émail : mais il ne paroît
point qu'ils y foient arrivés. Ils touchoient
à beaucoup d'autres découvertes que nous
avons faites, de même que nous touchons
à beaucoup d'autres que nous laiderons à
faire à nos neveux , qui ne s'étonneront
pas qu'elles nous aient échappé, s'ils ont
un peu de philofophie.
Nous allons donner en premier lieu
ïa manière de faire les émaux, d'après
Nen ck Kunckel; nous expliquerons en-
E M A
flûte la manière de les employer, ou le
travail de Pémailleur , qne nous divife-
rons en trois parties : l'art de peindre
fur V émail , l'art d'employer les émaux
clairs 6k tranfparens , 6k l'art de fouffler
Yémail à la lampe.
I. De la préparation des émaux. Kunc-
kel , qui fè connoifloit en ouvrages de
Chymie, faifoit le plus grand cas de l'art
de la verrerie de Neri. Il s'eft donné la
peine d'éprouver tous les p océdés que
Neri a preicrits dans ce traité, ck il a trouvé
dans le livre dft émaux en particulier tant
d'exa&itude, qu'il ne balance point à dire
que quand Neri ne nous auroit laifîé que
ce morceau , il mérueroit la réputation
qu'il s'eft acquife. C'eft à M. le baron
d'Holback que nous devons la traduétion
de l'ouvrage de Neri, des notes de Mer-
ret, du commentaire de Kunckel, 6k de
plufieurs autres morceaux intérefîans , qui
forment enfemble un volume in-40. très-
confidérable , d où nous allons extraire là
première partie de cet article.
Préparer une matière commune pour
toutes fortes d'émaux. Prenez trente livres
de plomb 6k trente livres d'étain bien
purs ; faites calciner , partez les chaux au
tamis, remplirez d'eau claire un vaifleau
de terre verniffé , faites - y bouillir les
chaux : lorsqu'elles auront un peu bouilli ,
retirez le vaifleau de defTus le feu , 6c
verfez l'eau par inclination , elle entraî-
nera avec elle la partie la plus fi.btile des
chaux. Verfez de nouvelle eau fur les
chaux qui resteront au fond du vaifleau ,
faites bouillir comme auparavant, ck dé-
cantez y réirérez la même manœuvre jus-
qu'à ce que l'eau n'entraîne plus aucune
portion des chaux Aiors prenez ce qui
en reftera au fond du vaifleau , ck le recal-
cinez; opérez fur ces métaux calcinés de*
rechef, ou fur ces fécondes chaux, com-
me vous avez opéré , fur les pemieres.
Quant à i'eau qui s'eft chargée iucceflive-
men t de la partie la plus fubtile de la chaux,
faites-la évaporer à un teu , que vous ob-
ferverez fur-tout de ralentir fur la fin ;
fans cette précaution , vous rilquerez de
tacher la partie de la chaux qui touchera
le fond du vaifleau.
Prenez de cette chaux fi déliée , ck de
la
E M A
la fritte de tarfè ou caillou bîanc , que vous
broierez & tamifèrez avec foin , de chacune
cinquante livres \ de fel de tartre blanc huit
onces : mêlez ces matières y-expofez-les au
feu pendant dix heures , dans un pot neuf
de terre cuite j retirez-les enfuite , •& les
pulvérifez j ferrez cette poudre dans un lieu
fèc , &: la tenez à couvert de toute ordure \
ce fera la bafè commune de tous les
émaux.
Kunckel fubftitue aux huit onces de fèl
de tartre huit onces de potalfe purifiée à
plufieurs reprifes , & dégagée le plus
exactement qu'il eir, poffible de toutes ià-
htés.
' Faire un émail blanc de lait. Prenez de
la matière commune pour tous les émaux ,
iîx livres j de magnéfie quarante - huit
grains : mettez le mélange dans un pot
verniffé blanc : faites-le fondre au fourneau
à un feu clair , fans fumée , d'un bois de
chêne bien fec , la fufion fe fera prompte-
ment. Lorfqu'eîle fera parfaite , verfez le
mélange dans une eau bien claire , qui l'é-
teigne & la purifie \ réitérez toute cette
manoeuvre trois fois de fuite. Lorfque vous
aurez remis le mélange au feu pour la
quatrième fois, voyez s'il vous par'oît blanc \
li vous lui trouvez un œil verdâtré , ajoutez-y
im peu de magnéfie : cette addition conve-
nablement faite , lui donnera la blancheur
de lait.
Libavius & Porta compofent cet émail
d'une partie de plomb calciné , de deux
parties de chaux d'étain , & de deux fois
autant de verre.
Kunckel veut abfolument qu'on y emploie
la magnéfie , mais qu'on en faiTe l'addition
petit à petit 5 obièrvant de n'en pas rendre
la dofè trop forte , parce qu'elle ne fe con-
fume pas , & qu'elle donne au verre une
couleur de pêcher pâle.
Autre émail blanc. Prenez d'antimoine
&: de nitre bien mêlés & bien broyés , de
chacun douze livres \ de la matière du
verre commun , cent foixante & feize
livres : mêlez exactement le tout } faites
calciner le mélange au fourneau , & le
réduifez en fritte , ou , ce qui revient
au même , faites un régule d'antimoine
avec de l'antimoine cruel & du nitre ,
comme la Chymie le preferit. Ce régule
Tome XII.
E M A 177
mêlé au verre , vous donnera un émail
blanc & propre à recevoir toutes fortes de
couleurs.
Kunckel qui preferit ce procédé , dit
que pour employer cet émail il faut le
réduire en une poudre fine , en le broyant
pendant vingt-quatre heures avec du vi-
naigre diftillé y que cette attention le dif-
pofe à entrer facilement en fufion : mais
que pour l'appliquer, il faut l'humecter d'eau >
de gomme , & commencer par tracer tout ce
qu'on voudra colorer avec la couleur noire ,
ou le rouge brun , ou X émail même , ce qui
vaut encore mieux.
Faire un émail bleu turquin. Prenez de
la matière commune pour tous les émaux ,
fîx livres : mettez dans un pot de terre
verniffé en blanc , faites fondre , purifiez
par l'extinction dans l'eau , ajoutez trois
onces d'écaillés de cuivre , calcinées par
trois fois j prenez quatre-vingt feize grains
defafre, & quarante-huit grains de ma-
gnéfie , réduiièz en poudre ces deux der-
niers ingrédiens , mêlez bien les poudres j
faites-en quatre parties , ajoutez-les à la
matière commune des émaux à quatre
reprifes différentes. Remuez bien le mélan-
ge \ fi la couleur vous paroît belle , le pro-
cédé fera fini \ fi au contraire vous la trou-
vez trop foible ou trop forte , vous l'affoibli-
rez par l'addition d'un peu de la matière
commune des émaux: pour la fortifier , vous
vous fervirez du fafre . &le plus ou le moins
de matières colorantes vous donnera diffé-
rentes teintes.
Faire un émail bleu a*a\ur. Prsnez
quatre livres à' émail blanc , deux onces
de fafre , quarante-huit grains à"œs uflum
calciné par trois fois : mêlez bien ces pou-
dres. Expofez le mélange au fourneau de
verrerie , clans m\ pot verniffé blauc ;
quand il vous paroîtra bien fondu & bien
purifié, éteignez le dans l'eau &le procédé
fera fini.
Kunckel preferit de faire fondre à la
fois , dix , vingt , trente livres d'émail ,
de les éteindre dans l'eau , * de les faire
fondre derechef , & de les garder pour
l'ufàge qu'il preferit de la manière fuivante,
après avoir averti que le procédé de Neri
eir. excellent , & que fi l'on ne réufîrt pas ,
fur-tout dans les couleurs où il entre du
Z
i78 E M A
fafre , c'eft que la qualité de cette matière
varie , & que toute la chymie des émaux de-
mande un grand nombre d'effais.
Pour avoir différentes teintes , il faut y
félon Kunckel , prendre d'abord un verre
clair 8t tranfparent \ mètre un grain de
.magnéfie fur une once de verre , en faire
autant avec le fafre , & voir la couleur ré-
sultante j puis deux grains de magnéfie ,
&c.
Faire un émail verd. Prenez quatre livres
de fritte d'émail : mettez dans un pot de
terre verniffé bîanc , faites fondre & puri-
fier au feu pendant dix à douze heures , étei-
gnez dans l'eau, remettez au feu :, quand la
matière fera en fufion , ajoutez deux onces
cVœs uftum , & quarante-huit grains d'écail-
lés de fer : le tout bien broyé & bien mêlé ,
ajoutez ce mélange de poudre à trois reprifes
& petit à petit , remuez bien : cela fait ,
vous aurez un bel émail verd à pouvoir être
mis fur l'or.
Autre émail verd. Prenez fix livres de la
matière commune des émaux, ajoutez-y trois
onces de ferret d'Efpagne , & quarante-huit
grains de fafran de Mars j le tout bien broyé:
mettez ce mélange dans un pot vernilié à
l'ordinaire , purifiez le en l'éteignant dans
l'eau :, après i'extincl"ion , faites fondre de-
rechef.
Autre émail verd. Mettez au feu quatre
livres à" émail , faites fondre , ftc purifiez à
l'ordinaire \ faites fondre derechef j ajoutez
à trois repriiès la poudre fuivante , compo-
fce de deux onces d'a?s uftum & de quarante-
huit grains de fafran de Mars , le tout bien
pulvérifé & bien mélangé.
Faire un émail noir. Prenez quatre livres
de la matière commune des émaux ; de
fafre & de magnéfie de Piémont , de
chacun deux onces : mettez ce mélange
au N fourneau dans un pot vernifle , afin
qu'il fè purifie. Prenez le pot plus grand
qu'il ne le faudroit , eu égard à la quantité
des matières , afin qu'elles puiffent fe
gonfler fans fe répandre : éteignez dans
l'eau , remettez au feu , formez des gâ-
teaux.
Autre émail noir. Prenez de la fritte
$ émail , fix livres \ du fafre , du fafran
de Mars fait au vinaigre , & du ferret
tTEipagne , de chacun deux onces ; mettez
E M A
le mélange dans un pot vernilié , & achevez
le procédé comme les précéderrs.
Autre émail noir. Prenez de la matière
commune des émaux , quatre livres } de tar-
tre rouge , quatre onces ; de magnéfie de
Piémont préparée , deux onces : réduifez le
tout en une poudre fine. Mêlez bien cette
poudre à la matière commune des émaux ;
mettez le mélange dans un pot vernhTé , de
manière qu'il refte une partie du pot vuide ,
& achevez le procédé comme les précé-
dens.
Faire un émail purpurin. Prenez de fritte
d'émail quatre livres , de magnéfie deux on-
ces \ mettez le mélange au feu dans un
pot , dont il refte une grande partie
vuide.
Kunckel obfèrve que la dofe de deux
onces de magnéfie fur quatre, livres de
fritte eft forte , & que la couleur pourra
venir foncée \ mais il ajoute qu'il eft pref-
que impoflible de rien prefcrire d'exact fur
les dofes , parce que la qualité des ma*
tieres , la nature des couleurs , & les ac-
cidens du feu , occafionent de grandes
variétés.
Autre émail purpurin. Prenez de la ma-
tière commune des émaux , fix livres \ de
magnéfie , trois onces \ d'écaillés de cuivre
calcinées par trois fois , fix onces ; mêlez
exactement , réduifez en poudre , & procé-
dez comme ci-deffus.
Le fuccès de ce procédé dépend fur-tout
de la qualité de la magnéfie , &: de la con-
duite du feu. Trop de feu efface les couleurs^
& moins la magnéfie a de qualité , plus il
en faut augmenter la dofè.
Faire un émail jaune. Prenez de la ma-
tière commune de X émail, fix livres j de
tartre trois onces \ de magnéfie foixante &
douze grains : mêlez &; incorporez bien ces,
matières avec celle de ïémail, & procédant
comme ci-deffus , vous aurez un émail jaune
bon pour les métaux, à l'exception de l'or r
à moins qu'on ne le foutienne par d'autres,
couleurs.
Kunckel avertit que , fi on laiffe trop
long-temps au feu , le jaune s'en ira , qu'il
ne faut pas peur cette couleur un tartre
pur & blanc , mais un tartre fale & grof-
fier ; & que fa coutume eft d'y ajouter
un peu de cette poudre jaune qu'on trous»
E M A
dans les vieux chênes, & an défaut de
cette poudre , un peu de charbon pilé.
Faire un émail bleu. Prenez d'oripeau
calciné deux onces , de fafre quarante-huit
grains \ réduifez en poudre , mêlez les
poudres , répandez les dans quatre livres
de la matière commune des émaux , &
achevez comme ci-deifus.
Faire un émail violet. Prenez de la ma-
tière commune des émaux fix livres , de
magnéfie deux onces , d'écaillés de cuivre
calcinées par trois fois quarante-huit grains ,
& achevez comme ci-deflus.
Kunckel dit fur les deux derniers émaux ,
qu'ils donnent l'aigue-marine \ il prefcrit le
fafre feul pour le bîeu , & il veut qu'on y
ajoute un peu de magnéfie pour le violet :
mais if fè rétracte enfuite } il approuve
les deux procédés de Neri : il ajoute feu-
lement qu'il importe pour ces deux cou-
leurs de retirer du feu à propos j obfer-
vation générale pour toutes les autres cou-
leurs.
Ces émaux viennent de Venifè ou de
Hollande \ ils font en petits pains plats
de différentes grandeurs. Ils ont ordinai-
rement quatre pouces de diamètre , &
quatre à cinq lignes d'épaiffeur. Chaque
pain porte empreinte la marque de l'ou-
vrier : cette empreinte fè donne avec un
gros poinçon ; c'eft ou un nom de Jefus ,
ou un foleil , ou une firene , ou un fphynx,
ou un finge , &c.
II. L'art de peindre fur l'émail. L'art
■d'émailler fur la terre eft ancien. Il y avoit
du temps de Porfenna roi des Tofcans ,
<le$ vafes émaiilés de différentes figures.
Cet art, après avoir été long-temps brut,
fît tout-à-coup des progrès furprenans à
Faenza & à Caftel-Durante , dans le duché
d'Urbin. Michel Ange & Raphaël florif-
fbient alors : aufîî les figures qu'on remar-
que fur les vafès qu'on émailloit , font-
elles infiniment plus frappantes par le
deflîn , que par le coloris. Cette efpece
de peinture étoit encore loin de ce qu'elle
devait devenir un jour :, on n'y employait
que le blanc & le noir , avec quelques
teintes légères de carnation au vifage &
à d'autres parties : tels font les émaux
qu'on appelle de Limoges. Les pièces qu'on
faiibit fous François I font très-peu de chofe ,
E M A 1751
fi on ne les eftime que par la manière dont
elles font coloriées. Tous les émaux dont
on fe fervoit , tant fur l'or , que fur le
cuivre , étoient clairs & tranfparens. On
couchoit feulement quelquefois des émau*
épais , féparément & à plat , comme oa
le pratiqueroit encore aujourd'hui â l'on
fè propofoit de former un relief. Quant
à cette peinture dont nous nous propo-
fbns de traiter , qui confifte à exécuter
avec des couleurs métalliques , auxquelles
on a donné leurs fondans , toutes fortes
de fujets , fur une plaque d'or ou de cui-
vre qu'on a émaillée 8c quelquefois contre-
émaillée , elle étoit entièrement .ignorée.
On en attribue l'invention aux François.
L'opinion générale eft qu'ils ont les pre-
miers exécuté fur l'or des portraits aufiî
beaux , au/Ti finis , & aufll vivans que s'ils
avoient été peints ou à l'huile ou en mi-
gnature. Ils ont même tenté des fujets d'hif
toire , qui ont au moins cet avantage que
l'éclat en eft inaltérable.
L'ufage en fut d'abord confacré au bijou.
Les Bijoutiers en firent des fleurs & de
la mofaïque où l'on voyoit des couleurs
brillantes , employées contre toutes les rè-
gles de l'art , captiver les yeux par le fèul
charme de leur éclat. •
La connoiffance de la manœuvre pro-
duifit une forte d'émulation , qui , pour
être afîez ordinaire , n'en eft pas moins
précieufè ; ce fut de tirer un meilleur parti
des difficultés qu'on avoit furmontées ,
en produifant des ouvrages plus raifonna-
bîes & plus parfaits. Quand il n'y eut
plus de mérite à émailler purement & fim-
plement , on fbngea à peindre en émail ; les
Joailliers fe firent peintres , d'abord copiftes
des ouvrages des autres , enfuite imitateurs
de la nature.
Ce fut en 1632 qu'un orfèvre de Châ-
teaudun , qui entendoit très-bien l'art d'em-
ployer les émaux clairs & tranfparens , fe
mit à chercher l'autre peinture , qu'on ap~
pellera plus exactement peinture fur té-
mail quen émail ; &c il parvint à trouver
des couleurs , qui s'appliqueient fur un
fond é maillé d'une feule couleur , & fe
parfondoient au feu. Il -eut pour difciple
un nommé Gribalin : ces deux peintres
communiquèrent leur fecret à d'autres
X 2
iSo E M A
artilles qui le perfectionnèrent , & qui
pouifcre*nt la peinture en émail jufqu'au
point où nous la poffédons aujourd'hui.
L'orfèvre de Châteaudun s'appelloit Jean
Tout in.
* Le premier qui fe diftingua entre ces
artiftes , fut l'orfèvre Dubié qui logeoit
aux galeries du Jouvre. Peu de temps après
Dubié , parut Morliere : il étoit d'Orléans.
Il travaillait à Blois. Il borna fon talent
à émailler des bagues <k des boites de
montre. Ce fut lui qui forma Robert
Vouquer de Blois , qui l'emporta fur fes
prédécefteurs par la beauté des couleurs.
qu'il employa , & par la connoiflance qu'il
•eut du deffin. Vouquer mourut en 1670.
Pierre Ghartier de Blois lui fuccéda, &
peignit des fleurs avec quelque fuccès.
La durée de la peinture en émail , fon
luftre permanent , la vivacité de (es cou-
leurs , la mirent alors en grand crédit : on
lui donna fur la peinture en mignature
une préférence qu'elle eut fans doute con-
servée , fans les connoiflances qu'elle fup-
pofè , la patience qu'elle exige , les ac-
cidens du feu qu'on ne peut prévoir , &
la longueur du travail auquel il faut s'af-
iujettir. Ces raifons font fi fortes , qu'on
peut afTurer 3 fans craindre de fè trom-
per , qu'il y aura toujours un très - petit
nombre de grands peintres en émail ; que
les beaux ouvrages qui fe feront en ce
genre feront toujou* très - rares & très-
précieux", & que cette peinture fera long-
temps encore fur le point de fe perdre :,
parce que la recherche des couleurs pre-
nant un temps infini à ceux qui s'en oc-
cupent , &: les fuccès ne s'obtenant que
par des expériences coûteufes & réitérées ,
en continuera d'en faire un fecret. C'en1
pour cette raifon que nous invitons ceux
qui aiment les arts , & que leur état &
leur fortune ont élevés au defîiis de toute
confidération d'intérêt , de publier fur la
compofition des couleurs propres pour la
peinture de Yémail & de la porcelaine , ce
qu'ils peuvent en connoître j ils fe feront
beaucoup d'honneur , & ils rendront un
fervice important à la Peinture. Les pein-
tres fur Yémail ont une peine incroyable
à compléter leur palette \ & quand elle
eft à-peu - près complète , ils craignent
E M A
toujours qu'un accident ne la dérange ,
ou que quelques couleurs dont ils ignorent
la compofition , & qu'ils emploient avec
beaucoup de fuccès , ne viennent à leur
manquer. Il m'a paru , par exemple , que
des rouges de mars qui enflent de l'éclat
& de la fixité éteient très - rares. Com-
ment un art fe perfectionnera- t-il , lorfque
les expériences d'un artifte ne s'ajouteront
point aux expériences d'un autre artifte ,
& que celui qui entrera dans la carrière
fera obligé de tout inventer , êc de perdre
à chercher des couleurs , un temps précieux
qu'il eût employé à peindre ?
On vit immédiatement après Pierre Char-
rier , plufieurs artiftes fe livrer à la pein-
ture en émail. On fit. des médailles : on
exécuta un grand nombre de petits ou-
vrages : on peignit des portraits. Jean Pe-
titot & Jacques Bordier en apportèrent
d'Angleterre de fi parfaits & de fi par-
faitement coloriés, que deux bons peintres
en mignature , Louis Hance & Louis de
Guernier , tournèrent leur talent de ce
côté. Ce dernier fe livra à la peinture
en émail avec tant d'ardeur & d'opiniâ-
treté , qu'il l'eût fans doute portée au
point de perfection qu'elle pouvoit attein-
dre , s'il eût vécu davantage. Il découvrit
cependant plufieurs teintes , qui rendirent
Ces carnations plus belles que fes prédé-
ceflèurs ne les avoieut eues. Que font deve-
nues ces découvertes ?
Mais s'il eft vrai, dans tous les arts,
que la diftance du médiocre au bon eft
graude , & que celle du bon à l'excellent
eft prelque infinie , ce font des vérités
finguliérement frappantes dans la peinture
en émail. Le degré de perfection le plus
léger dans le travail , quelques lignes de
plus ou de moins fur le diamètre d'une
pièce , conftituent au delà d'une certaine
grandeur des différences prodigieufes.
Pour peu qu'une pièce fbit grande , il
eft prefque impoflible de lui conferver
cette égalité de fuperficie , qui permet
feule de jouir également de la peinture de
quelque côté que vous la regardiez. Les
dangers du feu augmentent en raifon des
fùrfaces. M. Rouquet , dont je ne penfè
pas que qui que ce foit réeufe le juge-
ment dans cette manière , prétend même ,
E M A
dans fon ouvrage de tétat des Arts en An-
gleterre , que le projet d'exécuter de grands
morceaux en émail , eft une preuve déci-
five de l'ignorance de l'artifte ; que ce
genre de peinture perd de fon mérite , à
proportion qu'on s'éloigne de certaines
limites } que l'artifte n'a plus au delà de
ces limites la même liberté dans l'exécu-
tion , & que le fpe&ateur fèroit plutôt fa-
tigué qn'amufé par les détails , quand même
il arriveroit à l'artifte de réuflir.
Jean Petitot né à Genève en 1607 ,
mourut à Vevay en 1691. Il fë donna
des peines incroyables pour perfectionner
fon talent. On dit qu'il dut fes belles
couleurs à un habile chymifte avec lequel
il' travailla , mais on ne nomme point ce
chymifte. Cependant c'eft l'avis de M.
Rouquet : Petitot , dit-il , n'eût jamais
mis dans fes- ouvrages cette manœuvre fi
fine & fi féduifante , s'il avoit opéré avec
-les fubftances ordinaires. Quelques heu-
reufes découvertes lui fournirent les moyens
d'exécuter fans peine des chofes furpre-
nantes que , fans le fecours de ces décou-
vertes , les organes les plus parfaits , î.vec
toute l'adrefîé imaginable, n'auroient jamais
pu produire. Tels font les cheveux que
Petitot peignoit avec une légèreté dont les
inftrumens & les préparations ordinaires
ne font nullement capables. S'il eft vrai
que Petitot ait eu des moyens méchani-
ques qui fe foient perdus , quel regret
pour ceux qui font nés avec un goût vif
pour les arts , & qui fèntent tout le prix de
la perfection !
Petitot copia plufieurs portraits d'après
les plus grands maîtres : on les conferve
précieufèment. Vandeik fe plut à le voir
travailler , &: ne dédaigna pas quelquefois
de retoucher fes ouvrages.
Louis XIV & fa cour employèrent
long-temps fon pinceau. Il obtint «ne pen-
fion confidérable & un logement aux ga-
leries , qu'il occupa jufqu'à la révocation
de l'édit de Nantes. Ce fut alors qu'il fe
retira dans fa patrie.
Bordier fon beau-frere , auquel il s'étoit
affocié , peignoit les cheveux , les drape-
ries , & les fonds } Petitot fe chargeoit
toujours des têtes & des mains.
Ils traitèrent non feulement le portrait ,
EM A
181
mais encore l'hiftoire. Ils vécurent fans
jaloufie , & amaflèrent près d'un million
qu'ils partagèrent fans procès.
On dit qu'il y a un très-beau morceau
d'hiftoire de ces deux artiftes dans la bi-
bliothèque de Genève.
M. Rouquet fait l'éloge d'un peintre
Suédois appelle M. Zink. Ce peintre a
travaillé en Angleterre. Il a fait un grand
nombre de portraits , où l'on voit Yémail
manié avec un extrême facilité , l'indo-
cilité des matières fubjuguée , & les en-
traves que l'art de Yémail met au génie
entièrement brifées. Le peintre de Genève
dit de M. Zink ce qu'il a dit de Petitot ,
qu'il a poffédé des manœuvres & des ma -
tieres qui lui étoient particulières , & fans
lefquelles fes ouvrages n'auroient jamais
eu la liberté du pinceau , la fraîcheur ,
la vérité , l'empâtement qui leur donnent
l'effet de la nature. Les mots par lefquels
M. Rouquet finit l'éloge de M. Zink font
remarquables : « Il eft bien humiliant , dit
» M. Rouquet , pour la nature humaine ,
» que les génies aient la jaloufie d'être
» feuls. » M. Zink n'a point fait d'élevé.
Nous avons aujourd'hui quelques hom-
mes habiles dans la peinture en émail ;
tout le monde connoît les portraits de
ce même M. Rouquet que nous venons
de citer , ceux de M. Liotard , ceux de
M. Paquier , peintre en émail du roi , & les
compolitions de M. Durand. La poftérité
qui fera cas des ouvrages en émail de ce
dernier , recherchera avec le plus grand
empreffement les morceaux qu'il a exécu-
tés fur la nacre , & qui auront échappé à
la barbarie de nos petits-maîtres. Mais je
crains bien que la plupart de ces bas-reliefs
admirables, roulés brutalement fur des
tables de marbre , qui égratignent & dé-
figurent les plus belles têtes , les plus beaux
contours , ne foient effacés & détruits ,
lorfque les amateurs en connoîtront la
valeur , qui n'eft pas ignorée aujourd'hui ,
fur-tout des premiers artiftes, C'eft en
lui voyant travailler un très-beau morceau
de peinture en émail , fbit qu'on le confi-
dere par le fujet , ou par le deflïn , ou paf
la compofition , ou par Texprcfiion , ou
même par le coloris , que j'écrivois ce que
je détaiyerai de la peinture en émail %
i8i EMA
après que j'aurai fait connoître en peu
de mots le morceau de peinture dont il
syagit.
C'eft une plaque deftinée à former le
fond d'une tabatière d'homme , d'une
forme ronde , &: d'une grandeur qui paiîè
un peu l'ordinaire. On voit fur le devant
un grand amour de dix-huit ans j droit ,
l'air triomphant & fàtisfait , appuyé fur
fon arc , & montrant du doigt Hercule
qui apprend à filer d'Omphale : cet amour
femble dire à celui qui le regarde ces deux
vers :
Qui que tu fois , tu vois ton maître ;
// tejl , le fut y ou le doit être,
ou
Quand tu ferois Jupiter même ,
Je te ferai filer auffi.
Hercule eft renverfé nonchalamment aux
pies d'Omphale , fur laquelle il attache les
regards les plus tendres & les plus paflion-
nés. Omphale eft occupée à lui apprendre
à faire tourner un fufeau dont elle tient
l'extrémité entre Ces doigts. La dignité
de fon vifage , la fineflè de fon fouris , je
ne fais quels vertiges d'une paflion mal
celée qui s'échappe imperceptiblement de
tous [es traits , font autant de chofes qu'il
faut voir & qui ne peuvent s'écrire. Elle
eft affifè fur la peau du lion de Nemée }
un de fes pies délicats eft pofé fur la tête
de l'animal terrible :, cependant trois petits
amours fe jouent de la maflue du héros
qu'ils ont mife en balançoire. Ils ont
chacun leur caractère. Un payfage forme
le fond du tableau. Ce morceau vu à l'œil
nu fait un grand plailîr -7 mais regardé
à la loupe , c'eft toute autre choie encore }
on en eft enchanté.
C'eft l'orfèvre qui prépare la plaque fur
laquelle on fe propofe de peindre. Sa gran-
deur & fon épaiflêur varient , félon l'ufage
auquel on la deftine. Si elle doit former un
àes côtés d'une boîte, il faut que l'or en
foit à vingt-deux carats au plus : plus fin ,
jl n'auroit pas aflez de foutien j moins
fin , il feroit fujet à fondre. Il faut que
l'alliage en foit moitié blanc & moitié
rouge , c'eft -à- dire moitié argent & moitié
cuivre 3 Xémail dout on la couvrira , en
EMA
fera moins expofé à verdir , que fi l'alliage
étoit tout rouge.
Il faudra recommander à l'orfèvre de
rendre fon or bien pur & bien net , & de
le dégager exactement de pailles & de vent \
fans ces précautions il fe fera immanqua-
blement des foufflures à Xémail , & ces
défauts feront fans remède.
On réiervera autour de la plaque un filet
qu'on appelle aufli bordement. Ce filet ou
bordement retiendra Xémail , & l'empê-
chera de tomber , lorfqu'étant appliqué on
le preffera avec la fpatule. On lui donnera
autant de hauteur qu'on • veut donner
d'épaiffeur à Xémail \ mais 1 epaifleur de
Xémail variant félon la nature de l'ouvrage ,
il en eft de même de la hauteur du filet ou
bordement. On obfervera feulement que
quand la plaque n'eft point contre-émaillée ,
il faudra qu'elle foit moins chargée & émail y
parce que Xémail mis au feu tirant l'or à
foi , la pièce deviendroit convexe.
Lorfque Xémail ne doit point couvrir
toute la plaque , alors il faut lui pratiquer
un logement. Pour cet effet on trace fur la
plaque les contours du defiln \ on fe fert
de la mine de plomb , enfùite du burin.
On champleve tout l'efpace renfermé dans
les contours du defîîn , d'une profondeur
égale à la hauteur qu'on eût donnée au
filet , fi la plaque avoit dû être entièrement
émaillée.
On champleve à l'échope , & cela le
plus également qu'on peut : c'eft une atten-
tion qu'il ne faut pas négliger. S'il y avoit
une éminence , Xémail fe trouvant plus
foible en cet endroit , le verd pourroit y
pouffer. Les uns pratiquent au fond du
champlever des hachures légères & ferrées ,
qui fe croifènt en tous fens \ les autres y
font des traits ou éraflures , avec un bout
de lime caffé quarrément.
L'ufage de ces éraflures on hachures ,
c'eft de donner prife à Xémail , qui , fans
cette précaution , pourroit fe féparer de la
plaque. Si l'on obfervoit de tremper la
pièce champlevée dans de l'eau régale
affoiblie , les inégalités que fon action
formeroit fur le champlever , pourraient
remplir merveilleufement la vue de l'artifte
dans les hachures qu'il y pratique : c'eft
une expérience à faire. Au refte il eft
E M A
é/ident qu'il ne faudroit pas manquer de
laver la pièce dans plufieurs eaux , au fortir
de l'eau régale.
Quoi qu'il en foit de cette conjecture ,
lorfque la pièce eft champlevée , il faut la
dégraifTer. Pour la dégraifTer on prendra une
poignée de cendres gravelées qu'on fera
bouillir dans une pinte d'eau ou environ ,
avec la pièce à dégraifTer. Au défaut de cen-
dres gravelée» on pourroit fe fervir de celles
du foyer , fi elles étoient de bois neuf } mais
les cendres gravelées leur font préférables.
V. Cendres.
Au fortir de cette lefllve on lavera la
pièce dans de l'eau claire où l'on aura mis
un peu de vinaigre f, & au fortir de ce mé-
lange d'eau & de vinaigre , on la rélavera
dans l'eau claire.
Voilà les précautions qu'il importe de
prendre fur l'or \ mais on le détermine
quelquefois , par économie , à émailler fur
le cuivre rouge : alors on eft obligé d'am-
boutir toutes les pièces , quelle que foit la
figure qu'elles aient, ronde , ovale , ou quar-
rée. Les amboutir , dans cette occafiou ,
c'eft les rendre convexes du côté à peindre ,
& concaves du côté à contre-émailler. Pour
cet effet il faut avoir un poinçon d'acier
de la même forme qu'elles , avec un bloc
de plomb : on pofe la pièce fur le bloc \ on
appuie defTus le poinçon , & l'on frappe
fur la tête du poinçon avec un marteau.
Il faut frapper alfez fort pour que l'em-
preinte du poinçon fe fane d'un leul coup.
On prend du cuivre en feuilles , de l'épaif
ièar d'un parchemin. Il faut que le morceau
qu'on emploie , foit bien égal & bien net-
toyé : on paiTe fur fa furface le grattoir ,
devant & après qu'il a reçu l'empreinte. Ce
qu'en fe propofe en ramboutuTant , c'eft de
lui donner de la force , & de l'empêcher de
s'envoiler.
. Cela fait , il faut fè procurer un émail
qui ne foit ni tendre ni dur : trop tendre ,
il eft fujet à fe fendre j trop dur , on rifque
de fondre la plaque. Quant à la couleur ,
il faut que la pâte en foit d'un beau blanc
de lait. Il eft parfait , s'il réunit à ces qualités
la fiueilè du grain. Le grain de Y émail fera
fin , fi l'endroit de fa furface d'où il s'en
fera d: taché un éclat 2 paroît égal , lifte &
pclL
E M A 183
On prendra le pain d'émail , on le 'frap-
pera à petits coups de marteau , en le
foutenant de l'extrémité du doigt. Oa
recueillera tous les petits éclats dans une
ferviette qu'on étendra fur foi j on les
mettra dans un mortier d'agate , en quan-
tité proportionnée au befoin qu'on en a.
On verfera un peu d'eau dans le mortier :
il faut que cette eau foit froide & pure :
les artiftes préfèrent celle de fontaine à
celle de rivière. On aura une molette
d'agate $ on broiera les morceaux d'émail ,
qu'on arrofera à mefure qu'ils fe pulvéri-
feroni : il ne faut jamais les broyer à Cec,
On fe gardera bien de continuer le broie-
ment trop long-temps. S'il eft à propos de
ne pas fentir ïémail graveleux , foit au
toucher , foit fous la molette , il ne faut
pas non plus qu'il foit en boue : on le
réduira en molécules égales j car l'inégalité
fuppofant des grains plus petits les uns que
les autres , les petits ne pourroient s'arrau ■
ger autour des gros , fans y lailîer des vuides
inégaux , & fans occafiqner des vents. On
peut en un bon quart-d'heure broyer au-
tant d'émail qu'il en faut pour charger Une
boite.
Il y a des artiftes qui prétendent qu'après
avoir mis ïémail en petits éclats , il faut le
bien broyer & purger de fes ordures avec
de l'eau- forte } le laver dans de l'eau claire ,
& le broyer enfuite dans le mortier. Mais
cette précaution eft fuperflue quand on fe
fert d'un mortier d'agate ; la propreté
fuffit.
Lorfque Y émail eft broyé , on verfe de-
i'eau deiTus j on le laiife dépofer , puis on
décante par inclination l'eau ? qui emporte
avec elle la teinture que le mortier a pu
donner à ïémail & à l'eau. On continue ces
lotions jufqu'à ce que leau paroiftè pure r
obfervant à chaque lotion de lailfer dépofer
ïémail.
On ramafîèra dans une foucoupe les diffé-
rentes eaux des lotions , & on les y laiiTera
dépofer» Ce dépôt pourra fervir 3 contre-
émailler la pièce , s'il en eft befoin.
Tandis qu'on prépare ïémail y la plaque
champlevée trempe dans de l'eau pure &t
froide : il faut l'y laiifer au moins du foir au?
lendemain } plus elle y reftera de temps 9
mieux cela fera».
\14 E M A
II faut toujours confsrver Yérfiail broyé
couvert d'eau , jufqu'à ce qu'on l'emploie j
& s'il y en a plus de broyé qu'on n'en
emploiera, il faut le tenir couvert d'eau
féconde.
Pour l'employer il faut avoir un chevalet
de cuivre rouge ou jaune. Ce chevalet n'eft
autre chofe qu'une plaque repliée par fes
deux bouts. Ces replis lui fervent de pies j
& comme ils font de hauteurs inégales ,
la fm-face du chevalet fera en plan incliné.
On a une fpatule avec laquelle on prend
de Y émail broyé , & on le met fur le che-
valet , où cette portion qu'on en veut
employer s'égoutte d'une partie de fon
eau , qui s'étend le long des bords du
chevalet. Il y a des artiftes qui fe parlent
de chevalet. On reprend peu-à-peu avec la
fpatule Yémail de deiîlis le chevalet , & on
le porte dans le champlever de la pièce à
émailler , en commençant par un bout &
finiifant par l'autre. On fupplée à la fpatule
avec un cure-dent : cela s'appelle charger.
Il faut que cette première charge rempliffe
tout le champlever , & foit au niveau de
l'or \ car il s'agit ici d'une plaque d'or.
Nous parlerons plus bas de la manière dont
il faut charger les plaques de cuivre \ il
n'eft pas nécefTaire que Yémail foit broyé
pour cette première charge , ni aufli fin ,
ni auiîl foigneufèment que pour une fé-
conde.
Ceux qui n'ont point de chevalet , ont
un petit godet de faïance dans lequel ils
tranfvafent X émail du mortier : le fond en
eft plat \ mais ils le tiennent un peu incliné ,
afin de déterminer l'eau à tomber d'un
côté.
Lorfque la pièce eft chargée , on la
place fur l'extrémité des doigts , & on la
frappe légèrement par les côtés avec la
ipatule , afin de donner lieu par ces petites
fècouffes aux molécules de Yémail broyé ,
de fe compofer entre elles , de fe ferrer , &
de s'arranger.
Cela fait , pour retirer l'eau que Vérnail
chargé peut encore contenir , on place fur
les bords un linge fin , blanc & fèc , &
on l'y laifle tant qu'il afpire de l'eau. Il
faut avoir l'attention de le changer de
côté. Lorfqu'il n'afpire plus rien des bords ,
on y -fait un pli large & plat , qu'on pofe.
EM A
fur le milieu de Yémail a plufieurs reprifes *,
après quoi on prend la fpatule , & on
l'appuie légèrement fur toute la furface de
Yémail , fans toutefois le déranger : car
s'il arrivoit qu'il fe dérangeât , il faudroit
l'hume&er derechef, afin qu'il fe difpofât
convenablement , fans le tirer du champ-
lever.
Quand la pièce eft fèche , il faut l'expofèr
fur des cendres chaudes , afin qu'il n'y
refte plus aucune humidité. Pour cet effet
on a un morceau de tôle percé de plufieurs
petits trous , fur lequel on la place. La
pièce eft fur la tôle , la tôle eft fur la
cendre : elle refte en cet état jufqu'à ce
qu'elle ne fume plus. On obfèrvera feule-
ment de la tenir chaude jufqu'au moment
de la paffer au feu } car fi on l'avoit laifte
refroidir , il faudroit la réchauffer peu-à-peu
à l'entrée du fourneau , fans quoi l'on expo-
fèroit Yémail à pétiller.
Une précaution à prendre par rapport à
la tôle percée de trous , c'eft de la faire
rougir & de la battre avant que de s'en
fervir , afin d'en féparer les écailles. Il faut
qu'elle ait les bords relevés , en forte que
la pièce que l'on place deffus n'y touchant
que par fes extrémités , le contre- émail ce
s'y attache point.
On a des pinces longues & plates , qu'on
appelle rtUve-mouJlache , dont on fèfèrt pour
enlever la plaque & la porter au feu.
On palfe la pièce au feu dans un fourneau.
Il faudra fe pourvoir de charbon de bois
de hêtre , & à fon défaut , de charbon de
bois de chêne. On commencera par charger
le fond de fon fourneau de trois lits de
branches. Ces branches auront un bon
doigt de groffeur } on les coupera chacune
de la longueur de l'intérieur du fourneau ,
jufqu'à fon ouverture \ on les rangera les
unes à côté des autres , de manière qu'elles
fe touchent. On placera celles du feconcî
lit dans les endroits où celles du premier
lit fe touchent , & celles du troifieme lit ,
où fe touchent celles du fécond ; en forte
que chaque branche du troifieme lit f©it
portée fur deux branches du fécond , &
chaque branche du fécond fu r deux bran-
ches du premier. On choifira les branches
fort droites , afin qu'elles ne laùTent point
de vuide :• un de leurs bouts touchera le
fond
E M A
fond du fourneau, ck l'autre correfpondra
à l'ouverture. On a choifi cette difpofition,
afin que s'il arrivoit à une branche de fe
confumer trop promptement , on pût lui
en fubftituer facilement une autre.
Cela fait ; on a une moufle de terre ;
on la place fur ces lits de charbon , l'ou-
verture tournée du côté de la bouche du
fourneau , ck le plus à ras de cette bouche
qu'il eft poffible.
La moufle placée , il s'agit de garnir
fes côtés ck fa partie poftérieure , de char-
bons de branches. Les branches des côtés
font rangées comme celles des lits : les
poftérieures font mifes tranfverfalement.
Les unes ck les autres s'élèvent jufqu'à
la hauteur de la moufle. Au delà de cette
hauteur les branches font rangées longitu-
dinalement ck parallèlement à celles des
lits. Il n'y a qu'un lit fur la moufle.
Lorfque ce dernier lit eft fait , on prend
du petit charbon de la même efpece, ck
l'on en répand deflus à la hauteur de quatre
pouces. C'eft alors qu'on couvre le four-
neau de fon chapiteau , qu'on étend furie
fond de la moufle trois ou cinq branches
qui remplirent fon intérieur en partie , ck
qu'on jette par la bouche du fourneau , du
charbon qu'on a eu le foin de faire allumer
tandis qu'on chargeoit le fourneau.
On a une pièce de terre qu'on appelle
Ydtrc; on la place fur la mentonnière : elle
s'élève à la hauteur du fond de la moufle.
On a de gros charbons de la même efpece
que celui des lits; on en bouche toute
l'ouverture de la moufle, puis on laifle le
fourneau s'allumer de lui-même : on attend
que tout en paroifïe également rouge. Le
fourneau s'allume par l'air qui fe porte aux
fentes pratiquées tant au fourneau qu'à fon
chapiteau. •
Pour s'afTurer fi le fourneau eft affez
allumé, on retire l'âtre , afin de découvrir
le charbon rangé en lits fous la moufle; ck
lorfqu'on voit ces lits également rouges
par-tout , on remet l'âtre ck les charbons
qui étoient deflus , ck l'on avive le feu en
foufflant dans la moufle avec un foufflet.
Si en ôtant la porte du chapiteau , l'on
s'appercevoit que le charbon fe fût foutenu
élevé , il faudroit le faire defcendre avec
la pincette , ck aviver le feu dans la moufle
Tome XII,
E M A
18
avec le foufflet , après avoir remis la porte
du chapiteau.
Quand la couleur de. la moufle paroîtra
d'un rouge blanc , il fera temps de porter
la pièce au feu ; c'eft pourquoi l'on net-
toiera le fond de la moufle du charbon
qui y eft ck qu'on rejettera dans le fourneau
par le trou du chapiteau. On prendra la
pièce avec le releve-tnouflache , ck on la
placera fous la moufle le plus avant qu'on
pourra. Si elle eût été froide , il eût fallu,
comme nous en avons déjà averti plus
haut, l'expofer d'abord fur le devant de la
moufle , pour l'échauffer , ck l'avancer
fucceffivement jufqu'au fond.
Pour introduire la pièce dans la moufle,
il a fallu écarter les charbons qui cou-
vroient fon entrée. Quand la pièce y eft
introduite , on la referme avec deux char-
bons feulement, à travers defquels on re-
garde ce qui fe pafîe.
Si l'on s'apperçoit que la fufion foit plus
forte vers le fond de la moufle que fur \&
devant ou fur les côtés , on retourne la
pièce , jufqu'à ce qu'on ait rendu la fufion
égale par- tout. 11 eft bon de favoir qu'il
n'eft pas néceffaire au premier feu , que la
fufion foit poufTée jufqu'où elle peut aller,
ck que la furface de V émail foit bien unie.
On s'apperçoit au premier feu que la
pièce doit être retirée , lorfque fa furface ,
quoique montagneufe ck ondulée préfente
cependant des parties liées ck une furface
unie , quoique non plane.
Cela fait , on retire la pièce ; on prend
la tôle fur laquelle elle étoit pofée , ck on
la bat pour en détacher les écailles : cepen-
dant la pièce refroidit.
On rebroie de l 'email , mais on le
broie le plus fin qu'il eft poffible , fans le
mettre en bouillie. LVWi/avoitbaifTéait
premier feu : on en met donc à la féconde
charge un tant foit peu plus que la hauteur
du filet : cet excès doit être de la quantité
que lefeu ôtera à cette nouvelle charge.
On charge la pièce cette féconde fois,
comme on l'a chargée la première : on
prépare le fourneau comme on l'avoit pré-
paré : on met au feu de la même manière ;
mais on y laifle la pièce en fufion , jufqu'à
ce qu'on lui trouve la furface unie, lifle
ck plane. Une attention qu'il faut avoit à
Aa
r86 EMA
tous les feux , c'eft de balancer fa pièce ,
l'inclinant de gauche à droite ck de droite
à gauche , ck de la retourner. Ces mouve-
mens fervent à compofer entr'elles les
parties de ¥ email , ck à diftribuer égale-
ment la chaleur.
Sifontrouvoit à la pièce quelque creux
au fortir de ce fécond feu , ck que le point
le plus bas de ce creux defcendît au
deiîous du filet, il faudroit la recharger
légèrement , ck la paiTer au feu , comme
nous venons de le prefcrire.
Voilà ce qu'il faut obferver aux pièces
d'or. Qviant à celles de cuivre , il faut les
charger jufqu'à trois fois , ck les paiTer
autant de fois au feu : on s'épargne par ce
moyen la peine de les ufer , V émail en
devient même d'un plus beau poli.
Je ne dis rien des pièces d'argent , car
on ne peut abfolument en émailler des
plaques ; cependant tous les auteurs en
font mention , mais je doute qu'aucun
ci'eux en ait jamais vu. L'argent fe bour-
foufle , il fait bourfoufler 1' f émail ; il s'y
forme des œillets ck des trous. Si Ton
rendit, c'eft une fois fur vingt; encore
eft-ce t rès-imparfaireinent , quoiqu'on ait
pris la précaution de donner à la plaque
d'argent plus d'une ligne d'épaifteur , ck
qu'on ait f->udé une feuille d'or pardefïus.
Une pareille plaque foutient à peine un
premier feu fans accident : que feroi:-ce
donc fi la peinture exigeoit qu'on lui en
donnât deux, trois, quatre, £< même cinq?
D'où il s'enfuit ou qu'on n'a jamais fu pein-
dre fur des plaques d'argent émaillées , ou
que c'eft un fecret abfolument perdu.
Toutes nos peintures en émail font fur
l'or ou fur le cuivre.
Une choie qu'il ne faut point ignorer ,
c'eft que toute pièce émail !ée en plein du
côté que l'on doit peindre , doit être
contre-émailiée de l'autre côté , à mokié
moins d'émail , fi elle eft convexe; fi elle
eu plane , il faut que la quantité du contre-
émailioM la même que celle de X émail. On
commence par le conixe-émail , ck l'on
opère comme nous l'avons prefcrit ci-def-
fus ; il faut feulement laifier au contre-
émail un peu d'humidité, fans quoi il en
pourroit tomber une partie lorfqu'on vien-
clroit à frapper avec la fpatuie les côtés de
EMA
la plaque, pour faire ranger V émail à fa
furface , comme nous l'avons prefcrit.
Lorfque les pièces ont été fufnfamment
chargées ckpailéesaufeu , oneft obligé de
les ufer , fi elles font plates ; on fe fert
pour cela de la pierre à affiler les tranchets
des cordonniers : on l'humecte , on la
promené fur ïémail avec du grès tamifé.
Lorfque toutes les ondulations auront été
atteintes ck effacées , on enlèvera le traits
du fable avec l'eau ckla piere feule. Cela
fait , en lavera bien la pièce , en la fayetant
ck brofifant en pleine eau. S'il s'y efi formé
quelques petits œillets , ck qu ils foient
découverts , bouchez-les avec un grain
cYémail, ck repafTez votre pièce au feu,
pour la repolir. S'il en paroît qui ne foient
point percés, faites-y un trou avec une
ongletteou burin : remplilTez ce trou , de
manière que Ycmail forme au deffus un peu
d'éminence, ek remettez au feu;l'émi-
nence venant à s'affaifttr par le feu, la
furface de votre plaque fera plane ck égale.
Lorfque la pièce ou plaque eft préparée,
il s'agit de la peindre. 11 faut d'abord /è
pourvoir de couleurs. La préparation de
ces couleurs eft un fecret ; cependant nous
avons quelque efperance de pouvoir la
donner à. {'article PORCELAINE. Voye^
cet article. 11 faudroit tâcher d'avoir les
couleurs broyées au point qu'e les ne fe
fentent point inégales fous la molette , de
les avoir en poudre, delà couleur qu'elles
viendront après avoir été parfonduts,! elles
que, quoiqu'elles aient été couchées fort
épais , efes ne croûtent point , ne piquent
point Yémail , ou ne s'enfoncent point ,
après plufieurs feux , au defïbus du niveau
de la pièce. Les plus dures à fe parfondre
paiTent pour les meilleures ; mais fi on
pouvoit les accorder toutes d'un fondant
qui en rendît le parfond égal, il faut con-
venir que 1 artifte en travailleroit avec
beaucoup plus de facili é : c'e.l-là un des
points de perfection que 'ceux qui s'occu-
pent de la préparation des couleurs pour
1 'émail , devroient fe propofer. li faut avoir
grand loin , fur-tout dans les commence-
mens , de tenir regsitte de leurs qualités ,
afin de s'en fervir avec quelque sûreté ; il
y aura beaucoup à gagne! à taire des notes
de tous les mélanges qu'on en aura ellayés.
E M A
Il faut tenir fes couleurs renfermées clans
de pentes boîtes de buis qui foient étique-
tées 6k numérotées.
Pour s'afïiirer des qualités de (es couleurs,
on aura de petites plaques d'émail qu'on
appelle inventaires : on y exécutera au
pinceau des traits larges comme des len-
tilles ; on numérotera ces traits, 6k Ton
mettra l'inventaire au feu. Si l'on a obfervé
de coucher d'abord la couleur égale ck
légère , 5c de repafTer enfuite fur cette
première couche de la couleur qui fafie des
épaifTeurs inégales , ces inégalités déter-
mineront , au fortir du feu , la foiblelTe , la
force 6k les nuances.
C'eft ainfi que le peintre en émail
formera fa palette , ainfi la palette d'un
émailléur eft, pour ainfi dire, une fuite
plus ou moins confidérable d'effais numé-
rotés fur des inventaires , auxquels il a
recours félon le befoin. Il eft évident que
plus il a de ces efîais d'une même couleur
ck de couleurs diverfes , plus il complète
fa palette ; ck ces efîais font ou de couleurs
pures ck primitives , ou de couleurs réful-
tantes du mélange de plufieurs autres.
Celles-ci fe forment pour Vémail, comme
pour tout autre genre de peinture : avec
cette différence que dans les autres genres
de peinture les teintes reftent telles que
l'artifteles aura appliquées ; au lieu quedans
la peinture en émail , le feu les altérant
plus ou moins d'une infinité de manières
différentes , il faut que l'émail'eur en
peignant ait la mémoire préfente de tous
ces effets ; fans cela il lui arrivera de faire i
une teinte pour une autre, 6k quelquefois j
de ne pouvoir plus recouvrer la teinte qu'il I
aura faite. Le peintre en émail a , pour
ainfi dire , deux palettes , l'une fous les
yeux , 6k l'autre dans l'efprit ; 6k il faut
qu'il foit attentif à chaque coup de pinceau
de les conformer entr'elles ; ce qui lui
feroit très-difficile , ou peut-être impolli-
ble , fi , quand il a commencé un ouvrage ,
il interrompoitfon travail pendantquelque
temps confidérable, 11 ne fe fouviendroit
plus de la manière dont il auroit compofé
fes teintes , 6k il feroit expofé à placer à
chaque inftant ou les unes fur les autres ,
ou les unes â côté des autres , des couleu rs
qui ne font point faites pour aller enfemble.
E M A 1S7
Qu'on juge par-là combien il eft difficile
de mettre d'accord un morceau de peinture
en émail , pour peu qu'il foit confidérable.
Le mérite de l'accord dans un morceau ,
peut être fenti prefque par tout le monde ;
mais il n'y a que ceux qui font initiés dans
l'art, qui puilTent apprécier tout le mérite
de l'artifte.
Quand on a (es couleurs, il faut fe pro-
curer de l'huile eftentielle de lavande , 6k
tâcher de l'avoir non adultérée; quand on
l'a , on la fait engraiffer : pour cet effet y
on en met dans un gobelet dont le fond
foit large , à la hauteur de deux doigts ; on
le couvre d'une gaze en double > 6k on
l'expofe au foleil, jufqu'à ce qu'en incli-
nant le gobelet on s'apperçoive qu'elle
coule avec moins de facilité , 6k qu'elle
n'ait plus que la fluidité naturelle de l'huile
d'olive : le temps qu'il lui faut pour s'en-
graiffer eft plus ou moins long félon la
faifon,
On aura un gros pinceau à l'ordinaire
qui ne ferve qu'à prendre de cette huile.
Pour peindre , on en fera {faire avec du
poil de queues d'hermines ; ce font les
meilleurs, en ce qu'ils fe vuident facile-
ment de la couleur 6k de l'huile dont ils
font chargés quand on a peint.
Il faut avoir un morceau de cryftal de
roche , ou d'agate , que ce cryftal foit un
peu arrondi par les bords ; c'eft là-deiïus
qu'on broiera 6k délaiera fes couleurs ; on
les broiera 6k délaiera jufqu'à ce qu'elles
faflent fous la molette la nrême fenfation
douce que l'huile même.
"SU faut avoir pour palette un verre ou
cryftal qu'on tient pofé fur un papier blanc;
on portera les couleurs broyées fur ce
morceau de verre ou de cryftal ; 6k le papier
blanc fervira à les faire paroître à l'œil telles
qu'elles font.
Si l'on vouloit faire fervir des couleurs
broyées du jour au lendemain, on auroit
une boîte de la forme de la palette ; on
colleroitun papier fur le haut de la boîte ;
ce papier foutiendroit la palette qu'on cou-
vriroit du couvercle même de la boîte ;
caria palette ne portant que fur les bords
de la boîte , elle n'empêcheroit point que
le couvercle ne fe pût mettre! Mais il arri-
vera que le lendemain les couleurs deman-
Aa 2
188 E M A
deiont à être humectées avec de l'huile
nouvelle, celle de la veille s'étantengraif-
fée par i'évaporation.
On commencera par tracer fon deffin :
pour cela , on fe fervira du rouge de mars ;
on donne alors la préférence à cette cou-
leur, parce qu'elle eft légère , &c qu'elle
n'empêche point les.couleurs qu'on appli-
que deflus , de produire l'effet qu'on en
attend. On deffinera fon morceau en entier
avec le rouge de mars ; il faut que ce pre-
mier trait foit de la plus grande correction
poffible , parce qu'il n'y a plus à y revenir.
Lefeupeutdétruirecequel'artifteaurabien
ou mal fait ; mais s'il ne détruit pas , il fixe
& les défauts & les beautés. Il en eft de
cette peinture à-peu-près ainfiquede la
frefque ; il n'y en a point qui demande
plus de fermeté dans le deffinateur, & il
n'y a point de peintres qui foient moins
5.ûrs de leur deffin que les peintres en émail :
il ne feroit point difficile d'en trouver la
raifon dans la nature même de la peinture
en émail; fes inconvéniens doivent rebuter
les grands talens.
L'artifte a à côté de lui une poêle où
l'on entretient un feu doux ck modéré fous
la cendre ; à mefure qu'il travaille, il met
fon ouvrage fur une plaque de tôle percée
de trous , & le fait fécher fur cette poêle :
û on l'interrompt , il le garantit de l'im-
preffion de l'air , en le tenant fous un
couvercle de carton.
Lorfque tout fon deffin eft achevé au
rouge de mars , il met fa plaque fur un
morceau de tôle , & la tôle fur un feu
doux , enfuite il colorie fon deffin comme
il le juge convenable. Pour cet effet , il
commence par paffer fur l'endroit dont il
s'occupe , une teinte égale & légère , puis
il fait fécher; il pratique enfuite fur cette
teinte les ombres avec la même couleur
couchée plus forte ou plus foible , & fait
lécher ; il accorde ainfi tout fon morceau ,
obfervant feulement que cette première
ébauche foit par-tout extrêmement foible
de couleur ; alors fon morceau eft en état
de recevoir un premier feu.
Pour lui donner ce premier feu, il faudra
d'abord l'expofer fur la tôle percée, à un
feu doux dont on augmentera la chaleur
à mefure que l'huile s'évaporera. L'huile à
E M A
force de s'évaporer , & la pièce à force
de s'échauffer , il arrivera à celle-ci de fe
noircir fur toute fa furface : on la tiendra
fur le feu jufqu'à ce qu'elle celle de fumer.
Alors on pourra l'abandonner fur les char-
bons ardens de la po'ële, & l'y lailTer juf-
qu'à ce que le noir foit diffipé, & que les
couleurs foient revenues dans leur premier
état : c'eft le moment de la palier au feu.
Pour la pafTer au feu , on oblëi vera de
l'entretenir chaude ; on chargera le four-
neau , comme nous l'avons prefcrit plus
haut ; c'eft le temps même qu'il mettra à
s'allumer, qu'on emploiera à faire fécher
la pièce fur la poêle. Lorfqu'on aura lieu de
préfumer , à la couleur rouge-blanche de la
moufle , qu'il fera fuffifamment allumé ; on
placera la pièce & fa tôle percée fous la
moufle , le plus avancées vers le fond qu'on
pourra. On obfervera entre les charbons
qui couvriront fon entrée , ce qui s'y paf-
fera. Il ne faut pas manquer l'inftant où la
peinture fe parfond , on le connoîrra à un
poli qu'on verra prendre à la pièce fur toute
fa furface ; c'eft alors qu'il faudra la retirer.
Cette manœuvre eft très-critique : elle
tient Partifte dans la plus grande inquié-
tude ; il n'ignore pas en quel état il a mis fa
pièce au feu , ni le temps qu'il a employé à
la peindre: mais il ne fait point du tout
comment il l'en retirera, ck s'il ne perdra
pas en un moment le travail affidu de plu-
fieurs femaines. C'eft au feu , c'eft fous la
moufle que fe manifeftent toutes les mau-
vaises qualités du charbon, du métal , des
couleurs &: de ['émail; lespiquures, les
fouflures , les fentes mêmes. Un coup de
feu efface quelquefois la moitié de la pein-
ture ; &t de tout un tableau bien travaillé,
bien accordé , bien fini , il ne refte fur le
fond que des pies, des mains, des têtes,
des membres épars & ifolés ; le refte du
travail s'eft évanoui : auffi ai-je oui dire à
des artiftes que le temps de paffer au feu ,
quelque court qu'il (ut, étoitprefque un
temps de fièvre qui les fatiguoit davantage
& nuifoit plus à leur fanté , que des jours
entiers d'une occupation continue.
Outre les qualités mauvaifes du charbon,
des couleurs, de l'émail, du métal, aux-
quelles j'ai fouvent oui attribuer les acci-
dens du feu j on en accufe quelquefois
E M A
encore la mauvaife température de l'air \
ck même l'haleine des personnes qui ont
approché de la plaque pendant qu'on la
peignoit.
Les artiftes vigilans éloigneront d'eux
ceux qui auront mangé de l'ail, ck ceux
qu'ils foupç onneront être dans les remèdes
mercuriels.
Il faut obferver dans l'opération de paflfer
au feu , deux chofes importantes ; la pre-
mière détourner ck de retourner fa pièce
afin qu'elle foit par-tout également échauf-
fée : la féconde , de ne pas attendre à ce
premier feu que la peinture ait pris un poli
vif; parce qu'on éteint d'autant plus faci-
lement les couleurs que la couche en eft
plus légère, ck que les couleurs une fois
dégradées , Te mal eft fans remède ; car
comme elles font tranfparentes , celles
qu'on coucheroit defïus dans la fuite , tien-
cîroient toujours de la foibleiTe ck des
autres défauts de celles qui feroient delTous.
Après ce premier feu , il faut difpofer
la pièce à en recevoir un fécond. Pour
cet effet , il faut la repeindre toute en-
tière; colorier chaque partie comme il eft
naturel qu'elle le foit , ck la mettre d'ac-
cord aufli rigoureufement que fi le fécond
feu devoit être le dernier qu'elle eût à
recevoir ; il eft à propos que la couche
des couleurs foit pour le fécond feu un
peu plus forte , ck plus caraftéri fée qu'elle
ne l'étoit pour le premier. C'eft avant
le fécond feu qu'il faut rompre (es cou-
leurs dans les ombres , pour les accorder
avec les parties environnantes : mais cela
fait , la pièce eft difpofée à recevoir un
fécond feu. On la fera fécher fur la poêle
comme nous l'avons preicrit pour le pre-
mier , ck l'on fe conduira exactement de
la même manière , excepté qu'on ne la
retirera que quand elle paroîtra avoir pris
fur toute fa furface un poli un peu plus
vif que celui qu'on lui vouloit au premier
feu.
Après ce fécond feu , on la mettra en
état d'en recevoir un troifieme , en la
repeignant comme on l'avoit repeinte
avant que de lui donner le fécond ; une
attention qu'il ne faudra pas négliger, c'eft
de tonifier encore les couches des cou-
leurs , ck ainfi de fuite de feu en feu.
E M A
1S9
On pourra porter une pièce jufqu'à
cinq feux ; mais un plus grand nombre
feroit fouffrir les couleurs , encore faut-il
en avoir d'excellentes pour qu'elles puif-
fent fupporter cinq fois le fourneau.
Le dernier feu eft le moins long; on
réferve pour ce feu les couleurs tendres ,
c'eft par cette raifon qu'il importe à lar-
tifte de les bien connoître. L'artifte qui
connoîtra bien fa palette , ménagera plus
ou moins de feux à fes couleurs félon
leurs qualités. S'il a, par exemple, un bleu
tenace , il pourra l'employer dès le pre-
mier feu ; fi au contraire fon rouge eft
tendre, il en différera l'application juf-
qu'aux derniers feux , ck ainfi des autres
couleurs. Quel genre de peinture ? com-
bien de difficultés à vaincre? combien
d'accidens à eiïiryer ? voilà ce qui faifoit
dire à un des premiers peintres en émail
à qui l'on montroit un endroit foible à
retoucher , ce fera pour un autre morceau.
On voit par cette réponfe combien fes
couleurs lui étoient connues : l'endroit
qu'on reprenoit dans fon ouvrage étoit
foible à la vérité, mais il y avoit plus à
perdre qu'à gagner à le corriger.
S'il arrive à une couleur de difparoître
entièrement , on en fera quitte pour re-
peindre, pourvu que cet accident n'arrive
pas dans les derniers feux.
Si une couleur dure a été couchée avec
trop d'huile ck en trop grande quantité ,
elle pourra former une croûte fous laquelle
il y aura infailliblement des trous : dans
ce cas , il faut prendre le diamant ck
gratter la croûte , reparler au feu afin
d'unir ck de repolir l'endroit , repeindre
toute la pièce , ck fur-tout fe modérer
dans l'ufage de la couleur fufpecte.
Lorfqu'un verd fe trouvera trop brun ,
on pourra le rehauffer avec un jaune pâle
ck tendre ; les autres couleurs ne fe re-
haufleront qu'avec le blanc , &c.
Voilà les principales manœuvres de la
peinture en émail ; c'eft à-peu-près tout
ce qu'on peut en écrire; le refte eft une
affaire d'expérience ck de génie. Je ne
fuis plus étonné que les artiftes d'un certain
ordre fe déterminent fi rarement à écrire.
Comme ils s'apperçoivent que dans quel-
ques détails qu'ils puiftent entrer , ils n'en
190 E M A
diroient jamais allez pour ceux que la
nature n'a point préparés, ils négligent
de prefcrire des règles générales, com-
munes , grofîieres ck matérielles qui pour-
roient à la vérité fervir à la confervation
de l'art , mais dont l'obfervation la plus
fcrupuleufe feroit à peine un artifte mé-
diocre.
Voici des obfervations qui pourront
fervir à ceux qui auront le. courage de
s'occuper de la peinture fur l'émail ou
plutôt fur la porcelaine. Ce font des
notions élémentaires qui auroient leur uti-
lité, fi nous avions pu les multiplier, èk
en former un tout ; mais il faut efpérer
que quelque homme ennemi du myftere ,
ck bien inftruit de tous ceux de la pein-
ture fur Y émail ck fur la porcelaine , achè-
vera , rectifiera même dans un traité
complet ce que nous ne faifons qu'ébau-
cher ici. Ceux qui connoifîent l'état où.
font les chofes aujourd hui , apprécieront
les peines que nous nous fouîmes données ;
en profiteront , nous finiront gré du peu
que nous révélons de l'art, ck trouveront
notre ignorance , 6k même nos erreurs
très-pardonnables*
1. Toutes les quinreftences peuvent
fervir avec fuccès dans l'emploi des cou-
leurs en émail. On fait de grands éloges
de celle d'ambre ; mais elle eft fort chère.
2. Toutes les couleurs font tirées des
métaux , ou des bols dont la teinture tient
au feu. Ce font des argiles colorées par
les métaux-couleurs.
3. On tire du fafre un très-beau bleu.
Le cobolt donne la même couleur, mais
plus belle ; auffi celui-ci eft-il plus rare
ek plus cher ; car le fafre n'eft autre chofe
que du cobolt adultéré.
4. Tous les verds viennent du cuivre,
foit par la diflblution , foit par la calci-
nation.
5. On tire les mars du fer. Ces cou-
leurs font volatiles ; à un certain degré
de feu elles s'évaporent ou fe noirciffent.
6. Les mars font de différentes cou-
leurs , félon les difFérens fondans. Ils va-
rient aufli félon la moindre variété qu'il
y ait dans la réduction du métal en fafran.
? 7. La plus belle couleur que l'on puiffe
fe propofer d'obtenir du fer , c'eft le rouge.
E M A
Les autres couleurs qu'on en tire ne font
que des combinaifons de difFérens diiïol-
vans de ce métal.
8. L'or donnera les pourpres , les car-
mins , ck les violets. La teinture en eft
fi forte , qu'un grain d'or peut colorer
jufqu'à 400 fois fa pefanteur de fondant.
9. Les bruns qui viennent de l'or ne
font que des pourpres manques ; ils n'en
font pas moins efîentiels à l'artifte.
10. En général les couleurs qui viennent
de l'or font permanentes. Elles fouffrent
un degré de feu confidérable. Cet agent
les altérera pourtant , fi l'on porte fon
action à un degré exeeflïf. Il n'y a guère
d'exception à cette règle , que le violet
qui s'embellit à la violence du feu.
1 1 . On peut tirer un violet de la man-
ganefe ; mais il eft plus communique celui
qui vient de l'or.
12. Le jaune n'eft pour l'ordinaire qu'un
émail opaque qu'on acheté en pain , ck
que l'on broie très-fin. On tire encore
cette couleur belle , mais foncée , du jaune
de Naples.
13. Les pains de verre opaque donnent
auffi des verds : ils peuvent être trop durs ;
mais on les attendrira par le fondant.
Alors leur couleur en deviendra moins
foncée.
14. L'étain donnera du blanc.
15. On tirera un noir du fer.
16. Le plomb ou le minium donnera
un fondant ; mais ce fondant n'eft pas
fans déraut. Cependant on s'opiniâtre à
s'en fervir , parce qu'il eft le plus facile
à préparer.
17. La glace de Venife , les ftras , la
rocaille de Hollande , les pierres-à-fufil
bien mûres , c'eft-à-dire bien noires ; le
verre deNevers, les cryftauxde Bohême,
le fablon d'Etampes , en un mot toutes
les matières vitririabîes non colorées , four-
niront des fondans , entre lefquels un des
meilleurs fera la pierre-à-fufil calcinée.
18. Entre ces fondans , c'eft à l'artifte
à donner à chaque couleur celle qui lui
convient. Tel fondant eft excellent pour
le rouge , qui ne vaut rien pour une autre
couleur. Et fans aller chercher loin un
exemple , le violet ck le carmin n'ont
pas le même fondant.
EM A
19. En général toutes les matières cal- !
cinables ck coloriées après l'acTion du feu ,
donneront des couleurs pour Yémail.
20. Ces couleurs primitives produifent I
par leur nv'lange une variété infinie de
teintes dont fartifte doit avoir laconnoif- j
fance , ainfi que de l'affinité ck de l'an- \
tipaihie qu'il peut y avoir entre elles
toutes.
21. Leverd, le jaune, ck le bleu, ne
s'accordent point avec les mais , quels
qu'ils foient. Si vous mettez des mars fur
le verd ou le jaune ou le bleu , avant
que de pafTer au feu; quand votre pièce , I
foie émail , foi: porcelaine, fortira de la !
moufle , les mars auront difparu , comme I
fi l'on n'en avoit point employé. Il n'en 1
fera pas de même, (i le verd, le jaune, |
& !e bleu ont été cuits, avant que d'avoir
employé les mars.
22. Que tout artifte qui voudra s'efiayer
à peindre en émail, ait plufieurs inven-
taires , c'eft-à-dire, une plaque qui puiffe
contenir autant de petits quarrés que de
couleurs primitives; qu'il y éprouve fes
couleurs dégradées de teintes , félon le
plus ck le moins d'épaifTeur. Si l'on glace
d'une même couleur tous ces quarrés de
différentes couleurs, on parviendra nécef-
fairement à des découvertes. Le feul in-
convénient, c'eft d'éviter le mélange de
deux couleurs qui bouillonnent, quand
elles fe trouvent l'une fur l'autre avant la
cuilTon.
23. Au refte, les meilleures couleurs
mal employées , pourront bouillonner.
Les inégalités feules d'épaifTeur peuvent
jeter dans cet inconvénient ; le lijje s'en
altérera. J'entends par le lijje TégaUté d'é-
clat ck de fuperficie.
24. On peut peindre, foit à l'huile ,
foit à l'eau. Chacune de ces manières a
fes avantages. Les avantages de l'eau font
d'avoir une palette chargée de toutes
les couleurs pour un très- long temps; de
les avoir toutes à la fois fous les yeux,
ck de pouvoir terminer un morceau en
moins de feu, ck par conféquent avec
moins de danger. D'ailleurs on expédie
plub promp ement avec l'eau. Quant aux
avantages de l'huile , le poinulé elt plus
facile ; il en eft de même pour les petits
E M A 191
détails ; ck cela à caufe de la finefTe des
pinceaux qu'on emploie , & la lente éva-
poration de l'huile que l'on aura eu la
précaution d'engramer au foleil ou au
bain-marie.
25. Pour peindre à l'eau , prenez de la
couleur en poudre , broyez - la avec de
l'eau filtrée : ajoutez -y la quantité de
gomme néceiTaire ; laifTez - la fécher fur
votre palette , en la garantifTanr de la
pouffiere juiqu à ce qu'elle foit parfaite-
ment (eche : alors prenez un pinceau avec
de l'eau pure , enlevez pa~ le frottement
avec le pinceau charge d'eau toute la
fuperficie de votre couleur , pour en fé-
parer la gomme q ù fe porte toujours à
la furface. Quand vous aurez fait cette
opération à toutes vos couleurs, peignez ,
m >s a\ec le moins d'eau qu'il vous fera
pofiible ; car fi votre couleur eft trop
fluide , elle fera fujerte à couler inéga-
lement. Votre lurface fera jafpée ; c'eft
une fuite du mouvement que la couleur
auraconfervé après que l'artifle aura donné
fa touche , 6k de la pente du fluide qui
aura entraîné la couleur ; la richefle de
la teinte en fouffrira aufli. Eile deviendra
livide, plombée, louche , ce que les pein-
tres appellent noyée. Employez donc vos
couleurs les pîusfeches qu'il vous fera pof-
fible , ck le plus également; vous éviterez
en même temps les épatfTeurs. Lorfque
vous voudrez mettre une teinte fur une
autre , opérez de manière que vous ne
palliez le pinceau qu'une feule fois fur le
même endroit. Attendez que la couleur
foit feche pour en remettre une "autre par-
deffus, fans quoi vous vous expoferez à
délayer celle de deflbus ; inconvénient
dans lequel on tombe nécelTairement,
lorfque appliquant la couleur fupérieure à
plufieurs reprifes , le pinceau va ck revient
plufieurs fois fur la couleur inférieure. Si
vos contours ont befoin d'être châtiés,
prenez, pour les diminuer d'épaifTeur ,
une pointe d'ivoire ou de buis, ck les
rendez correéts en retranchant le fuperflu
avec cette pointe; évitez fur-tout le trop
de gomme dans vos couleurs. Quand elles
font trop gommées , elles fe déchirent
par veines, ck laifTeni au fortir du feu,
en fe ramaffant fur elles - mêmes , de
i^i E M A
petites traces qui forment comme un réfeau
très-fin , 6c le fond paroît à travers ces
traces , qui font comme les fils du réfeau.
N'épargnez pas les expériences , afin de
conftater la jufte valeur de vos teintes.
N'employez que celles dont vous ferez
parfaitement fur , tan/ pour la quantité de
gomme que pour Faction du feu ; vous
remédierez au trop de gomme , en re-
broyant les couleurs à l'eau , 6c y rajou-
tant une quantité fuffifante de couleurs en
poudre.
26. Le blanc eft ami de toutes les cou-
leurs; mêlé avec le carmin, il donne une
teinte rofe, plus ou moins foncée, félon
le plus ou le moins de carmin.
27. Le blanc 6c le pourpre donnent le
lilas ; ajoutez-y du bleu , & vous aurez
un violet clair. Sa propriété fera d eclair-
cir les couleurs, en leur donnant de l'o-
pacité.
28. Le bleu & le jaune produiront le
verd. Plus de jaune que de bleu donnera
un verd plus foncé ck plus bleu.
29. L'addition du violet rendra le noir
plus beau & plus fondant , & l'empêchera
de fe déchirer; ce qui lui arrive toujours,
quand il eft employé feul.
30. Le bleu 6c le pourpre formeront
un violet.
3 1 . Le bleu ne perdra jamais fa beauté ,
à quelque feu que ce foit.
32. Les verds, jaunes , pourpres , 6k
carmins , ne s'évaporent point ; mais leurs
teintes s'affoibliffent , ck leur fraîcheur fe
fane.
33. Les mars font tous volatils , le fer
fe revivifiant par la moindre fumée , l'é-
tincelle la plus légère , ils deviennent noirs
& non brillans.
Voilà l'alphabet affez incomplet de celui
qui fe propofe de peindre , foit fur F émail,
foit fur la porcelaine.
Nous avons indiqué feulement les ma-
tières d'où l'on tire les couleurs ; fi nous
pouvons parvenir à connoître les procédés
qu'il faut fuivre pour les tirer , nous les
donnerons à l'are. PORCELAINE. Parmi
tant de perfonnes qui s'intérefTent au fuc-
cès de cet ouvrage , ne s'en trouvera-t-il
aucune qui lui fafTe ce préfent ?
III. L'a rt d'employer les émaux tranfpa-
E M A
rens & clairs. Ce travail ne fe peut faire
que fur l'or; ou , fi l'on veut appliquer
des émaux clairs 6c tranfparens fur le cui-
vre , il faut ( félon quelques auteurs )
mettre au fond du champlever une couche
de verre ou d'émail noir , 6t couvrir cette
couche d'une feuille d'or qui reçoive en-
fuite les autres émaux. Quand au travail
fur l'or, on commencera par tracer fon
deflin fur la plaque , par le champlever
ôk par exécuter , comme en bas-relief,
au fond du champlever, toutes fes figures,
de manière que leur point le plus élevé foit
cependant inférieur au filet de la plaque.
La raifon en eft évidente; car ce font les
différentes diftances du fond à la furface
qui font les ombres ck les clairs : mais
comme une peinture en général n'eft qu'un
afTemblage d'ombres 6c de clairs con-
venablement distribués , on parvient à
grouper des figures dans le genre même
de peinture dont il s'agit.
On prétend qu'il faut que l'or employé
foit très-pur; parce que les émaux clairs
mis fur un or bas, plombent, c'eft-à-dire
qu'il s'y forme un louche qui en obfcurcit
la couleur 6c la bordure.
Lorfque la plaque a été ébauchée à
lechope , on la finit avec des outils dont
le tranchant eft moufle , parce qu'il faut
que tout l'ouvrage foit coupé d'un poli
bruni , fans quoi on appercevroit au tra-
vers des émaux les traits grofliers du
deffin.
Cela fait , il faut broyer des émaux.
Les broyer, pour cette efpece de peinture r
c'eft feulement les mettre en grain , en
forte qu'on les fente graveleux fous le
doigt. Plus on pourra les employer gros y
plus les couleurs feront belles.
On charge comme pour X émail ordi-
naire , obfervant de diftribuer fur chaque
partie du deflin la couleur qu'on croit lui
convenir , fi le fujet eft à plusieurs cou-
leurs ; 6c de charger également par-tout ,
û c'eft un camaïeu.
On voit combien il feroit à fouhaiter
pour la perfe&ion de cette peinture , qu'on
eût quelque matière tranfparente 8c molle >
qui pût recevoir toutes fortes de couleurs y
6c dont on pût remplir 6c vuider facilement
le champlever de' la pièce. L'artifte ,. à
l'aide
E M A
l'aide de cette matière , verfoit d'avance
l'effet de (es émaux y donneroit à fon
charnplever , ou plutôt aux parties de fon
bas-relief, les profondeurs convenables;
diftribueroir d'une manière plus sûre &
mieux entendue (es ombres & Ces clairs ,
& formeroit un tableau beaucoup plus
parfait. Je ne fais fi le vernis à l'eau de
cire de M. Bachelier , n'auroit pas toutes
les conditions requifes pour cet ufage.
{Voye\ V article ENCAUSTIQUE. ) L'idée
de perfectionner ainfi l'art d'employer les
émaux tranfparens , eft de M. de Montami ,
qui , au milieu d'une infinité de diftrac-
tiorrs , fait trouver àes inftans à donner
à l'étude des fciences & des arts , qu'il
aime & qu'il cultive en homme que la
nature avoit évidemmenc deftiné à les per-
fectionner.
Lorfque la pièce eft chargée , on la laifîe
fécher à l'air libre. Pour la paffer au feu ,
on allume le fourneau à l'ordinaire : quand
il eft affez chaud , on préfente la pièce à
l'entrée de la moufle ; 11 elle fume , on la
laifîe fécher; fi elle ne fume pas, on la
laifTe un peu s'échauffer : on la pouffe en-
fuite tout-à-fait fous la moufle ; on l'y tient
jufqu'à ce que les émaux fe foient fondus
comme à l'ordinaire.
Après ce premier feu , on la charge une
féconde fois , mais feulement aux endroits
où ¥ émail s'eft trop afraiffé , & qui fe
trouvent trop bas. La première fois la pièce
avoit été également chargée par-tout , &
les émaux s'élevoient un peu au defïùs du
niveau de la plaque.
Après que la pièce a été rechargée dY-
mail y on la paffe au feu comme la première
fois.
Cela fait , il s'agit d'ufer les émaux avec
le grès. Cette manœuvre ne s'exécute pas-
autrement que nous l'avons prefcrit dans
Y art de peindre fur V émail blanc. Lorfque
la pièce eft ufée , on la repaffe au feu qui
l'unit & la polit ; & l'ouvrage eft achevé.
Au lieu d'ufer & de polir ces émaux y
comme nous l'avonsNçlit de Y émail blanc ,
on peut y employer le lapidaire.
. Les émailleurs en émaux clairs & tranf-
parens 9 ont deux verds ; le verd de pré ,
& le verd d'aigue-marine ; deux jaunes ,
un pale & un foncé : deux bleux , un
Tome XII.
E M A 193
foncé & un noir ; un violet ; un couleur
de rofe , & un rouge. Les émaux tranfpa-
rens , purpurins & violets, viennent très-
beaux fur l'argent ; mais ils s'y attachent
mal.
La manœuvre du feu eft la même pour
toutes ces couleurs , excepté pour le rou-
ge ; encore y a-t-il un rouge que les
artiftes appellent le pont-aux-ânes , parce
qu'il vient rouge fins art , & qu'il fè
trouve quelquefois aufli beau que celui
qu'on traite avec beaucoup de peine & de
foin.
Quant à l'autre rouge, voici comment
il s'emploie. Il faut le broyer à l'ordinaire,
& l'appliquer fur un or à vingt-trois carats,
fi l'on veut qu'il foit beau ; car le moin-
dre alliage le gâte. Si l'or eft abfolument
pur , le rouge viendra le plus beau qu'il efl
polhble.
Quand il eft broyé , on le charge à l'or-
dinaire , en deux feux qu'il faut lui donner
les plus violens. Il fort de ces feux d'une
belle couleur de paille.
Si l'on veut que la pièce foit ufée , c'efl
alors qu'il faut l'ufer. Enfuite on fait revenir
Y émail de couleur rouge , en le préfentant
à l'entrée de la moufle , & tournant & re-
tournant la pièce , jufqu'à ce que le rouge
ait pris une teinte égale.
Il faut que la pièce foit refroidie ,
quand on la préfente à l'entrée de la
moufle.
Pour connoître fes couleurs , il faut que
l'artifte ait de petits morceaux d'or où il
a pratiqué autant de logemens chample-
vés , qu'il a de couleurs. Il en flinquera
le fond avec un infiniment poli : il les
chargera enfuite , & les parlera au feu ;
voilà ce qui lui tiendra lieu de palette , &
ce qui le dirigera dans l'application de fes
émaux.
Parmi les émaux clairs & tranfparens ,
il y en a beaucoup de défectueux. Leur
défaut eft de laiffer trop peu de temps k
l'artifte pour charger fa pièce. Pour peu
qu'il foit lent à cette opération , leurs cou-
leurs deviennent louches & bourbeufes , et
dont on ne s'apperçoit malheureufement
qu'au fortir du feu.
Il eft donc important de charger vue,
& plus encore de n'avoir point de ces
Bb
j94 E M A
émaux dont les couleurs font incons-
tantes.
On préfume que c'eft l'eau qui les al-
tère ; cependant il y en a de fi bonnes,
qu'on les garderoit huit jours entiers dans
l'eau , fans qu'elles perdiflent rien de leur
éclat.
IV. L'art d'cmploycrVémailà la lampe.
C'eft de tous les arts que je connoHTe un
des plus agréables & des plus amufans : il
n'y a aucun objet qu'on ne puifTe exécu-
ter en émail par le moyen du feu de la
lampe , & cela en très-peu de temps , &
plus ou moins parfaitement félon qu'on a
une moindre ou une plus grande habitude
de manier les émaux y & une connoif-
faace plus ou moins étendue de l'art de
modeler. Pour exceller dans ce genre , il
ieroit donc à propos de commencer par
apprendre le deiïln pendant quelque temps ,
& de s'occuper enfuite avec quelque affi-
duité à modeler toutes fortes d'objets &
de figures.
Pour travailler à la lampe , il faut com-
mencer par fe procurer des tubes de verre
de toutes fortes de groffeurs & de toutes
fortes de couleurs ; des tubes d'émail de
toutes fortes de grondeurs & de toutes fortes
de couleurs , & des baguettes d'émail de
verre folides de toutes fortes de groffeurs &
de toutes fortes de couleurs.
Il faut avoir une table large & haute
à difcrétion ,, autour de laquelle on puifïe
placer commodément pîufieurs lampes &
pluiieurs ouvriers , & fous laquelle on ait
adapté un grand foufflet à double vent,
que l'un des ouvriers met en mouvement
avec le pié , pour aviver & exciter la
flamme des lampes , qui étendue en lon-
gueur par ce moyen , & refîèrrée dans
un efpace infiniment étroit , relativement
à celui qu'elle occupoit auparavant , en
devient d'une ardeur & d'une vivacité in-
croyable.
Il faut que des rainures pratiquées dans
l'épai fleur du deflbus de la table , & re-
couvertes de parchemin , fervent à con-
duire le vent à des tuyaux placés devant
chaque lampe. Ces tuyaux font de verre 't
ils font recourbés par le bout qui dirige
le- vent dins le corps de la flamme de la
iamxe» Le trou dont ils font gercés à ce
E M A
bout eft afTez petit. Il s'agrandit à l'ufer ,
mais on le rétrécit au feu de la lampe même ,
en le tournant quelque temps à ce feu. II
faut avoir pluiieurs de ces tuyaux qui font
la fonction de chalumeaux , afin d'en re-
changer quand il en eft befoin : on les appelle
porte-vents.
Afin que l'ouvrier ne foit point incom-
modé de l'ardeur de la lampe , il y a entre
la lampe & lui un morceau de bois quarré ,
ou une platine de fer-blanc , qu'on appelle
un éventail. L'éventail eft fixé dans l'établi
par une queue de bois , & l'ombre en eft
jetée fur le vifage de l'ouvrier.
La lampe eft de cuivre ou de fer-blanc.
Elle eft compofée de deux pièces ; l'une ,
qu'on nomme la boîte y & l'autre qui
retient le nom de lampe recette dernière
eft contournée en ovale ; fa furfacc eft
plate , fa hauteur eft d'environ 2. pouces ,
& fà largeur d'environ 6 pouces. C'eft
dans fa capacité qu'on verfe l'huile & qu'on
met la mèche. La mèche eft un gros faifeeau
de coton ; c'eft de l'huile de navette qu'on
brûle. La boîte dans laquelle la lampe eft
contenue , ne fert qu'à recevoir l'huile que
l'ébullition caufée par la chaleur du feu
pourroit faire répandre. Une pièce quarrée
d'un pouce de hauteur , foutient & la boîte
& la lampe.
Il eft très-à-propos qu'il y ait au deflus
des lampes un grand entonnoir renverfé r
qui reçoive la fumée & qui la porte hors
de l'attelier.
On conçoit aifément qu'il faut que l'at-
telier de l'émailleur à la lampe foit obfcur r
& ne reçoive point de jour naturel , fans
quoi la lumière naturelle éclipferoit en partie
la lumière de la lampe , & l'ouvrier n'ap-
percevant plus celle-ci affez diftin&ement ^
ne travailleroit pas avec afTez de fureté.
L'attelier étant ainfi difpofé & garni de
pîufieurs autres inftrumens dont nous ferons
mention ci -après, il s'agit de travailler.
Nous n'entrerons point dans le détail de
tous les ouvrages qu'on peut former à la
lampe : nous avons averti plus haut , qu'il
n'y avoit aucun objet qu'on ne pût imiter..
Il fufHra d'expofer la manœuvre générale
des plus importans.
Les lampes garnies & allumées , & le
foufflet mis en a&ion, fi l'émailleur fe
E M A
propofe de faire une figure d'homme ou
d'animal , qui foit folide , & de quelque
grandeur , il commence par former un
périt bâti de fil d'archai ; il donne à ce
petit bâti la difpofition générale des mem-
bres de la figure à laquelle il fervira de
foutien. Il prend le bâti d'une main , &
une baguette d'email folide de l'autre : il
expofe cet émail à la lampe ; & lorfqu'il
eft fuffifamment en fufion , il l'attache à
fon fil d'archai , fur lequel il le contourne
par le moyen du feu , de (es pinces rondes
& pointues , de (es fers pointus & de (es
lames de canif, tout comme il le juge à
propos ; car les émaux qu'il emploie font
extrêmement tendres , & fe modèlent au
feu comme de la pâte : il continue fon ou-
vrage comme il l'a commencé ; employant
& les émaux y & les verres , & les cou-
leurs , comme il convient à l'ouvrage qu'il
a entrepris.
Si la figure n'eft pas folide , mais qu'elle
foit creufe , le bâti de fil d'archai eft
fuperflu : l'émailleur fe fert d'un tube
d "émail ou de verre creux , de la cou-
leur dont il veut le corps de fa figure ;
quand il a fuffifamment chauffé ce tube
à la lampe , il le fouffle ; l'haleine portée
le long de la cavité du tube jufqu'à fon
extrémité qui s'eft bouchée en tondant ,
y eft arrêtée , diftend X émail par l'effort
qu'elle fait en tout fens , & le met en
bouteille : l'émailieur , à l'aide du feu &
de (es inftrumens , fait prendre à cette
bouteille la forme qu'il juge à propos ; ce
fera , fi l'on veut , le corps d'un cygne :
lorfque le corps de l'oifeau eft formé, il
en alonge & contourne le cou; il forme
le bec & la queue ; il prend enfuite des
émaux folides de la couleur convenable ,
avec lefquels il fait les yeux , il ourle le bec ,
il forme les ailes & les pattes , & l'animal
eft achevé.
Une petite entaille pratiquée avec le cou-
λeret à l'endroit où le tube commence &
a pièce finit , en détermine la féparation ;
ou cette féparation fe fait à la lampe , ou
d'un petit coup.
Ce que nous venons de dire eft appli-
cable à unit infinité d'ouvrages diftèrens.
Il eft incroyable avec quelle facilité les
fleurs s'expédient^ On fe fert d'un fii
E M A 19 j
d'archai , dont l'extrémiré fert de foutien ;
le corps de la fleur & (es feuilles s'exé-
cutent avec des émaux & des verres creux
ou folides , & de la couleur dont il eft
à propos de fe fervir félon l'efpece de
fleur.
Si l'on jette les yeux fur un attelier
d'émailleur compofé d'un grand nombre
de lampes & d'ouvriers , on en verra , ou
qui foufflent des bouteilles de baromètre
& de thermomètre , ou dont la lampe eft
placée fur le bout de l'établi , & qui te-
nant la grande pince coupante , lutent au
feu & féparent à la pince des vanTeaux
lûtes hermétiquement ; ou qui expofant
au feu une bande de glace de miroir , filent
l'aigrette ; l'un tient la bande de glace au
feu , l'autre tire le fil & le porte fur le
dévidoir , qu'il fait tourner de la plus
grande vîteflè , & qui fe charge fuccefli-
vement d'un écheveau de fil de verre d'une
fmefîe incroyable , lâns qu'il y ait rien de
plus compofé dans cette opération que ce
que nous venons d'en dire ( voye \ V article
DUCTILITÉ. ) Lorfque l'écheveau eft for-
mé , on l'arrête & on le coupe à froid de
la longueur qu'on veut : on lui donne com-
munément depuis dix pouces jufqu'à douze.
On fe fert pour le couper de la lime ou
du couperet , qui fait fur X émail l'effet du
diamant ; il l'entaille légèrement , & cette
entaille légère dirige sûrement la caflure,
de quelque grofleur que foit le filet. Voy.
Verre.
Tous les émaux tirés à la lampe font,
ronds ; fi l'on veut qu'ils (oient plats, on
fe fert pour les applatir d'une pince de
fer dont le mords eft quarré : il faut fe
j fervir de cette pince , tandis qu'ils font
encore chauds.
On verra d'autres ouvriers qui foufHe-
ront de la poudre brillante. Le fecret de
cette poudre confifte à prendre un tuyau
capillaire de verre ; à en expofer l'extré-
mité au feu de la lampe , en forte qu'elle
fe fonde & fe ferme, & à foufHer dans
le tube : l'extrémité qui eft en fufion forme
une bouteille d'un fi grand volume , qu'elle
n'a prefque plus d'épaiffeur. On laifîè
refroidir cette bouteille , & on la brife en.
une infinité de petits éclats : ce font ce»
petits éclats qui forment la poudre brillante-,
Bb 2
\€j6 E M À
On donne à cette poudre des couleurs dif-
férentes , en la composant des petits éclats
de bulles formées de verres de différentes
couleurs.
Les jayets factices dont on fe fert dans
les broderies , l'ont aufii faits d' 'émail. L'ar-
tifice en eft tel , que chaque petite partie
a lbn trou par où la foie peut palier. Ces
trous fe ménagent en tirant le tube creux
en long. Quand il n'a plus que le dia-
mètre qu'on lui' veut , on le coupe avec
la lime ou le couperet. Les maillons dont
on fe fert dans le montage des métiers de
plufieurs ouvriers en foie , ne fe font pas
autrement.
On fait avec Xémail des plumes avec
lefquelles on peut écrire & peindre. On
en fait aufii des boutons : on a des moules
pour les former, & des cifeaux pour les
couper.
On en travaille des yeux artificiels , àcs
cadrans de montre , des perles fauflfes. Dans
un attelier de perles foufflées , les uns
foufflent ou des perles à olive , ou des
perles rondes , d'autres des boucles d'o-
reilles , ou des perles baroques. Ces perles
paflènt des mains de Pémailleur , entre
les mains de différentes ouvrières ; leur
travail eft de fouffler la couleur d'écaillé de
poifibn dans la perle ; de faffer les perles
dans je carton , afin d'étendre la couleur
au dedans de la perle ; de remplir la perle
de cire ; d'y paffer un petit papier roulé ;
de mettre les perles en collier , Ùc. Voyez
Perle.
Lorfque l'émailleur travaille , il eft affis
devant la table , le pie fur la marche qui
fait haufler & baiffer le foufflet , tenant de la
main gauche l'ouvrage qu'il veut émailler ,
ou les fils de fer ou de laiton qui ferviront
de foutien à la figure , conduifant de la
main droite le fil d'émail amolli par le feu
de la lampe , & en formant des ouvrages
avec une adreiïè & une patience également
admirables.
Il eft très-difficile de faire à la lampe de
grandes pièces ; on n'en voit guère qui paf-
l'ent quatre , cinq , fix pouces.
Nous ne finirons pas cet article fans
indiquer un ufage affez important de la
lampe de l'émailleur ; c'efl: de pouvoir fa-
cilement y réduire une petite quantité
E M A
de chaux métallique , ou y effayef une
pareille quantité de minéral. Pour cet effet
il faut pratiquer un creux dans un charbon
de bois , y mettre la chaux à réduire,
ou la matière à fondre , & faire tomber
defîus la flamme de la lampe. On voit que
c'efl encore un moyen très-expéditif pour
fouder.
Emall (Cadrans d'), (Horlog.)
plaque de cuivre émaillée , lur laquelle on
peint les heures. Voy. Cadran, Hor-
logerie, & Plaque ( Horlog. )
* EMAIL , ( Anat. ) V émail de la dent
eft une matière tout-à-fait différente de
l'os ; il eft compofé d'une infinité de
petits filets qui font attachés fur l'os
par leurs racines , à-peu-près comme les
ongles & les cornes. On diftingue très-
facilement Y émail dans une dent calîée ;
on y voit tous ces filets prendre leur
origine vers la partie de l'os qui touche
la gencive , s'incliner vers l'os , & fe cou-»
cher les uns fur les autres , de manière
qu'ils font prefque perpendiculaires fur la
bafe de la dent ; par ce moyen , ils reflè-
tent davantage à l'effort. M. de la Hire
le fils a obfervé que dans les adultes l'os
de la dent ne croît point , mais feulement
¥ émail ; il eft perfuadé que les filets de cet
émail s'étendent comme ceux des ongles..
Si l'émail d'une dent fe détruit , l'os fèt
carie, & la dent périt. Voye\ DENT»
Voye\ les mémoires de V Académie } ann*
1699.
EMAILLER , travadler en émail : ce.
mot fe dit aufii pour fignifier peindre en
émail.
EMAILLEUR , f. m. {Artméch.) C'efl
l'ouvrier qui travaille en émail , qui en
couvre & orne les métaux , qui en fait
à la lampe des ouvrages curieux.
Ce nom , qui ne devroit être propre
qu'à ceux qui font l'émail , eft devenu,
commun aux orfèvres & joailliers qui mon-
tent les piçrres précieufes , aux lapidaires ti
qui les contrefont , aux peintres qui pei-
gnent eo mignature fur l'émail , aux pa-
tenôtriers & boutonniers en émail & en
verre , aux marchands verriers , aux cou-
vreurs de flacons & bouteilles d'ofier y
aux financiers , &c.
Mais les Emailkurs proprement dits^
E M A
font ceux qu'on appelle Patenôtriers &
Boutonniers en émail.
Ces derniers ont compofé pendant fort
long-temps une communauté particulière ;
mais ils font à préfent corps avec les
maîtres Verriers-Faïanciers , à qui ils ont
été unis.
L'édit de leur érection en corps de ju-
rande a été donné en 1566' par Charles
IX , & enrégiffré la même année. En 1 Çco ,
Henri IV confirma leurs ftatuts , & y
ajouta quelques articles. Enfin Louis XIV
réunit les deux communautés des Email-
leurs & clés Verriers , pour ne faire à l'ave-
nir qu'un feul & même corps , fans cepen-
dant déroger à leurs flatuts.
Les ftatuts de l'édit de Charles IX con-
tiennent vingt articles , & l'augmentation
accordée par les lettres patentes d'Henri
IV trois autres.
Par l'édit , les maîtres n'avoient que la
qualité de Patenôtriers & Boutonniers en
émail ; les lettres y ajoutèrent le verre &: le
cryfkllin.
La communauté efl régie par quatre
jurés , dont deux s'élifent par année.
Pour être reçu maître , il faut avoir fait
cinq ans & huit jours d'apprentiffage ; &
après une information préalable de vie
& mœurs , un apprentif eft admis au chef-
d'œuvre.
Chaque maître ne peut avoir qu'un fèul
apprentif à la fois.
Les veuves reftant en viduité, jouifîênt
du privilège de leur défunt mari ; à l'ex-
ception des apprentifs qu'elles ne peuvent
pas engager , mais bien les continuer.
Les veuves & les filles de maîtres don-
nent la franchife aux apprentifs qu'elles
époufent.
Les maîtres de la communauté peuvent
faire toutes fortes de patenôtres , boutons
d'émail , dorures fur verre & émail , pen-
dans d'oreilles jolivetés , & autres ouvrages
femblables , avec émail , canon , & cryf-
tallin parlant par le feu & fourneau.
Ils peuvent auffi enfiler toutes ceintures ,
carcans , chaînes , colliers , bracelets , pa-
tenôtres & chapelets , de mêmes matières
& de pareille fabrique , & même les en-
richir & qrner d'or & d'argent battu &
«aouJu»
E M A \<)j
En 1706 , ies Emailleurs furent unis
avec les Verriers ; & il lut réglé que pen-
dant les dix. premières années les quatre
jurés feroient élus avec égalité , c'eft-à-
dire , de façon qu'il y auroit deux Email-
leurs & deux Verriers ; & qu'après les
dix ans expirés , l'élection feroit entière-
ment libre , & fe feroit à la pluralité des
voix.
Au moyen de cette union , ils ont tous
également la qualité de maîtres Emailleurs 9
Patenôtriers , Boutonniers en émail , verre ,
& cryftalliri , marchands Verriers , Cou-
vreurs de flacons & bouteilles en ofier ,
faïance , & autres efpeces de verres de la
ville & fauxbourgs -de Paris. Voye\ les
réglemens de Communautés , & le diction,
de Commerce.
EMAILLURE , f. f. (Art méch.) terme
qui lignifie l'application de V émail fur
quelque autre matière. Il fe dit fort bien
aufli de l'ouvrage même qu'on a émailié.
V. les articles EMAIL DEMAILLER.
EMAILLURES , ( Vénerie. ) fe dit des
taches roufTes qu'on voit fur les pennes de
l'oifeau de proie.
EMANATIONS , f. f. pi. ( Phyf. ) on
appelle ainfi des écoulemens ou exhalai-
fons de particules ou de corpufcules fub-
tils , qui fortent d'un corps mixte par une
efpece de tranfpiration. Vqy. TRANSPI-
RATION. Ce mot vient du latin manare
ou emanare , émaner , iortir.
Il efr certain qu'il fort de pareilles éma-
nations des corps qui nous environnent;
par exemple , que les plantes & les animaux
tranfpirent , que les fluides s'évaporent ,
&c. Perfonne ne doute non plus que les
corps odoriférans n'envoient continuelle-
ment des émanations y & que ce ne foit
par le moyen de ces émanations y qu'ils
excitent en nous la fenfation de l'odeur.
Voye\ Odeur.
Il y a des corps qui envoient des éma-
nations continuelles, fans perdre fènfi—
blement ni de leur volume , ni de leur
poids , comme la plupart des corps odo-
riférans : la perte qu'ils foufïrent par Pé-
miffion continuelle de ces émanations y
eft peut-être réparée par la réception
d'autres émanations femblables de corps 4$
même efpece ^ répandus dans l'air.
1^8 E M A
Quant à la loi de l'émifïïon de ces éma-
nations y voyez ^article QUALITÉ. Voy.
aujjl Emission.
Ces émanations opèrent avec beaucoup
d'efficacité fur les corps qui font dans la
jfphere de leur activité ; c'eft ce que prouve
M. Boyle dans un traité qu'il a fait exprès fur
la fubtilité des émanations. Il y fait voir
i°. que le nombre des corpufcules qui
forment ces émanations y eft prodigieu-
fement grand ; z°. qu'ils font d'une nature
fort pénétrante ; 30. qu'ils fe meuvent
avec une grande vîteffe , & dans toutes
fortes de directions ; 40. qu'il y a fouvent
une reflemblance , & d'autres fois au con-
traire une différence furprenante du volu-
me & de la forme de ces émanations aux
pores des corps dans lefquels ils pénètrent ,
& fur lefquels ils agifïént ; $°. qu'en par-
ticulier dans les corps des animaux , ces
émanations peuvent exciter de grands
mouvemens dans la machine , & produire
par-là de grands changemens dans l'éco-
eomie animale ; enfin qu'elles ont quelque-
fois , pour ainfi dire , la faculté de tirer du
fecours dans leurs opérations , des agens
les plus univerfels que nous connoiffons
dans la nature , comme de la gravité, de
la lumière , du magnétifme , de la prefllon
de l'atmofphere , &c.
Les émanations peuvent s'étendre à de
grandes diftances. En voici une preuve
qui , félon quelques auteurs , eft d'un grand
poids. Nos vins deviennent troubles dans
les tonneaux, précifément au même temps
où les raifins le trouvent à leur degré de
maturité dans les pays éloignés d'où le vin
nous a été apporté ; mais cette preuve
ne paroît pas fort convaincante : car ne
pourroit-on pas dire que c'eft l'air qui
caufe cette fermentation , fans avoir re-
cours à des particules qui s'échappent des
corps qui fermentent ? Une des meilleures
preuves qu'on puifîè apporter de la diftance
à laquelle s'étendent les émanations 9 c'eft
qu'on reçoit en pluiieurs cas les émanations
odoriférantes à la diftance de plufieurs
lieues. De plus , on prouve encore par
plufieurs obfervations , que la plupart des
émanations retiennent la couleur , l'odeur ,
&: les autres propriétés & effets des corps
d'où elles proviennent ; & cela après même
E M A
qu elles ont pafle par les pores d'autres
corps folides. C'eft ainfi que les émana*
dons magnétiques pénetrem même le?
corps les plus folides, fans fouffrir aucune
altération dans leur nature , ni rien perdre
de leur force.
Plufieurs auteurs , à la tête defquels eft
M. Newton , veulent que la lumière foit
produite par une émanation de corpufcules
qui s'élancent du corps lumineux. Si ce
fyftême, qui eft appuyé fur des preuves
très-fortes , étoit vrai , il ferviroit à prou-
ver combien les émanations peuvent être
fubtiles, & à quelles diftances énormes
elles peuvent s'étendre. V. LUMIERE &
EMISSION. Voye\ aujjî , fur les émana-
tions en général , tes articles ODEUR ,
Vapeur , Transpiration , Exha-
laison , Atmosphère , &c (O)
* § EMANCHE , f. f. ( BLafon. ) pièce
héraldique honorable, qui fignifie : ennemis
vaincus & dépouillés. C'eft une manche
antique , fort large par un côté & étroite
par l'autre , laquelle étant découfùe & dé-
ployée , préfente plus ou moins de pièces
triangulaires , comme enclavées dans l'écii
où elle eft pofée. En cet état , elle n'eft plus
manche , mais émanche ( manica hojïdis
dij/lita.) Plus cette pièce honorable a de
parties , plus elles font aiguës.
L' 'émanche fe place diverfement : en faf-
ces à dextre ou feneftre , en pal , en bande ,
en barre ^ en chef, en pointe. A ces deux
dernières pofitions , elle occupe le tiers du
champ.
Les partitions alternées du champ 6c
d'une émanche quelconque font toujours
en nombre impair ; mais on ne compte pas
les partitions du champ pour des pièces t
parce qu'elles font le champ lui-même.
L* émanche mal déployée.
Comme il y a dans le Blafon la manche
mal taillée , il y a auflï Vémanche mal
déployée. Cette émanche eft fi rare , qu'A
peine en trouve-t-on deux ou trois exem-
ples dans les auteurs qui fe font le plus
étendus. Ils l'appellent pointes & piles
au pluriel : mais la pointe , foit droite ,
foit renverfée , n'eft une pièce fur un
champ que lorfqu'elle y eft feule. Ainit
E M A
îc champ qui porte deux ou trois de ces
prétendues pointes ou piles , porte en effet
«ne émanche mal déployée de deux ou trois
pièces.
Outre que cette forte démanche prend
toutes les poiitions de démanche déployée ,
de plus elle monte du bas de l'écu en
haut ; defcend du chef contre bas ; ou eft
mouvante enfemble du chef, du flanc &
de la pointe , pour aboutir au milieu de
l'autre flanc.
Au lieu que la pointe ou la pile ( plus
étroite en fa largeur que le chappé ) ne tou-
che pas l'extrémité du champ.
Le champ émanché.
Le champ émanché diffère du champ
qui porte une émanche y comme le fafcé ,
de la fafce ou des fafces : le pallé , du
pal ou des pals : le bandé, de la bande
ou des bandes : le barré , de la barre ou
des barres : le coticé , des cotices : le bu-
relé , des burelles : le fufelé , le chevro-
né , le lozangé , des fufées , chevrons &
Jezanges
Seulement, dans le champ émanché,
la pièce qui borde l'un des côtés du champ
ne montre que la moitié d'elle-même , à
caufe de fa forme triangulaire ; l'autre
moitié fe fuppofe repliée au travers de l'écu.
Comme auffi, la partition oppofitedu champ
n'a que la moitié des autres partitions de
fon efpece.
Mais , pour abréger la manière de bla-
fonner , l'on compte ces deux demi-parti-
tions comme fi elles étoient entières. Ainfi
le métal & la couleur fe trouvant égaux en
nombre & en proportions , ou étant fuppo-
fès tels , leur enfemble efl néceffairement
pair , en quoi il eft femblable aux fafcé ,
pallé , bandé , barré -, coticé , burelé , fu-
felé , chevronné , lozangé. K. MEUBLES,
( Blafon. )
ÉMANCHÉ , ad), {terme de Blafon.)
fe dit de l'écu divifé par émanches des
deux émaux alternés : il diffère de l'éman-
che , en ce qu'il y a toujours des demi-
parties triangulaires mouvantes des bords.
il y a des chefs émanches.
Emanche & émanché y ont pris leurs
noms des manches des anciens qui étoient
E M A 199
fort larges en haut , fe rétréciffoient &
terminoient en pointe.
Hotman à Paris, originaire du pays deClé-
ves; parti émanché d'argent & de gueules.
De la Teifîbniere en Bourgogne & en
Breffe ; parti émanché de cinq pièces &
demie d'or fur gueules.
Choifi de Tieblemont en Champagne;
d'azur au chef d'or 9 émanché d'une demi-
pièce & de quatre pièces. ( G .D. L. T. )
EMANCIPATION , f. f. ( Jurifpr. )
efl un acte qui met certaines perfonnes hors
la puiffance d' autrui. Elle n'a lieu commu-
nément qu'à l'égard de deux fortes de per-
fonnes , qui font les mineurs , les fils de
famille ; quelques-uns y comprennent la
femme & les gens de main-morte. Il y a
encore d'autres perfonnes qui peuvent être
affranchies de la puifîance d'autrui ; mais les
actes qui leur procurent cet affranchiflê-
ment , ne font pas qualifiés d'émancipation.
Chez les Romains ^émancipation avoit
lieu feulement pour deux fortes de per-
fonnes , les mineurs & les fils de famille.
La première fe faifoit en vertu de lettres
du prince, de même qu'elle fe pratique
encore parmi nous. V. EMANCIPATION
de Mineur. L'autre, c'eft-à-dire, celle
des fils de famille, fe faifoit en diverfes
manières. V. EMANCIPATION ANASTA-
SIENNE , ANCIENNE , contracta fidu-
ciâ y de la Femme, d'un Fils de
Famille , légale , Légitime , jus-
tinienne , tacite. (a)
Emancipation anastasienne ,
étoit celle qui fe faifoit en faveur des fils
de famille , en vertu d'un referit du prince.
On l'appelloit anaftajienne , parce que
cette forme nouvelle fut introduite par une
conftitution de l'empereur Anaffafe , au
lieu de l'émancipation ancienne ou légi-
time , dont il fera parlé ci-après. U anaf-
tajienne étoit beausoup plus fimple & plus
commode que l'autre , n'y ayant à celle-ci
d'autre formalité que de faire infirmer juri-
diquement un referit , par lequel l'empereur
émancipok le fils de famille. Notre éman-
cipation des mineurs par lettres de bénéfice
cTâge, revient afïez à cette émancipation
anaftafienne. (A)
ÉMANCIPATION ANCIENNE ou LÉ-
GITIME , étoit la première forme dont
200 E M A
on ufoit d'abord chez les Romains pour
Y émancipation des fils de famille. On
Tappelloit ancienne &: légitime } parce
qu'elle dérivoit de l'interprétation de la
loi des douze tables. Cette loi portoit ,
que quand un père avoit vendu Ton fils
jufqu'à trois fois , le fils ceflbit d'être lous
fa puiffance.
Denis d'HalicarnafTe a prétendu que
cette loi devoit être prife à la lettre ,
c'efl-à-dire qu'il falloir trois ventes réelles
du fils de famille pour opérer l'émanci-
pation , en quoi la condition du fils de
famille auroit été plus rude que celle d'un
efclave , lequel, après avoir été une fois
affranchi , jouifloit pour toujours de la
liberté. Il eft vrai que la vente du fils
n'étoit pas un véritable affranchiffement
de toute puifîànce ; il pafToit de celle du
père en celle de l'acheteur. Mais tous les
auteurs anciens & modernes conviennent
que ces trois ventes du fils de famille étoient
fimulé'-s, & faites feulement pour opérer
Y émancipation.
Au commencement le fils de famille ,
par le moyen de ces ventes , pafToit en la
puifîànce de l'acheteur comme s'il fût de-
venu de condition fervile. Dans la fuite
les jurifconfultes ajoutèrent aux trois ventes
autant de manumiflions de la part de l'ache-
teur ; & il fut d'ufage , qu'à l'exception
des fils , les filles & les petits-enfans mâles
& femelles feroient émancipés par une
feule vente & une feule manumiflion. On
s'imaginoit qu'il en falloit davantage pour
le fils , comme étant lie plus étroitement
avec le père.
Ces ventes & manumiflions fe faifoient
d'abord devant le préfident ou gouverneur
de la province ; enfuite on les fit devant
le préfident de la curie.
La forme de ces émancipations étoit,
que le père naturel, en préicnce de cinq
témoins & de l'officier appelle libripens
tenant fa balance , faifoit une vente fictive
de fon fils à un étranger , en lui difant :
mancupo tibi hune filium qui meus efi ,*
Caïus , Uv. I , fit. viij de fes infiitutes >
dit même qu'il falloit fept témoins citoyens
romains.
L'acheteur donnoit au père par forme de
prix , une pièce de monnoie , en difant ;
E M A
hune hommem ex jure quiritum meum ejje
aio y if que mihi emptus eft hoc œre ccneâque
librd : au moyen de quoi le fils de fa-
mille paffoit fbus la puiifance de l'ache-
teur comme ion elckve ; enfuite ce même
acheteur affranchiffoit le fils de famille ,
lequel par un droit tacite , retournoit en
la puifîànce de fon père naturel : celui-ci
vendoit encore de même fon fils une fé-
conde & une troifieme fois , & l'acheteur
faifoit autant de manumiflions ; & après la
troifieme manumiflion , le fils de famille
ne retournoit plus en la puifîànce de fon
père naturel , mais iléroit confidéré comme
l'affranchi de l'acheteur , lequel en qualité
de patron fuccédoit au fils de famille ainfî
émancipé , & avoit fur lui tous les autres
droits légitimes.
Mais pour empêcher que Y émancipation
ne iix ce préjudice au père naturel , l'ufage
introduifit que ce père , en faifant la vente
imaginaire de fon fils , pourroit fi ipuler que
l'acheteur feroit tenu de le lui revendre ; &
à cet effet , en faifant la troifieme vente ,
le père naturel difoit à l'acheteur : ego
verb hune filium meum tibi mancupo _, eâ
conditione ut mihi remancupes ut inter
bonos bene agiet , ( id eft âge re ) ; oportet-
ne propter te tuamquefidem frauder ? L'ob-
jet de cette revente étoit afin que le père
naturel pût lui-même affranchir fon fils , &
par ce moyen devenir fon patron & fon
légitime fuccefîèur. C'eft delà que ce pade
de revente s'appellôit paclum fiducix ; IV-
mancipation faite en cette forme, emaji-
cipatio contracta fi duc iâ j & l'acheteur qui
promettoit de revendre le fils de famille ,
pater fiduciarius. Si ce paclum fiducies étoit
omis dans la vente , tous les droits fur la
perfonne du fils vendu demeuroient par-
devers l'acheteur.
Caïus dit cependant que fi les enfans ,
après avoir été vendus par leur père natu-
rel , mouroient en la puiffance de leur père
fiduciaire, le père naturel ne pouvoitpas
leur fuccéder ; que c'étoit le père fiduciaire
qui recueilloit leur iucceflion quand il les
avoit affranchis ; mais il eff évident que
Caïus n'a entendu parler que du cas où les
fils de famille mourroient dans l'intervalle
de la première à la troifieme vente : alors
c'étoit le père fiduciaire qui fuccédoit ,
parce
E M A
parce que la première &c la féconde vente
tranfporroient véritablement au père fidu-
ciaire la propriété du fils vendu , lequel ne
rentroit dans la famille de (on père natu-
rel que lors de la troifieme revente , par
un acte appelle émane ipatio , ainiî que l'ob-
ferve M. Terraflbn en fbn hijioire de la ju-
rifpr. rom.
Il eût été facile cependant d'appofer le
pacte de revente dès la première vente ,
comme dans la troifieme , & il ne falloir
pas tant de détours & de fictions pour dire
que le père fe défiftoit volontairement en
faveur de fon fils du droit de puiflance qu'il
avoit fur lui ; c'eft pourquoi cette ancienne
forme à! émancipation tomba en non-ufage ,
lorfque l'empereur Anaftafe en eut intro-
duit une plus fimple , quoiqu'il n'eût pas
abrogé l'autre. Voye-i^ ci-dev. Emancipa-
tion anastasienne , & ci-après Eman-
cipation JUSTINIENNE. {A)
Emancipation contracta fiducid , étoit
chez les Romains une des formes de l'e-
mancipation ancienne , qui fe faiioit pir le
moyen des trois ventes imaginaires avec le
paclum fiducies , c'eft-à-dire la condition de
revendre le fils de famille à fon père natu-
rel. Voyei ci-dev. Emancipation An-
cienne. (A)
Emancipation coutumiere , Voye-^
ci-aprh Emancipation légale.
Emancipation par le décès de la
Mère , étoit une efpece à' émancipation lé-
gale qui avoit lieu dans certaines coutu-
mes en faveur des enfans par le décès de
la mère , quoique le père fût encore vivant.
Dans ces provinces , les enfans étoient
comme folidairement en la puiflance de
leurs pères Se mères conjointement. Telles
font les difpofitions des coutumes de Mon-
targis , ch.vij. art. q , Vitry , art. 100 tk
24J. Château-Neuf, art. 134. Chartres,
art. 103 , &c Dreux , art. 93.
Emancipation expresse , eft celle
qui fe fait par un ade exprès , à la diffé-
rence des émancipations tacites , qui ont
lieu fans qu'il y ait aucun acte à cet effet
de la part du perc , mais feulement en
vertu d'un confentement tacite de fa part.
(A)
Emancipation de la Femme , c'eft
ainfi que la féparation de la femme d'avec
Tome XI I.
E M A ' 201
fbn mari eft appellée dans la coutume de
la Rue-Indre locale de Blois , ch. x. art,
3U(J)
Emancipation d'un Fils de famille ,'
s'entend de l'acte par lequel un fils , ou
fille , ou quelqu'un des petits-enfans étant
à la puiflance du père de famille eft mis
hors de fa puiflance.
Cette émancipation qui dérive du droit
romain , a lieu dans tous les pays de droit
écrit , &c dans quelques coutumes où la
puiflance paternelle a lieu.
Le père de famille peut émanciper les
enfans à tout âge , foit majeurs ou mi-
neurs , parce que la majorité ne fait pas
ceflèr la puiflance paternelle. L'émancipa^
tion ne met pis non plus les enfans hors
de tutele , s'ils font encore impubères ;
en ce cas le père devient leur tuteur lé-
gitime.
En pays de droit écrit , V émancipation
doit fe faire en j ugement par une déclara-
tion que fait le père , qu'il met l'enfant
hors de fa puiflance ; néanmoins dans le
rcflbrt du parlement de Touloufe , l'e-
mancipation fe peut faire devant notaires.
Dans les coutumes où la puiflance pater-
nelle a lieu , le père peut émanciper en
jugement ou devant notaires.
L'émancipation des enfans de famille fait
ceflèr la puiflance paternelle; elle ne rend
cependant pas les enfans étrangers à la fa-
mille du père , en forte qu'ils lui fuccedent
conjointement avec leurs frères 5c fœurs
qu'il a retenus en fa puiflance.
Elle n'a d'autre effet à l'égard du pere ,
que de délivrer l'enfant de la puiflance pa-
ternelle , d'ôter au pere l'ufufruit qu'il au-
rait pu avoir fur les biens de fon enfant ,
& de rendre l'enfant capable de s'obliger.
Voye^ Fils de famille , Puissance
paternelle. {A.)
Emancipation de Gens de main-
morte , c'eft l'affranchiflèment que le Cei-
gneur accorde à des gens qui font fes ferfs.
V. Affranchissement , Gens de main-
morte y Serfs. (A)
Emancipation justinienne , étoit
celle dont la forme fut réglée par l'empe-
reur Juftinien , lequel ayant rejeté toutes
les ventes êc manumiflîons imaginaires dont
on ufoit par le pafle dans les émancipations ,
Ce
201 E M A
permit aux pères de famille d'émanciper
leurs enfans , loir en obtenant à cet effet
un referit du Prince , ou même fans ref-
crit , en faifant leur déclaration à cet effet
devant on magiftrat compétent , auquel la
loi ou la coutume attribuoit le pouvoir
d'émanciper. On donnoit au père après
cette émancipation , en vertu de Inédit du
préteur , le même droit fur les biens de
fes enfans émancipés décédés fans enfans ,
que le patron auroit eu en pareil cas fur les
biens de fes affranchis ; mais par la dernière
jurifprudence , le père hérite de fes enfans
par droit de fuccefïion des afeendans , &
non pas feulement en qualité de patron.
U)
Emancipation légale , eft celle qui
a lieu de plein droit , en vertu de la loi
ou de la coutume. On l'appelle aulïi éman-
cipation tacite , parce qu'elle a lieu fans
que le père faflè aucun acte à ce fujet.
Telles font à l'égard des mineurs , les
émancipations qui ont Heu par l'âge de
fmberté , par la majorité coutumiere , par
a pleine majorité , par le mariage; telles
font pour les fils de famille les émancipa-
tions qui ont lieu en certains pays par le
mariage , par l'acquifition de quelque di-
giaité, par Pordrede prêtrife, par l'habitation
féparée , & par le négoce féparé. ( A )
Emancipation légitime ou ancienne,
étoit celle qui fe faifoit en vertu de la loi
des douze tables. Voye^ci-dev. Emancipa-
tion ancienne. {A)
Emancipation par lettres
duPrince, a lieu , tant en faveur des
mineurs que des fils de famille. L'ufage de
ces émancipations vient des Romains. V.
ce qui en tît dit à l'artick Emancipation
de mineur & Emancipation Justi-
nienne. Ces lettres qu'on appelle commu-
nément lettres de bénéfice d'âge , s'obtien-
nent en la petite chancellerie ; elles font
adrefïées au j uge royal qui a fait la tutele
ou curatelle ■■> ou fi c'eft un juge de fei-
gaeur , on lesadrefîè à un fèrgent royal ,
qui fait commandement au juge de procé-
der à l'entérinement : ce qui ne fe fait qu'a-
près avoir pris l'avis des parens & amis du
mineur. ( A )
Emancipation de majorité cou-
TUmierç. , eft celle que quelques cou-
E M A
tûmes ' accordent au mineur à [l'âge de
pleine puberté , lequel eft réglé différem-
ment par les coutumes. V. Emancipation
de mineur. {A)
Emancipation par mariage , eft une
émancipation tacite que dans certains pays le
mariage opère de plein droit & fans lettres
du Prince , en faveur des mineurs & des;
fils de famille. Cette émancipation tacite n'a.
pas lieu dans les pays de droit écrit , excepté
dans ceux qui font du reiïbrt du parlement
de Paris.
Pour ce qui eft des pays coutumiers , le
mariage n'y a pas toujours opéré Y éman-
cipation j car Gaucher de Chatillon conné-
table j mariant fa fille en 1 3 00 , promit de
l'émanciper & de la fortir hors de fa puifïance.
Préfentement toutes les coutumes don-
nent au mariage l'effet d'émanciper , ex-
cepté celle de Poitou qui requiert à l'égard
des nobles une émancipation exprefle outre-
le mariage. Celle de Saintonge veut qu'il
y ait habitation féparée de celle du père ;
celle de Bretagne requiert que le mariage;
foit fait du confentement du père , con-
dition qui doit être fous-entendue dans
toutes les coutumes ; celle de Bourbonnois
dit que le mariage émancipe , mais elle met
une reftricr.ion , fi ce n'eft qu'il fût autre-
ment convenu en faifant le mariage. Voye^
le recueil des que/lions de M. Bretonnier , au»
mot purjfance paternelle.,
U émancipation par mariage n'bpere pas.
plus d'effet que celle qui fe fait en vertu
de lettres du Prince , fi ce n'eft que la
première emporte la liberté de fe remarier
fans le confentement du père , quoique,
celui ou celle qui veut fe. remarier n'ait pas,
%$- ans. ( A)
Emancipation de Mineur, eft : l'acte.-
qui met un mineur hors de la puiflance de.
fon tuteur , & lui donne le droit de jouir-
de fes revenus , même de difpofer. de fes.
meubles.
L'émancipation dès mineurs avoit lieui
chez les Romains ; elle fe faifoit en vertu,
de lettres du Prince : cela fait la matière,
du titre du code de his qui eetatis veniam:
impetraverunt. La loi 2 qui eft dé l'empe-
reur Conftantin , dit que tous les je.unes,
gens , lefquels étant de bonne conduite.*
.fdefixcnt de gouverner, leut patrimoine.*
E M A
ayant befbin pour cela de lettres du Prince ,
pourront impétrer cette grâce quand ils
auront vingt ans accomplis ; de manière
qu'ils préfenteront eux-mêmes leurs lettres
au juge , & prouveront leur âge par écrit ,
6c justifieront de. leur bonne conduite &
mœurs par des témoins dignes de foi : la
loi permet néanmoins aux filles de pré-
fenter leurs lettres par procureur , Ôc de
les obtenir à Page de dix-huit ans , pour
pouvoir jouir de leurs biens fans pouvoir
aliéner les fonds , en forte qu'elles aient en
toutes affaires autant de droit ôc de pou-
voir que les hommes. La raifbn pour la-
quelle la loi fait mention nommément des
filles , eft que dans l'ancien droit romain ,
les femmes étoient perpétuellement en cu-
ratelle.
Il paroît fingulier que cette loi oblige
les mineurs qui veulent jouir de leur re-
venu , de prendre des lettres , vu que ,
fuivant le droit romain , la tutele finit à
l'âge de puberté , qui eft de quatorze ans
pour les mâles , & de douze ans pour les
filles ; & que , fuivant ce même droit , il
eft libre au mineur pubère de ne pas de-
mander de curateur. Mais il eft évident que
la loi a entendu parler du cas où le mineur
a un curateur , comme on lui en donne uni
ordinairement en fortant de la tutele : ce
qui eft fondé fur la difpofition de cette
même loi , qui fuppofe qu'un mineur n'eft
pas capable de gouverner fon bien au plutôt
qu'à l'âge de vingt ans accomplis.
Néanmoins dans notre ufage les lettres
de bénéfice d'âge s'obtiennent' fouvent
plutôt tant en pays coutumier , que dans
les pays de droit écrit : cela dépend de la
capacité des mineurs , de l'avis des parens ,
& de l'ordonnance du juge ; mais ordinai-
rement on n'accorde point de lettres de
bénéfice d'âge au deffous de la puberté.
Les mineurs peuvent auiïî être émanci-
pés par mariage , ou par la majorité cou-
tumiere , que les coutumes fixent diffé-
remment ; mais en ce cas ils ont toujours
befoin de lettres du Prince ; de forte que
les coutumes qui femblent accorder [V-
mancipation à celui qui atteint l'âge de ma-
jorité coutumiere , ne font proprement que
régler l'âge auquel on peut obtenir des let-
tres à' émancipation.
E M A 103
La majorité parfaite opère aufTi une ei-
pece ai émancipation légale.
Le mineur émancipé peut faire feul tous
acles d'adminiftration ; mais il ne peut
aliéner ni hypothéquer fes immeubles fans
avis de parens Se décret du juge.
Il ne peut aulli efter en jugement , fans
être aiîifté d'un curateur. ( A )
Emancipation de Moines : on s'eft
quelquefois fervi de ce terme dans les mo-
nafteres , en parlant des moines promus à
quelque dignité , ou tirés hors de l'obéif-
fance de leurs fupérieurs. Voy. le glojf. de
Ducangè , au mot Emancipatio. ( A)
Emancipation d'un Monastère eft
dite dans quelques anciens auteurs , pour
exemption de la jurifdiclion de l'ordinaire.
Voye-^ Ducange ibid. (A)
Emancipation per as & libram , voye^
Emancipation ancienne.
Emancipation tacite , eft celle qui
a lieu de plein droit en faveur du mineur
ou du fils de famille , fans le confentement
du père , ôc fans lettres du Prince : telles
font celles qui ont lieu par le mariage , par
l'acquifition de quelque dignité, par l'ordre
de prêtrife , par une habitation ou un com-
jjierce féparé.
r Suivant le droit romain , il n'y avoit
que la dignité de patrice capable d'éman-
ciper ; celle de fénateur n'avoit pas cet
effet.
En France , les premières dignités des
parlemens , telles que celles de préfidens ,
de procureurs & avocats généraux , éman-
cipent. Les grandes dignités de l'épée ôc
de la cour émancipent auffi.
Pour ce qui eft des dignités eccléfiafti-
ques , en pays de droit écrit , l'épifeopat
eft la feule qui ait l'effet d'émanciper. Les
dignités d'abbé , de prieur Ôc de curé ,
n'émancipent point.
En pays coutumier la prêtrife émancipe ,
comme le décide la coutume de Bourbon-
nois , ôc que Coquille l'obferve fur celle
de Nivemois : mais Failànd , fur celle de
Bourgogne , dit que la prêtrife n'émancipe
que quand le prêtre poflede un bénéfice qui
requiert réfidence.
L'habitation feparée n'émancipe que dans
les pays coutumiers : encore la coutume
de Châlons eft-elle la feule qui fe contente
Ce:
204 E M A
de cette circonstance. Celle de Bretagne
5c de Bordeaux veulent en outre l'âge de
vingt-cinq ans -, celle de Poitou requiert le
mariage avec l'habitation féparée •■, celle de
Saintonge veut tout-à-la-fois le mariage ,
l'âge de vingt ans pour les nobles, de vingt-
cinq ans pour les roturiers , 5c l'habitation
féparée.
Le commerce ou négoce féparé éman-
cipe auffi en pays coutumier , comme le
décident les coutumes de Berri , Bour-
bonnois , & Bordeaux : ce qui eft con-
forme à l'article 6 du tit.j. de l'ordonnance
du commerce , qui répute majeurs tous
négocians 5c marchands , mais feulement
pour le fait du commerce dont ils fe mê-
lent. (A)
EMANCIPE , {Jurifprud. ) eft celui
qui jouit de fes droits , au moyen de l'é-
mancipation exprefle ou tacite qu'il a
acquife.
Le mineur émancipé peut toucher fes
revenus 5c difpofer de fon mobilier ; mais
il ne peut aliéner ni hypothéquer fes im-
meubles , fans avis de parens homologué
par le juge. Il ne peut aufïi efter en juge-
ment s fans être aiîifté de curateur.
Le fils de famille , majeur lorfqu'il eft
émancipé , jouit de tous les droits des
majeurs qui font fui juris. Voyez ci-devant
Emancipation. {A)
* EM ANUEL y furnommé le Fortuné s
roi de Portugal , ( Hijf. de Portugal. )
monta fur le trône en 1495 , après la mort
de fon coufin Jean II , mort fans enfans
légitimes. L'empereur Maximilien préten-
doit que la couronne de Portugal lui ap-
partenoit ; mais Emanuel fut proclamé ,
fins que l'on eût aucun égard aux pré-
tentions de Maximilien. Il fignala fon
avènement par des traits de généralité ,
tels que la grâce des enfans du duc de
Bragance , qu'il rappella, de auxquels il
fît rendre leurs biens , en dédommageant
amplement ceux qui les poflédoient, 8c
la remife du tribut que fon prédécefïeur
avoit impofé aux Juifs. Mais fon amour
pour Ifabelle , veuve d'Alphonfe , fils de
Jean II , endurcit fon cœur au point de
lui faire commettre plufieurs injuftices.
Cette princefle jeune & belle étoit ani-
mée d'un zèle violent contre les Maures
E M A
&c les Juifs. Emanuel , épris de fes char-
mes , ne put obtenir fa main qu'à condition
qu'il chalferoit les Maures 5c les Juifs de
fes états. Son confeil condamnoit cette vio-
lence , comme préjudiciable à l'état ÔC
contraire à l'équité naturelle. La pailion
du prince prévalut. Les Maures & les
Juifs eurent ordre de fortir du royaume ,
fous peine de demeurer efclaves s'ils n'o-
béilloient promptement. Les Maures paflè-
rent en Afrique. Les Juifs , en fuyant , ne
purent pas emmener avec eux leurs enfans
au deiîous de quatorze ans. On les retint
de force pour les inftruire des principes du
Chriftianifme.
Les découvertes & les conquêtes de
Vafco de Gama , d'Alvarès Cabrai , &
d'Albuquerque , portèrent la gloire à' Ema-
nuel 5c de la nation Portugaife au plus
haut degré. Jamais le Portugal ne fut plus
floriflant que fous le règne de ce prince ,
qui fut appelle Y âge d'or du Portugal.
Heureux dans toutes les entreprifes au
dehors , il ne négligeoit point ce qui
pouvoit établir le bon ordre 5c la pros-
périté au dedans de fon royaume. Il fit
de fages ordonnances que l'on refpe&e
encore. Ami des lettres , il cultiva les
feiences & honora les favans , 5c favoit
diftinguer les talens fupérieurs des médio-
cres ; il récompenfoit les uns 5c encou-
rageoit les autres. Emanuel mourut à l'âge
de cinquante-deux ans : il en avoit régné
vingt-fix. Les larmes de fes fujets prouvè-
rent fenfiblement combien il leur étoit
cher.
EMARGEMENT , f. m. {Fin. ) Fac-
tion de tranfporter à la marge. On a fait
de ce fubftantif le verbe émarger. Voyez
l'article Marge.
EMASCULATION , f. f. l'action par
laquelle on enlevé à un mâle les parties qui
cara&érifent fon fexe. V. Castration.
U)
* EM ATURIES , f. f. d'eti^troa cruento >
( Myth. ) fêtes qui fe célébraient à La-
cédémone au tombeau de Pélops ; là de
jeunes garçons fe fouettoient juiqu'à ce
que le tombeau fut arrofé de leur fang.
Voilà des fêtes qui fe fentent bien du ca-
ractère dur 5c auftere du peuple, Voye^
Fêtes.
E M A
§ EMAUX , f. m. plur. ( terme de Sla-
foti. ) gcntilitii fcuti metalla & colores.
Il y a neuf émaux , dont deux métaux ,
cinq couleurs 8c deux fourrures.
Les métaux font le jaune, qu'on nomme
or ; le blanc , argent.
Les couleurs font le bleu , qu'on nomme
at^ir ; le rouge , gueules \ le verd , finople ;
le noir , fable ; 8c le violet , pourpre.
Les fourrures font le vair 8c l'hermine.
Ces émaux fe marquent en gravure par
des points , traits ou hachures.
L'or par grand nombre de petits points.
L'argent , tout blanc , c'eft-à-dire , fans
aucune hachure.
L'azur, par des lignes horizontales,
Le gueules , par des lignes perpendi-
culaires.
Le finople , par des lignes diagonales à
droite.
Le fable , par des lignes horizontales
8c perpendiculaires croifées les unes fur les
autres.
Le pourpre , par des lignes diagonales à
gauche.
Le vair , par l'azur chargé de pentes
pièces d'argent en forme de clochettes
renverfées.
L'hermine, par l'argent chargé de mou-
chetures de fable.
Signification des émaux.
L'or fîgnifîe richejfe , force 3foi, pureté
& confiance.
L'argent , innocence , blancheur , vir-
ginité.
L'azur , royauté , majefié , beauté ,
erenrte.
Le gueules , courage > hardiejfe , intré-
pidité.
Le finople , liberté , efpérance , abon-
dance.
Le fable , fcience , modefiie , afiliclion.
Le pourpre , dignité , puijfance , fouve-
raineté.
Le vair 8c l'hermine , grandeur , auto-
rité ù empire.
A ces neuf émaux 3 on en ajoute deux
autres.
Le couleur de chair , que l'on nomme
de carnation , pour les parties du corps
E M B 205
1 humain , telles que le vifage , les mains 3
les pies.
La couleur naturelle , pour les arbres ,
plantes , fruits & animaux , s'ils font tels
que la nature les repréfente , alors on les
dit au naturel.
Eiymologie des émaux.
Le mot émail ( au pluriel émaux ) vient
de VhsXitn fmalto , félon Ménage.
D'autres le dérivent de l'hébreu hhaf-
mal y traduit par eleârum , forte d'émail
compofé d'or 8c d'argent ; les Latins de
la bafle latinité en ont hitfmaltufn d'où eft
venu émail.
Et ce mot émail a été introduit dans
l'art héraldique , parce que anciennement
on repréfentoit en émaux de diverfes cou-
leurs ( furies écus , cote-d'armes , boucliers*
8c autres armes offenfives 8c défenuves ) ,
les pièces deblafonqueleschevaliers «voient
pri(ès pour fe diftinguer 8c reconnoitre dans
les tournois.
EMBACLE , f. f. terme de rivière , dont
on fe fert pour exprimer l'embarras de plu-
sieurs cordes de bois que l'on a miles à
flot , 8c qui font arrêtées par quelques
obftacles. Voye^ Cordes , Bois. Voye^
auffi l'article Train.
EMBALLAGE 3 f. m. terme de douane
& de commerce , qui a plufieurs fignifi-
cations.
i°. Emballage s'entend de l'action même
d'emballer. Voye^ Emballer.
20. Emballage comprend tout ce qui fert
à emballer les marchandifes , comme le
papier , le carton , les caiflès , tonneaux ,
bannettes , toiles cirées , ferpilieres , cor-
dages , &c. pour lefquels il n'eft fait au-
cune déduction de poids pour les droits
d'entrée 8c de fortie , félon le tarif de 1664
8c l'ordonnance de 1 667 , fî ce n'eft pour
les marchandifes d'or 8c d'argent , 8c pour
les drogueries 8c épiceries.
30. Emballage ne lignifie fou vent que les
toiles ou ferpilieres qui fervent à empaque-
ter les marchandifes.
Une toile d'emballage eft une forte de
toile grofïiere , mais forte , qui fert à em-
baller : elle eft différente de la ferpiliere ,
quoiqu'on fe ferve auiïï de celle-ci pour
io6 E M B
emballer. Voye^ Serhliere. Diction, de
comm. de Trév. & Chambers. (G)
EMBALLER, v. a&. ( Comm. ) faire
Temballagc d'une cairfe de marchandifes ,
l'envelopper de toile 8c la garnir de paille ,
pour la conferver 5c la garantir de la pluie ,
au mauvais temps 8c autres accïdens , lorf-
qu'on eft obligé de la tranfporter au loin ,
foit par des voitures de terre ou de rivière ,
Toit par mer , & pour les voyages de long
cours.
Il y a plufieurs manières d'emballer les
marchandises ; les unes s'emballent feule-
ment avec de la paille 8c de la groflè toile ;
les autres dans des bannes ou bannettes
d'ofier ou de bois de châtaignier , ou dans
des caiftes de bois de lapin qu'on couvre
d'une toile cirée graflè , toute chaude ;
d'autres dans de gros cartons qu'on enve-
loppe de toiles cirées feches , quelquefois
fans autre couverture , mais le plus (bu-
vent avec de la paille 8c de la toile. Dans
tous ces emballages on coud la toile avec
de la ficelle & une groflè aiguille , 8c on
la ferre pardeffus avec une forte corde ,
qui failant plufieurs tours de divers fens
autour du ballot , aboutit à un des coins ,
où elle eft enfin liée 8c arrêtée. C'eft à ce
bout de la corde que les vifiteurs ou autres
commis des douanes mettent leur plomb ,
afin que la balle ne- puiflè s'ouvrir fans le
lever , Se que les marchandifes qu'ils ont
vifitées ne puifTent être changées ni aug-
mentées au préjudice des droits du roi.
Dans les échelles du Levant , comme
à Alep , Smyrne , &c. les emballages ,
particulièrement ceux des foies , ont tou-
jours deux toiles ; l'une intérieure , qu'on
appelle la chemife ; l'autre extérieure , qui
eft la couverture. Les Levantins remplif-
ient l'entre-deux de ces toiles , de paille ,
ÔC quelquefois de coton. Dictionnaires
de Commerce , de Trévoux , & Chambers.
(G)
EMBALLEUR , f. m. ( Comm. ) celui
dont le métier ou la fonction eft de ranger
les marchandifes dans les balles, de les
empaqueter Se emballer.
Autrefois les crocheteurs &c gagnes-de-
niers faifoient cet office dans les douanes ;
mais maintenant dans celles de Lyon &c de
paris il y a des emballeurs en titre d'office ,
E M B
qui paient paulette au roi , ont des droits
réglés par un tarif , font bourfe commune ,
&c forment un corps qui a fon fyndic &c
autres officiers. Ils font à Paris au nombre
de foixante partagés en deux bandes , dont
l'une eft de fervice à la douane , 8c l'autre
à leur bureau rue des Lombards , où ils
roulent ainfi alternativement tous les huit
jours.
Ce fbnt les emballeurs qui écrivent fur
les toiles d'emballage, les numéros des ballots
appartenais au même marchand , 8c en-
voyés au même correfpondant , les noms
8c qualités de ceux à qui ils font envoyés,
8c les lieux de leur demeure. Ils ont auffi
foin de deiïiner un verre , un miroir ou
une main fur les cailles de marchandifes
cafuelles , pour avertir ceux qui les remue-
ront , d'ufer de précautions.
Les inftrumens dont fe fervent les embal-
leurs y font un couteau , une bille de bois ,
ordinairement de buis , & une longue 8c
forte aiguille à trois carres : leur fil eft une
médiocre ficelle , qui dans le commerce de
lalcorderie eft appellée ficelle d'emballage.
Dictionnaires de commerce , de Trévoux , &
Chambers. {G)
* EMBAMMA , ( Hijl. anc.) efpece
de fauce ou de falade à laquelle on joignoit
l'épithete à'amarum , amere , 8c qui fer-
voit d'afîàifonnement à l'agneau pafchal.
C'étoit ou des endives , ou de la chicorée ,
ou de la laitue , ou de la pulmonaire , ou
le chardon , le raifort , les orties , &c. on
tenoit du vinaigre dans un vafè placé à côté
de ces herbes ; 8c après plufieurs céré-
monies religieufes que le maître de la
maifbn faifoit , il rompoit un morceau de
pain azyme , le couvroit d'herbes ameres ,
trempoit le tout d'abord dans le vinaigre ,
enfuite dans une fauce de figues , de rai-"
fins , &c. 8c difbit : " Béni foit le Seigneur
» notre Dieu , le maître du monde , qui
» nous a fanctifiés par fes commandemens ,
» 8c nous a ordonné de manger le pain
» azyme avec la fauce amere. » Il man-
geoit enfuite le pain tremjpé 8c les herbes ,
béniflbit les mets , goûtoit à l'agneau paf-
chal , 8c abandonnoit le refte de l'agneau ,
des herbes , du pain 8c des fauces à la dé-
votion 8c à l'appétit des autres convives ,
dont le repas commençoit alors.
EMB
EMBANKIS , {luth.) nom général des
principaux inftrumens de mufiquc du
royaume de Congo , dont le roi 8e les
princes font feuls ufage.
EMBANQUÉ , adj. ( Marine. ) Les
navigateurs qui vont à la pêche de la
morue , ou qui font route pour Terre-
neuve 8e le golfe de Saint - Laurent, fe
fervent de ce terme pour dire qu'ils font
arrivés fur le banc de Terre-neuve. ( Z )
*EMBANQUER, v. adt. ou neut.
( Manufacl. en foie.) c'eft pafler les canons
d'organfîn à la cantre , pour fe difpofer à
ourdir. Voye^ Canons , Organsin &
Cantre»
* EMBARBE , f. f. (Manufacl. en foie. )
ficelle fervant au métier d'étoffes de foie ;
elle a trois quarts d'aune de long , 8e elle
eft bouclée par un de fes bouts. On enfile
les embarbes les unes après les autres à
une corde , afin que quand on veut s'en
fervir , elles ne puiffent jamais être prifes
les unes avant les autres : leur ufage dans,
le lifage des deffins , eft d'arrêter les cordes
de femple que la lifeufe retient. Voye^
Semple & Lire.
Peigner lès embarbes , c'eft les débrouiller
après qu'on les a tirées du femple , 8e
lorfque les lacs font finis. Voye{ Lacs.
EMBARBER , v. n. terme de rivière.
Lorfqu'un bateau vient d'amont , & qu'il
eft près de palier un pont ou un permis,
on dit ; ce bateau va embarber V arche ava-
lante ; ce bateau efl près d'embarber le per-
mis. Voye^ Pertuis.
EMBARCADERE & EMBARCA-
DOUR, f. m. {Mar.) Les Efpagnols
donnent ce nom aux ports 8e rades qu'ils
ont le long des côtes de l'Amérique méri-
dionale , 8c fur-tout dans la mer du Sud ,
où ils vont charger les marchandifes 8e
faire le commerce pour les villes qui font
dans le dedans des terres. Il y a des em-
barcadères qui font fort éloignées des villes :
Car exemple, Arica eft {'embarcadère duPoto-
u \ Acapulco &c la Vera-Crux peuvent être
regardés comme les embarcadères de la
ville de Mexico. (Z)
EMBARD^R , v. neut. ( Marine. )
e'eft lorsqu'on fait faire au vaifîeau un
mouvement pour s'éloigner de l'endroit
ou, il eft.. On dit y embarde au large y lorf-
EMB 207
qu'étant dans la chaloupe auprès du vaif-
îeau , ou pouffe d'un côté ou d'autre pour
s'en éloigner. Embarder fe dit encore lorf-
qu'un vaiflèau eft à l'ancre , 8e qu'on lui
fait fentîr fon gouvernail pour le jeter d'un
côté ou d'un autre. ( Z )
EMBARGO , f. m. ( Mar. ) Mettre
un Embargo. On fe fert de ce terme
pour celui à? arrêt , ou pour fîgnifier l'ordre
que les fouverains donnent pour arrêter
tous les vaiffeaux dans leurs ports , Se
empêcher qu'il n'en forte aucun , afin de
les trouver prêts pour leur fervice, en cas
de befoin ; ce qu'on les oblige de faire en
les payant. En France on dit fermer les
ports. ( Z )
EMBARILLÉ , adj. ( Comm. ) ren-
fermé dans un baril ; ainil on dit de la
farine embarillée.
EMBARQUEMENT , f. m. ( Comm. )
l'action de charger des marchandifes ou
des troupes dans un vaifîeau. Ce terme
lignifie aufiï dans le commerce , les frais
qu'il en coûte pour embarquer des marchan-
difes. Diclionn. de Comm. de Trévoux ,
& Chambers. ( G )
EMBARQUER des Marchandises ,
( Comm. ) c'eft en charger un vaiiîèau ou
un bateau.
Un maître de vaifïeau doit avoir le con-
noiftèment de toutes les marchandifes qu'il
embarque ; 8e un voiturier par eau , la
lettre de voiture de celles dont fon bateau
eft chargé pour les repréfenter en cas de
befoin;
Embarquer en grenier , c'eft embarquer
des marchandifes fans être emballées ni-
empaquetées.
On embarque de cette forte, le fêl , le
bled, toutes fortes de grains, de légumes,
certains fruits., comme les pommes , les
noix , le poiffon {"ec , les métaux , &c.
c'eft-à-dire qu'on les met en tas dans des
lieux fècs 8e préparés exprès à cet ufage
dans les navires 8e bateaux. Diclionn. de
Commerce , de Trévoux , & Chambers.
(G)
^EMBARRAS , f. m. il fe prend au
phyfîque 8e au moral ; au ph^Jîque , pour
tout ce qui empêche la facilite d'un mou-
vement ou d'une action ; 8c au moral ,
pour toucce qui nuit à l'expédition prompte:
îo8 E M B
d'une affaire , ou à la commodité de la
vie. On dit les embarras d'une route ÔC
les embarras du monde. On dit encore avoir
l'efprit embarrajfé d'affaires , être embarrajfé
de quelqu'un, ôcc.
EMBARRE , ( Manège & maréch. )
cheval embarré. Voye^ s'Embarrer , Em-
BARRURE.
EMBARRER (s') Manège Ù marée.
Un cheval qui Rembarre , eifc celui qui le
trouve tellement pris & arrêté après avoir
pafle l'une de fes jambes au delà de la
barre qui limitoit la place qu'il occupe
dans l'écurie , qu'il ne peut plus l'en dé-
gager. Dans les efforts qu'il fait pour y
parvenir , il peut fe bleflèr plus ou moins
dangereufement. Voye^ Embarrure. Des
féparations en forme de cloifon , la fuf-
penfion des barres à une jufte hauteur,
préviendraient fans doute un pareil événe-
ment. Voye-^ Ecurie, (e)
EMBARRURE, f. f. terme de Chirurgie ,
efpece de fracture du crâne , dans laquelle
une efquille paffe fous l'os fain 3 ôc com-
prime la dure-mere. Il faut tâcher de
tirer avec adrefîe cette pièce d'os avec des
pincettes convenables. Si l'on croit n'y
pouvoir réufïir , ou fi en faifant des
tentatives il y a du rifque de caufer quel-
que déchirement à la dure-mere, il faut
appliquer le trépan , ôc le multiplier , fi
le betoin le requiert , afin de pouvoir en-
lever facilement la pièce d'os qui forme
l'embarrure. Voye^ Engisomme & Tré-
paner. (Y)
Embarrure ; f. f. ( Manège & Mar.)
On appelle improprement ainfi tout acci-
dent qui fuit l'a<5fcion de s'embarrer : l'effet
ou la maladie eft donc ici défîgné ôc re-
connu par le nom même de la caufe qui
l'a produit.
Ces accidens ne fè bornent pas toujours
à de fimples écorchures ; ils confident
fouvent dans des contufions plus ou moins
dangereufes, félon qu'elles font plus ou
moins fortes Se plus ou moins profondes ,
ôc félon aufïi la nature de la partie contufe
Ôc arfe&ée.
L'écorchure eft une légère folution de
continuité , une érofion qui n'intérefle que
les poils , 1'épiderme , les fibres ôc les petits
vaiflèaux cutanés.
E M B
Il eft certain que l'embarrure limitée à
ce feul événement , ne peut jamais être
envifagée comme une maladie grave ; elle
eft cependant quelquefois accompagnée
d'inflammation , ce que l'on reconnoît
aifément à la fenfibilité que témoigne l'a-
nimal , lorfque nous portons la main fur
cette plaie fuperficielle , à la chaleur ôc au
gonflement qui fe manifefte dans fes envi-
rons ; ôc alors elle exige plus d'attention de
la part du maréchal.
Il ne fuffit pas en effet de recourir à
des pommades ou à des liqueurs defTica-
tives ; il s'agit premièrement de détendre
ôc de calmer. L'application prématurée de
ces topiques qui ne conviennent que dans
le cas de l'abfence de tous les fignes dont
je viens de parler , augmenteroit inévita-
blement le mal : on oindra donc d'abord
le lieu où le fîege en eft établi , avec un
mélange de miel ôc d'onguent d'akruea ,
jufqu'à ce que la douleur s'évanouilfe ; à
me(ure qu'elle fe difïipera , on fupprimera
infenfiblement Palthasa pour lui fubftituer
l'onguent pompholix ou l'onguent de cé-
rufe toujours mêlée avec le miel ; ôc la
plaie étant enfin deflêchée par ce moyen,
ou procurera la régénération des poils : il
n'eft point de voie plus affurée pour y
parvenir , que celle d'oindre la partie qui
en eft dépourvue avec Ponguent fuivant.
" Prenez pampre de vigne que vous
» pilerez dans un mortier de fonte 5 après
» en avoir broyé une petite quantité ,
» ajoutez-y du miel ; broyez de nouveau
» le tout , reprenez des pampres , pilez-
» les ôc ajoutez encore du miel ; conti-
» nuez juiqu'à ce que vous ayiez préparé
» aflèz de cet onguent , que vous gar-
>» derez foigneufement pour le befoin ,
" ôc que vous aurez attention de renou-
» veller chaque année. »
il peut arriver aufïi que l'inflammation
foit très - confîdérable , alors on faignera
l'animal : de plus , s'il furvient des fon-
gofités , on emploiera , lorfqu'il n'y aura
plus d'inflammation , de foibles confbmp-
tifs pour les détruire , tels que l'alun brûlé ,
mêlé avec le miel , ôc même avec Pacgyp-
tiac , fi ces fongofités font d'un certain
volume. Enfin , dans le cas de l'écorchure
fimple ôc fans complication de chaleur &
de
E M B
de douleur , on fe contentera de laver la
partie malade avec du vin chaud , de la fàu-
poudrer avec de la cérufe , ou de la frotter
avec les mélanges defScatifs & adoucifîans
dont j'ai fait mention , ùc.
Les contufions occafionées par Yembar-
rure , ne différent de celles qui font le
produit de i'impreffion fubite & du heurt
de quelque corps dur & obtus , qu'en
ce que communément le frottement de la
partie fur la barre, fufcitant une érofîon,
elles .s'annoncent par une tumeur avec fo-
lution extérieure de continuité. Il n'efî pas
néanmoins abfolument rare que cette tu-
meur (bit fana déperdition de fubffance , &
fans ouverture à la peau.
Lorfque la contufion fe borne au tégu-
ment ou au corps graiffeux , elle eft regar-
dée comme une meurtrifîlire , & n'eft fui-
vie d'aucun accident fâcheux : l'eau fraîche,
l'eau-de-vie & le fivon font des remèdes
capables d'en opérer l'entière guérifon ; il
n'en eft pas de même lorfqu'clle s'étend
dans les parties charnues , ou qu'elle efl
accompagnée de la foulure des tendons ou
des ligamens , de la dilacération du tiflu
interne , du froifîèment , de la ccfnpref-
fïon des vaifïêaux , de la flagnation des
liqueurs dans leurs canaux , de leur extra-
vafion ; &c. Ces différentes complications
nous follicitent à un traitement plus mé-
thodique , & dans lequel nous devons tou-
jours nous guider par la variété des fymp-
tomes & des circonflances. i°. De fortes
con tu fions , flir-tout dans la partie la plus
élevée de l'extrémité , s'enflamment le
plus fouvent & fuppurent. J'ai ouvert
nombre d'abcès provenans de cette feule
& unique caufè. 2°. Les tendons ou les
ligamens font-ils contus &: foulés ? la dou-
leur vive à laquelle l'animal efl en proie , la
difficulté qu'il a de fe mouvoir , nous l'an-
nonceront ; & ces mêmes fïgnes réunis & .
joints à celui qui réfulte du volume & de
l'étendue de la tumeur , nous indiqueront
encore tous les autres accidens qui ont eu
lieu dans l'intérieur du membre embarré.
Dans les uns & les autres de ces cas ,
la faignée à la jugulaire eft indifpenfable.
Selon l'ardeur de l'inflammation & la viva-
cité de la douleur , on appliquera des cata-
plafmes anodins faits avec de la mie de
Tome XII.
E M B 209
pain bouillie dans du lait , à laquelle on
ajoutera des jaunes-d'œufs , du iafrarf &
de l'onguent populeum ,• par le fecours
de ces médicarriens , on fatisfera aux pre-
mières intentions que l'on doit avoir ,
puiiqu'on s'oppofera d'une part à l'affluence
des humeurs fur là partie tuméfiée , &
de l'autre , aux progrès de l'inflammation
qu'il faut abfolument s'efforcer d'appaifèr.
Ces deux objets étant remplis , on n'ou-
bliera rien pour délivrer la partie des hu-
meurs qui s'y feront accumulées. On dé-
butera d'abord par les remèdes réfoiutifs , '
tels que les cataplafmes faits avec racine
d'iris , de bryone , de chacune deux onces ;
fommités d'abfynthe & d'auronne , fleurs
de .camomille & de fureau , de chacune
une poignée ; femence d'aneth , fénugrec ■
& cumin en poudre , de chacun une once ;
fel ammoniac , quatre drachmes : on fera
cuire le tout dans du gros vin , on pilera
enfuite le marc , on y mêlera de l'axonge
humaine , ou de l'axonge de cheval & du
fafran , de chacun deux drachmes pour le
cataplafme que l'on appliquera chaudement
fur la partie , ou tel autre fèmbiable qui
aura les mêmes vertus & la même effica-
cité. En frottant encore la tumeur avec
les réfoiutifs fpiritueux , ou avec i'-efprit
de matricaire & le baume, nervin , ou en
mettant en ufàge les bains réfoiutifs aro-
matiques , on pourra opérer la réfblution.
S'il y a enfin épanchement ou infiltration
d'humeur , & que cette voie que l'on doit
toujours préférer à toute autre, fbit im •
poffible ; on facilitera la fuppuration par
Ponction de l'onguent bajîlicum _, enfuite
on ouvrira la tumeur. Voye\ TUMEUR.
Souvent les épervins , les courbes , les
furos , font provoqués par les embarrures.
Voye\ ÉPARVINS, SUROS. J'ai vu de
plus enfuite d'un pareil accident \ un gon-
flement énorme &: une ohflruclion confî-
dérable du tiffu vafculaire qui compoie 1a
mafTe des tefîicules. VoJç\ TESTICULE.
Pendant l'adminiflraiion des .remèdes
que je viens de preferire , on doit tenir,
l'animal à un régime exact , à l'eau blan-
che , au fort , lui adminiflrer des îavernens
émoiliens $ &c. & félon le dépôt qui en
fera réfulte , le purger po^r terminer la
traitement (e)
Dd
iiq E M B
EMBASE D'ENCLUME. On appelle
ainli un reffaut qui fe trouve ;V quelques
enclumes lorfqoe la table n'eft point de
niveau avec la bigorne , foit que celle-ci
fort: ronde vou quarrée , étant d'un pouce
ou environ plus baffe que la table de l'en-
clume. Ces fortes d'enclumes fervent aux
Taillandiers , & à leur défaut ils fè fervent
d'enclumes ordinaires. ( D )
EMBASEMENT, f. m. cnArchiteB.
eft une efpece de bafe fans moulure , ou
focle continu au pié d'un édifice ; on l'ap-
pelle en grec flereobate y terme qui com-
prend en général toute forte de ft.rucr.ure
folide deftinéeà foutenir une autre partie
d'un édifice moins maflîve. ( P )
EMBATERIE , f. f . ( Mufiq. desanc)
nom d'une marche des Lacédémoniens ,
qui s'evécutoit fur des flûtes propres' à
cet effet , & qui probablement etoient
-les flûtes ambatériennes. Voye^ EMBA-
TÉIUENNE , ( $iufique infirumentale
des anciens. )Uembaterie fervoit à régler
les pas des foidats , quand ils marchoient
à l'ennemi.
Cette marche «droit certainement à deux
temps , & ne changeoit point de mefure ,
comme tous les autres airs des Grecs, qui
changeoient de mefure , fuivant que Je
rhythme des paroles i'exigeoir. Car ce n'eft
qu'avec beaucoup de peine qu'on peut par-
venir à marcher régulièrement en réglant
fes pas fur un air d'un mouvement à
trois temps , & il eft impoflible que plu-
sieurs hommes puiffenr marcher uniformé-
ment en changeant de pas , comme il le
faut , quand la mefure change. Cette
marche étoit encore d'un mouvement
gravé & pofé , car l'on fait que les La-
cédémoniens étoient ce tous les peuples
ceux qui marcheient r vec le plus* de gravité
• à l'ennemi. (F. D. C. )
EMBATEKIENNE ; { Mufiq. infir.
des anc. ) efpece de flûte des Grecs ,
dont, au rapport de Pollux , ils fe fer—
voient en voyageant , apparemment pour
rendre le chemin moins pénible & moins
ennuyeux.
Cette flûte , furnomme'e emb:.te'rienne }
propre à la marche , pourroit bien être
celle fur laquée les Lacédémoniens exé-
curoient leur marche appellée embateric.
E MB
Veyt\ Embaïerie , {Mufiq. desanc.)
{F.D.C.)
EMBATONNE , adj. (Blafon.) On
dit qu'une colonne eft cannelée & embâ-
tonnée y pour dire que Tes cannelures font
remplies de figures de bâtons , jufqu'à une
certaine partie de fon lût.
EMBATTOIR , f. m. {mare'ch. grof.)
Voye\ EMBATTRE ; c'eft une foffe dans
laquelle les maréchaux groffiers mettent les
roues qu'ils veulent ferrer. Anciennement
dans Paris les embattoirs étoient placés
dans les rues au devant des boutiques de
ces ouvriers , mais la police a réformé cet
abus. (/))
EMB ATTRE , v. ad. ( Mare'ch. grof. )
C'eft ie nom que l'on donne à la ma-
nœuvre par laquelle on garnit une roue
de voiture de les bandes de fer. Il y a
deux manières de ferrer les roues : l'une
avec aurant de bandes de fer qu'il y a
de jantes à la roue , c'eft celle que nous
allons expliquer ; l'autre manière conlifte
à ferrer la roue avec un cercle de fer
d'une feirle pièce , ce qui fe fait avec
l'aide du diable ( voye\ DIABLE. ) Pour
embattre ou ferrer une rcue y on la place
dans i'embattoir qui eft une fofîê de 6 X
7 pies de long fur un de large & environ
3 pies de profondeur : cette foffe doit erre
bien maçonnée ou garnie d'un corroi de
glaife , afin qu'elle puifîê tenir l'eau dont
on la remplit , & dont on verra l'ufage
ci-après. Çetre tofîè ou embattoir eft bor-
dée au rez-de-chauiîêed'un fort chaflis de
charpente qui afîure la maçonneru ; on
place donc la roue dans cette foife , en
' forte qu'elle y foit plongée à moitié , &
que les deux bouts du rrioyetr portent fur
le chailis de charpente. Dans cet état on
applique une des bandes de fer qui doivent
erre rougies au feu , fur les jantes de la
roue , en forte que le milieu de la bande
réponde jufte fur le joint de deux jantes
contiguës ; on frappe de grands clous par
les trous des barres qui par ce moyen fe
trouvent affujetties fur les jantes. On fait
rougir les barres afin qu'elles fe plient &
s'appliquent mieux à la circonférence de
la roue ; mais comme ordinairement le
feu y prend après que la bande eft em-
battue ou ck>uée , on fait tourne/ la roue »,
EMB
en forte que la bande & la partie enflam-
mée fe trouvent plongées c'ans Peau de
l'embattoir où elles s'éteignent. (D)
♦EMBAUCHER , v. ad. (Arts mec.)
Il fe dit d'un compagnon qui fe prélente
pour entrer chez un maître .auquel il eft
conduit par les autres compagnons. Le
Compagnon eft embauché , quand il eft
accepté par le maître ; & le repas que
l'embauché donne aux compagnons , s ap-
pelle ['embauchage. On dit payer j on em-
bauchage.
E MB A U C H O I R , f. m. {terme de
Tormier. ) C'cft une elpece de jambe de
bois garnie d'une coulihe comme la forme
brlîëe. On s'en fort pour élargir les bottes.
f *EMBAUMEMÉNS, (bit. m. plur.
{HiR. anc.) De tous les peuples anciens ,
il n'y en a aucun chez lequel l'ulage d'em-
baumer les corps ait çté plus commun que
chez les Egyptiens : c'étoit une fuite de
leur fuperftition. V. V article EGYPTIEN.
Nous allons rapporter ce qu'Hérodote
nous en a tranimis , & nous y joindrons
les observations de notre favant chymifte
M. Rouelle.
Dans l'Egypte , dit Hérodote , il y a
des hommes qui font métier d!embaumer
les corps. Quand on leur apporte un mort ,
ils montrent aux porteurs des modèles de
morts peints iur du hms. On prétend que
la peinture ou figure la plus recherchée ,
repréfente ce dont je me fais ferupuie de
dire le nom en pareille occafion ; ils en
montrent une féconde qui eft inférieure
à la première , & qui ne coûte pas fi
cher , ils en montrent encore une troi-
fieme qui eft au plus bas prix : ils deman-
dent enfuite fuivant laquelle de ces trois
peintures on veut que le mort foit accom-
modé. Après qu'on eft convenu du modèle
& du prix , les porteurs fe retirent , les
embaumeurs travaillent, & voici com-
ment ils exécutent Y embaumement y le plus
recherché.
Premièrement ils tirent avec un fer
oblique la cervelle par les narines : ils la
font fortir en partie de cette manière , &
en partie par le moyen des drogues qu'ils
introduifent dans la tête : enfuite ils font
une incifion dans le flanc avec une pierre
d'Ethiopie aiguifée : ils tirent par cette
EMB an
ouverture les v^feercs ; ils les n:ttoiear^
& les pafîenc au vin de palmier* ils les»
panent encore dans des aromates broyés.:
eniuite ils rempliiîent le ventre de myrrhe
pure , broyée , de cannelle & d'autres par-
fums , excepeé d'encens , & ils le recou-
lent. Cela taie , ils faient le corps , en le
couvrant de natrum pendant foixante-dix
jours : il n'eft pas permis de le fa 1er plus
de foixante-dix jours. Ce terme expiré,
ils lavent le mort , & l'enveloppent de
bandes de toile de lin coupées , & en-
duites de la gomme dont on le fert en
Egypte en guilè de colle. Les parens le
reprennent en cet état , font faire un étui
de bois de forme humaine , y placent ie
mort , le tranfportent dans un appartemenjt
deftiné à ces fortes de caiffes , le dreiîent
contre le mur , & l'y laifiént. Voilà la
manière la plus chère & la plus magnifique
dont ils embaument les morts.
Ceux qui ne veulent point de ces em-
baumemens fomptueux , choifnTent la fé-
conde manière , & voici comment leurs
morts font embaumés.
On remplit des feringues d'une liqueur
onemeufe qu'on a tirée du cèdre ; on in-
jecte le ventre du mort de cette liqueur ,
fans lui faire aucune incifion , & fans en
tirer les entrailles. Quand on a introduit
l'extrait du cèdre par ie fondement , on
fe bouche , pour empêcher l'injection de
(ortir. On laie enfuite le corps pendant
le temps preferit : au dernier jour on tire
du ventre la liqueur du cèdre. Cette liqueur
a tant de force , qu'elle entraîne avec elle
le ventricule & -les entrailles confiimés ,
car le nitre diffout les chairs , & il ne
refte du corps mort que la peau & les os.
Quand cela eft achevé ils rendent le corps ,
fans y faire autre chofe.
La troifieme manière d'embaumer eft
celle-ci , elle n'eft employée que pour les
moins riches. Après les inf^ions par le
fondement , on met le corps dans le nitre
pendant foixante-dix jours , & on le rend
a ceux qui l'ont apporté.
La première oblèrvation qui fe préfente
à la lecture de ce paflàge , c'eft que quoi-
qu'il foit peut-être plus exact & plus étendu
qu'on n'étoit en droit de l'attendre d'un
fimple 'hiftorien , il n'eft cependant su
Dd z
%\i E M B
afïéz précis ni afïéz circonftancié pour en
faire fexpofrtion d'un art. Il falloir qu'on
pratiquât des incifions à la poitrine , au
bas-ventre , Oc. fans quoi toute la capa-
cifé intérieure du corps n'auroit point été
injectée, & les vifceres n'auroient point
été coniumés. Il eft à préfumer qu'on
lavoit avec foin le corps avant que de le
faler : c'étoit encore ainii qu'on le débarr-
raffoit des reftes du natrum & des liqueurs ,
quand il avoit été falé. On ne peut douter
qu'on ne finît par le taire fécher à l'air ou
dans une étuve.
On appliquoit enfuite fur tout le corps
'■ & fur les membres féparément , des ban-
des de toiles enduites de gomme; mais on
l'emmaillottoit de plus avec un nouveau
bandage également gommé , les bras croifés
fur la poitrine , & les jambes réunies.
Dans Y embaumement véritable , la tète ,
le ventre èc la poitrine étoient pleines de
matières réfineufes & bitumineufes , & le
refte du corps en étoit couverr . On rete-
noit ces matières par un grand nombre de
tours de toile. Après une couche de bandes
on appliquoit apparemment une couche
d'embaumement fondu & chaud , avec une
efpece de broffe ; pui-s on couchoit de
nouveaux tours de bandes , & fur ces
nouveaux tours une nouvelle couche de
matière fondue, & ainfi de fuite jufqu'à
ce que le tout eût une épaiiTeur conve-
nable.
Il eft difficile de décider fi ï 'embaume-
ment de la dernière efpece étoit un mê-
* lange de bitume de Judée & de cédria ,
pu fi c'étoit du bitume de Judée feul. La
momie de fainte Geneviève eft embaumée ,
ainfi que celle des Céleffins , avec le pif-
iafphalte ; mais elle a des bandes de toile
fine , & elles font en plus grand nombre
qu'aux autres momies. Cependant le plus
grand nombre de -momies étant apprêtées
avec le mJRige de bitume de Judée &c
de cédria , qu'on peut appeller le pijfaf-
phalte y on peut croire que cet embaume-
ment eft de l'efpece inférieure.
La dépenfe de la caifîê qu'on donnoit à.
•la momie , étoit considérable ; elle étoit
de fycomore , d'une feule pièce , creufée
à l'outil, & ce ne pouvoit être que le
troûc d'un arbre fort- gsos..
-EMB
II y avoit , félon toute vraifemblance \
des fortes àH embaume mens relatifs à la dif-
férence des bandes qu'on trouve aux mo-
mies , groflês ou. fines. Le dernier bandage
étoit parfemé de caractères hiéroglyphiques,
peints ou écrits. Il fe faifoit aufîi des dé-
penfes en idoles , en amuletes , en ornc-
mens de caiffe , 6v.
La matière de X embaumement le plus
précieux étoit une compofition baliâmique ,
telle que celle qu'on a trouvée dans les
chambres des momies, confervée dans un
vafe ; & il eft évident que cet embaume-
ment avoit aufll fes variétés. On a trouvé
des momies dont les ongles étoient dorés ,
d'autres avoient des cailfes de porphyre :
il y en avoit de renfermées dans des tom-
beaux magnifiques.
Il femble que le travail des embaumeurs
pouvoit fe diftribuer en deux parties ; la
première , qui confiftoit à enlever aux corps
les liqueurs , les graines & autres caufês
de corruption , & à les deiîéchér ; la fé-
conde , à défendre ces corps defléchés de
l'humidité & du contact de l'air.
Les fondemens de ce travail font ren-
fermés en partie dans la defcription d'Hé-
rodote , il s'agit de les y découvrir , de
corriger ce qui eft mal pféfenté , de juftifier
ce qui eft bien- dit , de tenter quelques
expériences fur les%iatieres balfamiques &
bitumineufes des momies , d'imiter les em-
baumemens égyptiens , & voir s'il n'y au-
roit pas quelques moyens d'imitation fon-
dés fur les principes chymiftes qui dirigent
les anatomiftes dans la préparation ddeurs
pièces.
On peut réduire a deux fentimens tout
ce qu'on a dit fur cet objet. Les uns ont
prétendu que le corps entier falé , avoit été
embaumé de manière que lesf matières
balfamiques , réfineufes &: bitumineufes s'é-
toient unies avec les chairs , les graiffes.,
les liqueurs , & qu'elles avoient formé en-
femble une mafïé égale ; les autres , qu'on
faloitle corps , qu'on le defféchoit, & qu'on
lui appliquoit les .matières balfamiques.
Quant au defféchement , l'humidité étant
caufe de corruption , ils ont ajouté qu'on
le fechor à la fumée, ou qu'on le faifoit
bouiil r dans le piflafphalte , pour en cory-
fumer les chairs , graiffes > èc
EMB
On peut objecler au fentiment des pre-
miers , l'expérience qu'on a de cerrains
corps tombant en pourriture , dans des
maladies où il eft abfolument impoffible
d'abforber les fluides par des matières
réfineufes & balfamiques ; matières qui ne
font point d'union avec l'eau. D'ailleurs
les momies font parfaitement feches , &
l'on n'y remarque pas la moindre trace
d'humidité.
Le fentiment des féconds eu plus con-
forme à la raifon.
Le natrum des anciens étoit un alkali
fixe, puifqu'ils s'en fervoient pour nettoyer,
dégraiffer , blanchir les étoffes , les toiles,
& faire le verre. Notre nitre ou falpêtre
eft au contraire un feul moyen qui ne
dégraifîe point les étoffes , qui conierve
les chairs , qui les fale comme le fel
marin , & qui conferve leurs fu es. Le
natrum des anciens agifloit fur les chairs
d'une manière toute oppofée à notre nitre ;
il s'uniflbit aux liqueurs lymphatiques ,
huileufes , graffes , les féparoit du refte ,
& faifoit l'effet de la chaux des tanneurs
& autres ouvriers en cuir , épargnoit les
mufcles , les tendons , les os.
• Hérodote 'dit dans la première façon
d'embaumer , qu'on lavoit le corps avant
que de l'envelopper de bandes. C'eft ainfi
qu'on enlevoit les refies des matières lym-
phatiques & du natrum y fources d'humi-
dité. Les embaumeurs ne faloient donc
le corps que pour le defîecher ; mais le
natrum y eu refiant , eût retenu & même
attiré l'humidité , comme c'eft la propriété
des fels alkalis.
Le natrum agiffant fur les corps , comme
la chaux , il n'étoit pas permis de faler
plusdefoixante-drx jours. En effet, comme
il arrive aux cuirs trop enchaufenés y fe
natrum auroit attaqué les folides. Un fel •
neutre n'opère pas en fî peu^ de temps ,
comme il paroît à nos viandes léchées.
Mais fi le natrum y dira-t-on , étoit un
fel alkali , pourquoi ne détruilojt-il pas ?
c'eft qu'il eft foible , qu'il ne refîemble
point à la pierre à cautère , mais au fel
de la fonde & au fel marin.
Il eil à préfumer que Bils préparait fes
pkees anatomiques en falanf le corps avec
un ici alkali j à la manière des Egv ptiens ;
EMB 213
méthode qu'une odeur aromatique ne fer-
voit qu'à déguifer. Clauderus en étoit per-
fuadé , mais il fe trompoit fur les effets du
fel alkali ; il croyoit que l'alkali volatil s'u-
niffoit aux parties putrides , & qu'il étoit
retenu dans les chairs du cadavre.
On pourroit demander fur le premier-
embaumement dont parle Hérodote , à
quoi bon remplir le corps de myrrhe &
d'aromates , avant que de le faler ? En le
lalant on emporte en partie ces aromates ;•
car le natrum agit puiffamment fur les
balfamiques , en formant avec leurs huiles,
une matière favoneufe , foluble , & facile
à emporter par les- lotions. Il femble qu'il
faudrait placer la falaifon & les lotions
avant l'emploi des aromates.
Il y a très-peu de momies enveloppées
de toiles gommées , appliquées fans réfine,
immédiatement fur le corps defféché ; elles
ont communément deux bandages. Le corps
& les membres font chacun feparément.
entortillés de bandes de toile rélineufe ou
bitumineuie; c'eft-là le premier. Le fécond,
eft formé d'autres bandes de toile fans ré-
fine ou bitume , qui prennent le tout &c
l'emmaillottent comme les enfans. Celles-
ci onr pu être enduites de gommes*
Les momies' nous parviennent rarement
avec le fécond bandage ; on l'ôte par curio-i
fité pour les amuletes.
Elles 'ne font pas toutes renfermées dans
des caifles , c'eft pour les garantir du con-
tact de l'air qu'on y a employé la réfine.
Une féconde critique qu'on peut faire
d'Hérodote , eft relative à fon fécond
embaumement. Sans incilion , l'injection
par le fondement ne remplira point le
ventre , elle ne parcourra qu'une petite
érehdue d'inteftins. D'ailleurs la liqueur de
cèdre eft un -baume ou une réfine fans;
force , fans action corrofive. Si l'on em-
pioyoit le cédria , c'étoit comme aromate ,
l'injection étoit de natrum. Le cédria n'a
pu avoir lieu dans f 'embaumement > qu'a-
près la falaifon & les lotions.
La cervelle fè tiroit par un trou fait
artificiellement aux narines &c au fond de
l'orbite de l'œil. Hérodote n'efl pas exacT:
là-deffus.
Il n'efl: pas concevable qu'on embaumât!
tous les Egyptiens. Le. peuple cauctaoitJes
2*4 E M fc
morts fur des lits de charbons , emmailiotrés
de linges , & couverts d'une natte fur la-
quelle il amaifoit une épaifleur de lèpt à huit
pies de l'ablc.
Quelle durée Y embaumement ne donnoit-
il pas aux corps ? il y en a qui le conièrvent
depuis plus de deux mille ans. On a trouvé
dans la poitrine d'un de ces cadavres , une
branche de romarin à peine defféchée.
Là matière de la tête d'une momie ,
encore affez molle pour que l'ongle y pût
entrer dans un temps chaud , & peu
altérée , a donné d'abord un peu d'eau
infipide , qui dans la progrefiion de la
diftillation cil devenue acide. Il a parie en
même temps une huile limpide , peu
colorée , de l'odeur de fuccin. Cette huile
s'efl enfuite épaifïïe & colorie ; elle s'efr
figée en fe refroidiffant , lans perdre l'o-
deur de fuccin. Sa liqueur acide n'a pu
cryftallifer , à caufe de fa trop petite
quantité.
On peut voir dans M. Rouelle les expé-
riences qu'il a faites- fur les matières qu'il
a préfumées entrer dans les embaume-
mens. Une réflexion qui réfulte de ces expé-
riences , c'efl qu'en y employant la pou-
dre de cannelle & d'autres ingrédiens qui
attirent l'humidité, on coniùlte pius le nez
que l'art.
Elles fournifïent trois fortes ftembaume-
mens 5 l'un avec le bitume de Judée , un
iècond avec le mélange de bitume &: la
liqueur de cèdre ou cédria , & un rroiiieme
avec le même mélange & une addition de
matières relineules & aromatiques.
EMBAUMEMENT , opération de Chirur-
gie y c'eft l'action d'embaumer un corps.
Voici comment elle fe pratique.
Le chirurgien commande au plombier de
faire un cercueil , dont les dimenfions inté-
rieures doivent excéder la longueur & la
groffeur du corps. Il commande auffi un
baril de plomb pour mettre les entrailles ;
& une boîte de plomb faite de deux pièces ,
pour mettre le cœur.
On prépare cinq bandes , deux de la lar-
geur de trois doigts & de quatre aunes de
long , pour bander les bras ; deux de quatre
doigts de large & de fix aunes de long , pour
bander les jambes & les cuifïès , & une
autre plus large & plus longue , pour faire
EMB
les circonvolutions nécefîâires autour du
corps. ILfaut en outre que iejehirurgien ait
des fcalpels pour faire les inciiions convena-
bles , des aiguilles pour recoudre les parties,
& une feie pour icier le crâne.
Les médicamens nécefîâires à {'embau-
mement y font de trois efpeces différentes.
Il faut environ trente livres de poudre de
plantes aromatiques , telles que les feuilles
de laurier , de myrte , de romarin , de
lauge , de rhue, d'abiinthe , de marjolaine ,
d'hyflbpe , de thym , de ferpolet , de ba-
filic ; les racines d'iris , d'angelique , de
calamus . aromadeus ; les ileurs de rofe »
de camomille , de mélilot , de lavande ; les
écorces de citron & d'orange ; les ièmen-
ces de fenouil , d'anis , de coriandre , de
cumin , &: autres femblables. On ajoute or-
dinairement quelques livres de fel commun
à la poudre de toutes ces plantes , qui fert ;i
remplir les grandes cavités , & à mettre avec
les entrailles.
Il faut dix livres d'une poudre plus fine,
compofée de dix ou douze drogues odoran-
tes , capables de conlervcr les corps des
fiecles entiers , qui font de myrrhe , d'aloès,
d'ohban , de benjoin , de ifyrax calamité ,
de girofle , de noix-mufeade , de cannelle ,
de poivre blanc , de foufre , d'alun , de fel ,
de (àlpêtre : le tout bien pulvérifé & paffé
par le tamis.
On aura en outre un liniment compofé de
térébenthine , d'huile de laurier , de ftyrax
liquide , de baume de Copahu. Trois livres
de ce liniment fumront pour les embroca-
tions nécefîâires. Il faut de plus quatre pintes
d'elprit-de-vin , cinq ou fix gros paquets
d'étoupes , du coton , deux aunes de toile
cirée , de la plus large , & un paquet de
grofle ficelle. Tout étant ainfi préparé , le
chirurgien eff en état de commencer ['em-
baumement.
Le chirurgien , après avoir ouvert le
bas-ventre , la poitrine & -la tête , &
avoir ôté tout ce qui y eft contenu , mer
quelques poignées de la plus groffe poudre
au fond du baril de plomb ; il étend par-
defTus une partie des entrailles , qu'il
couvre d'un lit de poudre , & ainfi alterna-
tivement jufqu'à ce qu'il ait mis tous les
vifeeres dans le baril , à l'exception du
cœur , qu'il a foin de mettre dans ud
E M B
vaifTêau rempli d'efprit-de-vin. Lorfque le
baril contient toutes "les entrailles , le
chirurgien met pardeffus un lit de poudre
grofliere affez épais : fi le baril éroit pres-
que plein , on acheveroif de le remplir
avec des étoupes , & on feroit fouder le
couvercle ; fi au contraire il éroit de beau-
coup trop grand , on le feroit couper par
le fondeur.
Les trois ventres vuidés , on les lave
avec de l'efprit-de-vin. On commence par
la rete , en empliflant le crâne d'étoupes
faupoudrées , & en y en faifant entrer
autant qu'on peut. On remet la calotte du
crâne à fa place ; & avant que de recoudre
le cuir chevelu , on met entre deux de- la
poudre balfamique. On verfe dans la bou-
che de Telprit-de-vin , pour la laver , &
on l'emplit de cette poudre a\ ec du coton.
On en fait autant dans les narines & dans
les oreilles , & enfuite avec un pinceau on
fait une embrocation fur toute la tête , le
-vifage ù: le cou avec le liniment ; & met-
tant enfuite de la /poudre fine fur toutes
ces parties , il le forme une croûte iur la
fuperficic. On met la tête dans un fac en
forme de coëfFe de nuit , qui a des cor-
dons qu'on tire pour ferrer autour du cou ,
afin que toute là tête foit exactement en-
veloppée.
On emplit de poudres & d'étoupes la
poitrine & le ventre , qui ne font plus
qu'une grande cavité. On remet leflernum
ii fa place ; & après l'avoir couvert de la
poudre fine que l'on fait entrer entre les
cotes & les tégumens , on recoud les tégu-
mens qui avoient été ouverts crucialement.
On fait aux bras , aux cuiffes & aux
jambes des taillades qui pénètrent jufqu'aux
os ; on les lave avec de l'efprit-de-vin , on
les remplit de la poudre fine , on fait l'em-
brocation avec le liniment , on faupoudre
toutes ces parties avec la poudre odorante ,
& on les bande enfuite. On fait des inci-
fions aux feiTes & au dos , & on procède
comme aux extrémités. On emmaillotte le
corps avec la bande préparée à cet effet ;
on le coud enfuite dans la toile cirée , &
on le ferre avec de la ficelle, comme un
ballot : on le met enfuite dans le cercueil ,
qu'on fait fouder par le plombier."
Où remplit les ventricules & les oreil-
E M B sic
Iettes du coeur , avec la poudre odorante ;
on l'enveloppe dans de la toile cirée , on
le ficelle , & on le mer dans une double
boîte de plomb que Ton fait fouder.
A l'armée & dans les endroits où l'on
n'auroit pas tous les fecours nécefîàircs
pour Y embaumement que nous venons de
décrire , on fè contenteroit , après avoir
ôté les entrailles , de faire macérer le corps
dans du vinaigre chargé de fel marin ; &
au défaut de vinaigre & de fel , dans une
forte Jefiive de cendre de bois de chêne :
on le retire enfuite , & on l'expofe dans un
lieu fec , avec le foin de l'effuyer fréquem-
ment. Ce font les humeurs qui fe putré-
fient ; car nous confervons très-facilement
les corps dont on a injeclé les vaifïèaux ,
& dont on a enlevé la graille qui étoit
dans l'interflice des muferes.
La con(èrvation des corps par \ embau-
mement, a eu la vénération pour motif;
c'eft une opération dilpendieufe qu'on ne
pratique que pour les princes & pour les
grands. Il feroit à fouhaiter pour l'utilité
publique & l'intérêt des fùrvivans , qu'on
trouvât des moyens d'embaumer , c'eft-
à-dire de préferver de la pourriture à peu
de frais , de manicre que cela ne fût point
au defîùs de la portée du fimple peuple.
Il s'élève des lieux où l'on enterre , des
vapeurs malfaiiantes , capables d'infefler.
Kamazzini allure que la vie des foffôyeurs
n'efi pas habituellement de longue durée ;
que leur vifage eft ordinairement blême &
pale , & il attribue cette difpofition aux
vapeurs déliées qu'ils refpirent en creufant
les foiîes. Les vapeurs rendent les églifes
où l'on enterre , extrêmement mal faines.
Non feulement l'inhumation dans les égli-
fes efl dangereufe , mais on pourroit dire
qu'elle efl indécente , fi elle n'étoit auto-
rifée par l'ufage , ou plutôt conlacrée par
l'abus. M. Forée chanoine honoraire du S.
Sépulcre à Caen , dans fes Lettres fur
la fépulture dans les e'glifes } remonte à
la fource de cet ufage , & il indique les
moyens de lever les obfîacles imaginaires
qu'on peut oppofer à fon abolition ; la ,
voix d'un bon citoyen & d'un eccléfiaf ti-
que refpedable , doit être comptée pour
beaucoup. M. Haguenot , médecin & con-
cilier de la cour des aides à Montpellier ,
ii£ E MB
a donné à la fociété royale des Sciences de
cctre ville , dont il eff membre , un
excellent mémoire , dans lequel il fait la
peinture touchante des malheurs qui font
la fuite de la coutume pernicieufe de
mettre les corps dans des. caves communes.
J'ai aufli parlé de cet abus meurtrier , dans
mon Traité fur la certitude des figues de
la mort. Je fais qu'il y a des villes où il efl
èxprefTément défendu d'enterrer dans les
églifes , fans prendre la précaution de
mettre de la chaux vive dans le cercueil
& aux environs , êc de jeter dans la fofïè
quelques fceaux d'eau. A Paris , où le
plâtre efl commun , on pourrait mettre à
très-peu de frais tous les corps à l'abri de
la putréfaction funefïe aux lùrvivans par
la mauvaife qualité que les vapeurs qui
s'en exhalent donnent à l'air. Il faudroit
gâcher du plâtre dans le cercueil , qu'on
feroit un peu plus grand qu'à l'ordinaire ;
on y enfonceroit le corps , & on ,1e cou-
vriroit d'une couche de plâtre gâché , afin
de l'enfermer comme dans un mur. C'eft
peut-être par ce motif de falubrité qu'on
enterroit autrefois dans des cercueils de
pierre. Dans les endroits où il n'y a point
de plâtre , on- pourroit enduire le corps
de terre glaife , &c. Voye\ EMBAU-
MER. ( Y)
M. le Baron de Haller a cru devoir
faire des additions à l'article qu'on vient
de tranfcrire , & on lit toujours avec fruit
& empreffement tout ce qui fort de la
plume de ce célèbre Médecin , dont
le mérite n'eft point au defTous de la
réputation.
Les corps humains fe confervent natu-
rellement par l'action de plufieurs caufes
différentes , qui le réunifient toutes dans
l'obftacle qu'elles mettent à la putréfac-
tion. Les eaux vitrioliques ont cbnfervé
& même endurci le corps d'un homme
qu'on a trouvé dans les mines de Suéde :
des eaux imprégnées de tourbe ont fait
le même eilct , & même des eaux fim-
plement froides ont confervé des corps
pendant un temps confidérable. Voye\
Cadavre.
Le contraire de l'eau , l'air extrême-
ment fec & chaud des déferts de l'Arabie
& de l'Afrique , dcfleçhe les corps avec
E M B
tant de promptitude, que la putréfaction
fte fe développe point , parce que toute
l'humidité a été enlevée : on trouve tous
les jours de ces momies dans les pays les
plus arides , & les plus expofés au foleil.
La fumée imite l'effet de la chaleur
feche.
Les liqueurs fpiritueufes , & mieux en-
core les liqueurs acides , confervent des
corps qui n'ont pas trop de volume. Le
miel doit avoir lait le même effet au dire
des anciens , & doit avoir fervi de baume
au cadavre d'Alexandre : mais des expé-
riences modernes n'ont pas confirmé ce
pouvoir confervateur du miel.
Ce qui exclut l'action de l'air prévient
de même la pourriture ; la cire fondue a
coniervé des corps , l'huile même a fait
cet effet , & on confervé les perdrix dans
du beurre : le vuide parfait procure des
fruits dont le goût n'a point été changé
par le temps.
Il fe trouve des caveaux où lçs cada-
vres fe confervent fans aucun fecours de
l'art ; nous avons vu cfclui de Brème ;
on connoît celui de Touloufe , & celui
de Warbourg. On a vu un nombre de
cadavres en différens endroits , qui n'ont
jamais éprouvé de pourriture , & qui ont
même confervé leur phyfionomie & leur
couleur , le fang même étoit rouge dans
les religieufes de Québec. On dit la même
chofe du corps de Philippe de Neri , de
celui de Grotius , de celui de Charles V ,
de Modelich , d'un corps de femme dé-
couvert en Efllande , & de plufieurs au-
tres cadavres.
Plufieurs peuples ont embaumé leurs
morts , pour conferver les refies de leurs
ancêtres. Les Sauvages des îles Canaries
s'en acquittent très-bien ; ils confervoient
même la flexibilité & la reiïèmblance.
On a trouvé en Europe des cadavres
confervés de même : les inteflins étaient
refîés entiers.
Mais de tous les peuples , celui qui
embaumoit le plus généralement & le
plus exactement les corps de {es parens ,
c'étoient fans doute les Egyptiens. On
trouve encore tous les jours dans les
environs de Jizé des caveaux remplis de
momies.
0*
E M B
On n'eft pas d'accord fur les moyens
que les Egyptiens employoient. On a dit
que l'on faifoit fortir la cervelle par un
trou. Ce fait eft nié par M. Lech , qui
a reconnu l'os cribreux dans fon entier
dans une momie d'Egypte } on eft affez
d'accord que le plus grand nombre de
momies n'a été embaumé qu'avec du bi-
tume. M. Rouelle a cru que l'on faifoit
un fquelette de ces corps avant que d'y
verfer du bitume } & il eft sûr qu'on
trouve des momies , dont les os font
entièrement décharnés \ c'eft l'état où fe
trouvoit la momie décrite par Sryph.
Mais il y en a d'autres , où les chairs
font confondues avec le bitume , fans
être enlevées : on en a vu même , où le
vifage étoit confervé & encore recon-
noiffable. Il eft bien probable qu'avec les
perfbnnes d'un rang fupérieur on prenoit
plus de précaution.
La meilleure méthode d'embaumer fe-
roit certainement celle qui fè fait par
l'injeérion. Nous avons vu chez Ruyfch
un enfant confervé fans que {es chairs
fuftent affaiftees : elles étoient rondes &
potelées avec le coloris le plus fleuri d'une
belle jeuneife. Cela ne paroît pas difficile
à faire, on n'a qu'à colorer la colle de
poilfon avec de la cochenille : cette li-
queur perce dans les elpaces cellulaires ,
les arrondit , & donne aux joues le ver-
meil le plus vif. Nous en avons préparé
de cette manière j mais la difficulté c'eft
de fixer cette colle , d'en empêcher l'éva-
poration , & de conferver à l'air l'em-
bonpoint artificiel : c'eft un fècret que
Ruyfch avoit découvert , & qui eft perdu.
(H. D.G.)
L'art des embaumemens , tel qu'on le
pratique aujourd'hui , n'a été connu en
Europe que dans les derniers fiecles : aupa-
ravant on faifoit de grandes incifions fur les
cadavres \ on les faupoudroit bien , & on
enveloppoit le tout avec une peau de bœuf
tannée. C'eft ainfi qu'on embauma à Rouen
en 1135 , Henri I roi d'Angleterre } &
encore l'opérateur s'y prit fi tard , ou fi
mal , que l'odeur du cadavre lui fut fatale :
il en mourut for le champ.
Au refte , ceux qui feront curieux d'ac-
quérir les connoiffances d'érudition fur la
Tome XIL
E M B 217
matière- des embaumemens , trouveront à
fe fatisfaire dans la lecture des ouvrages
que nous allons indiquer.
Bellonius ( Petrus ) , de mirabili
operum antiquorum prœfiantiâ , medicato
funere , feu cadavere condito , & médica-
ment is nonnullis fervandi cadaveris vint
obtinentibus. Paris , 1553 , in-40. rare,
figures.
Riyinus ( And. ) , de balfamatione. Lipfl
1655 , in-40.
Clauderi ( Gabriel ) methodus balfa-
mandi corpora humana. Attenburgi , 1679,
/'/z-40. Cet ouvrage-ci eft pour les gens du
métier.
Lauqoni ( Jof. ) de balfamatione cada~
verum. Ferrar. 1693 , in- 12. & réimprimé
avec les œuvres de l'auteur.
Greenhill ( Thomas ) , the art of embaï-
ming. London , 1705 , in-40. m* c* f-
& fur-tout dans les mémoires que M.
Rouelle a écrits fur cette matière. Article
de M. le Chevalier de Jaucovrt.
EMBAUMER, v. ad}, ouvrir un corps
mort , eu ôrer les inteftins , &. mettre en
la place des drogues odorantes & deftîca-
tives , pour empêcher qu'il ne fe corrompe.
Voye{ Embaumement ( Chirurgie. )
Ce mot eft formé de baume gui étoit le
principal ingrédient des embaumemens des
Egyptiens. Voye{ Baume.
Le corps de Jacob en Egypte fut trente
jours à embaumer. Voyez genef. L. v. 3.
Marie Magdelaiue & Marie mère de Jac-
ques, achetèrent des parfums pour embaumer
Jefus. Voye-{ S. Matthieu , &c. Jean roi de
France étant mort à Londres en 1364, l'on
y embauma fou corps qu'on emporta en
France , & qu'on enterra à Saint-Denis.
Quant à la manière dont on embaumoit
les corps parmi les Egyptiens , voye^ ci-
devant fart. Embaumement (Hijl. anc.)
Le D. Grew , auteur du mufœum regalis
focietatis , croit que les Egyptiens , pour
embaumer les corps , les faifoient bouillir
dans une cRaudiere avec une certaine
efpece de baume liquide $ fa raifon eft que
dans les momies qu'on confervé dans la
collection ou cabinet de la fociété royale ,
le baume a pénétré non feulement le*
chairs & les parties molles , mais même
les os , au point qu'ils en font tout noirs ?
Ee
ii$ E M B
comme s'ils avoient été brûlés. Voye\
Momie.
Les Péruviens avoient une manière
particulière & très-bonne de conferver les
corps de leurs Incas rois , embaumés.
Garcillaffo de la Vega croit que tout leur
fecret confiftoit à enfevelir ces corps dans
la neige pour les y faire fécher, après
quoi on y appliquoit un certain bitume
cfont parle Acofta , qui les confèrvoit auiïi
entiers que s'ils euffent toujours été en vie.
Diclionn. de Trévoux ? & Chambers. (G)
EMBDEN , ( Géogr. mod. ) ville du
cercle de Weftphalie en Allemagne , capi-
tale du comté de même nom , fi tuée fur
l'Ems. Long. 24. 38. lat. 53. 20.
EMBELLE , f. f. (Manne.) c'eft la
partie du vailfeau comprife depuis la herpe
du grand mât jufqu'à celle de l'avant , ou
depuis le grand mât jufqu'au degré d'a-
mure 5 comme c'eft la partie la plus bafle
du côté du navire , & où l'on eft le plus à
découvert dans un jour de combat , on y
met des fargues. Voy. Belle & Far-
GUES. ( Z)
* EMBELLIR , v. aft. c'eft ajouter
avec art à des objets qui feroient peut-être
indifférens par eux-mêmes ? des formes ou
des acceffoires qui les rendent intérelTans ,
agréables , précieux , &c.
* EMBENATER , ( Sal. ) c'eft lier
des bâtons de bois de coudrier avec des
ofiers & de la ficelle , capables de contenir
un certain nombre de pains de fèl. Voye\
Benates & Benatiers.
EMBISTAGE , fub. m. terme dont les
Horlogers fe fervent en parlant de la
lîtuation refpective des deux platines d'une
montre : Cejî deux fois la diftance entre
le centre de la platine de dejjusj & le point
ou l'axe de la grande platine la rencontre.
Voyei PLATINE (terme dthorlog.)
EMBLAVER, (lard.) eft le même
f^ienfemencer.
EMBLAVES , f. f. pi. (Jurifpr. ) terme
ufité dans plufieurs coutumes pour exprimer
les terres enfemencées en bled. On diftingue
quelquefois les emblaves ou terres embla-
vées des terres Amplement enfemencées.
Les emblaves ou terres emblavées font dans
quelques coutumes les terres où le bled eft
déjà levé 3 c'eft en ce fais qu'il en eft
E MB
parlé dans Yarticle 59 de la coutume de
Paris. Les terres enfemencées font celles
où le bled eft femé , mais n'eft pas encore
levé. Dans l'ufage on confond fouvent les
emblaves avec les terres enfemencées. ( A )
EMBLEME , f. m. f Belles-Lettres. )
image ou tableau qui par la repréfentation
de quelque hiftoire ou fymbole connu ,
accompagnée d'un mot ou d'une légende ,
nous conduit à la connoiffance d'une autre
chofe ou d'une moralité. Voye\ Devise &
Enigme.
L'image de Scevola tenant fa main fur
un foyer embrafé , avec ces mots au delîous :
A gère & pati fortia romanum ejt , il eft d'un
romain d'agir & de fourrrir conftamment ,
eft un emblème.
Uemblême eft un peu plus clair & plus
facile à entendre que l'énigme. Gale définit
le premier un tableau ingénieux qui repré-
fente une chofe à l'œil , & une autre à
l'efprit.
Les emblèmes du célèbre Alciat font fa-
meux parmi les favans.
Les Grecs donnoient aufîî le nom d'em-
blèmes aux ouvrages en mofaïque , &
même à tous les ornemens de vafes , de
meubles , & d'habits \ & les Romains
l'ont aufîî employé dans le même fens.
Cicéron reprochant à Verres les larcins
des ftatues , vafes , &c. & autres ouvrages
précieux qu'il avoit enlevés aux Siciliens ,
appelle emblemata les ornemens qui y
étoient attachés , & qu'on en pouvoit fé-
parer , auxquels ils ont aufîî comparé les
figures & les ornemens du difcours. C'eft
ainfî qu'un ancien poète latin difoit d'un
orateur , que tous fes mots étoient arrangés
comme des pièces de mofaïque ;
, .. ...... Ut tejjerula? omnes ?
Arte pavimenti atque emblemate ver-
miculatœ.
Les Jurifconfiiltes ont aufîî confervé
cette exprefîîon dans le même fens , c'eft-
à-dire , pour tout ornement fura jouté , 8t
qu'on peut féparer du corps d'un ouvrage.
Dans notre langue le mot emblème ne
fîgnifie qu'une peinture , une image , un
bas-relief, qui renferme un fens moraL
ou politique.
E M B
Ce qui diftingué Xemblême de la devife ,
c'eft que les paroles de Xemblême ont toutes
feules un feus plein & achevé , & même
tout le fens & toute la lignification qu'elles
peuvent avoir jointes avec la figure. On
ajoute encore cette différence , que la de-
vife eft un fymbole déterminé à une per-
fbnne , ou qui exprime quelque chofe qui
la concerne en particulier \ au lieu que
Xemblême eft un fymbele plus général. Ces
différences deviendront plus fenfibles , pour
peu qu'on veuille comparer Xemblê/ne que
nous avons cité avec une devife : par exem-
ple , celle qui repréfente une bougie allu-
mée , avec ces mots Juvando confumor , je
me confume en fervant } il eft clair que
ce dernier fymbole eft beaucoup moins gé-
néral que le premier. Voyc{ le diâionn.
de Trév. & Chamb. (G)
EMBLER , v. n. ( Vénerie. ) fe dit de
l'allure des bêtes , lorfque le pié de der-
rière avance d'environ quatre doigts fur ceux
de devant.
EMBLOQUER , en terme de Table-
tier-Cornetier , c'eft proprement l'action
d'applatir dans le bloc entre deux plaques
un morceau de corne chaud , tel que pour-
roit être , par exemple , un ergot de bœuf.
Voyei Bloc & Plaques.
EMBODINURE, EMBOUDINURE,
BOUDINURE , fub. f. ( Marine. ) On
appelle ainfi plufieurs bouts de corde me-
nue , dont l'arganeau de l'ancre eft envi-
ronné
cable ne fè gâte contre le fer.
■ * EMBOITEMENT , f. m. ( Gram. )
c'eft une des fituations d'un corps relative-
ment à un autre , auquel il eft uni &
contigu j & le terme emboîtement défigne
allez par lui-même quelle eft l'efpece d'u-
nion ou de contiguïté dont il s'agit. Elle
eft telle que le corps qui emboîte fèmble
embrafTer le corps emboîté , comme une
boîte contient ce qu'on y renferme. Voy.
Boîte.
Emboîtement , terme nouvellement
introduit dans XArt militaire , pour expri-
mer l'efpece d'entrelacement que font les
foldats d'un bataillon lorfqu'on veut le
faire tirer , pour que les finis des foldats
du quatrième rang dépaflènt un peu le
premier.
on le fait pour empêcher que le
(Z)
E M B îi9
Par le moyen de cet entrelacement , les
foldats n'occupent guère qu'un pié dms
la file \ & comme les fufils ont environ
cinq pies de longueur , ceux du quatrième
rang peuvent alors dépafTer de quelque
choie le premier.
Ainfi l'objet de Xemboîtement eft de faire
en forte que le feu des foldats du dernier
rang ne puilTe caufèr aucun accident à ceux
du premier.
Dans cet état , les foldats font dans une
attitude fort gênante. Les deux premiers
rangs ont un genou à terre , & les jambes
entrelacées les unes dans les autres : le
troifieme & le quatrième rangs font droits ,
mais fort ferrés aufîi for les premiers*, de
manière que les foldats du troifieme ont
les jambes placées dans celles du fécond ,
& que ceux du quatrième les ont dans celles
du troifieme.
Les foldats du premier rang ont l'avan-
tage de pouvoir fè fèrvir aifément de
leurs armes : il n'en eft pas de même de
ceux du fécond , parce que l'incommodité
de leur fituation ne leur permet guère
d'ajufter leur fufil pour tirer for l'ennemi.
Le troifieme rang tire auiïi facilement que
le premier j mais pour le quatrième , quel-
que emboîtement que l'on fafîè , fon feu eft
toujours fort dangereux pour la tête du
bataillon. L'expérience le fait voir dans
l'exercice j car ce n'eft qu'avec un très-
grand foin qu'on parvient à faire dépafîèr
les fufils du quatrième rang du premier :
encore arrive-t-il fouvent , lorfqu'on fa t
tirer les foldats , que quelque officier reçoit
des coups de feu dans les habits , &: que les
foldats des premiers rangs ont les cheveux
brûlés. Il eft vrai que ce dernier accident
peut s'attribuer aux amorces } mais le
premier prouve fofnfamment le danger
auquel les officiers fout expofés par le feu
du quatrième rang. Pour remédier à cet
inconvénient , il ne faudroit dans l'a&ioii
faire tirer que les trois premiers rangs \ ou
lorfqu'il ne s'agit que de tirer iâns fe join-
dre , mettre le bataillon fur trois rangs ?
conformément à Xinjiruclion du 14 Mat
1754 , qui porte que toutes les fois que
l'infanterie prendra les armes en quelque
occafion que ce {bit , elle foit formée fur
trois rangs. Voyc^ Evolution.
E e 2
no EMB
Quoiqu'il paroiffe difficile aujourd'hui de
faire tirer quatre rangs à la fois fans incon-
vénient , &: qu'on ait imaginé Vemboïte-
ment pour y parvenir, on en a pourtant
fait tirer jufqu'à cinq autrefois , fuivant la
Fontaine. « Pour faire tirer cinq rangs à
» la fois , dit cet auteur dans fa doctrine
i) militaire , imprimée à Paris en 1667 ,
»> on fera mettre les deux premiers rangs
» à genoux , le troifieme fort courbé , le
x> quatrième un peu moins courbé , &: le
•» cinquième palfe le bout de fon mouf-
» quet pardeilus l'épaule du quatrième
yy rang j & ils tirent ainii fans s'offenfer
» l'un ni l'autre , comme nous avons ex-
» périmenté fouvent. » Doctrine militaire ,
pag. 449. ( Q )
EMBOITER , v. a£r. ( Comm. ) mettre
ou ferrer quelque marchandife dans une
boîte , pour la garantir de la pluie , &c.
Ce terme fignifie fouvent la même chofe
quencaij/èr. Voye[ ENCAISSER. Diâion-
naire de commerce , de Trévoux , & de
Chamb. (G)
Emboîter , ( Hydraul. ) c'eft enchâlTer
un tuyau dans un autre } ce qui fe prati-
que en pofant des tuyaux de bois ou de
grès pour conduire les eaux. ( K )
Emboîter, (à la Monnoie.) c'eft
prendre l'acte des deniers de boîte , tant
avant qu'après l'efTai. Voye^ Boite
Vi V* C C A T
EMBOITURE , ( Marine. ) Voyei Eno-
CURE.
EMBOÎTURE , f. f. terme de Menuiferie ,
eft une barre de bois de trois ou quatre
pouces de large plus ou moins , fuivant
l'ouvrage d'épaifTeur &: longueur convena-
bles , que l'on met à tenons & mortaifes ,
&: rainures au bout des planches , lorf-
qu'elles font toutes afTemblées &: deftinées
pour des portes , des contre - vents , des
tables , &c.
E M B O I R E , fe dit , en Peinture ,
lorfque les couleurs à l'huile , avec lef-
quelles on peint un tableau , devien-
nent mattes , & perdent leur luifànt
au point qu'on ne difcerne pas bien les
objets.
Lorfqu'on peint fur un fond de couleur
qui n'eft pas bien fec , celles qu'on met
defTus iemboivent eu fcchant. On remédie
EMB
à cet inconvénient lorfque ce qu'on a peint
eft bien fec , en pafTaut du vernis ou uh
blanc d'œuf battu deiîus. ( R )
E M B O L I , ( Géogr. mod. ) ville de
Macédoine dans la Turquie Européenne j
elle eft fituée fur la rivière de Stromona.
Long. 41. 38. lat. 40. 55.
EMBOLISME , f. m. ( Chronologie. )
fignifie une intercalation. Voye[ les arti-
cles Mois & Intercalaire.
Les Grecs fe fervoient de l'année lu-
naire , qui eft de 3 54 jours :, & afin de
l'approcher de l'année folaire , qui eft de
365 , ils ajoutoient tous les deux ou trois
ans un embolifme , c'eft- à- dire , un trei-
zième mois lunaire :, & ce mois fiirajouté
ils l'appelloient embolifmeus , parce qu'il
étoit inféré ou intercalé. Harris & Cham-
bers. V~oye[ An.
Ce mot , ainfî que les trois fiiivans ,
eft grec , & vient d'?/x£«ÂA«/f , mettre &
jeter dedans. Voye[ E M B O L I S M I Q U E.
(O)
EMBOLISMIQUE , adj. intercalaire ,
fe dit , en Chronologie , des mois fur-
ajoutés que les Chronologiftes infèrent pour
former le cycle lunaire de dix -neuf ans.
Voyei Intercalaire.
Comme dix - neuf années folaires font
compofées de 6939 jours & 18 heures,
& que dix-neuf années lunaires ne font
enfemble que 6726, on a trouvé que pour
égaler le nombre des dix-neuf années lunai-
res aux dix- neuf folaires , qui font le cycle
lunaire de dix-neuf années , il étoit nécefiaire
d'intercaler ou inférer fept mois lunaires
de 209 jours , lefquels avec les quatre
jours bifléxtiles qui arrivent dans cet in-
tervalle , font 213, & le tout enfemble
fait 6939 jours. Voye^ Cycle.
Au moyen de ces fept mois embolifmi-
ques ou furajoutés , les 6939 jours & 18
heures des dix - neuf années folaires , fe
trouvent à-peu-près employés dans le ca-
lendrier. Voye[ Mois.
Dans le cours de dix-neuf ans il y a
228 lunes communes , & fept mois embo-
lifmiques. En voici la diftribution.
Chaque 3e, 6e, 9e, nej J4e ? 17e, &
19e années font embolifmiques , & par
conséquent de 384 jours. C'eft la méthode
que les Grecs ont fuivie dans le calcul du
EMB
temps , quand ils fe font fervi de l'en-
néadécatéride , ou cycle de dix-neuf ans '■,
mais ils ne l'ont pas obfervé conftam-
ment , comme il paroît que les Juifs l'ont
fait.
Les mois emboîifmiques font comme les
autres mois lunaires , quelquefois de 30
jours , & quelquefois de 29 feulement. Voy.
An.
Les épa&es emboîifmiques font celles
qui font depuis XIX jufqu'à XXIX ; &
on les appelle emboîifmiques ? parce qu'en
ajoutant lepafte qui eft xi , elles excé-
dent le nombre xxx :, ou plutôt parce
que les années qui ont ces épa&es font
emboîifmiques , ayant 13 lunes dont la
treizième eft embolifmique. Voy. EPACTE.
Wolf , élémens de Chronologie , & Cham-
bers.
Les Turcs ne fe fervent point du mois
embolifmique ; aufîî le commencement de
leur année eft vague : mais ils ont des
jours emboîifmiques. Les 44 minutes dont
une lunaifon furpalfe 29 jours ck demi ,
font environ 11 jours en 30 ans : or les
Turcs répandent ces 11 jours fur 30 années
lunaires , en forte qu'il y a 11 années qui
ont un jour de plus j favoir la 2e. 5 , 7 ,
10, 13, 16, 18, 21, 24, 16 & 29,
& le commencement de leur année lunaire
lie retombe avec l'année folaire qu'au bout
de 34 années lunaires , ou environ 33 fo-
laires.
Au refte , comme l'année lunaire com-
mune de 354 jours & l'année folaire tro-
pique différent de 1 1 jours 5 heures & 4
minutes , il s'enfuit que pour accorder
l'année lunaire avec la folaire , il faudroit
ajouter en 100 ans 34 mois de 30 jours
& 4 de 31 jours , & qu'au bout de fix
fîecles il faudroit encore changer cet or-
dre , parce qu'il refte 4 heures 21 minu-
tes , qui en fix fîecles font environ un jour.
(0)
-EMBOLON , {Art milit.) difpofition des
troupes chez les anciens , rangées fur peu de
front & beaucoup de hauteur. Voy. Coin.
(Q)
EMBOLUS, (Hydr.) terme latin qui ré-
pond à piflon. V. Piston.
EMBONPOINT , f. m. ( Méd. ) ce
mot s'eft formé de trois dictions 'franc oi- 1
EMB 221
fès ; de la prépofition en , dont Yn fè
change en m devant b, de Tadjeclif £o/z,
& du fubftantif point ; de forte qu embon-
point fignifie Y état d'une perfonne qui eft en
bon point , c'eft-à-dire en bon état , en bonne
fanté. Quelques - uns écrivent embom-
point.
Hippocrate donne une très-belle def-
cription de Y embonpoint {pnvcept. x. r.
feq. ; ) il le fait confifter dans une difpo-
fition naturelle bien- proportionnée de
toutes les parties du corps , qui font plei-
nes de bons fucs , dans un jufte rapport
avec les forces des folides qui les contien-
nent , dans une vigueur ferme & conf-
tante , St clans une facilité à l'exercice des
fonctions qui ne s'altère pas aifément.
Hippocrate établit auiîi que pour jouir d'un
embonpoint complet , optanda efl & ejuf-
modi difpofitio qucc aliéna fit ab ingenii
tarditate. Saint-Évremond dit de même ,
« Que pour jouir d'un embonpoint parfait ,
» une bonne difpofition de lame veut quel-
» que chofe de plus animé que l'état tran-
» quille. »
^embonpoint , dont on ne juge ordi-
nairement que par l'apparence , s'annonce
par un vifage plein dont la peau eft affez:
tendue \ d'un teint vif &: frais , qui ne
fbit que modérément enluminé \ par les
membres charnus & peu chargés de graifTe 5
par l'agilité du corps dans fes mouvemens ?
&c. V. Santé.
On fè fert cependant communément de
ce terme embonpoint dans un fèns qui lui
eft moins propre : on l'emploie pour expri-
mer la conftitution d'un corps gras , replet ,
qui n'eft fouvent rien moins qu'en bonne
fanté ; lorfqu'il eft trop abondant en hu-
meurs , même de bonne qualité , en graifïe
fur-tout , ce qui fait un état peu favorable
à la fanté , lorfque cette conftitution eft
fenfiblement défe£tueufe par excès } c'eft:
ce qu'on appelle le trop d'embonpoint ?
qui dégénère en maladie par les altéra-
tions qu'il occafione dans l'économie ani-
male. Le défaut ^embonpoint eft aufîi un
état contre nature , c'eft la maigreur.
Voyei Maigreur. L'un & l'autre vice
font produits par celui de la fecrétion du
fuc huileux qui conftitue la graiffe , lequel
eft trop abondant ou manque dans les
211 E M B
réfervoirs qui lui font propres. V. GRAISSE.
EMBOSSURE , f. f. ( Marine. ) c'eft
un nœud que l'on fait fur une manœuvre ,
& auquel on ajoute un amarrage. V. CROU-
PI A T. On dit faire un embojjure au cable.
(Z)
EMBOUCHE , adj. (Blafon.)\\ fe dit du
bout d'un cornet , d'une trompe , & d'une
trompette , qu'on met dans la bouche pour
en fonner , lorfque ce bout eft d'un émail
différent du corps. Dicl. de Trév.
EMBOUCHER , v. a£t. ( Manège. )
terme qui dans fa véritable acception
fignifie & défigne non feulement ïaclion
de donner un mors quelconque a un che-
val , mais Vart de le fabriquer & de l'appro-
prier parfaitement à (animal auquel on le
dejline.
Il eft aufll difficile de fixer avec pré-
cision le temps où les hommes ont ima-
giné de réduire le cheval & de le maitrifer,
en profitant adroitement de la fenfîbilité
de fa bouche & de la difpofition de cet
organe à fiibir les diverfes impreffions de
la main du cavalier , qu'il le feroit de
déterminer véritablement celui où nous
avons commencé à triompher de cet ani-
mal , & à le faire fervir à nos befoins &
à notre ufage. D'un côté ces points de
faits font enfevelis dans une nuit dont il
ne nous eft pas permis de percer l'obfcu-
rité j & de l'autre , ce que la tradition
nous en apprend , en la fuppofant même
dépouillée de toute ambiguité , ne nous
conduiroit point exactement au vrai nœud
de la difficulté que nous nous proposions
d'éclaircir & de réfoudre. Nous ne pou-
vons douter que dans la langue des Grecs,
une grande partie des termes confacrés
à la navigation étoient adaptés à l'équi
tation. Nous trouvons dans Suidas celui
de %i%.m ou de coureur , également em-
ployé pour déligner des vailfeaux légers
& des chevaux de courfè. Nous voyons
qu'Homère appeîioit les vaiffeaux , des
chevaux de mer , atù% Ïttsi : il nomme
encore le pilote , le cocher d'un vaijfeau.
Pindare , le premier qui parmi les poètes
dont les ouvrages font parvenus jufqua
nous , ait donné Pégafe pour monture à
Bellérophon . & qui ait prétendu que
E M B
Minerve furnommée par cette raifon
Chalinitis , lui a montré l'art de le
domter & de lui mettre un frein , ap-
pelle lui-même du nom de brides les an-
cres qui fervent à fixer les vaùTeaux ;
tandis que Nonnus met en ufage le mot
tutïml* , qui lignifie frein , pour défi 'mer
les gouvernails des vaiffaaux de Cadmus.
Or, quand nous ne ferions pas fondés à
inférer de ces expreffions avec M. Freret
( voye{ le vol. XIII des Mém. de tacad.
des Infcript. & Belles-Lettres , ) que le
Pégafe de Pindare étoit conftamment un
vahTeau dont Bellérophon s'empara, & la
bride prétendue que Minerve lui donna ,
un gouvernail qu'il conftruifit } & que
nous pourrions croire au contraire que ce
Pégafe étoit un cheval , & cette bride
une forte de mors , nous n'en ferions pas
plus fàtisfaits & plus iuftruits , relative-
ment à l'époque certaine de l'invention
des embouchures , & relativement encore
à l'efpece de celle à laquelle ce même
Bellérophon auroit eu recours. Des re-
cherches fur le genre de ce frein feroient
d'autant plus infruâueufes qu'aucun auteur
ne nous en offre le plus léger indice , 8c
peut-être aufli que fi quelques-uns d'entre
eux l'avoient caraciériië par quelques dé-
nominations particulières , ce qu'ils nous
en auroient dit ne feroit pas plus inftruc-
tif que leur filence. Il eft confiant , par
exemple , qu'au temps où vivoit Xéno-
phon , on embouchoit les chevaux :, non
feulement il nous donne des préceptes fur
la manière de brider l'animal, infrtnttur ;
mais il s'exprime en termes trop clairs &
trop pofitifs, pour que nous puiffions ré-
fifter à l'évidence de ce fait , ferrum freni
Jive lupos. Sommes-nous néanmoins plus
éclairés fur la forme de ces loups , ou
de ces freins louve tés dont nous parlent
encore Ovide , Silius , Horace, & Virgile ?
Tempore paret equus lentis animofus'haée-
nis
Et placido duros accipit ore lupos. Ovid.
Quadrupedem fleclit non cedens virga lupa~
tis. Sil.
L upatis temperet o ra frenis. Hor.
Afper equus duris contunditur ora lupatis,
Vixg.
EMB
Les commentateurs fe font long-temps
exercés fur ce point. Si nous nous en rap-
portons à eux , & principalement à Ser-
vais , nous devons penfer que ces freins
hériffés de pointes , ou armés & garnis
de dents de loups inégales entre elles ,
étoient deftinés aux chevaux dont la
bouche étoit en quelque façon dépourvue
de fentiment. Mais comment , avec quel-
que conuoiiîance de la conformation de cet
organe , fe perfuader qu'une embouchure
de cette forte n'étoit pas plutôt capable
de défefpérer l'animal , que de l'affujet-
tir ? D'un autre côté , nous voyons dans
le tom. IV du fuppl. au liv. de tant* du
P. de Montfaucon , un mors de bride
antique ; le fer, qui traverfoit la bouche
du ciieval , eft terminé d'une part par la
tète d'un cheval : or ne pourroit-on pas
préfumer avec plus de raifon , que ces
mots lupata frena doivent s'entendre d'un
frein qui avoit non une tête de cheval, mais
une tête de loup à l'une de fes extrémités , ou
à chacune d'elles ? Il eft vrai que l'on
peut objecter que ce mors prétendu n'en
eft point un , d'autant plus que fa confi-
guration eft très -extraordinaire ; & dès-
lors nous retomberons dans l'incertitude
& dans les ténèbres.
Tous les pas que nous pourrions faire,
nous menant donc au doute & non à des
découvertes fûres & avantageufes , je crois
qu'il feroit plus fimple & plus naturel de
penfer que les premiers peuples , qui inf-
pirés par leurs be foins , ont cherché dans
le cheval des refTources favorables aux
commodités de la vie & du commerce ,
après l'avoir adouci , & rendu familier ,
le conduisent d'abord au fon de la voix ,
& dirigèrent en fuite fa marche à la ma-
nière des Numides & des Gétules, appelles
par tous les auteurs , ainfi qu'Appien ap-
pelle en général les Africains , gens infeia
freni , c'eft-à-dire qu'ils guidèrent leurs
chevaux avec un bâton , à-peu-près comme
bs Maures le pratiquèrent enfuite , &
comme quelques-uns le pratiquent encore
aujourd'hui. La néceflîté où l'on fut d 'at-
tacher le cheval pour le fixer en un lieu
quelconque , fuggera l'idée de lui pafîer
une corde autour de l'encolure j telle eft
celle que l'on obferve au bas du cou du
EMB 225
cheval de chaque Maure dans la colonne
Trajane. Cette corde lèrvit fans doute
infenfiblement de frein j Strabon même
nous aiTure que plufieurs Maures em~
ployoient des freins de corde : or quoique
celle qui entoure l'encolure ne paroifTe
point captiver la tête de l'animal , il eft
vraifemblable qu'elle pouvoit faciliter les
moyens d'arrêter tk de faire tourner le
cheval , puifque nous fournies chaque jour
convaincus par nos propres yeux, que des
payfans grofîiers maîtrifeut &. foumettent
par cette voie leurs chevaux. Le hafard
ayant peut-être encore démontré le plus
grand empire de l'homme fur cet animal ,
lorfqu'il eft aifujetti & maintenu par la
tête , engagea à tranfporter à cette partie
les liens placés au cou j peu- à-peu & à
mefure que l'occafion détermina à le re-
tenir , on s'apperçut du pouvoir qu'on ac-
quéroit fur lui , foit en le faiuftant par les
nafàux , foit en contournant cette corde
en forme de muferolle ; enfin on parvint
à reconnoître vaguement le fentiment dont
là bouche eft douée \ delà les brides &
les licous dont parle Xénophon , & qui
font repréfentés fur les monumens romains.
J'avoue qtren confidérant les mors que
nous offrent & que nous peignent la co-
lonne Trajane , la colonne Antonine , 6c
les autres marbres qui nous reftent, tious
ne voyons que des mors fans rênes j mais
ceux" que nous remarquons fur la colonne
de Théodofè en font garnis. Je convien-
drai de plus , que les unes & les autres
de ces embouchures de métal ou d'une
matière quelconque , ne font nullement
affemblées à des branches , & que nous
ne trouvons pas le plus léger veftige de
cette chaîne que nous nommons gourmette ;
d'où je conclus que toutes ces additions
font poftérieures , &: que nous fournies
parvenus au point où nous fommes à cet
égard par la même route, c'eft-à-dire par
la voie toujours lente du tâtonnement.
Quoi qu'il en foit de ces différentes con-
jectures , notre unique objet dans cet ou-
vrage eft d'être utiles , & non de paroître
& de nous montrer érudits. Je dirai donc-
que la feience à emboucher les chevaux y
eit de toutes le? parties que renferme ta
! feience de l'éperonnier , la plus délicate
n4 E M B
& la plus épineufe : les autres ouvrages
auxquels il le livre , demandent l'élégance
dans les formes , la folidité dans la conf-
tru&ion , la propreté , le fini dans l'exécu-
tion \ mais , eu égard à celui-ci , ces con-
ditions ne font pas fuffifantes. Les princi-
pes d'après lefquels l'éperonnier doit agir,
doivent être néceffairement fondés fur la
connoiffance parfaite , Ie. de la conforma-
tion de quelques parties du cheval : z°. des
fituations refpe&ives que la nature leur a
afîignées dans chaque individu : 30. des rap-
ports de force , de feufibilité , & de mou-
vemens qu'elle a mis entre elles & les autres
portions du corps : 40. des effets mécha-
niques de cette machine fîmple , deftinée
à entretenir comme milieu , l'intime réci-
procité du fentiment de la bouche de l'a-
nimal & de la main du cavalier } effets qu'il
eft indifpenfable d'apprécier, pour fixer avec
précifîon les mefùres des parties du mors ,
mais dont cependant la théorie générale
des leviers ne nous donne pas toutes les
folutions que nous defirerions , parce qu'il
entre dans les calculs auxquels nous nous
abandonnons , en la confultant , une mul-
titude d'élémens purement phyfiques , dont
il eft prefque impoffible de fixer la va-
leur. Âufli me fuis-je défendu dans une
telle complication , la défunion de ces dif-
férens objets. J'ai penfé qu'en ne les fépa-
rant pas , & en les préfèntant fous un fèul
& unique point de vue , je deviendrois
plus intelligible. Voye^ Mors.
* Emboucher, v. a&. (Luth.), il iè
dit en général des inftrumens à vent } les
emboucher , c'eft les appliquer à fa bouche
de la manière dont il convient , pour en
tirer avec facilité tous les fons harmoni-
ques qu'ils peuvent rendre.
EMBOUCHURE , f. f. (Manège.)
terme fpécialement adopté pour déligner
la portion du mors qui eft reçue dans la
bouche du cheval , & dont l'effet ou l'im-
prefîîon doit fe manifefter précifément fur
les barres.
Nous trouvons dans Caftella , Grifone ,
Fiafchi , Cadamufto , Sanfeverino , Carac-
ciolo , Maffari , la Noue , la Broue , &c.
un appareil énorme & embouchures diffé-
rentes , telles que les poires fimples , dou-
bles , fecretes , à pas d'âne j les melons
E M B
doux , ronds , à olives } les campaneïles
'fimples , doubles , à cul-de-barîui , à cul-
plat \ les hottes fimples , à balottes en-
taillées } les canons à trompe \ les canons
montans \ les canons fimples à compas , à
cou d'oie , à bafcule \ les demi-canons
coudés ouverts à cou d'oie , ou ouverts à
pié de chat \ les gorges de pigeon \ les eï-
caches à bouton , à bavette , à la pigna-
telle j les olives tambours , les pas d'âne ,
&c. mais nous avons renoncé avec raifon
aux frivoles avantages que les anciens fem-
bloient fe promettre de leurs recherches
fur ce point , & nous avons banni loin de
nous cette multitude prodigieufe d'inftru-
mens , dont la diverfité des formes & des
noms a vainement épuifé leur génie , & qui
feroient plutôt capables d'altérer & de dé-
truire le fentiment de la partie fur laquelle
la main du cavalier exerce fa puifîànce ,
qu'ils ne nous procureroient les moyens de
captiver l'animal fans l'avilir. Je ne fais
néanmoins fi notre fupériorité à cet égard
eft telle qu'il ne nous refte rien à defirer ,
& s'il nous eft permis de croire que les
principes vagues , qui , relativement à cet
objet , font répandus & répétés dans tous
les écrits modernes , puiffent conftituer
une théorie fuffifante & aufll lumiueuiè
que s'ils étoient déduits des effets conftans
de la main & des effets certains & com-
binés des portions principales du mors. V.
Mors. ( e )
Embouchure d'une Rivière , (Ge'og.)
c'eft l'endroit par où une rivière fe décharge
dans la mer. (Z)
* Embouchure y f. f. (Commerce.)
il fè dit , dans le commerce des grains ,
d'une efpece de friponnerie qui confifte à
faire que le deffous de celui qu'on vend ,
ne foit pas aufîi bon que le deffus. S'il y
a embouchure au grain , il eft confif-
cable.
Embouchure , f. f. c'eft , en terme de
Chaudronnier & de Luthier , la partie
fur laquelle le pofent les lèvres, & d'où:
l'on pouffe le vent dans le tuyau du cor ,
de la trompette , & autres inftrumens fem-
blables.
Embouchure , f. f. ( Tireur d'or. )
c'eft l'ouverture la plus large des pertuis
de leur filière. Voyez Or.
EMBOUCLÉ j
E M B
ÉMBOUCLÉ , adj. (Blafon.) fe dit des
Î>ieces garnies d'une boucle , comme font
es colliers des lévriers.
EMBOUQUER , v. neut. ( Marine. )
on fe fert de ce terme dans les îles de
l'Amérique , pour dire qu'on commence
d'entrer dans un paffage refïêrré entre
plufieurs îles ou des terres , comme on fe
fert de débouquer lorfqu'on en veut fortir.
V. DÉBOUQUEMENT Ù DÉBOUQUER.
(Z)
EMBOURRER , v. a<â. terme de Bour-
relier , c'eft garnir une Telle de bourre. V.
Selle. Une Telle mal embourrée eftfujette
à E>leflèr un cheval.
* EMBOURRER , v. ad. (Potier de
terre.) c'eft réparer ou cacher les. défauts
d'une pièce , avec un mélange de terre
& de chaux : cela eft défendu.
EMBOURRER, v. ad. (Sellier.) c'eft
garnir ou de bourre , ou de laine , ou de
crin, une Telie , un bât , &c.
EMBOURRER , chez les Tapiffiers ,
c'eft la même acception (Rembourrer chez
les felhers ; les tapilliers l'appliquent feu-
lement à des meubles , à des lièges , à des
matelas , Ofc.
? EMBOURRURE , f. f. ( TapiJJier. )
c'eft la groffe toile qui couvre la matière
dont ils embourrent quelques meubles , .
tels que les tabourets , les chai Tes , les
fauteuils , &c. l'étoffe s'étend enTuite fur
Yembourritre.
EMBOUTÉ , adj. (Blafon.) fe dit
non feulement des pièces qui ont un cercle
ou une virole d'argent à leur extrémité ,
mais encore des manches de marteau , dont
les bouts font garnis d'un émail différent.
D ici. on. de Trév.
EMBOUTIR', (Chaudronn.) Voyei>
Amboutir.
EMBOUTIR , ( Boutonnier. ) c'eft l'ac-
tion de creufer une calotte de quelque
métal qu'elle foit , en la mettant fur un tas
( voye^ TAS ) , & en frappant fur une
bouterolle (voye\ BoUTEROLLE), pour
donner aux calottes la profondeur nécef-
faire , & y graver le deflin du tas.
EMBOUTIR , terme de Ferblantier ; c'eft
faire prendre à un morceau de fer-blanc ,
taillé en rond , la forme d'une demi-boule ,
comme , par exemple , les couvercles des
Tome XII.
' E M B i2j
cafetières , des lampes , des poivrières ,
&c. ce qui fe fait en frappant avec les
marteaux propres aux difïérens ouvrages.
EMBOUTIR, (Orfëv.) c'eft enfoncer
au marteau ou à la bouterolle , dans des
dés de bois , de fer ou de cuivre , les pièces
d'orfèvrerie deftinées à la retrainte , ou
qui doivent avoir une forme convexe ou
concave. ^
EMBRANCHEMENT , f. m. (Char-
penterie. ) c'eft ce qui lie les empanons
avec le coyer.
^ EMBRAQUER , v. ad. ( Marine. )
c'eft mettre ou tirer une corde à force de
bras dans un vaifîêau. (Z)
* EMBRASE , adj. (Gramm.) un corps
eu embrafe lorfque le feu dont il eft péné-
tré dans toute fa fubftance , eft fenfible
pourries yeux à fa furface , mais ne paroît
plus s'étendre au delà. Voici prefque tous
les degrés par lefquels un corps combuf-
tible peut pafler , depuis fon ignition ou
le moment auquel le feu lui a été appliqué ,
jufqu'au moment où il eft coniumé. Il étoic
froid , il devient chaud , brûlant , ardent ,
enflammé, embrafe } confumé. Tant qu'on
en peut fupporter le toucher , il eft chaud :
il eft brûlant y quand on ne peut plus le
toucher fans refléntir de la douleur ; il eft
ardent y lorfque le feu dont il eft pénétré
s'eft rendu fenfible aux yeux , par une
couleur rouge qu'on remarque à fa furface ;
il eft enflamme , lorfque le feu dont il eft
pénétré s'élance & fe rend fenfible aux yeux
au delà de fa furface ; il eft embrafe } lorf-
que le feu a cefté de s'élancer & de fe.
rendre fenfible aux yeux au delà de fa fur-
race , & qu'il paro.it feulement pénétré dans
toute fa fubftance , à-peu-près comme dans
le cas où il n'étoit qu'ardent,- il eft con-
fumé y lorfqu'il n'en relie plus que de la
cendre. L'acception du fubftantif embra-
fement n'eft pas exactement la même que
celle du participe embrajé: on dit un corps
embrafe y quel que foit ce corps grand ou
petit ; mais on ne dit pas Yembrafement
d'un petit corps : embrafement porte avec
foi une grande idée , celle d'une malîe
confidérable de ma'ieres allumées.
EMBR ASEMENT , f. m. (Menuiferie.)
c'eft une partie de lambris qui couvre l'é-
paiffeur des murs, des croifées & des portes,
Ff
%%6 E M B
E'M BRAS S AD E , E M B RAS S E-
MENT, iynon. Je penfcrois que ïem-
brajfade eir l'action vive des bras , qu'on
jette au cou de quelqu'un en démonffra-
tion d'amitié. Ce mot va plus à l'empref-
fement extérieur qu'aux fentimens de l'ame ,
& défigne plutôt l'action brufque (Us bras
que la cordialité. Les marquis oiiifs , dit
Saint-Evrcmond , paient le monde en em-
brajfades ; c'eit pourquoi le Miianthrope
dans Molière , déclare qu'il ne hait rien
tant que ces affables donneurs tfembraf-
fades frivoles.
EmbraJJementÇ\v\-\\§.e l'aclion d'embraf-
fer y de quelque caufe qu'elle parte. Aufii
l'on dit également de faints embrajfemens
& des embrajjemens mal-honnêtes ^ de
tendres & de faux embrajjemens.
Les embrajjemens qu'on le faifoit à
Rome dans la place publique , n'étoient ,
ainfi que parmi nous , qu'un commerce de
vaines bienféances , où la bonne foi ne
régnoit pas davantage. Cette manière
ordinaire de fe laluer , devint à la fin fi
incommode par le nombre de gens dont
on n'ofoit refufer les embrajjemens', que
Tibère les délendit par un édit. Cepen-
dant cette défenfe plus ridicule que Vem-
brajfade ne iubfifïa pas long-temps , puifque
Martial fe plaint encore de cette coutume
comme d'une étrange vexation. ( de
Jaucourt. )
EMBRASSÉ, adj. (Blaf.) fe dit d'un
(feu parti , coupé , ou tranché d'une feule
émanchure, qui s'étend d'un flanc à l'autre.
Domantz , en Allemagne , d'argent ,
embrajfe de gueules.
Embrasser un cheval. (Manège.)
Expreffion allez ufuée parmi ceux qui ,
fans connoifTance des principes de notre
art, décident des difpolitionsrequiiès pour
y faire des progrès , & croient pouvoir en
juger par i"ihrpection feule de la taille :
vn homme très-grand embrajje beaucoup
mieux un cheval qu'un autre. Tel eu le
principe fur lequel ils étalent & fondent
leurs prédelions , prefque toujours démen-
ties par l'événement ; car il eft très-rare
que ci lui qui ne fera que d'une- raille mé-
diocre, r.e l'emporte pas, foit du coté de
la fermeté & de la tenue , fbit du côté de
la fineffe & de la préciûon.
E M B
Quelques-uns s'expriment encore ainfî ,
en parlant d'un cavalier qui ferre médio-
crement les cuijfes , Ù qui tient fes jambes
très-près du rentre de [on cheval. L'idée
de la fignification du mot embrajfcr feroit
peut-être plus nette , s'ils difoient que le
cavalier ne peut parfaitement bien embrajfer
fon cheval qu'autant que les cuiffès font
exactement tournées , & que le tronc porte
véritablement fur l'enfourchure. Voye\
Position.
Les auteurs du dictionnaire de Trévoux
femblent n'adopter ce mot que dans le
cas oîi un cheval maniant fur les vol 'tes y
Jait de grands pas & embrajfe bien du ter-
rain ; c'efî le contraire de battre la pou-
die , qui fe dit lorfque le cheval ne fort
prefque point de fa place. ,
En premier lieu , l'expreflion d'embraf-
fer le terrain n'eft point reflreinte aux
feules voltes , ni aux fèuls changemens de
main : nous l'employons pour défigner un
cheval déterminé par le droit; ce cheval
embrajfe franchement & librement le ter-
rain qu'il découvre devant lui. En fécond
lieu , on ne doit pas croire que le cheval
foit contraint fur les voltes pour embrajjer
bien du terrain , de faire de grands pas :
ce bien du terrain ne confifîe que dans l'el-
pace néceffaire pour que le cheval ne fe
rétreciilè point ( Voye\ RÉTRÉCIR ) , &
qu'il avance toujours infenfiblement à
chaque temps ; car fi ce bien du terrain
étoit indéfini & n'étoit point limité , il
s'enfuivroit que l'animal faufTeroit les lignes
qu'il doit décrire , & s'élargircit trop.
( Vcye \ ELARGIR.) Quant aux grands
pas délires par les auteurs de ce vocabu-
laire , comme tout cheval qui manie , doit
indifpenfablement obfcrver une cadence
jufte , il ne s'agit point de Pimmenfe
étendue de fa marche & de fon action qui
doit être foutenue & mefurée fans être
prefiee ; d'ailleurs en faifanr des pas aufii
grands , il ne feroit pas poliible que rani-
ma! travaillât avec grâce , d'autant plus
que tous ceux dont nous ne modérons pas
les nu uvemens , fe jetrent toujours & fe
précisent fur les épaules. Ajoutons en-
core que fi , lorfqu'ils chevalent , nous les
obligions à croifer , pour ainfi dire , de
manière à porter la jambe qui paife fur
EMB
l'autre , fort en dedans du terrain qu'ils
doivent embrajjer, celle qui le trouveroit
defious auroit une peine extrême à le dé-
gager , la pofition de l'animal feroit très-
incertaine , & il s'entableroit incontesta-
blement à l'effet d'éviter fa chute. Enfin
c'efl le contraire de battre la poudre y qui
fe dit lorfque le chevaine fort prefque point
de fa place. L'expreffion de battre la pou-
dre , n'a point la lignification qu'on lui
donne ici ; par elle nous délignons un
cheval qui trépigne , c'elf-à-dire , un che-
val qui étant retenu en une feule & même
place , & ayant beaucoup d'ardeur , fait
de vains efforts pour en fortir , & fe re-
mue fans celle & avec plus ou moins de
vivacité ; mais le mouvement de (es jam-
bes ne part alors qu'imperceptiblement de
fes épaules , & paroît ne dériver que du
genou ; car s'il étoit tel que toute l'extré-
mité fût dans une agitation fenfible , l'animal
ne battroit pas la poudre & ne trépigneroit
pas , mais il piafferoit. Nombre de chevaux,
foit par ardeur , foit par molleffe , trépi-
gnent & battent la poufliere dans les piliers ,
au lieu d'y piaffer. Voye\ PlLlERS. C'en
efl affez de ces définitions pour indiquer
le véritable fens du mot zmbrafjer, & pour
fauver des efprits trop crédules des erreurs
dans lefquelles ils pourroient tomber , en
fe perfuadant que de certains écrivains n'i-
gnorent rien , par la feule raifon qu'ils
parlent de tout. ( e )
EMBRASSER , terme d'Aiguilletier ;
c'elt entourer près de (on extrémité un
ruban de fil , de lame ou de foie , avec
un petit morceau de laiton ou d'argent ,
que l'on ploie fur le ruban , au moyen d'une
enclume crenée & d'un marteau , en forte
que le morceau de laiton forme un anneau
ou frette qui embraffe le ruban ou cordon ;
on éfile enfuite la partie du ruban ou
cordon qui palîe outre l'anneau qu'on ap-
pelle fer a embraj/er : ce qui fe fait poul-
ies premiers , en retirant les fils de trame,
en forte qu'il ne relie plus que ceux de la
chaîne pour les féconds , en démêlant les
fils qui compolent le cordon.
EMBRASSEUR , f. m. (Fonderie des
Canons. ) Les Fondeurs appellent -ainfi un
certain morceau de fer qui embrafîè en
effet comme avec deux mains les touril-
EMB 227
Ions de la pièce de canon , Iorfqu*on I'cleve
dans le chaflis de l'ajéfoir pour agrandir
Ion calibre. Voye\ ALÉSER , AlÉSOIR.
Dicl. de Trévoux.
EMBRASSURE, f. m% en Architecture,
efr un chaffis de fer qui fe met au deffous
eu plinte & larmier du plus Haut d'une
cheminée pour empêcher qu'elle ne s'écarte ;
embrafjure fe dit aulli d'un morceau de fer
dont on entoure une poutre pour l'empê-
cher d'éclater. ( P )
EMBRASSURE , (Fonderie.) Les Fon-
deurs appellent ainf plufieurs barres de fer
bandées avec des moufles & des clavettes y
avec lelquelles on enferme tous les mur»
des galeries par leur pourtour. Voye\ FON-
DERIE.
f EMBRASURE , f. f. en Architecture,
élargiffement d'une fenêtre ou porte en
dedans du mur. Elle fert à donner plus de
jeu pour ouvrir les fenêtres , les guichets ,
volets , &c. ou pour fe procurer le plus
de jour qu'il elf poffible quand les murs
font fort épais : on pratique quelquefois des
embrafures en dehors. (P)
Embrasures , ( Fomficat. ) Voye^
Batterie.
EMBREVEMENT , f. m. en terme de
Charpente , elf l'entaille que l'on pratique
dans une pièce de bois pour y retenir le
bout d'une autre pièce qui emporte une
troiiieme , pour donner plus de force au
tenon.
EMBROCATION,f.f.w^^
Chirurgie y efpece d'on&ion ou d'arrofe-
ment qu'on lait fur une partie avec des,
huiles , des baumes , des onguens , &c.
Après l'opération de la taille ou du bubo-
n ocelle , on fait fur le bas-ventre du ma-
lade une embrocation. avec l'huile rofat
tiède , on applique une grande compreîfe
nommée ventrière, qu'on recouvre d'une
flanelle trempée dans une décoction émoî-
liente. On fait des embrocations avec l'on-
guent de flyrax fur les taches ou échy-
mofes des fcorbiuiques , &c. Embrcca-
tion fe prend aulil pour le remède def-
tiné à appliquer de la manière ci-deflûs.
m
EMBROCHER , v. act. (Cuifine. )
c'elt traverler d'une broche. Il faut pour
qu'une pièce foit bien embrochée , que
Ff 2
n8 E M B. E M B
quand la broche eft placée horizontale- ! rudimens du corps d'un animal renfermas
ment, & qu'elle tourne fur elle-même
le poids qui eft d'un côté de la broche ,
Toit toujours égal au poids qui eft de l'autre
côté, fans quoi la broche tourneroit llir
elle-même inégalement , & par des faça-
des qui ébranleroient la pièce & qui la
feroient tourner fur k broche. Pour obvier
à ces inconvéniens , on a des broches qui
font percées d'ouvertures quarrées , dans le
milieu de leur longueur & fur leur côté
plat ; on patte à travers la pièce embrochée
& par ces trous , une autre petite broche
qui fi>e la pièce fur la grande broche ,
& qui l'empêche à la vérité de tourner
fur cette grande broche , mais non de
faire tourner cette grande broche inéga-
lement ; l'accélération du mouvement fe
trouvant toujours du même coté , il s'en-
iùit que la pièce eft prefque toujours mal
cuite, quand elle a été mal embrochée.
EMBROUILLER les voiles ,
( Marine. ) terme impropre dont on fe
fert quelquefois pour dire arguer ou ferler
les voiles. Ce mot vLnt de celui de breuils
dont quelques marins fe fervent pour dire
cargues. (Z)
EMBRUMÉ , adj. (Marine.) Temps
embrumé, c'eft-à-dire , que le temps eft
chargé d'un brouillard aflèz épais pour
empêcher de voir autour du vaifleau.
Terre embrumée , c'eft-à-dire , couverte
d'un brouillard qui a empêché de la bien
reconnoître. (Z)
- EMBRUN ou AMBRUN , ( Géogr.
mod. ) ville du Dauphiné en France ; elle
eft fituée proche de la Durance fur un
rocher efearpé. Long. 24e1 9' o" Plat.^d
34' o".
EMBRYON, f. m. (Phyf.) Ce mot
vient de kv , dans , & de favur, croître ,
pulluler ; c'eft le nom que les médecins
grecs ont donné au fœtus , parce qu'il eft
renfermé & prend accroiffement dans la
matrice : on n'eft pas cfaccord furie temps
pendant lequel on peut le défigner de ce
nom. Quelques-uns, tels que Marcellus,
iib. de Joeturd hominis , prétendent qu'il
lui convient pendant tout le temps qu'il
eft contenu dans ce vifeere : d'autres , tels
que Drelincourt , périoch. 55, n'emploient
le terme à' embryon que pour exprimer les
dans un' œuf dont le placenta n'a pas
encore jeté des racines , pour l'implanter
dans la matrice ; & dès que le placenta,
y eft attaché , ils donnent à l'animalcule
le nom de fœtus : Boerhaave Infl. med.
phyfiolog. & M. Fizes, profefleur de Mont-
pellier, de hominis generatione exercitatio 9 .
n'emploient auiii le terme d'embryon , que
pour l'animalcule dont i'accroifiement-com-
mence dans la matrice ; dès qu'il eft bien
développé , ils l'appellent conftamment
fœtus , & ne fe fervent plus du mot e m-
bryon , quoiqu'ils emploient celui de fœtus
comme iynonyme à" embryon , & appellent
également fœtus l'animalcule dès les pre-
miers temps après la conception, (d)
Nous avons dépouillé avec beaucoup de
peine les meilleurs auteurs ; & en y com-
parant ce que nous avons vu nous-mêmes
dans l'homme & dans l'animal , un précis
des commencemens du nouvel animal , de
(es accroiffemens fucceflifs , & de la for-
mation fucceffive de fes p'arties , on fera
peut-être furpris de nous entendre avouer
que nos peines ont été inutiles, & que ,
ni les melures , ni les poids , ni le degré de
perfection des parties ne fauroient être
réduits à des époques sûres.
Dans la femme , la caufe de la difficulté
n'eft point obfcure : elle ignore ordinai-
rement qu'elle ait conçu , ellenelefoup-
çonne que par le moyen des règles. L>'ail-
leurs , les occafions d'ouvrir des femmes,
qui n'ont conçu que depuis peu, font très-
rares ; & quand elles fe trouveroient , on
ignoreroit également le jour que ces fem-
mes auroient conçu. Pour les œufs humains,
qu'il eft encore affez facile de fe procurer
par le moyen des fages-femmes , ce font
des avortons , & la nature a manqué de
moyens néceffaires pour les perfectionner
& pour les çonferver en vie. On y voit
quelquefois une difproportion extrême
entre la groflêur de l'œuf & celle du
fœtus , & on peut juger avec quelque cer-
titude , que ces fœtus ayant perdu la vie
par quelque accident , ou par quelque
maladie , l'œuf a continué d'être nourri
par les humeurs que la mère a fournies
au chorion & au placenta naiffant ; mais
que le fœtus eft relié tel qu'il étoit au
E MB
•moment de fà mort. En effet , il n'y a
aucune proportion d'un fœrus de trois
grains au temps de dix femaines écouté
depuis fa conception ; ni du poids de
quatre grains qu'avoit le fœtus , à quinze
& à dix-huit drachmes que peloient l'eau
de l'amnios & les enveloppes. On a vu
encore un fœtus de trois mois , qui ne
pefoit pas un grain d'orge , & un autre
qui n'en pefoit pas trois.
D'un autre côté , ileff arrivé par quelque
raifonque nous neconhoiflbnspas au juite ,
que le plus grand nombre d'auteurs ont
donné à leurs fœtus un accroifîement &
une proportion qui ne quadrent pas avec l'é-
poque de leur conception : c'eftfur-toutle
défaut de Kerkring. Mauriceau a fait graver
des œufs humains d'un jour , de deux
jours , Ùc. qui certainement ne font pas
des œufs , & qui ne peuvent être que des
hydatides , ou des reftes d'un placenta
véficulaire. On eff aflez d'accord que les
véhcules de Graal ne lont pas de véritables
œufs comparables aux œufs des oiieaux.
Leur diamètre efl proportionné à celui
des trompes : ils font trop attachés au
parenchyme des ovaires pour s'en détacher
fans le rompre : on a fait voir , qu'après
la conception > la véficule refte dans
l'ovaire des quadrupèdes ; qu'elle y paroît
déchirée ; qu'on y trouve un peu de fang
répandu par cette déchirure ; qu'elle s'y
remplit d'un parenchyme , & devient à la
fin ce corps jaune , qu'on a cru précéder la
conception. Les œufs de Mauriceau font
calqués évidemment fur ces véficules qui ne
font pas des œufs.
D'ailleurs les quadrupèdes, plus .fournis
aux loix exactes de la nature , & qui con-
çoivent le plus fouventpar le premier mâle
■qui a fu faifir le moment favorable , prou-
vent évidemment que l'accroifîèment & le
perfectionnement de f 'embryon eu beau-
coup plus tardif, que ne l'ont fuppofe les
auteurs dont nous différons. A peine
trouve-t-on au dix-feptieme jour dans la
brebis les premières apparences d'un em-
bryon : lans le fecours de l'efprit-de-vin ,
on ne croiroit voir qu'une mucofité , lors-
qu'on y apperçoit le chorion & l'allantoïde.
Dans la femme ces apparences ne doivent
pas être plus précoces ; fi l'homme pefç
EMB n9
trois fois autant que le mouton , la groffefle
dure une fois plus dans la femme, que l'état
de gravidité dans la brebis.
L'œuf d'Hippocrate , ou de l'auteur de.
la nature de l'enfant, n'a certainement pas
été le fruit d'une conception qui Ce (croit
faite fix jours auparavant; la danfeufe avoit
joui long-temps auparavant des plaifirs
dont cet œuf étoit le fruit. Martian a déjà
remarqué qu'un avorton de trente jours
n'avoit ni plus de grandeur , ni plus de
perfection que cet œuf de fix jours , &
Harvée nous a avertis qu'il ne faut pas ef-
pérer de découvrir l'embryon humain
avant la fin du premier mois de fou
exiflence.
L'homme , & fur -tout le phyficien
moderne, voudroit trouver les melures
jufles , èc les chiffres qui les expriment.
Nous n'efpérons cependantpas qu'on puiffè
jamais fixer le jour des premiers accroi ffe-
mens de l'embryon de l'homme. Le feul
moyen d'en approcher , ce feroit d'ouvrir
fréquemment , & de difTéquer exactement
des quadrupèdes , dont le terme de la dé-
livrance feroit à-peu-près égal à celui de
la femme : on ouvriroit des vaches , par
exemple, quoique leur terme foit un peu plus
long ; en les prenant à un jour , à deux ,
à trois , à quatre de leur conception , &
jufqu'au quarantième , après lequel le fœtus
efl trop avancé pour qu'il y ait lieu à des
doutes. On apprendroit par cette recher-
che le jour auquel l'œuf commence à pa-
raître , le jour où le fœtus eft devenu
vifible , le jour où le cœur & les autres
vifeeres fe lai (lent apperce voir , le jour où
le fang , la bile , les yeux , le foie ont
acquis leur couleur naturelle; on pourrait
fixer les mefures de l'embryon nouvelle-
ment devenu vifible , les accroifîèmens
de l'embryon entier & de chacun de (es
membres.
On a fait un cours d'expériences dans
les mêmes vues , mais le mouton efl plus
petit que la vache , & peut-être des re-
cherches multipliées dévoilcroient-elles-
une plus grande portion du travail de la
nature.
Pour ne pas renvoyer cependant le
lecteur à une époque qui peut - être
n'arrivera jamais , nous allons rapporter
*JÔ
ce qui nous paroît mériter de la con-
fiance.
La première apparence de Y embryon
des quadrupèdes eft une glu tranfparente ,
une cfpece de gomme dans fa ténuité na-
turelle , lorfqu'elle eft mêlée dans l'eau
fans être en iblution. Le premier jour
qu'on a pu découvrir ¥ embryon d'un qua-
drupède , a été le quatorzième dans une
chatte , & le dix-feptieme dans une brebis.
On avoit découvert la gelée animale avec
des enveloppes encore pulpeuies dans la
brebis , dès le quinzième jour.
Dans la truie , dont la gravid'ité eft
moins longue , Coiter a vu l'embryon dès
le deuxième jour. Nous avons été moins
heureux.
Le dix-neuvieme jour , Y embryon de
la brebis étoit perfectionné , les mem-
branes étoient cylindriques , l'amnios long
& grêle , Y embryon replié fur lui-même ,
des taches marquoient la place des yeux ,
le foie étoit viable , mais fans couleur
encore.
Le vingt & unième la bouche étoit ou-
verte , des lignes tranfverfales marquoient
la place des côtes , les vifeeres étoient
recouverts par des chairs ; on appercevoit
les commencemens des extrémités , le
cœur étoit rouge & pointu , le foie appa-
rent. Le vingt-deuxième on apperçut les
deux artères ombilicales , la veine &
l'ouraque.
Harvée a donné le nom de valife ou
de porte-manteau à l'œuf des quadrupèdes y
il a parlé d'après la nature ; cet œuf eft long
& cylindrique : & tout obfervateur qui
parle d'un œuf quadrupède ovale , a vu
quelque autre objet.
Dans la femme , Ruyfch a vu un em-
biyon fans forme , blanc & muqueux , qui
s'eft évaporé à l'air, fans prefque laifter de
refte.
L'œuf de la femme eft conftamment
velu. Santorini a vu un œuf humain de
dix jours , Heifter un de vingt-huit jours
qui n'étoit pas plus gros qu'une noiiètte.
L'œuf d'un mois , dont parle Riolan , étoit
de la grandeur d'une noix ; & le fœtus , de
celle d'une fourmi. Uembryon d'un mois
de Smellie , ne paflbitpas le volume d'un
grain de froment.
E M 3
A quarante jours l'œ-f atteint la gran-
deur de celui d'un pigeon, il la pailê même.
Le poids du fœtus étoit d'environ cent
grains , mais il étoit formé , il avoit même
la marque du fexe.
A quarante-cinq jours l'œuf a été de la
grandeur de celui d'une poule , le fœtus
formé & les doigts féparés.
Au delà de ce terme, ,1e fœtus n'eft plus
appelle embryon. ( H. D. G. )
Ruyfch , cur, renouv. dit avoir vu dans
une femme qui avoit tout récemment
conçu , un embryon qui n'étoit pas plus
gros que la tête d'une épingle ordinaire :
Hartman ? cph. nat. cur. rapporte en avoir
vu un de la grofTeur d'une graine de pa-
vot. Mattmugham, comp. ob/i. afiure qu'un
embryon de iix jours eft du volume d'un
grain d'orge. Dodart , hiftoire de V Aca-
démie des feiences ijoi , fait mention
d'un embryon de la longueur de fept lignes ,
dont on commençoit à diftinguer les mem-
bres. Moriceau , dans les obfervations , dit
en avoir vu un dans les eaux de l'œuf, de
trois ou quatre femaines , qui étoit à-peu-
près gros comme une fève. On trouve
dans les auteurs un grand nombre d'obfer-
vations de cette efpece qui ne s'accordent
point entr'elles , & qui prouvent une
grande variété dans les dimenlions de Y em-
bryon , pendant les premiers temps de Ion
accroiffement, puifque Moriceau rapporte
une obfervation d'un fœtus qui n'étoit pas
plus gros qu'un grain d'orge , au bout de
deux mois de groflefre bien avérée ; on ne
peut donc avoir rien de sûr à cet égard ,
parce que l'accrohTement de Y embryon ne
le fait pas toujours en proportion du nom-
bre de jours qui le font écoulés depuis la
conception ; ces progrès dépendent plus
vraifemblablement de la nature de la ma-
tière alimentaire qui lui eft fournie , & de
la force avec laquelle elle parvient jufqu'à
lui. Voye\ FŒTUS; voye\ auffi la lavante
note première d'Haller fur le § 6j$. Infiiu
med. Boerhaave.
Ariftote donne louvent aux fœtus des
animaux , & Théophrafte aux femences
des plantes , le nom d'embryon : en quoi ils
ont été fuivis par la plupart des auteurs
modernes. ( d)
Embryon , (Jardinage.) Ceft le haut
E M B
du piftil où eft le fruit de la graine. Voye\
EXAMINES.
EMBRYOTOMIE, f. f. Embryolo-
mia. , en terme de Chirurgie } opération qui
confifte à couper le cordon ombilical d'un
enfant qui vient de naître, & à le lui lier
en fui te.
Ce mot eft formé du grec ?u&pjov , foetus y
& r«/4f«, je coupe. Chambers.
Le mot embryotomi a plufieurs ligni-
fications ; il dénote la diiîêction anatomi-
que d'un embryon ; il peut lignifier auili
l'opération par laquelle on coupe en pièces
un fœtus mort dans la matrice , pour pou-
voir le tirer du ventre de la mère. Voyc\
Couteau a Crochet , & Crochet.
Ces deux interprétations paroifTent plus na-
turelles que celle de M. Chambers. ( Y)
EMBRYULKIE, f. t MmbryvUù**
en terme de Chirurgie , c'eft l'opération
par laquelle on tire l'enfant du ventre
de fa mère. Voye\ OPÉRATION CÉSA-
RIENNE.
Ce mot eft formé du grec 'ntfip* , fœtus >
& de îÀJifir , tirer.
Ce que les Grecs appellent embryulkie ,
les Latins le nomment epération ce'fa-
rienne ; & M. Dionis obferve que ce der-
nier terme ne s'eft introduit , &: n'a prévalu
qu'à caufe qu'il eft plus facile à prononcer
que l'autre. L'étymologie du mot embryul-
kie ne dénote pas cette interprétation , &
il femble que ce terme d'art devroit figni-
fier l'extraction de l'enfant du ventre de
la mère , dans un accouchement contre
nature. (Y)
Embryulkie, (Man. Marïch.) mot
formé & dérivé du grec ïp&fvw, embryon y
& de «a -.e v, extrahere } tirer.
Dionis a donné ce nom à l'hiftcroto-
mie , vulgairement appellée opération ce'fa-
rienne ; d'autres ont prétendu qu'il fignifie
l'extraction d'un enfant dans un accouche-
ment contre nature. Nous l'enufagerons
ici dans le fens que lui ont prêté Fanatomifte
& l'operateur , fans perdre notre temps à
examiner le fond de la conteftation & lans
prétendre la décider.
Il paroîtra fans doute fmgulier que j'en-
treprenne d'enrichir l'hippiatrique d'une
opération jufques ici uniquement réfèrvée
à la Chirurgie. Si l'on compare cepen-
E M B 251
dant les difficultés qu'elle préfénte , & les
craintes qu'elle infpire naturellement aux
praticiens les plus hardis , lorfqu'il s'agit
de la tenter fur une femme , dans l'inten-
tion de fauver la mère & l'enfant , ou l'un
ou l'autre , avec la facilité & Faffurance
que le maréchal doit avoir en la prati-
quant fur la jument ; je fuis perfuadé qu'elle
trouvera parmi nous autant de partifans
qu'elle a eu de contradicteurs relativement
à l'efpece humaine.
Le cas dans lequel je la propofe, n'eft
pas précifément celui où le fœtus a une
peine infinie à fortir par le vagin ; je la
confeillerois principalement dans la cir-
constance où la mère, prête à mettre bas ,
feroit furprife par une maladie formidable
& déiefpérée ; alors il me femble que , fans
attendre l'événement funefte dont nous
portons un pronoftic jufte & affuré , on
pourroit aifément fe difpenfer d'abandon-
ner le poulain à fon fort.
Pour en faire l'extraction , renverfez la
jument avec toutes les précautions poffi-
bles ; on la couchera fur le dos , & on
Faffujettira de manière que, ni le maréchal ,
ni (es aides puiffent en être bleffés. Faites
enfuite une incifion cruciale à la partie
moyenne & inférieure de l'abdomen ; cette
incifion fera d'environ un pié & demi , &
le terminera aux os pubis. Les gros intes-
tins fe préfenteront inconteftablement, &
les efforts occafionés par les vives dou-
leurs auxquelles la jument fera en proie,
les poufferont encore hors de la capacité.
Faites-les donc écarter, vous appercevrez
bientôt l'utérus ; pratiquez-y une ouver-
ture qui réponde à la première ; mais ufez
de beaucoup de circonfpection pour ne pas
porter atteinte au poulain : ouvrez aufli-tôc
encore les membranes qui le renferment *
les eaux qu'elles contiennent s'épanche-
ront , & vous retirerez fur le champ l'a-
nimal.
Cette opération nous impofè nécefîâire-
ment l'obligation d'en pratiquer une fé-
conde promptement & fans différer. Il
s'agit découper le cordon qui le tient aflu-
jetti au placenta, & d'en faire la ligature.
Dès le premier inftant de. fa naifîance ,
l'homme paie une forte de tribut à la chi-
rurgie , par le befoin qu'il a de la main du
132 E M B
chirurgien ; fans cette fection & fans cette
ligature , il ne fubfifteroit en effet que
quelques momens. La nature , dans les
animaux , a pourvu à cet inconvénient en
Suggérant à la femelle qui met bas , l'ins-
tinct de mâcher le cordon ombilical pour
le couper : elle ne fauroit y parvenir qu'a-
près un certain temps , attendu la confif-
tance membraneufe de ce même cordon ,
& la force de fon tifîu ; & ce n'efl que
parce qu'il a été extrêmement froiffé &
contus , que les parois des artères ombi-
licales font afFaiflees & prifes les unes dans
les autres ; de manière que leur cavité
étant , pour ainfi dire , effacée , le fang ne
peut plus fe frayer aucune ifiùe en dehors
iorfque la ièction a été faite.
Ici nous devons agir au défaut de la mère
qui n'exifte plus ; on fe munira d'une quan-
tité fuffifante de gros fil que l'on pliera en
cinq ou fix doubles de la longueur d'en-
viron un pié , & que l'on aura eu foin
d'arrêter aux deux extrémités par un nœud
à chacune d'elles. Ce fil ainfi préparé ,
on liera le cordon à environ quatre ou cinq
pouces du corps du poulain , de façon qu'il
ne foit ni trop ni trop peu ferré ; la liga-
ture maintenue par des doubles nœuds
répétés à mefure des entortillemens , on
coupera le cordon trois pouces au defTous ,
& l'on obfervera que cette fection ne foit
fuivie d'aucune effufion de fang : fi l'on
çn apperçoit , on refferrera les fils , & les
trois pouces de longueur que l'on laiffe en
deçà , ferviront à placer une féconde liga-
ture , fi la première étoit abfolument in-
fuffifante. Du refte ce n'eft que par cette
rnifon que j'ai fixé en quelque forte les
mefures ; car à quelque diitance que
foient faites & la ligature & la fection , la
nature fur laquelle nous devons nous repo-
fer du foin d'achever & de perfectionner
l'ouvrage , opère toujours la Séparation du
cordon à fa fortie de l'anneau ombilical ,
& au niveau du tégument ; cette fépara-
tion a lieu en huit ou dix jours plus ou
moins , & nous devons graiffer l'excédant
du cordon , avec du beurre , du fain-
doux, &c.
On conçoit au furplus , que le fiiccès de
Vembryulkie dépend de notre attention à
prévenir la mort de la jument. Plus nous
E M B
attendons , plus le fœtus eft débilite ; &
fi la mère eft morte , il eft certain que
nous avons d'autant moins de temps à
perdre , que le poulain ne lui furvivroit
que quelques mftans. Il ne fera plus ques-
tion enfin que de procurer à l'enfant les
moyens de s'alaiter , & d'entretenir une
vie que le maréchal vient en quelque façon
de lui rendre, (e)
EMBUE , f. fém. voye\ EMBOIRE.
{Peinture.)
? EMBUSCADE , f. f. {Art militaire.)
c'eft une troupe de gens armés , cachés
dans un bois , un ravin , un foffé , &c. pour
furprendre d'autres troupes qui doivent
parler dans le même lieu , & qui rie fe
doutant point d'être attaquées , font fùr-
prifes & défaites aifément. On appelle
aufli embufeade y le lieu où les troupes
font cachées.
Les remèdes & les précautions pour ne
pas tomber dans les embufeades y font
faciles à trouver. Il faut ne point marcher
avec trop de fécurité , mais s'avancer en
ordre de bataille , & en faifant reconnohre
le terrain devant foi à droite & à gauche
par de petits détachemens. Il faut charger
des officiers intelligens de ces détache-
mens , afin que tous les lieux par où la
troupe doit paffer , foient fouillés exacte-
ment. Il n'y en a aucun à l'abri des xm-
bufeades y parce que le terrain a beau être
uni , il s'y rencontre toujours quelques
inégalités , comme de petites élévations ,
des chemins creux , &c. dont l'ennemi
peut profiter pour fe cacher. Il eft d'au-
tant plus important à un officier qui com-
mande une troupe , de bien prendre fes
précautions fur ce fujet , que celui qui
tombe dans une embufeade y fournit , dit
M. Defolard, un fonds inépuilable de chan-
fons , de plaifanteries & de bons mots
qui ne finiffênt point ; & cela, dit cet
auteur , parce qu'il n'y a que des fots
ou de francs étourdis qui puiffent y
donner. (Q)
EMBUVER, {Maréchallerie.) Voye^
Abreuver.
EMENDALS, f. m. (Comm.) c'eft
un vieux mot dont on fe fert encore en
Angleterre dans les comptes de l'inner-"-
temple , où tant d'ine'mendals au bout
d'un
EME
<Tun compte , lignifient tant dans la banque
ou dans le fond de cette foc iè 'té y pour la
réparation des pertes que l'on a faites , ou
pour d'autres befoins.
EMEND ANT , (Jurifp.) voye\ ci-après
Emender.
EMEND A TIO PANIS E T CE RE-
VISIJE , (Commerce.) c'eft ce que l'on
appelle en Angleterre Yaffife du pain & de
la bière , ou l'autorité qui donne infpection
fur les poids & les mefures de ces denrées ,
afin de les régler, ou de corriger celles
qui font défectueufes. Voye\ ASSISE.
EMENDE , (Jurifp.) ancien terme qui
fe trouve dans plufieurs coutumes , pour
amende , comme émende d'appel , detofl-
entre'e ; émende coutumiere , émende de gage.
Voye\ AMENDE , & legloffaire de M. de
Lauriere , au mot Emende. {A)
EMENDER, v. ad. (Jurifp) fignifle
corriger, réformer. Le juge d'appel qui
infirme ia fentence d'un juge inférieur , fè
fert du terme émendant % c'eft-à-dire , cor-
rigeant la fentence dont efl appel \ & enfuite
eft le- nouveau jugement que fait le juge
d'appel. V. Appel, Infirmer, Juge ,
Premier Juge, Sentence. (A)
ÉMERAUDE , f. r*. (Hifi. nat. Lithol)
fmaragdus , pierre précieufe tranlparente ,
de couleur verte , fans mélange d'aucune
autre couleur , & à-peu-près de même
dureté que le cryftal. Par ces cara&eres il
eft aifé de diftinguer Yémeraude de toute
autre pierre verte , & même du diamant
qui auroit une couleur verte auffi belle que
Yémeraude. De quelque couleur que le dia-
mant puiffe être , on le reconnoît aifément
à fon éclat & à fa dureté. Voye\ DIA-
MANT. L'aiguë marine eft d'une couleur
mêlée de verd & de bleu. Voye\ AlGUE
MARINE. Le péridot eft d'une couleur
mêlée de verd & de jaune. V. PÉRIDOT.
\] émeraude efl la feule de toutes les pierres
précieufes occidentales & orientales qui
foit verte fans mélange d'autre couleur ,
fi ce n'eft le blanc qui fe trouve dans les
émeraudes imparfaites ; car il y a des cryf-
taux Yémeraude qui font en partie blancs
& en partie verds , ou qui ont différentes
teintes de verd plus ou moins foncé. Les
çryftaux Yémeraude ont , comme ceux du
cryftal de roche, la figure d'une colonne à
Tome XII,
. EME *■!»
lix faces ; mais au lieu d'avoir une pointe
à chaque bout , elles font terminées par
une face hexagone.
Prefque tous les auteurs diftinguent les
émeraudes en orientales &c en occidentales,
Ilsdifent que l'orientale eft d'un verd gai ;
qu'elle a une grande dureté & un grand
éclat qui fe foutient à l'ombre & à la lu-
mière de la chandelle. Aujourd'hui on ne
voit aucune émeraude orientale; s'il y en
a , elles font d'une rareté extrême. Les au-
teurs qui- en parlent, ne conviennent point
du lieu où elles fe trouvent : les uns difent
que c'eft en Arabie, les autres en Perle,
en Egypte , &c. Voye^ la biblioth. orien-
tale. Tavernier dans fon traité des pierres
de couleur quife trouvent aux grandes Indes ,
prétend qu'il n'y a jamais eu de mines
$ émeraudes dans aucun lieu des grandes
Indes ; & que toutes celles qu'on y a vues
ou qui en font venues , y avoient été
apportées du Pérou par la mer du Sud.
Ce voyageur croyoit que les Américains
avoient eu commerce , même avant la dé-
couverte de l'Amérique , avec les habitans
des îles de l'Inde orientale appeilée au-
jourd'hui Philippine , & qu'ils y avoient
porté une grande quantité d'émeraudes.
Comme on ne trouve à prêtent aucune
émeraude dont ia dureté foit égale à celle
des pierres orientales , on eft en droit de
douter de l'exiftence des émeraudes de
cette nature. Il y a près de quatre-vingts
ans que de Rofnel difoit , dans fon Mer-
cure Indien , que l'on ne rencontroit pref.
que plus d'émeraudes orientales ou de vieille
roche , parce que la mine étoit épuifée , ou
cachée dans un lieu inaccefiible.
L' 'émeraude occidentale , qui eft la feule
que nous connoiffions aujourd'hui, vient
de l'Amérique & de quelques endroits de
l'Europe. \J émeraude d'Amérique fe trouve
au Pérou : elle eft bien plus belle que celle
de l'Europe ; fa couleur eft d'un beau
verd-foncé. Il y avoit autrefois une mine
de cette efpece Yémeraude dans ia valléte
de Manta , dépendante de Pojto-Viéjo.
Cette mine en fournifloit beaucoup avant la
conquête du Pérou , & de très-belles , au
rapport de Garcilaflb de la Vega , Hifi. des
Incas , tom. I. Les Efpagnols ne purent
jamais la retrouver ; mais ils rapporterez
134 E M E
de ce pays une fi grande quantité S éme-
raudes , que le prix de cette pierre bailla
beaucoup en Efpagne , & de là il s'en
répandit par-tout. Les émeraudes d-' Améri-
que fè trouvent aujourd'hui dans la vallée
de Tunca ou Tomana, afTez près de la
nouvelle Carthage , & entre les montagnes
de Grenade & de Popayan ; c'efl de là
E M E
elles ne dévoient pas fe cafler. V. PlEHREk
PRÉCIEUSES, (2)
ÉMERAUDE , (Pharmacie?) c'en1 une
des pierres qu'on appelle en Pharmacie
fragment précieux. V. FRAGMENT PRÉ-
CIEUX.
ÉMERGENT , adj. année émergente ,
(Chron.) c'efl l'époque dont nous com-
qu'on en tranfporte à Carthagene une fi mencons à compter le temps. Voye\ Epo-
grande quantité tous les ans. Les émeraudes QUE.
de l'Europe viennent d'Italie , de Chypre,
d'Allemagne, d'Angleterre, &c. Véme-
raude eft une pierre fort eftimée ; celles de
l'Amérique , lorf qu'elles font parfaites , fe
vendent auili cher que les pierres orien-
tales. On a cru pendant long-temps que
Yémeraude venoit de la pierre que l'on
appelle prime d'émeraude 'y mais cette pierre
en fort différente de Yémeraude. Voye\
Prime d'Emeraude.
Théophrafte rapporte qu'un roi de Ba-
bylone préfenta au roi d'Egypte une éme-
raude , dont la longueur étoit de quatre
coudées , & la largeur de trois ,' & qu'en
même temps il y avoit en Egypte un obé-
lifque compofé de quatre émeraudes , qui
avoit quarante coudées de haut , quatre
de large en quelques endroits , & deux
dans d'autres. Il eft impofiible qu'il y ait
jamais eu des émeraudes de cette grandeur :
on a pris pour émeraudes des chofes d'une
autre nature. L'hifîoire de la déefTe Eme-
raude , rapportée par Garcilafïb delà Vega ,
me paroît plus vraifemblable. Cet auteur
dit que les peuples de la vallée de Manta
au Pérou , adoroient une émeraude groffe
comme un œuf d'autruche ; on la mon-
troit les jours de grande fête , & les In-
diens accouroient de toutes parts pour voir
leur déelTe , & pour lui offrir des émerau-
des. Les prêtres & les caciques donnoient
à entendre que la déefïè étoit bien aife
qu'on lui préfentât (es filles , & par ce
moyen ils en amafTerent une grande quan-
tité. Les Efpagnols , dans le temps de la
conquête du Pérou , trouvèrent toutes les
filles de la déefie ; mais les Indiens cachè-
rent fi bien la mère , qu'on n'a jamais pu
favoir où elle étoit. D. Alvarado & fès
compagnons briferent la plus grande partie
des émeraudes fur des enclumes , parce
qu'ils croyoient que fi elles étoient fines,
Notre année émergente eu quelquefois
celle de la création. Les Juifs prenoient
pour année émergente, ou celle du déluge ,
ou celle de l'exode, c'eft-à-dire de leur
fortie d'Egypte.
L'année émergente des Grecs étoit l'année
de l'établiffement , ou du moins du réta-
blifîèment des jeux olympiques. Les Ro-
mains comptoient depuis la fondation de
Rome. Les Chrétiens comptent depuis la
naiffance de Jefus-Chrifl , ou environ ;
les Mahométans , depuis l'hégire ou fuite
de Mahomet de la Mecque à Médine ,
qui arriva en l'an 6iz de Jefus-ChrilL
Voye\ Ere. (O)
EMERIL, f. m.fmiris {Hifl. nat. MU
néraîJ) C'efl une mine de fer d'une dureté,
extraordinaire , elle efl pefante , reflemble
à une pierre ; fa couleur eu ou grife , ou
roug^eâtre , ou noirâtre : la partie ferrugi--
neule y eff en très-petite quantité , & 'telle-,
ment enveloppée, que l'aimant ne peut
point l'attirer. Vémeril réfifte à l'action.--
du feu, & n'entre en fulion que très-
difficilement; il faut y joindre pour cela,
une grande quantité de fondant : c'efî ce
qui l'a fait placer au nombre des mines
de fer réfraclaires. On voit par-là que l'on
ne trouveroit point fon compte à traiter
Yémeril pour en tirer le fer. L'ufage prin-«-
cipal qu'on en fait , eft de polir l'acier , le
fer y le verre & les pierres les plus dures ;
mais pour l'employer ainfi , il faut com-
mencer par le réduire en une poudre
extrêmement fine, enfuite de quoi on le
délaie dans l'eau , ou dans de l'huile pour
certains cas. ( — )
ÉMERILLON, Ç.m.(Hift. nat. Ornith.)
afalon. C'efl le plus petit de tous les oifeaux
que l'on drefTe pour la chaffe , à l'exception.
de la pie-grieche ; car il n'eff pas plus gros
j que le merle. Il a un pic un pouce de.
E ME
longueur depuis la pointe du bec jufqu'à
l'extrémité de la queue , & un pie jus-
qu'au bout des ongles. Dans cette efpece
d'oifeau les mâles font plus petits que les
femelles. Le bec efl de couleur bleue, &
garni de chaque côté d'une appendice ; &
l'iris des yeux a une couleur de noifette. Il
y a au deflbus de l'occiput une forte de
collier de couleur blanche-jaunâtre. Le
menton eft blanc ; le dos , & en général
toute la face fupérieure du corps , font
de couleur de rouille , mêlée de bleu-
noirâtre. Les grandes plumes des ailes font
noires, & parièmées de taches de couleur
de rouille. La queue a cinq pouces de
longueur , & efl traverfée par quatorze
bandes qui font alternativement de cou-
leur noirâtre & de couleur blanche mêlée
d'une teinte de roux. La face inférieure ,
c'eft-à-dire , la poitrine , le ventre, &c. ,
eft d'un blanc mêlé de couleur de
rouille , avec des taches noires & teintes
de rouille. Ces taches , au lieu d'être tranf-
verfales , font dirigées de haut en bas de
la tête à la queue. Cet oifeau a les pattes
longues , minces, & de couleur jaunâtre ,
& les bngles noirs. On diflingue le mâle
d'avec la femelle , par le moyen d'une
tache bleue qui fe trouve à la racine de
la queue des mâles. La femelle eft , comme
dans toutes les autres efpeces d'oiléaux de
proie, plus grofîe que le mâle, mais d'une
couleur roufîè moins foncée , & parfemée
d'une teinte de bleu. Il n'y a fur la queue
du mâle que cinq larges bandes tranfver-
fales noires , & cinq autres moins larges ,
d'un roux plus foncé. La longueur de la
queue eft de cinq pouces, & celle de l'oi-
feau entier, d'un pié. Quoique Yémeril-
lon foit un des plus petits oiièaux de proie,
il a autant de courage & de hardieffe
qu'aucun autre; il tue les perdrix en les
frappant de fon bec fur la tête , & fon
coup eft fait en un infiant. Willughby,
Ornith. Voye\ OlSEAU. (/)
EMERILLON (Artill.) c'eft une petite
pièce de canon qui ne pafïe guère une
livre de balles. {Q)
EMERILLON, en terme de boutonnier ,
c'eft un uftenfile de cuivre à quatre pans ,
plus haut que large y vuidé dans (es quatre
faces, & garni à chaque extrémité de
E M E *3ï
deux crochets rivés dans fon intérieur ,
mais de façon qu'ils puiffent jouer dans
leur trou. L'un de ces crochets fert à
attacher l'outil à une corde ou à autre
chofe ; & celui de devant , à retenir la
guipure- Quand le fil eft retors fuffifàm-
ment du même fens , & de la groffeur
qu'on veut , on attache une autre loie ou
fil de même ou de différente couleur, à
Yémerillon. On fait tourner la première
roue du rouet , & l'on conduit le brin de
Yémerillon vers le rouet , de manière que
retordu dans un fens contraire à ceux
qui lui fervent de bafe , & à diftances
égales, il produit ce qu'on appelle du
guipé. Voye^ Guipé.
EMERILLON , terme de Cordier , eft un
crochet de fer tellement difpofé dans fon
manche , qu'il y peut tourner avec beau-
coup de facilité.
Cet infiniment ne fert pas feulement
aux fileurs , les commetteurs s'en fervent
aufîï. Voy. l'art. CoRDERIE.
^ ÊMERITAT, f. m. (Hifl. anc)
c'eft ainfi qu'on appelloit, chez les Ro-*;
mains , la récompenfe qu'on accordoit à
un foldat qui avoit bien fervi pendant un
certain nombre d'années. On difpute fi
elle confiftoit ou en argent , ou en terre ,
ou dans l'un & l'autre , & s'il n'y avoit
aucune différence , entre Yemeritum & le
preemium. L'hifloire nous apprend qu'Au-
gufïe donna à un prétorien 5000 drach-
mes , &à un foldat d'un rang fubor-
donné , 300 ; qu'il avoit fixé le terme de
Yéméritat, & les récompenfes des diffé-
rentes fortes d'émérites ; que parmi ces
émérites les uns dévoient avoir fervi feize
ans , d'autres vingt, & que Caligula ra-
baifTâ à la moitié la récompenfe de Témé-
rité prétorien. L'émérite , de quelque rang
qu'il fût , étoit très-eftimé , & il n'en
étoit point réduit , après la campagne , à
la fonction de délateur de (es compa-
gnons.
* ÉMERITE , f. m. {Hifl. mod.) On
donne dans la faculté des arts , ce titre aux
profefleurs qui ont vingt ans d'exercice.
Us confervent, en quittant leur chaire , une
penfion de cinq cents livres ; récompenfe
bien modique d'un long fervice rendu à
la fociété dans un des emplois les plus
Gg i
trf E M E
importât» & les plus pénibles, celui d'ins-
truire la jeuneffe.
? EMERSION , f. f. en Phyfigue , efl
l'élévation de quelque folide au deffus de
Ja furface d'un fluide plus pefant que lui ,
dans lequel il a été plongé avec force , ou
jeté. Voy. FLUIDE, ce mot vient $ émer-
ger e , fortir dehors, qui eft oppoféà mer-
gel e, plonger.
C'eft une des lo'x connues de l'hydrofla-
tique , qu'un corps folide étant enfoncé
avec force dans un fluide pefant , fait
effort immédiatement après pour remon-
ter ; & cela avec un degré de force égal
à l'excès du poids d'un pareil volume de
fluide fur le poids du folide même. Par
exemple , un folide érant plongé dans un
fluide d'une gravité fpécifique double de
3a fienne , il remontera en haut avec une
force égale à la moitié de celle avec la-
quelle il defcendroit dans l'air libre ou
dans le vuide , & il remontera jufqu'à ce
que la moitié de fon volume foit hors du
fluide ou au defïîis de fa furface : car , en
cet état, fa partie fubmergée occupera la
place d'une portion de fluide d'une pefan-
teur égale à celle du corps entier ; & par
conféquent la colonne dans laquelle jfe
trouve ce corps , fera un équilibre avec
les colonnes adjacentes. Voye\ FLUIDE ,
Hydrostatique , Aréomètre , Ba-
lance hydrostatique,Pesanteur
spécifique.
EMERSION , en Astronomie. Onfefert
de ce mot pour remarquer que le foleil ,
la lune ou quelqu'autre planète recommen*
cent à- paraître, après avoir été éclipfés
ou cachés par l'interpofition de la lune , de
la terre, ou de quelqu'autre corps célefte.
Voyei Eclipse.
On trouve quelquefois les difTérences
en longitude , par l'obiervation des im-
merjions ou des émerfions du premier fatel-
lite de Jupiter. Voy. SATELLITE & LON-
GITUDE,
On fe fert encore du terme émerflony
lorfqu'une étoile ou planète que le foleil
cachoit, parce qu'il en étoit trop proche,
commence à reparoître , en fortant , pour
ainfi dire , des rayons de cet aflre. Voye\
Mercure.
Scrupules ou minutes d'e'merfion % c'eil
E M E
Parc que le centre de la lune décrit depuis*
le temps qu'elle commence à fortir de l'om-
bre de la terre , jufqu'à la fin de l'éclipfe.
Wolf, Harris & Chambers. (O)
EMERUS , improprement yféné bâtard,
(Botanique.) fecuridaca , des jardiniers ;
en Anglois , fcorpion fena: dans Linnaeus,
coronille , de la clafTe des diandria deean-
dria.
Caractère générique.
Les fleurs papilionacées de Vemerus font
raffemblées en petites grappes : elles font
compofées d'un calice ou godet découpé
en quatre parties inégales , d'un pavillon
échancré par le milieu & recourbé en ar-
rière y & d'une carène monopétale ; cette
carène efl prefque cachée par les ailes qui
font oblongues, un p^u écartées par le
bas , & réunies par leurs bouts qui font
pointus & qui s'élèvent : du fond du ca-
lice part un embryon oblong, couvert
d'une graine , de i'extrémké de laquelLe
fortent dix étamines très-déliées , dont les
fommets reffemblent à de petites pyrami-
des ; l'embryon devient une filique lon-
gue, menue & articulée à l'endroit des
graines qui font cylindriques. Les pétales
de la fleur ne paroifTent être que l'élargie-
fement d'un filet qui prend naifîance dans
le calice ; excepté la nacelle qui efl portée
fur deux filets , il fe trouve entre le filet
du pavillon & ceux des ailes, un éloigne—
ment affez confidérable.
Efpcces*
i. Emerus , arbrifîêau dont les fleurs ont
de longs pédicules.
Emerus caule fruticofo y pedunculis /on-
gioribus. MilL
Scorpion fena withashrubby flalk & Ion»
gerfootftalks to the fiowers.
2. Emerus , arbrifîêau à folioles échan-
crées en cœur , & dont les fleurs ont de-
petits, pédicules.
Emerus foliis obeordatis , pedunculis bre~
vioribus , caule fruticofo. Mil!.
Scorpion fena with long heart-shaped lea-
ves , shorter foot-flalks to the fiowers & a
ftrubly flalk.
3. Emerus à tige droite, herbacée. ^ à
EME
feuilles compofées de plufieurs paires de
folioles à fleurs folitaires , & à filiques
longues & verticales.
Emerus caule erecio , herbaceo , foliis
multijugatis , floribus fingularibus 9filiquis
longijjîmis ereclis. Mill.
Scorpion fena with an erect herbaceous
fialk , the leaves compofed of many pairs
of lobes y fingle fiowers proceeding from
thejides of the fialks , an very long erecl
pods.
Aux marques difhn&ives énoncées dans
tes phrales botaniques des emerus, n°. i
& n°. 2 , fe joint celle prife de leur
hauteur déterminée. Le n°. i s'élève fur
plufieurs tiges grêles jufqu'à huit ou neuf
pies : le n°. 2 ne parvient guère qu'a la
hauteur de quatre ou cinq ; cette diffé-
rence, ainfi que les précédentes^ fe fou-
tiennent dans les individus produits par la
graine ; ce qui conftate leur caraâere fpé-
cifique.
Tous deux portent des feuilles conju-
guées, formées de trois paires de folioles ,
& terminées par une foliole unique ; mais les
folioles du n°. i font plus larges & un peu
plus échancrées que celles du n*. 2 : le jeune
bois du premier eft d'un beau verd , celui
du n°. 2 eft violet : dans l'un & l'autre le
vieux bois eft grifârre & mêlé de blanc ;
le bois moyen eft olive plus ou moins foncé ,
& (trié de blanc ; les racines font ligneufes
& fibreufes , jaunâtres en dehors &: blan-
ches en dedans.
Les fleurs des emerus font d'un jaune
vif. L'étendard eft fouetté de rouge par
derrière : ces arbriffeaux font chargés de
fleurs dès le commencement de mai , &
fouvent ils en donnent encore en feptembre
& oclobre : comme elles nailfent fur les
jeunes bourgeons , ils fleurhTent chaque fois
qu'on a retranché le bout de leurs bran-
ches ; ce qui les rend très-propres à être
fournis au cifeau : lorfqu'on les tond en fep-
tembre , ils reproduifent des fleurs à la fin
d'odobre , qui durent fouvent juiqu'en jan-
vier.
Quoiqu'ils conferv|nt naturellement
leurs feuilles fort avant dans l'automne ,
la tonte qu'on leur fait fubir à la fin de
Vété , les fait durer encore bien plus long-
temps > & même tout l'hiver , lorfque cette
EME i37
faifon n'eft pas féroce. En général , il eîl
à obferver que les feuilles des bourgeons
qui ont pouffé les derniers , réfiftent mieux
aux gelées ordinaires que celles des bran-
ches de l'été , apparemment parce qu'étant
encore dans leur jeuneffe & leur vigueur ,
leur pédicule tient plus fortement au
bourgeon , peut-être auffi parce que leurs
fibres font plus élaftiques que celles des
feuilles plus âgées. Voye\ V article ARBRE,
On forme des haies charmantes avec
les emerus ; mais pour qu'elles garniffenc
bien , il faut les paliffer les deux premières
années , & ne les tondre que la troi-
fieme : on en fait auffi de belles boules
propres à orner les plate-bandes & les
lieux les plus foignés des jardins ; mais
on les élevé difficilement fur une tige uni-
que.
V emerus n°. i peut être placé comme
un très-joli buiffon en troifieme ou qua-
trième ligne dans le bofquet de mai ; &
le /2*. 2 en première ou féconde ligne ,
avec des arbriffeaux de même croiffance
qui puifîênt contrafler par la couleur de
leurs fleurs : comme leur feuillage efl
d'un verd tendre & riant , qui fe nuance à
merveille avec les fleurs jaunes qu'ils pro-
duifent fouvent , comme nous l'avons
dit, à la fin de l'été & en automne, ils
peuvent être employés dans les bofquet*
de ces faifons , & ils y feront d'un très-bel
effet.
Ils fe multiplient par leurs graines femées
en mars ; mais ils fructifient rarement : on
peut aufli les élever de boutures faites au
printemps , quelque temps avant la poufle ,
dans une bonne terre fraîche à Pexpofition
du levant , ou par les marcottes en juisr;
mais , pour peu qu'on foit fourni de vieux
pies , ces moyens de multiplication de^
viennent inutiles , par la quantité d'écuyers
& de furgeons qui pouffent à l'entour , &
qu'on enlevé pour planter où on veut les
avoir.
.Comme le bois des emerus fè chancit
aifément , nous nous fornmes très-bieiï
trouvés de ne les tranfplanter qu'en mars ;
mais alors il convient de plaquer autour
, de leurs pies des gazons épais d'un pouce
ou d'un pouce. î , tournés fèns deflùs d*£-
fous-
238 E ME
Qu'on joigne à cette précaution quel-
ques arrofemens , dans le cas où la féche-
reffe aura duré afîez long-temps pour pé-
nétrer fous cette couverture ; on affurera
la reprife , & l'on favorifera même fin-
guliérement la connoiffance de ces arbuftes
qui fleuriront dès le mois de feptembre
fùivant.
Uémerus n°. i croît de lui-même fur
le mont Jura, dans les parties ombragées;
nous ignorons fi l'autre s'y trouve.
Le n°. 3 n'eft qu'une plante herbacée
& annuelle qui croît aux Indes orientales
& à la Véra-Cruz dans la nouvelle Efpa-
gne. Sa graine doit être femée dans un
pot fur couche , & les jeunes pies de-
mandent le traitement convenable aux
arbres exotiques des pays chauds. C'eft
tout ce que nous devons dire de cette
troifieme efpece d'émerus , qui ne peut
fervir qu'au perfectionnement des collec-
tions.
Le nom d'émerus a été donné à ces
plantes par Théophrafte, & a été enfuite
adopté par Caefalpin. ( M. le baron de
TSCHOUDI. )
ÉMESE , ( Géogr. anc. & mod. ) ville de
la Syrie en Afie; elle eft maintenant dans
le gouvernement du bâcha de Damas. Il
y a encore aujourd'hui des ruines qui
annoncent une ville anciennement opu-
lente. On croit que c'eft l'Emath de l'écri-
ture-fainte.
ÉMETIQUE , ( Thérapeutique. ) voye\
Vomitif. •
ÉMETIQUE (Tartre.) Chymie^ Ma-
tière me'dic. Voyez fous le mot T ART RE.
ÉMETTRE, ( Junfprud.) fe dit en par-
lant de certains ades ; comme émettre un
appel fimple ou un appel comme d'abus,
c'eft interjeter un appel.
On dit d'un religieux qu'il a fait Ces
vœux ; mais en parlant de fade par lequel
il les a proférés , on qualifie ordinairement
cet a&e d'émijfîon de vœux. {A)
ÉMEU ou EME. Voye\ Casoar.
ÉMEU owEME , f. m.(Hift. nat. Ornith.)
oifeau des Molucques, qui a jufqu'à cinq
pies de hauteur ; fon corps depuis ï'eftomac
jufqu'au croupion a trois pies de long ; la
tête eft petite eu égard à fa taille , elle eft
dégarnie de plumes , & d'une couleur
EME
bleuâtre, (es yeux font grands & très-
vifs : au defîùs du bec font deux ouver-
tures qui fervent de narines ; fur la tête
eft une efpece de couronne d'un jaune-
foncé qui defeend jufque fur le bec ; il la
perd tous les ans avec {es plumes dans le
temps de la mue. Le cou eft garni de
deux peaux rouges femblables à celles des
coqs-d'Inde; fes cuiffes font charnues &
couvertes d'une peau écailleufe ; les pattes
font grofTes & garnies de cinq ergots cou-
verts d'écaillés très-dures : il refTemble affez
à une autruche , de Pefpece de laquelle
il eft peut-être ; Ces plumes font noires &
rouges , on les prendroit de loin pour des.
poils ; fes ailes font courtes , aufli ne lui
fervent-elles point pour voler , mais feule-
ment pour courir avec plus de rapidité ;
le croupion eft couvert de plumes plus
longues & plus fortes que les autres ; il a
plus de force dans les pattes que dans le
bec ; Ces œufs diffèrent de ceux des autru-
ches en ce qu'ils font plus petits , la co-
quille en eft verdâtre & remplie d'une
infinité de boucs ou tubercules : les habi-
tans du pays s'en nourriffent. Cet oifeau
avale tout ce qui Ce préfente à lui , & rend
par derrière ce qu'il n'a pu digérer. On
prétend que fa graifïe eft très-bonne pour
les nerfs , émolliente , maturative. Dic7ionn.
uniyerf. de Hubner.
ÉMEU, f. m. ( Fauconnerie. ) rendre
fon émeu 9 c'eft rendre fon excrément ;
l'oifeau eft en parfaite fanté quand il rent
bien fon émeu.
ÉMEUTER ou ÉMEUTIR, v. neut.
( Fauconn. ) Ce dit des oifeaux de proie ;
quand le faucon a rendu fon excrément,
on dit qu'il vient diémeuter.
EMILIEN, ( Hifl. des Empereurs. ) né
dans la Lybie de parens obfcurs & indi-
gensj embrafïa , par goût & par befoin ,
la profefîion des armes. Quelques actions
d'éclat le firent remarquer de l'empereur
Dece, qui lui confia le gouvernement de
la Sarmatie > en proie aux brigandages des
barbares. Il montra dans cet emploi tant «
de courage & 4e capacité , que Gallus ,
fucceffeur de Dece y le continua dans ce
gouvernement. Les derniers empereurs
s'étoient fournis à payer un tribut aux Scy-
thes. L'avarice de ces Barbares , devenant
E M I
plus exigeante à mefure qu'on lui four-
niflbit des alimens , impofoit chaque jour
des conditions plus humiliantes. Emi-
lien, fenfible à l'abaifTemeht où ils tenoient
l'empire , fît aflèmbler Tes foldats ; il leur
promit , s'ils vouloient le féconder , de
récompenfer leur valeur en les gratifiant
de la fomme qu'on payoit aux Barbares.
Cette propofition fut reçue avec un ap-
plaudiffement général : tous demandent
qu'on les mené à l'ennemi , & la fortune
féconde leur courage. Les Scythes s'éloi-
gnent des frontières où la fureté fut réta-
blie. Emilien rentra triomphant dans la
Méfie , où fon armée , reconnohîante de
l'exécution de fa promerle , le proclama,
empereur. Gallus , inflruit de cette rébel-
lion , s'avança dans cette province pour la
faire rentrer fous l'obéhTance. Une défaite
qu'il effuya le fit tomber dans le mépris
de Ces foldats, qui le mafîacrerent avec
fon fils. Emilien , victorieux , écrivit au
fénat pour le prier de confirmer fon élec-
tion , promettant de chafTer les Barbares
de l'Arménie &; de la Méfopotamie. Une
promeffc fi éblouifïante lui mérita tous les
fùfFrages : il faifoit de grands préparatifs
pour remplir fon engagement , lorfqu'il
apprit que les légions de la Rhétie avoient
élevé à l'empire Valérien , dont l'illufrre
pairlance & les grands talens avoient fub-
jugué Femme publique. Les foldats d* Emi-
lien , honteux d'être fous les ordres d'un
chef né pour vieillir dans les derniers gra-
des , le mafîacrerent pour prévenir les
horreurs d'une guerre civile , qui les eût
obligés de tourner leurs armes contre
leurs parens & leurs concitoyens. Il n'étoit
âgé que de quarante ans lorfqu'il fut
ailafliné en 254 ,; fon règne ne fut que de
trois mois. Perfonne ne lui contefta les
talens d'un homme de guerre ; mais il
étoit fans capacité pour les affaires. ( T-n)
ÉMINCIR,v. ad. ( Arts méchaniq.)
c'en1 en général ôter à un corps de fon
épaiiïéur. On dit mieux amincer & aminci ,
quY/m/zc/V & émincé.
ÉMINE,f.f. (Econom. ruftiq.) Voy.
Hemine.
ÉMINENCE, f. f. ( Phyfiq.) petite
élévation ow monticule au defTùs du niveau
de. la campagne. Voyt\ MONTAGNE.
E MI 235?
On dit : ce palais efl bâti fur une émi-
nence; les ennemis fe font faifis de cette
éminence y par où ils nous commandent,
. ÉMINENCE , f. f. en Anatomie ; ce mot
fe dit principalement en parlant de cer-
taines éminences des os , & on en peut
diftinguer de trois efpeces ; favoir, i°. cel-
les qui fervent à la connexion des os ;
2°. celles qui donnent attache à des parties
molles; 30. celles qui réfultent de la con-
formation particulière de l'os. Mais comme
les unes font continues avec l'os , & que
d'autres ne font que contiguës , c'eft là
ce qui a donné lieu à la diftinclion qu'on
en a faite en apophyfes & en épiphyfes. V%
Apophyse ù Epiphyse.
C'eft de la figure, de la fituation, de
la connexion , & des ufages des éminences ,
qu'on a tiré les différens noms qu'on leur
a donnés.
De leur figure , on les appelle tête y lors-
qu'elles font convexes & arrondies en
forme de globe ; tubérojïté y lorfqu'elles
font inégales & raboteufes ; épine & ép'u-
neufe y quand elles font aiguës & en
pointe , &c.
De leur fituation , elles fontappellées obli-
ques y tranfi-'erfes y fupérieures y inférieu-
res y &C.
De leur connexion , elles prennent le
nom des parties avec lefquelles elles font
articulées ; telle eft l'apophyfe malaire
de l'os maxillaire,. &c, Voye\ MAXIL-
LAIRE.
Par rapport à Pujage , on donne le nom
de trochanter à deux tubérofités de l'os de
la cuhTe , qui donnent attache aux mufcles
qui la font tourner. ( L )
* ÉMINENCE , f. f. ( Hifi. mod. ) titre
qu'on donne aux cardinaux , aux trois
électeurs eccléfiaftiques , & au grand-maître
de Malte , félon une bulle d'Urbain VIII ,
qui ne difpenfe que les rois & les papes
de le leur accorder , & qui défend à tous
autres de le prendre. Le pape leur dit votra
fignorio-i le roi de France y coufin ; l'em-
pereur , reverenda paternitas ; les rois de
Pologne & de Portugal , & la république
de Venife , fignoria illuflrijjima. Au refte
cette épithete honorifique , éminence , avoit
été donnée par Grégoire le Grand à des évê-
ques , long-temps avant qu'Urbain l'attachât
24© E M I
fpécialement au cardinalat. La bulle
d'Urbain VIII qui éminentifie les cardi-
naux , eft de 1630.
EMIONITE , f. f. ( Hift. nat. bot. )
hemionids , genre de plante , dont les feuil-
les ont de larges oreilles à leur bafe , foit
qu'elles foient {impies , foit qu'elles foient
compofées. Tournefort, Inftit. rei herb.
Voye\ Plante. ( I)
EMIR, f. m. (Hift. mod. ) titre de
dignité , ou qualité chez les Turcs ou
Sarrafins , qu'on donne à ceux qui font
parens ou defcendus du grand prophète
Mahomet.
Ce mot eft Arabe , & dans cette langue
il lignifie prince ; il eft formé de amar ,
qui eft originairement Hébreu , & qui
dans les deux langues fignifie dire & com-
mander. Voytt Amiral.
Les émirs font en grande vénération ,
& ont feuls le droit de porter un turban
verd. Il y a fur les côtes de la Terre-fainte ,
des émirs qui font des princes fouverains ,
comme Vernir de Gaza , M émir de Terabée ,
fur lefquels le grand-feigneur n'a que peu
d'autorité.
Ce titre ne le donnoit d'abord qu'aux
califes. On les appelloit aufli en Perfe émir
\adeh , fils du prince ; & par abréviation
ai émir on fit mît , & d'émir ^adeh, mir^a.
Voye\ CALIFE. Dans la fuite , les califes
ayant pris le titre de fulcan , celui d'émir
demeura à leurs enfans , comme celui de
céfar chez les Romains. Ce titre à! émir ,
par fucceilion de temps , a été donné à tous
ceux qui font cenfés defcendre de Mahomet
par fa fille Fatima , & qui portent le turban
verd. Voye\ TURBAN.
Ces émirs étoient autrefois uniquement
deftinés au miniftere de la religion , &
l'état l«ur payoit une penlion annuelle ;
aujourd'hui on les voit répandus dans tous
les emplois de l'empire ; aucun magiftrat ,
par refped pour le fang de Mahomet,
n'oferoit les punir. Ce privilège eft réfervé
à Vémir bachi , leur chef, qui a fous lui
des officiers & dts fergens , avec pouvoir
de vie & de mort fur ceux qui lui font
fournis ; mais pour l'honneur du corps , il
ne fait jamais punir les coupables ni exé-
cuter les criminels en public. Leur def-
eendance de la fille de Mahomet eft une
E M I
chofe fi incertaine, que la plupart des
Turcs même ne font pas fort crédules
fur cet article , & battent fouvent les
vénérables enfans du prophète , en pre-
nant toutefois la précaution de leur ôter
le turban verd , & de le pofer à terre
avant que de les frapper; mais un chré-
tien qui les auroit maltraités feroit brûlé
vif..
Emir eft aufli un titre y qui , joint à
quelqu'autre mot , déligne fouvent quel-
que charge ou emploi , comme émir al
ornera y le commandant des commandans.
C'étoitdu temps des califes le chef de leurs
conlèils & de leurs armées.
Les Turcs donnent aufli ce nom à tous
les vilirs ou bâchas des provinces ; ( ioye%
BACHA , &c. ) ajoutez à cela que Vernir
akhor , vulgairement imrahor , eft grand-
écuyer du grand-feigneur.
JJémir alem , vulgairement miralem ,
porte-enfeigne de l'empire , eft directeur
de tous les intendans, & fait porter de-
vant lui une cornette mi-partie de blanc &
de verd.
Émir. ba\ar eft le prévôt qui a l'inten-
dance fur les marchés , qui règle le prix
des denrées.
Ylémirhadge, prince ou condu&eur des
pèlerins de la Mecque , eft ordinairement
bâcha de Jérufalem.
È 'mir al moftemin , ou émir al moumenin9
c'eft-à-dire , le commandant des fidèles ou
des croyans ; c'eft un titre qu'ont pris les
Almoravides & les Almohades qui ont
régné en Afrique & en Efpagne. Diciionn.
de Trév. , Moréry & Chambers. (G)
ÉMISSAIRE , f. m. ( Hift. mod. ) per-
fonne de confiance , adroite & capable ,
qu'on envoie fourdement pour fonder les
fentimens ou les defTeins d'autrui , ou lui
faire quelque propofition pu ouverture ,
femer des bruits , épier les actions 6c
la contenance d'un ennemi, d'un parti
contraire , pour tirer avantage de tout
cela.
Ce mot eft formé du latin e , & mitto y
qui fignifie f envoie dehors.
Les chefs de partis ont plufieurs émif-.
/aires qui s'emploient pour leurs intérêts ,
qui leur rapportent tout ce qui fe pafîc
dans le monde , pour prendre là-deifus
leursk
E M I
leurs mefures ; en conféquence on dît que
le pape Se le prérendant ont leurs émijfaires
en Angleterre. Voye^ le Diclionn. de Trév.
Se Chambers. (G)
EMISSION , f. f. on appelle ainfi , en
Phyjique , l'action par laquelle un corps
lance ou fait fbrtir hors de lui des cor-
pufcules. Voye^ Emanation , Exhalai-
son , ùc.
C'eft une grande queftion que de favoir
fî la lumière fe fait par prejjîon ou par
émijjion , c'eft-à-dire , fi elle le communi-
que à nos yeux par l'action du corps
lumineux fur un fluide environnant , ou
par des corpufcules qui s'élancent du corps
lumineux jufqu'à l'organe. En attendant
que nous traitions cette queftion plus en
détail au mot Lumière , nous croyons
devoir faire ici quelques réflexions fur une
preuve que des philofophes modernes ont
crue très-favorable au fyftême de Y émijjion.
Les obfervations de Roè'mer , difent-ils ,
fur les éclipfes des fatellites ( voye^ Satel-
lite & Lumière) , prouvent que la lu-
mière , foit par prefïion , foit par émijfion ,
vient du foleil à nous en huit minutes Se
demie ; les obfervations de l'aberration
prouvent que la vîteflè , foit actuelle , foit
de tendance , que les corpufcules de la
lumière ou de l'éther ont en parvenant à
nos yeux , eft précifément celle qu'il leur
faut pour parcourir en huit minutes Se
demie la diftance du foleil à nos yeux :
n'eft-il donc pas bien vraifemblable qu'en
effet les corpufcules lumineux viennent du
foleil à nous par un mouvement de tranf-
port ? Voyelles mém. de Vacad. IJ29-
Pour apprécier le degré de force de ce
raifbnnement , j'ai confidéré une fuite de
petites boules élaftiques égales , rangées en
ligne droite , Se j'ai comparé le temps
-qu'une de ces boules mettroit à parcourir
un efpace donné > avec le temps qu'il fau-
drait pour que le mouvement de la pre-
mière boule fe communiquât à la dernière.
Prenons d'abord deux boules égales Se à
reflbrt , dont le diamètre foit d , Se dont
l'une foit en repos Se foit choquée par
l'autre avec la vîteflè V. Soit a l'efpace
qui eft entre l'extrémité antérieure de la
boule choquante Se l'extrémité poftérieure
de la boule choquée 5 V étant la vîteflè
Tome XII.
E M I 141
de la boule choquante , il eft vifîble ,
i°. que l'extrémité antérieure de cette boule
parcourra l'efpace a dans le temps^r } 5^
qu'alors elle atteindra l'autre boule; i°.dans
ce moment , comme on le prouvera à
V article Percussion, l'extrémité anté-
rieure de la boule choquante , Se l'extré-
mité poftérieure de la boule choquée , qui
forment le point de contact, fur lequel fc
fait la compreflîon , auront la vîtefle com-
«nune - ; c'eft-a-dire , que 1 une qui avoit
la vîteflè V ', perdra la vîteflè —, Se que
l'autre qui étoit en repos recevra la vî-
teflè — ; Se Ci l'on nomme x l'efpace que le
point de contact parcourt pendant que le
reflbrt fe bande Se débande , le point de
contact parcourra cet efpace x avec la.
vîteflè — pendant le temps -y. Alors la pre-
mière boule refte en repos , Se l'extrémité
antérieure de la boule choquée parcourt un
efpace quelconque c avec la vîteflè F dans
le temps — • L'efpace qui fe trouve alors
entre le lieu qu'occupoit avant le choc
l'extrémité antérieure de la boule cho-
quante , Se le lieu qu'occupe actuellement
l'extrémité antérieure de la choquée , eft:
évidemment égal àa-\- x -f- c -+- d ; or ,
l'extrémité antérieure de la boule cho-
quante , fî elle n'eût point rencontré d'obf-
tacle , auroit parcouru cet efpace dans un
temps égal à * * y — . Donc en fuppo-
fant feulement deux boules , la différence
du temps par émijjion ou tranfport , Se du
temps par
prefli
ion
:ft = *
d-x
S'il
a trois boules , cette différence fera —21 •
V
Se ainfî de fuite ; Se fi le nombre n des
boules eft très-confidérable , elle fera fèn-
fiblement = — "■*. Donc le premier tem.ps
fera égal , plus grand , ou plus court que
le fécond , félon que d fera égal , plus
grand ou plus petit que x , c'eft-à-dire ,
félon que le diamètre d'une des boules
fera égal , plus grand ou plus petit que
l'efpace parcouru par le point de contact
durant le bandement Se le débandemenc
du reflbrt. Il n'y a donc qu'un cas pouc
Hh
241 ;E M I
l'égalité des deux temps , Se une infinité
pour leur inégalité : c'eft pourquoi la
preuve alléguée ci-defïus a de la force;
mais elle n'eft pas rigoureufement démonf-
trative.
Quoique la lumière , fi elle fe propage
par prefiîon , ne fe propage peut-être pas
exactement de la même manière que le
mouvement ou la tendance au mouve-
ment dans une fuite de boules élaftiques ,
j'ai cru que la théorie précédente pouvoit
fervir au moins à nous éclairer jufqu'à
un certain point fur la queftion pro-
pose.
Il eft bon de remarquer au refte , pour
prévenir toute difficulté fur ce fujet, que
l'accord de la théorie de l'aberration avec
le fyftême de Vémijfîcn de la lumière 3 ne
fuppofe pas qu'on connoife la vraie dif-
tance de la terre au foleil ; il fuppofe feu-
lement qu'un arc de ic" dans l'orbite ter-
reftre foit parcouru par la terre en 8' ^ ,
ce qui eft vrai. Voyc{ Aberration , & les
injlituî. aflron. . pog.^A, £' $01 . (O)
Emission (Ph^fiol.) eft un terme em-
ployé pour exprimer le ientiment de Pytha-
gore & de fes fectateurs fur la vifion ; ils
irrflginoient qu'il fort des objets certaines
eipees vifibles, qui font fo t grandes lorf-
qu'elles font encore proches de ces objets ,
ma s qui deviennent plus ped es lorfqu'elles
s'en éloignent davantage , jufqu'à ce qu'elles
foient enfin réduites à une telle petitefle ,
qu'elles puiflènt entrer dans l'œil , & fe
fa:re alors appercevoir * l'ame. L'action pr?r
laquelle ces e'peces fortent des objets , eft ce
que ces phiîo'ophes appellent émijfion. C'eft
dans le m?me lens que les Platoniciens fe
fervent aulîi de ce terme, pour exprimer
l'action p-ir laquelle ils prétendoient qu'il
fort de l'objet & de l'œil certains écou-
le mens, qui fe rencontrent & s'embraf-
fent les un* les autres à mi - chemin , d'où
ils retournent enfuite dans l'œil , & por-
tent par-là , dans notre ame , l'idée des
objets.
Si ces fentirnens étoient fondés , ne de-
vrions-nous pas appercevoir dans l'obfcu-
rité les objets, de la même manière que
r.ous les voyons lorfqu'ils font expofés à la
lumière? Mais on voudrait bien favoir quelle j
eft la nature de ces efpeces , ou de ces écou- I
E M I
terriens prétendus; comment ils fortent de
l'objet , ou de l'œil , ou de tous les deux
enfemble ; quelle eft la caufe de VémiJJJon
qui s'en fait , & par qui ils font produits.
Muflch. ejfai de phyfique. Voye^ Espè-
ces, (d)
Emission de vœux ( Jurifpr. ) eft la
profeffion que fait le novice , & l'enga-
gement qu'il contracte folemnellement
d'obferver la règle de l'ordre régulier
dans lequel il entre. La mort civile du
religieux profes fe compte du jour de IV-
miffwn de fes vœux , de même que les cinq
ans dans lefquels il peut réclamer contre
fes vœux , lorfque fa profeifion n'a pas été
libre. Voye7^ Profession , Religieux ,
RÉCLAMATION , V(EUX. {A)
EMISSOLE , f.f. ( Hijï nat. Ichtkiol. )
galeus lœvis , poiflbn du genre des chiens
de mer. Il n'a point d'aiguillons comme
celui qui eft appelle aiguillât , ÔC qui a été
décrit fous le nom de chien de mer. Voye-i
Chien de mer, Uémijfole a le mufeau
plus long ôc plus large que l'aiguillât , ÔC
l'ouverture de la bouche plus étroite. Ce
poiflon eft de couleur cendrée ; il n'a point
de dents, mais les mâchoires font rudes.
Il a des trous au devant de la bouche à
la place des narines , & d'autres plus petits
derrière les yeux. Il reflemble à l'aiguillât
par les ouies , les nageoires , ôc les parties
intérieures ; mais il en diffère par la queue
qui eft compofée de trois nageoires. Ron-
delet, XIII liv. des poiffons. Koye^PoiSSON.
U)
EMITES , ( Hijl. nat. Lytholog. ) c'eft
une pierre qui eft de la couleur de l'ivoire,
& qui reftemble au marbre blanc , fînoa
qu'elle n'eft point fi dure. Boè'ce de Boot
conjecture que c'étoit une efpece d'albâtre.
Voye[ Boetius de Boot , de lapidibus &
gemmis.
* EMITHÉE , f. f. (Myt/i.) divinité de
Caftabara , ville de Cari. On prétendoit
que les malades qui s'endormoient dans
(on temple , s'étoient fouvent réveillés
guéris de leurs maux ; d'où l'on peut con-
jecturer que c'étoit un de ceux de la
Grèce que l'on fréquentoit le plus , auquel
on faifoit le plus de préfens , Se où l'on cé-
lébrait le plus de facrifices. Emithée
foulageoit auffi les femmes enceintes qui
E M M
l'invoquoient dans les douleurs de l'enfan-
tement ; elle étoit en fi grande vénération ,
que les richefles dont Tes autels étoient
chargés ne furent point pillées , quoi-
qu'elles ne Aillent gardées ni par des
murailles , ni par des hommes. Cette demi-
déellè (*) la feule dont il foit fait mention
fut refpectée des brigands ôc des vainqueurs ,
pour qui les autres temples de la Grèce
ne furent pas également facrés. Je ne fuis
pas trop étom*i de cette diftin&ion ; les
portes qui ferment un temple , les gardes
qui veillent autour , Se les murs qui en
empêchent l'approche , femblent annoncer
que la divinité qui y préfîde a befoin de
la protection des hommes ; ce qui ne
porte pas à redouter fa puilTance. Il n'en
eft pas ainil de celle dont rien d'humain
ne garantit les autels des in fuites de la
méchanceté ; il femble qu'elle fe foit char-
gée elle-même de les défendre.
EMMAILLONNÉ , ( Rubann. ) Voye{
Lissas & Maillons.
EMMAILLOTTER , terme de fage-
femme & de nourrice s c'eft envelopper un
enfant de langes par plulieurs couches cir-
culaires j pour préferver fon corps délicat
des injures de l'air, ôc le tenir dans une
pofition fixe , qu'on croit nécefîaire à (on
bien-être ôc à la confervation de fes jours.
Cette méthode eft en ufage chez la plu-
part des peuples de l'Europe : nous verrons
bientôt ce qu'il faut en penfer.
A peine l'enfant eft-il forti du fein de
fa mère , dit l'auteur de l'hiftoire natu-
relle de l'homme ( tome II , page 457 ,
édition in-40 . ) à peine l'enfant jouit-il
de la liberté de mouvoir Se d'étendre fes
membres , qu'on lui donne de nouveaux
liens ; on Yemmaillotte , on le couche la
tête fixe ôc les jambes alongées , les bras
pendans à côté du corps ; il eft entouré
de linges ôc de bandages de toute efpece ,
qui ne fauroient lui permettre de chan-
ger de fituation ; heureux li on ne l'a
pas ferré au point de l'empêcher de ref-
pirer , ôc il on a eu la précaution de le
coucher fur le côté , afin que les eaux
-qu'il doit rendre par la bouche puifïènt tom-
ber d'elles-mêmes , car il n'aurait pas la
E M M 143
liberté de tourner la tête fur le côté pour
en faciliter l'écoulement !
Les Siamois , les Japonois , les Indiens ,
les Nègres , les fauvages du Canada ,
ceux de Virginie , du Brefil , ôc la plu-
part des peuples de la partie méridionale
de l'Amérique couchent les enfans nus
fur des lits de coton fufpendus , ou les
mettent dans des efpeces de berceaux cou-
verts ôc garnis de pelleteries ; ils fe conten-
tent de couvrir ôc de vêtir ainfl leurs en-
fans fans les emmaillotter . Je ne déciderai
point fi leur ufage conviendrait également
aux nations Européennes ; je crois feulement
qu'il a moins d'inconvéniens que le nôtre ,
qu'il eft plus fîmple > plus judicieux, &plus
raisonnable : j'ajoute que les peuples qui le
fuivent s'en trouvent très bien , ôc qu'en
général la nature réufîit mieux dans cette
occailon , que toutes nos fages-femmes 6c
nos nourrices.
En effet , notre méthode à* emmaillotter
a de grands inconvéniens , ôc plulieurs dé-
favantages. i°. On ne peut guère éviter
en emmaillottant les enfans , de les gêner
au point de leur faire relîentir quelque
douleur. Les efforts qu'ils font pour fe
débarraflèr , font alors plus capables de
corrompre l'aflemblage de leur corps ,
que les mauvaifes fltuations où ils pour-
raient fe mettre eux-mêmes s'ils étoient
en liberté. Les bandages du maillot peu-
vent être comparés aux corps de baleine
que l'on fait porter aux filles dans leur
jeunefle : cette efpece de cuiraflè , ce vête-
ment incommode qu'on a imaginé pour
foutenir la taille ôc l'empêcher de fe défor-
mer , caufe cependant plus d'incommodi-
tés ôc de difformités , qu'il n'en prévient :
'. orme remarque de MM. Winflou ôc de
iiuffon.
2°. Si le mouvement que les enfans
veulent fe donner dans le maillot peut
leur être funefte , l'inaction dans laquelle
cet état les retient , peut aufïî leur être
nuifible. Le défaut d'exercice eft capable
de retarder l'accroifîement des membres ,
ôc de diminuer les forces du corps. Ainfl
les enfans qui ont la liberté de mouvoir
leurs membres à leur gré , doivent être
(*) Emithée , écant un mot Grec qui fignifie derni-déefïe , deyrpit s'écrire Hémiïhée ; mais
l'ufage. eft le législateur des Langues : quem pênes arbitrium , &c,
Hhi
244
E M M
plus forts que ceux qui font emmaiUottSs :
c'eft pour cette raifon que les Péruviens
laiffoient les bras libres aux enfans dans
un maillot fort large j lorfqu'ils les en
tiroient , ils les mettoient dans un trou
fait en terre ôc garni de quelque chofe de
doux , dans'lequel trou ils les defcendoient
jufqu'à la moitié du corps : de cette façon
ils avoient les bras en liberté ,' ôc ils pou-
voient mouvoir leur tête ôc fléchir leur
corps à leur gré , fans tomber ôc fans fe
bleirer.
3°. La poiition naturelle des épaules ,
des bras ôc des mains d'un enfant qu'on
emmaillottt y celle des pies , des jambes
& des genoux , fe dérange très-fbuvent ,
parce que l'enfant ne celle de remuer ;
de forte que quelque attention que les
nourrices aient de bien placer ôc de bien
contenir ces parties , il peut arriver , 5c il
n'arrivé que trop fouvent que les pies fe
trouvent l'un fur l'autre , de même que les
jambes & les genoux : alors ces membres
étant mal pofés , on les ferre , on les bande
dans cette pofîtion , de manière que la
grande compreiîion que l'on fait fur des
parties encore molles , tendres ôc délicates ,
dérange leur ordre , change leur figure ôc
leur direction , empêche leur extenfien
naturelle, & par-là donne occafion à des
difformités qu'on éviteroit , fi on lailîoit à
la nature la liberté de conduire ôc de diri-
ger elle-même fbn ouvrage fans peine ôc
fans contrainte.
4°. Cette compreflion , forte fur des
parties fufceptibles d'imprefïion ôc d'ac-
croifïèment , telles que font les membres
d'un enfant nouveau -né , peut caufer plu-
sieurs autres accidens. Des embarras dans
les vifeeres , des obftrudtions dans lA
glandes , des engorgemens dans les vaif-
féaux , font fouvent les triftes fuites de
cette compreflion. Combien de poitri-
nes foibles Se d'eftomacs débiles , parce
que les vaiffeaux qui diftribuent les liqueurs
dans ces vifeeres , font privés de leur refïbrt
pour avoir été trop comprimés dans le
maillot !
5°. Les enfans nouveau -nés, comme le
remarque encore M. de BufFon , dorment
la plus grande partie du jour & de la
nuit dans les premiers temps de leur [\k ,
E M M
ôc fembîent n'être réveillés que par la dou-
leur &c par la faim : aufîl les plaintes &C
les cris fuccedent prefque toujours à leur
fommeil. Obligés de demeurer dans la
même fîtuation , ôc toujours contraints
par les entraves du maillot , cette fîtua-
tion leur devient fatigante, ôc doulou-
reufe après un certain temps j ils font
mouillés ôc fouvent refroidis par leurs
excrémens , dont Pâcreté offenfe leur peau
qui eft fine ôc délicate , ôc par conséquent
très-fenfïble. Dans cet état les enfans ne
font que des efforts impuilfans ; ils n'ont ,
dans leur foiblefle , que l'exprefïïon des
gémiflémens , pour demander du foula-
gement j fi on les abandonne , fi on leur
refufe un prompt fecours , alors ces petits
infortunés entrent dans une forte de défef-
poir , ils font tous les efforts dont ils .'ont
capables , ils pouffent des cris qui durent
autant que leurs forces ; enfin , ces excès
leur cauient des maladies , ou du moins
les mettent dans un état de fatigue ôc d'a-
battement , qui dérange leur conftitu-
tion , ôc qui peut même influer fur leur
cara&ere.
C'eft un bonheur quand la nourrice eft
afïez tendre ôc allez active pour fecourir
un peu fréquemment l'enfant gémiflant
confié à fes foins ; mais le nombre ôc la
longueur des bandages , la peine que
trouve cette nourrice à défaire ôc à re-
mettre perpétuellement ces bandes , l'emi
pêche de vifiter , de remuer , de changer
ce malheureux enfant aufîî fouvent que le
befbin l'exige ; devenue par l'habitude
infenfible à fes cris, elle le laillè long-
temps dans fes ordures , ôc fe contente de
le bercer pour l'endormir. En un mot , il
n'y a que la tendreflè maternelle qui fbit
capable de cette vigilance continuelle , ôc
de ces fortes d'attentions , qui font ici
fi nécefïàires : peut- on l'elpérer dans les
villes ôc dans les campagnes , de nourrices
grofïieres ôc mercenaires , qui prennent à
l'enfant un médiocre intérêt ?. peut-on même
s'en flatter toujours dans fa maifon Ôc dans
fbn domeftique?
Il faudrait donc prévenir férieufement
les accidens que je viens de détailler , en
tâchant de fuppléer au maillot par de
meilleures refïburces j ôc ce n'eft pas uue
E M M
chofe indifférente à la fociété , qu'une
recherche de cette efpece : en attendant
qu'un digne citoyen s'y dévoue , indiquons
au moins quelques figes précautions qu'on
doit fuivre dans la méthode ordinaire de
Yemmaillottement.
Pour bien emmaillotter un enfant , il
convient d'abord de lui coucher le corps
en ligne directe , puis lui étendre égale-
ment les bras ôc les jambes , enfuite tour-
ner autour du corps les langes ôc les ban-
des en petit nombre fans les trop tirer ,
car il faut qu'elles ne faffent que conte-
nir fimplement ce qu'elles environnent ,
fur- tout la poitrine 8c l'eftomac qui doi-
vent être à leur aife. Souvent les vomiffe-
mens ôc la difficulté de refpirer des en-
fans , viennent de ce que dans le maillot
on leur ferre trop la région de ces deux
vifceres ; il eft difficile pour lors que les
vomiffemens ne fuccedent , parce que le
foie , proportionnellement plus grand dans
les enfans que dans les adultes , étant
comprimé , prefïe le fond de l'eftomac ,
& en produit le renverfement convulfif ;
il eft difficile aufïi que les poumons s'é-
tendent convenablement pour la refpira-
tion.
Quand on emmaillotte un enfant , il eft
bon de tourner chaque jour les bandes
d'une manière différente de celle dont on
les a tournées le jour précédent , c'eft-à-
dire , les tourner un jour de droite à gau-
che , ôc l'autre jour de gauche à droite,
afin d'éviter dans la taille &c dans les extré-
mités une conformation vicieufe.
Je confeille encore beaucoup d'avoir
fbin de placer les membres d'un enfant
dans une fituation droite à chaque tour de
bande , pour éviter les inconvéniens qui
réfulreroient d'une faufle pofition ; incon-
véniens qui peuvent influer fur fa fanté ,
ôc qui influent certainement fur la con-
formation du corps. Plufieurs enfans ne
font fbuvent cagneux , & n'ont les pies
en dedans , que par la mal-façon de Yem-
maillottement. Par exemple , les nourrices
en emmaillottant les enfans , leur fixent
d'ordinaire les pies pointe contre pointe ,
au lieu de les fixer plutôt talon contre
talon , comme elles pourraient faire aifé-
ment par le moyen d'un petit couffin,
E M M 245
engagé entre les deux pies de Penfant , ôc
figuré en forme de cœur , dont la pointe
feroit mife entre les deux talons de l'enfant ,
ôc la bafe entre les deux extrémités des
pies.
Il eft auflî très-effentiel de changer fou-
vent les bandes ôc les langes , pour éviter
la mal-propreté , ôc conferver à l'enfant fa
gaieté ôc fa fanté. La longueur des langes ,
ôc la multiplicité de leurs tours , eft une
méthode qui entraîne plufieurs inconvé-
niens , ôc ne produit aucun avantage : on
ne fauroit trop fimplifier une opération
dont l'exécution doit être répétée perpé-
tuellement nuit ôc jour , en tous lieux , ôc
par toutes fortes de mains.
Enfin , quand l'enfant eft emmaillotte
avec le foin ôc les réferves que nous venons
d'indiquer , il y a deux précautions princi-
pales à avoir ; l'une , îorfqu'on le pofe
dans le berceau ; ôc l'autre , Iorfqu'on le
tient entre les bras. La première précaution
eft de le coucher de manière que fon corps
ne porte point à faux ■■> fans cela on expofè
la taille de l'enfant à contracter quelque
bofle. La féconde eft de le porter tantôt fur
un bras , tantôt fur l'autre , de peur qu'é-
tant toujours porté fur un même bras , il
ne fe penche toujours d'un même côté ;
ce qui peut lui rendre la taille de travers.
Je ne dis rien ici que de fïmple ôc de fa-
cile à concevoir , mais je parle de chofes
utiles ôc qui intéreffent tout le monde.
Article de M. le chevalier DE J AU-
COURT.
Emmanché , adj. {An. méch. ) il fe
dit en général de tout ce qui a un manche
ou une poignée amovible. Voye^ Manche
& Poignée.
Emmanche , terme de Blafon ; il fè dit
des haches , des faux , des marteaux , ôc
des autres chofes qui ont un manche.
Faouc en Normandie , d'azur à trois
faux d'argent emmanchées d'or.
EMMANCHURE } C. f. ( terme de
tailleur & de couturière. ) c'eft l'ouverture
d'un habit , d'un corps , d'une robe mé-
nagée de chaque côté pour recevoir la
manche. Attacher une manche à fon em-
manchure. On donne encore le nom d'em-
manchure à la partie échancrée du haut du
derrière d'une robe , d'un corps ôc d un habit,
14.6 E M M
à laquelle Pépaulette doit être attachée. 1
Voye^ Tailleur & Couturière.
EMMANNEQUINER , v. acl:. ( fard. )
c'e«ft renfermer les racines d'un végétal dans
un mannequin fait exprès de ramilles de
faule 8c d'ofier , pour en conferver la motte
de terre , &c la tranfporter à l'endroit où
on a deflèin de le planter. ( K )
* EMMANUEL , ( HrJI. fainte. ) terme
Hébreu qui flgnifie Dieu avec nous. Dans
la prophétie où Ifaïe annonce à Achaz la
naiffance du Mefïie d'une mère vierge , il
eft dit que cet enfant s'appellera &c fera
réellement Emmanuel ; &c faint Matthieu
montre l'accompliflèment de cette prophétie
en Jefus-Chrift , qui , par la réunion de la
nature divine avec la nature humaine , fut ,
s'il eft permis de s'exprimer ainfî en
François , Dieu avec nous.
EMMARINER un vaisseau , ( Ma-
rine. ) c'eft le garnir de monde , de le mettre
en état de naviguer.
Gens emmarinés fe dit de ceux qui font
faits & accoutumés à la mer , ôc n'y font
plus incommodés. ( Z )
EMMELE , adj. Les fons emmêles étoient,
chez les Grecs , ceux de la voix diftincte ,
chantante & appréciable , qui peuvent don-
ner une mélodie. (S)
EMMELEY , ( Géogr. mod. ) ville du
comté de Tipperari , Irlande.
EMMELIE , Cf. ( Hift. anc.) danfe "
des Grecs. Un des fuivans de Bacchus, dans
fa conquête des Indes , l'inventa & Kii
donna Ion nom ; elle étoit grave & férieufe.
Telles font nos farabandes , nos grands airs
de caraclere que nous appelions danfes no-
bles & terre- à-terre. Bonnet , hift. de la
danfe. L'emmelie étoit une danfe qui s'exé-
cutoit dans les tragédies anciennes , &c une
forte de mélodie dont elles étoient accom-
pagnées. C'étoit la feule des danfes pacifi-
ques à laquelle Platon accordoit fon fuf-
frage. Voye^ Danse & Terme de Musi-
que. (-B)
EMMEN , ( Géog.) deux rivières ou plu-
tôt deux torrens très-confidérablesen Suiffe.
La grande Emmen fort de l'Entlibuch ,
canton de Lucerne , entre les montagnes
de Rothorn , Schlatten &c Neffetftock ;
mais elle reçoit beaucoup de ru i fléaux dans
le canton de Berne. Elle parcourt une
E M M
partie des bailliages de Signau , Trachfel-
wald , Brandis , Berthoud &c Landshut ,
&c fe jette enfin dans l'Aare à Biberifch ,
dans le canton de Solcure. Cette rivière
eft très-remarquable , tant par la fingula-
rité de fa courfe , que par fes productions.
Ellecharie de For , fur-tout dès que le Gold-
bach s'y jette ; & on a beaucoup de mon-
noies frappées de l'or qu'on a trouvé dans
fes eaux. On "y trouve aufïi des mor-
ceaux de marbre &c de jafpe de la plus
grande beauté , fur-tout 1 efpece de mar-
bre nommé verdello ou verd antique. On
y trouve aufn* le variolite , efpece de mar-
bre verd , & des dendrites de la plus
grande finefle. Ce torrent fait fouvent des
ravages affreux. Voye^ le diclionn. univerf.
desfojjiles.
La petite Emmen ou la Wald-Emmen ,
n'arrofe que le canton de Lucerne feul ;
elle fort d'un petit iac fur une montagne
du canton d'Unterwalden , & reçoit dans
celui de Lucerne plufieurs autres ruiflèaux ,
fur-tout la WeiCs-Emmen près de Cluftal-
den &c des ruines du château de Stollberg ;
elle le perd dans la Rufs. Elle eft très-poif-
fonneufe , ce que la grande Emmen n'eft
pas ; &c elle charie pareillement de l'or , du-
quel , ainfî que de celui qui fe tire du tor-
rent qui coule à Luthern , le canton
de Lucerne fait frapper tous les ans quel-
ques médailles. ( H )
EMMENAGOGUE , adjed. ( Médsc.
Thérap. mat. méd. ) fe dit d'un remède
de la claffe des évacuans : c'eft une épi-
thete employée pour défïgner une des
trois fortes de médicamens du genre des
utérins ; c'eft-à-dire , de ceux qui fervent
à exciter ou à favorifer les trois différen-
tes exécretions naturelles de la matrice ;
favoir 3 celle du flux menflruel , celle qui
eft propre à procurer la fortie -du fétus , Se
celle des lochies ou vuidanges après 1 accou-
chement.
Les emménagogues (ont les remèdes qui
regardent fpécialement la première de ces
trois fortes d'excrétions : on appelle ecèo-
liques ceux dont on fe fert pour la féconde ;
&c arifiolochiques , ceux qui conviennent à la
troifieme.
Comme ces excrétions s'opèrent par les
mêmes Yaifïeaux , & ne différent entre
E M M
elles que par les circonftances qui les dé-
terminent , les mêmes médicamens qui peu-
vent être emménagogues , peuvent aufïi
être employés comme eeboliques , ou comme
ari/lolochiçues , félon les différentes circonf-
tances où ils font mis en ufage.
Ainli , pour trouver expliquée la ligni-
fication particulière de ces mots compo-
fés , la manière d'agir des mé licamens
qu'ils déiïgnent , & d'adminiftrer ces
médicamens; pour avoir l'énumiration de
toutes les drogues , tant fimples que com-
posées , qui forment ce genre de remè-
des , Voye[ le mot Utérin , qui eft une
qualification commune à leurs différentes
efpeces , fous laquelle il piroit conféquem-
ment convenable de renfermer tout ce qu'il
y a à dire au fujet de ces remèdes. Voye^
aujfi Flux Menstruel , Accouchement,
Avortement , & fur-tout V article princi-
pal Médicament, (d)
EMMENALOGIE , f. f. ( Médecine. )
Ce terme eft Grec , compofé de îy./xivizç ,
menjlrua , & de ao><k , Jermo ; ainfi il eft
employé pour lignifier un traité des menf-
trues , c'eft-à-dire , de l'écoulement pério-
dique des femmes : le plus fameux ouvrage
connu fous ce nom , eft celui du célè-
bre Freind , médecin de la cour de Lon-
dres, (d)
EMMENDINGEN , ( Géogr. ) petite
ville d'Allemagne, dans le cercle du Suabe ,
& dans le marquifat de Hocberg , fur la
rivière d'Elz. Elle eft connue par le bon
vin que produit fon territoire , Se par les
conférences que les catholiques tinrent dans
fes murs .avec les luthériens, Tan 1590,
mais qui ne produiiirent aucun fruit.
{D.G.)
EMMENEK, ( Géogr. mod.) ville du
cercle de Weftphalie ; en Allemagne ;
elle eft dans le duché de Cleves , à peu
de diftance du Rhin. Long. 2,3 , 56*; lat.
V > 59-
EMMENTHAL , ( Géogr. ) province du
canton de Berne , fur les frontières de ce-
lui de Lucernc. Elle prend Ion nom de
l'Emme qui la parcourt. Elle eft partagée
en quatre bailliages , Signau , Trachrel-
wald , Sumifwald & Brandis , ôc s'étend
jusqu'aux portes de la ville de Berthoud.
Tout fauvage que paroiflè cet amas de
E M M 247
valons , il eft cependant très-bien cultivé.
Le bétail , le laitage , les vergers, les che-
vaux , les toiles qu'on y fabrique , for-
ment des branches de commerce très-
confidérabies pour ce pays. Auili le payfan
y eft-il généralement dans un état dai-
fance peu commun. On trouve fréquem-
ment des payfans qui ont 40000 livres
de bien, & il y en a qui ont jusqu'à y
à 600000 livres. Mais le luxe , la molleiïè ,
le libertinage qui s'y introduifent avec la
chicane , paroiiTent préparer la ruine de
ce peuple , qui pourrait être fi heureux ,
s'il eût toujours été fage. On y voit d'un
même coup dœil les effets de la liberté ôc
ceux du libertinage. (H)
^ EMMEULAGE , f. m. ( Jardinage. )
c'eft mettre en meules le foin quand il
eft fauché & fané : lorfqu'il eft emmeulé ,
il ne craint point la pluie , & on prend
fon temps pour le botteler. (K)
■ EMMIELLER UN ET AI , ( Marine.)
c'eft remplir le vuide qui eft le long des
tourons des cordes dent Yétai eft compofé
(Q) '
EMMIELLURE , f. f . ( Manège. Maré-
challerit. ) remède topique , diftingué de
ceux que nous appelions charge , emplâtre
blanc , &c. , en ce que nous faifons entrer
du miel dans fa compoiition.
Quelques-uns l'emploient communément
1 dans une foule de circonftances , comme
dans celles des efforts , des écarts , des
entorfes , de la foulure des tendons , de
l'engorgement des jambes , des coups de
pies , embarrures , ôc d'autres contufions
quelconques , &c.
On en trouve une infinité trop grande
de recettes dans tous les auteurs qui ont écrit
fur les maladies des chevaux , pour que
je me croie qbligé d'en indiquer ici quel-
ques-unes. Voyez Suleyfel , Gafpard ,
Saunier , Crefcentius . Michel Biondo , Re-
cini , Caracciolo , Coloubro , Gibfon , Mar-
teau t , &:a ( e )
EMMUSELÉ , adj. en termes de Ma fon y
fe dit des ours , chameaux , mulets , ôc
autres animaux auxquels on lie le mu-
(eau , pour les empêcher de mordre ou de
raanger.
Morîot de Muleau , d'argent à une tête
d'ours de fable , emmufelée de gueules*
*4* E M M
EMMUSELER un cheval, (Maréch.)
c'eft lui mettre une mufeliere pour l'em-
pêcher de mordre ou de manger. Voye^
Muselière.
EMOLLIENT , ( Matière médicale, )
Quelques médecins ont décoré de cette pro-
priété les remèdes aqueux , mucilagineux ,
doux , farineux , émulfîfs , gélatineux ,
c'eft-à-dire , l'eau chargée de la partie mu-
cilagineufe de certains végétaux , comme
mauve , guimauve , lin , pfîllium , grande
confoude , &c. , voye[ Mucilage ; le même
liquide chargé du corps doux végétal pris
dans les dattes , les figues , les raifins
fecs , les jujubes , la racine de réglifle ,
la citrouille, &c. , voye^ Doux, matière
médicale & diète ; les décochions des fè-
mences farineufes , telles qu'orge , riz , fei-
gle , avoine , &c. , voye^ Farineux ;
les émuliions , voye^ Emulsion ; les bouil-
lons delà chair des jeunes animaux , comme
veau , poulet , &c. , 6c ceux de grenouille
& de tortue.
Les médecins qui croient aux émolliens,
penfent que ces remèdes ramollifîènt les
diverfes humeurs arrêtées 6c ramaflëes dans
certains vaifleaux , 6c fur-tout les arrêts
• inflammatoires , ou congédions du fàng
proprement dit ; il en eft de même qui ont
imaginé je ne fais quel vice des humeurs
en général qu'ils ont appelle dènfité , 6c qui
ont cru que les émolliens remédioient très-
efficacement à ce vice.
Nous avons dit à l'article Délayant,
que les qualités délayante , émolliente 6c
relâchante , étoient attribuées aux mêmes
remèdes , ou même n'étoient qu'une feule
propriété défignée par différens noms dans
les diverfes théories. Ce que nous avons
obfervé des préjugés conçus fur les dé-
layans , feroit donc inutilement répété
ici. Voye^ Délayant.
On parlera à l'article Topique , de
Tufage que peuvent avoir , dans la cura-
tion des maladies internes, les remèdes
de cette clalTe appliqués extérieurement.
m
EMOLLIENTES (Plantes) , Phar-
macie. Les plantes qui portent ce nom
par excellence , dans le langage ordinaire
des boutiques , font la mauve , la gui-
mauve , la violette , Se l'acanthe ou branc-
E M O
urfîne. Elles ont été choifics dans la clarTè
des plantes émollientes , parce qu'on a cru
qu'elles pofledoient éminemment cette
qualité.
Les plantes de la même claflè qui font
cenfées approcher le plus près de celles-
ci , 6c qu'on emploie comme leurs fuc-
cédanées , font la mercuriale , la pariétaire ,
la poirée , la roche 6c le feneçon.
Les rangs de ces plantes ont été déter-
minés par un choix très-gratuit Se très-
arbitraire j les oignons de lis , la laitue , la
racine de grande confoude , &c\ , y auraient
autant de droit que la plupart de celles-
ci ; & quelques-unes d'entr'elles au con-
traire , telles que la pariétaire 6c le feneçon ,
font fort mal placées à coté de la poirée ,
de la mauve , &c. Voye^ les articles parti-
culiers.
Au relie nous avouons de bonne foi que
l'erreur que nous relevons ici , n'eft pas une
erreur importante. (3)
EMOLUMENT , f. m. ( Jurifprudence ) ,
terme de pratique , qui lignifie les profits
que quelqu'un tire de fa charge ou de fou
emploi : on dit qu'un officier cherche â
émolumenter , loriquJil multiplie fans né-
ceiîité les vacations d'un procès-verbal ou
autre acte , afin de gagner davantage.
J^oye^ Epices, Vacations, Honoraires ,
Frais & Salaires. ( A)
EMONCTOIRE , f. f. ( Médecine. )
Ce terme , qui eft tiré du Latin emungere r
moucher 9 nettoyer, en tirant les ordures,
eft employé pour défigner , dans l'éco-
nomie animale , tous vaifleaux , canal ,
conduit ou réfervoir deftinés à fervir à la
féparation de quelque humeur excrémen-
ticielle. Les anciens appelloient les narines
Yémoncloire du cerveau : parce qu'ils
croyoient que les vaifleaux de cette cavité
ont la propriété d'attirer les impuretés
du cerveau ; on a retenu ce mot , quoique
dans une lignification différente de celle-
là. On dit que la peau , les reins (ont
les émoncloires du corps , parce qu'il le
fait par ces organes une fecrétion 6c une
excrétion abondante des humeurs qui ne
font plus propres à aucun ulage utile dans
le corps humain , 6c même de celles
qui font viciées dans les maladies. On ne
peut pas dire par conféquent , des pa-
rotides y
EMO
rotides , des vélicules féminales, qu'elles
font des émoncloires, puifque ces parties
ne fervent qu'à féparer ou à recevoir du
fang des humeurs très-utiles dans l'écono-
mie animale. Voye^ SÉCRÉTION, EX-
CRÉTION & EXCRÉMENTICIEL. (d)
EMONDER, v.ad:. (Jardinage.) Lz.
façon d'élaguer ou émonder les arbres qui
ne donnent point de fruits , fait fur eux le
même effet que la taille fur les arbres
fruitiers; c'eft par lelagage qu'on les con-
duit , qu'on leur donne une belle forme ,
une tête élevée Se gracieufe. .
La règle générale eft qu'un arbre de
haute tige ou de haute futaie ne doit
avoir qu'un jet montant jufqu'à une cer-
taine hauteur, après laquelle on lui laiffe
former fa tête. .
'On ch.oifit , la féconde année de la
pouffe d'un jeune arbre , la branche la plus
forte & la plus droite , & l'on coupe en
pié de biche toutes les autres. Lor (qu'on
fe trouve embarrafTé dans le choix d'une
branche , il en faut laiiTer deux jufqu'à
l'année fuivante que l'on coupera la moin-
dre ; fouvent même on en laide trois pour
élever mieux celle du milieu qui eft la plus
droite ; & les deux autres , dont on arrête
la fève , ne fervent qu'à l'entretenir par le
moyen d'un bâton pafTé en travers , ap-
pelle garrot. Ces deux branches meurent
l'année fuivante ; & quand celle du mi-
lieu fe peut foutenir d'elle-même , on les
-coupe.
La meilleure manière de bien élever
ck dreffer des allées, eft de mettre des
perches à chaque arbre pour les con-
duire ; il faut encore faire des treillages
grofliers , liés avec'de l'ofier, pour fou-
tenir les paliflfades un peu fortes , &c les
ferrer de près dès la féconde année de
leur pouffe, fans jamais toucher au mon-
tant.
On doit , en élaguant , ne pas entamer
un arbre des deux côtés , parce que ces
plaies donnant peu de paffage à la fève
par 1 ecorce que l'on coupe , peuvent
l'arrêter & fécher la tête, ou la faire geler
dans l'hiver. On montera les arbres d'é-
tage en étage , & modérément , crainte
des vents , en choififfant des faifons
peu rigoureufes , telles que la fin de
Tome XII.
EMO 249
l'automne ou le commencement du prin-
temps. (K)
. E MOT TER, v acT. (Jardin.) c'eft
ôter les mottes de terre attachées à la
racine d'un arbre. (KJ
EMOUCHER , v. acV en terme de
maréchal , c'eft chaffer les mouches des
chevaux qu'on ferre. Voye{ FERRER ,
EMOU CHOIR, &c.
EMOUCHET, f. m. c'eft un nom
que les tanneurs donnent à la queue des
bœuf;, vaches & veaux qu'ils préparent
dans les tanneries.
Avant que de mettre les cuirs dans l'eau
pour les faire dégorger, les tanneurs en
coupent les cornes , les oreilles , & IV-
mouchet , c'eft-à-dire , la queue , ainfi
nommée parce qu'elle fert à ces animaux
pour chaffer les mouches. V. Tanner.
Emouchet, f. m. V. Epervier.
EMOUCHOIR , f. ifl. (Manège.) es-
pèce de couverture qui revêt toutes les par-
ties du corps du cheval harnaché , qui ne
font point occupées par la felle; elle s'é-
tend par conséquent fur la croupe, fur
l'encolure & fur le fommet de ta tête ,
& defeend environ jufque fur le milieu
des faces latérales de ces mêmes parties.
Au haut de l'extrémité antérieure de la
portion deftinée à recouvrir l'encolure ,
font percés deux trous à l'effet de livrer
un paffage aux oreilles de l'animal ; & à
fon extrémité poftérieure près de la fellette,
font attachés deux contre-fanglots que l'on
arrête dans des boucles près de la pointe
de l'arçon de devant. A l'égard de la por-
tion qui garnit toute la croupe , elle eft
fixée d'une part à la croupière , par le
moyen d'une attache qui eft coufue dans
fon milieu, & de l'autre & de chaque côté,
par d'autres attaches qui la lient aux poin-
tes de l'arçon de derrière : elle fournit
auffi un paffage à la queue. Cette forte de
couverture eft bordée de toutes parts , &c
de cette bordure qui règne tout le long
du corps de l'animal, partent à l'encolure
& à la croupe des efpeces de cordes que
nous nommons des volettes , qui dépen-
dent de manière qu'elles jouent au moin-
dre mouvement , & qu'étant portées alors
de côté & d'autre indifféremment, elles
1 rtmpliffent l'intention que nous avons
Ii
ip E M O
àCémoucker le cheval , c'eft-à-dire , de le
garantir de l'infulte ck de la piquure des
mouches, ck de chafler celles qui l'in-
commodent. Ces volettes n'outre-paftent
pas en defcendant le corps de l'animai ,
ck n'empiètent que très-peu fur fes extré-
mités.
• Le mot émouclioir dérive donc de Tufage
auquel cette couverture eft confacrée.
Quelques perfonnes la nomment émou-
chette , mais ce terme ne paroît point
adopté; d'autres l'appellent cha(Je-mouche\
d'autres enfin ne la connoiiTent que fous
un nom qui ne lui convient point , Ôk qui
eft deftiné à défigher une autre forte de
Couvemire , puifque c'eft foUs celui de
caparaçon.
Il eft deux fortes ^emouchoirs ; les uns
font à mailles ou à filets: les autres font
d'un tiflu fuivi. Ces derniers fe font ordi-
nairement de coutil , ck font plus capa-
bles de fat is fa ire l'objet que nous nous
propofons , puifque les infectes dont nous
voulons défendre l'animal, ne trouvent
point , comme dans les premiers , des
efpaces au travers defquels ils puifTent
s'infinuer jufque fur les tégumens. Peut-
être que quelqu'un penfera qu'ils ne
parent point un cheval autant que les
emouchoirs à mailles bordés d'or ou d'ar-
gent, ck dont les volettes font de foie ;
mais j'imagine que l'utilité doit toujours
être préférée aux ornemens; ck d'ailleurs
il n'eft pas impoflible de conftruire des
emouchoirs femblables aux féconds , d'une
étoffe très-riche , de les border en or ,
d'y ajufter des volettes d'or , fi on le
veut , ck de porter , en un mot à cet
égard , le luxe ck la magnificence à leur
plus haut degré.
On conçoit au furplus que les emou-
choirs feroient fort inutiles en hiver. Ils ne
conviennent point à la chatte , par la rai-
fon qu'ils réfifteroient très -peu dans les
bois , dans les taillis , &c.
Il eft afifez commun de voir dans les
provinces des emouchoirs à mailles placés
Air les harnois des chevaux de carrode.
Les emouchoirs ufités relativement aux
chevaux de tirage , font de fimples vo-
lettes de cordes qui font bordées ; on
E M O
attache auffi à la mufe'iere un filet garni
de volettes plus courtes.
Les maréchaux appellent aufli émou-
choir, une queue de cheval jouant dans
un manche de bois auquel elle eft atta-
chée. Ils s'en fervent pour faire émoucher
l'animal lorsqu'ils le ferrent ou qu'ifs pra-
tiquent quelque opération ; cette précau-
tion eft d'autant plus fage , qu'il ne leur
feroit pas poffible de maintenir en été le
cheval dans un état de tranquillité nécef-
faire , 6k qu'il pourroit même en erre
bleffé , s'ils ne prenoient le parti de le dé-
barraftér de l'importunité de ces infec-
tes, (le)
* EMOUDRE, v. aft. (Arts mêch.)
terme commun à tous les ouvriers en
métaux , qui en font des inftrumens tran-
chans, mais fur-tout à ceux qui y em-
ploient le fer ck l'acier; c'eft former à ces
inftrumens le tranchant à l'aide d'une
meule qui tourne fur elle-même, qu'on
arrofe avec de l'eau , ck fur laquelle on
appuie l'inftrument à émoudre. Cette opé-
ration n'eft pas facile, ck il y a peu d'ou-
vriers qui fâchent émoudre fupérieure-
rftènr. La difficulté augmentant à mefure
que la pièce augmente , perfonne ne fau-
roit mieux émoudre que les ouvriers qui
parlent au mouleau l'es lames d'épée. Paf-
fer au mouleau, parmi les ouvriers, c'eft:
émoudre. Il faut avoir acquis l'habitude de
mouvoir, d'un mouvement uniforme, une
longue furface fur une autre, ck de ména-
ger la preftion , de manière qu'il y ait
uniformité dans les parties enlevées par
la meule , ck que toute la furface émoulue
foit parfaitement égale.
EMOUI , ( Géogr. mod. ) port de la
Chine, fitué dans la province deFokien,.
il s'y fait un grand commerce. Long. 136,,
40; lat. 24, 30.
EMOUSSE, ÉE, adj. (terme de Bla-
fon.J fe dit d'un fer de lance, d'une flèche,
d'une baïonnette qui n'a point de pointe.
Bauvauliers des Malardieres, de Mari-
gny en Touraine ; de gueules à deux fers
de lances émouffés P un fur P autre en pal ,.
le premier renverfé. (G. D. L. T.)
* EMOUSSER , v. a&. ( Art méch. )
il fe dit de tous les corps aigus ck tran-
chans ; c'eft l'a&ion de les rendre moins.
E M P
aigus &: moins tranchans , ou de leur
ôter entièrement la pointe & le tran-
chant ; ce qui Te fait , ou en caftant , ou
en arrondiiïant.
EMOUSSER , v. ad. fe dit dans Yart
militaire , des angles d'un bataillon dont
on retranche les pointes.
Si VonémouJJe les ang'es d'un bataiilon
carré , il en réfulte un bataillon oélogone.
On émoujj; les angles d'un bataillon
lorfqu'ih font aigus , afin de pouvoir lui
faire taire feu plus aifément de tous côtés ,
& mettre fes angles en état de faire une
meilleure défenfe.
On peut émoujjerles angles d'un batail-
lon carré , en prenant fur chacun un pelo-
ton carré que l'on réduira en triangle , dont
la différence du nombre d'hommes de cha-
que rang foit deux, c'eft-à-dire, que le
premier terme, ou le premier rang foit i ,
le fécond 3 , le quatrième 5 , &c. Voyt^
Bataillon triangulaire. Mais en
obfervant de faire ("dit M. Bottç'e , Etudes
militaires ) Le coté extérieur ou grand
coté infenfiblenunt courbé & non pas droit,
parce que le bataillon étant plein, on ne
peut reculer le foldat de l'angle du peloton
dans faillie rentrant du bataillon. (Q)
EMOUSSER ,- f Jardin J eft ôter,
avec le couteau , de groffes broffes , ou
des torchons de paille , la moufle qui s'at-
tache à la tige des arbres. Il faut faire cet
ouvrage après la pluie , ou le matin à la
rofée; alors la moufle , qui eft une vraie
gale qui les empoche de grofîir , fe déta-
che plus facilement que dans un temps
fec , où en frottant trop fort il y auroit
rifque d'écorcher l'arbre. (KJ
t * EMOUVOIR , v. acï. (Gramm.)
c'eft communiquer ou recevoir du mou-
vement; il fe prend au phyfique & au
moral; & l'on dit , la mer commence à
s émouvoir ; j'en ai le cœur ému ; le phi-
lofophe ne ^émeut pas facilement.
* EMOTION, f. f. (Gramm.) mou-
vement léger; il fe prend au phyfique &
au moral ; &T. l'on dit : cette nouvelle me
caufa de /'^motion,; il avoit de /'émo-
tion dans le pouls.
EMPAILLER, v. aét. (Jardin.) fe
ait des cloches en les retirant de defTous
les couches , & les emboitant les unes
EM P
M*
1 dans les autres avec de la paille entre
deux pour les emporter. On empaille auflî
des pies d'artichaux & de cardons pour
les faire blanchir.
Souvent pour préferver la tige d'un
arbre de l'ardeur du foleil, fur-tout fur
des terrafTes & endroits élevés, entourés
de murs , on Y empaille avec de longues
gerbes. (K)
EMPALEMENT, f. m. (Bot.) eft la
partie la plus extérieure de la fleur qui
la couvre toute entière , avant qu'elle foit
éclofe , & qui lui fert enfuite comme de
fupport : on le nomme en Latin perian-
thium, parce qu'il règne tout autour de
la fleur. Quelques-uns l'appellent calice ;
mais ce n'eft pas là le calice , car le calice
à la lettre eft une coupe ou godet creux
que forme le perianthe ou empalement ,
duquel fortent les autres parties de la
fleur. Il y a des fleurs dont les pétales ont
une bafe ferme & afîiirée autant qu'il le
faut pour les fputenir, & qui, par cette
raifon , n'ont pas befoin d'empalement ou
de perianthe ; auffi la nature ne leur en a-
t-elle point donné, comme on le voit dans
la tulipe ; cependant ces fleurs ont un ca-
lice ou godet. V. Fleur & Calice.
Article de M. le chev. DE J AU COURT.
Empalement, (Hifl. ) fupplice af-
freux qui eft d'ufage en Turquie. L'em-
palement «'exécute en faifant entrer une
broche de bois par le fondement, ÔC la
faifant fortir pardeflbus l'aifTelle.
Pour empaler un malheureux , on le
couche ventre à terre , les mains liées
fur le dos ; on lui endofle le bât d'un
âne fur lequel s'afTeoit un valet de bour-
reau afin de le bien affujetrir , tandis
qu'un autre lui tient le vifage contre
terre, avec les deux mains qu'il lui ap-
puie fortement fur le cou; un troifieme
lui fend le derrière de la culotte avec des
cifeaux, &c lui enfonce \.mpal, ç'eft-à-
dire , une efpece de pieu dans le fonde-
ment ; ce pieu eft une broche de bois
qu'il fait avancer avec les mains autant
qu'il peut ; enfuite un quatrième bour-
reau chaffe cette broche avec un maillet,
jufqu'à ce qu'elle forte par la poitrine ,
ou fous l'aifTelle ; ejifin , on plante la bro-
che toute, droite.
251 ÉMP
C'eft ainfi qu'on traite les Caïns ou*
Grecs révoltés qui ont commis quelque
meurtre en Turquie, 6k qu'on prend fur
le fait; après le ïupplice , fi ces malheu-
reux vivent encore , la populace les in-
iulte , bien loin de les exhorter à le faire
mufulmans. Les Turcs font fi perfuadés
qu'un homme qui a commis un grand
crime , eft indigne d'être mufulman , que
lorfqu'un mufulman eft condamné à mou-
rir , perfonne ne l'aiiifte , parce qu'ih
croient que fon feul crime l'a rendu
jaour, c'eft-à-dire , infidèle 6k chrétien.
Voilà des faits rapportés par M. de
Tournefort ; ils entrâmeroient bien des
réflexions fur un peuple chez qui règne
un fupplice aufîi cruel que V empalement ,
6k chez lequel il n'exuîe aucune pirié :
tandis que ce même peuple nourrit, ev
faveur d'une faufie religion , une idée i,
noble 6k fi grande , qu'il femble qu'il n'y
auroit qu'une religion divine qui à\i\
l'infpirer à fes fectateurs. Article de M.
le chevalier DE J AU COURT.
EMPAN , voye^ Ampan.
EMPASTELLER. V. Ampastel-
LER.
EMP ANAGE,f. m. (Jurifpr.) eft dit en
quelques endroits pour apanage , comme
en la coutume de Senlis, art. 66, quand le
duché de Valois fut baillé au duc d^Or-
léans par empamge , &c. V. Apanage.
EMPANON, f. m. ( Charpent. ) eft
un chevron qui ne va pas jufqu'au haut
du faîte, mais qui doit être aflemb'é à
tenon 6k mortoiie dans l'arrêtier du côté
des croupes 6k lonpan.
EMPANON, f. m. [Charron.) Ce font
les extrémités poftérieures des côtés du
brancart qui patîent entre le IhToir de der-
rière , 6k qui font ordinairement arron-
dies ; ces pièces reçoivent les confoles de
fer qui foutiennent les moutons de derrière.
EMPAQUETER,v. a. fCW/z. jmettre
quelque chofe en un paquet, y. Paquet.
Il fe dit particulièrement des marchandifes
que , félon l'efpece , on empaqueté dans
des toiles ou dans du papier. Diclionn.
de Comm. de Trév. & Chambers. (G)
EMPARAGE. adj. (Jurifpr.) veut
(dire qui eft uni à fon pareil; une fille , L
EMP
emparagée noblement dans les coutumes
d'Anjou & du Maine, 6k autres femblables,
eft celle qui eft mariée fuivant fa condi-
tion : c'eft la même chofe que ce que d'au-
tres coutumes appellent apparagée. {A)
EMPARLIERS , f. m. pi. ÇJurifpr.)
parlicrs ou amparliers , eft le nom que
l'on donnoit anciennement aux avocats
plaidans , comme on le voit dans les an-
ciennes chartes , coutumes , ftyles ck pra-
tiques. Ce nom étoit relatif a leur pro-
rèllion qui eft de parler en public ; ils ont
auiïi été appelés conteurs ou plaideurs ,
zlamatores. Voy. le glofjaire de Ragueau,
au mot Emparliers. ÇA)
EMPATEMENT , dans plufieurs arts ,
eft fynonyme à. pâte , à pié , &c. ainfi on
dit l: 'empalement ou les racinaux , pour h
pié d'une grue.
E M P ATEM ENT , f. m. en Architecture,
c'eft une plus épaifteur de maçonnerie ,
qu'on laifte devant ck derrière dans la fon-
dation d'un mur de face. {P)
EMPATER, v. aft. Ç Marine.) ou
faire des empatûres, c'eft mettre les deux
bouts de deux pièces de bois l'un à côté
de l'autre, ck les faire joindre. (Q)
EMPATER, terme de Peinture, qui
■ignirie mettre beaucoup de couleurs , foit
en une fois , foit en plufieurs ,fur ce qu7on
feint. On dit : Ce tableau eft bien empâté ,
bien nourri de couleur.
Empâter fe dit encore Iorfqu'on met
les couleurs fur un tableau , chacune à la
place qui convient , fans les mêler ou fon-
dre eniemble. On dit : cette tête n'efl
«/«'empâtée. Diclionn. de Peint. (/?)
EMPATER, (Cuifine.) c'eft mettre eu
pâte. Pour cet effet, on délaie 6k l'on
bat de la farine avec des jaunes d'œufs
6k du fel , ck l'on roule les viandes dans
cette pâte liquide.
EMPATURE, f. f. (Marine.) On
nomme ainfi dans un vaifteau , la jonction
de deux pièces de bois mifes à côté l'une
de l'autre. (Z)
* EMPAUMER , v. aft. terme de Pau-
mier ; c'eft recevoir une balle fur le milieu
de fa raquette , c'eft-à-dire , de la manière
la plus favorable pour la renvoyer avec le
plus de vîtefte 6k le moins de force. On a
tranfporté ce mot de la paume dans la
EMP
fociété , ck l'on dit empaumer une affaire ,
pour la faifir & la pouffer avec chaleur.
Empaumer la. voie, ( Vénerie. )
c'efl prendre la voie.
EMPAUMURE , f. f. (Vénerie.) c'eft
le haut de la tète du cerf 6k du chevreuil ,
qui eft large 6k renversée, où il y a trois
ou quatre andouillers auplus pour les cerfs
de dix cors Scies vieux chevreuils , caries
jeunes n'en ont pas.
EMPÊCHÉE , adj. ÇMar.) On dit une
manœuvre empêchée , lorsqu'elle eft embar-
raffée 6k ne peut jouer comme il faut. (Z)
EMPECHEMENT, f.m. (Jurifpr,)
{ignifie Voppqfition ou ['obftacïe à quelque
chofe , provenant du fait de quelqu'un,
comme une faifie ; ou de quelque c;r-
conftance, telle que la parenté en degré
prohibé, qui fait un empêchement de ma-
riage. ( A )
Empêchement de mariage fe prend or-
dinairement pour une caufe qui empêche
qu'un mariage (bit valablement contracté
entre certaines perfonnes. Quelquefois on
entend par-là Voppq/ztion que quelqu'un
forme à la célébration du mariage.
Les caufes ou empêchemens de mariage
font fondées les unes fur le droit naturel,
d'autres fur le droit civil , d'autres fur les
loix ecclefiaftiques approuvées par le fou-
verain.
C'eft le droit naturel qui a fait mettre
au nombre des empêchemens de mariage,
l'erreur de perfonne , la violence 6k l'im-
puiffance, & la parenté en ligne directe.
C'eft. aufîi par une conféquence du droit
naturel, que Ton a défendu le mariage
entre ceux qui font parens au premier de-
gré en collatérale.
La défenfe de fe marier dans les degrés
plus éloignés, a d'abord été faite-par l'em-
pereur Theodofe, entre les enfans des
frères 6k fœurs; l'églife l'a enfuite étendue
jufqu'au feptieme degré; 6k enfin le con-
cile de Latran , tenu fous Innocent III ,
en ni 5 , l'a réduite au quatrième degré.
Les empêchemens qui procèdent des
vœux folemnels ou des ordres facrés , font
purement eccléi'iaftiques, de même que
celui de parenté au troifieme 6k quatrième
degrés, ck celui de l'affinité fpirituellc.
L'églife latine a déclaré nuls les ma-
É M P 253
riages des prêtres & des religieux ; loi qui
a été confirmée par lesfouverains.
\J empêchement qui naît du lien conjugal,
qui empêche de contracter mariage avec
une autre perfonne, tant que le premier
mariage fiubfifte , eft fondé fur la loi de jure
canon, qui a rétabli le mariage fuivant fa
première incitation.
Enfin , V empêchement qui naît de la di-
verfité de cuire, ce qui, fuivant le droit
canonique, ne s'appîiquoit qu'au mariage
contracté entre un chrétien 6k une in ri-
delle , a été étendu par une ordonnance de
Louis XIV à ceux djs catholiques avec les
calviniftes.
On diftingue deux fortes $ empêchement
de mariage ; lavoir , les empêchemens diri-
mans , 6k les autres appelles empêchemens
feulement , empêchans ou prohibitifs.
Empêchemens dirirnans , font les caufes
qui non feulement empêchent un mariage
non fait d'être contracté , mais encore qui
le font déclarer nul , au cas qu'il fût déjà
contraclé.
Ces fortes ^empêchemens font :
i°. L'erreur ou la furpriie par rapport
à la perfonne que l'on a épouf^e , c'eft-à-
dire, (î on l'a époufée croyant en époufer
une autre; mais fi l'erreur ne tombe que fur
la qualité , la fortune ou la vertu, elle ne
détruit pas le mariage.
2°. Suivant le droit canon ^ s'il y a eu
erreur fur la condition de la perfonne ,
c'eft-à-dire , fi un homme libre a époufé
une efclave, il peut demander la diiïblu-
tion du mariage ; mais ce principe n'eft.
pas d'ufage en France , où il n'y a point
d'efclaves.
3U. Les vœux folemnels de chafteté
faits dans un ordre religieux , font en-
core un empêchement dirimant de mariage;
mais le vœu fimple de chafteté, ou de
faire profeffion dans quelque ordre reli-
gieux , n'eft qu'un empêchement prohibi-
tif, 6k non pas dirimant.
40. Les ordres facrés de prêtrife , diaco-
nat 6k fous-diaconat, font aufîi des empê-
chemens dirirnans.
50. Il en eft de même de la parenté en
ligne directe indéfiniment, 6k de la parenté
en ligne collatérale jufqu'au quatrième de-
gré inclufivement.
2^4 E M P
6°. L'alliance ou affinité légitime , tant
en directe que collatérale , forme un
empêchement dirimant au même degré que
la parenté ; mais l'affinité qui naît d'un
commerce illégitime , ne forme ^empê-
chement que ju (qu'au fécond degré inclu-
fivement.
7°. L'affinité fpirituelîe qui fe forme
par !e baptême entre la perfonne bapîifée
ck Ces parrain 6k marraine, de même
qu'entre le parrain 6k la mère, entre la
marraine ck le père de l'enfant baptifé,
entre la perfonne qui baptife ck celle qui
reçoit 'e baptême , ck les père ck mère de
l'enfant baptifé, eft entre ces perfonnes
un empêchement dirimant , de même que
l'affinité naturelle.
8°. L'adoption formait chez les Ro-
mains une alliance légale qui produifoit un
empêchement dirimant ; mais elle n'a pas
le même effet en France.
9°. Il naît un autre empêchement diri-
mant de l'honnêteté publique , lequel con-,
fille en ce que l'on ne peut époufer aucune
parente en ligne directe de celle que l'on
a fiancée valablement, ni une parente au
premier degré de la ligne collatérale ; &
vice ver/a pour la fiancée à l'égard des
frères de fon fiancé.
On met aufîi dans la même claffe X em-
pêchement que forme un mariage célébré,
mais non confommé, foit qu'une des par-
ties décède avant la confommation , ou
qu'elle faffe des vœux de religion avant la
confommation , ou qu'il y aitcaufe d'im-
puiffance •, ck V empêchement qui naît d'un
tel mariage , s'étend comme celui de la
parenté , jufqu'au quatrième degré inclufi-
vemenf.
io°. L'adultère 6k l'homicide forment
dans trois cas ^empêchement dirimant ,
appelle impedimentum criminis ; favoir ,
lg. quand un des conjoints commet adul-
tère avec une autre perfonne , à laquelle
il promet de 1 'époufer après le décès de
l'autre conjoint ; ou s'il y a eu un fécond
mariage confommé avec quelqu'un qui
étoit déjà marié : car outre que ce ma-
riage eft nul , il ne peut être réitéré après
le décès du premier conjoint. Une fïmple
promette de mariage , dans ce cas , opère
le même effet. i°. Quand un des conjoints
E M P
qui a fait mourir l'autre , époufe une per-
fonne quia eu part à l'hemicide. 3 y. Quand
le mari fait mourir fa femme avec inten-
tion d'en époufer une autre avec laquelle
ifa eu un commerce illicite.
il9. La diveifité de religion qui fe
trouve entre les chrétiens ck les infidèles,
eft , fuivant le droit commun , un empê-
chement dirimant , lorfque cette diverfité
de religion a précédé le mariage.
12°. L'églife a aufîi toujours défendu
les mariages entre les catholiques ck les
hérétiques, fans néanmoins les déclarer
nuls ; mais en France , où l'édit du mois
de novembre 1680 déclare ces mariages
non valablement contractés , on doit tenir
qu'il y a dans ce cas un empêchement di-
rimant.
i3Q. La violence 6k la crainte, capa-
bles d'ébranler une perfonne ferme, for-
ment un femblable empêchement , le ma-
riage étant nul lorfqu'il n'y a point de con-
fentement libre.
140. Un autre empêchement dirimant
qui eft de droit divin , c'eft lorfqu'il y a
un premier mariage fubfiftant; ce que les
canoniftes désignent par le terme de Uga-
men.
150. L'impuiftance perpétuelle, foit du
mari ou de la femme , dont la caufe fubfîl*-
toit au temps de la célébration du mariage ,
forme encore un empêchement dirimant.
160. Le défaut de puberté de la part de
l'un ou l'autre des conjoints , rend pareille-
ment les mariages nuls.
170. Depuis le concile de Trente , 6k les
ordonnances du royaume qui en ont
adopté la difpofition, un mariage clan-
deftin eft nul , c'eft-à-dire , lorfqu'il n'eft
pas célébré par le propre curé, enpréfence
des parties 6k des témoins.
180. Enfin , le rapt de violence ou de
féduction font des empêchemens dirimans ,
à moins que la perfonne ravie n'ait depuis
réhabilité le mariage par un confentement
volontaire , donné en préfence du propre
curé depuis que la violence ou la féduction
a ceffé.
Il y a certains empêchemens dirimans
dont on n'accorde jamais de difpenfe , tels
que ceux qui font fondés fur le droit divin
ou fur le droit naturel : il y en a d'autres
E MP
dont on ne difpenfe jamais avant le ma-
riage , mais dont on difpenfe quelquefois
après , à l'effet de réhabiliter le mariage.
On s'adreffe ordinairement au pape pour
les difpenfes des empêchemens dirimans
qui proviennent de parenté, affinité, hon-
nêteté publique , ou alliance fpirituelle. Il
y a cependant des diocefes , où les évoques
font en poffeffion de difpenfer au qua-
trième degré de pa-enté ou affinité; quel-
ques-uns même en donnent du troifieme
au quatrième degré : d'autres ne les don-
nent <\\\interpauperes\ze qui dépend de
l'ufage de chaque diocefe.
Les fupérieurs eccléfiaftiques ne peuvent
difpenfer des empêchemens établis par l'au-
torité des princes féculiers. Voye\ Dis-
pense 6- Mariage.
Empêchemens prohibitifs du mariage ,
font les caufes pour lefquelles Péglife
peut refufer de célébrer un mariage , mais
qui néanmoins ne font pas affez fortes
pour le rendre nul lorfqu'il eft déjà con-
tracté.
Ces caufes font, i°. les fiançailles con-
tractées avec une autre perfonne ; i^. le
fimple vœu de chafteté , ainfi qu'on l'a
déjà expliqué en parlant des empêchemens
dirimans ; 30. les temps prohibés pour la
célébration des mariages, qui font depuis
le premier dimanche del'Avent jufqu'aux
Rois, ck depuis le jour des Cendres jus-
qu'au lendemain du dimanche de Qua/i-
modo;^0. la défenfe du juge eccléfiaftique
ou féculier.
Outre ces empêchemens , il y en a encore
plufieurs autres marqués dans le droit-
canonique, dont quelques-uns même em-
pêchoient le mariage avec quelque per-
fonne que ce fût , comme le meurtre
d'une femme par fon mari , & vice verfd;
le meurtre d'un prêtre, une alliance fpi-
rituelle affectée, pour ne pas rendre le
devoir conjugal ; un mariage contracté
avec une religieufe dont on connoiffoit
l'état. Ceux qui étoient dans le temps
d'une pénitence publique à eux iinpofée,
ne pouvoient pas non plus fe marier ;
mais l'ufage a abrogé ces divers empêche-
mens , & Ton n'en demande plus de dif-
penfes.
Sur les empêchemens de mariage en gé-
E M P 255
néral , voye{ RebufTe , Prax , benef.
part. iiy\c. de difpenf. in grdd. prehib.
gl. 5 , Franc. Marc , tom. II , p. 673 ; les
loix eccl. de ^'Héricourt , tir. du mariage ;
dictionn. des cas de confeience , au mot
Empêchemens. ( A )
EMPÊCHER, v. (Grammaire. ) c'eff
en général former des obftacles. On dit ,
empêcheç-Ie de commettre cette action : elle
ne peut s 'empêcher de pleurer : lèvent nous
empêchait de refpirer.
EMPEIGNE , f. f. ( Cordon. ) eft ce
qui forme le deiïus du foulier & couvre le
coude-pie.
t *EMPELORE, f. m. ÇHi(l. anc.)
c'étoit, à Lacédémone , un officier qui
avoit l'infppcYion des marchés , & qui
veilloit à ce que le bon ordre s'y confervât ,
& qu'il ne s'y commit ni trouble ni frip-
ponnerie. Il paroit. que les empelores
étoient à Sparte ce qu'étoieflt les agora-
nomes à Athènes.
^ EMPELOTERfs'^v.paff.i^/ro/î.
fe dit d'un oifeau lorfqu'il ne peut digérer
ce qu'il avale, fa nourriture fe mettant en
pelotons : pour lors on la lui tire avec le
défempelotoir.
EMPENELLE, f. f. ( Marine J c'eft
une petite ancre que Ton mouille au de-
vant d'une greffe; il y a un petit cable
qui la tient, & ce cable eu frappé à la
groffe ancre, afin que le vailfeau foir plus-
en état de réfilier à la force du vent.
EMPENNÉ, ad), en terme de B la fon
fe dit d'un dard, trait ou javelot qui a (es
ailerons ou pennes.
Arc d'azur à un arc dror , chargé de trois
flèches d'argent empennées d'or ; celle du
milieu encochée , & les deux autres
paffées en fautoir.
EMPEREUR, imperator, Çffifl anc.)
nom que les Romains donnoient à tous
les généraux d'armée , du mot latin impe-
rare. On appelloit empereur , dans un
fens particulier , vn général qui , après
avoir remporté quelque victoire fignalée,
étoit falué de ce nom par les acclamations-
des foldats, ck enfuite honoré de ce titre
par un décret du fénat. Il falloit, pour le
mériter, avoir gagné une bataille dans la-
quelle dix mille des ennemis fuffent reftés
ltf
E M P
fur la place , ou conquis quelque ville im-
portante. Céfar fut appelle de ce nom par
le peuple Romain , pour marquer la fouve-
raine puifTance qu'il avoit dans la républi-
que, ck dès-lors le nom ti empereur devint
un titre de dignité. C'eft dans ce dernier
lèns qu'Augufte & fes fuccefTeurs ont été
nommés empereurs ; ce qui toutefois n'em-
péchoit pas qu'on ne le prît quelquefois
au premier fens , pour l'attribuer à ces
princes : ainfi Augufte fut appelle empe-
reur vingt fois , parce qu'il avoit remporté
vingt vi&oires célèbres. Tite , après la
prife de Jérufalem , fut falué empereur par
ion armée, &c Appien remarque que cette
coutume fublîftoit encore fousTrajan.
La dignité d'empereur , réunie dans une
feule perfonne par Jules-Céfar , fut héré-
ditaire fous fes trois premiers fuccefTeurs,
Octave- Au gufte , Tibère & Caligula;
mais après la mort de celui-ci, elle devint
élective. Ce furent les foîdats de la garde
prétorienne qui proclamèrent Claude em-
pereur. Il eft vrai que pour l'ordinaire les
enfans ou les parens de l'empereur défunt
lui fuccédoient ; ce n'était point précifé-
ment par droit héréditaire , mais parce
que les empereurs, de leur vivant , les
avoient aiïbeiés à l'empire , en les créant
céfars avec l'agrément des armées , qui.,
ayant la force en main, avoient ufurpé
fur le fénat le droit d'élection. Le choix
que faifoient les armées , tomboit toujours
fur quelqu'un de leurs chefs dont ils con-
noiiîoient la bravoure, s'arrétant plus vo-
lontiers à cette qualité qui frappe davan-
tage l'homme de guerre , qu'à la naiiTance
ck aux talens politiques : aulîi l'empire
eû-il tombé plufieurs fois entre les mains
de (impies foldats, qui , ayant pafTé par
tous les grades militaires, étoient élus par
leurs compagnons, fans avoir d'autre mé-
rite qu'une valeur féroce.
Dès que les empereurs étoient élus , ils
envoyoïent leur image à Rome ck aux
armées , afin qu'on la mît aux enfeignes
militaires : c'étoit la manière ordinaire de
reconnoître les nouveaux princes. Enfuite
ils faifoient aux troupes ôk aux peuples
des largeffes nommées congiaires. Le fé-
nat donnoit le nom iïAugufle à la femme
5c aux filles de V empereur ; ck, quand lui
E M P
''ou fon époufe paroifToit en public, on
porroit devant eux un brafîer plein de feu,
ck des licteurs , armés de faifeeaux entou-
rés de lauriers , les précédoienr. Julqu'à
Dioclétien les empereurs ne portèrent que
la couronne de laurier ; ce prince prit le
premier le diadème , ck fut imité par fes
fuccefTeurs jufqu'à Jufrinien , qui introduilit
i'ufage de la couronne fermée.
Comme les empereurs réunifïbient dans
leur perfonne la puifTance des dictateurs ,
des confuls , des cenfeurs , des tribuns du
peuple , ck de prefque tous les grands ma-
giftrats de la république , dont ils avoient ,
ou fupprimé les titres , ou réduit l'auto-
rité à des noms 6k à des honneurs chi-
mériques , il eft naturel de penfer que
leur pouvoir étoit defpotique : il fut plus ,
il fut quelquefois tyrannique : mais cela
procédoit du caractère de ces princes.
A ugufte , Vefpafien, Tite , Trajan , Marc-
Aurele , les Antonins refpecterent les loix ,
partagerentle poids du gouvernement avec
le fénat, ck fous leur empire le peuple
Romain ne s'apperçut prefque point de
la perte de fa liberté ; mais il dut la re-
gretter bien vivement fous les règnes d'un
Tibère , d'un Caligula , d'un Néron, d'un
Domitien , à qui les plus fanglantes prof-
criptions ne coûtoient qu'un clin-d'œil,
ckquineconnoiffoientle pouvoir fuprême
que pour faire des malheureux. Gou-
vernés par des affranchis , par des maî-
trefTes;entcurés de flatteurs ck de délateurs,
ils pafToient leur vie dans le luxe ck la
mollefTe : plus jaloux de leurs plaifirs que
du bonheur de leurs fujets, ils les facfî-
fioient au moindre foupçon ; auffi périrent-
ils eux-mêmes la plupart de mort violente.
Le fouverain facerdoce étoit attaché à
la dignité d'empereur, comme il paroît par
les médailles ; ainfi ils étoient tout à la fois
à la tête du civil , du militaire ck de la
religion.
On leur rendoit des honneurs extraor-
dinaires , 6k rien n'égale la magnificence
des fêtes par lefquelles la capitale fe flgna-
loit , lorfqu'un empereur revenoit victo-
rieux après une expédition militaire , ou en
action de grâces de fa convalefcence. Ter-
tullien , dans fon Apologétique , nous en
décrit quelques particularités. On allumoit
des
E M P
des feux dans les rues , 8c des lampes
dans les maifons : on y dreflbit des tables
toutes fervies ; 8c dans ces feftins on ré-
pandoit le vin avec profuhon , pour faire
des libations en l'honneur du génie de
l'empereur , ou aux dieux , pour fa pros-
périté. Les particuliers ornoient de lauriers
& d'autres feuillages les portes de leurs
maisons. Les arcs de triomphe , les facrifi-
ces folemnels 8c les jeux du cirque n'étoient
pas non plus oubliés ; 8c ce qu'on a peine
à concevoir , c'eft qu'il ne fallut pas un
iiecle pour rendre idolâtre de fes empereurs ,
ce même peuple auparavant idolâtre de la
liberté qu'ils lui avoient ravie. On leur
érigeoit des ftatues 8c des monumens fu-
perbes , des temples même de leur vivant ;
8c enfin après leur mort on les mettoit au
nombre des dieux. Voye^ Apothéose ,
Consécration. (G)
Empereur , ( Hiji. & droit public ger-
manique. ) c'eft le nom qu'on donne au
prince qui a été légitimement choilî par
les électeurs pour être le chef de l'empire
Romain Germanique , 8c le gouverner Sui-
vant les loix qui lui ont été impofées par
la capitulation impériale, (voye^ Capitu-
lation. ) Depuis l'extinction de la maifon
de Charlemagne , qui poftedoit l'Empire
par droit de fucceffion , ou , félon d'au-
tres , depuis Henri IV , la dignité impé-
riale eft devenue élective , 8c depuis ce
temps , perfonne n'y eft parvenu que par
la voie d'élection ; & même les électeurs ,
craignant que les empereurs de la maifon
d'Autriche ne rendirent la dignité impé-
riale héréditaire dans leur famille , ont in-
féré dans la capitulation de Matthias 8c
celles des empereurs iuivans , une claule
par laquelle leurs mains font liées à cet
égard. Les électeurs ne font point obligés
à s'attacher dans leur choix à aucune mai-
fon particulière ; il fufïit que la perfonne
élue foit , i°. mâle , parce que la dignité
impériale ne peut palier entre les mains
des femmes ; i°. que le prince qu'on veut
élire foit Allemand , ou du moins d'une
race originaire d'Allemagne ; cependant
cette règle a quelquefois fbuffert des ex-
ceptions : 3°. qu'il foit d'une naidanee
illuftre. 40. La bulle d'or dit vaguement
qu'il faut qu'il foit d'un âge convenable ,
Tome XII.
E M P 2J7
jujlœ ectatis ; mais cet âge ne paroît fixé par
aucune loi : i°. Il fauc qu'il foit laïque ,
8c non eccléilaftique ; 6°. qu'il ne foit point
hérétique ; cependant il ne paroît point
qu'un proteftant (bit exclu de la dignité
impériale , par aucune loi fondamentale de
l'empire.
Lorfque le trône impérial eft vacant,
voici les ufages qui s'obièrvent pour l'élec-
tion d'un nouvel empereur. L'électeur de
Mayence en qualité d'archi -chancelier de
l'empire , doit convoquer l'aflèmblëç des
autres électeurs dansl'efpace de trente jours ,
depuis que la mort de l'empereur lui a été
notifiée. Les électeurs doivent fe rendre à
Francfort fur le Mein ; ils comparoi lient
à l'alïemblée ou en perfonne , ou par
leurs députés , munis de pleins pouvoirs ,
8c alors ils fe mettent à drefter les articles
de la capitulation impériale. Si un électeur
duement invité à l'élection refufoit d'y
comparaître , ou prenoit le parti de fe
retirer après y avoir comparu , cela n'em-
pêcheroit point les autres d'aller en avant ,
8c l'élection n'en feroit pas moins légiti-
me pour cela. Le jour étant fixé pour
l'élection , on fait ibrtir de la ville tous
les étrangers j les électeurs affilient à la me (Te
pour implorer les lumières du S. Efprit ,
8c prêtent un ferment , dont la formule
eft marquée par la bulle d'or , d'être im-
partiaux dans le choix qu'ils vont faire :
après quoi ils entrent dans le conclave ,
& procèdent à l'élection qui fe fait à l'una-
nimité , ou à la pluralité des voix ; elles
font recueillies par l'électeur de Mayence.
Quand l'élection eft achevée , on fait
entrer dans le lieu de l'aflemblée des no-
taires 8c témoins ; on pafle un acte qui eft
(igné 8c muni du fceau de] chacun des
électeurs. Suivant la bulle d'or , lï l'élec-
tion n'étoit point faite dans l'efpace de
trente jours , les électeurs devrobnt être
au pain 8c à l'eau. Quand l'élection eft
finie , on la fait annoncer dans la princi-
pale églife de la ville. Les électeurs font
notifier à celui qui a été' élu , s'il eft abfent ,
!e choix qu'on a fait de (a perfonne pour
remplir la dignité impériale , avec prière de
l'accepter ; s'il eft préfent , on lui préfente
la capitulation , qu'il .jure d'obfèrver , 8c les
électeurs leconduifent en cérémonie du cbn-
Kl
258 EMP
clave vers le grand autel ; il fe met à genoux
fur la marche la plus élevée, Se fait fa prière
ayant les électeurs à fes côtés ; ils l'élevent
enfuite fur l'autel ; on chante le Te Deum ;
après quoi il Cou du chœur, monte dans une
tribune , Se c'eft pour lors qu'il eft procla-
mé empereur.
La cérémonie de l'élection eft fuivie de
celle du couronnement ; fuivant la bulle
d'or elle devroit toujours fe faire à Aix-
la-Chapelle : mais il y a déjà long-temps
que l'on a négligé de fe conformer à cet
ufage , Se depuis Charles - Quint aucun
empereur ne s'eft fait couronner en cette
ville. Cependant ['empereur adreflè toujours
à la ville d'Aix-la-Chapelle des reversâtes ,
pour lui déebrer que le couronnement s'eft
fait ailleurs fans préjudice de fes droits.
Les archevêques de Cologne Se de Mayence
fe font long-temps difputé le droit de
couronner Y empereur , mais ce différend
eft terminé depuis 1658 : c'eft celui de
Mayence qui a droit de couronner lorf-
que la cérémonie fe fait dans fon diocefe ,
Se celui de Cologne en cas qu'elle fe fàflè
dans le fîen. Les marques de la dignité
impériale , telles que la couronne , l'épée ,
le feeptre , le globe d'or furmonté d'une
croix , le manteau impérial , l'anneau ,. &c.
font confervées à Aix - la - Chapelle Se à
Nuremberg , doù on les porte à l'endroit
où le couronnement doit fe faire.
Cette cérémonie fe fait avec tout l'éclat
imaginable , les électeurs y affilient en
habits de cérémonie , Se l'empereur y
prête un ferment conçu à-peu-près en ces
termes : Je promets dera.it Dieu & fes anges
d'cbfcrver les loix , de rendre la jufiiee , de
conferver les droits d,e ma couronne , de
ren re l'honneur convenable au pontife Ro-
main , aux autres prélats , & à mes vajfaux ,
de conferver à l'eglife les biens qui lui ont
été donnés ; ainfi Dieu me fait en aide 3 Sec.
L'archevêque chargé de la cérémonie ,
avant de couronner l'empereur , lui de-
mande : S'il veut conferver 6» pratiquer la
religion catholique & apofolique ; être le
défenfeur & le protecteur de l'églife & de fes
miniflres ; gouverner fuivant les loix de la
jufiiee le royaume que Dieu lui a confié ,
& le défendre efficacement ; tâcher de récu-
pérer les biens de l'Empire qui %nt été dé-
E M P
membres ou envahis : enfin , s'il veut être
le défenfeur & le juge du pauvre comme du.
riche , de la veuve & de l'orphelin. A toutes-
ces demandes , l'empereur répond volo ,
je le veux. Quand le couronnement eft
achevé , l'empereur fait un repas folemnel
il eft alîis fèul à une table , ayant à fà
gauche l'impératrice à une table moins
élevée que la Henné. Les électeurs eux-
mêmes , ou par leurs fubftituts , fervent
l'empereur au commencement du repas 3
chacun félon fon office ; enfuite de quoi
ils fe mettent chacun à une table féparée
qui eft moins élevée que celle de l'empe-
reur Sz de l'impératrice. Voye-i^ Vitriarii
infiit. juris publici , lib. I , tit. viij.
Autrefois les empereurs après avoir été
couronnés en Allemagne , ailoient encore
fe faire couronner à Rome , comme rois
des Romains ; c'eft ce qu'on appeliois
l'expédition Romaine ; & à Milan , à Monza ,
à Pavie , ou à Modene , comme rois de
Lombardie. Mais depuis long-temps ils fe
font difpenfés de ces deux cérémonies , ait
grand regret des papes , qui prétendent
toujours avoir le droit de confirmer l'élec-
tion des empereurs. Il eft vrai que iouvent
leur foibleflè &c la néceflité des temps les
ont forcés à demander aux papes la con-
firmation de leurs élections. Boniface VIII
la refufa à Albert d'Autriche , parce que
celle de ce prince s'étoit faite fans fon con-
fentement ; mais ces prétentions imaginai-
res ne font plus d'aucun poids aujourd'hui ;
Se même dès l'an 1338 , les états de
l'Empire , irrités du refus que le pape
Jean XXII faifoit de donner l'abfoliition
à Louis de Bavière , décidèrent qu'un
prince élu empereur à la pluralité des voix ,
feroit en droit d'exercer les actes de la
fouveraineté y quand même le pape refu-
feroit de le reconnoître , Se ils déclarèrent;
criminel de lefe-majefté quiconque o feroit
foutenir le contraire , Se attribuer au pape
aucune fupériorité fur l'empereur. Voye-i^
l'abrégé de l'kijîoire d'Allemagne , par.
M. Pfeftei 3 page %86 & fuiv. Cependant
le pape , pour mettre fes prétendus droits
à couvert , ne laifïè pas que d'envoyer tou-
jours un nonce pour affifter de fa part à.
l'élection des empereurs ; mais ce miniftre
n'y eft regardé que fux le même pié que
^ E M P
ceux des puiflances de l'Europe , qui ne
font pour rien dans l'affaire de l'élection.
Charles-Quint eft le dernier empereur qui
ait été couronné en Italie par le pape. \J em-
pereur , avant 5c après Ton couronnement ,
ie qualifie d'élu empereur des Romains ; pour
faire voir qu'il ne doit point fa dignité à cette
cérémonie , mais aux iuffrages des électeurs.
h' empereur eft bien éloigné de pouvoir
exercer une autorité arbitraire & illimitée
dans l'Empire , il n 'eft pas en droit dé-
faire des ioix : mais le pouvoir légiflatif ré-
fide dans tout l'Empire dont il n'eft que le
repréfentant , &c au nom duquel il exerce
les droits de la îouveraineté , jura majejîa-
tica ; cependant , pour qu'une réfolution
de l'Empire ait force de loi , il faut que
le confèntement de {'empereur y mette le
fceau. Koj'e^DiETE. "L'empereur , comme
tel y n'a aucun domaine ni revenu fixe ; ôc
Je cafuel , qui coniifte en quelques contri-
butions gratuites , eft très-peû de chofè.
"L'empereur ne peut point créer de nou-
veaux électeurs , ni de nouveaux états de
l'Empire : il n'a point le droit de priver
aucun des états de fes prérogatives , ni de
difpofer d'aucun des fiefs de l'Empire fans
le coniëntement de tous les autres états.
Les états ne paient aucun tribut à l'empe-
reur ; dans le cas d'une guerre qui inré-
refTe tout l'Empire & qui a été entreprifè
de (on aveu , on lui accorde les fommes
nécefiaircs ; c'eft ce qu'on appelle mois
romains. L'empereur , comme tel , ne peut
faire ni guerre , ni paix , ni contracter au-
cune alliance , fans le confèntement de
l'Empire ; d'où l'on voit que l'autorité d'un
empereur eft très-petite. Cependant quand
ils ont eu en propre de vaftes états patri-
moniaux qui leur mettoient la force en
main , ils ont fouvent méprifé les loix qu'ils
avoient juré d'obferver ; mais ces exem-
ples font de fait , ôc non pas de droit.
Les droits particuliers de Y empereur Ce nom-
ment refervata Ccefarea : c eft , i °. le droit des
premières prières , jus primariarium precum ,
qui.coniiftc dans la nomination à un bénéfice
de chaque collégiale; i°. le droit de donner
l'inveftkure des fiefs immédiats de l'Em-
pire ; 3°. celui d'accorder des fauf- con-
duits , lettres de légitimation , de natura-
iàfation^ des difpenfes d'âge , des lettres
E M P 2y_p
de nobîefîè , de conférer des titres , &c.
de fonder des universités : 40. d'accorder
des droits d'étapes , jus Jlapuli , de péages y
le droit de non evoCando , de non appellando ,
Sec. ; cependant ce pouvoir eft encore limité.
Les empereurs ont prétendu avoir le droit
de faire des rois : un auteur remarque fort
bien , que " ce ne feroit pas le moindre de
» fes droits , s'il avoit encore celui de donner
» des royaumes.»
Les empereurs d'Allemagne , pour imiter
les anciens empereurs Romains aux droits
defquels ils prétendent avoir fuccédé , pren-
nent le titre de Ce far , d'où le mot Alle-
mand Kayfer paroît avoir été dérivé. Ils
prennent aufli celui à'Augujle , fur quoi
Guillaume III , roi d'Angleterre , diioit
que le titre de femper Auguflus étoit celui
qui convenoit le mieux à l'empereur Léo-
pold , attendu que fes troupes n'étoient
jamais prêtes à entrer en campagne qu'au
mois d'août. Il prend auffi le titre d'/Vz-
v incible , de chef temporel de la Chrétienté y
cV avoué ou défendeur de Véglife, Sec. En
parlant à l'empereur , on l'appelle facréc
majejlé. Il porte dans fes armes un aigle
à deux têtes ; ce qui eft , dit-on , mi
fymbole des deux empires de Rome & de
Germanie. ( — )
EMPERIERE, f. f. (Hift.) vieux mot
qui répond à ce que nous entendons au-
jourd'hui par impératrice. On le trouve en
ce fens dans nos romans Gaulois , & par
extenfion nos anciens rimeurs l'avoient auflî
confacré à exprimer une forte de rime ,
qu'ils regardoient comme la rime de toutes
les autres. Voye^ Rime.
Cette rime empériere confiftoit en ce
que la fyllabe qui formoit la rime , étoit
immédiatement précédée de deux fyllabes
femblables & de même terminaifon ; ce
qui faifbit une efpece d'écho qu'on appel-
loit triple couronne , & qu'à la honte de
notre nation , ( ainfi que s'expriment quel-
ques auteurs modernes ) les plus fameux
de nos anciens poètes , fans en excepter
Marots, regsrdoient comme une beauté.
Le P. Mourgues , dans fon traité de la
voéjie Francoife , en rapporte un exemple
irès-propre à nous faire méprifer le mue-
rable goût qui dominoita lors fur le Parnafle
François , oà pour exprimer que le monÀ«
K k 1
i6o E M P
eft pervers & fujet au changement , on
croyok avoir fait merveilles , en difant ,
Qu'es-tu ? qu'un immonde , monde , onde.
Voye^ Rime. Vcye^ le dicl. de Trévoux Ik
Chambers. {G)
EMPESER LA VOILE, {Mer.) c'eft
la mouiller en jetant de l'eau deifus \ ce
qui fe fait quand la toile eft claire fur-tout
dans les cueilles du milieu : de façon que
le vent parte au travers ; alors elle fe reilerre
par l'eau qu'on jette deifus , ôc la voile prend
mieux le vent. ( Z )
Empeser , v. aét. terme d'Ourdijfage &
de blanchijfage , c'eft donner de la gomme
ou de l'empois à des toiles ,. à dts étoffes,
&c. y pour les rendre plus fermes & plus
unies.
EMPESEUR, f. m. celui qui empoife
ou empefe. Voye[ Empeser.
EMPETRER ( s' ) ,. v. p. Manège , fe
dit d'un cheval pris ou mêlé dans les traits ;
ce qui peut arriver , foit qu'en ruant, tout
le train de derrière foit forti du milieu
de ces mêmes traits , foit qu'il ait paflé
une feule jambe au-delà, les traits n'étant
çoint affez tendus , comme on le voit
fréquemment , fur -tout eu égard aux
chevaux conduits par de mauvais portil-
lons , foit à raifon de quelques autres
caufes : il s'agit alors de replacer le che-
val ainfi qu'U doit Pêtre lorfqu'il eft bien
air télé , en l'obligeant à reparte r fa jambe ;
c'eft ce que nous appelions dépêtrer , démê-
ler un cheval. ( e )
EMPETRUM, f. m..{H!Jt. nat.bot.)
de if dans 8c de ^erp^ , pierre , parce
qu'il croît dans des endroits pierreux : en
François , grande bruyère ; en Anglois ,
black , berried , héath ; en Allemand , heid
nus fchwarfçen beeren ; genre de plante à
fleur fans pétales , oompofée de plufieurs
étamines , & ftérile. Les fruits naiflènt
fur d'autres parties de la plante ; ils ref-
femWent à des baies ,, &c renferment
deux ou trois femences offeufes & cartila-
gineufes. Tournefort , infl. rei herb. Vcye^
Plante. (I)
EMPETRUM 3 (Jard.) bruyère à fruit
ou camarigne 3 eft un petit arbriflèau qui
E M P
croît naturellement en Europe , Se que l'on
confond pour l'ordinaire avec les autres
bruyères , dont il ne diffère que par l'on
fruit. On ne connoît que deux elpeces de
cet arbrilleau,
I. La bruyère à fruit noir. Cet arbrif-
feau s'étend beaucoup plus qu'il ne s'élève.
Il poufle du pie plufieurs tiges d'une
écorce rouflatre , qui rampent par terre
& s'étendent au loin. Sa feuille a beau-
coup de reftèmblance avec celle de la
bruyère commune. Ses fleurs qui paroiflènt
au mois de juillet & qui durent jufqu'à la
fin d'août , n'ont nulle belle apparence y
elles font d'une couleur herbeuie , blan-
châtre , & elles viennent en bouquet au
bout des branches. Les fruits qui en pro-
viennent font des baies rondes & noires v
pleines de lue , dont les coqs de bruyère
le nourriflent par préférence ; en forte que
par-tout où il y a de cet arbrilleau , on peut
s'aiîurer d'y trouver des oifeaux de cette
efpece. Les terres moufléuies , ftériles-
& humides , font celles où cet arbriflèau-
fe plaie le mieux. Il eft fi robufte , qu'om
le trouve communément fur les plus
hautes montagnes de Suéde , où M. Lin-
naeus a oblervé qu'aux environs de la
mine de cuivre de Falhun , prefqu'au-
cune autre plante n'y peut croître que cet
arbriflèau , à cauie des vapeurs fujfi:*-
reuies de la mine , qui font très-nuifibles
aux végétaux. Pour multiplier cet arbrif-
feau , il faut en femer les baies peu de temps
après leur maturité , dans une place à:
l'ombre & dans une terre humide ; mais
les plants ne lèveront qu'au printemps de
la féconde année : ils leront cependant en:
état d'être tranfplantcs dès l'automne fui-
vante.
II. La bruyère à fruit blanc , ou la ca-
marigne. Cet arbriflèau s'élève au plus à
deux pies. Il pouflè plufieurs tiges droi-
tes , menues , & dont l'écorce eft brune..
Ses feuilles, fort reflèmblantes à celles des
autres bruyères , font difpofées trois à trois
le long des branches. Ses fleurs , placées
au bout des rameaux comme celles du
précédent arbriflèau , n'ont pas meilleure
apparence ; mais elles produifent de fort
jolis fruits : ce font des baies perlées ,
.tranfparentes, & d'un goût acide qui plaie
£ M P
beaucoup au menu peuple. L'automne ■
eft le temps de la maturité de ce fruit
en Portugal où cet arbrifleau eft com-
mun. Les circonstances , pour fa multipli-
cation, font les mêmes que pour le pré-
cédent , fi ce n'eft qu'il faut moins d om-
bre & d'humidité pour la camarigne ,
^ui fe plaît au contraire dans un terrain
fablonneux. ( c )
EMPHASE, f. f. {Belles-Lettres.) éner-
gie outrée dans l'expreffion , dans le ton
de la voix , dans le gefte.
Empkàfe fe prend ordinairement en
mauvaiic part , &c marque un défaut ,
foit dans les paroles , foit dans l'action de
l'orateur. On dit d'un prédicateur qu'il pro-
nonce avec emphûfe , qu'il règne beaucoup
à'emphafe dans fes pièces ; & ce n'eft fure-
mentpas un éloge. Quel plus grand fupplice,
dit la Bruyère , que d'entendre prononcer
de médiocres vers avec toute Yemphafe d'un
mauvais poè'tc ! ( G )
EMPHYSEME , f. m. (Médecine & Chi-
rurg.) i^'j7i(ji.ct , rinflatio , de çvv» , fîatus ,
iîgnifie en général toute tumeur formée par
l'air , ou toute autre matière flatueuie,
rarefcible , ramaffée dans quelque partie du
corps que ce foit..
Lorfque le ferotum eft diftendu par des
flatuoiités, l'enflure qui en réfulteeftappellée
pneumatocele. Lorfque c'eft dans la cavité
de l'abdomen qu'il fe forme un amas de
fubftance aérienne , qui en diftend les
parois , & les rend fufceptibles de
retentir comme un tambour , lorfqu'elles
font frappées ; on donne à ce gonflement
le nom de tympanite : mais ce ne font
là que des efpeces d'emphyfemes diftinguées
par des dénominations particulières , à
caufe de la différence du liège.
Cependant il eft reçu parmi les méde-
cins, que l'on doit entendre par emphy-
feme proprement dit , pris dans un fens
plus borné , celui qui occupe toute ou
prefque toute l'habitude extérieure du
corps ; & que l'on appelle tumeur emphy-
fémateufe , celle qui n'occupe que quelque
partie de la furface du corps : c'eft de ces
deux efpeces d'emphyfemes dont il s'agit
ici '} les autres font traitées fous les noms
È M P 161
quiiesdiftinguent. Fcye^PNETjTMATocELE ,
Tympanite.
Le fiege de Yemphyfeme eft dans le titîii
cellulaire qui eft diftribué fous toute l'éten-
due de la peau. "Ce n'eft pas une mem-
» brane fimple, dit M. Winflow , mais
» un tiflu de plusieurs feuillets mem-
» braneux attachés les uns aux autres de-
» diftance en diftance ; de forte qu'ils
» forment quantité d'interftices plus on
« moins diftendus , qui communiquent
» enfemble , & avec les membranes qui
» tapi fient l'intérieur de la poitrine & du
» bas-ventre : cette ftructure eft évidem-
» ment démontrée tous les jours par les
» bouchers ; car lorfqu'ils foufflent un
» animal récemment tué, ils gonflent non-
»» feulement la membrane adipeufe (qui
» eft la même que le tiflu cellulaire ,
» lorfque celui-ci eft rempli de graifle ) ,
» mais Pair pénètre même dans les interf--
'> tices des mufcles & jufqu'aux vilceres ,
» où il produit par-tout une efpece àïemphy-
» feme artificiel .... »
Les maquignons & les marchands de
borufs fe fervent auili quelquefois de cet
expédient pour faire paroître les animaux
dont ils font commerce , plus pleins , plus
gras, félon la dilfertation qu'a donnée fur
cet artifice Mauchart, eph. nat. cur.
Tavernier ( voyage de Perfe) dit que
l'on procure aufli de ces emphyfemes ar-
tificiels aux chameaux dans la même in-
tention. Eorelli (cent, cxj , obf. 30) fait
mention d'un fcélérat qui , par le moyen
d'un emphyfeme artificiel , avoit fait de fon-
fils un foufflet animé , &c.
Il n'eft pas nécefîàire qu'il fe fafte au-
cune rupture dans les parois des cellules-
pour établir la communication néceflàire ■
pour produire Y emphyfeme. Cela eft fuf-
fifamment proiïvé par ce qui arrive à
ceux qui ont eu un emphyfeme général
formé par l'air , qui s'eft inlinué dans tout
le tiflu cellulaire fans exciter aucune dou-
leur , en pénétrant par une très - petite
plaie faite à là poitrine. Mery , mém. de
Vacadém. des Sciences , IfiJ. Moins il y
a de fuc adipeux dans ce tiflu , plus il eft'
fufceptible d'admettre l'air dans fes cellu-
les , & de fe diftendre par les effets de
ce fluide, Ce deyoit être un fpectacla-
t€* £ M P
bien fîngulier qu'un homme tel que l'a
vu M. Littre , gonflé d'air par toute l'habi-
tude extérieure du corps , Se cela juf-
qu'à onze pouces d'épaiffeur dans les en-
droits les plus enflés. Obferv. cur. de Phyf.
tome I.
La caufe de Vemphyfeme eft prefque
toujours externe , comme il confte par
les obfervations ; il eft fouvent une fuite
des plaies faites à différentes parties du
corps. Dans le cas , par exemple ? dit le
docteur Wanfwieten , où un chirurgien
infifte trop à fouiller avec la fonde fous
les lèvres d'une plaie faite aux tégumens
de la tête, qui pénètre jufqu'à la mem-
brane adipeufe , pour chercher à s'aflurer
fi le période ou le crâne même eft înté-
refle , l'air s'introduit à la faveur de la
fonde dans l'intérieur de la plaie , dans
le tiflu. cellulaire ; il après cela on vient
à rapprocher les bords de la plaie Se à la
couvrir avec un emplâtre , l'air ainil fermé
ne peut plus fe faire une ifîue au-dehors ;
il s'échauffe cependant , Se Ce raréfie ; il
fait effort par conféquent pour s'étendre ;
il fe fait un paffage ultérieurement dans
la membrane celluleufe , Se forme une
tumeur dans les environs de la plaie. Si
le chirurgien , dans l'ignorance de la caufe
de cette tumeur , cherche à la connoitre
encore par le moyen de la fonde , il intro-
duit une nouvelle quantité d'air qui ,
étant enfuite fermé par l'emplâtre , produit
de nouveaux effets dans l'intérieur de la
plaie , Se fe répand dans un plus grand
efpace fou? les tégumens , gagne le front ,
les paupières Se la face ; en forte qu'il
arrive quelquefois que tout le vifage eft
enflé par une tumeur tranfparente Se élai-
tique qui s'élève prefqu'au deflus du nez ,
Se couvre entièrement les yeux. Qu'il
puifle ainf-i provenir des emphyfemes à la
fuite des plaies de la tête , c'eft ce qui eft
conftaté dans les œuvres chirurgicales de
Platner, &c.
Les plaies qui pénètrent dans la poi-
trine , fourniffent encore plus fouvent des
exemples d'emphyfemes , qu'elles procu-
rent , fur-tout lorfqu'elles pénètrent dans
fa cavité par une très -petite ouverture ,
qui a d'abord donné entrée à l'air , Se a
cré fermée bientôt après d'elle-même ,
EMP
par l'art 8e les emplâtres ; Se encore plus
aifément , lorfque la furface des poumons
fe trouve bleflée , Se laiffe échapper l'air ,
où il fè ramafle en plus grande quantité
qu'il n'y eft dans l'état naturel ; d'où il
fait effort contre les bords internes de
la plaie du thorax , déterminé à fe faire
une iffue quâ data portât par la preffion
des poumons Se de l'atmofphere , qui les
dilate ; il pénètre dans le tiflu cellulaire à
différentes reprifes , comme par l'effet
d'une pompe foulante , Se s'étend fous
les tégumens de toute la furface du
corps.
La même chofe peut encore vraifem-
blablement arriver dans le cas où il fe
fait une folution de continuité dans la
furface interne du thorax par un ulcère ,
par érofion , ou par toute autre caufe ,
fans léfion extérieure. L'air habituel de la
cavité du thorax preffé de la manier.?
qui vient d'être expofée , peut s'infînuer
dans le tiflu cellulaire 3 Se y produire les
effets mentionnés.
Les emphyfemes furvenus à la fuite de
la fracture d'une côte , fans aucune léfion
extérieure , ne peuvent être produits que par
l'air thorachique , qni peut être dans le
tiflu cellulaire par quelque déchirure de la
furface intérieure du thorax.
Au refte, j'admets volontiers l'exiftence
de l'air thorachique , d'après les expérien-
ces rapportées dans Vhœmaftatique de M.
Halles , que j'ai vu répéter avec fuccès
par M. de la Mure , célèbre profefleur de
Montpellier.
Boerhaave ( /?//?. morb. atroc. ) fait men-
tion d'un ewphyfeme produit par Une fuite
de la rupture de l'œfophage.
Il arrive très-rarement que Vemphyfeme
fbit produit par une caufe interne , parce
que l'air qui en fournit la matière , étant
naturellement incorporé avec les humeurs,
Se réduit à fes parties élémentaires , a
perdu les qualités qui lui font propres ,
Se n'agit plus comme un air élaftique t
c'eft ce que prouvent les expériences
de Boerhaave , d'Halles , de Jurin. Il ne
peut recouvrer fbn élafticité , que par les
effets de la diminution du poids de l'at-
mofphere , de l'augmentation de la cha-
leur à un tel degré } que le corps humain
E M P
n'eft jamais naturellement dans le cas d e-
prouver ces altérations ; ou par les effets
de la putréfaction , qui eft très-rarement
portée au point de faciliter le développe -
ment des parties aériennes , comme on
le voit arriver dans les cadavres des noyés ,
qui , lorfqu'ils font pourris à un certain
point , fe gonflent extrêmement dans tou-
tes leurs parties , 6c acquièrent un tel
volume , qu'ils deviennent plus légers
fpécifiquement que l'eau dans laquelle ils
flottent 6c furnagent : c'cft là un véritable
empkyfeme général produit par la putré-
faction , qui peut feule ( à moins que l'on
ne regarde comme une caufe de cette na-
ture , l'effet de la buprefte ou enflebceuf ,
prife intérieurement , vcye[ Bupreste ) en
produire de fèmblables dans l'animal vi-
vant , à en juger par analogie , 6c même
par les faits. On a vu des phlyctenes
emphyfémateufes fur les parties afFt.ftées de
gangrené , qui étant crevées , rendoient
une vapeur élaftique avec impétuofité.
De la Mure , thcf. iv , difp. cathcd, Mont-
pell. 1749. On trouve , mém. de l'académ.
des Sciences , IJ04 , Pobfervation d'une
fille de cinq ans qui devint emphyfcma-
teufe par tout ion corps trois jours avant
fà mort , à la fuite d'une maladie de lan-
gueur qui l'avoit confumée peu -à -peu.
Lorfque l'on voulut faire l'ouverture du
cadavre , la tumeur fe difîipa entièrement
après le premier coup de fcalpel qui ou-
yrit la peau du ventre , &c donna i-flue à
l'air, qui fortit avec une puanteur infup-
portabîe ; n'y ayant point eu de caufe ex-
terne de cet emphyfsme , on ne peut guère
l'attribuer qu'à la putréfaction , qui avoit
diflous les humeurs , remis en liberté Pair
qu'elle contenoit , ou fourni une matière
flatueufe élaftique , d'où avoit pu réfulter le
même effet que de l'air même. Halles ,
clans fa ftatique des végétaux , établit par des
expériences incontestables , que l'air ou toute
autre fubftance élaftique analogue , produit
par ces fortes de mouvemens inteftins , a
toutes les propriétés eflentielles de l'air
commun.
On distingue X'emphyfeme de toute au-
tre efpece de tumeur , en ce ^ue la par-
tie qui en eft affectée , étant preffée avec
le doigt _, il s'y fait une efpece de bruit ,
E M P i£j
de craquement ; elle réfifte quelquefois à
la preflion par reflbrt , 6c d'autres fois
elle cède aifément , 6c Ce remet promp-
tement dans fon précédent état. D'ail-
leurs , cette tumeur , même univerfelle ,
ne rend pas fènfîblement le corps plus
pefant.
\J emphyfeme qui eft produit par .une
caufe externe , eft ordinairement fans
danger , à moins que l'enflure ne foit û
confidérable , fur-tout au cou , qu'elle
preffe la trachée-artere , 6c menace de fuf-
focation ; 6c dans ce cas même , fi on fc
hâte de donner iflue à la matière élafti-
que renfermée fous la peau , le danger
cefle. L'cmphyfeme qui eft caufe par une
bleflure du poumon , n'eft pas fufceptible
d'un traitement auflï aifé , parce que l'on
ne peut pas aifément faire cefïèr l'épan-
chement de l'air dans la cavité du tho-
rax , 6c tarir la fburce de l'cmphyfeme.
Celui qui peut furvenir par l'introduction*
de l'air thorachique dans le tilTu cellulaire 3
à la faveur d'une folution de continuité de
la furface interne de cette cavité 3 eft encore
plus difficile à guérir , tant que l'air a cette
iflue j que Ton ne peut même connoitre
que par foupçon dans le cas où Yemphyfeme
s'établit fans aucune caufe externe connue ,
6c fans que la putréfaction des humeurs
ait lieu pour fe former : celui qui eft pro*
duit par cette dernière caufè , eft prefque
incurable ; les tumeurs emphyfémateufes de
caufe externe font de peu de confé*
quence.
L'indication qui fe préfente pour le
traitement de Yemphyfeme , de quelque
nature qu'il foit , doit tendre à faire for-
tir du tiffu cellulaire la matière élaftique
qui endiftend les cavités : ce que l'on peut
obtenir par des prefîlons ou des frictions
modérées , qui fafîènt une dérivation de
cette matière vers l'iffue qui fe trouve
faite par une plaie , s'il y en a une , que
l'on doit dilater , s'il eft néceflaire , pour
rendre la fortie de l'air plus facile ; s'il
n'y a point de plaie , ou qu'elle ne fuffife
pas pour dégager promptement les parties
tuméfiées , on a recours aux feariheations
qui pénètrent jufque dans ia fubftance du
tiiiu cellulaire. On trouve dans les oeuvres
d'Ambroife Paré , liv. X > chap. xxx , une
*6*4 E M P
très -belle obfervation fur le bon effet des
(tarifications.
Dans le traitement de Yemphyfeme ,
pendant l'effet de ce remède , on doit
s'appliquer à empêcher que la matière de
l'enflure emphyfémateufe ne fe renouvelle
par la voie qui lui eft ouverte dans le tiflii
cellulaire , en la fermant , autant qu'il
eft peffible , félon les moyens que l'art
fournit.
Si l'on ne peut pas employer des re-
mèdes à cet égard , on doit s'occuper du
loin de rendre l'enflure emphyfémateufe
aufli peu nuifible qu'il eft poflible ; c'eft
ce que l'on peut faire avec fuccès par le
moyen de la faignée , répétée autant que
les forces du malade le permettent : elle
produit le bon effet de diminuer la cha-
leur du corps j & par conféquent la caufe
■de la raréfaction de l'air : d'où s'enfuit la
diminution de fon volume , le relâche-
ment des tégumens , la ceflàtion des dif-
tenfïons violentes qui peuvent eau fer de
la douleur , des inflammations , &c. La
matière élaftique , qui refte dans le tiflu
cellulaire , peut enfuite perdre fon reflbrt
par l'effet des exhalaifons du corps qui
s'y mêlent inévitablement ; propriété bien
établie par les expéiiences de Halles , fia-
tique d.s végétaux. Cette matière , ainiî
décompofée , peut Ce difliper avec celle
de la tranfpiration à laquelle fes élémens
peuvent s'unir , ou elle peut être réfor-
mée avec celle - ci fans qu'il s'enfuive
rien de nuifible ; ainfi difparoiflènt l'en-
flure & tous les fymptomes qui l'accom-
pagnent.
On trouve dans les obfervations de Le-
dran , tome I , la guérifbn d'un emphyfeme
caufé par la fracture de quelques cotes ,
fans folution de continuité à l'extérieur :
cette cure fut opérée par la méthode qui
vient d'être propofée fans aucun remède
externe.
Dans le cas où Vemphyfemt eft produit
par l'effet de la putréfaction ou de la
gangrené , on ne peut employer que les
fpiritueux de les antifeptiques , tant exté-
rieurement qu'intérieurement , attendu que
l'efprit-de-vin & fa vapeur même ont la
propriété de détruire aufïî le reflbrt de
l'ai/ , quoique moins efficacement que
E M P
les vapeurs animales. Cotes , leçons de phy*
fique.
Les tumeurs emphyfémateufes particuliè-
res ne différent de Yemphyfeme que du
plus au moins ; elles demandent le même
traitement proportionné. Cet article eft tiré
en partie du commentaire des aphorifmcs
de Boerhaave , par Wanfwieten , & de
la thefe citée de M. de la Mure. Nous
mettons cet article fous deux lettres , parce
que nous l'avons reçu de deux mains diffé-
rentes , & traité à peu près de la même ma-
nière, (d, Y)
Emphysème, (Médecine & Chirurgie.)
Nous croyons devoir ajouter à cet article
la finguliere relation de M. Galandat ,
chirurgien à la ecte de Quaqua, qu'on a
appellée par préjugé , Côte des Maies-Gens t
& qui s'eft trouvée peuplée par une na-
tion d'un bon commerce. Les médecins
Nègres font naître un emphyfeme artifi-
ciel , qu'ils croient falutaire contre plufieurs
maladies , comme la maladie hypocon-
driaque , le rhumatifme. L'incifion , que
recommandoit M. de Sauvages pour la
guérifon de Yemphyfeme , ne paroît pas né-
ceflaire , puifque cet air artificiel difparoît
au bout de neuf ou dix jours.
Il eft aflèz difficile de trouver le mé-
chanifme par lequel l'air foufflé fous la
peau peut guérir la maladie hypocon-
driaque : on feroit tenté de croire qu'il
feroit un mauvais effet fur la tranfpiration ,
en éloignant les petits trous des artères cu-
tanées de leurs branches exhalantes. Il feroit
moins improbable que cet emphyfeme arti-
ficiel pût fervir à engraiffer les beftiaux ; il
doit relâcher les parois des cellules , & aug-
menter la furface dans laquelle la graille eft
dépofée.
Cet air , en fè mêlant peu à peu à l'hu-
meur dont toutes les cavités , grandes ou
petites , du corps humain font abreuvées ,
& diflbus dans cette eau gélatineufe , ren-»
tre dans le fang, ( H. D. G, )
Emphysème , ( Maréchall. ) c'eft ainfî
que l'on devroit appeller , dans la maré-
challerie , toute bouffiflure , tout gonfle-
ment flatueux , toute tumeur produite par
une collection ou un amas d'air retenu,
fous la peau dans les cellules des corps
graifleux,
l/emphyfeme
E M P
V^mphyfeme particulier efl très-commun
dans les chevaux.
Il eu étonnant que , dans une énorme
quantité de volumes & d'écrits concernant
le traitement de ces animaux , Pefprit ne
rencontre pas un feul point fur lequel il
puiffe fe fixer , & d'où il puifTe partir ;
on n'y trouve que défordre , que trouble ,
que confufion. Les vraies définitions des
maladies , leurs fymptomes propres &
communs , leurs caufes , leurs efpeces ,
leurs différences , leurs temps , leurs com-
plications , leurs terminaifons , tout fem-
ble avoir échappé à des auteurs dont la
réputation n'a eu d'autre bafè qu'une
crédulité non moins aveugle qu'eux mê-
mes. Les plus accrédités ont été ceux qui
fe font contentés de faire un vain ufage
de recettes & de remèdes , ou qui fe font
efforcés d'en impofer d'ailleurs par des
titres fpécieux , par des promeuves hardies
& par des fuccès douteux. V'oye\ le difcours
préliminaire du fécond volume des élémens
d'hippiat.
Dans cet état il n'efl pas difficile de
juger du peu de progrès que nous avons
dû faire. Il s'agiroit , pour diffiper les té-
nèbres épaiffes qui nous mafquent la vé-
rité , d'établir fur des fondemens inébran-
lables , c'efr-à-dire , fur des connoiffances
certaines & évidentes , & fur des obfer-
vations raifonnées , la pratique du maré-
chal ; de faire de l'art une efpece de
chaîne dont toutes les parties fe tien-
droient , & de rejeter avec une judicieufe
févérité tout ce qu'une ignorance auda-r
cieufe nous a préfènté de faux. Les tu-
meurs font , par exemple , innombrables
de la manière dont nous les envifageons ;
car , à mefure qu'elles fe font montrées ,
on a affigné un nom particulier à chacune
d'elles : de là cette foule de mots bizarres
qui rendent l'étude de l'hippiatrique d'au-
tant plus faftidieufe , qu'ils n'expriment &
n'apprennent rien. Il feroit donc , à cet
égard , très-important de les ranger , à
l'exemple de la chirurgie , fous difFérens
genres auxquels on pourroit les rapporter.
Les objets ainfi fimplifiés , nous procéde-
rions plus méthodiquement & plus fure-
ment , & nous ne nous perdrions pas
dans un chaos monflrueux qui nous dérobe
Tome XII.
E M P i6f
jufqu'aux moindres lueurs. Voye^ TU-
MEUR.
En général y on remédie aux tumeurs
emphyfémateufes , en augmentant la force
fyfraltique des fibres , à l'effet de parer à
une trop grande dilatation , & de les em-
pêcher de céder trop facilement à l'expan-
fion de l'air ; auffi employons-nous pour
les diflîper les médicamens confortatifs &
fpiritueux.
On les diflingue des tumeurs œdéma-.
teufes , qui ne font pareillement accom-
pagnées ni de chaleur ni de douleur , en
ce que dès qu'elles ont prêté à une prefc
fion quelconque du doigt , elles reviennent-
fur le champ à leur premier état ; au lieu
que dans l'œdémie , cette impreffion ne
s'efface pas aufll-tôt , & laifîè un enfonce-
ment à la peau ; car cette tumeur eft non-
feulement molle , mais , en quelque façon ,
pâteufe. ( e )
EMPHYTEUTAIRE , f. m. ( Jurifp. ) .
eff la même chofe qu' emphytéote. Voye^
EMPHYTÉOTE &EMPHYTÉOSE. (A)
EMPHYTÉOSE , f. f. (Jurifprud. )
efl un contrat par lequel le propriétaire
d'un héritage en cède à quelqu'un la
jouiffance pour un temps , ou même à
perpétuité , à la charge d'une redevance
annuelle que le bailleur réferve fur cet
héritage , pour marque de fon domaine
direct.
Ce contrat n'a lieu que pour des héritages,
& non pour des meubles , ni même pour
des immeubles fictifs.
Le terme d'emphytéofe tire fon étymo-
logie du Grec 'mfultu&iv , qui fignifie
planter y améliorer une terre 9 parce que
ces fortes de contrats ne fe pratiquoient
que pour des terres que l'on donnoit à
défricher ; & c'eft de là , félon quelques
auteurs , que ce contrat s'appelle roture ,
quafi à rumpendis terris. Le complant ÔC
le bordelage , ufités dans quelques pro-
vinces , ont beaucoup de rapport avec
Vemphytéofe. Voye\ BORDELAGE Ù
Complant.
On peut auffi donner à titre iïemphy-*
téofe une maifon en ruine, à la charge de
la réparer.
L'ufage de Vemphytéofe nous vient des
Romains , chez lefquels elle ne donnoic
Ll
d'abord au preneur qu'une jouifîânce à
temps , comme pour 99 ans au plus ;
quelquefois pour la vie du preneur feu-
lement ; quelquefois aufli pour pîufieurs
générations > mais toujours pour un temps
feulement , ainfi que l'a prouvé Dumoulin
fur la rubrique du titre ij , & fur Y art. 55,
gl. 4. C'eft pourquoi , dans les loix Ro-
maines , le droit de l'emphytéote n'eft
point qualifié de feigneuric , linon dans
les trois derniers livres du code , & depuis
3e temps de Conftantin : il n'étoit qualifié
jufque-là que fervitus ou jus fundi y l. iij ,
fF. de reb. eor. qui fub tutel. Ù leg. domus
delegat. i°. C'eft aufli par cette raifon que
Cujas met Yemphytéofe entre les efpeces
d'ufufruits.
JJemphytéofe devint enfin perpétuelle ,
comme elle eft encore réputée telle in dubio;
au moyen de quoi Yemphytéote fut appelle
dominus fundi P L fundi Ù l. poffefj\ c. de
fund. patrim.
La contradiction apparente qui fe trouve
entre quelques loix fur cette matière , vient
de ce que les unes parlent de Yemphytéofe
perpétuelle, d'autres parlent de Yemphytéofe
temporelle.
On diftinguoit chez les Romains le
contrat emphytéotique du bail à longues
années ou à vie , en ce que dans celui-ci
la redevance étoit ordinairement à-peu-
près égale à la valeur des fruits ; au lieu
que dans Yemphytéofe la redevance étoit
modique , en confidération de ce que le
preneur s'obligeoit de défricher & amé-
liorer l'héritage. Mais parmi nous on con-
fond fouvent Yemphytéofe proprement dite
avec le bail à longues années ou à vie ,
qu'on appelle auffi bail emphytéotique :
en Poitou on les appelle vicairies , quajï
vice domini. Il y a de ces vicairies qui font
pour trois ou quatre générations , comme
cela fe pratiquoit fouvent pour Yemphytéofe
chez les Romains. En Dauphiné , & dans
quelques autres pays de droit écrit , on les
appelle albergemens.
Le contrat Yemphytéofe difFéroit auffi
chez les Romains du contrat libellaire ,
qui revenoit à notre bail a cens , & de
certaines concevions à rentes foncières
non feigneuriales qui étoient ufitées parmi
çux , telles que la redevance appcllée cloar>
tMP
carium : au lieu qu'en France , dans les
pays de droit écrit , Yemphytéofe faite par
le feigneur de l'héritage , a le même effet
que le bail à cens en pays coutumier ; &
Yemphytéofe faite par le fimple propriétaire
de l'héritage , y eft ordinairement confon-
due avec le bail à rente foncière : ces deux
fortes (Yemphytéofes y font perpétuelles de
leur nature.
La redevance que l'on ftipule dans ces
fortes de contrats en pays de droit écrit ,
y eft ordinairement appellée canon emphy->
téotique.
Les loix décident que , faute par 1 em~
phytéote de payer ce canon ou redevance
pendant trois ans , il peut être évincé par
le preneur , qui eft ce qu'on appelle tomber
en commife.
Il y avoit encore une autre commife
emphytéotique ; lorfque le preneur ven-
doit l'héritage, fans le contentement du
bailleur.
Mais on a expliqué ci- devant au mot
Commise emphytéotique , de quelle,
manière ces loix font obiervées. On peut,
encore voir à ce fujet ce que dit Bouta-
ric en fon traité des droits feigneuriaux _,
chap. xiij y où ,,à l'occafion de la commife.
qui avoit lieu; en cas de vente , il dir
que préfentement l'emphytéote peut ven-
dre quand bon lui femble , fans être tenu
de faire aucune dénonciation ; que le
feigneur a feulement le droit de retirer
le fonds vendu , en rembourfànt le prix
à l'acquéreur ; que s'il ne veut pas ufer
de ce droit de prélation , il ne peur , fui-
vant les loix , exiger que la cinquantième
partie du prix de la vente pour Y inveftiture
du nouvel acquéreur ; que toutes les cou-
tumes du royaume fe font bien confor-
mées à la difpofition du droit , en ce qu'elles
permettent toutes au feigneur d'exiger un
droit à chaque mutation qui fe fait par
vente ; mais qu'il n'y a aucune coutume
qui ait fixé ce droit de mutation à un fi
bas pié que celui de In cinquantième partie
du prix.
M. Guyot , en fon traité des fiefs , traité
du quint) chap. viij y dit que les auteurs
s'accordent affez pour conclure qu'il n'eft
point dû quint en fiefs ni lods & ventes en
roture , pour bail emphytéotique à 99 ajas
E M P
ou à vie : il érend même cela à Yemphy-
tcofc perpétuelle , fi par le bail il n'y a pas
de deniers debourfes ; au cas qu'il y en eût ,
que les deniers en feraient dus à propor-
tion ; ce qui efl conforme aux coutumes
d'Anjou & du Maine , qui décident aufli
que le retrait y a iku , quand il y a des
deniers debourfes.
Le même auteur explique dans le chapitre
fuivant , en quoi Yempkytéofe diffère du bail
à locatairie perpétuelle. Voy. LOCATERIE
PERPÉTUELLE.
En pays coutumier , Yemphyte'ofe efl un
bail à longues années d'un héritage , à la
charge de le cultiver & améliorer ; ou d'un
fonds , à la charge d'y bâtir ; ce qui a quel-
que rapport au contrat fuperficiaire des
Romains ; ou d'une maiion , à condition
de la rebâtir , moyennant une penfion ou
redevance annuelle modique , payable par le
preneur.
On flipule auffi quelquefois que le preneur
paiera une certaine fomme de deniers d'en-
trée pour ce bail.
Tout bail qui excède neuf années , efl
réputé bail emphytéotique ou -à longues
années.
Uemphytéofe fe fait ordinairement pour
20 , 30 , 40 , 50 , 60 , ou 99 ans , qui efl
le terme le plus long que l'on puifïè donner
à ces fortes de baux.
Lorfque ce bail efl fait pour un temps
fixe , les héritiers du preneur en jouifTent
pendant tout le temps quienrefle à expi-
rer , quoique le bail ne laiTe pas mention,
d'eux.
On peut faire un bail emphytéotique ,
tant pour la vie du preneur que pour celle
de (es enfaus & petits-enfans. La coutu-
me d'Anjou , art. 42 s., & celle du Maine ,
art. 4l 3 > appellent ces fortes de contrats ,
i>J.ux à viage.
Le bail à vie diffère néanmoins à cet
égard des autres baux emphytéotiques ,
en ce que fi le bail à vie ne nomme que
ie preneur & fes enfnns , les petits-enfans
c'y font pas compris ; au lieu que fi c'efl
un bail emphytéotique fimplement pour
le preneur & fes enfans , les petits-en-
fans y font auiii compris lous le nom
à1 enfans y fuivant la règle ordinaire de
droit.
Vemphyteofe reffemble au bail à loyer
ou à ferme , en ce que l'un & l'autre con-
trat efl: fait à ia charge d'une penfion an-
nuelle ; mais Yemphyte'ofe diffère auflî du
louage , en ce que ï'emphytéote a la plu-
part des droits &; charges du propriétaire :
& en efiet , le bail emphytéotique til une
aliénation de la propriété utile au profit du
preneur pendant tout le temps que doit
durer le bail , la propriété directe demeurant
réiervée au bailleur.
Le preneur étant propriétaire , peut
vendre , aliéner , échanger ou hypothé-
quer l'héritage , mais il ne peut pas donner
plus de droit qu'il en a ; & lorfque le
temps de la conceffion efl expiré , refo-
luto jure dantis y refolvitur & jus acci-
pientis.
Ceux qui ne peuvent pas aliéner , ne.
peuvent pas non plus donner à titre d'tf/^-
phytéofe perpétuelle , ou à temps.
L'égliie & les communautés ne le peu*
vent raire qu'avec les folemnités preferices
pour l'aliénation de (es biens ; on tient
même qu'elle ne peut faire aemphytéofe
perpétuelle , mais feulement pour 99 ans au
plus.
La penfion ou redevance emphytéotique
efl tellement de l'eifence de ce contrat , que
s'il n'y en avoit pas une referve , ce ne feroit
point une emphyte'ofe.
L'emphytéote ne peut pas , comme un
fimple locataire ou fermier , obtenir une
remifè ou diminution de la penfion annuelle,
pour caufe de flérilité , parce que la penfion
emphytéotique efl moins pour tenir lieu des
fruits , qu'en figne de reconnoifîance de la
feigneurie directe.
Il n'efl pas permis à l'emphytéote de
dégrader le fonds y ni même d'en changer
la"furface, de manière que la valeur en
foit diminuée : ainfi il ne peut pas con-
vertir en terre labourable ce qui efl en
bois ; mais il peut couper les bois , même
de haute futaie , qui fe trouvent en âge
d'être coupés pendant la durée de fon
bail.
Il ne peut pas détruire les bâtimens qu'il
a trouvés faits , ni même ceux qu'il a,
con/truits lorfqu'il étoit obligé de le raire;
mais s'il en a fait volontairement quelques-
uns , il peut de même dans le courant d&
Ll 2.
26S E M P
fon bail les enlever , pourvu que ce fbit fans
dégrader l'hérirage.
On ftipule ordinairement , quand on
donne une place à titre d'emphytéofe P que
le preneur fera tenu d'y bâtir : cette claufe
n'eft pourtant pas de l'efîence d'un tel con-
trat ; mais fi elle y eft appofée , on peut con-
traindre le preneur à l'exécuter.
La léfion , telle qu'elle (bit , n'eft point
un moyen de reftitution contre Yemphytéofe,
excepté pour celles qui concernent Péglife
& les mineurs , qui peuvent être relevées
quand la léfion eft énorme.
La jouiffance d'un bail emphytéotique
peut être faille & vendue , comme les im-
meubles , à la requête des créanciers.
En fait d'emphytéofe , la tacite recon-
duction n'a point lieu.
Le preneur ne peut pas non plus pres-
crire le fonds , attendu qu'on ne peut pas
changer la caufe de fa pofïèffion ; mais il
peut prelcrire les arrérages de fà redevance ,
qui font échus.
Toutes les réparations , tant grofles que
menues, font à la charge de l'emphytéote
pendant la durée de fon bail.
Il eft auffi obligé d'acquitter toutes les
charges réelles & foncières , telles que la
dîme , le cens , champart , &c.
A l'expiration du terme porté par le
bail emphytéotique , le preneur , ùs héri-
tiers ou ayans-caufe doivent rendre les lieux
en bon état , à l'exception des bâtimens
qu'il a conftruits volontairement , lefquels
on ne peut pas l'obliger à réparer ; mais
il ne peut pas non plus les démolir à la
fin de fon bail , en emporter aucuns maté-
riaux , en répéter les impenfes , ni obliger ,
fous ce prétexte , le bailleur à lui continuer
le bail, foit pour la totalité de ce qui y
étoit compris , foit même pour la jouifîànce
de ces bâtimens ; dans ce cas , fuperficies
folo cedit.
Si le fonds donné en emphytéofe vient
à périr totalement ; par exemple , fi c'eft
une maifon , & qu'elle foit entièrement
ruinée par quelque force majeure^- en ce
cas le preneur eft déchargé de la penfion.
Il peut aulli, en déguerpiffant l'héritage,
fe faire décharger en juftice de la penfion ,
quoiqu'il fe fût obligé perfonnellement au
paiement de cette penfion , & qu'il y eût
E M P
hypothéqué tous fes biens , l'obligation per-
fonnelle étant dans ce cas feulement accef-
foire à l'hypothécaire. Voye\ DÉGUER-
PISSEMENT. Voye\ au digefte , Ji ager
vectigalis } id eft emphyteuticarius , peta-
tur; & au code de jure emphyteutico. Il y#a
auffi plufieurs traités , de jure emphyteutico ,
par Julius Clarus , Gui o de Su\aria 9
Corbulusy Rutherus y Rulandt ; & un petit
traité de Vemphytéofe , par Jovet, inféré
dans le dictionnaire de Brillon , au mot bail
emphytéotique. Voyez aujji Duclapier ,
quefi. j , caufe z $ ; Defpeiffes , tome II îy
page j z ; Chorier/wr Gui-Pape ,p. &4-4-Î
Franc. Marc , tome I , quefi. £$3. {A)
EiMPHYTEOTE, f. m. (Junfprud.)
eft celui qui a pris un bien à titre d: emphy-
téofe , c'eft-à-dire , à longues années ou à
perpétuité. Voye\ ci- devant y EMPHY-
TÉOSE. (A)
EMPHYTÉOTIQUE , adj. (Jurifp.)
fe dit de ce qui appartient à l'emphytéofe ,
comme un bail emphytéotique , une rede-
vance emphytéotique. Voye^ EMPHY-
TÉOSÉ. (A)
EMPIÉTANT, adj. en terme de Blafon,
fe dit de l'oifeau de proie qui eft fur fà proie ,
qu'il tient avec Ces ferres.
Tarlet en Bourgogne , d'azur au faucon
d'or , grilleté d'argenr , empiétant une per-
drix d'or , becquée & onglée de gueuks.
EMPIÉTER, v. neut. (Fauconnerie.)
fe dit d'un oifeau de proie , & particuliè-
rement de l'autour qui empiète _, c'eft-à-
dire , qui enlevé & emporte la proie avec
les pies.
EMFILER , v. nâ. ( Comm. ) mettre
plufieurs marchândifes d'une même ou de
différentes fortes, les unes fur les autres,
en faire une pile. Voye\ PlLE.
On empile des étofiès dans un magafin,
du bois fiotté dans un chantier, des mo-
rues dans un navire ou dans un bateau.
Diciionn. de Comm. de Trév. & Chambers.
(G)
EMPIRANCE , f. f . ( Marine. ) On
fe fert quelquefois de ce terme pour expri-
mer le déchet , corruption ou diminution
qui arrive aux marchândifes que la tem-
pête ou quelqu'autre accident contraint
de jeter de côté & d'autre dans le vaiP-
fèau. On dit au{& em'pirance & empirer
E M P
par fon propre vice , quand la corruption
ou diminution arrive par la nature des chofes;
& que ce n'efl point un accident qui le
caule. (Z)
EMPIRE , AUTORITÉ , POUVOIR ,
PUISSANCE , iyn. ( Gramm. ) Outre les
différences qu'on a remarquée entre ces
mots à V article AUTORITÉ, voici encore
des nuances qui les dillinguent , & que nous
choifirons dans une même matière, pour les
rendre, plus-frappantes. On dit l' empire que
Dieu exerce fur les hommes y V autorité
d'un concile , le pouvoir d'abfoudre y la
puij/ance eccléjiaftique. ( O )
EMPIRE , f. m. ( Hift. anc. ) gouver-
nement monarchique où la fouveraine puif-
lance efr. réunie dans une leule perfonne.
On connoît dans l'hiftoire ancienne qua-
tre grandes monarchies ou quatre grands
empires ; celui des Babyloniens , Chal-
déens & Afîyriens ; celui des Medes ou
des Perfes ; Y empire des Grecs , qui com-
mence & finit à Alexandre , puifqu'à fa
mort (es conquêtes furent divifees entre (es
capitaines ; & celui des Romains. Les deux
premiers n'ont fubfifté que dans l'Orient ;
le troifieme en Orient & partie en Occident ;
& Yempire Romain dans prelque tout
l'Occident connu pour lors , dans une par-
tie de l'Orient , & dans quelques cantons
de l'Afrique.
L'empire des Aflyriens , félon Ufferius ,
commença en 2.737 , & dura 520 ans.
Ninus , Beli filius , Afjyriorum fundavit
imperium }qui £ zoanmsfuperiorem AJiam
obtinuèrunt. 11 a fubfifté jufqu'à Sardana-
pale leur dernier roi , en 32,57 , & a , par
conféquent, duré plus de quatorze cents cin-
quante ans.
Y? empire des Medes , commencé par
Arbace l'an du monde 32,57 , eu. réuni
fous Cyrus avec celui des Babyloniens &
des Perfes l'an 3468. C'eft à cette époque
que commence proprement Yempire des
Perfes , qui finit deux cents foixante ans
après la mort de Darius-Codoman , l'an du
monde 3674.
L'empire des Grecs , à ne le prendre que
pour la durée du règne d'Alexandre
commença l'an du monde 3674 , & finit,
à la mort de ce conquérant , arrivée en
3681. Si par empire, des Grecs on entend
E M P i69
non feulement la monarchie d'Alexandre ,
mais encore celle des grands états que fes
fucceffeurs formèrent des débris de fon
empire , tels que les royaumes d'Egypte ,
de Syrie , de Macédoine , de Thrace & de
Bithynie , il faut dire que Yempire des
Grecs s'eft éteint fuccefilvement & par
parties , le royaume de Syrie ayant fini l'an
du monde- 3939 ; celui de Bithynie onze
ans plutôt , en 3928 ; celui de Macé-
doine en 3836 ; & celui d'Egypte , qui
fe foutint le plus long-temps de tous ,
ayant fini fous Cléopatre , l'an du monde
3974 : ce qui donneroit précifément trois
cents ans de durée à Yempire des Grecs ,
à commencer depuis Alexandre jufqu'à la
deftru&ion du royaume d'Egypte fondé par
fès fucceffeurs.
L'empire Romain commence à Jules-
Céfar , lorfque vi&orieux de tous Ces en-;
nemis , il efr. reconnu dans Rome , dic-
tateur perpétuel , l'an 708 de la fondation
de cette ville , quarante - huit ans avant
Jefus-Chrift , & du monde l'an 3956. Le
liège de Yempire eu transporté à Byfance
par Conflantin , l'an 334 de Jefus-Chrifî ,
onze cents quatre-vingt-dix ans après la
fondation de Rome. L'Occident & l'O-
rient fe trouvent toujours réunis fous le
titre d'empire Romain , & fous un feul
ou fous deux princes , Conftantin & Irène ,
julqu'à ce que les Romains proclament Char-
lemagne empereur, l'an 8co de Jefus-Chrift.
Depuis cette époque , l'Orient & l'Occi-
dent ont formé deux empires féparés.
Celui d'Orient , gouverné par les empe-
reurs Grecs , commence en 802 de Jefus-
Chrift ; & après s'être afFoibii par degrés ,
il a fini en la perfonne de Conftantin-
Paléologue , l'an 1453. L'empire d'Occi-
dent , qu'on appelle encore Yempire Ro-
main , & plus communément Yempire d'Al-
lemagne y après avoir été héréditaire fous
quelques-uns des fùccefîeurs de Charle-
magne , devint éleftif, & a déjà fubfifté
neuf cents quarante-fept ans. Voye\ l'arti-
cle fuivant. (G)
EMPIRE, {Hift. & Droit politique.)
c'eft le nom qu'on donne aux états qui
font fournis à un fouverain qui a le titre
d'empereur; c'eft ainfi qu'on dit Yempire
du Mogol , Yempire de RuJJle , &c. Mais
*7® EMP
parmi nous , on donne le nom iïempire'
par excellence au corps Germanique , qui
eft une république compofée de tous les
princes & érars qui forment les trois col-
lèges d'Allemagne , & foumile à un chef
qui eft l'empereur.
L'empire Germanique, dans l'état ou il
eft aujourd'hui , n'eft qu'une portion des
états qui .étoii'ht fournis à Charlem, gne.
Ce prince poffédoit la France par droit
<de fucceftion ; il avoit conquis , par la
force des armes, tous les pays fitués de-
puis le Danube jufqu'à la mer Baltique ;
il y réunit le royaume de Lombardie , la
ville de Rome & fon territoire , ainfi que
l'exarcat de Kavennes , qui étoient prel-
que les feuls domaines qui reftaflfent en
Occident aux empereurs de Conftanti-
nople. Ces vaftes états s'appellerent pour
lors X empire d'Occident, c'étoitune partie
de celui qu'avoient autrefois pofïedé les
empereurs Romains. Par la fuite des
temps , & fur-tout après PexrincTion de
la race de Charlemagne , la France fut
détachée de fon empire , & les Allemands
élurent pour chef Othon le grand , qui
reconquit de nouveau la ville de Rome
& l'Italie , & les réunit à X empire d'Alle-
magne. Enfin , fous les fuccefleurs d'O-
thon , un grand nombre de vaffaux des
empereurs , fous différens prétextes , pro-
fitèrent des tt'oubles que caufoient les fan-
glans démêlés du facerdoce & de X empire
pour envahir la pofTeflion des états dont
■ils n'étoient que les gouverneurs , & fini-
rent par ne rendre qu'un hommage très- .
précaire aux empereurs , devenus trop foi-
bles pour les réprimer , & qui même fe
trouvèrent forcés à leur confirmer la pof-
.ieffion des terres qu'ils avoient ufurpées.
Non centens de cela , ceux qui s'étoient
approprié ces biens , les rendirent hérédi-
taires dans leurs familles : pour lors les
empereurs , pour contre-balancer le pou-
voir de ces vaftàux , devenus quelquefois
£>lus puilîàns qu'eux , donnèrent beaucoup
de terres aux églifes,,& accordèrent la liberté
à plufieurs villes. Voilà la vraie origi-
ne de la puiflance des états qui com-
ipofent l'empire d'Allemagne. Il s'en faut
^beaucoup que fes limites foient aujour-
d'hui aufll étendues que du temps de
E M P
Charlemagne ou d'Othon le Grand ; il s'en
eft démembré depuis un très-grand nom-
bre de royaumes & de provinces ; &
actuellement cet empire , autrefois fi vafte,
ne comprend plus que ce qu'on appelle
Y Allemagne, qui eft divifée en dix cercles.
Voye\ ALLEMAGNE & CERCLES. Il eft
vrai que l'empire veut encore quelquefois
faire revivre les anciens droits fur Rome 6c
fur l'Italie ; mais de tous ces pays , il ne
lui refte guère que de vains titres , fans au*
cune jurifdiclion réelle. C'eft ainfi que {'em-
pire d'Allemagne continue toujours à s'ap-
peller le faint empire Romain _, l'empire
Romain- Germanique y &c.
Il y a des auteurs qui ont trouvé très-
difficile à déterminer le nom qu'il falloit
donner au gouvernement de V empire. En
effet , fi on le conlidere comme ayant à fa
tête un prince à qui les états de ['empire
font obligés de rendre hommage , de jurer
fidélité & obéiifance , en recevant de lui
l'inveftiture de leurs fiefs , on fera tenté de
regarder l'empire comme un état monar-
chique. Mais d'un autre côté , l'empereur
ne peut être regardé que comme le repré-
fentant de l'empire , puilqu'il n'a point le
droit d'y faire feul des loix : il n'a point
non plus le domaine direct à^s fiefs , puis-
qu'il n'a que le droit d'en donner l'invefti-
ture , fans avoir celui d'en priver , fous
aucun prétexte , ceux qui les poffedent ,
fans le confentement de l'empire ; d'ailleurs,
en parlant des états , l'empereur les appelle
toujours nos vajjaux & de l'empire. Si
on confidere la puiflance & les prérogati-
ves des états de l'empire , la part qu'ils
ont à la légiflation , les droits que chacun
d'eux exerce dans les territoires qui leur
font fournis, & que l'on nomme la fupé-
riorité territoriale , on aura raifon de re-
garder l'empire comme un état ariftocrati-
que. Enfin , on trouvera la démocratie dans
les villes libres qui ont voix & féance aux
diètes de l'empire. D'où il faut conclure
que le gouvernement de l'empiie eft celui
d'une république mixte.
L'illuftre préfident de Thou , {Annales
de V empire y tome II , p. 33-Z, au fujet de
la paix de Weftphalie) en parlant de F em-
pire Germanique , dit qu'il eft étonnant
que tant de peuples puifîans , {ans y être
EMF
forcés y ni par la crainte de leurs voifins ,
ri par la néceflité , aient pu concourir à
former un état fi puilfant , & qui a-fubfifté
pendant tant de fiecles , & que jamais
on n'a vu un corps plus robufte malgré la
foiblelTe de la plupart de lés membres.
( Voyei Vhifl. ^Préfident de Thou , /. IL)
Mais on nous permettra de dire que cette
obfervation n'eft pas tout-à-fait jufre ; car
fi l'on fait attention à ce qui a été dit au
commencement de cet article , on verra
que ces peuples ne fe font point reunis
pour faire un état y mais que des fujets
puiflans d'un même état fe font rendus
fouverains , fans pour cela fe féparer de
l'état auquel ils appartenoient ; & c'eft
l'intérêt , le plus puifîant mobile , qui les
y a tenus attachés les uns aux autres ;
union qui leur a donné les moyens de fe
maintenir.
Il n'eft point douteux que V Empire }
compofé d'un grand nombre de membres
très-puiflans , ne dût être regardé comme
un état très-refpe&able à toute l'Europe ,
ii tous ceux qui le compofent concouroient
au bien général de leur pays. Mais cet état
eft fujet à de très-grands inconvéniens :
l'autorité du chef n'eft point affez grande
pour fe faire écouter : la crainte, la dér
fiance & la jaloufie régnent continuelle^
ment entre les membres : perfonne ne veut
céder en rien à fon voifin : les affaires les
plus férieufes & les plus importantes pour
tout le corps font quelquefois négligées
pour des difputes particulières de pré-
séance , d'étiquette , de droits imaginaires
& d'autres minuties. Les frontières font mal
gardées & mal fortifiées :. les troupes de
Y Empire font peu nombreufes & mai
payées; il n'y a point de fonds publics,
parce que perfonne ne veut contribuer.
Cette liberté du corps Germanique , fi van-»
tée , n'eft que l'exercice du pouvoir arbi-
traire dont jouit un petit nombre de fouve-
rains , fans que l'empereur puiflè les empê--
cher de fouler & d'opprimer le peuple, qui
n'eft compté pour rien , quoique ce foit en
lui que réfide la force d'une nation. Le com-
merce eft dans les entraves continuelles par
la multiplicité des droits qu'exigent ceux
fur le territoire de qui les marchandifes paf-
fent ; ce qui rencLprefque inutiles ces beaux
EMP î7i
neuves & ces rivieres.navigables dont l'Al-
lemagne eft arrofëe. Les tribunaux deftinés
à rendre la juftice font mal falariés, & le
nombre des juges infuffifant : dans les diètes
de YEmpire , les réfolutions fè prennent
avec une lenteur infupportable , & rendent
cet état ridicule aux yeux des autres peuples
chez qui la lenteur du corps Germanique a
prefque patte en proverbe; c'eft fur quoi
l'on a fait anciennement ces mauvais vers-
Latins qui peignent affez la vraie fituationi
de YEmpire :
Protefiando convenimuf y<
Conveniendo competimus ,
Competendo confulimus ,
In confufione concludimus ,
Conclu/a rejicimus 9
Et falutem patrice confideramus
Per confdia lenta, violenta, vinolenta0~
Voye\ Vitriarii Inftit.jurispuhlici, l. IV,
tit. xj\. Voye\ les articles ALLEMAGNE ,
Diete>Constitution de l'Empire,
Empereur , Etats , &c> ( — )
Empire de Galilée ou haut ET
souverain Empire de Galilée ,
( Jurifpr.) eft le titre qu'on l'on donne à
une jurifdi&ion en dernier refîbrt que les
clercs de procureurs de la chambre des ;
comptes ont pour juger les contefta-tionsqui
peuvent iurvenir entr'eux.
■ Cette jurifdidion eft pour lés clercs de-'
procureurs de la chambre des comptes , ce
que la bafoche eft pour ceux des procureurs
au parlemenr,
L'inftitution en eft fans doute fort an-
cienne, puifque l'on a vu à l'article de la
Chambre des Comptes, quedès 1344, ,
il y avoit dix procureurs , dont le nombre -
fut dans la fuite augmenté jufqu'à- vingt-
neuf •
; On ne fait pas au jufte le temps auquel
lés procureurs de la chambre commence-- •
rent à avoir chez eux des clercs ou aides
pour les foulager dans leurs* expéditions. Ils
en avoient déjà en I4t)4 ■> fuivant une ordon-
nance de cette année , rapportée au mem, ■
L.fol. gov*) qui porte que les comptables >
feront ou feront faire par leurs procureurs
ou clercs leurs comptes de bon & fùfïilànt ;
volume.
Il paroît même qu'il y. avok -déjà des^
i7i E M P
clercs de procureurs avant H") 4- > & <îue
V Empire de Galilée fubfifroit dès le com-
mencement du quinzième fiecle. En eiièt ,
dans le préambule d'un règlement fait par
M. Barthelemi , maître des comptes , en
qualité de protecteur* de V Empire , (dont
on parlera plus amplement ci-après ) il eft
dit que s'étant fait repréfenter les régiemens,
comptes , titres & papiers dudit empire ,
il auroit reconnu , même par les anciens
mémoriaux de la chambre , q ie ledit empire
y eft établi depuis plus de 300 ans , com-
pofé de clercs de procureurs de la chambre ,
pour leur donner moyen , par leurs arTem-
blées & conférences , de fe rendre capables
àes affaires & matières de finances pour
lefquelies ils font élevés.
Ainfi , fuivant le préambule de ce règle-
ment , ['empire de Galilée étoit déjà formé
dès avant 1405 : on trouve en effet des
comptes fort anciens rendus parles tréloriers
de l 'empire , entr'autres un de l'année 149?-
Ces clercs tenant entr'eux des afîemblées
& ' conférences touchant leur difeipline ,
formèrent infenfiblement une communauté
qui fut enfuite autorifée par divers régle-
mens de la chambre des comptes , & les
officiers de cette communauté ont été main-
tenus dans tous les temps dans l'exercice
d'une jurifdiction en dernier refïbrt fur les
membres & fuppôts de cette communauté.
Le titre de haut & fouverain empire de
Galilée y donné à cette communauté &
Jurifdiction , quelque fingulier qu'il paroifïe
d'abord , n'a rien que de naturel.
On n'a pas prétendu par le terme $ empire
donner l'idée d'un état gouverné par une
puifïance fbuveraine" ; ce terme a été em-
prunté du Latin imperium , lequel chez les
Romains fignifioit jurifdiction : on difoit
merum & mixtum imperium , & ancienne-
ment en France mère & mixte impere, pour
exprimer le pouvoir d'exercer toute juftice ,
haute , moyenne & baffe.
On ne doit donc pas être étonné fi le
chef de la jurifdiction des clercs de procu-
reurs de la chambre des comptes prenoit au-
trefois le titre d'empereur , d'autant qu'alors
la plupart des chefs de communautés pre-
noient le titre de roi -, tels que le roi des
merciers , les rois de l'arbalète & de l'ar-
quebufe , le roi de la bafoche , Ùc,
E M P
Pour ce qui eft du fumom de Galilée
donne à l'empire ou juriidiCtion des clercs
de procureurs de la chambre des comptes ,
il eil conftant qu'il vient de la petite rue
de Galilée qui va de la cour du palais à
l'hôtel du bailliage, & côtoie les batimens
de la chambre des comptes ; elle eft ainfi
nommée dans les anciens plans de Paris &
dans Sauvai.
Il y a apparence qu'anciennement les
clercs de procureurs de la chambre tenoient
leurs affemblées dans le fécond bureau qui
a des vues fur cette rue de Galilée , & que
c'eft delà qu'ils nommèrent leur jurifdiction
le haut & fouverain empire de Galilée ; au-
jourd'hui cette jurifdiction fe tient ordinai-
rement en la chambre du confeil-lèa-la-
chambre des comptes , & au grand bureau
feulement le jour de S. Charlemagne , qui eft
la fête des clercs.
Le premier officier de l'empire conferva
long-temps le titre d'empereur.
On voit dans les regiftres de la chambre ,
que le 5 février 1 500 , elle fit emprifonner
un clerc , empereur de Galilée , pour n'avoir
pas voulu rendre le manteau d'un autre clerc
auquel il l'avoit'fait ôter. ^.journ. Q. reg.
ze. part. fol. 37.
Lejourn. z , B. fol. 6z , fait mention
que le 20 décembre 1536, fur la requête de
l'empereur & officiers de l'empire de Gali-
lée , la chambre leur défendit de faire les
cérémonies accoutumées à l'occafion des gâ-
teaux des Rois.
Le titre d'empereur de Galilée fut fans
doute aboli du temps de Henri III , en con-
fèquence de la défenfè qu'il fit à tous fès
fujets de prendre le titre de roi ; le chancelier
de l'empire de Galilée devint par-là le pre-
mier officier de l'empire. La communauté
& jurildidion des clercs de procureurs de
la chambre , a cependant toujours confervé
le titre d'empire de Galilée.
Dans un compte de l'ordinaire de Paris ,
fini à la Saint- Jean ISI9> ^e fermier porte
en dépenfe ce qu'il avoit payé à Etienne le
Fevre , tréforier & receveur-général des
finances de l'empire de Galilée y pour lui
aider à foutenir & fupporter les frais qu'il lui
a convenu & conviendra faire , tant pour
les gâteaux , jeux & états faits à l'honneur
& exaltation du roi à la fête des Rois , que
pour
E MP
pour autres affaires , & auffi pour extraits *
touchant le domaine , par lettres de taxation
des tréforiersde France, du xo janvier i $ j 8 ;
mais il n'explique pas quelle fomme il avoir
payée.
Dans le compte de l'ordinaire de 1532,
il porte en dépenfe vingt-cinq livres parifis
payées à Guillaume Rouffeau , empereur de
Y empire de Galilée , &C fuppôts d'icelui ,
clercs en la chambre des comptes , pour
employer aux frais Se charges dudit empi-
re 3 même aux danfes morifques , morne -
rics , 8c autres triomphes que le roi veut
& entend être faits par eux pour l'honneur
Se récréation delà reine.
Enfin , le compte du domaine pour l'an-
née finie à la Saint- Jean 1537, fait mention
que les clercs de Y empire de Galilée avoient
vingt livres parifis pour les gâteaux qu'ils
diftribuoient la veille Se le jour des Rois es
maifons de MM. les préfidens & maîtres
des comptes , tréforiers &c généraux des
finances.
Ces comptes de la prévôté de Paris font
rapportés dans les antiquités de Paris , par
Sauvai , tome III, aux preuves.
Cette communauté Se j urifdiction a depuis
long-temps pour chef, protecteur & con-
fervateur né , le doyen des cônfeillers-
maîtres des comptes , lequel de concert
avec M. le procureur-général de la cham-
bre , que Yempire regarde pareillement
comme fon protecteur né , veille à tout ce
qui intérefïc cette j urifdiction de Yempire,
fpécialement commife aux foins de ces
deux magiftrats par la chambre.
La chambre des comptes a fait en divers
temps plu fieurs réglemens concernant Yem-
pire de Galilée , Se notamment au fujet
des gâteaux des Rois qu'ils portoient avec
pompe chez les officiers de la chambre.
Le 2?. décembre 1525 , fur la requête
des tréforiers-clercs de Yempire , afin d'avoir
des fonds pour leurs gâteaux des Rois , la
chambre leur défendit d'en faire pour cette
année , ni autres joyeufetés accoutumées ,
à peine de privation de l'entrée. Journal
10 ,fol.z6j v°.
Le 8 janvier 1529 , la chambre fit taxe
à un pâtiffier Se à un peintre , pour ce qui
leur étoit du par un tréforier de Yempire.
Journ. z ,fol..Z4?.
Tome XII.
' E M P 273
Le 10 novembre 1535 , fur la requête
des fuppôts de Yempire de Galilée , la cham-
bre ordonna qu'il feroit écrit au dos d'icelle
nihil par le greffier , Se qu'il leur feroit
fait défenfes de faire les gâteaux , félon la
coutume ancienne , pour la folemnité du
jour des Rois. Journ. z , A. fol. 2.09.
Le 10 décembre 1536, la chambre , fur
la requête de l'empereur Se autres officiers
de Yempire de Galilée , en ôtant Se abolif-
fant l'ancienne coutume , leur défendit de
faire les gâteaux des Rois , & d'aller dans
les maifons des officiers de la chambre , ni
autour de la cour du roi , diftribuer les
gâteaux , ni donner des aubades , à peine
de privation de l'entrée de la chambre pour
toujours Se de l'amende. Journal z , B.
fol. 6%.
Cependant le 1 1 décembre i y 3 8 , la
chambre permit aux officiers de Yempire de
faire les gâteaux des Rois , & d'en folem-
nifer la fête modeflement , comme il leur
avoit été autrefois permis d'ancienneté.
Journ. z y C.fol. 106.
Mais le 27 novembre 1 f 4 2 , la chambre
leur fit de nouvelles défenfes de faire les
gâteaux Se folemnités dont on a parlé ; elle
ordonna néanmoins que fur les deniers qui
avoient coutume d'être pris à cet effet fur
les menues néceffités , il feroit pris cin-
quante livres pour mettre dans la boîte des
aumônes pour faire prier Dieu pour le roi ;
ce qui fut ainfi ordonné , nonobflant les
remontrances Se oppofîtions fur ce faites
parles auditeurs. Journ. z , D.fol.^8v°.
Au même endroit ,fol. 5 S v°. , eft rap-
portée une plainte du procureur-général ,
portant que les clercs avoient contrevenu
aux dernières défenfes ; fur quoi la cham-
bre les réitéra pour l'année fuivante. Folio
iz8 v°.
Les protecteurs de Y empire de Galilée ont
auffi fait divers réglemens concernant l'état
Se adminiftration de Yempire. Les princi-
paux réglemens font des années 1608 &
1 6 1 5 , confirmés par des lettres du mois
de feptembre 1 676 , Se renouvelles par un
autre règlement en forme d'édit , du mois
de janvier 1705.
Ces réglemens font intitulés du nom Se
des qualités du protecteur , lequel dans le
difpofitif ufe de ces termes , ordonnons ,
Mm
274 E M P
voulons ù nous plaît , ùc. : PadrefTe eft , à
nos amés Ôc féaux chancelier ôc officiers
àetV empire , à ce que les articles de règle-
ment en forme d'édit, foient lus , publiés
ôc enrégiferés. Ils font contre-lignes par un
fecretaire des finances de l'empire , ôc -celles
du Ici d'iceîui ; & à la fin il eft dit : " donné
s* à . . . Pan de grâce . . . & de notre protte-
» tion , le. ..■»
Pour l'enrégiftremer.r de ce règlement ,
le procureur-général de V empire fait fon
requiiltoire en la chambre du confeil le^-la-
chambre des comptes , l'empire y féant , Se
il intervint arrêt conforme en la chambre
du confeil.
Le protecteur rend aufïî quelquefois
des arrêts qui font , pour ainlï dire , des
arrêts du confeil d'en haut , par rapport
à ceux de l'empire ; ils. font intitulés
comme les édits , Ôc le difpofîtif eft conçu
en ces termes : à ces caufes , le proiecleur
ordonne , ôcc.
Le difpofîtif des arrêts de l'empire eft
ainfi conçu : le haut & fouverain empire
de Galilée ordonne , &c. : à la fin il eft
dit , fait audit empire ; ÔC toutes les expé-
ditions que le greffier en délivre font inti-
tulées , extrait des regijîres de l'empire.
Les jugemens des officiers de Vempire ,
fur les conteftations qui furviennent entre
les fujets Ôc fuppôts , font tellement con-
iidérés comme des arrêts , que quelques
clercs réfractaires ayant voulu , en diffé-
rentes occafions , éluder les peines aux-
quelles ils avoient été condamnés par ces
arrêts , ôc s'étant pourvus à cet effet en
difterens tribunaux , même à la chambre
des comptes , fans y avoir été écoutés ; ils
fc pourvurent en cafiation au confeil du
roi , où par arrêt ils Rirent renvoyés de-
vant MM. du grand bureau de la chambre
des comptes , comme commiffaires du con-
feil en cette partie.
M. Barthélémy , maître ordinaire Ôc
doyen de la chambre des comptes , qui
rempliflbit la place de protecteur de l'em-
pire depuis 1699 , rendit , le 17 juillet
1704 , un arrêt portant que le projet de
règlement par lui fait , enfembîe le tarif
des droits accordés aux officiers de l'em-
pire , feroient communiqués à la com-
munauté des procureurs ; ce qui fut e&é-
E MF ■
ciité* ; ôc le règlement en forme d'édit fuf
donné en conféquence au mois de janvier
Suivant cet édit, le corps de Vempire eft
compofé de quinze clercs ; favoir , le chan-
celier , le procureur-général , fîx maîtres
des requêtes , deux fecretaires des finances
pour ligner les lettres , un tréforier , un
contrôleur , un greffier ôc deux huiffiers :
tous ces officiers font ordinaires ôc non
par femeftre. Il n'y a que le chancelier ,
les maîtres des requêtes ôc les fecretai-
res des finances, qui aient voix délibérativc
Ce qui concerne le chancelier de l'em-
pire de Galilée ayant été expliqué ci-de-
vant à l'article de Chancelier , on
renvoie le lecteur à ce qui a été dit en
cet endroit ; on ajoutera feulement que
lorfqu'il eft reçu procureur en la chambre
des comptes , il eft difpenfé de l'examen.
La nomination aux autres offices , lors-
qu'ils font vacans , le fait par le chancelier ,
les maîtres des requêtes ôc les lecretaires
des finances , à la requilîtion du procureur-
général de l'empire ; ôc au cas que la place
de procureur-général fut vacante , c'eft fur
la requilîtion du dernier maître des requêtes. .
On ne peut nommer aux charges de
l'empire deux clercs d'une même étude ,
lans avoir obtenu à cet effet des lettres
de difpenfé du protecteur.
Ceux qui font nommés aux charges font
tenus de les accepter , à peine de iy liv.
d'amende payable fans déport \ ils obtien-
nent des lettres de provifions lignées du pro-
tecteur , expédiées par un des fecretaires des
finances , ôc fcellées ôc vifées par le chance-
lier. Les nouveaux pourvus ne font reçus
qu'après une information de leurs vie ôc
mœurs ; ils font examinés par les officiers,
qui ont voix délibérative ; ôc fi on les
trouve capables , ils prêtent ferment.
L'empire s'affembîe tous les jeudis matin ,
après que MM. delà chambre des comptes
ont levé f quand il eft fête le jeudi , l'aflfem-
blée fe tient la veille.
Aucun officier n'eft difpenfé du fervice ,
fur peine de y f. d'amende payable fans
déport au tréforier des finances. Il faut
dans la huitaine fe purger par ferment de
l'empêchement , ôc en cas dé maladie ,.
quinzaine après la convakicence..
E M P
Les officiers qui s'abfentent pendant ilx
mois , ne peuvent plus prendre la qualité
d'officiers de l'empire ; même ceux qui
partent un ou deux mois fans faire leur
lervice ôc fans fe purger par lcrment , font
déclarés indignes ôc incapables de pofîéder
à l'avenir aucunes charges de l'empire ,
condamnés en iy livres d'amende , dé-
chus de leurs offices , obligés de remet-
tre leurs provisions au protecteur , &
on procède à l5éle6tion d'un autre en leur
place.
Lorfque ces officiers ôc les autres clercs
de procureurs entrent en la chambre ou à
l'empire , ils doivent avoir le bonnet de
clerc qui eft une efpece de petit chapeau
ou toque , le manteau percé , c'eft-à-dire ,
une robe noire qui ne leur va que jufqu'aux
genoux ; ceux qui fe préfentent autre-
ment font condamnés à une amende de
i y f. , & en cas de récidive , à i liv. 10 f. ,'
& pour la troifîeme fois un écu , ou plus
grande peine s'il y échet.
Les officiers de {'empire vaquent d'abord
au jugement des procès d'entre les clercs
ôc fuppôts.
Quand il n'y a pas de procès , ou apjps
qu'ils font jugés , un maître des requêtes
propofe quelque queftion de finance pour
entretenir le bureau pendant une demi-
heure , ôc alors on permet à tous les
clercs &: fuppôts d'alTîfter au confeil , de
dire leur avis fur les difficultés , ou d'en
propofer; mais c'eft fans prendre rang ni
feance avec les officiers de l'empire.
Lorfqu'un officier clerc ou fuppôt fait
quelque chofe d'injurieux à l'empire , le
procureur -gêné rai informe contre lui ; ôc
fur le vu des charges ,1e protecteur ordonne
ce qui convient félon le délit.
Les officiers qui font convaincus d'avoir
révélé les délibérations du confeil , font ,
pour la première fois , amendables de
60 fous j ôc pour la féconde , privés de
leurs charges & déclarés indignes de poffé-
<ler aucun office de l'empire.
Suivant le tarif fait par M. Barthélémy ,
le 30 avril 1705 , les officiers de l'empire
de Galilée ont plufîeurs droits en argent ,
tant pour l'entrée de certaines perfonnes en
la chambre , que pour la réception de cer
taines Dcrfonnes.
E M P i7y
Les droits d'entrée à la chambre leur font
dus:
1®. Par tous les clercs de procureurs de
la chambre , lefquels font tenus de faire
enrégiftrer au greffe de l'empire le jour de
leur entrée en la chambre , ôc de payer
les droits dus à l'empire dès qu'ils entrent
chez les procureurs ôc viennent en la
chambre ; les fils des procureurs font feuls
exempts de ces droits.
i°. Il eft aufTî dû aux officiers de l'em-
pire un droit par les commis des compta-
bles qui entrent à la chambre.
Les droits qui leur appartiennent pour
la réception en la chambre de certains
officiers , font dus par les procureurs de la
chambre ( leurs enfans en font exempts ) ,
les grands-officiers de la couronne 5 lavoir ,
grand-maître d'hôtel , grand-écuyer , ami-
ral , grand-maître de l'artillerie , contrôleur-
général des finances , le furintendant des
poudres & ialpêtres , le furintendant ôc
commiflaire-général des portes , le furin-
tendant des mines ck minières , le fur-
intendant de la navigation &c commerce ,
le furintendant des bâtimens du roi , de
autres grands-officiers.
Les autres officiers qui doivent auffi un
droit de réception , font les préfidens , tré-
foriers , avocats ôc procureurs du roi des
bureaux des finances , les grands-maîtres
des eaux &c forêts , leurs contrôleurs-géné-
raux Se particuliers , tous les tréforiers &:
payeurs des deniers royaux ôc leurs con-
trôleurs , ôc plufîeurs autres officiers de
finance dont on trouve Pénumération dans
le tarif ; il leur eft aufïi dû un droit pour
la préfentation des premiers comptes , lors
de la réception d'iceux , pour Penrégiftre-
ment des commifïions , ôc pour la préfen-
tation du compte d'icelles , ôc pour l'en- '
régiftrement du bail de chaque ferme par-
ticulière.
Par les anciens comptes du domaine ,
on voit que les officiers de l'empire avoienc
droit de prendre tous les ans 100 livres
fur le domaine ; mais ils ne jouifient plus
de ce droit.
On voit aufTî par les anciens regiftres ôc
mémoriaux de la chambre , que les privi-*
leges de l'empire ne cédoient en rien à ceux
de la bafoche. , »
Mm z
x-jé E M P
Les réglemens de l'empire contiennent
beaucoup de difpolitions pour l'adminiftra-
tion des finances de Y empire , Se les comptes
qui en doivent être rendus. Les contefta-
tions qui peuvent s'élever au fujet de ces
comptes entre perfbnnes qui ne font pas
fujets de l'empire , doivent être portées en
la chambre , fuivant un arrêt par elle
rendu le 4 feptcmbre 1719, ôc un juge-
ment des commiflaires du confeil , du 5
feptembre 1712.
Il eft défendu par les réglemens de
l'empife à tous les clercs de procureurs de
la chambre , de porter Tapée •, ôc au cas
qu'ils fulTent trouvés en épée dans l'enclos
de la chambre , ils font condamnés en 32!.
d'amende pour la première fois, & à 3 liv.
4 f. pour la féconde , même à plus grande
peine s'il y échet.
On fait tous les ans dans la chambre de
l'empire la lecture des derniers réglemens ,
la veille de S. Charlemagne ou quelqu'un
des jours fuivans , en préfence de tous les
clercs ÔC fuppôts de l'empire.
Les officiers de l'empire, ÔC tous les fujets
ôc fuppôts célèbrent tous les ans , dans la
fainte-chapelle baffe du palais , la fête de
l'empire , le 2.8 janvier , jour de la mort
de S. Charlemagne. Ce patron leur a fans
doute paru plus convenable à l'empire ,
parce qu'il étoit empereur. On prétend
que le jour de cette fête , l'empereur de
Galilée avoir droit de faire placer deux ca-
nons dans la cour du palais , & de les faire
tirer plusieurs fois ; mais on ne trouve point
de preuve de ce fait.
Voye^ Chancelier de Galilée , Se
au mot Comptes , l'article chambre des
comptes. Vcye^ aufli le mémoire hiflorique ,
que je donnai fur cet empire en 1739 , ôc
qui fut inféré au Mercure de décembre ;
l'obfervation faite à ce fujet par M. l'abbé
le Eeuf , inférée au Mercure de mars IJ40 ,
ôc la réponfe que je fis à cette obfervation.
Mercure de mai Z 74 Z . ( A )
EMPIRER , voye^ Empyree.
EMPIRER , v. neut. devenir pire ; être
en plus mauvais état. On dit en terme de
Commerce que des marcha ndifes empirent ,
quand elles le gâtent ôc fe corrompent ;
ce qui provient quelquefois de ce qu'on
les garde trop long-temps : il eft de Plia-
EM P
bileté d'un marchand de s'en défaire avant
qu'elles empirent. Diâ. du Comm. de Trév
& Charniers. (G)
EMPIRIQUE, f. m. ù adj. (Médcc.)
Ce terme , dans le fens propre , a été donné
de tout temps aux médecins qui fe font
fait des règles de leur profeiïion fur leur
pratique , leur expérience , ôc non point
iur la recherche des caufes naturelles ,
Pétude des bons ouvrages , ôc la théorie
de l'art. Voye-^ Empirique {Secle) , &
Empirisme.
Mais le mot empirique le prend odieu-
fement dans un fens figuré , pour déiîgner
un charlatan , ôc le donne à tous ceux qui
traitent les maladies par de prétendus fè-
crets , fans avoir aucune connoiflance de la
médecine. Voye[ Charlatan.
Empirique ,feâe , ( Méd. ) Cette célè-
bre feéte , qui fit autrefois une grande ré-
volution dans la médecine , commença
environ 287 ans avant la naiflànce de J. C.
Celfe nous apprend que Sérapion d'Alexan-
drie fut le premier qui s'aviia de foutenir
qu'il eft nuifible de raifonner en médecine ,
ôc qu'il falloit s'en tenir à l'expérience \ qu'il
défendit ce fèntiment avec chaleur , ôc que
d autres Payant embrafle , il fe trouva chef
de cette fecre.
Quelques-uns racontent la même choie
de Philinus de Cos , difciple d'Hérophile.
D'autres ont aufli prétendu qu'Acron d'Agri-
genre étoit fondateur de cette fecte ; ôc les
empiriques jaloux de l'emporter par Pan-
tiquité furies dogmatiques dont Hippocrate
fut le chef, appuyoient cette dernière opi-
nion.
Pour éclaircir le fait , il faut diftinguer
entre les anciens médecins empiriques ,
ceux qui exercèrent la médecine depuis
qu'Efculapel'avoit réduite en art , jufqu'au
temps de fon union avec la philofophie.
On peut regarder ces premiers médecins
comme les premiers empiriques : mais il y
a cette différence entr'eux ôc les difciples
de Sérapion ou de Philinus , qu'ils étoient
empiriques fans en porter le titre , ÔC qu'ils
pouvoient [d'autant moins pafler pour fec-
taires , qu'il n'y avoit alors qu'une opinion ;
au lieu que les empiriques qui leur fuccé -
derent , choifirent eux-mêmes ce titre , ôc
le féparerent des dogmatiques ; enfin ,
E M P
rempirifme des premiers étoit purement
naturel ; c'étoit au contraire , dans les der-
niers , un effet de méditation & d'amour
de nouveaux fyftêmes qu'ils inventèrent
pour établir leur parti &c bannir le rai-
ibnnement de la médecine , fe conduifant
en ce point comme quelques modernes
qui mépriient toute pratique , excepté la
leur.
Quoi qu'il en foit > les empiriques pro-
prement nommés ne connoifloient qu'un
ièul moyen de guérir les maladies , qui
étoit l'expérience. Le nom à* empirique ne
leur venoit point d'un fondateur ou d'un
particulier qui fe fut illuftré dans la
iecle , mais du mot Grec i^Trîipiu , expé-
rience.
L'expérience , difoient-ils , eft une con-
noiiîànce fondée fur le témoignage des fens :
ils diftinguoient trois fortes d'expériences.
La première & la w plus fîmple , difoient-
ils , eft produite par le pur hafard , c'eft
un accident imprévu par lequel on guérir
d'une maladie , comme dans le cas où
quelqu'un auroit été foulage d'un grand
mal de tête par une hémorragie , ou de
la fièvre par une diarrhée qu'on n'auroit
point provoquée. La féconde efpece d'ex-
périence eft de celles qui fe font par eiïài,
comme il arrive lorfque quelqu'un , ayant
été mordu par un animal venimeux , ap-
plique fur la bleflure la première herbe qu'il
trouve. La troiiieme eipece d'expérience
comprend celles que les empiriques appel-
aient imiiatoires , ou dans lefquelles on
répète dans l'efpoir d'un pareil fuccès , ce
que le hafârd , l'inftind: ou l'eflai ont in-
diqué.
C'eft la dernière eipece d'expérience qui
conftituoit Part : ils la nommoient obser-
vation ; tk la narration fidelle des accidens ,
des remèdes & des effets , hijioire. Or ,
comme l'hiftoire des maladies ne peut
jamais être complète faute de lumières >
ils avoient encore recours à la comparaifon ,
qu'ils appelloient épilogifme , que M. le Clerc
traduit par les mots de fubjiitution d'une
chofe femblable. L'obfervation , l'hiftoire ,
la fubftitution d'une chofe femblable ,
étoient les feuls fondemens de l'empirif-
me. Toute la médecine des empiriques fe
réduifoit donc à avoir vu , à fe reffouvenir
E M P i77
& à comparer ; ou , pour me fèrvir des
termes de Glaucias , les fens , la mémoire
& l'épilogifme formoient le trépied de
leur médecine. Ajoutons qu'ils rejetoient
toutes les caufes diverfîfiées , occultes
ou cachées des maladies, toute hypothefe ,
la recherche des aérions naturelles , l'étude
de la théorie de l'art x de la pharmacie ,
des méchaniques Se des autres feienees. Ils
prétendoient encore qu'il étoit inutile de
dilléquerdes cadavres , &c que quand la
difleâion n'avoitrien de cruel , elle de-
voir être regardée comme mal-propreté. Ce
croquis peut fuffire fur la doctrine des
empiriques. Voyons ce que Celle en a
penfé.
Il eft vrai , dit ce judicieux écrivain ,
que fur les caufes de la fanté & des ma-
ladies , les plus favans ne peuvent faire
que des conjectures ; mais il ne faut pas
pour cela négliger la recherche des caufes
cachées qui fe trouvent quelquefois , &
qui , fans former le médecin , le difpofent
à pratiquer la médecine avec plus de fuc-
cès. Il eft vraifemblable que ii l'applica-
tion qu'Hippocrate & Erafiftrate ( qui ne
fe contenaient pas de panfer des plaies
& de guérir des fièvres ) ont donnée à
l'étude des chofes naturelles , ne les a pas
fait médecins à proprement parler , ils ie
font du moins rendus par ce moyen de
beaucoup plus grands médecins que leurs
collègues. Ils n'auroient pas été l'ornement
de leur profeffion , s'ils s'en étoient tenus
à la fîmple routine. Si la fimilitude ou
l'analogie apparente doit être le feul guide
de l'art , comme le prétendent les empiri-
ques , au moins faut-il raifonner pour
diftinguer entre toutes les maladies con-
nues , quelle eft celle dont les rapports à
la maladie préfente font les plus grands ,
& pour déterminer par ces rapports les
remèdes qu'on doit employer. Il eft conf-
iant que les maladies ont fouvent des
caufes purement méchaniques faciles à
diftinguer, & en ce cas le médecin ne ba-
lancera jamais dans l'application des re-
mèdes. D'un autre côté , fi les dogmati-
ques avoient raifon de prétendre qu'on ne
pouvoir appliquer les remèdes convena-
bles fans connoîrre les caufes premières
de la maladie 3 les malades & les médecins
.1-7* ïMP
feroient dans un état bien déplorable , 1
les uns fe trouvant dans l'impofïïbilité de
traiter la plupart des maladies dont les
autres ne peuvent toutefois guérir fans le
fecours de l'art.
Tel eft le précis du jugement impar-
tial de Celfe fur le grand procès des em-
piriques &c des dogmatiques ; procès dont
M. le Clerc a tait le rapport avec tant
d'exa&itude. Mais il fuffira de remarquer
ici qu'on vit dans cette querelle ( &z on le
préfume fans peine ) les mêmes paillons ,
les mêmes écarts , les mêmes abus , qui
font inséparables de toutes les difputes ,
où l'on fc propofe toujours la victoire , &
jamais la recherche de la vérité. Si quel-
qu'un eft: curieux de la féconde partie de
cette hiftoire , il la trouvera dans l'empi-
rifme &c le dogmatique moderne. Voye[
donc Empirisme. Article de M. le cheva-
lier de J AU COURT.
EMPIRISME , f. m. ( Méd.) médecine
■pratique uniquement fondée fur l'expé-
rience. Rien ne paroît plus fenfé qu'une
telle médecine : mais ne nous laillbns pas
tromper par l'abus du mot -, démontrons-
en l'ambiguité avec M- Quefnai , qui l'a
iî bien dévoilée dans fon ouvrage fur l'éco-
nomie animale.
On confond volontiers & avec un plaifir
fecret , dans la pratique ordinaire de la
médecine , trois fortes d'exercices fous le
beau nom d'expérience ; fa voir , i°. l'exer-
cice qui fe borne à la pratique dominante
<kns chaque nation ; 20. l'exercice habituel
-d'un vieux praticien , qui privé de lu-
mières, s'eft fixé à une routine que Vem-
jirifme ou fes opinions lui ont fuggérée ,
du qu'il s'eft formé en fuivant aveuglé-
ment les autres praticiens -, 30. enfin , l'exer-
cice des médecins inftruits par une théo-
rie lumineufè , & attentifs à obferver
exactement les différentes caufes , les dif-
férais cara&eres , les différens états , les
différens accidens des maladies , & les effets
.-des remèdes qu'ils prefcrivent dans tous
ces cas. C'eft de cette confulion que naif-
fent toutes les fauffes idées du public fur
^'expérience des praticiens.
On rapporte à l'expérience , comme
nous venons de le remarquer , l'exercice
4es médecins livrés .aux pratiques qui do-
E M P
minent dans chaque nation : ce font ces
médecins même qui croient s'être allures
par leur exp?rience , que la pratique de
leur pays eft préférable à celle de tous les
autres : mais li cet exercice étoit une véri-
table expérience , il faudrait que ceux
qui (e lont livrés depuis plus d'un fîecle
à différentes pratiques dans chaque pays ,
euffent acquis des connoilfance^ déciiîves ,
qui les euflent déterminés à abandonner ,
comme ils ont fait , la pratique générale
& uniforme que leurs maîtres fuivoient
dans les fiecles précédens ; cependant nous
ne voyons pas dans leurs écrits , que l'ex-
périence leur ait fourni de telles décou-
vertes fur un grand nombre de maladies ;
feroir-ce donc les anciens médecins de
chaque pays qui n'auroient acquis aucune
expérience dans la pratique qu'ils fuivoient î
ou feroit-ce les modernes qui , abandon-
nant les règles des anciens , auraient fuivi
différentes pratiques fans être fondés fur
l'expérience ï
On penfera peut-être que ces différentes
méthodes de traiter les mêmes maladies
en différens pays , font le fruit des progrès
de la théorie de la médecine ; mais fî
cette théorie avoir introduit ôc réglé les
différentes méthodes de chaque pays , elle
concilierait auiïi les efprits ; tous les mé-
decins de différens pays reconnoîtroient
les avantages de ces diverfes pratiques :
cependant ils font tous bien éloignés de
cette idée , ils croient dans chaque pays
que leur pratique eft la feule qu'on puiflè
fuivre avec fureté , & rejettent toutes les
autres comme des pratiques pernicieufes ,
établies par la prévention. Or , les méde-
cins même , en fe condamnant ainfi réci-
proquement , ne prouvent-ils pas qu'il
ferait ridicule de confondre l'expérience
avec l'exercice de ce nombreux cortège
de praticiens , alfujettis à l ufage , livrés
à la prévention , & incapables de parvenir ,
par des obfervations exactes , aux diffé-
rentes modifications qui pourraient per-
fectionner la pratique dans les différens
pays.
Si l'exercice de tant de médecins atta-
chés à ces différentes pratiques , préfente
une idée fi oppofée à celle qu'on doit
avoir d'une expérience inflructive t ne
E MF
fèra-t - il pas plus facile encore de diftin-
guer , de cette expérience, le long exer-
cice d'un praticien continuellement occupé
à vifîter des malades à la hâte , qui le
règle fur les événemens , ou fe fixe à la
méthode la plus accréditée dans le public ;
qui , toujours diftrait par le nombre des
malades , par la diveriité des maladies ,
par les importunités des afliftans , par les
foins qu'il donne à fa réputation , ne
peut qu'entrevoir confufément les malades
Se les maladies ? Un médecin , privé de
connoilfances , toujours dilïipé par tant
d objets difftrens , a-t-il le temps , la tran-
quillité , la capacité néceflaires pour ob-
fèrver Se pour découvrir la liaifon qu'il
y a entre les effets des maladies , Se leurs
caufes ?
"fixé à un empirifme habituel , il l'exerce
avec une facilité , que les malades attri-
buent à fon expérience ', il les entretient
dans cette opinion par des raifonnemens
conformes à leurs préjugés , Se par le ré-
cit de fes fuccès : il parvient même à les
perfuader que la capacité d'un praticien
elepend d'un long exercice , & que le la-
voir ne peut former qu'un médecin fpé-
culatif , ou , pour parler leur langage , un
médecin de cabinet.
Cependant ces empiriques ignorans &
préfomptueux le livrent aux opinions de
la multitude , Se n'apperçoivent les objets
qu'à travers leurs préjugés. C'eft à des gens
de cet ordre que M. de Voltaire répondit
plaifamment , quand ils voulurent le trai-
ter avant qu'il vînt à Genève: » Meilleurs,
« je n'ai pas allez defanté pour rifqueravec
» vous le peu qu'il me refte. » Mais il n'a
pas héfité de confier ce refte de fanté
entre ies mains de l'Efculape du pays ,
homme rare , né pour le bonheur des au-
tres , joignant l'étude perpétuelle Se la plus
profonde théorie aux obfervations d'une
lavante pratique , Se ne connoiflànt d'ex-
périence que celle de tous les lieux Se de tous
les fiecles.
Aufïi les vrais médecins ne fe prévalent-
ils jamais d'une rourine habituelle ; ils
eroiroient déshonorer fa médecine , Se fe
dégrader eux-mêmes , s'ils infinuoient dans
le public , que la capacité des médecins
s'acquiert comme, celle des artifans , qui
E M P 279:
n'ont befoin que des feiis Se de Vh ibhudê
pour fe perfectionner dans leurs métiers.
En effet, les praticiens qui ont une jufte
idée de la médecine , Se qui méritent leur
réputation , ne fe font livrés au public qu'a-
près avoir acquis un grand fonds de fa-
voir ; Se malgré un exercice prefque con-
tinuel , ils ménagent chaque jour une par-
tie de leur temps , pour entretenir Se aug-
menter leurs connoiflunces par l'étude , Se
ils ne fe décident , dans la pratique, que
par les lumières d'une théorie folide.
Ainfi tous ceux qui ont réduit l'expé-
rience à Vempinfme particulier de chaque
praticien, c'eft-à-dire , à quelques connoif-
ïances infufhfantes , obfcures , équivoques,
féduifantes, dangereufes , n'ont pas com-
pris que la véritable expérience, la feule
digne de ce nom-, eft l'expérience géné-
rale qui réfulte des découvertes phyfiques,
chymiques , anatomiques , Se des obferva-
tions particulières des médecins de tous
les temps Se de tous les pays ; que cette
expérience eft renfermée dans -la théorie ,
Se que par conféquence l'expérience appro-
fondie *, Se la théorie expérimentale ou la
vraie théorie , ne font pas deux chofes
différentes. Ce n'eft donc point par l'exer-
cice fèul de la médecine qu'on acquiert
cette théorie , ou cette expérience lumi-
neufe qui forme les vrais médecins.
On dira peut-être qu'un grand exercice
de la médecine procure du moins aux
médecins une habitude qui les rend plus
expéditifs dans la pratique : mais ne doit-
on pas comprendre que cette facilité ne
les rend que plus redoutables lorfqu'ils ne
font pasfufïïfamment inftruits? Se ne doit-
on pas s'appercevoir aufll que la vraie
habitude qu'on peut defircr.d'un méde-
cin , eft la feience théorique , puifque ce.
n'eft que par le favoir qu'il peut fe con-
duise facilement Se sûrement dans la pra-
tique ?
Il eft vrai que moins un praticien fè
livre à la routine , Se que plus il eft inf-
rruit , plus il connoit toutes les méprifes
dans lesquelles on peut tomber , plus auflî
il hétite , plus il réfléchit , plus il déli-
bère , parce qu'il apperçoit les difficultés :
mais c'eft toujours pour la fureté des ma-
lades , qu'il eft fi attentifs Ci circonfpcct
i8ô E M P
dans Tes jugemens. Ce font les connoif-
iances mêmes , Se non le défaut d'expé-
rience ou d'habitude , qui retiennent un
médecin prudent , Se qui l'obligent , dans
les cas douteux , à démêler , à examiner ,
à balancer , avant que de fe décider.
Si le public voyoit de près les méde-
cins, îorfqu'ils font eux-mêmes attaqués
de quelque maladie inquiétante , il ne re-
trouveroit plus en eux cet air de fermeté,
ce ton décifif Se impofant , fi ordinaire
à ceux qui traitent les malades par em~
pirifme : Se il comprendrait alors combien
l'affurance Se la précipitation font déplacées
dans l'exercice d'un art fi difficile Se fi
dangereux.
Enfin, 8c nous ne faurions trop le ré-
péter , ce n'eft point la routine , quelque
longue qu'elle puiiïe être , qui peut for-
mer un médecin clinique à la bonne mé-
thode curative des maladies ; la routine
ne fert qu'à multiplier fes fautes , fon
impéritie , &c fon aveuglement. Je fais bien
que le public groiïïer établit follement fa
confiance dimVempirifme d'un vieux mé-
decin, Se que c'eft la routine greffée fur
l'âge , qui lui donne le crédit Se la répu-
tation : aveugle Se funefte préjugé. Le
praticien le plus confommé fera fort igno-
rant , s'il a négligé ( comme c'eft la cou-
tume ) de s'approprier , par une lecture
perpétuelle des livres de fon art , l'expé-
rience des autres praticiens.
J'avoue qu'un médecin qui eft fimple-
ment favant , qui n'a pas acquis l'habi-
tude , Se qui n'a pas obfervé par lui-
même , eft un médecin incomplet : mais
il eft beaucoup moins imparfait que le
premier •■> car les lumières de la médecine-
naiflent prefque toutes d'une expérience
due aux observations d'une multitude
d'hommes , & qui ne peut s'acquérir que
par l'étude. Jamais un médecin ne réuf-
fira fans cette étude , Se fans la profonde
théorie de l'art qui doit lui lervir de bouf-
foie , quoi qu'en difent les ignorans , qui
ne font tort qu'à eux-mêmes en méprifànt
les connoiifances , parce qu'elles font au
deffus de leur portée. C'eft par cette pro-
fonde théorie que Boerhaave a fixé les
principes de la feience médicinale, qui, à
proprement parler , n'en ayoit point avant
E M P
lui , Se qu'il a élevée par fon génie & par
fes travaux à ce haut degré de lumière ,
qui lui a mérité le titre de réformateur de
l'art.
En un mot, on n'eft habile dans la
pratique qu'autant qu'on a les lumières
néceflaires pour déterminer la nature de
la maladie qu'on traire , pour s'affurer
de la caufe , pour en prévoir les effets ,
pour démêler les complications , pour ap-
percevoir les dérangemens intérieurs des
folides , pour recorinoitre le vice des li-
quides , pour découvrir la fource des ac-
cidens , pour faifir les vraies indications ,
Se les diftinguer des apparences qui peu-
vent jeter dans des méprifes Se dans des
fautes très-graves. Or , c'eft uniquement
par une feience lumineufe qu'on peut fai-
fir , pénétrer, difeerner tous, ces objets
renfermés dans l'intérieur du corps , Se
réellement inacceffibles à Vempirifme. Voye^
Théorie , Pratique , Praticien , Se
tout fera dit fur cette importante ma-
tière. Article de M. le chevalier DE Jau-
court.
EMPLACEMENT , f. mafe. terme de
Gabelle , c'eft la conduite Se la décharge
du fel dans les greniers, magafins , Se
lieux de dépôt. Voye^ Gabelle.
Emplacement des Sels , eft aulîi la
manière dont les malles font difpofées
dans les greniers. Cet emplacement a paru
fi important , foit pour la garde & con-
fervation des fels , foit pour la fureté des
droits du roi, qu'il eft porté dans les ré-
glemens que les officiers en feront des
procès verbaux , auffi-bien que de la def-
cente des fels Se de leur mefurage. Dicl. de
Comm. de Trév. Se Chamb. (G)
EMPLACER LE SEL , c'eft le mettre
dans les greniers deftinés pour la décharge ,
confervation Se diftrib'ution du fel. Voye^
Gabelle. (G)
EMPLAIGNER. Voye^ Lainer.
EMPLATRE , f. m. ( Pharmacie.) re-
mède topique d'une confiftance folide ,
capable d'être ramolli par une très-légerc
chaleur , Se qui , dans cet état , peut s'éten-
dre aifément fur une peau ou fur une
toile , s'appliquer exactement à la peau ,
Se y adhérer plus ou moins. Voye^ Em-
plâtre. ( Chirurgie. )
Les
E M P
Les matériaux des emplâtres font diffé-
rentes matières graffes &: vifqueufes , les
graiffes de divers animaux , les huiles , les
réfiiies , les baumes , la cire , la poix , les
gommes- réfines. Les chaux de plomb qui
font folubles par les huiles , auxquelles
elles donnent de la confiftance , iont des
matériaux fort ordinaires des emplâtres. On
a fait entrer auffi dans la composition de
quelques-uns diverfes fubftauces végétales
pulvérifées , <k même quelques matières
minérales , comme le mercure , le magnes
arfenicalis , la pierre caiaminaire , la pierre
hématite , les vitriols , le bol , les fleurs
d'antimoine , le fafran de mars , la tuthie ,
le pompholix, &c.
Le manuel de la préparation des em-
plâtres diffère confidérablement , félon la
ciiveriè nature des matériaux de chacun.
Les emplâtres qui ne contiennent que des
grailles , des huiles , des réfines , de la cire,
des baumes , en un mot des matières très-
analogues entr'elles , & éminemment mif
cibles , font ceux dont la préparation eft la
plus fimple j car il ne s'agit pour ceux-là
que de faire fondre tous les ingrédiens à
un feu léger , au bain -marie pour le plus
fur , & de les mêler intimement. L 'emplâtre
d'André de la Croix nous fournira un
exemple pour cette première efpecc.
Emplâtre d'André de la Croix , félon la
pharmacopée de Paris : prenez de poix
réfine une livre , de gomme-élémi quatre
onces ; de térébenthine de Venifè , d'huile
de laurier , de chacune deux onces \ faites
fondre le tout au bain-maire pour en faire
un emplâtre , que vous garderez dans un
vaiffeau.
Nota, qu'on demande ici que cet em-
plâtre foit gardé dans un pot , parce qu'il
fè ramollit facilement \ on peut cependant
le rouler en magdaléons. Voye^ la fin de
ttt article.
On prépare encore , par une manœuvre
très-fimple , les emplâtres qui ne contien-
nent que des fubftances mifcibles par la
fimple liquéfaction , auxquelles on ajoute
certaines poudres qui ne font point folubles
par les matières fondues , & qui ne fè mê-
lent avec que par confufion. Voici la ma-
nière de procéder à la préparation d'un em-
piâtre de eette féconde efpece.
Tome XII.
E M P 28X
Emplâtre de mucilage , fekm la phar-
macopée de Paris : prenez de l'huile de
mucilages (qui n'eft autre chofe que de
l'huile d'olive cuite : voyei Huile ) , de
l'huile de mucilages , dis-je , fept onces Se
demie , de la poix-réfine trois onces , de
la térébenthine une once} faites fondre
dans l'huile la réfine & la térébenthine fur
un feu léger. Ce mélange étant preique re-
froidi , ajoutez de gomme ammoniaque , de
galbanum , d'opopanax , de fagapenum e;*
poudre , de chacun demi-once :, de fafraji
en pondre deux gros , de cire jaune fondue
fufîifante quantité pour donner Ja conflf
tance d'emplâtre.
Les gommes-réfines qui ne fe liquéfient
pas au feu , & qui ne font pas folubles par-
les huiles , font folubles par le vinaigre ;
& on a tiré de cette qualité une autre mé-
thdîde de les introduire dans les emplâtres ;
méthode à laquelle on a fur- tout recours
pour les gommes-réfines , qui ne fe puivé-
rifènt que très- difficilement , comme le
fagapenum & le bdellium.
On diffout donc les gommes-réfines dans
du vinaigre , on filtre , on les rapproche à
confiftance ^emplâtre , ou feulement en
confiftance de miel , félon qu'il eft requis
pour la confiftance même de l'emplâtre , &
on mêle preftement ces gommes ainfi dif-
fbutes & rapprochées , aux matières graffes
fondues , & un tant foit peu refroidies.
On fait entrer quelquefois dans le même
emplâtre des gommes-réfines Ions la forme
de difîblution épailîie , & fous celle de
poudre } on en a un exemple de l'emplâtre
fuivant.
Emplâtre de fafran9 félon la pharmaco-
pée de Paris : prenez de colophane , de
poix de Bourgogne , de cire jaune , de
chacune quatre onces } de gomme ammo-
niaque , de galbanum, de térébenthine , de
chacun une once & trois gros : dilîblvez les
gommes (c'cft-à~dirc la gomme ammoniaque
& le galbanum , qui font des gommes-ré-
fines qu'on appelle Simplement gommes dans
le langage ordinaire des boutiques ) \ d'il''
fblvez , dis-je , les gommes dans le vinai- •
gre , cuifez à confiftance de miel , mêlez
les gommes épaiffies avec la térébenthine *
d'un antre côté , faites fondre à feu doux
ia colophane , la poix & la cire. Ces der-
N n
a8i E M P
nieres matières étant retirées du feu , &
un tant foit peu refroidies , unifiez-les
promptement à votre premier mélange , &L
ajoutez-y fur le champ les poudres fiiivan-
tes j de l'oliban , du maftic , qui fout des
rélines1} de la myrrhe qui eft une gomme-
réfîne j de fafran , de chacun une once &
trois gros , que vous répandrez fur la malle
avec un tamis, & que vous incorporerez
avec foin , à mefure qu'elles tomberont.
On peut faire une troifieme efpece à'em-
plâtre de ceux dans la compolîtion defquels
on fait entrer des fécules ou parties colo-
rantes vertes des plantes. Dans ce cas , ou
on met une plante pilée dans une huile ,
ou une graillé qu'on fait cuire jufqu a la
dilTîpation de l'humidité , qu'on palïé &:
qu'on emploie enfuite dans Xemplâtre ,
comme on le pratique dans la préparation
de Xemplâtre de mélilot ( voye{ MÉLILOT ) ,
où l'on emploie de la même façon le fuc
non déféqué d'une plante , comme on le
fait pour Xemplâtre de ciguë ( voye{ au mot
ClGUE ) } les emplâtres qui contiennent
cette fécule font verds : cette partie eft vrai-
ment folube dans les fubftances huileufes.
Il faut bien diftinguer à cet égard les
iucs non déféqués des plantes d'avec leur
décoction , qui ne contient point la partie
colorante verte des plantes , mais feule-
ment une partie extraétjve qui n'eft pas
folubie par les matières huileufes , &: qui
ne peut fe mêler avec elles qu'à la façon
des poudres , ou plus imparfaitement en-
core. La cuite du vieux linge ou du char-
pis dans de l'huile , demandée même dans
les pharmacopées modernes , pour la pré-
paration d'un emplâtre qui doit fon nom
à ce ridicule ingrédient j la cuite de ce
vieux linge , dis- je , eft une opération dont
la fin , fi même elle a jamais été exécutée
pour une fin , n'eft plus un objet réel
pour les artiftes de ce fiecle. On peut en
dire à-peu-près autant des décoctions des
fubftances animales, Une décoction char-
gée de parties animales & de parties vé-
gétales, demandée dans Xemplâtre de gre-
nouilles ou de Vigo, efl donc un ingré-
dient très - défectueux de cet emplâtre
( voye^fa compojition au mot ViGO)} nufîi
Jes meilleurs artiftes emploient- ils de l'eau
pure ( qui eft d'ailleurs nécefTaire dans la
E M P
préparation de cet emplâtre ) à la place de
cette décoction.
Les extraits rapprochés ou réduits en
confiftance folide , fe mêlent très-diffici-
lement encore avec les matériaux huileux
des emplâtres ; aufli l'union des extraits avec
les autres ingrédiens de Xemplâtre diabota-
num , ne caufè-t-elle pas un des moindres
fupplices des artiftes dans l'exécution cie
cette pénible &: faftueufe compolîtion phar-
maceutique.
Les emplâtres dans la compefition des-
quels entrent Jes chaux de plomb , confti-
tuent une quatrième clalTe. La manœuvre
par laquelle l'artifte difpofè ces fubftances
à la combinaifon , eft très-chimérique } &
il n'eft point de chymifte qui ne pût être
flatté de la découverte de cette pratique ,
qui eft fans doute due au hafar4 ou au tâ-
tonnement, comme tant d'autres de la mêir.e
clalTe , ou pour le moins dont l'inventeur
eft abfbiument inconnu.
Four unir une chaux de plomb à une
huile ou à une graille , la litharge , par
exemple , à l'huile d'olive ou au fàin-doux
( voyei DiAPALME dans lequel entrent ces
trois ingrédiens ) , on prend de l'une £c
de l'autre de ces fubftances dans une pro-
portion connue , environ une portion de
litharge pour deux portions d'huile , on les
met dans une baffine deftinée à cet ufage ,
dont le fond dégénère en un cône reu-
verfé & obtus , avec une bonne quantité
d'eau, à-peu-près autant que d'huile } on
fait bouillir en braiTant exactement, c'eft-à-
dire, remuant en tout fens avec une fpatule
de bois , jufqu'à ce que la combinaifou
foit achevée. On connoit qu'elle l'eft , ow
que la litharge eft cuite , peur parler le
langage des boutiques , lorfqu'on n'apper-
çoit plus de grains de litharge , & que la
malle de Xemplâtre eft égaie & liée. Si
l'eau manque avant qu'on ait obtenu ce
point , ce qu'on connoît à ce que la mafiê
de Xemplâtre fe bcurfoufie & s'élève plus
qu'auparavant, &: qu'elle tombe & s'affaifiè
enfuite prefque tout d'un coup , on ajouta
de l'eau bouillante qu'on doit avoir fous
la main , ou qu'on doit faire chauffer , re-
tirant la baflîne du feu pendant ce te$nps-
là. On ne fauroit employer de feau froide ,
parce que ce liquide s uitrcduifaut feus la
E M P
mafiè de Xemplâtre , qui eft. actuellement
chaude au degré de l'eau bouillante ,
comme nous allons l'obferver , & étant
mis foudainement en expanfion , ferait
monter brufquement X emplâtre , le répan-
droit , pourrait bleffer l'artifte , & même
occafioner un incendie.
Le merveilleux, ou plutôt le beau fîm-
ple de cette opération , coufïfte en ceci :
on traite proprement l'huile & la litharge
au bain-marie, & cela quoique l'eau qui
fait le bain foit contenue dans le même
vaiffeau que les matières qu'elle échauffe }
& il eft inutile , en effet , de la placer dans
un vaiffeau féparé , parce qu'elle n'a au-
cune action chymique fur ces matières.
Or , il eft inutile de ne les expofer , ces
matières , qu'à ce degré de chaleur , parce
qu'une partie de l'huile pourrait être brûlée
à un degré de feu fupérieur, & fournir
par conséquent du charbon , & la chaux
de plomb être réduite , ou du moins noir-
cie : l'un & l'autre inconvénient ôteroit
à l'élégance de X emplâtre , fuppofé toute-
fois que l'élégance ne dépendît pas de la
noirceur \ car les loix font ici fort bizarres
& fort arbitraires. Un emplâtre de la claffe
de ceux dont nous parlons ici , ferait man-
qué fi on brûloit le plomb \ Xemplâtre noir
ou de cérufe brûlée , & l'onguent de la
mère ( qui eft un emplâtre ) , feraient man-
ques au contraire , fi on ne le brûloit pas.
Voye{ Onguent de la Mère & la fuite
de cet article.
Je fuppofè que mes lecteurs n'ignorent
pas que l'huile ne bout point au degré de
l'eau bouillante , & que toutes les fois que
deux liquides immifcibles fe trouvent con-
fondus en quelque proportion que ce foit ,
& expofés au feu , la chaleur ne peut ja-
mais s'élever dans la maffe entière au
deffus du plus haut degré dont eft fuf-
ceptible le liquide le plus volatil , ou
celui des deux dont le degré de chaleur
extrême eft le plus foible , cœteris pari-
bus ; que par conféquent , dans le cas
dont il s'agit , l'huile ne peut contracter
que le degré de chaleur de l'eau bouil-
lante.
Secondement , il vaut mieux appliquer
l'eau bouillante immédiatement , que d'in-
terpofer un vaifTeau entre ce liquide & les
E M P 283
corps à unir ; parce qu'outre que cette
méthode eft plus commode & plus courte^
elle fert encore en ce que le bouillonne-
ment de l'eau agite la maffe de Xemplâtre
dans toutes fès parties , & concourt très-
efficacement au mouvement qu'on fè pro-
pofe d'exciter eu braffant \ mouvement
qui hâte toutes les diffolutions. Voye[
Menstrue.
Si on fe propofè de rendre noir ou brun
un emplâtre qui contient une chaux de
plomb, on n'a qu'à cuire à un feu fort
& fans eau } c'eft ainfï qu'on le pratique
pour Xemplâtre fuivant.
Emplâtre noir ou de cérufe brûlée , félon
la pharmacopée de Paris ; prenez de
plomb blanc , c'eft-à-dire , de cérufe , une
livre 5 d'huile d'olive, deux livres : cui-
fèz enfèmble à feu fort , ajoutant de
temps en temps quelques gouttes de vi-
naigre ( pratique qui paraît affez inutile ) ,
jufqu'à ce que vous ayiez obtenu la con-
fîftance ^emplâtre & la couleur noire :
ajoutez enfin , de cire jaune , quatre
onces.
Il entre des huiles effentielles dans la
compofition de quelques emplâtres. On ne
doit ajouter ces ingrédiens volatils que
lorfque la maffe de Xemplâtre eft prefque
refroidie.
Les emplâtres fè gardent dans les bou-
tiques fous la forme de petits cylindres
longs d'environ trois pouces &: du poids
d'une once , qui font connus dans l'art
fous le nom de mcgdaléon. Yoye\ Magda-1
LÉON.
I^es chirurgiens demandent quelquefois
des emplâtres compofes , ou des onguens
dans la compofition defquels entrent un
ou plufieurs emplâtres. Ces préparations
font extemporanées ou magiftrales } on
les exécute fur le champ en mêlant les
divers emplâtres par la fufîon fur un feu
doux.
On fait une forte d'emplâtre avec la cire
blanche , le blanc de baleine & l'huile
d'amandes douces , ou des femenecs froides
majeures , qu'on doit regarder comme une
préparation magiftrale, parce qu'elle n'efl
pas de garde , & qu'on ne doit l'exécuter
qu'au befoin.
De toutes les compofïtions pharmacen*
Nn 2,
î«4 E M P
tiques , aucune n'a été fi inutilement mul-
tipliée que les emplâtres. Outre le peu de
feeours qu'on en tire en général , 8c le
manque abfolu d'obfervations qui établif-
fent les vertus particulières dans quelques-
uns ( voyei EMPLATRE , Chirurgie ) '7 outre
ces raifons tirées de l'expérience médici-
nale , on peut fe convaincre de ce qu'on
avance ici , en jetant Amplement les yeux
fur la difpenfation des emplâtres , qu'on
trouvera prefque toujours la même , fur-
tout fi on examine celle des emplâtres les
plus compofés. (b)
EMPLATRE , ( Matière médicale interne. )
L'application de certains emplâtres paffe
pour un feeours qu'il ne faut pas négliger
dans certaines affections intérieures ; comme
dans les tumeurs du foie 8c de la rate ,
dans cette élévation rénitente de tout le
bas - ventre des enfans , connue à Paris
fous le nom de carreau , &c. : ce font
iùr-tout les emplâtres de ciguë , de bétoine
& de vigo , qui font renommés à ce titre.
Voyei BÉ TOI NE , ClGUE, VlGO & TO-
PIQUE, (b)
Emplâtre , en Chirurgie , c'eftla com-
position pharmaceutique de ce nom ,
étendue fur du linge plus ou moins fin ,
fur du taffetas ou fur de la peau, fuivant
les différentes vues qu'on peut avoir dans
fon application , ou pour des raifons de
propreté ; tels font ceux qu'on met au
vifage, 8c qui font ordinairement de taffetas
noir.
Les emplâtres font d'un très-grand ufige
dans la pratique de la chirurgie '7 on s'en
fort suffi fort utilement dans piufieurs ma-
ladies internes.
On if applique pas toujours les emplâtres ,
par rapport à la vertu des médicamens
dont ils font compofés-. La feule qualité
glutineufè les fait employer dans phifieurs
cas , comme dans la future lèche pour la
réunion des plaies. Voye\ Suture. Un
bandage fait avec méthode , peut tenir les
lèvres de certaines plaies dans l'état d'ap-
proximation nécefïaire, pour qu'elles le
réunifient \ mais il y a des plaies qu'il- eft
impofiible de contenir par les bandages :
telles "font ï\\ plupart des plaies obliques
& tranfvcrfales. Si elles font fuperficielles ,
il fera inutile de les coudre avec les- ai-
E M P
guilles & les fils. Cette future eft une
opération douloureufè qu'il n'efl permis
de faire que dans le cas de l'infurrifance
démontrée des autres moyens qu'on auroit
pu employer. Des emplâtres agglutinatifs
grillés , ou âes bandelettes emplaftiques ,
peuvent être difpofés de façon à tenir les
lèvres de la plaie dans le contact néceiîàire ,
& empêcher qu'elles ne puilfent s'éloigner
l'une de l'autre. On le fert communément
pour cela de V emplâtre d'André de la Croix ;
il eft compofé avec la réfine , la gomme-
éîémi , la térébenthine & l'huile de lau-
rier , mêlées 8c cuites félon l'art. Unnu
plâtre de bétoine eft aufîi un très-bon ag-
glutinatif. Si ces compofitions font nou-
velles , elles fe fondent par la chaleur de
la partie , & alors les lèvres de la divifion
ne font plus maintenues. Prefque tous les
emplâtres tiennent très-bien s'ils font anciens ,
8c fi l'on a la précaution de les étendre
très-minces , &c fur de gros linge prefque
neuf. 11 faut auffi avoir foin que le linge loit
coupé à droit fil.
La fituation de la plaie & fa figure doi-
vent déterminer la figure de ces emplâtres ,
& fi un feul fera fuftifànt , ou s'il en fau-
dra plufieurs. Les bandes cmplaftiques doi-
vent être allez longues pour pouvoir fou-
tenir la peau de loin : trop courtes , elles
conîiendroient mal les lèvres de la plaie ,
lur - tout fi elle avoit un peu de profon-
deur. Quand on eft obligé , par quelque
raifon que ce foit, de lever ces emplâtres ,
il faut avoir la précaution de ramollir le
médicament par l'application d'une ferviette
chaude , ou avec un peu d'huile chauffée
à un degré convenable , afin de ne déran-
ger l'ouvrage de la nature par aucun ti-
raillement. On a foin aufîi de lever Yem-
plâtre direefement dans toute fon éten-
due , d'abord par un côté , en le tirant
vers la plaie , près de laquelle on s'arrête
pour en faire autant du côté oppofe ,
afin d'être en garde contre le déchirement
d'une cicatrice récente , que le moindre
effort oppofé à la réunion pourroit rom-
pre.
Les emplâtres purement contentifs ne
fervent auffi que par la qualité gîutineufè
du- médicament \ on les applique fur les
plumaceaux <jui recouvrent les plaies
E M P
or: ïes ulcères , afin de les maintenir. On
abufe un peu de ce moyen , qui a des
inconvéniens. L'adhérence de V emplâtre aux
environs de l'ulcère , bouche ks pores ,
©ccafione quelquefois un prurit ércîypéla-
teux. , rend la luppuration plus abondante
par rapport à la tranfpiration fupprimée ,
& retient les matières purulentes dans
l'ulcère ou aux environs. Quoiqu'il foit
démontré que rien n'eft il fain que la pro-
preté 3 cependant rien n'eft fi commun dans
la plupart des hôpitaux , fur - tout dans
ceux où il y a un très-grand nombre de
malades ; rien , dis-je , n'y eft fi commun
que de voir la circonférence des plaies &
des ulcères fort mal-propre , par le peu
d'attention des élevés auxquels les panfe-
mens font confiés , & par l'abus des em-
plâtres. Leur nfage rend ces mêmes élevés
plus négligeas fur la meilleure manière
d'appliquer les bandes pour contenir l'ap-
pareil eu fituation d'un panfement à l'au-
tre. Cette mal- propreté , contre laquelle
■on ne peut s'élever avec trop de force ,
contribue plus que tonte chofe à rendre
les ulcères ferdides & de difficile gué-
ri fou , &: peut-être même à les rendre
par la fuite tout- à- fait incurables , quoi-
qu'on eût pu, avec un peu de propreté,
les guérir par l'application des remèdes
les plus Amples, tels que le vin miellé , &c.j
j'en ai fait plus d'une fois l'expérience.
L'emplâtre de diapalme eft celui dont on
iè fort le plus communément, comme con-
tent if.
On peut couvrir d'un médicament em-
plafcique le côté d'une comprche expulfive
•qui touche la partie , afin de la fixer inva-
riablement fur le fond du fînus dont on
veut faire fortir la matière. On lit dans
les obfervations communiquées par F or mi ,
célèbre chirurgien de Montpellier , à Lazare
Ripiere , doyen des profefîeurs royaux de
médecine en rnniverilté de cette ville .
qu'un abcès confidérable fur le ftenium
avoit été ouvert fans méthode à la partie
fupérieure. Suivant les règles de l'art,
l'incilion auroit dû être faite à la partie
déclive ( voyei ABCES, COMPRESSE , CoNf-
*r-ession , Contre-ouverture j ) mais
pour éviter une féconde opération, Formi
«Qttfeill» l'appliquai d'une comprelie
E M P *$T
épaifiè & agglutinative , fur laquelle un ban-
dage ferré convenablement procura le re*
collement de3 parois du fac , en déter-
minant le pus à fortir par l'ouverture fupé-
rieure.
Il peut y avoir des indications qui exi-
gent que la comprelie expulfive foit en-
duite d'un médicament approprié au cas. Je
me fuis fervi , avec le plus grand fuccès ,
d'une comprefle expulfive maintenue par
un mélange d'emplâtre de ciguë & de
vigo , fur un linus accompagné de du-
reté & de callofités dans un ulcère ferophu-
leux.
Les emplâtres les plus efficaces contre
la teigne n'agirent que par la qualité ag-
glutinative j & l'on a la précaution de
les étendre fur de la toile neuve , pour
qu'ils adhèrent plus fortement , afin d'arra-»
cher les cheveux jufqu'à leurs racines. V.
Teigne.
Eu égard à la vertu des -médicamens
dont les emplâtres font cempofés , il y en
a d'émolliens , comme ceux de mucilages
& de mélilot. D'autres font réfolutifs &
fondans } tels font les emplâtres de favon ,
de ciguë , de diabotanum , de vigo , &c.
Les premiers fout plus émoîliens & dif-
cuJfifs j ceux-ci font plus ftimuîans. L'effet
des emplâtres eft relatif aux difpofitioiis
des fluides & des folides. Si l'humeur ,
qui eft en ftagnation dans la tumeur qu'on
veut réfeudre , eft fort épailié \ iî ks émoi-
liens ne l'ont pas préparée à la réfcluîion ,
les remèdes réfolutifs procureront une plus
forte induration. Si , au contraire , il y a
un commencement de chaleur dans la
tumeur , les réfolutifs , par leur qualité
ftimuiante , accéléreront le jeu des vaif
féaux , & la tumeur luppurera avec des
réfolutifs , qui deviennent alors les meil-
leurs màtnratifs & attractifs dont on puifiè
fe iervir. On n'eft guere trompé dans fon
attente lorsqu'on procède par principes &
par raifou, c eft- à-dire , par une expérience
réfléchie & raifennée , Bien différente de
l'empirifme que le vulgaire honore du nom
dCexpcriaue , & qui n'eft qu'une routine
! aveugle.
Le diachiion gommé eft un des meil-
leurs emplâtres maturatifs dans les furon-
cles , les elous & autres tumeurs de cettt
i$6 EMP
nature , qui ont de la difpofîtion à fup-
purer. Pour mondifier & déterger , Yem-
plâtre divin eft fort recommandé } &
ceux de cérufe , de minium , de Nuremberg,
& principalement celui de pierre calami-
naire , ont la vertu de deffécher & de cica-
trifer.
Il y a des préparations empîaftiques
deftinées particulièrement à certaines ma-
ladies & à certaines parties. Uemplâtre
de bétoine eft céphalique , & confacré
pour la guérifon des plaies de tête. Mais
ne mondifïeroit - il pas également les
plaies des autres parties ? Les mêmes phar-
macopées , qui en vantent les propriétés
pour les plaies de tête , ajoutent qu'on
s'en fert aufîi pour ramollir les cors des
pies.
Uemplâtre de blanc de baleine , dans
lequel entre la gomme ammoniaque dif-
foute dans du vinaigre , eft un bon re-
mède pour les mamelles des femmes qui
ne peuvent ou ne veulent pas allaiter leurs
enfans } il diflipe le lait , appaife les dou-
leurs qui en proviennent , & en réfout les
grumeaux & les duretés qui en réfultent.
Je ne crois pas qu'on puilfe penlèr auflï
favorablement des effets que peut produire
l'application de Yemplâtre de nicotiane &
de ciguë , dans les indurations & les skirres
du foie & de la rate. Suivant les auteurs
de la pharmacopée d'Ausbourg , Montanus
& Bellacattus , célèbres médecins de Pa-
doue , faifoient un grand ulage d'un em-
plâtre contre l'hydropifie , & l'on afîlire
qu'il n'eft pas fans efficacité. Il eft com-
pofé de fiente de pigeon , de fuc d'hyeble,
de miel , de foufre vif , de nitre , de
poudre d'iris , d'énula , de baies de laurier,
d'anetli , de fleurs de camomille , de fe-
mence de creffon , de farine de fève , de
fùifde cerf, de térébenthine & d'une fuffi-
fante quantité de cire. Quand on connoît
la nature de l'hydropifïe , & les différentes
caufès qui peuvent donner lieu à cette
maladie , comment peut-on imaginer qu'on
puifTe la guérir par des applications exté-
rieures ? Nous ofons faire la même ré-
flexion fur Yemplâtre fébrifuge , fait avec
des araignées vivantes & leurs toiles , mê-
lées dans la térébenthine avec du fèl am-
moniac , &c. pour être appliqué fur le
EMP
poignet. Il y a cependant des remèdes
qu'on applique extérieurement , & dent
la vertu peut changer toute la difpofition
de la malle du faiig. Tel eft Yemplctn
véficatoire. Son effet ne fe borne pas à
l'élévation des phliclaines fur l'endroit où
on l'a appliqué , ni à l'évacuation de la
matière lymphatique qui coule de ces
vefties \ le fang en eft altéré , les fels des
cantharides qui y font portés en détruifent
la vifeofité. Tout le monde fait que Yem-
plâtre d'opium appliqué fur l'artère tem-
porale , calme efficacement la douleur des
dents j & le docteur Nugent , dans une
favante differtation qu'il vient de donner
fur l'hydrophobie , à la fuite de l'hiftoire
d'une perfonne mordue par un chien en-
ragé , qui eut l'hydrophobie , & qui fut
heureufement guérie par l'ufage des antif-
pafmodiques ç, le doâeur Nugent , dis-je ,
a prouvé très-folidement que dans toutes
les affections qui dépendent de l'irritation
des folides & de l'émotion fpafmodique
des fibres , il ne pouvoit y avoir de remède
plus efficace que l'ufage régulier des appli-
cations topiques , capable de calmer ces
agitations.
On donne différentes figures aux em-
plâtres , fuivant les parties fur lefquelles
on doit les appliquer} il y en a de ronds,
de quarrés , d'ovales : on les taille en croif-
fant ou en demi-lune pour la fiftule à
l'anus. On en fait de très-petits de la
même figure pour les paupières } ceux
qu'on applique dans le pli de l'aîne font
triangulaires \ on les coupe en croix de
Malte pour l'extrémité des doigts , &
on les fend plus ou moins profondément
dans leur circonférence , afin qu'on puifîê
les appliquer également fur les parties
inégales. On roule des languettes ^em-
plâtres en forme de baguettes ou de
verges , connues fous Je nom de bougies ,
pour le traitement des maladies du canal
de l'urètre. Voy. Bougie & Carnosité.
(Y)
EMPLETE , f. f. (Comm.) achat de mar-
chandifes. V. Achat. Ce mot paroît dérivé
du latin emere , acheter. (G)
EMPLI , i'. m. en terme de raffinerie
des fucres , fè dît du lieu voifin des four-
neaux où l'on plante les formes vuides. O»
EMP
fê fèrt encore de ce terme pour lignifier la
quantité de formes qu'on a remplies. Ces
formes , dit-on , font du même empli : voilà
Rempli d'hier , de ce matin , &c.
EMPLIR , en terme de Raffineur de
fucre -, eft en général jeter la matière cuite
dans des formes plantées dans l'empli.
Voye{ Planter & Empli.
* EMPLOCIES , £ f. (Mythol. ) fêtes
qu'on célébroit dans Athènes , & dont
nous ne connoifTons qu'une circonftance
que letymologie nous a confervée : c'eft
que les femmes y paroilîbieut les cheveux
treffés.
EMPLOI , ( Jurifp. ) ce terme a dans
cette matière plufîeurs lignifications diffé-
rentes.
Emploi dans un compte , lignifie l'ap-
plication que l'on fait d'une partie dans la
recette ou la dépenfe •■, aiufi l'on dit em-
ployer une fomrne en recette , c'eft-à-dire ,
s'en charger en recette. Employer une fomme
en dépenfe ? c'eft îa porter dans la dépenfe
du compte. Employer en reprife , c'eft re-
prendre & retirer une fomme dont on s'eft
d'abord chargé en recette , mais que l'on
reprend enfui te , parce que réellement on
ne l'a pas touchée.
Emploi de deniers , c'eft lorfqu'on fe fert
des deniers de quelqu'un , foit pour payer
une dette , ou pour acquérir un héritage ou
autre immeuble.
Emploi de la dot , c'eft lorique le mari
place la dot qu'il a reçue de fà femme en
deniers ? afin d'en alfurer la répétition.
Voye{ Dot 6- Répétition.
Double emploi dans un compte , eft lorf
qu'un même article eft porté deux fois ,
ibit en recette , dépenfe ou reprife. L'erreur
qui refaite d'un double emploi ne fe couvre
point. Voyei Compte.
Faux emploi fe confond fouvent avec
le double emploi j l'ordonnance de i66y
ne fe fert même que du terme de faux
emploi , en parlant des erreurs de cette
efpece qui peuvent fe gliftèr dans les
comptes : il fëmble cependant que le faux-
emploi eft différent du double emploi. L'un
eft ce qui eft mal employé } par exemple
fi un article de dépenfe eft porté dans la
recette , aut vice verfâ , ou fi on porte eu
dépenfe quelque article qui ne regarde pas
EMP 2S7
l'oyant} au lieu que le double emploi eft
un article qui eft bon la première fois qu'on
l'emploie, mais qui eft vicieux dans l'en-
droit où on l'emploie pour la féconde fois.
Emploi dans un inventaire de produc-
tion , ou dans une requête de production
nouvelle ? eft la mention que l'on fait d'une
pièce dont on tire quelque induction , fans
néanmoins produire la pièce même , foit
parce qu'elle eft déjà produite fous quel-
qu'autre cote , foit parce que celui qui
fait cet emploi^ n'a pas la pièce en fa pof
feflion.
On fait ainfi des emplois , non feule-
ment de pièces connues & qui exifteut ,
mais aum" de faits que l'on pofe comme
certains. Ces fortes Remplois n'ont de force
qu'autant que les faits font conftaus & no-
toires , ou prouvés d'ailleurs , ou qu'ils font
avoués par la partie adve-rfe } de forte que
fi la partie ne convient pas de ces faits , on
contredit les emplois de ces faits prétendus
certains , de même que les emplois de pie-
ces. Voye-r Contredits , Inventaire
DE PRODUCTION , PRODUCTION , PRO-
DUCTION NOUVELLE. (A)
EMPLOYÉ , adjed. pris fubft. fignifie
quelquefois commis. Les directeurs des fer-
mes du roi ont infpecTàon fur les receveurs ,
contrôleurs & autres employés. (G)
EMPLOYER , dans le Commerce , fe
fbrvir de quelqu'un ou de quelque chofe.
En fait de compte , ce terme fïgnifïe mettre
quelque partie , quelque article en recette ou
en dépenfe. Ave{-vous employé ces mille écus
dans votre compte ? Voye[ EMPLOI. (G)
EMPLURE , f. f." en terme de Batteur
d'or, c'eft une feuille qui fe met au com-
mencement des outils , pour garantir l'or
de la trop grande force des coups qu'elle
amortit : les deux prapieres fout du dou-
ble plus épaiffes que les autres. Le nom-
bre des cmplures eft toujours le même
pour tous les outils. Voye\ Outils &
Batteur d'Or.
EMPOIGNÉS , ÉES, adj. (terme de
Blafon. ) fe dit des javelots , flèches & au-
tres pièces de longueur , quand il y en a
trois & davantage , dont un ou plufîeurs
en pal , & d'autres en fautoir , de manière
qu'ils paroiftent pfeftés au milieu , étant
attaches d'un lien.
iU E M P
Empoignée £e dit aufïï d'une bande ou
autre pièce tenue par une main ou la patte
d'un animal.
De Suramont à Paris ; d'azur h trois
flèches empoignées d'or.
Bons d'Entremont en Provence ; d'or a
la bande d'azur , chargée de deux étoiles
d'argent , & empoignée d'une patte de lion de
fable mouvante du flanc dextre de l'écu.
La tradition rapporte que Pierre-André
Bons, né à Marfeilleen 1354, accompagna
le roi Louis d'Anjou à la guerre de Naples ,
en 1393 , où s étant trouvé dans une ba-
taille proche ce monarque ( qui venoit d'ê-
tre fait prifonnier par un chevalier nommé
Léon : lequel avoit ofé mettre la main fur
ce prince ) , porta un coup de iàbre fur ce
chevalier , & lui abattit le poignet j par ce
moyen il eut le bonheur de délivrer fon
maître , & de le remonter fur fon cheval :
le monarque , en reconnoifîance de ce fer-
vice , ordonna à Pierre- André Bons , de
lui demander telle récompenfe qu'il vou-
droit. Ce valeureux Provençal pria le roi
de lui permettre d'ajouter à la bande defes
armes une patte de lion ; ce qui lui fut ac-
cordé. Depuis , les Bons ont toujours porté
cette patte clans leurs armoiries , comme
un glorieux trophée. ( G. D. L. T.)
ÈMPOINTER , APPOINTER , ou
POINTER une pièce d 'étoffe , {Draperie.)
c'eft y faire quelques points d'aiguille avec
de la foie , du fil , ou de la ficelle , pour
la contenir dans la forme où elle a été
pliée , tk l'empêcher de prendre de mau-
vais plis.
On ne peut bien voir ni examiner une
pièce d'étoffe, qu'elle ne foit défempointée ,
c'eft-à-dire , qu'on en ait coupé les points
pour la déplier & l'étendre.
Parle règlement du 7 avril 1693 , con-
cernant les toiles qui fe fabriquent dans
les généralités de Caen & d'AIeuçon , il
eft défendu aux tillèrands & marchands
d'empointer aucune pièce de toile pour l'ex-
pofer en vente.
On appelle étoffe empointée , celle dont
les plis font arrêtés par quelques points
d'aiguille avec de la foie , du fil , ou âc la
ficelle. Voye[ les dictionnaires de Trévoux ,
du Commerce , & les règlement du Com-
merce» (G)
EMP
EMPOIS , fi m. ( Blanchijfage du linge. )
Prenez de l'amidon une demi-livre \, faites
bouillir dans trois pintes d'eau bien nette -7
remuez pendant l'ébullition, avec une fpa-
îuh de bois ; ajoutez une once d'émail de
jHollande , ou de bleu , gros comme une
petite noix d'alun de roche , & autant de
cire grommelée : faites cuire le tout à petit
feu , & .quand vous vous appercevrez que
l'eau commencera à iè clarifier , ôtez le mé-
lange de deifus le feu , & pnuez le par un
linge propre. Voyc\ Amidon.
^ EMPOISONNEMENT, £ m. {Jurifp.}
c'eft l'action de faire prendre à quelqu'un
du poifon \ ce qui eft un crime capital: en
termes de palais on dit plus communément
le crime de poifon. Voye-^ PoïSON. {A)
EMPOISSONNER, v. a&. {Pêche.)
Le mois de mai eft toujours le temps qu'oit
choifit pour empoiffenner les étangs, àcauiè
que c'eft la faifon de trouver beaucoup de
petits poiûons , ces animaux étant entrés
en amour au commencement du prin-
temps.
En Bourgogne on appelle cet empoijjbnne-
ment de Yalvin ; & par éiymoîogie , 'e lieu
où on le conferve s'appelle clvinier.
Pour empiiffonner les étangs , il faut
un millier de petits pGiifons par chaque
arpent.
EMPOLÏ , {Géogr. mod.) ville de la
Tofcane en Italie •■, elle eft fituée fur l'Ame.
Long. 28 , 40 ; lat. 43 , 42.
EMPORETIQUE , ad), eft un terme de
Pharmacie , qui le dit du gros papier gris
ou brouillaid , qui boit , & dont on fèfert
pour filtrer des liqueurs.
* EMPORIUM, {Hifl.anc.) c'étoità
Rome un lieu où s'affembloient des mar-
chands de miel , de fruits , & d'autres
pareilles denrées. Il y en avoit un dans la
troifieme région , proche de la metafudante :
il tenoit tous les neuf jours. Il y en avoiî
un autre hors de la porte trigemina , près
du campus navalis ; les bateaux y abor-
doient : il étoit lîtué dans la treizième ré-
gion , pavé , & entouré de paliiTades. Ce
fut Aurélien qui l'enferma dans Rome ?
lorfqu'il en étendit l'enceinte.
Il y avoit dans Athènes des emporii cu-
ratores , dont les fonctions étoient de
veiller à ce qu'on ne diftribuât aucune
BHKvaUc
E M P
mauvaifè denrée dans les marchés ; qu'on
y vendît à bon poids & à bonne mefure ,
& qu'aucun particulier n'enlevât plus de
vin & de blé qu'il ne lui en falloit pour
fa confomraation domefhque : ce qui ref-
toit étoit acheté par l'état , porté dans des
magafins , & donné aux pauvres à un prix
modéré.
EMPORTE-PIECE , f. m. en terme de
Boutonnier; c'efl un fer gravé en creux ,
& tranchant , qui emporte de petits mor-
ceaux de vélin de la figure qu'il a lui-
même , quand on le frappe avec le mar-
Teau fur les vélins.
EMPORTE-PIECE , che\ les Bourre-
liers } efï une efpece de ciféau de fer rond
dans toute fa longueur , creux par l'extré-
mité d'en bas , & fort coupant , dont on
fe fert pour pratiquer des trous dans le
CGir. Pour cet effet on pofe la partie cou-
pante de cet outil à l'endroit où on veut
faire le trou ; & en frappant avec un maillet
fur la tête de l'inflrument , on coupe le
cuir de manière que la pièce ronde qui en
'fort , monte le long de la partie creufe
de ¥ emporte-pièce y & fort par une ouver-
ture pratiquée vers le milieu de l'inftru-
ment.
Il y a chez les Bourrefiers plufieurs for-
tes ft emporte-*pieces qui ne différent que
par leur grofïêur & par la grandeur des
pièces qu'ils emportent.
Emporte-pièce , terme & outil de
Ceinturier y qui fert pour faire âes trous
au cuir qu'ils emploient.
Cet outil eff fait à peu près comme le
rivetier , efl creux & tranchant par en
bas ; de façon qu'en l'appliquant fur un
morceau de cuir , & frappant deflùs , il
emporte la pièce & forme un trou.
EMPORTE-PIECE , outil de Ferblan-
tier; c'efl un poinçon long de trois pouces,
gros de deux pouces, rond dans toute fa
longueur , & qui efl creux en dedans paï-
en bas , & fort tranchant. Cet outil fert
aux Ferblantiers pour former un gros trou
rond dans une pièce de fer-blanc.
EMPORTE-PIECE , pour les fermoirs
de livres ; c'efl une efpece de levier , à
l'extrémité duquel on a pratiqué la figure
en creux des fermoirs de livres. Les bords
de cette figure font fort tranchans: le levier
Tome XII.
E M P igp
efl long ; il efl arrêté à charnière fur un
établi , vers le bout où l'on a pratiqué la
figure en creux du fermoir. On expofe à
l'action de ce levier , fous la figure en
creux , des feuilles de cuivre , d'argent ,
&c. On applique la main à l'extrémité
du levier , & cette feule preflion fait
trancher les feuilles par les bords cou-
pans de la figure en creux du fermoir.
En très -peu de temps on parvient à
couper ainfi un grand nombre de fer-
moirs.
EMPORTE-PIECE, (Jardinage. ) c'efl
un outil de fer ou d'acier , très-tranchant ,
qui ampute , entaille & enlevé à foi , lorf-
qu'on le retire , la pièce qu'il a coupée.
C'efl une efpece de fermoir ou cilèau de
menuifier , avec lequel on fait dans le bois
d'une tige étronçonnée , une entaille lon-
gue & laige , à proportion de la groffeur de
la greffe qu'on y veut inférer , de manière
qu'elle y foit enchâfîëe bien jufre. On dit
greffer en emporte-pièce. V. GREFFE. (K)
EMPORTE-PIECE , ( Lutherie. ) forte
de poinçon à découper dont les fadeurs de
clavecins fe fervent pour percer en carré
les regiflres & guides revêtus de peau de
mouton.
EMPORTE -PIECE , à la monnaie,
nom que les ouvriers donnent à l'inflrument
appelle coupoir. Voye\ CoUPOIR.
♦EMPORTER , v. acl. fe dit en gé-
néral d'une action en conféquence de la-
quelle un corps auquel cette action efl
appliquée , palfe d'un lieu dans un .autre.
On y joint pourtant cette vue de i'efprit,
que la caufe qui tranfporte efl regardée
comme continuellement appliquée à la
chofe emportée. On fe fert de ce terme
au fimple & au figuré , au moral & au
phyfique \ mais le fubflantif emportement
ne fe prend qu'au moral , & marque une
agitation violente de Pâme. Le participe
emporté fe prend au phyfique & au moral :
on dit , on a emporté cette armoire y &
c'efi un emporté.
Emporter , Remporter , fynon.
On dit toujours remporter la victoire y &
non pas emporter la victoire ; mais on dit ,
au contraire , emporter le butin y & non
pas remporter le butin. Ces deux mors ont
également leur bizarrerie d'ufage , quand
29o E M P
on les emploie au figuré. Art. de M. le
chevalier de JAUCOURT.
EMPORTER , ( Marine. ) fe dit de ce
que le vent ou les coups de mer enlè-
vent du vahTeau. On a vu des voiles &
des vergues emportées par le vent , des
galeries emportées par des coups de mer ,
& quelquefois des mâts. (Z)
Emporter ( s' ) , v. part". ( Manège. )
terme ufité parmi nous pour défigner , en
général , l'a&ion d'un cheval que le cava-
lier ne peut arrêter , & qui fuit avec fougue
& avec impétuofité malgré tous les efforts
que l'on fait pour le retenir.
Ce défaut eft plus ou moins confidéra-
ble félon Tes caufes & fa fource.
Il procède fouvent de l'ignorance d'une
main dure & cruelle , incapable de re-
connoître & de fentir le fond de la bou-
che de l'animal , & qui , par un appui
forcé & toujours confiant dans le même
degré , en échauffe tellement toutes les
parties qu'elle les prive de toute fenfibi-
lité ( voye\ MAIN. ) Il peut être encore
occafioné par tous les vices qui tendent
à égarer une bouche ( voye\ EGARER ) ,
par l'habitude de forcer la main ( voye\
FORCER), par la gaieté du cheval qui
s'émeut & s'excire lui-même à la vue ou
à l'ouie d'un autre cheval qui galoppe ; par
fa timidité , lorfqu'à l'occafion de quelque
bruit il fuit & s'échappe ; par de mau-
vaifes leçons ; par la facilité avec laquelle
le cavalier fe fera laiiTé maîtrifer , &c
Il eft certain que ce n'eft qu'autant que
toutes les portions de la bouche , & prin-
cipalement les barres , n'auront point été
véritablement endommagées- , que nous
pourrons remédier à ce. vice d'autant plus
efTentiel , que les fuites en peuvent être
extrêmement funeftes. Si ces mêmes por-
tion* font en effet dans un état défef-
péré , & qu'il ne nous foit plus abfolu-
ment permis d'y rappeller , par aucun
moyen , le fentiment qu'elles ont perdu ,
vainement tenterions -■ nous d'en corriger
l'animal. Ou cette a£Hon de fuir eft tour-
née en habitude , ou elle n'eft que pafla-
gère.
Dans le premier cas ,, il s'agira de tra-
vailler le cheval lentement & au pas , &
avec toute l'attention que demande, une
E M P
bouche fujette a s'échauffer ; du pas on
le conduira infçnfiblement au trot , & du
trot on le ramènera au pas pour le re-
mettre au trot , & fucceflivement au
galop ,* en le ralentiflant toujours , & en
entremêlant prudemment ces différentes
allures. Le galop étant inconteftablement
la plus vive & la plus prompte , eft auflï
très-communément celle dans laquelle il
s'anime davantage , & où il eft le plus
fujet à s'emporter ; on ne l'y exercera par
conféquent que lorfque dans les autres il
obéira exactement à toutes les impreflions
de la main ; on en augmentera aufli la rapi-
dité , on en diminuera de temps en temps
la vîteffe ; & les arrêts multipliés félon
le befoin , ainfi que la répétition de la
leçon du reculer , étoufferont enfin en lui
cette vivacité & cette ardeur , ou du moins
le remettront fous les loix d'une entière
obéilîànce.
L'emportement n'eft -il que paflâger ,,
n'a-t-il lieu que dans la circonftance d'un
autre cheval qui court rapidement , ou
à raifon de la furprilè & de la crainte
que lui infpirent certains bruits auxquels.
fes oreilles ne font point accoutumées ;
n'eft-il , en un mot , fùfcité qu'à l'occafion..
des objets extérieurs dont il eft frappé ;.
on doit i°. nécefîairement l'habituer au,
fon & à la vue de ces mêmes objets ;
2.0. le retenir & le renfermer dans l'ins-
tant même du premier effort qu'il fait-,
pour s'échapper, & rendre la main dans
l'inftant qui le fuit ,. fauf à la reprendre
de nouveau s'il témoigne encore le moindre
deiir de fuir. Sans cette précifion avec
laquelle le cavalier faifit le moment , l'ani-
mal fe dérobe toujours pendant un efpace
plus ou moins confidérable de terrain ; Sç.
cette efpece de victoire qu'il remporte
l'enhardit , pour ainfi dire , & peut non-
i feulement le confirmer dans ce léger dé-
faut , mais occafioner ces mouvemens
fougueux auxquels on s'oppofe inutile-
ment. Il eft même très à propos de join-.
dre quelquefois le châtiment à l'action ,
de faifir le temps , afin de faire fentir à
l'animal renfermé & puni , que cette
paillon immodérée d'une courfe que le
cavalier ne follicite point , eft une faute
qui lui attire la correction qu'il redoute. ;
E M P
alnfi ferrez vivement les deux talons en
mettant la main près de vous , rendez &
reprenez fur le champ , bientôt le cheval
ne reconnoîtra plus rien qui puiflè l'en-
gager à s'emporter.
La plupart des hommes imaginent que
la voie la plus fure de retenir un cheval
qui fuit , eft de s'attacher à la main. Ils
emploient tout leur pouvoir & toutes
leurs forces dans l'efpérance de l'arrêter ;
mais leurs efforts font toujours fuperflus
& (ans fuccès. La raifon en eit fimple ;
d'une part , ces mêmes efforts , exercés
directement fur la bouche , falfifient fi
confidérablement l'appui , que le cheval
méconnoît entièrement la main & tous
les effets qui auroient pu réfulter de celle
qui n'auroit été que douce & légère.
D'un autre côté , en fuppofànt qu'il
puiflè encore rencontrer un fentiment
quelconque , il eft certain que Pimpref-
iion de la main augmentera le pli ou la
flexion du derrière ; car telle eft l'effica-
cité des rênes mues & approchées de
notre corps , qu'elles furchagent i'arriere-
main : or , ce même arriere-main chaffant ,
& ne pouvant que continuellement chaf-
-fer l'animal au moyen de la flexion répé-
tée de (es parties , il s'enfuit que plus la
tenfion des rênes eft confiante & aug-
mentée , plus les forces de l'animal qui
s'emporte font accrues & multipliées ; ainfi
bien-loin de l'arrêter , on lui fournit les
moyens de réfifter avec plus d'empire.
Il eft donc inconteftablement afîùré qu'on
ne retient jamais plus aifément & plus
véritablement un cheval , qu'en rendant
& en ceflânt pour ainfi dire , de le re-
tenir , pourvu qu'on le reprenne dans la
main fùcceffivement , & de temps en
temps. ( e )
EMPORTER , ( Jardinage. ) on dit
qu'un arbre s'emporte quand il poufïè
avec trop de vivacité , & qu'il eft à crain-
dre que le trop de vivacité ne le faffe
.avorter. ( K )
EMPOTER , v. act. en terme de cui-
Jîne y c'eft mettre une pièce dans un pot
ou dans une terrine avec du bouillon ,
après l'avoir fait frire dans du beurre ou
dans du fain-doux.
Empoter, [Jardinage.) efr, un terme
E M P 291
employé par les fîeuriftes , pour fignifier
qu'il eft néceffaire de planter des fleurs
ou arbriflèaux dans des pots. Voyez Pots.
(K)
EMPOUILLES , f. f. ( Jurifpr. ) fe dit
dans quelques provinces pour exprimer les
grains pendans par les racines. Ce terme
eft oppofé à dépouille y qui lignifie \t%
grains fe'pare's du fonds. {A )
EMPOULETTE , AMPOULETTE ,
f. f. ( Marine. ) c'eft une petite machine
compofée de deux petites bouteilles faites
en poire , & jointes enfemble par un cou
étroit ; leur jonction eft encore féparée
par un parchemin fin , au milieu duquel
on fait un petit trou propre à palier un
fable très-fin , qui coule de la petite bou-
teille d'en haut dans celle d'en bas , & l'on
en met la quantité qu'il en faut pour em-
ployer une demi -heure à paffer. Voyez^
Horloge. (Z)
* EMPREINTE , f. f. ( Grammaire b
Arts me'chan. ) il fè dit de l'image qu'un
corps laifle de lui-même fur un autre au-
quel il a été appliqué ; fi le corps eft en
relief, V empreinte en eff creux ; fi le corps
eft creux , ¥ empreinte eff en relief; ï em-
preinte du corps eft plane , fi la furface
appliquée l'eft aufli : mais à parler rigou-
reuiement , ce dernier cas ne peut avoir
lieu , fi ce n'eft peut-être lorfque le corps
qu'on applique laiflè fon image tracée fur
le corps auquel il eft appliqué , par le
moyen de quelque enduit qui fe fépare de
l'un pour s'attacher à l'autre ; je dis peut-
être , parce qu'alors l'enduit n'étant pas
abfolument fans épaiffeur , on peut dire
que ^empreinte eft de relief.
Empreinte , f. f. en Anatomier nom
de petites éminences fuperficielles , qui
donnent attache à des ligamens ou à des
mufcles ; c'eft dans ce fèns que l'on dit
empreinte mufculaire , empreinte ligamen-
teufe. Voyez LIGAMENT & MUSCLE.
(23
EMPREINTE , f. f . ( Gravure. ) Em-
preindre y c'eft graver, c'eft imprimer une
chofe fur une autre pour lui en donner la
figure. Empreinte eft donc la gravure ,
l'impreffion même ; & la chofe gravée ou
exprimée reçoit auffi le nom $ empreinte.
On tire des empreintes de médailles , de
i9» E M P
monnoies , de cachets , de pierres gravées ; !
c'eft-à-dire , on en prend artiitement la
repréfentation fèmblable à l'original , par
le moyen d'un corps mou. Cependant
comme d'un côté on n'y fauroit parvenir
fans en favoir la manœuvre , & que de
l'autre il eft auffi utile que fatisfaifant pour
un vrai curieux , d'avoir en fa pofîefiion
le plus grand nombre qu'il eft poflible
iï empreintes tirées fur les plus belles pierres
gravées & les autres ouvrages de l'art , on
i'era bien aile de favoir la manière de les
faire. Je vais l'apprendre aux lecteurs d'après
M. Mariette.
Cette pratique n'a rien de difficile dans
les gravures en creux , toute perfonne ,
pour peu qu'elle ait d'adreffe , en eff. ca-
pable ; les matières qu'on emploie le plus
ordinairement , pour cette opération , ibnt
la cire d'Efpagne , le foufre , & le plâtre.
La première a cet avantage , que les
empreintes fe font fur le champ fins beau-
coup de préparation , & que la matière
encore liquide s'infinuant exactement dans
toutes les cavités de la gravure , le relief
qui fort efl prcfque toujours très-complet
& très-net ; il s'agit feulement d'avoir de
la meilleure cire de Graveur.
Au lieu de cartes à jouer , il faut fe
fervir d'une fimple feuille de papier bien
uni pour y appliquer la cire ; n us pour le
faire avec foin & avec propret '■ , on aura
une aflîette d'argent qu'on mettra fur un
réchaud rempli de feu ; & lorfqu'elle fera
fùffifamment échauffée , l'on y pofera dans
Je fond un morceau de papier bien fec ,
fur lequel on répandra la cire qu'on aura
fait fondre en Pexpofant au feu , & non
en la préfentant à la flamme d'une bougie :
on évite par ce moyen que la fumée ne
s'attache , comme il eft ordinaire , au bâton
de cire , & n'en altère la couleur. On tien-
dra pendant quelque temps la cire en
fuiion , on la remuera ; & quand on verra
qu'elle eft bien unie & bien liée , on y
imprimera le cachet , & il eft comme in-
dubitable qu'il en fortira une bonne em-
preinte.
Mais comme toutes ces précautions n'em-
pêchent point la cire d'être une matière
cafTante , qui fe fend d'un rien , M. Ma-
nette feroit d'avis qu'on renonçât aux em-
E M P
preirites de cette efpece , à moins qu\ine
néceffité n'y obligeât , je veux dire qu'il
n'y eût aucune efpérance de retrouver
l'occafion de tirer autrement ^empreinte
d'une belle pierre gravée qui fe préfente ,
& qu'il fallût abfolument la faire fur le
champ.
On trouve encore un autre défaut aux
empreintes en cire d'Efpagne ; elles ont un
luifant qui ne permet pas de jouir de la
gravure , & ôte le repos qui doit y régner ;
c'eft pourquoi les connoifleurs préfèrent
les empreintes qui fe font avec le plâtre :
la difficulté eft de trouver du plâtre affez
fin , & peut-être vaudroit-il mieux prendre
àes morceaux de talc , les faire calciner foi-
même dans un feu ardent , & quand ils
feroient refroidis, les broyer dans un mor-
tier en poudre la plus fine qu'il feroit pof-
fible. Enfuite on pafîèra plufieurs fois cette
poufliere au tamis , & on l'emploiera com-
me on fait le plâtre , en la coulant un peu
claire fur la furface de la pierre gravée ,
qu'on a eu la précaution d'entourer d'une
carte ou d'une petite lame de plomb ,
pour contenir le plâtre & empêcher qu'il
ne fe répande au dehors.
Mais les empreintes qui fefont en foufre
méritent encore la préférence , parce qu'il
eft plus aifé d'y réufîir , & que la diverfité
des couleurs qu'on leur peut donner , en
rend l'afpect plus agréable. Voici comme
il faut y procéder.
On fera fondre dans une cuiller de fer ,
fur un feu modéré , autant de foufre qu'on
aura deffein d'en employer ; & lorfque
ce foufre fera liquéfié , on le jettera dans
la couleur dont on le voudra, colorier. Sur
une once de foufre on ne peut mettre moins
d'une demi-once de couleur , autrement
les foufres feroient trop pâles. Le cinnabre
ou le vermillon , la terre verte , l'ocre
jaune , le maflicot , ainfi que le noir de
fumée , font de toutes les couleurs celles
qui s'incorporent le mieux avec le foufre;
mais fi la jonction de ce dernier minéral
fe faifoit moins difficilement avec la mine
de plomb purvérifée très-fin , ce feroit une
des teintes des plus flatteufes à la vue. Celle
que donne le vermillon eft auffi fort bonne ;
& quand on veut qu'il y ait plus de bril-
lant 3 on frotte à fec j avec un pinceau
EMP
& un peu de carmin , la furface de Y em-
preinte.
La couleur jetée dans le foufre , on aura
attention de tenir la cuiller dans une agita-
tion continuelle , tant afin que le foufre
ne s'attache point à la cuiller , & ne lé
brûle point , que pour faciliter l'incorpo-
ration de la couleur. Pendant ce temps-là,
il fe forme fur la furface du foufre une
efpece de craffe ou d'écume qu'il en faut
féparer & enlever avec une fpatule ou le
tranchant d'un couteau. Au bout d'un
demi-quart d'heure , h. cuiller étant tou-
jours reffie fur le feu , pour empêcher le
foufre de figer , on verfe le foufre par
inclinaifon , ou fur une feuille de papier
huilée , ou fur une feuille de fer-blanc
bien planée , & on l'y laifïe refroidir : le
foufre en fort ayant la forme d'un gâteau.
Cette première préparation eff pour le co-
lorier & le purifier de (es ordures les plus
grofïieres.
Veut-on faire des empreintes ? on coupe
un morceau de ce gâteau de foufre ; on le
fait fondre une féconde fois dans la cuiller
de fer , toujours fur un feu modéré ; on la
remue pour l'empêcher de brûler ; on en
enlevé encore la craife ,' en cas qu'il en
paroiffe , & l'on en verfe doucement fur
la pierre gravée qu'on a préparée pour re-
cevoir ce foufre liquéfié. On l'a enve-
loppée , ou plutôt on l'a environnée d'un
morceau de carte fine ou d'un papier fort ,
qui étant affùjetti avec un fil de laiton ,
& replié fous la pierre , de façon que le
foufre ne pouvant échapper par aucune
ouverture , prend la figure d'un petit godet ;
ou bieta l'on y met autour une petite lame
de plomb mince , qui embrafïê exactement
la pierre. Ces différens moyens réuilifïant
également , on choifira celui qui conviendra
le mieux.
A peine le foufre aura-t-ii été verfé
dans cette efpece de petit moule , qu'il com-
mencera à figer ; mais fans lui en donner
le temps , & lorfqu'on jugera qu'il fe fera
déjà formé fur la furface de la pierre une
légère couche de foufre figé , qui , comme
une peau , s'y fera étendu & la couvrira
toute entière , on furvuidera promptement
dans la cuiller le foufre encore liquide ,
pour le reverfer tout de fuite & en rem-
E M P 293
plir le même moule , jufqu'à ce qu'il y
en ait affez pour donner du corps à Vem-
preinte. C'en1 ainfi qu'on évite les fouf-
flures.
Quelque temps après , le foufre étant
figé , on i'ôtera de defTus la pierre gravée ,
qui s en détachera aifément , & fans le
moindre effort ; & il ne faut point douter ,
fi l'on a ufé de toutes les précautions qu'on
vient d'indiquer , que Yempreinte ne foit
exacte & parfaite : mais pour peu qu'elle
manque en quelque endroit , on ne doit
pas balancer d'en recommencer une fé-
conde ; le même foufre refTervira , & l'opé-
ration n'efl ni affez coûteufe ni afïéz fatn
gante pour craindre de la répéter.
Telles font les différentes pratiques qu'il
faut obferver toutes les fois qu'on fera
des empreintes avec les pierres gravées en
creux ; & rien , comme l'on voit , n'efl
plus fimple. Il n'en eff pas de même des
gravures en relief, dont on voudra pa-
reillement avoir des empreintes : celles-ci
exigent une double opération ; car la pre-
mière empreinte qu'on en feroit ne donner
roit qu'un creux , & il s'agit d'avoir un
relief femblable à l'original.
Il faut donc commencer par mouler le
relief, & par en tirer un creux qui fervira
à faire Y empreinte de relief; & c'eft ce qui
eft prefque toujours accompagné de gran-
des difficultés , & qui devient même im-
praticable dans certains cas. Si le relief efl
plat ou en très -baffe taille , le moule fê
fera aifément avec du plâtre fin : mais
pour peu que les objets aient de la faillie ,
& qu'il "y ait des parties éminentes tra<-
vaillées & feuillées en deffous , ce qui ne
peut guère manquer de fe rencontrer dans
un relief , le plâtre dont on fe fèrt pour
faire le moule , fe loge dans les cavités ; &
quand on vient à le vouloir féparer de la
pierre gravée , non- feulement il en refle
dans ces petits creux où il s'étoit infinué ;
mais ces arrachemens en entraînent fou-
vent d'autres plus confidérables encore : Le
moule demeure imparfait, & ne peur point
fervir.
Après avoir fait plufieurs tentatives ,
l'on n'a rien trouvé de mieux pour faine
ces moules , que la mie de pain & la
colle-forte. Voici la manière de procéder
2^4 E M P
Il faut avoir de la mie de pain très-1
tendre , d'un pain qui foit peu cuit ; ce
qu'on appelle du pain cuit-gras. On la
prend entre fès doigts , on la manie &
remanie à plufieurs reprifes , jufqu'à ce
qu'elle commence à devenir pâteufe : on
y mêle alors tant foit peu de vermillon
ou de carmin : On la repêtnt encore ; &
quand on eft parvenu a la rendre bien
molle &: bien Toupie , on y imprime le
relier* qu'on retire fur le champ , & le
moule le trouve fait & aïTez bien formé :
car cette pâte a une efpece de reffort na-
turel qui fait qu'elle le prête fans fe dé-
chirer ; & comme elle embrafTe afïez exac-
tement un relief dans toutes fes parties ,
elle s'en fépare aulli fans former aucune
réfiftance.
Si , en fe détachant de la gravure , quel-
ques portions de la pâte qui étoient en-
trées dans des cavités , ont été obligées de
céder à des parties (aillantes qu'elles ont
rencontrées dans leur chemin , & de s'é-
carter , elles ont bientôt repris leur place.
En peu de temps cette pâte fe durcit , &
elle acquiert artèz de confiftance pour de-
venir un moule capable de recevoir le
plâtre ou le foufre liquide qu'on y veut cou-
ler. Mais elle a un défaut effentiel : quelque
bien pétrie qu'elle ibit , elle ne s'iniinue
•jamais afïèz parfaitement dans tous les petits
traits de la gravure , elle demeure toujours
grafTe & pâteufe ; de forte que les reliefs
qui fortent de ces fortes de moules , n'ont
aucune finelTe , & font privés de tous ces
détails qui donnent l'ame & Pefprit à un
ouvrage.
C'eft ce qui a fait imaginer à un cu-
rieux , homme adroit , d'employer plutôt
la colle-forte. Il eft un inftant où , fortant
d'être mife en fulîon , elle a la même fou-
pleffe , le même reflbrt que la mie de pain
réduite en pâte ; & , rendue a Ion premier
état , elle a la même dureté que celle-ci
étant féchée. Ce curieux ayant fait fondre
de la colle-forte dont fe fervent les menui-
fiers , la verfe encore route chaude fur le
relief qu'il veut mouler , en ufànt des
mêmes précautions qu'on prend pour les
empreintes de foufre ; & quand la colle ,
entièrement prife , eft encore molle , il
retire légèrement fa gravure qui refte ,
E M P
imprimée dans la malfe de la colle. Celle-ci
fe durcit promptement , & produit un
moule auffi net & auffi exact, qu'il eft pof-
lible , dans lequel on peut couler du plâ-
tre ou du foufre , & l'on en tire un relief
affez jufte.
Mais fi le trop de faillie d'une gravure
a rendu l'opération du moule difficile , les
empreintes qu'on doit faire dans ce même
moule rencontreront encore plus d'obfta-
cles , & il ne faut pas même efpérer qu'elles
réullifTent jamais. Quelques moyens qu'on
emploie , il y aura toujours quelque partie
du relief qui , ne pouvant fe dépouiller ,
reftera dans le creux du moule. Il faut
renoncer à faire des empreintes de ces for-
tes de gravures trop faillantes & trop évui-
dées.
Les empreintes faites , on en abat les
balevres , on les rogne , on les lime , on
leur donne une forme régulière. Pour der-
nière façon , on les environne de petits
morceaux de carton doré fur la tranche,
où elles fe trouvent renfermées comme
dans une bordure , & qui , outre cette
propreté qu'ils y mettent , leur fervent
encore de rempart contre le choc , & les
rendent plus durables. Si l'on a beaucoup
de ces empreintes , on leur donne un or-
dre ; & pour les pouvoir confidérer plus
commodément , on les colle fur des car-
tons ou fur des planches qui , comme au-
tant de layettes , fe rangent dans une pe-
tite armoire , ainfi qu'on l'obferve par rap-
port aux médailles.
Il eft encore une autre façon de faire
des empreintes des pierres gravées , mais
qui , ne pouvant pas être de longue durée ,
n'eft que pour le moment où l'on eft bien
aife de juger du travail d'une gravure en
creux : ce font les empreintes qui fe font
avec la cire molle. L'on ne voit guère de
curieux qui ne veuillent avoir à la main de
quoi faire de ces empreintes , & qui ne
portent pour cela de la cire fur eux. Ils en
font remplir de petites boîtes qui fe ferment
à vis , & auxquelles on donne allez volon-
tiers la figure d'un petit œuf. La compo-
fition de cette cire eft particulière , & je
ne doute point qu'on ne me fâche gré
d'en donner ici la recette , telle qu'une
E M P
perfonne de Part l'a communiquée à M. Ma-
riette.
Sur une once de cire vierge qu'on a
fait fondre doucement dans un vaincu
de terre verniflë , (ans la trop échauffer ,
& dans laquelle on a mis un gros de fucre-
candi broyé très-fin , qui en accélère la
fulion , on jette ( la cire étant tout-à-fait
liquide ) une demi-once de noir de fumée
qu'on aura fait recuire pour achever de
le dégraifïêr , & une goutte de térében-
thine : on remue le tout , fe fervant d'une
ipatule , jufqu'à ce que toutes les drogues
ibient parfaitement incorporées ; & après
l'avoir tenu un peu fur le feu , on retire
la cire , on la laiife refroidir , on en fait un
pain.
Pour ce qui efl des pâtes ou empreintes
de verre qui imitent parfaitement les pierres
fines , & qui , moulées deflus , en (ont des
copies ridelles , voye\ PATE.
Voilà les manœuvres connues de tirer
des empreintes de toutes fortes de pierres
gravées en creux & en relief, même de
tous les beaux ouvrages d'un Pyrgotele ,
d'un Cronius , d'un Apollonide , d'un
Diofcoride , d'un Solon ,. d'un Hyllus.
Eh ! quel plaifir que de pouvoir fe pro-
curer des richeflés fans embarras & fans
yemords ! Les empreintes fournjfïent à
un particulier l'agrément de jouir , par
des images parfaites. , de ces morceaux
ifares gravés fur des pierres précieuies ,
qu'il n'appartient qu'aux rois & aux gens
ifiches de pofleder dans leurs cabinets..
Si les pierres gravées repréfentent les
aâions des hommes illuftres de la Grèce &
de Rome ; fi elles peuvent fervir à éclaircir
pluiieurs faits importans de la mytholo-
gie , de l'hifloire & des coutumes ancien-
nes ; fi elles ornent l'efprit de grandes &
magnifiques idées ; en un root , li elles lbnt
la iource d'une infinité de connoifiances ,
comme on n'en iauroit douter ,. les repré-
sentations ridelles de. ces pierres ne pro-
çureront-elles pas les mêmes avantages ?
Qu'importe , pour l'utiliré ,. le. prix de la
macierë , l'émeraude & le rubis , le foufre
ou la cire d'Efpagne ?, Qu'importe alors
que ce foit la pierre gravée même qu'on
poifede , ou fa parfaite r^ffemblance ?
Q^u'imnorte enfin, la valeur de l'original ?
E M P t9f
Ce n'eff prefque qu'une valeur idéale &
fictive , comme de tant d'autres chofes de
la vie. article de M. le chevalier de Ja u-
COURT.
En général , le mot empreinte peut avoir
deux fens difFérens : l'un , lorfqu'il fignifie
une chofe gravée pour en imprimer d'au-
tres , comme eff un cachet ; l'autre lorf-
qu'il fignifie la marque & la figure tirée de
la première , comme eft la cire imprimée
par le cachet. Quand on veut faire des mé-
dailles d'or , d'argent ou de cuivre , Port
imprime une plaque de plomb ou d'étain
entre les deux carrés ou creux de la mé-
daille ; & ce morceau de plomb ayantreçu.
la figure , s'appelle ^empreinte , & fert
pour être imprimé dans le lable , où l'on
fait eniuite des médailles de tel métal qu'on
veut. Voye\ GRAVURE EN CACHETS,
& SUR L'ACIER.
Empreinte ou Calibre , outil de
bois , du métier de Potier d'étain y & qui-
fert à tenir les pièces qu'on doit tourner..
Quelques-uns nomment ceux qui fervent
à tourner la vaifTelle , empreintes ; & ceux-
qui fervent à tourner les pots ou les pièces
de menuiferie , calibres : & d'autres les
nomment tous , en général , empreintes..
Ceux qui fervent pour la vaiffelle doivent
être de bois de travers : le noyer en table
eif le meilleur. Ils doivent être creufés de
la grandeur & de la forme des pièces qui
s'emboîtent dedans , & qui y tiennent par
le moyen de trois crampons de fer qui
prennent la pièce fur le dehors du bord.
Il faut avoir autant tf empreintes différen-
tes , que l'on a de différentes^randeurs
de moules. Ces empreintes , aW que les
calibres , tiennent fur l'arbre du tour ,
par le moyen d'une gaine , qui eff. un trou
carré dans lequel entre le mandrin de
l'arbre du tour. Voye\ GaÎNE & MAN-
DRIN,. Ceux qui fervent à tourner la. po-
terie ou; menuiferie , font de bois de long ,
& tournés fur le tour à proportion de la
grofleur des pièces qu'il faut tourner deflus,
Toutes ces empreintes s'ôtent & fe remet-
tent félon le. bcfbin. Voye\ TOURNER
L'ÉTAIN.
Empreinte à couteaux ou empreinte plate,,
ceÙ une empreinte qui fert à tourner les
bas de pots à l'eau avant de les fouder;
zi96 E M P
& les bouches après qu'ils font foudés ,
les dedans d'aiguières, de port-dînés , &c.
Ce qui lui fait donner ce nom , c'eft qu'ils
■y a trois vis qui fe traverfent avec chacune
une écrou par derrière. Ces écrous lâ-
chent ou ferrent trois crampons plats qu'on
appelle couteaux , qui prennent le pie
des pièces qu'on drefle deffus Y empreinte ,
pour les tourner en les ferrant , & qu'on
"été en les defîerrant.
EMPRIMERIE , f. f. ( Tannerie. ) c'eft
le nom d'une grande cuve où l'on met
les cuirs en coudrement. Voye\ V article
Tanner.
EMPROSTOTHONOS, fubil .m.
( Méd. ) c'eft un mot Grec compofé de
ifx'rrf'i dît', devant y & de t'w& y roideur y
tenfion. Il fert à défigner une efpece de
maladie fpafmodique , dans laquelle tout
le corps eft tellement plié , courbé en
•avant , que les pies s'approchent de la
tête , en forte qu'il prend la forme d'un
arc. Les malades font forcés à relier im-
mobiles dans cette pofture , leur refpira-
-tion eft très-gênée. .
Cette maladie dépend d'une contrac-
tion tonique des mufcles fléchifîèurs de
la tête , du cou , du thorax & des lom-
bes , mais fur-tout de celle des maftoï-
diens , qui font quelquefois feuls affectés
dansYemprofîothonos , qui ne con lifte alors
xjue dans la flexion de la tête qui eft for-
tement tirée fur la poitrine, de manière
■que le menton eft corïftarnment appliqué
contre le fiernum. Il en eft de même lorf-
que le fpafme s'étend à tous les mufcles
mentionljjis.
L'empfofrothonos eft quelquefois caufé ,
félon Gefncr , par la ciguë aquatique , &
-par1 les vapeurs métalliques.
Cette efpece de Ipafme eft très-familier
aux Indiens , félon fiontius , de med. Ind.
Elle fait pafler ceux qui en font attaqués ,
-pour des maniaques. Elle eft accompagnée
de vives douleurs-par tout le corps , avec
difficulté d'avaler , de refpirer. Ils ont le
vifage violet , le regard féroce. Ils ont de
-fréquensgrincemens de dents. Gn les en-
tend murmurer comme 'fi la voix venoit
•d'un lieu fouterrain.
Cette maladie demande le même trai-
tement que Je -tétane , c'-eft-à-rdipe , le
E M P
fpafme univerfel. Les copieufes & fré-
quentes faignées font ordinairement indi-
quées. On peut employer avec fuccès les
ligatures , les frictions , les onctions fpiri-
tueufes fur l'épine du dos , les ventoufes ,
les lavemens acres. Le laudanum & l'ex-
trait de fàfran produisent aufîi de bons
effets , s'ils font placés dès le commence-
ment de la maladie. M. Lazerme , pro-
fefteur & célèbre praticien de Montpel-
lier , recommande l'ulage de l'antimoine
diaphorétique, dont il a éprouvé plufieurs
fois de très-bons effets dans le traitement
de cette maladie. Voye\ CONVULSION ,
Spasme , Tétane. (d)
EMPRUNT , {Jimfprudence. ) terme
relatif à celui de prêt. Celui qui a be-
foin d'argent fait un emprunt : celui qui
lui fournit l'argent , fait un prêt. Voye\
Prêt.
Emprunt à confiitution de rente , c'efï
lorfque celui qui emprunte une fomme
de deniers , fe charge envers le prêteur
de lui payer, jufqu'au rembourfement-,
une rente , pour lui tenir lieu des inté-
rêts ou du fruit de cette fomme.
Emprunt au denier vingt y trente y qua-
rante y &c. c'eft lorfque l'on emprunte
à conftitution de rente , & que le denier
ou taux de la rente eft fixé au vingtième ,
trentième ou quarantième du principal.
Voye^ Constitution de Rente &
Rente constituée.
Emprunt de territoire y c'eft lorfqu'une
jurifdiclion tient Ces féances ordinaires ,
ou fait quelque autre acte dans un ter-
ritoire qui n'eft pas le fien , & qui dé-
pend d'une autre jurifdiction. C'eft ainfi
que le parlement de Dombes , créé par
François I , e n 1523 , dans le temps qu'il
jouiffoit de la principauté de Dombes par
droit de conquête , tint fes féances A
Lyon par emprunt de territoire y non feu-
lement jufqu'en 1560 que la Dombes fut
reftituée à fes légitimes fouverains , mais
même encore depuis ce temps jufqu'en
1693 > °lu'iï ^ut transféré à Trévoux ; en
forte que dans le premier temps , il y avoit
emprunt de territoire dans une autre juri-
diction ; & dans le fécond , ce même em-
prunt étoit fait tout à la fois , & dans une
autre .jurifdiclion , & dans une autre fou-
veraineté.
E M P E M P iyf
vefaîneté. V. Territoire emprunter coup de précaution. Un minière qui ne
fe fert de cette branche de crédit que peur
le la ménager comme une refTource dans
l'occafion , eft fans doute habile. M. Col-
bert trouva fe moyen de fournir en même-
temps aux fraix de h guerre qui fut ter-
minée en 1678 , par le traité de Nimegue ,
& aux dépenfes imrnenfes des fomptueux
bâtimens & des difFérens établiflemens faits
par Louis XIV , & l'état n'étoit point en-
detté à la mort de ce miniftre en 2683.
Mais celui qui eft capable de porter le
poids immenfe d'une adminiftration que
de longues guerres rendent aufli pénible
qu'importante ; qui eft capable de réparer
les défordres , de faire des emprunts dans
des temps difficiles , fans interrompre la
circulation & le commerce , fans altérer le
crédit , eft apurement le plus habile. Le
crédit de l'état, dans les temps de guerre ,
dépend beaucoup du fort des armes. Après
la bataille d'Hocftet , chacun s'empreMa de
retirer fon argent de la caifTe des emprunts;
ce qui obligea le confeil de faire furfeoir
au paiement dès capitaux. Par arrêt du 17"
feptembre 1704, on accorda dix pour cent
fur les deniers qui feroient apportés à la
caifTe des emprunts ; mais le crédit fe perdit
de plus en plus , 6c on iupprima la 'caille ,
rien ne pouvant ranimer ia confiance , les
promefTes perdant fur la place 80 pour cent.
Dans tous les temps , le crédit du roi
fur fes peuples , eft fondé fur l'amour àet
peuples pour leur fouverain , fur la con-
fiance dans le miniftre entre les mains du-
quel fe trouve l'adminiftration des finan-
ces, & dans ceux qui régi (Tent les autres par-
ties. Il faut peu de chofe pour faire perdre
ce crédit fi difficile à établir , & nous
voyons que le premier ébranlement vienc
prefque toujours d'une faute commife dans
l'adminiftration. Depuis M. Colbert plu-
fieurs miniftres ont fu rétablir ce crédit
perdu , & à peine en voyons-nous un qui
ait fu le conferver. Les billets de monnoie
étoient en faveur ; la grande confiance du
public donna^ lieu au miniftre de fe fervir
de cet expédient prompt & facile , pour
lubvenir aux befoins preffans. On multi-
plia ces billets avec fi peu de précaution r
qu'il ne fut plus poffible de faire face
Emprunt , {Finance.) c'eftune prompte
refïburce pour ce procurer des fonds ,
lorfque l'on a la confiance publique. Dans
les temps malheureux les emprunts font
difficiles , & on ne les propofe plus ou-
vertement ; c'eft toujours fous des formes
dirîeren tes qui font illufion , mais le pref-
tige ne dure pas long-temps : alors le cré-
dit fe perd , on eft obligé d'avoir recours à
des expédiens forcés & onéreux.
Les emprunts engagent l'état & le char-
gent de dettes, & de l'emprunt réfultent
les intérêts & ufures. Voye^ INTÉRÊTS.
Il y a de deux efpecesdW/>rz//2f.j; les unsfe
font fur des effets dont le fonds eft exigible ,
& les autres fur des rentes ou gages dont le
fonds eft aliéné.
Les premiers font pour être rembourfés
à volonté, comme étoient anciennement
les billets de la caifTe des emprunts , les
billets de monnoie,de Legendre , de l'état,
de la banque , & beaucoup d'autres. Voye{
Billets.
Les autres , dont le capital fe rembourfe
par partie; d'année en année, ou au bout
d'un certain nombre d'années en entier ,
font les annuités , les contrats , les rentes
viagères & tontines , les rentes perpétuel-
les, les billets d'amortiftemens, les loteries.
Voye^ ces mots à leur article.
Lorfqu'on eft obligé d'avoir recours à
cette refTource , c'eft un mal pour l'état ,
quoique ces moyens fournirent prompte-
ment des fonds ; parce que ces fortes de
fonds , au lieu de foulager l'état , le char-
gent d'intérêts annuels , & obligent le
gouvernement d'emprunter de plus grofTes
fommes , afin de payer l'intérêt des em-
prunts précédents. Ce feroit peut-être peu
de chofe de n'avoir que des intérêts à payer ,
il faut en outre rembourser annuellement
une portion du capital.
Rien n'eft fi nécefTaire que d'acquitter
des dettes faites d'aufh* bonne foi ; & quel-
les que foient les dettes de Pétât , il faut
les payer exactement : le retard dans le
paiement eft plus que fuffifant pour ôter
îa confiance. D'ailleurs, le crédit de l'état
dépend de tant de circonftances , qu'il faut
que les emprunts foient faits avec beau- ' aux paiemens : de là vint leur décadence.
Tome XII. Pp
£98 E M P
Souvent lorfque i'efprit s'accrédite trop
dans le gouvernement, il fait oublier les
maximes les plus fages , l'imagination prend
le defïus , on fe livre fans prudence à des
effets dangereux ; alors l'état incertain &
fans principe ne fe conduit plus que par
faillies : c'eft ce qui arriva à l'auteur du
fyftême. Voye{ SYSTEME DE M. Law.
Loin d'employer les facilités qu'il avoit
pour tempérer le feu des actions , il s'en
fervir pour l'attifer, & fit ordonner, par
arrêts des 13 & 18 feptembre & 2 octo-
bre 2-7T9 , la création de ijo millions de
nouvelles a&ions , qui feroient de même
nature , & jouiroicntdes mêmes avantages
que les précédentes. On ajouta encore ,
par un ordre particulier du 4 octobre ;
24 mille actions, ce qui faifoit 164 mille
actions ; & quoiqu'elles ne fuffent créées
que fur le fonds réel de 500 livres , on les
fit cependant acquérir à raifon de 5000 liv.
Il eft vrai que l'augmentation des actions
femb'oit être une fuite naturelle de la fup-
prefnon de rentes , chacun cherchant un
emploi pour remplacer les contrats.
Le crédit de l'état dépend toujours de
i'alTurance fur les conventions publiques;
iîtôt qu'elle devient incertaine, le 'crédit
chancelle , & les opérations , pour faire des
emprunts, ne réuffifTent que par le fort
intérêt qu'on y attache , & qui eft: pref-
que toujours un moyen fur. Les hommes
ne fe conduifent que par l'appât du gain ;
mais ce moyen utile pour le moment ,
ne fait qu'accélérer la chute du crédit ,
qui n'eft jamais que l'effet de la liberté &
de la confiance ; & lorfque les effets publici
ont reçu quelque atteinte dans leur crédit ,
on s'épuife en vains efforts pour le fou-
te nir : il eft: néceffaire de changer de bat-
terie, & de préfenter d'autres objets. On
peut dire que la confiance eft. en propor-
tion avec les dettes : fi Pbn voit que l'état
s'acquitte, elle renaît ; finon, elle fe perd.
II fembîe pourtant , à en juger par les
exemples paflés , que la confiance publi-
que dépende moins des retranchemens dans
les dépenfes & de l'ordre dans les re-
cettes , que des idées que le gouverne-
ment imprime. Le calcul des recettes &
dépenfes eft la fcience de tout le monde:
cdïe du miniftre eu une arithmétique qui
E M P
fait calculer les effets des opérations & des
différens réglemens. I! y a des biens de
confiance autant que de réalité ; c'eft au
miniftre habile à les faire valoir fans les
prodiguer, à favoir , par le calcul politi-
que, apprécier les hommes & vérifier toutes
les parties de l'état. Il ne feroit pas éton-
nant que la France , avec un revenu plus
fort que'celui des autres états , trouvât un
crédit plus abondant qu'aucun fouverain de
l'Europe. Article de M. Du four.
EMPRUNT , terme de Rivière, fe dit d'un
pafTage qui mené à la travure d'un bateau
foncet.
EMPRUNTER , v. aà. c'eft en général
fe procurer un ufage momentané d'un effet,
quel qu'il foit , qui eft cenfé appartenir à
un autre. On emprunte de [argent , une épée ,
un habit , &C.
EMPRUNTER, (P^ubanier.) c'eft, lorf-
que l'on paffe les rames- d'un patron, fe
fervir des mêmes bouclettes des hautes
liftes, lorfque cela fe peut. La première
des neuf rames, (parce que l'on paffe par
neuf, comme il a été dit, voye^ PASSAGE
des Rames) étant paffée, la féconde rame
empruntera fur cette première lorfqu'il y
aura lieu, & ainfi jufqu'à la neuvième.
Exemple : fuppofons que la féconde rame
fade un pris fur la dix - feptieme haute
lifte ; fi par hafard la première rame faifoit
aufti un pris fur cette dix- feptieme haute
iifte , cette féconde rame fe pafteroit dans
la même bouclette de la première , &
ainfi des autres jufqu'à la neuvième , qui
tontes peuvent emprunter fur la première.
Cet emprunt fert à ménager les bouclettes
des hautes îifïes ; fi l'on n'empruntoit pas ,
les hautes îifïes étant limitées , elles. ne
pourroient contenir une affez grande quan-
tité Je bouclettes, en mettant chaque rame
dans fa bouclette particulière.
. * EMPUSE , f. f. {Mithol & Divinat.}
fantômes qu'Hécate envoyoit à ceux qut
i'évoquoient : ce fpectre avoit un pie d'ai-
rain & ne pouvoir Ce fervir de l'autre..
Voy. Religion des Gaulois par D. Martin %
tome II. C'eft de là qu'on a fait le mot
empuje.
EMPYEME, f. f. terme de Chirurgie
E M P
qui fe prend pour une maladie ou pour
une opération. Uempyeme , maladie , eft
en général un amas de pus dans quelque
cavité du corps , dans la tête , dans le
ba^- ventre ou ailleurs : mais , parce que
cet amas fe fait plus fouvent dans la poi-
trine que dans toute autre cavité , on a
donné particulièrement le nom à'empyeme
à la collection du pus dans la capacité de
la poitrine. Uempyeme , opération , eft une
ouverture qu'on fait entre deux côtes, pour
donner iiïùe aux matières épanchées dans
la poitrine.
Ce mot eft grec ; il vient de la particule
1» , in y dans , & de thV , pus , pus ; V«7rw>î,u«,
colkclio paris , amas de pus.
L'épanchement de matières dans la poi-
trine peut fe faire par caufe externe , à la
fuite d'une plaie ou d'un coup ; ou par
caufe interne , à la fuite de quelque mala-
die. Une plaie qui ouvre quelques vaiffeaux
fanguins , ou un coup violent qui en caufe
la rupture , occafionnent un épanchement
de fang. L'ouverture de l'œfophage ou du
canal thorachique , caufe l'épanchement
des matières alimentaires ou du chyle ,
v. Plaies de Poitrine. L'épanchement
d'eau eii l'effet dune hydropifie de poi-
trine , voye^ Hydropisie ; & celui du
pus eft la fuite dune pleuréfie ou d'une
péri pneumonie terminées par fuppuration.
V. Pleurésie & Péripneumonie.
On ne doit faire l'opération de l'empyeme
rue lorfqu'on a des lignes certains d'un
cpanchement dans la cavité de la poitrine,
li y en a qui nous font connoître qu'il y
a épanchement , & d'autres nous défignent
i'efpece de matière épanchée. Ceux qui
dénotent l'épanchement font , i°. h refpi-
ration courte & laborieufe , parce que le
liquide qui remplit une partie de la poi-
trine, empêche que le poumon ne fubiflè
toute la dilatation dont il eft fufceptible.
2,°. L'infpiration eft beaucoup plus facile
que l'expiration ; parce que , dans ce der-
nier mouvement , il faut que le diaphragme
fculeve le liquide épanché dont le poids
eft capable d'aider l'infpiration. $°. Le
malade , en fe remuant , fent quelquefois
îe flot du liquide épanché. 40. Lorfque
l'épanchement n'eft que d'un côté , ce
côté de la poitrine a plus d'étendue que
E M P
10£
l'autre; ce qu'on reconnoit .par Pexamen
du dos du malade qu'on met fur fon
féant. j°. Le coté où eft l'épanchement
eft fouvent œdémateux. 6°. Le malade
refpire mieux couché fur un plan horizon-
tal que debout ou aiîis , ôc il ne peut
reTter couché que du côté de l'épanche-
ment ; par ce moyen , les matières épan-
chées ne compriment point ce coté du
poumon , & lui laifïent quelque liberté
qu'il n'auroit point fi le malade fe cou-
choit fur le côté fain. Ce figne prouve
l'épanchement ; mais fon défaut ne prouve
pas qu'il n'y en a point , parce que le
poumon pourroit être adhérent au mé-
diafiin & à la plèvre. Dans ce cas , le
malade pourroit fe coucher fur le côté de
la poitrine où il n'y auroit point d'épan-
chement , fans que les matières épanchées
dans le côté oppofé augmentaient la dif-
ficulté de refpirer. 70. S'il y a épanchement
dans les deux cavités de la poitrine , le
malade ne peut reiter couché d'aucun côté;
il faut qu'il foit debout ou aflis , de iV.çon.
que fon dos décrive un arc.Dans cette iitua-
tion,les matières épanchées fe portent vers
la partie antérieure & fupérieure du dia-
phragme, & laiflent quelque liberté au
poumon.
On jugera de la nature de la liqueur
épanchée , par les maladies ou les accidens
qui auront précédé ou qui accompagnent
1 épanchement. Si les fignes de l'épanche-
ment paroifTent peu de temps après que
le malade a reçu une plaie pénétrante à la
poitrine , & s'il a des foibleffes fréquentes ,
on ne peut pas douter que ce ne foit le
fang qui foit épanché. S'il y a eu maladie
inflammatoire à la poitrine , accompagné©
des lignes ordinaires de fuppuration j ii la
fièvre , qui étoit aiguë , eft devenue lente ;
, fi la douleur vive eft un peu appaifée ,
I mais qu'il fubfïfte un mal aife à la partie ;
1 fi le malade a des friflbns irréguliers &
des fueurs de mauvais caractère , & qu avec
! tous ces fymptomes il paroiffe des fignes
d'épanchement, il n'eft pas douteux que ce
ne foit du pus qui en foit la matière. Il y
a tout lieu de croire que l'épanchement efl
lymphatique , fi l'on remarque les fignes de
l'hydropilie de poitrine. Foy.HYDROPlSlE
de Poitrine.
Pp 2
E M P
On ne peut guérir le malade qu'en éva-
cuant les matières épanchées. La nature ,
aidée des médicamens , peut quelquefois y
parvenir fans l'opération : on a vu des épan-
chemens de fang rentrer dans le torrent de
la circulation & fe vider par les urines ,
& même , ce qui eft encore plus rare , par
les felles. L'ufage des remèdes diurétiques ,
<3es hydragogues & des fudorifiques , a
fou vent diiïipé les épanchemens d'eaur voy.
la cure des hydropifies de poitrine. Lorfque
le régime &: les médicamens ne foulagent
point le malade , & que les accidens per-
fiftent, il faut faire l'opération de Vempyeme.
Si l'épanchement de fang dans la poi-
trine eft la fuite d'une plaie , il faut ,
avant que d'en venir à l'opération , eflayer
de donner ifîue à ce fluide , en fituant le
malade de façon que la plaie foit la partie
la plus déclive de la poitrine ; on lui or-
donne alors de retenir un peu fon haleine
& de fe pincer le nez ; on peut aufli tâ-
cher de pomper les matières épanchées
avec une feringue dont la canule eft cour-
be. Si par ces moyens on n'a pu vider la poi-
trine , il faut faire une ouverture pour don-
ner iflue au fluide épanché. Il y a deux façons
pour y parvenir , l'une en dilatant la plaie,
& l'autre en faifant une contre ouverture.
Pour dilater la plaie , on fait avec un
biftouri une incilion longitudinale d'un
pouce de longueur perpendiculairement à
la partie inférieure de la plaie : cette inçi-
Hon , qui ne doit intérefler que la peau &
la graille , forme une gouttière qui procure
la facilité de la fortie du fang ; on intro-
duit enfuite une fonde cannelée dans l'ou-
verture de la poitrine , & on dilate cette
plaie avec un biftouri dont la pointe coule
le long de la cannelure de la fonde , ayant
foin d'éviter l'artère intercoftale. On peut
mettre une fonde de poitrine dans l'ouves-
ture , pour que le fang s'écoule avec plus
de facilité , obfervant de mettre le malade
dans une fituation convenable & qui f&vo-
rjfe cette fortie.
Si la plaie n'étoit pas fituée favorable-
ment , ou qu'elle fût déjà cicatrifée lorfque
les fignes d'épanchement fe manifeftent ,
il feroit plus à propos de faire l'opération
de. Vempyeme par forme de contre-ouver-
taie, de même qu'elle fe. pratique dans.
E M P
îe cas où il y a des matières épanchées fana
plaie , comme dans les fuppurations de
poitrine , & c'eft ce qu'on appelle opération
de Vempyeme dans le lieu dHéleâion.
On fait afteoir le malade fur une chaife
ou fur le bord de fon lit , le dos tourné
du côté de l'opérateur & des aftiftans ; on
lui met , dans ce dernier cas , un couffin
fous les feffes pour qu'il foit plus commo-
dément ; deux ferviteurs le (outiennent fur
les côtés , & lui relèvent fa chemife. Le
chirurgien doit examiner l'endroit où il
fera l'incifion ; ce doit être entre la troi-
fieme & la quatrième des fauffes côtes ,
en comptant de bas en haut , & à quatre
ou cinq travers de doigt de l'épine du
dos. ( On entend que les doigts du malade
feront la mefure de cette diftance. ) Si
l'embonpoint du malade ou l'œdématie
des tégumens empêchent de compter les
côtes , on fait l'opération à quatre travers
de doigt de l'angle inférieur de l'omoplate.
Le lieu étant choifi pour opérer , le chi-
rurgien pince la peau tranfverfalementavec
les doigts indicateurs & les pouces de
chaque mains ; un aide prend le pli que
l'opérateur tient avec les doigts de fa mair*
droite ; ilsfoulevent enfemble la peau ainfi
pincée , & le chirurgien l'incife avec un
biftouri droit , qu'il tient de fa main»
droite ; on lâche enfuite les tégumens qui
fe trouvent divifés longitudinalement ; on
porte le bout du doigt indicateur de la
main gauche à l'endroit du bord fupérieur
de la troifieme faufle côte , & on incife le
mufcle grand dorfal en portant le biftouri
à plat fur l'ongle ; on avance enfuite l'ex-
trémité de ce doigt , & on en appuie,
l'ongle immédiatement fur le bord fupé-
rieur & fuivant la direction de la côte ;.
& , avec le biftouri tenu à plat de la main
droite comme une plume à écrire , on pé-
nètre dans la poitrine , en perçant les muf-
cles intercoftaux & la plèvre. Le doigt:
appuyé fur la côte fert de guide à l'inftru-
ment tranchant , & on eft fur de ne pas
toucher à l'artère intercoftale. L'incifiorr
des mufcles intercoftaux & de la plèvre
doit avoir cinq à ftx lignes de longueur,.
Lorfque l'incifion eft faite , on porte le-.
doigt indicateur gauche dans la plaie pouc
^'aifurtr de l'ouverture \ on le retire ck oa
E M P
procure , le plus promptement qu'on le
peut , l'iffue des matières. On peut ks
délayer avec quelque injection introduite
à l'aide de la fonde de poitrine. Lorfque
l'opération eft faite , & qu'on a tiré le plus
de matière qu'il a été poffible , on panfe
le malade en faifant entrer dans la plaie
une bandelette de linge en forme de féton ;
elle eft préférable à une tente de charpie
qui s'oppofe à I'iiTue des matières , & qui
caufe de la douleur au malade , parce
qu'elle écarte & irrite les parties au tra-
vers defquelles elle paffe ; ce qui eft fuivi
d'inflammation , & quelquefois de la carie
des côtes. On panfe le refte de la plaie à
plat ; on applique deux ou trois comprennes
graduées & un bandage de corps foutenus
du fcapulaire. ( Voye\ BANDAGE & SCA-
PULAIRE. ) Les panlemens fe continuent
jufqu'à ce que les matières foient totale-
ment évacuées ; on eft fouvent obligé de
les réitérer deux & trois fois par jour ,
quand l'abondance de la fuppuration-
l'exige. Lorfqu'il s'agit de confolider la
plaie , on fupprime la bandelette qui en-
tre dans la poitrine , & on couvre la plaie
avec un linge fin fur lequel on met une
pelote de charpie foutenue des compref-
fes & du bandage, alors on cicatrife l'ul-
cère fuivant les règles de l'art. Vbye[ UL-
CERE.
On fait l'opération de Yempyeme dans
le lieu de néceflité , lorfqu'on ouvre un
abcès à la poitrine dans le lieu où la ma-
tière fe préfente. Le foyer de ces abcès la
trouve ordinairement dans le tiffu cellu-
laire qui unit la plèvre aux mufcles inter-
coftaux internes ; il faut ménager cette
cloifon poftérieure pour empêcher l'épan-
chement du pus dans la cavité de la poi-
trine ; ce qui arrive afTez fouvent par l'éro-
lion de la plèvre , lorfqu'on diffère trop
à faire l'ouverture de ces abcès. Voye\
Abcès. [Y)
EMPYEM.E, opération ( Manège , Marè-
challerie. ) L'anatomie des animaux , trop
négligée parmi nous , a frayé le chemin
de l'anatomie de l'homme. La nature
e'clipfée , pour ainfî dire , dans les cadavres,
fe montre à découvert dans le vivant ; &
le fcalpel , en des mains aufîi intelligentes
que celles des Hérophiîe , des Pecquet ,
E M P 301
des Harvey , &c. , a été un infiniment
d'autant plus utile , que nous ne devons
qu'aux comparaifons exaâes qu'ils ont fai-
tes , & aux différences qu'ils ont obfer-
vées , les grandes découvertes dans les-
quelles confident aujourd'hui les princi-
pales richeffes de la médecine du corps
humain.
Après ces avantages , dont la réalité eft
généralement avouée , la chirurgie pour-
roit-elle méconnoître la fource des biens
dont elle jouit, & nous en refufer le par-
tage ? Il doit nous être fans doute d'au-
tant plus permis d'y prétendre , que nous
pouvons profiter du jour qui l'éclairé fans
lui en dérober la lumière s & fans nous
rendre coupables de la moindre ufurpa-
tion.
Tous les cas qui peuvent engager le chi-
rurgien à pratiquer Yempyeme , peuvent fe
préfenter au maréchal. L'animal n'eft pas
moins expofé que l'homme à des pleuré-
fies , à la péripneumonie , à des épanche-
mens de pus , à des épanchemens d'eau ,
conféquemment à une hydropifie , enfin
à des épanchemens de fang caufés par quel-
ques plaies pénétrantes dans la poitrine , ou
par l'ouverture d'une artère intercoftale :
mais de toutes ces circonftances , celles où
l'opération dont il s'agit me paroît d'une
plus grande efficacité , font apurement les
bleflures fuivies d'une effufion dans la ca-
pacité.
Suppofonsdonc un épanchement de fang
produit par les dernières caufes que je lui ai
afîignées.
Je reconnoîtrai d'abord la plaie péné-
trante par fa circonférence emphyfémateufe
par le moyen de la fonde & du doigt ,
par l'air qui frappera ma main au moment
que je l'en approcherai , par le fifïlement
qui accompagnera la fortie de ce même
air , par la vacillation de la flamme d'une
bougie que je lui préfenterai , par le fang
écumeux qui , pouffé au dehors avec plus
ou moins d'impétuofité , me prouvera en-
core d'une manière fenfible , que le pou-
mon eft intéreffé , & dont la quantité
m'apprendra , de plus , s'il y a réellement
ouverture de quelques vaiffeaux 'confîdé-
rables. Je ferai enfin convaincu de l'épart-
• chement , dès qu'outre ces fymptomes.s
•01
E M P
î'obferverai un violent battement de flanc
& une grande difficulté.' de refpirer. Il eft
vrai que , vu la fituation horizontale de
l'animal , le diaphragme ne fe trouve pas ,
ainfi que dans l'homme , fin-chargé par le
poids de la matière épanchée ; mais elle
gêne conftamment l'action des poumons,
qui , dans une cavité proportionnée à leur
jeu , ne peuvent que fourFrir d'une hu-
meur contre nature , toujours capable de
s'oppofer à leur libre dilatation. Du refte ,
tous les autres fignes qui atteftent l'effuiion
dans le thorax humain , ne peuvent nous
être d'aucune indication, relativement àun
animal qui ne fauroit nous rendre compte
du fiege des douleurs qu'il reffent , &
que par cette raifon nous placerions vaine-
ment dans des attitudes différentes, quand
même nous en aurions la facilité & le pou-
voir.
Quoi qu'il en foit , l'épanchement érant
certain , & la ligature , dans le cas où l'ef-
fufion a été provoquée par l'ouverture d'une
artère intercoftale, étant faite (voye^ Liga-
ture) , il faut néceflanement vider le
thorax.
La plaie fuffiroit à cet effet , fi fa fitua-
tion étoit telle qu'elle ftit à la partie infé-
rieure de !a poitrine ; on pourroit alors ,
à l'imitation du chirurgien , en augmen-
ter l'étendue , en la dilatant à l'aide de la
fonde crénelée & du biftouri , félon le
befoin , & pour faciliter l'écoulement hors
de la capacité , après quoi on le hâteroit
en comprimant les nafeaux de l'animal ,
fur-tout fi les vaifTeaux du poumon avoient
été attaqués , parce que ce vifcere conte-
nant enfuite de cette comprcflion une
plus grande abondance d'air > chafferoit
avec plus de force le fluide dévoyé ; on
paiferoit de là aux injections chaudes &
douces , &c. ; mais dès que la plaie a été
faite à la partie fupérieure , il n'eft pofîible
de dégager la cavité du fang qui y nage,
qu'en pratiquant une contre - ouverture ,
& c'eft ce qu'on appelle proprement Yem-
pyemt.
La différence de lapoiition de l'homme
& du cheval en établit une relativement
an lieu où nous devons contre - ouvrir.
Dans le premier , attendu fa lituation , &
eu égard à l'inclination du diaphragme ,
E M P
l'humeur ftagnante fe porte en bas & erï
arrière , & dénote l'endroit où l'on doit
lui frayer une iffue. Dans le cheval , l'obli-
quité de cette cloifon mufculeufe n'eft pas
moindre ; mais elle ne fauroit guider ainfi
le maréchal , parce que l'animal étant fitue
horizontalement, fa direftion eft verticale,
& que la partie la plus baffe du thorax
eft fixée précifément aux derniers cartilages
des côtes , & à leur jondion au fternum.
^,'eft auffi cette même partie que nous
arrêterons pour opérer , en choiii fiant du
côté affeclé l'intervalle des cartilages de la
huitième & de la neuvième côte de devant
en arrière , & à cinq ou fix pouces du
fternum ; car nous ne {aurions nous adref-
fer avec fuccès plus près de cet os , parce
que les cartilages y font trop voifins les
uns des autres. Remarquons ici que tout
concourt à favorifer notre entreprife. iy. Il
efl certain que , fans forcer l'animal d'aban-
donner fa fituation naturelle , les humeurs
ne trouveront aucun obftacle à leur évacua-
tion , puifque leur pente répondra à l'ou-
verture pratiquée. 2°. Nous ne craindrons
pasfansceiTed'intérefterl'artereintercoftale
en incifant , parce que là elle eft divifée
en des rameaux d'un diamètre peu conft-
dérable.
Commençons donc à nous faifir de la
peau à l'endroit défigné y & faifons-y ,
avec le fecours d'un aide , un pli qui foit
tranfverfal par rapport au corps. Coupons
ce p!i , il en réiultera une plaie longi-
tudinale qui comprendra les deux cartila-
ges, au milLu defque's nous nous pro-
polerons d'ouvrir ; car telle doit être l'é-
tendue de la première incificn. Faifons-
en une féconde dans la même direction à
la partie du mufcle grand oblique de
l'abdomen qui eft au deffous , nous dé-
couvrirons les cartilages des côtes & des
intervalles. Incifcns enfin tranfverfalement
les mufcles intercoflaux & la plèvre , juf-
qu'à ce que nous ayions pénétré dans la
cavité ; ce dont nous feror.s afïurés , par
l'infpection de l'humeur qui s'écoulera ,
ou fi nous avions eu le malheur de nous
tromper , par le vide que nous apper-
cevrons ; car dès que la plèvre eft ouverte,
l'air extérieur oblige le poumon à s'af-
faiffer fur le champ ; ce qui préferve ce
E M P
vifcere des offenfes de l'inftrument dont
rous nous fervons. Cette dernière ouver-
ture aura au moins un pouce de largeur ,
à l'effet de fournir un paffage , & au fang
vraiment liquide , & à celui qui fe préfen-
teroit en grumeau.
Du relie , je ne m'étendrai point ni
fur les panfemens , ni fur toute la ^con-
duite que l'on doit tenir dans la fuite du
traitement ( voye\ ci dejfus , EMPYEME
relativement au corps humain ; voye{ les
différens cours d'opérations de chirurgie ,
voye{ PLAIE.) Je me contenterai de faire
obferver que le bandage , propre à main-
tenir l'appareil dans cette circor.ftance, ne
doit être autre chofe qu'un furfaix armé
de couflinets à l'endroit de l'opération
pratiquée ; opération dont je n'ai prétendu
d'ailleurs que démontrer la poffibilité , les
différences & les effets, (e)
EMPYRÉE, f. m. en Théologie , le plus
haut des cieux , le lieu où les faints jouif-
fentde la vifion béatifique. On l'appelle
auiTi le ciel empyrée , & paradis. Voye^
Ciel.
Ce mot eft formé du grec i* , dans , &
wuf , feu , pour marquer l'éclat & la
fplendeur de ce ciel.
Quelques pères ont penfé que Y empy-
rée avoit été créé avant le ciel que nous
voyons. Comme ils fuppofent quec'eftla
demeure de Dieu», ils foutiennent qu'elle
doit être extrêmement îumineufe , fuivant
cette parole de faint Paul , lucem habitat
inaccejjibikm. Mais une difficulté les ar-
rête : c'étoit d'expliquer I'obfcurîté qui ré-
gnoit dans le monde avant la création du
foieil. Pour la réfoudre, ils ont eu re- ,
cours à cette hypothefe : que les cieux |
que nous voyons , étant une efpece de ;
rideau , dérobèrent à la terre & aux eaux I
la lumière de Y empyrée. Au refte, ni cette |
fuppofltion , ni l'opinion qui l'a occafio- \
née , n'ont pas paru aflez fondées aux !
théologiens pour les élever au defïus du j
rang de (impies conjectures.
M. Derham a cru que les taches qu'on
apperçoit dans certaines conftellations , !
font des trous du firmament , à travers
lefquels on voit Y empyrée. Voilà une idée
* bien extraordinaire , pour ne rien dire de
EMU 303
plus. Voye7 ÉTOILE , FIRMAMENT , &c.
(G)
EMPYREUME, {Chimie.) veut dire
odeur de feu. Le mot empyrewr.e vient du
grec ifiTrvfi'Jitv 9 qui lignifie enflammer , ou
brûler.
Empyrewne ne fe dit que de l'odeur
défagréable que le feu peut donner ; en
forte que ce qui fent le brûlé fans être
défagréable , comme les amandes grillées ,
le fucre brûlé , le café , &c. n'eft point
appelé empyreumatique.
La plupart des eaux diftillées , foit fpiri-
tueufes,foit puren^fcit aqueufes , ont une
odeur d empyreume Torfqu'elles font récen-
tes : c'eft pourquoi on laiffe toujours
quelque temps ces liqueurs communiquer
avec l'air, pour leur faire perdre ce qui
leur donne l'odeur du feu , qui eft toujours
une matière volatile & peu adhérente aux
liqueurs dont il s'agit.
On laiffe les eaux {impies pendant quel-
ques jours expofées au foieil dans des
bouteilles , dont on couvre feulement
l'ouverture avec un papier qu'on perce
de plufieurs trous.
Pour ce qui eft des eaux fpiritueufes
nouvellement diftillées , on ne bouche pas
d'abord autrement l'ouverture des bou-
teilles qui les contiennent , & on les laiffe
dans cet état pendant quelques heures dans
un lieu frais. Chambers.
L'odeur de feu eft beaucoup plus inhé-
rente aux huiles appelées empyreumati-
ques ; on ne l'en fépare pas entièrement
par la rectification même réitérée , & par
le fecours des intermèdes. Voye{ HuiLE.
EMS , ( Géogr. mod. ) fleuve d'Alle-
magne ; il a fa fousce au comté de Lippe ,
pafle dans POoft-Frife , & fe jette dans la
mer au deffus d'Embden.
ÉMULATION , f. f. {Morale.) paiTion
noble, généreufe , qui, admirant le mé-
rite , les belles chofes & les ad ions d'au-
trui , tache de les imiter , ou même de
les furpaffer, en y travaillant avec cou-
rage , par , des principes honorables &
vertueux.
Voilà le caractère de Yémulation , & ce
qui la diftingue d'une ambition défordon-
née, de la jaloufte & de l'envie : elle ne
tient rien du vice des unes ni des autres.
304 EMU
En recherchant les dignités , les charges ,
& les emplois , c'eft l'honneur , c'eft l'a-
mour du devoir & de la patrie qui l'a-
nime.
Uémulation & la jaloufie ne fe rencon-
trent guère que dans les perfonnes du
même art , de mêmes talens , & de même
condition. Un homme d'efprit , dit fort
bien la Bruyère , n'eft ni jaloux, ni émule
d'un ouvrier qui a travaillé une bonne
epée, d'un ftatuaire qui vient d'achever
une belle figure ; il fait qu'il y a dans ces
arts des règles , & une méthode qu'on ne
devine point ; qu'il fia des outils à manier
dont il ne connoît ni l'ufage , ni le nom ,
ni la figure ; & il lui fuffit de penfer
qu'il n'a point fait l'apprentiflage d'un cer-
tain métier , pour fe confoler de n'y être
point maître.
Mais quoique Vémulation & la jaîoufie
aient lieu d'ordinaire dans les perfonnes d'un
même état , & qu'elles s'exercent fur le
même objet, la différence eft: grande dans
leur façon de procéder.
Uémulation eft un fentiment volontaire,
courageux , fincere , qui rend l'ame fécon-
de , qui la fait profiter des grands exemples,
& la porte fouvent au deflus de ce qu'elle
admire ; la «jaloufie , au contraire , eft un
mouvement violent , & comme un aveu
contraint du mérite qui eft hors d'elle , &
qui va même quelquefois jufqu'à le nier dans
les fujets où il exifte. Vice honteux , qui ,
par fon excès , rentre toujours dans la vanité
& dans la préfomption !
XJ émulation ne diffère pas moins de
l'envie : elle penfe à furpaflTer un rival par
des efforts louables & généreux. L'envie
ne fonge à PabahTer que par des routes
oppofées. \J émulation , toujours agiflante
& ouverte , fe fait un motif du mérite
d'autrui , pour tendre à la perfection avec
plus d'ardeur : l'envie froide & feche s'en
attrifte , & demeure dans la nonchalance.
Paffion ftérile qui laifTe l'homme envieux
dans la pofition où elle le trouve , ou dont
le vice qui le cara&érife eft l'unique ai-
guillon ! Quand on eft rempli $ émulation ,
le manque de fuccès fait qu'on fe repro-
che feulement de demeurer en arrière ;
mais dès qu'on eft mortifié des progrès
& de l'élévation de fes rivaux pleins
EMU
de mérite , on a pafle de Vémulation I
l'envie.
Voulez-vous connoître encore mieux
Vémulation ? Elle ne tâche d'imiter ÔC
même de furpaffer les actions des autres ,
que parce qu'elle en fait le prix , & qu'elle
les refpecte ; elle eft prudente , car celui
qui imite , doit avoir mefuré la grandeur
de fon modèle & l'étendue de fes forces ;
loin d'être fiere & préfomptueufe , elle fe
manifefte par la douceur & la modeftie ,
elle augmente en même temps fes talens ,
& fes progrès par Je travail & l'applica-
tion ; pleine de courage , elle ne fe laifte
point abattre par les difgraces , & fi elles
font méritées, elle répare fes fautes^enfin ,
quoiqu'il arrive , elle ne veut réufîir que par
des moyens légitimes , & par la voie de la
vertu.
Ceux qui font profefïion des fciences
& des arts , les favans de tout ordre , les
orateurs , les peintres , les fculpteurs , les
mufîciens , les poètes , & tous ceux qui
fe mêlent d'écrire , ne devroient être
capables que d'émulation; ils devroient tous
penfer & agir de la même manière que
Corneille agifloit & penfoit : " Les fuccès
» des autres , dit-il , dans la préface qui
» eft au devant d'une de fes pièces ( la
» fuivante ) , ne produifent en moi qu'une
» vertueufe émulation qui me fait redou-
» bler mes efforts , afin d'en obtenir de
n pareils ».
Je vois d'un ail égal croître le nom d'autrui ,
Et tâche à m' élever auffi haut comme lui ,
Sans hafarder ma peine â le faire de/cendre.
La gloire a des tréfors qu'on ne peut épuifer;
Et plus elle en prodigue à nous favorifer ,
Plus elle en garde encore où chacun peut prétendre.
Des fentimens fi beaux , fi nobles & fi
bien peints , mettent le comble au mérite
du grand Corneille. Art. de M. le chevalier
de Jaucourt.
ÉMULGENS , adj. pi. en Anatomie, fe
dit des vaiffeaux qui aboutiffent aux reins.
Voy. les planches d1anatomie.
Les artères émulgentes partent du tronc
defcendant de l'aorte pour fe rendre aux
reins , & les veines émulgentes en fortenc
pour
EMU
pour fe terminer au tronc afcendant de
la veine-cave. Voye\ RÉNALES. (L)
EMULSION , f. f. (Pharmacie & Mat.
méd. ) c'eft ainfi qu'on nomme en méde-
cine une-liqueur laiteufe formée par l'union
■de Feau , & d'une fubftance végétale par-
ticulière , contenue dans les femences
appellées émulfives* Voye\ SEMENCES
ÉMULSIVES.
La liqueur connue de tout le monde
fous le nom $ orgeat , n'eft autre chofe
•que Y émulfion dont il s'agit ici.
Les femences , dont on tire le plus
ordinairement les émulfions , & qui en font
proprement la bafe , font les amandes
douces , les pignons , & les quatre femen-
ces froides majeures. Voye\ AMAN-
DES, Pignons, & Semences froides.
Pluiieurs médecins demandent auffi , aflêz
fouvent , la femence de pavot , celle de
laitue , celle de violette , & quelques autres
de la même nature : mais comme ces
dernières femences , qui font fort petites ,
fournirent moins de parties émulfives que
les premières , qu'elles donnent ces parties
plus difficilement , & qu'il n'eft pas pof-
fible d'appuyer fur la moindre obferva-
tion leurs prétendues vertus particulières ,
qu'il eft démontré , par exemple , que la
partie émulfwe de la femence de pavot ne
participe du tout point de la vertu cal-
mante de cette plante ; pour ces raifons ,
dis-je , on n'ofe avancer , avec confiance ,
que c'eft une pratique louable de pref-
crire toujours , par préférence , les pre-
mières femences que nous avons nom-
mées ; & de ne pas multiplier inutilement
les matériaux de Yémulfion.
Plufieurs auteurs ont des prétentions
fur Yémulfion tirée de la femence de chan-
vre. Voye\ Chanvre.
On .emploie auffi quelquefois les amandes
■ameres, mais toujours mêlées en petite dofè
À une quantité plus confidérable de l'une
des femences que nous avons dit devoir
faire la bafe du remède , & feulement
dans la vue d'en relever un peu le goût.
On édulcore les émuljions avec une
quantité de fucre ou de firop , détermi-
née par le médecin ; on les aromatife auffi
quelquefois- avec quelque eau diftillée.
On emploie plus ou moins d'eau , fê- i
Tome X1L
EMU 305
Ion qu'on veut avoir une émulfion plus ou
moins chargée.
Pour faire une émulfion , c'eft-à-dire ,
pour unir à l'eau la fubftance végétale
particulière , que nous connoiffons fous le
nom ftémulfive y on s'y prend de la ma-
nière fuivante.
Prenez , par exemple , vingt - quatre
amandes douces mondées (voye\ Mon-
der, Pharm. ) ou bien del'uno-des gran-
des femences froides mondées , ou des
quatre enfemble , fix gros , & cinq ou fix
amandes douces mondées ; écrafez - les
dans un mortier de marbre avec un pilon
de bois , d'abord à fec , mais bientôt ver-
fez fur ces femences une ou deux cuille-
rées d'eau , & continuez à piler en ajou-
tant peu à peu toute l'eau que vous avez
deflein d'employer (la quantité des femen-
ces demandées dans cet exemple fuffit
pour charger fuffifamment deux livres
d'eau), difïblvez votre fucre (une once
fuffit pour deux livres à' émulfion ) , paffez
à travers un linge ferré , & exprimez
légèrement. Si c'eft un firop que vous
employez au lieu de fucre , vous ne l'ajoute-
rez qu'après la colature , avec l'eau diftil-
lée deftinée à aromatifer Y émulfion. Dans
Y émulfion que nous venons de décrire , on
pourra diffoudre , au lieu de fucre , une
once & demie de firop de capillaire , de
violette , de tuffilage , de guimauve , ou
bien une once de l'un de ces firops , & trois
gros ou demi-once de firop de diacode , fi
on veut rendre Y émulfion narcotique. Une
pinte de cette liqueur eu aromatifee à un
point très-agréable par l'addition d'une
demi-once d'eau de fleurs d'orange , ou
d'eau de cannelle appellée orgée.
S'il nage de l'huile fur la furface d'une
émulfion qu'on vient de préparer , Y émul-
fion a été mal faite ou manquée. Cet incon-
vénient eft dû à ce qu'on a féparé une
huile qui eft un des principes du fuc
émulfif y d'avec une matière muqueufe qui
en eft un autre principe , & à laquelle
l'huile doit fa mifeibilité avec l'eau. T^oye\
Semences émulsives. On prévient ce
défaut en appliquant de bonne heure de
l'eau aux femences que l'on pile , &
même en les triturant avec une partie du
fucre qu'on veut emplover dans Yémul-
$ôS EMU
fion ; car le fucre eft un moj'en d'union
entre les huiles & l'eau. Voyc{ HUILE &
Sucre.
Les Chymifles ont apperçu beaucoup
d'analogie entre les emuljions & le lait des
animaux; on verra avec combien de fon-
dement , a l'article SEMENCES ÉMULSI-
VES. Voye\ cet article. Nous nous conten-
terons d'obferver ici que , comme le lait ,
les emuljions tournent & s'aigrifTent après
un certain temps , en moins de vingt-quatre
heures dans un lieu ou par un temps
chaud ; & que les acides & les efprits
fermentes les coagulent comme le lait. On
ne préparera donc des emuljions que pour
quelques heures , fur-tout en été ; on ne
les mêlera point avec des firops, ou des
fujs acides , & on ne les aromatifera point
avec des eaux fpiritueufes.
JSémulJion fe décompofe par l'ébullition;
ce qu'on appelle dans quelques pays une
émulfion cuite , c'eft-à-dire , à laquelle on
a rait prendre quelques bouillons , eft donc
une préparation monftrueufe , un remède
altéré & dégénéré autant quil eft. poflxble.
La vue médicinale de corriger par cette
coclion une prétendue crudité de V émul-
fion y en1 trop vaine pour pouvoir auto-
rifer une pratique fi directement contraire
aux règles de l'art.
Les emuljions ont toutes les propiiétés
des remèdes appelles rafraîchijfans ', tempe-
rans , délayans ; voye\ DÉLAYANT , RA-
FRAÎCHISSANT & Tempérant : & de
plus elles font nourriflan tes. On les ordonne
très-utilement pour boifîon ordinaire dans
toutes les maladies inflammatoires , & fur-
tout lorfqu'elles affèclent principalement
les vifceres du bas-ventre , dans les diar-
rhées par irritation , dans les ardeurs
d'urine , dans le commencement de la cura-
t'on des chaudepifTes , dans les chaleurs
d'entrailles , & même dans certaines fleurs
blanches. Voye\ ces articles.
Dans tous ces cas on doit preferire les
emuljions à grande dofe , à deux ou trois
livres par jour au moins ; & c'eft avoir
une idéi fort imparfaite de l'action de ce
remède , que d'attendre quelque effet utile
d'un feul verre $ émulfion donné dans la
journée , ou le foir.
Qn fe fert fort ordinairement de Yémul-
EMU
fion comme d'un véhicule commode , pour
donner certains fels neutres étendus dans
une grande quantité de liquide , ou en
lavage , comme on s'exprime communé-
ment. On diflbut , par exemple , un gros
ou un gros & demi de n'tre purifié dans
une pinte 8 émulfion y pour faire ce qu'on
appelle une émulfion nitrée ; c'eft un ufage
fort ordinaire au fit de faire fondre trois ou
quatre grains de tartre émétique dans une
pinte à' émulfion , qu'on donne par verre
pendant le cours de la journée , pour
entretenir les évacuations abdominales dans
plufieurs maladies aiguës. Kqyf^FlEVRE.
On prépare une émulfion purgative qui
agit afîez doucement , & qui n'a point le
dégoût des potions purgatives ordinaires ,
en unifiant intimement , par une longue
trituration , dix ou douze grains de réfine
de jalap à une once de fucre , que l'on
emploie enfuite dans la compofirion d'une
émulfion ordinaire : non-feulement le fuc
émuljif fert dans ce cas à mafquer le goût
de la réfine , mais il concourt aufli avec
le fucre à en corriger l'activité. Le lucre
eft le diffolvant des réiines , & il forme
avec elles un compofé favonneux, milcible
à l'eau. Voye\ SUCRE & RÉSINE. Le fuc
émuljif poffede la même propriété , quoi-
qu'avec un degré très-inférieur. On fait
entrer aufli la réfine de feammonée dans
ces emuljions , à la dofe de deux ou trois
grains , avec huit , dix ou douze grains
de réfine de jalap. Voye\ ScAMMONÉE &
Jalap.
Si l'on difpofe une réfine ou un baume
à être diflbus par l'eau en unifiant ces
fubftances au jaune d'œuf > & qu'on appli-
que de l'eau à ce compofé félon l'art , il
en réfulte aufli une liqueur laiteufe , que
quelques auteurs ont appellee du nom
à' émulfion ; celle-ci eft vulnéraire , déterfive
& cicatrifante ou purgative , félon la pro-
priété de la réfine ou du baume qu'on
y a employé. Voye\ les articles VULNÉ-
RAIRE, Détersif & Purgatif rési-
neux , au mot Purgatif.
La liqueur connue de tout le monde
fous le nom de lait de poule , eft parfaite-
ment analogue à Y émulfion. Voye\ Œuf,
Diète, {b)
JEMUNCTOBŒ, fe dit des canaux
E N
qui déchargent les humeurs fuperfluôs du
corps. Voye\ HUMEUR. (L)
EN
EN & DANS , prcpofitions qui ont
rapport au lieu & au temps. En France,
en un an , en un jour , dans la ville, dans
la mai/on , dans dix ans, dans la fe m ai ne.
M. l'abbé Girard dans ksfynonymes;Vau-
gelas , le P: Bouhours & quelques autres
grammairiens ont fuit des obfervations
particulières fur ces deux prépofitions ; en
effet , dans l'élocution ufuelle il y a bien des
occalions où l'une n'a pas le même fens que
l'autre.
On peut recueillir de M. l'abbé Girard
& des autres grammairiens , que dans
emporte avec foi une idée acceflbife , ou
de lingularité , ou de détermination indi-
viduelle, & voilà pourquoi dans efl tou-
jours fuivi de l'article devant les noms ap-
pellatifs , au lieu que en emporte un fens
qui n'eft. point refîferré à une idée fingu-
liere. C'eftainfi qu'on dit d'un domeftique,
il efl en mai/on, c'eft-à-dire, dans une mai-
fon quelconque ; au lieu que li l'on difoit
qu'z'Z efl dans la mai/on, ou défigneroit une
maifon individuelle déterminée par les cir-
conllances.
On dit , /'/ efl en France , c'eft-à-dire ,
en quelque lieu de la France : il efl en ville,
cela veut dire qu'il efl hors de la maifon ,
mais qu'on ne fait pas en quel endroit^ par-
ticulier delà ville ileir. allé. On dit , il efl
en prifon , ce qui ne défigne aucune prifon
quelconque : mais on dit , il efl dans la pri-
fon du Fort- VEvêque ou de Saint-Martin,
voilà une idée plus précife ; il efl dans les
cachots , c'eft ajouter une idée plus parti-
culière à l'idée d'être en prifon ; aufli ex-
prime-t-on l'article en ces occaiîons. Il efl
en liberté , il efl en fureur , il efl en apo-
plexie : toutes ces expreffions marquent un
état , mais bien moins déterminé que lors-
qu'on dit: il efl dans une entière liberté, \
il efl dans une extrême fureur. On dit , il
efl en EJ pagne , & on dit , il efl dans le
royaume d'Efpagne ; il en Languedoc ,*
& il efl dans la province de Languedoc.
Cette diitin&ion d'idée vague & indé-
E N 307
terminée ou de fens général pour en , &
de fens plus individuel & plus particulier
pour dans; cette diftinâion , dis-je , a fon
ufage : mais on trouve des occalions. où il
paroît qu'on n'y a aucun égard ; ainf]
l'on dit bien , il efl en Afie , fans détermi-
ner dans quelle contrée ou dans quelle
ville de l'Aile il efî ; mais on ne dit pas ,
il efl en Chine , en Pérou, 6V c. , on dit, à
la Chine y au Pérou , &c. Il femble que
l'éloignement & le peu d'ufàge où nous
fommes de parler de ces pays lointains ,
nous les faife regarder comme des lieux
particuliers.
Le P. Bouhours a fait, fur ces deux pré-
pofitions, des remarques conformes à l'u-
fage , & qui ont été répétées par tous les
grammairiens qui ont écrit après cet ha-
bile obfervateur , même par Thomas
Corneille fur Vaugelas. Il me femble
pourtant que le P. Bouhours commence
par une véritable pétition de principe,
{Remarques, tom. Iy p. 6y.) On met tou-
jours EN , dit-il, devant les noms, lorfquon
ne leur donne point d'article : j'en con-
viens , mais c'efr. là précifément en quoi
confifte la difficulté. Un étranger qui ap-
prend le "François , ne manquera pas de
demander en quelles occalions il trouvera
le nom avec l'article ou fans l'article.
Outre ce que nous avons dit ci-defTus
du fens vague & du fens particularifé ou
individuel , voici des exemples tirés , pour
la plupart , du P. Bouhours , & des au-
tres obfervateurs qui l'ont fuivi.
En ou HA.!! S fui vis d'un nom fans article
parce que le mot qui fuit la prépojition
n'efl pas pris dans un fens individuel,
qu'il efl pris dans un fens général d'ef-
pece ou de forte.
En repos ; en mouvement ; en colère; en
bon état ; en belle humeur, enfanté; en ma-
ladie ; en réalité ; enfonge ; en idée; enfan-
taifie ; en goût; en gras; en maigre; en pein-
ture ; en blanc; en rouge; en émail ; en or ;
en arlequin, en capitaine;en roi; en maifon;
en ville ; en campagne ; en province; en fi-
gure; en chair & en os y & autres en grand
nombre pris dans un fens de forte , qui
n'eft. pas le fens individuel. On dit aufli
par imitation , en. Europe & dans l'Eu-
Qq1
3o8 E N A
rope > en France & dans la Fra%ce y en
'Normandie & dans la Normandie, &c.
Defpréaux a dit :
Dans Florence jadis vivolt un médecin.
Art. poét. liv. IV.
Peut-être diroit-H aujourd'hui à Florence.
En otf DANS fuivis d'un nom avec V 'arti-
cle , à caufe dufens individuel.
, Dans le royaume de Naples ; dans la
France; dans la Normandie ;.dans le repos
où je fuis; dans le mouvement y ou dans
l'agitation, ou dans l'état où je me trouve;
ou dit aufii en l'état où je fuis. Dans la
mi f ère ou en la mifere où je fuis;dans la
belle humeur, ou en la belle humeur où vous
êtes ; dans la fleur de l'âge 3 ou en la fleur
de l'âge. Il m' eft venu dans l'efprit. Il eft
allé en V autre monde , pour dire il eft mort :
en ce fens le P. Bouhours ne veut pas
qu'on dife , il eft allé 'dans l'autre monde ;
Gar alors Vautre monde fe prend , dit -il ,
pour le nouveau monde ou l'Amérique.
Dans l'extrémité ) ou en V extrémité où je
fuis; dans la bonne humeur, ou en- la bonne
humeur où il eft ; dans tous les lieux du
monde ,,ou en tous les lieux du monde;
en tout temps ; en tout pays; dans tous les
temps y dans tous les pays. J*ai lu cela en
un bon livre , ou dans un bon livre. En
mille occafions, ou dans mille occafions; en
chaque âge, ou dans chaque âge ; en quelque
penfée , ou dans quelque penfée que vous
foye\; en des livres. ou dans des livres;en de
fi beaux lieux; ou dans défi beaux lieux. (F)
ÉNALLAGE, (-. f. (Gramme) t*<tkK*y*,
changement , permutation , R. ivAKx&ylo ,
permuto; ainfi pour conferver l'orthographe
& la prononciation des anciens , il faudroit
prononcer énallague. C'èft une prétendue
figure de conftru&ion, que les grammairiens
qui raifonnent ne connoiïïent point , mais
que les grammatiftes célèbrent. Selon ceux-
ci, Yénallage eft une forte d'échange qui fe
fait dans les accidens des mots ; ce qui
arrive , difent-ils , quand on met un temps
pour un autre , ou un tel genre pour un
genre différent ; il en eft de même à l'é-
gard des modes des verbes : comme quand
on emploie l'infinitif au lieu de quelque
laode. fini : c eft ainfi que dans Térence
E N A
lorfque le parafire revient de chez Thaïs •
à laquelle il venoit de faire un beau pré-
fent de la part de Trafon , celui-ci vient:
au devant de lui en difant:
Magnasvero agere gratins Thaïs mihi ?
Tex.Eun. iij t ï.
Thaïs me fait de grands, remercîmens fans
doute,.
Qui ne voit que agere eft là pour agit 9.
difent les grammatiftes ?
Ceux au contraire qui tirent de l'analo-
gie les règles de l'élocution , & qui croient
que chaque figne de rapport n'eft le figne
que du. rapport particulier qu'il doit indi-
quer , félon l'inftitution de la langue ;
qu'ainfi V infinitif .ri eu jamais que Y infinitif, ,
le ligne du temps paffé n'indique que le
temps paffé, &c. ; ceux-là , dis— je, foutien--
nent qu'il n'y a rien de plus déraifonnable -
que ces fortes de figures. Qui ne voit que -
fi ces changemens étoient aujfi arbitraires 9-,
dit l'auteur de la. méthode Latine de
Port-Royal (desfig. ch. vij. . p. ^6x) , tou- ■
tes les règles deviendraient inutiles y & il. l'y '
auroit plus de fautes qu'on ne pûtjuftifier
en difant que c' eft une énallage , ou quel-
qu' autre figure pareille ? Que les jeunes
écoliers, perdent de connoître trop tard !
.cette figure , & de n'avoir pas encore l'art
d'en tirer tous les avantages qu'elle offre
à leur pareffe & à leur ignorance ?
En effet, pourquoi un jeune écolier à:
qui l'on fait un crime d'avoir mis un temps
ou un genre pour un autre , ne pourra—
t-il pas repréfenter humblement avec Ho-
race , que le s maîtres ne devroient pas lui
refufer une liberté que le fiecle même
d'Augufte a approuvée dans Térence ;
dans Virgile, & dans tous les autres au-*
teurs de. la bonne Latinité ?
; . . Quid aatem ,
C&cilio , Vlautoque dabit Romanus , ademptum
Mî foeioque? Horat. ars poet. , v. „j j.
Ainfi , la feule voie raifonnable eft dev
réduire toutes ces façons de parler à la fim-
pliciré de la conftruélion pleine , félon la-
quelle feule les mots font un tour qui
préfente un fèns. Un mot qui n'occupe-
, roit dans une phrafe que la place d'un
E N A
autre , fans en avoir ni le genre ni le cas,'
ni aucun des accidens qu'il devroit avoir
félon l'analogie & la destination des lignes;
un tel mot,dis-je, ieroit lâns rapport,
& ne feroit que troubler , fans aucun
fruit , l'économie de la conftructiân.
Mais expliquons l'exemple que nous
avons donné ci-deffus de YènaXla%ermag-
nas vero agere gracias Thaïs milii î l'ellipfe
fuppléée va réduire cette phrafe à la cons-
truction pleine. Thrafon plus occupé de
fon préfent que Thaïs même qui l'avoit
reçu , s'imagine qu'elle en eft tranfportée
de joie , & qu'elle ne ceffede l'en remer-
cier : Thaïs verb non ceffat agere mihï mag-
nas gratïas , où vous voyez que non ceffat
eft la raifon de l'infinitif agere .
L'infinitif ne marque ce qu'il fignifie
que dans un fens abftrait ; il ne fait qu'in-
diquer un fens qu'il n'affirme ni ne nie ,
qu'il n'applique à aucune perfonne déter- \
minée : hominem effe folam, ne dit pas que
l'homme foit feul , ou qu'il prenne une
compagne ; ainii l'infinitif ne marquant
point par lui-même un fens déterminé , il
faut qu'rl foit mis en rapport avec un
autre verbe qui foit à un mode fini , &
que ces deux verbes deviennent ainfi le
complément l'un de l'autre.
Telle efl fans doute la raifon de la
maxime iv que la méthode Latine de
P. R. établit au chapitre de Vellïpfe -, en
ces termes : " Toutes fois que l'infini—
?> tif efl fèul dans-1'oraifon, on doit fous-
?> entendre un verbe qui le gouverne
r> comme cœpit y folebat .ou autre : ego
?> illud fedulo negare faclum ( Terent. )
» fuppléez cœpi .-facile omnes perferre ac
t> pari (idem.) fuppléez folebat,. Ce qui
}> eft plus ordinaire aux poètes- & aux
»■■ hiftoriens où l'on doit toujours
» fous-entendre un verbe fans prétendre
*>qae l'infinitif foit là. pour un temps
?> fini , par une figure qui ne. peut avoir
» aucun fondement. » (F)
ENARBRER, en Horlogerie , fignifie
faire tenir une roue fur fon arbre , ou fa
tige , ce qui fe fait de plufieurs façons ;
dans les montres & dans les pendules ,
o'eft ordinairement en les rivant :tous les
deux enfemble.
On dit qu'une . roue eflbien enarbrc'e ,
E N A 305*
lorfqu'elle tourne bien droit & bien rond'
fur fon arbre. Voyez Roue, Pignon, &c.
(T)
ENARRHEMENT ou ARRHEMENT,
f. m. ( Comm. ) convention d'acheter une
marchandife à un certain prix , pour fu-
reté de quoi on donne, par avance y. quel-
que choie furie prix convenu. Il y a des
enarrhemens permis par les loix , & d'au-
tres qu'elles prohibent , tels que ceux qui
vont à affurer à un particulier une très-
grande quantité, ou même toute une es-
pèce de marchandifes , pour y mettre la-
■cherté. Voy. ARRHES & ARRHER. Z)zV7.
du Comm. de Tre'p. & de Chambers. (G)
ENARRHER , convenir du prix d'une
chofe , donner des arrhes pour la fureté
de l'exécution du marché.
EN ARTHROSE, f. f . {Anat.) c'eft
une des trois efpeces de diarthrofe , c'eft-
à-dire , d'articulation ofleufe avec mou-
vement :les deux autres font Yarthrodie &
le ginglyme.
Venarthrofe fe fait, dit-on , lorsqu'une
grofTe tête d'os eft reçue dans une cavité
profonde , comme-ia- tète du fémur dans
Ma cavité des os innommés ; Yarthrodie a
Jieu lorfqu'une tête plate eft reçue dans
une cavité fuperficieile , comme la tète de
l'os du bras dans la cavité glénoïde de
l'omoplate ; le ginglyme confifte dans la
réception mutuelle de deux os , comme
eft celle de l'humérus &-du cubitus-. Voici
maintenant l'origine de ces mots Grecs y
& de tous ceux des articulations. •
; Les anciens , confidérant que les os du :
corps humain font joints enfemble de di-
verses manières ; les uns avec mouvement
& les autres fans mouvement , ont inventé
plufieurs termes pour fpécifier la différence
At ces - aftèmblages ; cependant malgré les
foins qu'ils fe font donnés , & l'obligation
qu'on leur doit d'avoir ouvert' cette car-
rière épineufe , ils ont fait de vains efforts
;pour accommoder , à leurs termes, toutes
les articulations qui fe préfentent dans le'
corps de l'homme , outre que les' termes
qu'ils ont < employés expriment' quelque-
fois affez mal les chofes auxquelles ils ont
voulu les confacrer.: Les modernes s'en. •
étant apperçus , ont ajouté , par fupplé-
ment, de nouvelles fubdivifions aux an—-
3io E N C
ciennes ; mais loin d'éclaircir cette ma-
tière, ils l'ont rendue plus abftraite &
plus inintelligible.
Ces réflexions ont engagé M. Lieutaud
à abandonner l'ancienne méthode fur les
noms des articulations , & à lui fubfti-
ruer une nouvelle théorie , qui nous pa-
roît plus (impie , plus naturelle que celle
qu'on fuit ordinairement , & qui , du
moins , a l'avantage d'être proportionnée
aux connoifTances de ceux qui commen-
cent. On trouvera dans fon AnatomieYex-
polition de fa méthode; car il ne s'agit
pas ici d'entrer dans ce détail : il nous
f uffira de remarquer , avec cet auteur ,
que c'eft parler improprement , de don-
ner le nom de connexion à Yénarthrofe , à
Yarthrodie , & au ginglyme.
En effet , qu'on coupe dans un fque-
lette frais les ligamens de l'articulation du
fémur , comme le dit M. Lieutaud , on
ne détruit point Yénarthrofe ; cependant les
os fe féparent , & on ne fauroit les raf-
fembler , fi on ne les attache par des liens
artificiels : concluons que ce font les liga-
mens dans le fqueletre frais , & le fil de
laiton dans le fec , qui font la connexion
du fémur avec les os innommés , & non
pas Yénarthrofe , qui ne fert tout au plus
qu'à marquer le mouvement que doit
avoir la partie, de même que Yanarthrodie
& le ginglyme. Article de M. le chevalier
JPE Jaucourt*
ENAUCHER, en terme d'Epinglier,
c'eft former , fur l'enclume , la place de
la branche de l'épingle , avant celle de
la tête ; fans cette précaution il eft aifë de
concevoir qu'elle feroit écrafée.
ENCABANEMENT , f. m.J^Marme.)
©n appelle ainfi la partie du côté du na-
vire qui rentre depuis la ligne du fort
jufqu'au plat bord. Voye\ Marine , plan-
che V , la coupe d'un vaifTeau dans fa
Largeur , où la partie comprife entre la
ligne du fort & le plat bord eft aifée à
diftinguer. {Z)
ENCADRER , v. ad.c'eft mettre dans
un cadre ; on encadre un tableau , .une
eitampe.
ENCAISSÉ , adj. (Comm.) marchan-
dife ou effet qu'on a mis dans une caifTe pour
.ça faciliter le tranfport. Voye\ CAISSE.
E N C '
ENCAISSEMENT , f. m. aâion d'en-
caiffer.
Encaissement ; c'efl tout un ouvrage
de charpente , dans lequel on coule à fond
perdu de la maçonnerie pour faire une
crèche.
ENCAISSER , mettre des marchandifes
ou des effets dans une caifie pour les envoyer
dehors.
ENCAISSER, fe dit auffi de l'argent qu'on
met dans une caifTe ou coffre-fort à part,
pour le garder & l'employer dans le temps
aux frais & dépenfes de quelque entreprifè.
Diclionn. du Comm. de Trévoux , &
Chambers. (G)
ENCAISSER , (Jard.) eft l'action de re-
mettre dans de nouvelles caifîes , des arbres
à fleurs qui en ont befoin. Voye^ REN-
CAISSER.
ENCAN, f. m. (Jurifp.) eft u<ne vente
de meubles qui fe fait par autorité de juftice,
ou du moins publiquement par le miniftere
d'un huiffier ou fergent, au plus offrant &
dernier enchériflèur. Ce mot vient du latin
in quantum , d'où l'on a fait inquant, terme
qui eft encore ufité dans quelques provin-
ces ; & en d'autres , par corruption , on a
dhencan. Ménage & Ducange font venir
ce mot d'incantare, qui fignihe crier ; mais
l'autre éty mologie paroît plus naturelle. Les
meubles vendus à Ytncan , ne peuvent plus
être revendiqués après les huit jours de re-
coufîe , dans les coutumes qui accordent
au faiii ce droit de recoufTe ou forgage.
Voye\ RECOUSSE. (A)
ENCANTHIS , f. m. (Médec. Chir. )
terme Grec , tranfmis dans notre langue
parce qu'on ne peut le rendre que par une
périphrafe ; il eft compofé de la particule
iv ., dans , & KavSof , angle de l'œil.
IL 'enranthis-eû une excroiiîànce charnue,
ou fi l'on veut un tubercule qui fe forme
dans l'angle interne de l'œil.
Pour connoître pofitivement le lieu de
cette excroiiîànce , il faut rappeller , i °. à fa
mémoire la petite mafîê rougeatre, grenue ,
& oblongue, nommée caroncule lacrymale,
qui eft fituée entre l'angle interne des pau-
pières , & le globe de l'œil. Cette elpece
de glande conglomérée , dont on doit la
meilleure defcription à Morgagni , fëpare
une partie de l'humeur febacég de Meibo-
E N C
laïus. 1°. Il faut encore fe rappeller que fur
le globe de l'œil , à côté de ce petit corps
glanduleux , Te trouve une cuticule rouge ,
ou plutôt un pli -fémi-lunaire , formé par
la conjonctive en manière de croisant ,
dont la cavité regarde l'uvée , & la con-
vexité le nez. Or , c'eft précii'ément , ou
dans la caroncule lacrymale , ou dans la
cuticule rouge qui lui eft eontiguë , que
Yencanthis a (on fiege.
Ce tubercule , quelle qu'en foit la caufe ,
vice interne des humeurs ou accident ex-
terne , groiîit quelquefois jufqu'à couvrir
les points lacrymaux , & la plus grande
partie de la prunelle : alors la vue s'af-
foiblit , les yeux s'enflamment , défigurent
le vifage & larmoient continuellement.
Les gens de l'art distinguent avec raifon
deux eipeces Yencanthis \ l'une douce ,
bénigne , fongueufe , rougeâtre , n'eft
accompagnée , ni de douleur , ni de dureté ;
l'autre dure , blanchâtre ou plombée , caufe
une douleur piquante , & tient de la nature
du cancer.
Pour guérir Yencanthis , on tache de con-
fumer &: delîécher cette excroifïance fon-
gueufe , en mettant deffus trois ou quatre
fois par jour une poudre très-fubtile faite
avec quinze grains de verdet brûlé , dix
grains d'alun calciné , un fcrupule d'iris
& une drachme de fucre candi , lavant l'œil
une demi-heure après avec quelque eau
ophthalmique.
Quelques auteurs confeillent de fe fervir
du verdet ou de l'alun , d'autres du préci-
pité rouge ; quelques autres ne craignent
point de toucher cette excroiifance avec
ï'efprit de vitriol : mais l'ufage de tous ces
cathérétiques eft dangereux , parce que l'ap-
plication n'en peut être affez jufte pour ne
pas s'étendre un peu aux environs; ce qui
peut occafioner des accidens : il efl plus
prudent de les étendre avec d'autres remè-
des plus doux , pour arFoiblir leur acîion.
1/ 'encanthis réfifte fouvent à tous les remè-
des ; il faut alors en faire l'extirpation de
la manière fuivante. On pafïê à travers de
l'excroifîance une aiguille courbe , enfilée
d'un fil ciré , avec lequel on fait une anfe
que le chirurgien tient avec fa main gau-
che , tandis qu'avec la droite il tient une
lancette ou un petit biftour-i dont il cerne
E N C 3ii
la bafe de la tumeur , ou bien il la coupe
avec la pointe des cifeaux. On met en-
fuite un peu de poudre de fucre candi
dans l'œil , & pardeffus des comprefies
trempées dans un collyre rafraîchiifant. S'il
furvenoit inflammation , on laigneroit la
malade , & on y remédieroit par les
movens convenables. Vcye\ OPHTHAL-
MIE. (F)
* ENCANTRER , terme de Fabrique
des étoffes de foie ; c'eft ranger les canons
dans la cantre , pafîer les brins de foie
dans les boucles de verre , de façon que
l'ourdiflêufe foit prête d'ourdir fa chaîne.
Encantrer fe dit encore des roquetins
fervant au velours , lorfqu'on les difïribue
dans la cantre, & le mot encantrer eft pro-
prement afFeâé à cette opération ; au lieu
que , quand il s'agit d'ourdiifage , on dit
embanquer. Voye\ EmbANQUER.
ENCAPÉ , adj. {Marine. ) terme dont
fe fervent les marins pour dire qu'ils font
avancés entre les caps dans de certains
parages , par exemple , entre OueiTant &
Finilterre ; comme ils difent décapé , lorf-
qu'ils s'éloignent de certaines terres ou gol-
fes , & qu'ils font hors des caps les plus
avancés. (Z)
ENCAPUCHONNER (S'), S'AR-
MER , v. paff. & termes fynonymes ,
( Manège. ) L'un & l'autre expriment
l'action d'un cheval qui , pour ne point
confentir à l'effet des rênes , déplace fa tête
& baifîè le nez , en le ramenant en arrière
de la ligne perpendiculaire fur laquelle il
devroit être.
Je crains fort que M. de la Broue n'ait
erré , lorfqu'il a voulu remonter aux raifons
de l'application du mot armer ufité dans
ce fens. Il prétend que cette expreflion n'a
été employée que parce que le cheval t
dans cette pofition , pré fen tant le haut dit
front , doit donner dans une troupe ferrée
avec beaucoup plus d'aflurance que s'il
avoit le nez légèrement en avant : car il
femble , dit-il , que le cheval fe met en garde
pour vouloir heurter ou foutenir un choc ;
c'eft pourquoi on nomme cette pofture s'ar-
mer. Quelque refpeâable que puiffe être
l'autorité de cet homme auffi malheureux
que célèbre , je ne puis m'empêcher de.
, penfer que nous n'avons adopté en pareil
3i-2 E N C
cas le terme dont il s'agit , que parce que
l'animal, dans cette attitude , s'arme pré-
cifément contre le cavalier , puifque dès-
lors il défend Tes barres , Tes lèvres , fa lan-
gue , fa barbe , & fe fouflrait à tous les
mouvemens de la main.
En effet , en baillant ainfi la tête , il
appuie les branches du mors, ou contre
ion encolure , ou contre Ton poitrail ; or ,
comme la main n'a de pouvoir & d'em-
pire qu'autant qu'elle peut tranfmettre fes
imprefîions jufque dans la bouche , .&
qu'elles ne fauroient y parvenir & s'y ma-
nifefler que par le moyen des branches ,
.qui font le levier qu'elle doit mouvoir, il
fuit de leur appui & de leur fixation contre
ces parties du corps de l'animal , que toutes
{es opérations font inutiles, & qu'elles le
•trouvent conflituées dans une entière ira-
puiflance.
Les chevaux , dont l'encolure eu foible :
& débile , font plus portés à syencapu-
.chonner que les autres.
Il efr. affez difficile de remédier à cette
imperfection , fur-tout quand le cheval en ;
a contracté l'habitude , & qu'il a reconnu
■tous les avantages qu'il peut retirer d'une
ièmblable défenfe ; car il n'efl , pour ainfi
dire , aucune aâion de la main qui puifTe
véritablement porter le nez de l'animal en
avant , elles paroiffent toutes plutôt propres
à le ramener. Nous trouvons cependant
une refTource contre le cheval qui s'arme ,
lorfque nous rendons l'angle que forment
l'extrémité inférieure des rênes & le bas
des branches , beaucoup plus aigu par l'é-
lévation & par le port de notre main en
avant. L'effet de ce changement de pofi-
tion efï tel que l'embouchure , non-feule-
ment en appuyant fur les barres , mais en
remontant & en les froiffant , contraint
l'animal de fe relever , & le de'farme. Cette
voie une lois découverte , il s'agit encore
de l'employer dès que le cheval tend à
s'armer de nouveau , & avant qu'il fe
fbit encapuchonné : une grande attention à
pratiquer .ainfi , pourroit peut-être corriger
entièrement ce défaut , qui a engagé nom-
bre d'écuyers à chercher vainement dans
des embouchures de plufieurs efpeces ,
dans des billots cannelés & arrêtés , dans les
^.us-gorges , dans des boulrs de bois pla-
E N C
cées à l'angle de l'os maxillaire inférieur ,
dans des pointes fixées au bas des bran-
ches, &c. des moyens qui ne leur ont
jamais réuffi.
Le bridon peut être aufïi , dans de
pareilles circonftances , d'une véritable
utilité, (e).
ENCARDIA, f. f. [Hlfi. nat.) pierre
dont parle Pline , & dont il diflingue trois
efpeces : dans la première on voit la figure
d'un cœur tout noir & en relief; la
féconde repréfente un cœur verd ; dans la
troifieme on voit un cœur noir , tandis
que le relie de la pierre eu blanc. Boë'tius
de Boot , de lapid. & gemmis.
ENCASSURE , f. f. terme de Charro-
nage. Les charrons fè fervent de ce mot
pour exprimer une entaille qu'ils font au
lifoir de derrière & à la fellette de devant,
pour y placer les effieux des roues 'qui
s'y trouvent ainfi enchâffées.
ENCASTELÉ , adj. cheval encaftele,
(Manège.) On doit diflinguer le cheval
encaflelé de celui qui tend à Y encaflelure ;
les talons du premier font extrêmement
reflerrés ; les talons du fécond ont du pen-
chant à le rétrécir. Les pies de devant
s'encaflelent, & non ceux de derrière; parce
que ceux-ci font continuellement expofés
à l'humidité de la fiente & de l'urine de
l'animal. Voyez ENCASTELURE. (e)
ENCASTELURE,f. f. (Man. Maréch.)
maladie dont font atteints les pies de devant
des chevaux.
Elle confifle dans un rétrecifîement
extrême des talons auprès de la fente de la
fourchette ; ils fè rapprochent fi intime-
ment , qu'ils femblent , en rentrant l'un
dans l'autre , n'en former qu'un fèul.
Alors les parties molles fituées entre l'on-
gle & l'os du petit pié foufFrent telle-
ment de la comprefïion occafionée par ce
refïerrement , que non-feulement il en
réfulte une douleur très-vive , qui efï
décelée par la chaleur du pié & par la
claudication ; mais des fuites & des àcci-
dens funefles , tels que des fuppurations
intérieures , des reflux de la matière à la
couronne , la corruption des portions
ligamenteufes , tendineufes , aponévroti-
ques , &c.
Uencaftelure eu plus commune dans les
chevaux
ENC
chevaux fins & de légère taille , que dans
tous les autres ; les chevaux d'Efpagne y
font très-fujets. Elle ne provient quelquefois
que d'un talon , & dans ce cas le refferre-
ment eft plus ordinairement dans celui de
dedans que dans celui de dehors , parce
que le quartier de ce côté eft toujours
plus foible.
Nous obfèrvons que le trop de hauteur
des talons eft un acheminement à cette
maladie j les talons bas néanmoins n'en
ibnt point abfolument exempts. Elle s'an-
nonce encore daus un pié qui s'alonge
trop , & qui outrepajfe en talon fa rondeur
ordinaire.
Si la fécherefle & l'aridité de l'ongle ,
fi les mains ignorantes des maréchaux font
les uniques caufès de Vencajlelure , il eft
fans doute très-aifé de la prévenir, foit
en humectant fouvent les pies , foit en
eu confiant le foin à des artiftes éclairés ,
s'il en eft & fi l'on en trouve.
Les preuves de l'aridité & de la conf-
titution trop feche de l'ongle , fe tirent
de la difpofition des talons au reiferrement ,
des cercles ou des rainures qui fe rencon-
trent extérieurement autour du fabot ,
des fèimes que l'on y apperçoit , de la pe-
titeflè , de la maigreur, de l'altération, de
la fourchette , &c. Ce défaut naturel aug-
mentant par notre négligence , précipite
infenfiblement l'animal dans une foule de
maux que nous pourrions lui éviter , fi
nous avions l'attention d'affoupir , par le
moyen de quelques topiques gras & onc-
tueux , les fibres de cette partie.
Prenez cire jaune , fain - doux , huile
d'olive , parties égales } faites fondre le
tout } retirez du feu , & ajoutez enfuite
pareille quantité de miel commun } mêlez-
Jes fur le champ , en agitant toujours la
matière , jufqu'à ce qu'en refroidifiànt
elle acquière une confiftance d'onguent :
fervez-vous-en enfuite pour graiffer l'on-
gle fur tous les environs de la couronne,
à fa naiffance jufqu'aux talons , en rele-
vant le poil , que vous rabattrez enfuite :
garnifiez le deffous du pié avec de la
terre glaife. Ces fortes d'applications faites
régulièrement deux ou trois fois dans la
femaine , plus ou moins fouvent , félon le
befoin & le genre de l'ongle , préferveront
Tome XII.
ENC }i3
l'animal de ces événemens .fâcheux qui le
rendent enfin incapable detre utile.
Mais tous ces foins feroient fuperflus ,
fi l'on ne fixoit fes regards fur le maré-
chal chargé d'entretenir les pies. Il eft
une méthode de les parer & d'y ajufter
des fers , dont on ne peut s'écarter fans
danger \ & de plus on doit craindre ,
même de la part de ceux qui font les mieux
conformés , le rétreciifement dont il s'agit,
lorfque l'on n'eft pas en état de guider la
plupart des ouvriers qui gâtent la configu-
ration de l'ongle , & qui le coupent de ma-
nière à en provoquer les défe&uofités. Voy.
Ferrure , Fer , Pantoufle.
Cette méthode indiquée dans ces articles
eft véritablement telle , que nul cheval ne
peut sencajleler dès qu'on s'y conformera
fcrupuleufement j mais fi Xencafielure exifte
réellement , & que les moyens preferits ,
dans le cas de fon exiftence relativement à
la ferrure , ne produifent aucun effet , ou ne
dégagent pas allez promptement les parties
comprimées & plus ou moins foufFran-
tes \ le parti le plus fur eft de deiïbler l'ani-
mal ( voyei Sole ) , fans perdre un temps
précieux à afToiblir les quartiers en les re-
nettant {voye{ Renettes) , & à donner
vainement des raies de feu {voye{ Feu).
Cette opération , par le feul fecours de la-
quelle nous pouvons élargir à notre gré les
talons , étant bien pratiquée , il n'eft pas
douteux que nous procurerons la guérifon
entière d'une maladie qui reparoîtra bien-
tôt , fi nous ne parons è une rechute par
des foins affidus. (e)
ENC ASTER , v. act. terme de Faïancier ;
e'eft placer les pièces à enfourner dans les
gazettes , de manière que le poids des fù-
périeures n'écrafe point , & ne déforme
pas les inférieures.
ENCASTILLAGE , f. m. ( Marine. )
c'eft l'élévation de l'arriére & de l'avant , &
tout ce qui eft conftruit dans un vaiifeau ,
depuis la lifîè de vibord julqu'au haut. Voy.
ACASTILLAGE. ( Z )
ENCASTRER , en Architeclure , c'eft
enchâifer ou joindre. On enchâfle par eu-
taille ou par feuillure une pierre dans un»
autre , ou un crampon de fon épaifleur
dans deux pierres pour les joindre. On 4^t
auffi confîruire par encadrement. (F)
Rr
3i4 EttC
ENCASTRER, Voyei EMBOÎTER. (P)
ENCAUSTIQUE , adj. Fis i: (?#'*■ )
cfpece de peinture pratiquée par les anciens ,
& qu'on cherche à refîùfciter aujourd'hui.
Quelle étoit la manœuvre des anciens ?
Les méthodes qu'on propofe en approchent-
elles , ou valent-elles mieux ? Il ne refte
d'eux aucun monument en ce genre : on
u'en peut donc juger que d'après les auteurs.
Pline dit , liv. XXXV , chap. xj :Xeris
pingere ac picluram inurere , quis primus
excogitaverit, non confiât. Quidam Arifiidis
inventum putant , pofiea c.onfummatum a
Praxitèle ; fedaliquanto vetufiiores encaufticae
picluras ext itère , ut Polygnoti , & Nicanoris,
& Arcelfiai , Pariorum. Lyjippus quoque ,
Eginœ, piclurce fuœ infcripfit iviuMv^tti, quod
profeclo non fècijfet , mfi encauftica inventa.
Pamphilus y quoque Apellis prœceptor , non
pinxiffe tanthm encauftica \fed ztiam docuijfe
traditur Paufiam Sycionium , pr-imum in hoc
génère nobilem. « On ne fait pas qui le-pre-
» mier imagina de peindre avec des cires &
» de brûler la peinture. Quelques - uns
» croient que c'eft une invention d'Ariftide ,
» enfuite perfectionnée par Praxitèle } mais
» il y a eu des peintures encaufiiques un peu
» plus anciennes, comme de Polygnote ,
3) de Nicanor , & d'Arcéfilaiis , de Paros.
» De plus , Lyfippe d'Egine écrivit au bas
« de fa peinture , il a brûlé ; ce qu'il n'eût
» affurément pas fait , û Xencaufiique n'eût
» été dès-lors inventé. On dit auiîî que
» Pamphiïe , maître d'Apelle , non feule-
» ment peignit des encaufiiques , mais en
« donna des leçons à Paufïas , le premier
» qui fë distingua en ce genre. »
Nicias , qui s'y diftingua auffi , mit à ies
tableaux la même infcription qu'Apelle ,
ivimtv7(v , félon Pline au même livre*
Voilà les inventeurs de Y Encaufiique ; en
voici les efpeces ,. on a trop négligé de les
diftinguer. Dans les recherches difficiles , il
faut s'aider de tout.
Pline dit , /. XXXV , c. xj : Encaufio
pingendi duo fuijje antiquitus gênera confiât ,
cera & in ebore , cefiro , id ifi , viriculo ;
donec clajfespingi cœpêre. Hoc tertium accef-
fit y refolutis igni ceris , penicillo utendi ;
quce piclura in navibus , nec foie , hecfale ,
jentifque corrumpitur.
y II eft certain qu'il y avoit anciennement
E N C
» deux fortes de peintures encaufiiques , eu
» cire , & en ivoire , au ceftre , c'eft-à-
» dire , au touret ( efpece de-burin ) , ju£
» qu'à ce qu'on eût commencé à peindre les
» vaiffeaux. On en a ajouté une troifîeme r
» qui eft d'emp!o)Ter au pinceau les cires
» fondues au feu. Cette peinture pratiquée
» dans les vaiffeaux , ne s'altère ni par le
» fbleil , ni par l'eau , ni par les vents. »
Il paroit qu'avant tout cela l'on avok
déjà une manière d'emplo)'er la cire au feu
& à la broife , & que ces trois fortes de pein-
tures encaufiiques n'en font qu'une extenfion..
Voici ce qu'en dit Vitruve T liv. VII , ch. ix r
Cum paries expoli tus & aridus fusrit , tune
ceram puniceam igni liquefaâam , paulo oleo
temperatam , fetâ inducat. Deinde pofiea car-
bonibus inferreo vafe compofitis , eam ceram,,
cum pariete calefaciendo fudare cogat , fiai que
ut percvquetur. Pofiea cum candela lintei/que
puris fu-bigat , uti Jigna marmorta nuda cu-
rantur. Hccc autem /.*vti; Grcecè dicitur».
« Quand le mur fera poli & fec , qu'on l'en-
» duifè à la broife ,. de cire de Carthage
» fondue an feu , & mêlée d'un peu d'huile^
» Après cela qu'on mette des charbons dans
-» un vafè de fer j qu'en chauffant on faiîe
» fuer la cire avec le mvx , jufqu a ce que
» tout foit égal. Enfuite qu'en le frotte
•)> avec une toile cirée , & qu'on le polilfe
» avec des linges nets , comme on fait aux:
» ftatues de marbre. C'en: ce que les Grecs
» appellent caufis^ uftion. »
Voilà un vernis encaufiique & à la cire ?
dans toute la rigueur des termes. Cette
manœuvre , ignorée fans doute des reft.au-
rateurs de l'ancien encaufiique , répand, ce
me femble, du jour fur l'obicurité de Pline,
puilqu'eîle décide à la fois , & la réalité de
I inuftion , & fa manière. Elle s'applique
d'elle-même à la peinture , & ne permet
plus de difpute , ni au grammairien fur le
fens àiurerey ni au peintre iur le procédé.
Pline fait mention de ce vernis au livre
XXXIII ; mais il ne dit pas un mot de Tuf-
tion : or on s'en eft rapporté à Pline , &
voilà d'où eft venu l'embarras.
Ce n'eft qu'en fuppofantune uftion réelle ,
que le dyftique fiiivant a un fèns net :
Encaufius Fbaeton tabula deftiftus in ijîa efi :
QjHtd tibi 'vis , Dipyron qui Fhaetonta facisl
Martial , /;'v. IV. E^r. xlvij.
E N C
» Ce tableau eft un Phaëton brûlé : Pour-
» quoi Phaëton eft-il brûlé deux fois ? »
Preuve que l'uftion ne fe faifoit qu'après
la peinture.
Autre obfèrvation. AufTitôt qu'il s'agit
des anciens , on n'imagine que du parfait ,
fans fuivre les progrès de l'art. Cela eft fort
à leur honneur ; mais ce n'eft point la mar-
che de l'efprit humain , & il n'eft pas ab-
furde que les anciens , avec d'excellëns
iculpteurs , n'aient eu que de médiocres
peintres.
ïls avoient un vernis encaufîique à la cire ;
ils imaginèrent de teindre la cire , pour la
fubftituer à la détrempe \ mais il ne faut pas
croire qu'ils en eulfent de trente-fîx couleurs.
Pline , liv. XXXV , chap. vij. en nomme
quelques-unes , & dit : cerœ tingumur iifdem
Jiis coloribus ad eas picluras quœ inuruntur.
)> C'eft avec ces couleurs qu'on teint les
•>.> cires pour les peintures qui fe brûlent. »
Il dit plus pofîtivement ailleurs , qu'autre-
fois les peintres , & Polygnote entr'autres ,
n'employoient que quatre couleurs, le blanc,
le jaune , le rouge , & le noir , & toutes
très-communes. Ils n'avoient ni bleu , ni
verd.
Ce ne fut pas d'abord des peintures au
pinceau :, ils gravoient } ils imaginèrent d'en-
luminer leurs gravures. La détrempe avoit
peu de confiftance } ils employèrent leurs
cires colorées , & l'uftion en fit des encaufii-
ques. Quelle que fût d'ailleurs leur manœu-
vre , car faute de guide on ne peut faire ici
que des conjectures hafardées , on conçoit
que ces manières durent précéder Xencaufti-
que au pinceau , qui évidemment étoit plus
difficile. On conçoit encore que ces peintu-
res dévoient être afTez groftïeres , & ceci
n'eft point une idée de fyftême.
Quintilien en parle ainfi , liv, X. Primi
quorum quidem opéra non vetuffatis modo
gratiâ vifendafunt , clari piâores fuijfe dicun-
tur Polygnotus atque Aglaophon , quorum
fimplex color tam fui ftudiofos adhuc habet ,
ut illa propc rudia , ac v dut futur œ mox artis
primo rdia maximis quipofl eos extiterunt^ auc-
toribus prœferantur, proprio quodam intelli-
gendi ( ut mea fert opinio ) ambitu. et Les
» premiers peintres célèbres dont on doit
» voir les ouvrages , non pas feulement
» parce qu'ils font anciens , font Polygnote
E N C " 31 y
» & Aglaophon. Leur coloris fimpîe a eu-
» core des partifans lî zélés , qu'ils préfèrent
» ces préludes groffiers de l'art qui alloit
» naître , aux ouvrages des plus grands maî-
» très qui ont paru après eux j ôc cela , je
» penfe , -par une certaine affectation d'in-
» telligeuce qui leur eft particulière, »
Zeuxis qui , félon le même Quintilien ,
inventa le premier l'art des ombres & des
clairs , montra un art qui vraifemblable-
ment ne fut pas fort cultivé } car le même
auteur dit , liv. VIII , ch. v : Nec piclura in
qua nihil circumlitum efï eminet. Idevque arti-
fices , eiiam cum plura in unam tabulam opéra
contulerunt , fpatiis diflinguunt , ne umbrœ
in corpora cadant. ce La peinture ne fort point ,
» fi 'les entours des corps ne font ombrés.
» Auffi les artiftes qui ont mis plufieurs
» figures dans un tableau , laifTent entr'elles
» des intervalles , pour que les ombres ne
» tombent pas fur les figures. » C'eft-à-dire ,
qu'ils n'entendent guère ni le clair-obfcur ,
ni les reflets , ni la dégradation des teintes ,
& toutes les finenes de la perfpeclive , qui
font le charme de la peinture : auffi leurs
compofîtions n'étoient pas chargées , &
tout devoit y être diftribué fur les devans ,
comme dans leurs bas-reliefs.
Cela devoit être encore plus dans Yencauf-
tique au pinceau , par l'embarras de manier
les cires. De là vient que Paufias ne faifoit
guère que de petits tableaux, & fur- tout des
enfans. Ses envieux en donnoient pour
raifon , que cette efpece de peinture étoit
lente \ c'eft pourquoi voulant donner de la
célébrité à fbn art , il acheva dans un jour
un tableau qui repréfentoit encore un enfant.
Cette production parut fi nguliere , puifqu'on
lui donna un nom , «^êfns-io, , peinture dun
jour. Pline qui rapporte ces faits , liv. XXXV ,
chap. xj , ajoute , comme quelque chofe de
remarquable , que Paufias peignit auffi de
grands tableaux ^ & il fait ailleurs la même
obfèrvation fur Nicias : fecit & grandes
picluras.
En effet la difficulté étoit toute autre. On
conçoit qu'en petit le peintre pouvoit donner
au bois pardeffous, un degré de chaleur
capable de maintenir à un certain point la
liquidité des cires , pourfendre Ces teintes ,
& donner aux couleurs leur ton } au lieu
qu'en grand , il falloit travailler à grands
Rri
3i* E N C
coups de brofle & avec une main fûre ,
comme dans la frefque , fans autre refTource
pour retoucher fbn tableau , que le moment
même de l'inuftion } laquelle ne pouvant fe
faire que pardevant , de voit gêner la main
de l'artifte.
Cet encavjlique étoit fans doute bien plus
praticable dans les vaiflèaux , où il falloit
plutôt de grandes & bonnes ébauches , que
des peintures finies avec le dernier fbin \
car ce n etoit pas feulement des couleurs
appliquées , mais des figures j quand Pline
ne l'auroit pas dit, Ovide le prouveroit :
"Et piila coloribui ujlis
Çœlefiùm matrem concava puppis habet.
Fafi. liv. IF. verf. ij\.
y> Et la pouppe repréfente la mère des
» dieux peinte en couleurs brûlées. »
Qu'on ne dife point que fi ces tableaux en-
cauftiques avoient été imparfaits ,les Romains
n'en auraient pas fait fi grand cas. Ils étoient
eftimables fans doute \ mais c etoit par la
noblefle des idées & l'élégance du de/fin ,
fur-tout dans un temps où le faux brillant
& le mauvais goût faifoient abandonner la
nature , au moment que les Grecs l'avoient
à peine faifie. Je parle d'après Vitruve ,
liv. VII , ch. v. Et de fon temps , avec des
couleurs plus fines & plus chères, on ne
voyoit que des idées fauffesck fans art, telles
à-peu-près que ces ornemens bizarres dont
ïbnt chargés nos anciens manufcrits. Nous
les traitons de gothiques , & c eft du goût
Romain, ck du meilleur fiecle. De plus,
cette peinture avoit fur la détrempe l'avan-
tage d'une vigueur & d'une fblidité à l'é-
preuve de l'air , du foleil & des vers ; comme
elle en a un autre fort confidérable fur notre
peinture à l'huile, celui d'un mat uniforme:
'd'où réfulte une harmonie flatteufe , & in-
idépendante des jours.
On doit voir à préfènt ce que c'étoit que
Vencaufiique des anciens. Ceux qui ont tra-
vaillé à nous le reftituer , paroiffent n'avoir
pas feulement penfé aux deux, premières
efpeces , & vraifemblablement il n'y a pas
grand mal. Ne nous occupons donc , comme
eux , que de la troifieme , de Vencaufiique
au pinceau. Voici le réfultat de tout ce qui
précède , & Tordre des opérations.
j°. Ils avoient des cires colorées , ctrœ
E N C
tinguntur iifdem his coloribus. Ces cires
étoient peut-être mêlées d'un peu d'huile ,
pour les rendre plus fuiîbles &: moins caf-
fantes^paulb oleo temperatam ; & ils les con-
fervoient dans des boites à compartimens,
dit Varron , liv. II de re rufi. Pi clore s locu-
latas habent arculas , ubi difcolores funt
cerce ; fi cependant ces boîtes n'ëtoient pas
pour les tenir en fufion.
2°. Ils faifoient fondre ces cires & les
employoient au pinceau, refolutis igni ceris9
penicillo utendi; foit qu'ils fiffent leurs tein-
tes dans des godets chauds , foit au bout
du pinceau , comme font quelquefois nos
peintres.
3. Ils fixoient leur tableau par l'inuftion r
piâuram inurere. Je dis leur tableau , parce,
que le mot piâura ne fignifie point des
couleurs , mais, ou fart de peindre , ou le
tableau. Ils les fixoient avec un réchaud plein:
de charbon qu'ils promenoient à la fùrface :
carbonibus in ferreo vafe compojltis^ comme
dit Vitruve. Cefirreum vas , ce réchaud étoit-
fans doute le même infiniment dont il eft
fait mention dans le digefte fous le nom de
cauteria. *
40. Enfin , ils frottoient & poliflbient le,
tout avec des linges nets , linteis puris fubir
gai; opération qui doit donner l'éclat du ver-
nis , fans en avoir les défauts.
Toute peinture qui ne remplira pas ces
conditions, les trois premières fur-tout, ou
qui. ne les remplira pas clans cet ordre ,
pourra égaler , furpaflèr même Vencaufiique
des anciens , mais ne fera jamais leur en-
caujlique.
C eft l'art de peindre avec des cires colo-
rées, & de fixer la peinture par l'inuftion^
& ce n'eft que cela. Ce. même art , qu'on
appelloit communément encaufiique , inuf-
tion, Callixene de Rhodes , dans Athénée,
le nomme *nroy çeuptav , peinture en cire. Iî
n'y en avoit qu'un.
Voilà, je crois , des principes incontefta-
bles ck fuffifans pour apprécier fûrement
toutes les manières de peindre à la cire,
connues jufqu a préfènt. Nous les devons à
M. le comte de Caylus , & à M. Bachelier ,
peintre } ce font les feuls qui puiflènt pré-
tendre au titre d'inventeurs ou de reftaura-
teurs de Vencaufiique. Ceux qui nous ont
donné des ouvrages dans ce genre 5 ne font
ENC
que leurs difciples , puifqu'ils n'ont travaillé
qae d'après eux.
M. le comte de Caylus a publié cinq ma-
nières , dont les quatre premières font , félon
lui , autant de vrais encaufiiques.
"Première manière de peindre en cire , félon
M. de Caylus.
Couleurs, teintes , peinture , tout fe pré-
pare & fe finit au bain-marie.
i°. Au lieu de pierre à broyer , faites
conftruire une efpece de coffre de fer-blanc
de feize pouces quarrés fur deux & demi
de hauteur , bien foudé par-tout , & fans
autre ouverture qu'un goulot un peu élevé
pour le remplir d'eau. Sur la furface quarrée
du côté de laquelle le goulot s'élève , faites
appliquer & attacher avec huit tenons de
fer-blanc , une glace de l'épaifïèur ordi-
naire , qui ne foit qu'adoucie , & qui con-
serve affez de grain pour broyer les couleurs :
elles glifferoient fur une glace polie. Rem-
pliriez à-peu-près ce coffre d'eau , mettez-
le fur le feu , chargez la glace de cire & de
couleurs \ la cire fondra , & vous broierez
avec une molette de marbre que vous aurez
eu la précaution de faire chauffer. Enlevez
la couleur broyée avec un couteau pliant d'i-
voire \ mettez-la refroidir , &. préparez de
même les autres couleurs,,
2°. Au lieu de godets ordinaires , ayez
un autre coffre de fer-blanc avec fon gou-
lot de la même hauteur , & affez grand
pour y percer fymmétriquement dix - huit
trous ronds de quinze lignes de diamè-
tre. Dans ces trous , foudez autant de go-
dets de fer - blanc d'un pouce de profon-
deur y de façon qu'ils plongent dans le
coffre. Dans ces godets , mettez-en d'au-
tres de cryftal . pour n'avoir rien à crain-
«ic «c fétain dû fer- blanc. Rempliffez le
coffre d'eau bouillante j les cires colo-
rées fondront, & feront en état d'être em-
ployées.
3°. Au lieu de palette , ayez un troifieme
coffret couvert cfune glace adoucie , &
toute fémblable à la machine à broyer \ rem-
jpliffez-le d'eau, bouillante , & formez vos
teintes.
4°. Au lieu de chevalet , ayez encore un
coffre de fer- blanc fémblable au premier ,
inais plus grand , &. dont la face fupérieure
E N C 317
fbit de cuivre d'une ligne d'épaiffeur ,
avec une couliffe de chaque côté pour re-
cevoir &. afîujettir la planche fur laquelle
vous allez peindre ( car il ne s'agit point
ici de peindre fur toile. ) Seulement à l'an •
gle oppofé au goulot , vous ferez fouder
un robinet , pour pouvoir vuider & remplir
quand il faudra reuouveller l'eau bouillan-
te , fans cependant expofèr les cires à cou-
ler.
50. Enduifez le côté de la planche fur
lequel vous devez peindre , de plu fleurs
couches de cire blanche , dont vous fondrez
les premières avec une poêle pleine d'un
brafier ardent , pour les faire entrer dans le
bois , comme le pratiquent le ébéniftes.
Pour plus grande* précaution , & de peur
que la planche ne fe voile par la chaleur ,
compofèz-la de trois petites planches d'une
ligne d'épaiffeur , collées l'une fur l'autre ^
de façon que leurs fibres fe croifent à angles
droits.
6°. Enfin , ajuftez la planche dans les cou-
lilîès , &■ peignez.
Voilà des cires colorées. On peint avec:
ces cires colorées \ mais on ne brûle point
la peinture , il n'y a point d'inuftion , la
troifîeme condition manque : c'eft donc une
peinture en cire , &. non ïencaujlique des
Grecs,
D'ailleurs, la multiplicité des machines ,,
d'une part j de l'autre , la difficulté d'avoir
8c d'entretenir toujours de l'eau au degré
de chaleur convenable , rendent cette ma-
nière rebutante , & les effets ne fatisfont
point un goût difficile, quoique peut-être
la manière des Grecs fut encore plus im-
parfaite.
Ajoutez qu'on ne peut peindre qu'en
bois , & en petit \ ce qui borne trop l'art.
M. de Caylus , qui porte luiTinême ce
jugement de cette première manière de
peindre , s'eft déterminé par ces raifbns à
chercher des moyens plus faciles &t plus
fur s.
Seconde manière de peindre en cire , félon M*
de Caylus..
Prenez des cires colorées , préparées
comme dans la manière précédente ; faites-
les fondre dans l'eau bouillante } une once
de cire , par exemple s dans huit onces
*i8 E N C
d'eau. Quand elles feront fondues , battez-
les avec une fpatule d'ivoire ou avec des
ofiers blancs , jufqu'à ce que l'eau foit re-
froidie. La cire , par cette manœuvre , fe
divifèra en petites molécules , & fera une
efpece de poudre qui nagera dans l'eau, 6c
que l'on confèrvera toujours humide dans
un vafe bouché , parce que fi elle étoit fe-
che , les molécules fe colleroient & ne
pourraient fervir.
Ces cires ainfi préparées , mettez dans
des godets une portion de chacune , &
travaillez avec des pinceaux ordinaires ,
comme fi vous peigniez en détrempe. VouS|
ne formerez cependant point les teintes fur>
ïa palette avec le couteay , car la cire feroit
expofée à fe peloter j mais au bout du pin-
ceau. Il convient de peindre fur le bois à
cru } mais on peut aufîi opérer fur un enduit
de cire.
Le tableau étant achevé , vous viendrez
à l'inuftion , & vous fixerez la peinture
avec le réchaud du doreur.
Voilà tout ce que preferit M. de Caylus.
Les trois conditions font obfervées \ c'eft
un véritable encaujlique : il n'y a point d'ob-
jection à faire là-defliis. Voici feulement une
difficulté.
Un artifte , très-verfé dans la peinture en
cire ,* croit cette manière impraticable \
parce que l'ayant effayée avec toutes fortes
d'attentisns , il n'a jamais pu y reuflir. Il y
a fans doute quelque omifiion de pratique
qu'il n'a pu fuppléer , & qui fait tout fon
embarras. Si l'on pouvoit honnêtement
propofer que M. Vien , qui connoît tout
l'art de M. de Caylus , & M. Bachelier
travaillaient enfemble dans un attelier com-
mun & ouvert à tout le monde , chacun
félon fa manière ,.le public pourroit favoir ,
fans équivoque , je ne dis pas ce qu'il y a
de vrai dans leurs manœuvres , mais à quel
point elles font poffibles. Dans les inventions
nouvelles , les doutes doivent paroître par-
donnables •, plus on eftime une découverte ,
plus il eft naturel de vouloir s'éclaircir. Nous
pouvons affurer que M. Bachelier ne s'y re-
fufèra pas.
Au refte , M. de Caylus juge lui-même
cette manière embarraffante & bornée , &
Il en a cherché d'autres.
Il faut obferver pour ces deux premières,
E N C
que les différentes couleurs ne prennent pas
la même quantité de cire : on en verra les
rapports ck. les dofes dans le détail de la
cinquième manière. Je le diffère , pour ne
point me répéter ni m'interrompre.
Troifieme manière de peindre en cire.
Ayez une planche , cirez-la en la tenant
horizontalement fur un brafier ardent , &
en frottant la furface chauffée avec un pain
de cire blanche. Continuez cette opération
jufqu'à ce que les pores du bois aient abforbé
autant de cire qu'ils en peuvent prendre :
continuez encore , jufqu'à ce qu'il y en ait
pardeffus environ l'épaifTeur d'une carte.
Voilà une planche imprimée à ïencaujli-
que.
Cela fait , ayez des couleurs dont on fait
ufage à l'huile, mais préparées à l'eau pure,
ou légèrement gommées. Ces couleurs ne
prendront point fur la cire , ou ne s'atta-
cheront que par plaques irrégulieres.
Pour remédier à cet inconvénient, prenez
quelque terre crétacée , par exemple , du
blanc d'Efpagne j répandez-en fur la cire en
poudre très -fine j frottez-la légèrement avec
un linge , il reliera fur la cire une pouf-
fîere de ce blanc : peignez enfuite , & les
couleurs prendront. La peinture achevée ,
préfentez-la au feu , & faites l'inuftion.
Voilà un procédé très-iugénieux \ il peut
être commode , s'il eft poflible de retou-
cher fbn ouvrage , du moins fans répéter
l'intermède de la pouffiere blanche j ce qui
laifferoit toujours de l'embarras : c'eft un
encaujlique , c'eft même , fi l'on veut , un
double encaujlique. Mais il paroît mal ré-
pondre aux conditions néceffaires pour Ven-
cauflique des anciens. La première de ces
conditions eft que ce rœ tingantur coloribus :
ici ce ne font point des cires teintes de
couleurs avec lefquelles on peint , ad eas
picluras quee inuruntur ; mais des couleurs
fondues par l'inuftion dans des cires qui
ont déjà fbuffert l'inuftion elles-mêmes. Mais
qu'importe , fi cette peinture a les vrais avan-
tages de l'ancien encaujlique , le beau mat, la
vigueur &: la folidité ?
Quatrième manière de peindre en cire , félon
M. de Caylus.
Cette manière n'eft qu'un renverfement
de la précédente. Dans l'autre , la cire eft
ENC
placée avant & fous les couleurs : dans
celle-ci on la met après & cleffus \ elle a
Jes mêmes avantages & aufîî le même
défaut , fi c'en eft un.
Peignez à gouache , à la façon ordinaire ,
fur une planche très-unie : le tableau ter-
miné , faites chauffer de la cire blanche ,
afîèz pour pouvoir l'étendre avec un rou-
leau fur une glace ou fur un marbre hu-
mide un peu échauffé , jufqu'à ce qu'elle
foit mince comme une carte à jouer 3 cou-
vrez le tableau de ces lames- de cire , &
faites l'inuftion.
Ces deux manières ont fuggéré à M. de
Caylus une nouvelle façon de peindre à
l'huile : c'eft de travailler à gouache fur une
toile à cru , en obfervant feulement de
n'employer que les couleurs dont on fe
fèrt à l'huile 3 & les couleurs féchées, d'hu-
me&er le tableau par derrière avec de
l'huile de pavot y appellée follette , laquelle
jaunit moins que les autres : cette huile
s'étendra , pénétrera les couleurs , fera corps
avec elles 3 &c le tableau fera auffi folide que
de la façon ordinaire , &. peut-être fans
aucun luifant. Au lieu d'huile , on pour-
roit employer un vernis blanc gras , fîcca-
tif. C'eft aux artiftes & à l'expérience , dit
M. de Caylus , à juger du mérite de cette
petite nouveauté.
Cinquième manière de peindre en cire , félon
M. de Caylus ) laquelle nejl ni encaujli-
que , ni donnée pour telle.
Cette méthode confifte à compofèr des
vernis avec des réfines folubles dans l'effence
de térébenthine , & avec un corps gras 3
à faire fondre la cire dans ces vernis , à
ajouter des couleurs à ce mélange , & à
peindre à l'ordinaire avec ces couleurs ainfi
préparées.
On fait plufieurs vernis , pour s'accom-
moder plus aifément aux différentes efpeces
de couleurs. Ces vernis iè réduifent à
cinq :
i°. Vernis blanc très-gras 3 . 2°. vernis
blanc moins gras 3 30. vernis blanc fée 3
4°. vernis le moins doré 3 50. vernis le
plus doré.
Préparation des vernis.
Pour le vernis blanc très-gras , prenez
de la réfine appellée maftic 3 mettez-eu 2
EN G 31^
onces 6 gros dans 20 onces d'eflence dâ
térébenthine : diffolvez dans un matras à
long cou , au bain de fable 3 ajoutez à la
difîblution 6 gros d'huile d'olive , que vous
aurez fait bouillir dans un matras très-
mince , & que vous aurez filtrée : filtrez
votre mélange 3 ajoutez-y autant d'eflence
qu'il en faut pour que le tout faffe un poids
de 24 onces , & vous aurez le vernis blanc
très -gras.
Pour le vernis blanc moins gras , tout
de même ,' finon qu'au lieu de 6 gros'd'huile ,
vous n'y en mettrez que 4.
Pour le vernis blanc fec , feulement 2
gros d'huile 3 le refte de même.
Pour les vernis dorés : prenez de M'ambre
jaune , le plus beau 3 faites-le fondre à feu
modéré dans une cornue , ou-encore mieux r
dans un pot de terre neuf & verniffé. Il
faut que l'ambre foit entier y & n'occupe
que le tiers , ou tout au plus la moitié du
vafè , parce qu'il fe gonflé & s'élève en
fondant. L'ambre étant bien fondu & en-
fuite refroidi ,. vous le mettrez en poudre.
Pour lors , faites-en diffoudre 2 onces 6 gros
dans 20 onces d'eifence de térébenthine 3
ajoutez 7 gros d'huile d'olive cuite , comme
ci-deffus : filtrez le mélange avec un papier
gris : remplacez ce qui fera évaporé d'ef^
fènee 3 ajoutez-en affez pour que le tout
pefe 24 onces , & conferyez-le dans une
bouteille bien fermée.
Pour faire le vernis le plus doré , vous
obferverez feulement de lailfer l'ambre fur
le feu trois ou quatre heures de plus, pour
lui donner une. couleur plus haute. Il n'y
a point d'autre différence.
Préparation des couleurs , & proportion-
des ingrédiens..
Remarquez que les rapports que vous
allez voir entre les dofes de couleurs & de
cire, font les mêmes qu'il faut employer
pour les deux premières méthodes.
Cérufe 8 onces 3 cire 4 ~ 3 vernis blanc
très- gras 9.
Blanc de plomb 8 onces 3 cire 4 \ 3 même ■
vernis 8.
Mafficot , comme le blanc de plomb.
Jaune de Naples 8 onces 3 cire 43 vernis
blanc le moins gras 8.
Ocre jaune 5 onces 3 cire 54 vernis ik
'3io E N C
moins doré 9 , & 10 du même pour l'ocre
de rue.
Stil de grain jaune le plus léger 4 onces j
cire 5 j vernis blanc le moins gras 9.
Stil de grain d'Angleterre même dofe ,
mais avec le vernis le plus doré.
Orpin jaune ou rouge 6 onces ', cire 2, j
vernis blanc le moins gras 3 5.
Laque très-fine 4 onces j cire 5 j vernis
moins doré 9 £.
Carmin pur , comme laque.
Verriîillon 6 onces j cire 2. j vernis moins
doré 3 y.
Rouge brun d'Angleterre 6 onces ; cire
4 J ; vernis le plus doré 8.
Terre d'Italie 5 onces j cire 5 } vernis le
plus doré 9.
Outre-mer 1 once j cire 6 gros } vernis
blanc le moins gras 10 à 11 gros.
Bleu de PrufTe le plus beau 2 1 onces j
cire $ ; vernis blanc le moins gras 9.
Cendre bleue 4 onces j cire 2. j } vernis
blanc le moins gras 4^.
Email bleu 6 onces £ cire 3 j vernis blanc
le moins gras 5 ~.
Biftre 4 onces } cire $ j vernis le plus
clore 9 4.
Terre de Cologne , comme pour le biftre.
Terre d'ombre , de même.
Laque verte 4 onces j cire 4 \ j vernis
blanc le moins gras 8.
Noir de pêche 3 ©nces } cire 4 î j vernis
blanc ièc 8.
Noir d'ivoire 4 onces -% cire 4 £ j vernis
blanc fec 8.
Noir de fumée 1 once j cire 8 j vernis
blanc fec 15.
On peut voir aux différens articles de ce
dictionnaire , ce que c'eft que les matières
dont on parle ici.
M. de Caylus abandonne aux peintres le
foin de déterminer les dofes pour les autres
couleurs.
Quant à la préparation de ces couleurs ,
elle confifte ou à broyer la couleur avec la
cire fur la pierre chaude dont on a parlé ci-
deffus , & à faire fondre les cires colorées
dans leur vernis propre ^ ou à fondre la cire
dans les vernis , & y ajouter la couleur.
M. de Caylus préfère la féconde maniera
comme plus prompte & plus facile. Pour la
pratiquer , mettez la cire & le vernis dans
E NC
un bocal de verre mince \ faites fondre la
cire dans un de ces coffres de fer- blanc dont
le defïus eft percé de trous , & dont on a
parlé ci-deffus : quand elle fera fondue , re-
muez le mélange pour allier la cire avec le
vernis : ajoutez la couleur bien broyée à fec \
mêlez-la avec la cire : retirez le bocal de la
machine j remuez le mélange jufqu'à ce
qu'il foit froid , & confèrvez-le bien
bouché.
La machine à préparer les couleurs ne
diffère de la machine à godets , qu'en ce
que celle-là devant contenir des pots de
verres inégaux en diamètre & hauteur,
doit avoir des ouvertures ou loges propor-
tionnées à ces verres.
Il convient de ne préparer que deux ou
trois couleurs à la fois , de peur qu'elles ne
Ce figent hors du feu , ou que le vernis ne
s'évapore fur le feu , tandis qu'on eft occupé
à en remuer une jufqu'à ce qu'elle foit
froide.
Les inftrumens , outre ceux dont on vient
de parler , font des pinceaux & des broffes
ordinaires , la palette de bois , ou pour le
mieux d'écaillé \ un couteau d'ivoire plutôt
que d'acier , avec lequel il faut paffer les
couleurs l'une après l'autre , pour qu'il n'y
refte rien de grumeleux \ un pincelier avec
de l'effence de térébenthine , pour humec-
ter les couleurs & laver les pinceaux.
M. de Caylus affure que cette efpece de
peinture en cire eft praticable fur le bois ,
Î3 toile 6c le plâtre. 1
Si l'on peint fur bois il faut préférer le
moins compacte , le plus uni , celui qui fè
déjette le moins & que les vers attaquent
peu , comme le cèdre : après le cèdre , c'eft
le fapin d'Hollande , enfuite le chêne. Le
poirier convient pour les tableaux d'un grand
fiai. Si l'on veut que le cedre & le chêne hap-
pent mieux la couleur , on y pratiquera des
inégalités avec un infiniment à-peu-près fem-
blable au berceau des graveurs en manière
noire ( voyei f article GRAVURE ) j & fi le
grain étoit trop fort , on l'adouciroit avec la
pierre ponce. On peindra à cru fur tous les
bois.
Si l'on peint fur toile , on choifira celles
qui ont le grain uni & ferré. On leur don-
nera , à la brofTe , deux ou trois couches de
cire diffoute dans le double de fon poids
d'effence
E N C
d'eflence de térébenthine , ou dans la même
quantité de vernis blanc le moins gras ; on
laifleiWecher chaque couche (éparément :
quand la dernière fera feche , on préfentera
la toile à un brader ardent , afin qu'elle s'im-
bibe de cire. On pourra auifi la cirer fim-
plement Tans eifence ni vernis , en la fahant
chaufièr. On peut encore coller du papier
fur la toile, le poncer, & donner l'apprêt
de cire, de manière qu'elle pénètre la toile
& le papier. Cette façon eft bonne pour les
ouvrages d'un grand fini.
Si l'on peint fur plâtre , pour que la cou-
leur prenne & ne s'écaille point , il faut lui
donner un enduit de cire comme à la toile ,
mais plus fort. On en fera autant pour la
pierre.
M. de Caylus avertit que fa troifieme
manière de peindre peut auili être pratiquée
fur le plâtre & la pierre, en obfervant d'en
boucher les pores contre l'humidité & l'em-
bue de la cire; & cela avec un vernis gras
liquéfié dans l'efîènce de térébenthine: quand
cet enduit fera fec, on mettra l'enduit de
cire aufii diffoute dans l'eflence de térében-
thine , ou dans le vernis blanc le moins gras ;
on le laifïèra fécher , enfuite l'on peindra à
l'eau avec les couleurs dont on uiè commu-
nément à Thu'ile , & on fixera la peinture
avec le réchaud de doreur.
Si l'on veut appliquer un blanc d'œuf
fur les tableaux en cire , on commencera
par les laver légèrement à. l'eau pure , avec
une broflè à peindre , neuve & très-propre ,
jufqu'a ce que l'eau ait pris par-tout. On en
ôtera le fuperrlu avec un linge doux & hu-
mide ; & avant que le tableau lbit (ec , on
étendra le blanc d'œuf, comme on le pra-
tique fur les tableaux à l'huile.
La peinture en cire n'a point de luifàns ;
c'eft un de fès avantages. Si cependant on
vouloit lui donner l'éclat du vernis , on
pourroit en faire un avec l'ei prit-de-vin &
le maftic. Cette réfine qui eft foluble dans
l'énonce de térében:hine, n'empêche point
la retouche du tableau : mais le blanc d'œuf
vaut mieux.
Pour retoucher les tableaux & y mettre
l'accord dans toutes ces manières , on pourra
fe fervir des couleurs préparées au vernis.
M. de Caylus les préfère même aux couleurs
a l'huile , pour reftaurer les vieux tableaux.
Tome XII.
ENC Jlr
Enfin , il laifîe au temps à iuger de tous:
ces genres de peinture , & de leur folidité
refpedive. Mais dès à prélent il a bien lieu
d'être content de fes recherches; il a tra-
vaillé à étendre les limites de l'art : & je ne
fais pourquoi le public n'a pas fait plus d'ac-
cueil au mémoire où il les lui communique :
feroit-ce qu'en fait d'arts on a des yeux pour
voir , & de l'avidité pour jouir , mais trop
de pareflè pour s'inftruire ?
PafTons maintenant aux découvertes &
aux procédés de M. Bachelier , & parlons-
en avec la même impartialité. Pour cela rap-
pelions les principes : colorer des cires ,
peindre avec ces cires colorées , fixer la pein-
ture par l'inuftion ; fans quoi une peinture
ne peut être Vencauftique des anciens.
Première manière de peindre en cire fur
toile ou/ur bois 9 félon M. Bachelier.
Il ne s'agit que de fûbftituer à l'huile , de
la cire blanche diffoute dans l'efîènce de
térébenthiae.
Imprimez votre toile avec cette cire :
prenez des cou eurs en poudre , broyez-les
fur le porphyre en les délayant avec cette
cire ; formez-en votre palette ; entretenez
la fluidité des teintes avec quelques gouttes
delà même efîênce; peignez avec la broflè
& le pinceau comme à l'ordinaire.
Il eft évident que cette peinture n'eft nul-*
Iement un encauftique. Premièrement , on
y emploie l'efîènce de térébenthine : or , il
n'y a- pas la moindre apparence que les an-
ciens connurent aucune efïènce diftillée ;
c'eft un produit chymique. La chymie nous
vient des Arabes , & même on ne peut
guère la dater que du temps d'Avicenne. Se-
condement , on ne brûle point le tableau
quand il eft achevé : or , l'inuftion eft le ca-
ractère diftindif de la peinture encauftique.
Ajoutons , fi on veut , que les anciens ne
peignoient point fur toile ; mais outre
qu'avec cette manière on peut peindre auffi
fur bois , on ne voit pas que cette différence
peut ajouter ou ôter à ce genre de pein-
ture.
Seconde manière de peindre en cire , parti*
tulie rement fur toile 3 félon M. Bachelier.
Ayez une toile forte & ferrée de telle gran-
deur qu'il vous plaira ; lavez-la pour ea
se
3i2 E N C
ôrer l'apprêt ; tcndez-la fur un chaffis , &
difpofez-le de manière que vous puiffiez
tourner autour : ayez des couleurs telles
qu'on les emploie dans la peinture à la dé-
trempe , & peignez ; mais à mefure que
vous peindrez , faites humecter par derrière
votre toile avec une éponge : par ce moyen
vous retoucherez votre ouvrage , vous y
mettrez l'accord , vous le travaillerez, & le
finirez aufli parfaitement que vous êtes capa-
ble de le faire.
Ayez enfuite de la cire vierge très-pure ;
faites-la fondre fimplement , ou difîolvez-Ia
par le moyen que nous indiquerons dans la
manière fuivante : prenez des broflès , &
donnez au derrière de votre toile une , deux
ou trois couches de cette cire plus ou moins
fortes , félon l'épaiffeur de la toile & la
force des teintes : biffez fécher, ou plutôt
efluyer vos couches.
Ayez enfuite des réchauds de doreur ,
remplis de charbons ardens ; faites-les pro-
mener au derrière du tableau ; & cependant
placé vis-à-vis la peinture , examinez les ef-
fets de l'inuftion & de la fulion de la cire ,
laquelle pénétrera la toile & les couleurs :
dirigez le mouvement des réchauds , en
commandant qu'ils haufTent ou baifTent ,
ou s'arrêtent , &c. jufqu'à ce que tout le
tableau foit fuififamment brûlé. Il ne faut
pas plus d'un jour pour brûler un tableau
de vingt à trente pies carrés de furface.
Repréfenter cette manœuvre comme péni-
ble , c'eft montrer qu'on ne L'a jamais pra-
tiquée.
Il peut arriver de deux chofes l'une ,. ou
que le tableau (bit tel que l'artiftcle deiîre ,
ou qu'il faille le retoucher. On le retou-
chera , foit avec des couleurs préparées,
comme nous allons l'indiquer ; foit avec
des paftels faits de ces mêmes couleurs; foit
avec de la cire diflbute par l'eflence de téré-
benthine ou une autre.. Tous ces moyens
font au choix du peintre.
Cette manière eft un excellent encaufiique\
mais ce n'eft point celui des anciens. La pre-
mière condition n'eft pas remplie , etree. tin-
guntur colorihus ad pichiras. On y emploie
la cire , on y brûle ; mais les couleurs ne
(ont pas des cires colorées , & de plus on eft
dans le cas d'y employer autre chofè que de
la cire & des couleurs. A cela près , on peut
ENC
dire , fans témérité , que de foutes les ma-
nières de peindre en cire connues jufqu'à ce
jour , c'eft la plus avantageufe , la plus fûre r
la plus prompte ; puifqu'outre la vigueur &
la folidité que la cire & l'inuftion donnent
à la détrempe , on peut faire des chefs-d'œu-
vre fur toile , & de telle grandeur qu'on
voudra, & finir les tableaux les plus éten-
dus avec autant de perfection & d'aifance ^
qu'on feroit à l'huile les plus petits morceaux
de chevalet. Quelque idée qu'on ait de 1V/2-
cauftique des anciens , il n'eft pas croyable
qu'il eut ces avantages.
Troijieme manière dépeindre en cire , félon
M. Bachelier.
Prenez du fel de tartre ; faites-en difîôu-
dre dans de l'eau tiède julqu'à faturation *.
filtrez cette eau faturée à travers un papier
gris , & recevez-la dans un vaifleau de terre
neuf & vernilfé ; mettez ce vaifleau fur un
feu doux ; jetez-y des morceaux de cire
vierge blanche les uns après les autres , à
mefure qu'ils s'y diffoudront : cette folution
fe gonflera , montera comme le lait , fe ré-
pandra même fi le feu eft trop poufîe. On
fournira de la cire à cette eau alkaline, tant
qu'elle en pourra diflbudre ; on s'afîurera<
que la diflblution eft parfaite & uniforme 9,
en la remuant doucement avec une fpatule
de bois ;. & pour lors on aura une mane
d'une blancheur éblouiflan te , une efpece de.
fàvon d'une confiftance de bouillie qui fe:
difïbudra dans l'eau pure en auffi grande &
en aufli petite quantité qu'on voudra; &
ce favon difîous vous donnera une eau de:
cire. Servez-vous de cette eau pour délayer
& broyer vos couleurs.
Ayez une toile tendue fur un chaffis ; def-
finez votre fujet avec des crayons blancs :
tenez vos couleurs dans des godets , & en-
tretenez-les dans une fluidité convenable ,.
en les humectant avec quelques gouttes,
d'eau pure , ou d'eau de cire. Servez-vou&,
des pinceaux & autres inftrumens ordinai-
res. Préparez feulement votre palette , en la
trempant dans la cire bouillante pour qu'elle
s'en pénètre, & en la ferrant fous une prefle:
de peur qu'elle ne s'envoile ; ratifïêz-en le
fuperflu, & formez vos teintes fur cette
palette-
E N C
Ayez à côté de vous deux vaifTeaux de
terre pleins d'eau , pour nettoyer de l'un à
l'autre vos pinceaux & les décharger de
couieurs , & effuyez-les fur une éponge au
fbrtir de la féconde eau.
Ayez un petit matelas fait de deux ou
trois ferviettes ; humectez-le d'eau pure , &
le tenez appliqué derrière votre toile à l'en-
droit où vous peindrez. Si vous trouvez ce
matelas incommode , ayez une éponge ,
imprégnez-le d'eau de cire , & faites-en ar-
rofer votre toile par derrière , deux ou trois
fois par jour en hiver , & trois ou quatre
en été. Peignez & continuez votre ouvrage
jufqu'à ce qu'il foit achevé.
Au refte , le matelas & l'éponge ne font
nécefîaires qu'à ceux qui , n'ayant pas la
pratique de la détrempe , ne favent pas fon-
dre une teinte humide avec une teinte feche ;
ils feront bien de tenir leur toile fraîche.
Cria fait , brûlez le tableau ; cette opéra-
tion eft indifpenfable. Pour cet effet , allu-
mez un grand feu qui forme une nappe ar-
dente ; préfentez-y votre tableau par le côté
oppofé à la peinture ; approchez-le à mefure
qu'il ceffera de fumer : vous verrez la cire
fe gonfler , le gonflement fè promener fur
la furface , & difparoître quand il fera de-
venu général ; alors le tableau fera brûlé.
Retirez-le peu à peu comme vous l'avez
approché , de peur que la furface ne refle
inégale par un refroidiffement brufque &
irrégulier. L'inuftion , loin de détruire la
peinture , la rend folide & fixe. D'un enduit
fans confiftance & fans corps que le frotte-
ment le plus léger pourroit emporter , elle
fait une couche dure , compade , adhéren-
te , mince , flexible & capable de prendre
du poli.
Si le tableau étoit grand , on le brûleroit
par parties , en promenant par derrière le
réchaud de doreur , comme dans la mé-
thode qui précède.
Le tableau étant brûlé , tout eft fait , à
moins que l'artifte n'y veuille retoucher ,
& pour cela il faut l'hume&er d'eau de
cire. Mais il convient de glacer fa couleur ,
c'eft-à-dire , que fi l'endroit eft trop brun ,
on y étendra une teinte plus claire, &
on y répétera l'inuftion : elle rétablira
l'accord contre l'attente du peintre. On
pourra aufli , pour retoucher l'ouvrage ,
E N C 3i?
fe fervir des paftels dont nous allons parler.
Il eft évident que cette manière eft un
véritable encauflique , qu'elle fatisfait aux
trois conditions requifes , & dans l'ordre
preferit. Les cires font colorées , on peint
avec ces cires , & on brûle le tableau. Cette
invention^eft certainement heureufe, & les
effets en font fûrs.
Quatrième manière de peindre en cire ,
félon M. Bachelier.
Prenez de l'eau de cire dont vous venez
de voir la préparation ; donnez-en aux cou-
leurs la quantité convenable ; broyez-les ,
tranfportez-les du porphyre fur un papier
gris qui en boive l'humidité : appliquez
defîûs un morceau de carton , avant
qu'elles foient entièrement feches ; donnez-
leur la forme ordinaire de paftels en les
roulant , & laifîez-les enfuite fécher len-
tement à l'air libre : ces paftels feront ten-
dres & mous à s'étendre fous le doigt ;
travaillez avec , & fixez la peinture par
l'inuftion.
C'eft un encauflique du même genre que
le précédent ; d'ailleurs , on en fent la com-
modité.
Ces mêmes paftels peuvent devenir fer-
mes & durs comme la fanguine ; il ne
faut qu'avoir un petit fourneau d'émuilleur
avec une moufle , les mettre fous la mou-
fle , entretenir dans le fourneau le même
degré de chaleur que celui auquel on
achevé de brûler un tableau , & les y laifler
expofés environ un quart - d'heure : on
en pourra faire des defiins colorés qu'il
n'eft pas nécefTaire de brûler , & que rien
n'altère.
L'eau de cire de M. Bachelier a encore
d'autres propriétés. H la donne comme un
excellent vernis qui n'a point les défauts
des autres , & même pour le paftel. On
peut l'appliquer à la brofle fur les plafonds ,
les lambris , le plâtre , le marbre , les boi-
feries des appartemens , les parquets , les
équipages , &c. Quand elle eft feche , il
faut employer l'inuftion avec le réchaud
de doreur, pour l'incorporer avec les fùb£-
tances ; & quand elle eft froide , la frotter
avec une brofTe rude pour lui donner de
l'éclat: c'eft-à-dire, que M. Bachelier,
Sfi
3i4 ENC
vraifemblablement fans le favoir , redonne
le vernis encauftique de Vitruve , ou l'équi-
valent.
Il prétend auffi que c'efl un bon mor-
dant pour la dorure ; d'autant plus que
ne faifant point d'épaiffeur , elle laifTe
paroître tout l'art & la délicateflè de la
îculpture. Il veut même qu'on puifle l'em-
ployer avec avantage pour l'or taux , en
partant enfuite pardeiîus une féconde cou-
che de la même eau ; tellement que la do-
rure étant fale , on la nettoieroit comme
de l'or fin , & qu'on pourroit y employer
l'eau-forte.
Obfervons que les couleurs fortent de
la boutique d'un marchand , impures & mê-
lées de lubitances hétérogènes qui , venant
à fe combiner avec le favon de cire ,
produiroient peut-être des effets nuifibles.
M. Bachelier les purifie de la manière fui-
vante.
Délayez la couleur dans l'eau pure , par-
tie demeurera fufpendue dans l'eau , partie
tombera au fond ; décantez la partie fuf-
penJue , & délayez celle qui eil tombée
au fond , & ainh de fuite jufqu'à ce qu il
ne tombe au fond de feau qu'un dépôt de
matière non colorante A chaque opéra-
tion , la partie iufpendue fe dépofera; on
réitérera fur ce dépôt les lotions prefcrites ,
cinq ou fix fois , & l'on aura enfin des
couleurs auffi pures qu'il le faut pour être
délayées avec l'eau de cire fans aucun in-
convénient.
Cependant ce lavage dos couleurs n'a
pas paru fans difficultés , & l'eau de cire
en a efîliyé de plus fortes encore. Il ne
s'agit pas de les diffimuler , mais d'y. ré-
pondre.
Quant au lavage. <\e$ couleurs , l'expé-
rience du peintre fait face à toutes les théo-
ries qu'on lui oppofe ; on fait qu'il excelle
à peindre les rieurs , nul genre n'exige des
couleurs plus fraîches & plus brillantes:
néanmoins il lave {'es couleurs , & le carmin
fur-tout , & {"es teintes n'en font que plus
riches. Il ne prétend pas en enlever l'excès
de la partie gradé , mais les fables r les fels
& d'autres parties non colorantes. On lui
démontrera , fi l'on veut , que cela ne
doit pas être ;,mais il le pratique ainfi , & il
lêuflxu
E NT C
Quant au favon & à l'eau de cire , on
dit : i°. « que regarder ce favon comme
» une découverte finguliere , c'efl montrer
m qu'on n'a aucune connoiffance des livres
» de chymie ; qu'il n'y a pas un de ces
n livres qui n'apprenne que toute fubf-
» tance graffe eft propre à faire du favon ;
n & l'on cite les mémoires que M. GeofFroi
» donna il y a environ quinze ans à l'aca-
» demie , fur les favons de toute efpece. yy-
L'on répond à cette objection & à cette
citation très-imprudente , pour n'en rien
dire de plus , qu'il n'y a pas un chymifle
qui ait parlé d'un favon de cire; que dans
le mémoire de M. Geofîroi on ne trouve pas
feulement le mot de cire ; & que fi cette
découverte n'étoit ni impoilible ni finguliere
en elle-même , elle eft du moins toute neuve
& très-finguliere par l'ufage que le peintre
en fait.
On objecte : 1*. " que tout favon en
» général étoit inconnu aux anciens ; qu'on
*> ne trouve parmi eux aucun veilige dj
n cette compofition : que tous les chymiffej
» conviennent que c'eil une découverte
» moderne ; qu'elle ne peut donc avoir
m fèrvi à leur peinture encauftique. » On
répond qu'ils peuvent n'y avoir point en**
ployé de favon , & encore moins ce favon'
de cire ; mais qu'ils ne connuffent aucun
favon y- & qu'on n'en trouve parmi eux
aucun vertige , c'efl ce qu'on n'a garde
d'avouer , &c les chymifies auroient grand
tort d'en convenir.
L'interprète de Théocrite rend le mot
(Tfxnypa. par van mm , qui efl le fapo des
latins, du favon.
On. lit dans Paul' d'Egine- , erâyr&p
pvTJiKm ici éwccpiax , te favon a une vertu
déterfive.
Pline. , plus ancien qu'eux , efl tout autre*
ment précis. Il dit (/. XXVIII y c. îz)i.
prodeft&fapo : Gallorum hoc inventum eji
ruti tandis cap il lis : fit ex fsbo Ù cinere :
optimus fagino Ù cap ri no. : duobus modis 3
fpiffus ac liquidus : utsrque apud Germancs
majore eft ufu, viris quàm feminis. " On
» fe fert auffi du favon. C'efl une inven-
H* tion des Gaulois pour rendre les che-
» veux blonds. On le fait de. fuif & de
» cendre. Le meilleur efl de cendre de
» hêtre. &de fuif de cbewe. II y eaa ds
ENC
h deux fortes , du dur & du liquidé. Les
n Germains emploient l'un & l'autre , mais
» les hommes plus que les femmes. » Voilà
le nom du favon , Ton origine , la compo-
fition , {es efpeces , {es ulages : en eft-ce
aflez?
On croit , 3°. " que le favon de cire a
» tous les inconvéniens de la détrempe ;
» qu'on ne peut ni laver les tableaux peints
» en cette manière , ni les expofer dans
» des endroits humides ; que ce (àvon s'hu-
» mecleroit & le fondroit facilement ,
» parce que l'alkali fixe qui entre dans fa
» compolition , a toujours une difpofition
» prochaine à s'humeder , & que ce fel
» n'étant point décompofé dans le fà-
» von , y conierve toutes {es propriétés. »
D'abord , on ignore également fi jamais
l'alkali fe décompofé , & en quoi il pour-
roit fe décompolèr. Secondement , il n'eft
pas vrai , en général , que le favon ait
toujours une difpofition prochaine à s'hu-
mecter , puifque le favon commun , loin
d'attirer l'humidité , eft au contraire un
des corps qui , expofés à l'air , y perdent
le plus facilement de la leur : d'ailleurs ,
ce qui pourroit être vrai d'un alkali en
général,, ne le feroit pas pour cela d'un
alkali enveloppé de cire v & d'une cire qui
aura foufFerr l'aâion du feu. Enfin , les
faits parlent , & les tableaux de M. Bache-
lier , peints de cette manière , le lavent
comme la cire pure , & réfiftent comme
elle à l'humidité.
4°. L'on craint que cet alkali ne décom-
pofé plufieurs couleurs ,. fur-tout les blancs
de plomb & de cérufe , à caufe de l'acide
du vinaigre qui y entre. On a fait cette ob-
jection dès le commencement , & M. Ba-
chelier la croit fijffifamment réfutée par
fon expérience. Il emploie toutes ces cou-
leurs , & même le ver.d-de-gris- , fan? en
appereevoir aucun mauvais effet. On lait
bien que fi îe favon qu'on emploie à net-
toyer les tableaux féjournoit fur la pein-
ture, elle s'enleveroit totalement lorsqu'on :
viendroit à les laver: mais il n'en eft. pas
ainfi d'un favon de cire. On peut l'em-
ployer fans rifque &.fans crainte qu'il ne
s^'écaille.
Enfin , on a reproché à . M. Bachelier,
ctu plutôt à l'auteur. de Yhiftoirc & dufeem ,,
ENC 32y
de la peinture en cire , de n'avoir point
dpnné les proportions des mélanges de la
cire avec les couleurs, comme li cela étoit
pollibie , & comme li M. Bachelier n'a-
\oit pas été dans le cas où s'eft trouvé
M. le comte de Caylus , par rapport à {es
troiiieme & quatrième manières pour lef-
quellcs il n'a eu garde de donner ces pro-
portions. Ce reproche eft auili fenié que
celui qu'on feroit à un auteur qui . ecrirok
la manière de peindre à l'huile, d ne pas
donner la proportion de l'huile pour chaque
couleur.
Voilà jufqu'où ont été les recherches de
l'ancienne eucaafli^ue. Toutes ces inven--
tions paroiflent allez inrércflantes pour
qu'oiine toit pas fâché d en lavoir l'hiftoire.-
Nous nous en rapporterons par-tout à la-
vraifemblance.
En 1749 , un hafard apprit à M. Bache-
lier que la cire le dnlolv oit dans l'eflence
de térébenthine. Cet événement lui fit naî-
tre l'idée de l'appliquer a la peinture. Il fit
donc dilfoudre de la cire , s'en lèrvit au
lieu d'huile à délayer {es couleurs , & lè-
mit à peindre fur une toile imprimée à^
l'huile, telle qu'on l'acheté chez le mar--
chand. Son tableau repréfentoit Zéphire &
Flore. Il l'avoit travaillé avec loin , & néan-
moins il eut peine à s'en défaire à un prix
fort modique. Cela le fit renoncer à une
invention qui ne lui parut favorable , ni aux
progrès de l'art, nia l'intérêt de l'artifte :
il ne s'en vanta même pas. Ce tableau fut
emporté en Allaoe.
Cependant M. le comte de Caylus , qui
aime: les arts & les cultive, & qui depuis
long-temps s'applique à éclaircir tout ce
que Pline en a écrit , avoit été conduit fuc<-
ceflivement à la recherche delà peinture
encaufîique,
En 1753, il annonça à l'académie de
peinture (on travail & fes vues. Il lut à l'aca-
démie, des belles-lettres des difTertations fur
cette peinture ; il fit des efTais , il les multi-
tiplia : il tenta- tout pour la recouvrer. -
En 1754, il fit exécuter , par M. Vien-, >
un tableau • en cire & fur bois ,, repréfen-
tant une tête de Minerve d'après l'antique. -
Ce tableau fut- montré-, , promené & reçu
comme une. nouveauté digne d'attention.
On vouloit favoir comment il étoit fait j.
3i6 E N C
mais on étoit réduit à deviner , parce que
M. de Caylus fe réfervoit fon fecret. On
crut généralement qu'il étoit Amplement
peint à la cire difToute dans l'eflence de
térébenthine , & en conféquence quelques-
uns jugèrent que ce n'étoit ni ne pouvoit
être Yencaufiique des anciens.
Un homme qui a pris parti pour M. de
Caylus , avec autant de paillon que fi
fon protecteur en avoit befoin , s'eft atta-
ché avec toute la mal-adreflè poflible à
accréditer cette opinion , fur-tout quand il
renvoie décidément à la tête de Minerve de
M. Vien , pour prouver que l'efTence de té-
rébenthine ne noircit pas les couleurs. Mais
enfin , le dernier mémoire de M. Caylus
publié en août iyj^ , a bien fùrpris en an-
nonçant que tout le monde avoir tort &
raifon ; car cette tête a été , dit-on , com-
mencée félon fa première méthode , con-
tinuée félon la féconde , & terminée félon
la cinquième , où entre l'enence de téré-
benthine.
Au bruit que faifoit cette tête , M. Ba-
chelier fe réveilla. M. Cochin fils , auquel il
parla de fon premier eflài en 1749 , l'en-
gagea à y revenir ; & il exécuta dans huit
jours en cire difToute & fur toile , fans avoir
vu la Minerve y une grifaille qui repréfente
une fille de huit ans. Ce morceau ne fut pas
regardé fans furprife. Sa toile étoit impri-
mée avec de la cire pure ; mais s'étant ap-
perçu que l'efTence des couleurs agifïbit
trop fur cette cire , & les empêchoit de fé-
cher promptement , il imprima une autre
toile avec des couleurs détrempées à la cire
difToute , & fit un troifieme tableau. Il alla
plus loin : il confidéra que l'inuftion étoit le
caractère diftin&if de Vencauflique des an-
ciens , & que fon opération n'y répondoit
point. Il fit de nouvelles tentatives ; il par-
vint à difToudre fa cire par le fel de tartre ;
il trouva fon favon & fon eau de cire , en
un mot la troifieme manière que nous avons
décrite.
Ce fut alors qu'un auteur zélé pour les
arts & les artiftes , & impatienté de ce
que M. de Caylus difFéroit tant à fe dé-
couvrir , publia ce qu'il en penfoit & ce
xju'il en favoit ; c'eft-à-dire , tout ce qu'en
favoit M. Bachelier lui-même , & tout ce
qu'on pouvoit en favoir alors ; & il eft très
E N C
à propos de remarquer que cet écrit t
paru long-temps avant l'ouvrage de M. de
Caylus.
Il paroît , par ce précis hiftorique , que
M. Bachelier eft le premier qui ait peint en
cire ( en 1749 ) > comme M. de Caylus eft
le premier qui en ait parlé ( en 17^3 ) ; &
que quant à Tinuftion , qui eft le principal
cara&ere de Yencaufiique y M. Bachelier eft
le premier qui en ait parlé , & qui ait appris
au public & aux artiftes comment fe prati-
quoit cette manœuvre.
Après avoir rendu à chacun la gloire qui
lui appartient , nous allons finir par dire un
mot des tableaux dont leurs découvertes
nous ont enrichis.
Outre le bufte de Minerve qui eft le pre-
mier connu , & qui appartient à M. de la
Live de July , M. Vien a fait un tableau de
trois pies fur quatre , repréfentant dans un
payfage une nymphe de Diane occupée de
l'amour endormi ;
Une tête d' Anacréon , fur toile ;
Deux tableaux repréfentant , l'un Zé-
phyre , & l'autre Flore ;
Une petite tête de vierge-
M. Roflin a fait fon portrait.
M. le Lorrain a fait un tableau de fleurs ,
& une jeune perfonne en habit de mafque.
Ces difFérens morceaux font d'après
M. de Caylus , mais on ne fait pas félon
quelle manière ; cependant comme il dit
lui-même que tous les artiftes qu'il a con-
fultés , ont préféré fa cinquième , il eft à
préfumer qu'au moins la plupart font exécu-
tés dans le genre que M. de Caylus dit n'être
point encaufiique.
M. Bachelier, outre les tableaux dont nous
avons parlé , a fait des fleurs dans un vafe de
porcelaine :
Une jeune fille carefïant une levrette ;
Une tête de profil fur taffetas , & quelques
autres.
Mais fon chef-d'œuvre eft un grand ta-
bleau de douze pies & demi de large fur
neuf & demi de haut , repréfentant des ani-
maux de grandeur naturelle : c'eft la fable
du loup & du cheval. Il eft d'une manière
grande , d'un pinceau ferme , d'une cou-
leur vraie &: d'un effet furprenant ; ce qui
a fait dire au public que ce n'étoit pas
feulement au loup que ce cheval donnoit
E NC
tm coup de pié. Le commencement de cet
éloge eft d'après un écrivain qu'on ne
fbupçonnera pas de favorifer M. Bache-
lier : auffi l'a-t-il tempéré , en ajoutant
qu'on craignoit que ce tableau ne s'écaillât.
C'eft comme s'il eût dit : nous ne pouvons
empêcher qu'il ne foit beau ; empêchons
qu'on ne V.achete. Cet article nous a été
communiqué par M. MoNNO YE. Les
gens de lettres y verront fur Yencaufiique des
recherches & des connoiflânees qui auroient
pu fe trouver & qui ne fe trouvent néanmoins
dans aucun des écrits qu'on a publiés fur cette
matière. Ceux qui auront gardé la neutralité
dans la conteftation de Vencauftique, ne pour-
ront difeonvenir que l'auteur n'ait montré
autant d'impartialité que de jugement, en
réduifant à leur jufte valeur les prétentions
réciproques des parties oppofées , & qu'il
n'ait parlé dans ce morceau avec un foin
qui peut inftruire tout le monde , & une
vérité qui ne doit ofïènfer perfonne.
ENCAVURE , f. m. ( Médecine. ) ma-
ladie particulière des yeux , que les Grecs
ont nommée *oî>>&>#* , & les auteurs latins,
civitas.
Uencai'ure eu un des ulcères profonds de
la cornée , dur , femblable à celui qu'on
appelle fojjete ; excepté qu'il eft plus large
& qu'il femble moins profond , parce que
la cornée fe trouvant émincée , eft un. peu
pouflee au dedans de l'ulcère par l'humeur
aqueufe. Voye\ FOSSETTE.
Cependant dans les ulcères des yeux il
faut peu fe mettre en peine des noms qu'on
leur a donnés , parce qu'ils ne doivent point
changer la méthode curative. L'important
eft de tâcher de connoître la nature de ces
ulcères , en former le pronoftic , & tra-
vailler à la guérifon de ceux qui en font
fufcep^bles. La vue eft trop précieufe pour
négliger l'étude de toutes les maladies qui
peuvent caulèr fa perte ; mais pour éviter
les répétitions qui fe préfenteroient fouvent
dans cet ouvrage , nous rafTemblerons briè-
vement ce qui concerne les diverfes efpeces
d'ulecres dès yeux , fous le mot général
ULCERE de L'ŒIL. Article de M.. le che-
valier DE JA UCO URT.
ENCEINTE , f. m., terme de fortifica-
tion y lignifie la circonférence ou le contour
du rempart d'une place fortifiée , foit
E N C 327
qu'elle foit compofée de battions , ou non.
Chambers. (Q)
Enceinte , ( Vénerie. ) c'eft le lieu où
le valet de limier détourne les bêtes avec
fon limier.
* ENCENIES, adj. pris fubft. (ffift.
anc. ) fêtes qu'on célébroit à la dédicace
d'un temple , à la confécration d'une cha-
pelle , à la réédification d?une maifon. C'é-
toient des feftins & des danlès. Les jeunes-
filles s'y couronnoient de fleurs. Nous avons
auffi nos encenies > les Juifs ont eu les leurs:
elles ont pafTé de la fynagogue dans l'églife t
fous le pape Félix. V. Consécration,:
Temple , Dédicace , &c. Voye\ l'ar-
ticle fuivant.
Encenies , f. f. pi. ( Hïfi. foc. ) reftau*
ration ©u rénovation , formé de kaivqç 9
nouveau.
C'eft le nom que les Juifs donnoient à une
fête très-folemnelle qu'ils célébroient le 2.^
de leur neuvième mois , qui répond à nos
mois de novembre & décembre. Elle avoir
été inftituée en mémoire de la reftauration
ou purification du temple, faite par Judas-*
Machabée.
Les Juifs avoient encore deux encenies ;
lavoir , la dédicace du temple par Salomon y>
& celle que fit Zorobabel après le retour de:
la captivité.
Encenie fe dit auffi dans l'hiftoirê ecclé--
fiaftique & dans les ouvrages des pères , de
la dédicace des églifes chrétiennes. Voye^
Dédicace.
ENCENS , f. m. (Hifi. nau desdrog. )
en latin thus mafeulum ,. olibanum ofÉ
AiVar©- , Théophr. & Diolc. Mntvalh r>
Hippoc. fubftance réfineufe , d'un jaune-
pâle ou tranfparenr , en larmes femblables
à celles du maftic , mais plus groflés. Voici'
ce qu'en dit M. Geoffroy , qui en a parlé
avec lé plus de brièveté & de vérité.
'L'encens eft fec & dur , d'un goût un^
peu amer , modérément acre & réfineux ,-
non défagréable & d'une odeur pénétrante, -
Lorfqu'on le jette fur le feu , il devient7
auffi-tôt ardent & répand une flamme vive-
qui a peine à s'éteindre : il ne coule pas
comme le maftic. Si on le met fous les
dents, il fe brife auffi-tôt en petits mor-~
ceaux ; mais il ne fe réunit point fiomrae le
maftic, & on ne peut pas le rouler comm*
j»8 EN'C
lui dans la bouche , parce qu'il s'attache
aux dents.
Les gouttes $ encens font tranfparentes ,
oblongues & arrondies ; quelquefois elles
font feules , quelquefois il y en a deux
enfemble , & elles reffemblent à des tefti-
cules ou à des mamelles , félon qu'elles
font plus ou moins grottes; c'eft de là que
viennent les noms ridicules d'encens mâle
& d' 'encens femelle. Quelquefois il y a quatre
ou cinq gouttes d'encens de la grollèur
d'un poids ou d'une aveline , qui lont par
hafard attachées à l'écorce d'un arbre d'où
elles ont découlé. On eftime l'encens qui
eft blanchâtre, tranfparent, pur, brillant,
(èc.
L'encens a été connu non-feulement des
Grecs & des Arabes , mais auili de prefque
toutes les nations , & dans tous les temps.
Son utage a été très-célebre & très-fréquent
dans les facrilices ; car autrefois on les
faiiok avec de l'encens , & on fe fervoit ,
comme l'on s'en fert encore à préfent , pour
exciter une odeur agréable dans les tem-
ple>. Cette coutume a prefque pafTe parmi
toutes les nations , dans toutes les religions
&: dans tous les lieux.
„ Le* auteurs ne conviennent pas du pays
natal de l'encens. Quelques-uns prétendent
qu'il n'y a que l'Arabie qui le produit ; &
encore que ce n'eft pas ce pays-là tout
entier , mais feulement la partie que l'on
appelle Saba. D'autres veulent que l'Ethio-
pie , dont quelques peuples s'appellent Sa
Ic'ens y porte auili cette racine odorifé-
rante.
Nous fommes encore moins certains de
farbre qui fournit l'encens. Pline en parle
fort obfcurément , & fuppofe que c'eft le
térébinthe. 1 heophrafte auure qu'il eft haut
de cinq coudées , branchu , & que Ces feuil-
les reilemblent à celles du poirier. D'autres
Cependant , dit-il , foutiennent qu'il eu
fèmbiable au lentifque ; & d'autres , qu'il a
l'écorce & les feuilles du laurier. Diodore
de Sicile lui donne là figure de l'acacia
d'Egypte , & les feuilles de faule. Garzias
aiTure que l'arbre de l'encens n'eft pas fort
haut ; & que lès feuilles font femblables à
celles du îemifque. Thevet au contraire
fou tient qu'il reilemble aux pins qui four-
fiiflèrtf de la réfine.
E N C
Ce que quelques-uns appellent parfum
ou encens des Juifs ( parce qu ils s'en fer-
voient fouvent dans leurs temples ) , eft
une mafTe lèche , un peu réfineufe , rou-
geâtre en écorce, qui a l'odeur pénétrante
du ftorax liquide. Cette maife eft faite des
I ecorces de l'arbre appelle rofa mallas , que
l'on fait bouillir 6c que l'on exprime après
que l'on en a tiré le itorax liquide : elle
n eit bonne qu'à brûler.
La manne d" encens n'eft autre chofe que
les miettes ou les petites parties qui fe font
formées de la colliliou dts grumeaux d'en-
cens , par le mouvement de la voiture ou
autrement.
La fuie d'encens eft cette manne d'en-
cens y brûlée de la manière quon brûle
i'arcançon pour faire du noir de fumée.
L'écorce d'encens eit fécorce de larbre
thunlere. Elle a prefque les mêmes qualités
& la même odeur que l'encens : auili fait-on
entrer cette écorce dans la compolition des
parfums enfiammables ; mais on n'en ap-
porte plus guère , & l'on fubftitue à fa
place l'encens des Juifs.
Legalipoc s'appelle gros encens ou encens
commun , à la différence de l'oliban } qu'on
nomme encens fin.
L'encens marbré eft une des elpeces de
barras. Voye\ BARRAS.
L'encens des Indes ^ qu'on appelle vul-
gairement encens de Moka } quoiqu'il ne
vienne point de cette ville d'Arabie , arrive
en Europe par les vaiileaux des compagnies
des Inc.es , on l'apporte en malTe , quel-
quefois en petites larmes , mais toujours
fort chargé d'ordure. Il eft rougeâtre &
d'un goût un peu amer. Quelques épiciers-
droguiftes le vendent pour le vrai oiiban :
ceiï de leur part une erreur ou une trom-
perie.
L'encens de Thuringe eft , comme on le
dit dans le dictionnaire de Trévoux , la
réiine que fournirent les pins de la Thu-
ringe , & fur-tout du territoire de Saxe ,
qui abonde en forêts de ces lbrtes d'arbres.
Les fourmis fauvages en retirent de petits
grumeaux qu'elles enfoujflent dans la terre
quelquefois jufqu'à quatre pies de profon-
de ir. Là cette poix , par la chaleur fou-
ter.aine , reçoit un nouveau degré de
coftion , & fe réduit en mafle ; on la tire
eniuite
EN C
en fuite de terre par gros morceaux î ck
c'eft ce qu'on appelle encens de Thuringe,
qu'on vend hardiment pour de ['encens.
Voyez XOriclo graphie de M. Schut. Art.
de M. le chev. DE J AU COURT.
ENCENS, {Pharmacie & mat. méd.J
Cette réfine entre dans beaucoup de corn-
pofitions pharmaceutiques officinales. Les
Grecs 6k les Arabes' fur- tout l'employoient
fréquemment; ils regardoient Vencenspns
intérieurement , comme Ijpn contre diffé-
rentes maladies de la tête , de la poitrine,
le flux de ventre 6k les fleurs blanches : ils
le recommandoient pour la toux , le cra-
chement de fang , la diarrhée 6k la dyf-
fenterie.
Quercetanus ( Duchêne , ) in arte med.
pracl. vante beaucoup contre la pleuréfie ,
une pomme creufée dans laquelle on a mis
une drachme iïencens en poudre , 6k que
l'on fait cuire au feu; il la fait prendre
au malade, 6k lui donne trois onces d'eau
de chardon bénit : enfuite il le fait bien
couvrir pour le faire fuer. Rivière allure
qu'il a vu pluiieurs perfonnes guéries par
ce remède.
Quelques auteurs recommandent l'e/z-
fens dans les fumigations de la tête, pour
les catarres , le vertige , le corryza , &
celles de l'anus pour la chute de cette
partie.
Les anciens brûloient Y encens 6k en re-
cevoient la fuie ou le noir de fumée ,
qu'ils eftimoient beaucoup dans les inflam-
mations des yeux.
Mathiole recommande pour la chaffie
ck la rougeur des yeux, de l'eau-rofe,
dans laquelle on a éteint en différentes
fois trente grains tiencens allumés à une
bougie. On pafTe cette eau à travers un
linge blanc , 6k on frotte le coin des yeux
avec une plume.
Quelques perfonnes fe fervent d'un
grain ftencens qu'ils appliquent fur une
dent douloureufe, dans l'intention de la
faire pourrir.
Nous employons aujourd'hui fort rare-
ment Yencens , 6k on ne s'en fert guère
dans les boutiques que pour les prépara-
tions officinales où il eft demandé. Il entre
dans les eaux antinéphrétiques 6k théria-
cales , dans le mithridate , dans les tro-
Tomc XII.
ENC 329
chifques de karabé , dans les pilules de
cynoglofTe 6k de ftyrax , dans les baumes
de Fioraventi 6k du Commandeur, 6k
dans un grand nombre d'emplâtres, (b)
ENCENSEMENT, f. m. (Hift. eccléf.)
c'eft dans l'églife Romaine l'aclion d'en-
cenfer pendant l'office divin , à l'autel, au
clergé 6k au peuple.
On voit , dit M. Aubry , par les anciens
ordres Romains , que l'encens a été intro-
duit comme un parfum pour purifier l'air
6k les perfonnes. L'on a commencé de s'en
fervir dans les temps où les fidèles , obligés
de fe cacher, s'alfembloient en fecret dans
des lieux fouterrains, humides 6k mal-fains;
l'haleine d'un fi grand nombre de perfon-
nes renfermées produifoit une mauvaife
odeur, que l'on tâchoit de diffiper par le
moyen de l'encens, ou de quelques autres
parfums ; telle eft l'origine de l'encens
dans l'églife.
En effet , il feroitaifé d'établir queYen-
cenfementn'eft point une partie du culte ,
mais qu'il a été durant plufieurs fiecles une
fimple purification de l'air 6k des perfonnes,
occafionée par la néceflité dans les lieux
de leurs alTemblées religieufes. Tertullien
le dit pofitivement dans/o/i apologétique,
ch. xxx\ il remarque encore dans un autre
endroit , que les anciens chrétiens n'u-
foient point d'encens pendant l'office di-
vin , 6k que l'on ne s'en fervoit que dans
les funérailles : au témoignage de Tertul-
lien , on pourroit joindre ceux d'Athéna-
gore , de Laétance 6k autres pères, s'il s'a-
gifToit de confirmer cette vérité.
Quand le chriftianifme fut établi fur les
ruines du paganifme , l'ufage de l'encens
continua dans les temples ; ce ne fut plus
alors par le befoin abfolu de la purifica-
tion de l'air , des perfonnes 6k des lieux ,
moins encore pour honorer les hommes ;
ce fut pour imiter l'exemple des mages ,
qui présentèrent de l'or 6k de l'encens à
Notre-Seigneur , afin de lui marquer leurs
refpeéte 6k leur foumiffion; Ton fe fervit
auffi de ce moyen pour inviter les chrétiens
à détacher leurs penfées de la terre, 6k à les
porter au ciel avec la fumée de l'encens.
Mais ce qui n'étoit qu'un type dans la
religion , 6k qu'un hommage d'obligation
au Sauveur du monde , changea bientôt de
Tt
33o E N C
nature , & devint une oblation honoriri
que aux princes de la terre & aux miniftres
de l'autel. Le premier exemple eut lieu en
faveur des empereurs de Conftantinople.
Codin nous apprend que dans les fêtes fo-
lemnelles , le patriarche encenfoit à .deux
différentes fois l'empereur, lorfqu'il afïil-
toit aux offices , &c qu'il remettoit après
cela l'encenfoir à fon diacre, pour aller
donner Vencenfemeht au clergé.
Dans la fuite des temps , les grands-fei-
gneurs , pour fe diftingUer de la foule ,
affeéterentde s'attribuer Y encenfement\ &t
voulant de plus en plus marquer leur rang
& leur dignité dans l'églife même, ils exi-
gèrent deux coups dY encenftment , tandis
qu'on n'en donneroit qu'un feul à tous
les autres aftiftans pendant le facrifice.
Voilà comme il eft arrivé que le plus ou
le moins de coups d'encenfement détignent
aujourd'hui la qualité de la perfonne en-
cenfée ; & l'on fait bien que les ufages
fondés fur l'orgueil & l'ambition ne s'abo-
liiTent guère : aufli l'honneur futile de
Yencenfcment produit tous les jours en
France des procès que l'on juge ordinaire-
ment par les titres & les coutumes des
lieux ; c'eft pourquoi l'on ne manque point
d'arrêts forts finguliers fur cette matière.
Art. de M. le chev. DE JaUCOURT.
* ENCENSOIR, f. m. vafe qui a paffé
du temple des Juifs dans nos temples. Il eft
divifé en deux parties: l'inférieure eft une
efpece de grande faliere revêtue d'une
tôle, qui contient le feu fur lequel on met
l'encens; & la fupérieure, une efpece de
dôme qui couvre la partie inférieure , &
qui eft percée d'un grand nombre de petites
ouvertures par lefquelles la fumée de l'en-
cens peut s'échapper: l'inférieure eft à pié;
il en part trois ou quatre longues chaînes ,
qui traverfent autant de tenons , ou an-
neaux, ou petites douilles fixées fur la
partie fupérieure. Ces chaînes vont fe réu-
nir à une petite pièce plate ou bombée qui
fert comme de poignée à Yencenfoir. Cette
pièce eft percée dans fon milieu, ck traver-
fée d'une chaîne qui fe rend au fommet de
la partie fupérieure de Yencenfoir. Cette
chaîne y eft attachée , & elle eft retenue
fur la pièce plate deYencenfoir qu'elle tra-
verfe par un arrêt à anneau. En tirant cet
E N C
anneau , on fait monter en g'iiTant la partie
fupérieure de Yencenfoir entre les autres
chaînes ; cette partie celle de couvrir la
partie inférieure, & l'on peut mettre dans
celle-ci du feu ck de l'encens. Quand on
y a mis du feu ck de l'encens , on lâche
l'anneau *, la panie fupérieure retombe fur
la partie inférieure , & la couvre , alors
l'eccléfiaftique qui doit fe fervir de Yen-
cenfoir^emhr'dûe dans fa main droite toutes
les chaînes ; la mece à laquelle elles abou-
tiftent eft appliquée ou fur fon pouce ck fon
index , 6k les chaînes fortent par la partie
oppoiée de la main ; ou contre cette partie
oppofée , ck les chaînes fortent entre le
pouce 6k l'index , 6k fe recourbent fur l'in-
dex. Le prêtre en faifant ofciller par le
mouvement du bras 6k du poignet le corps
de Yencenfoir, la fumée de l'encens eft
portée par-tout où il lui plaît de la diriger.
Les Juifs avoient dans leur temple un grand
nombre de ces encenfoirs. On dit que Sa-
lomon en avoit fait fondre 20000 d'or, &
50000 d'argent. Cela eftprefque incroya-
ble : il eft rare qu'il y en ait plus d'une dou-
zaine dans nos plus riches églifes; ils font
tous d'argent , & je ne crois pas qu'on en
ait jamais fait aucun d'or. On prétend que
les encenfoirs des Juifs différoient des nô-
tres , en ce qu'ils étoient fans chaînes , ck
qu'ils fe portoient à la main comme des
réchauds ou grandes caiTolettes à pies.
ENCÉPHALE, adj. m. & f. (Médec.)
ce mot eft grec ; il eft compofé de kv , dans,
& de Ktçcthn., tête\'\\ peut donc convenir à
tout ce qui eft renfermé dans la tête : mais
l'ufage que l'on en fait, eft particulièrement
pour défigner différentes efpeces de vers
qui naiftent en différentes parties de la tête.
Etmuller fait mention , en traitant de la
céphalalgie , de plufieurs ©bfervations par
lefquelles ileonfte qu'elle peut être caufée
par des vers engendrés dans le cerveau ,
ou plus vraifemblablement dans le linus
frontaux, ou dans les cellules de l'os
ethmoïde,puifquel'onen a vufortir parles
narines , au grand foulagement des mala-
des ', c'eft ce que Schenkius , defebre Hun-
garica , dit avoir obfervé plufieurs fois
dans une fièvre qui régnoit en Hongrie ,
que l'on appelloit céphalalgie vermiculaire,
parce que la douleur de tête qui étoit le
E N C
-fymptome dominant 6k le plus violent de
cette fièvre, étoitcaufée par des vers. Bar-
tholin , cent. 6 , cbf. 3 , fait auifi mention
d'une douleur de tête très-opiniâtre guérie
par l'excrétion de quelques vers par les na-
rines : on trouve une femb'able obferva-
tion dans Foreftus, Ub. XXI . obf. 28.
Il confie cependant qu'il y a eu des ma-
ladies peftilentielles , clans lefquelles il s'en-
gendroit des vers dans le cerveau même,
lorfqu'elles n'avoient pas d'autre cauieque
la difpofition à cette production. Voy. ce
qui eft dit à ce fujet dans le Dicl. de Tré-
voux ^article ENCÉPHALE. V. aufli , fur
le même fujet, plusieurs chofes très-fingu-
lieres 6k très-utiles dans le traité de la gé-
nération des vers dans le corps humain ,
par M. Andry, 6k dans ce dictionnaire
Y article VERS, (d)
ENCHAINEMENT,ENCHAINURE
(Synon.J Le premier ne fe dit bien qu'au
figuré ; on commence à employer le fé-
cond en parlant des ouvrages de l'art, 6k
il faut encourager ces fortes d'ufages tant
qu'il eft poflible. Article de M. le cheva-
lier DE JAUCOURT.
ENCHANTELER , v. ac\ ( Comm.
ide ffin.) c'eft mettre en chantier.
ENCHANTEMENT, ù m. (Sortilège
•& Divinat.) paroles 6k cérémonies dont
ufent les magiciens pour évoquer les dé-
mons, faire des maléfices , ou tromper la
{implicite du peuple. V. Magie, Fasci-
nation , Maléfice , Sorcellerie.
-, Ce mot eft dérivé du Latin in , 6k canto,
je chante ; foit que dans l'antiquité les ma-
giciens euffent coutume de chanter leurs
conjurations 6k exorcifmes magiques, foit
que les formules de leurs enchantemens
fuffent conçues en vers, èk l'on fait que les
vers étoient faits pour être chantés. Cette
dernière conjecture paroît d'autant plus
vraifemblable, qu'on donnoit aufli aux*/z-
chantemens le nom de carmina, vers, d'où
nous avons fait charme, Voy. Charme.
Rien , félon M. Pluche, n'eft plus Am-
ple que l'origine des enchantemens. Les
feuillages ou les herbes dont on couronna ,
dans les prerriisrs fernp$ , la tête d'Ifis ,
d'Ofiris 6k des autres fymboles , n*cr*>?ent
eux-mêmes que des fymboles de la récolte
abondante, ck les paroles que prononcoient
ENC 33,
les prêtres, que les formules de remercie-
mens pour les dons de la Divinité. Peu à
peu ces idées s'affaiblirent dans l'efprit des
peuples, s'effacèrent 6k fe perdirent en-
tièrement , « 6k ils prirent l'idée de l'union
de certaines plantes 6k de quelques paro-
les devenues furannées 6k inintelligibles ,
pour des pratiques myftérieufes éprouvées
par leurs pères. Ils en firent une collec-
tion , 6k un art par lequel ils prétendoient
pourvoir prefque infailliblement à tous
leurs befoins. L'union qu'on faifoit de
telle ou telle formule antique avec tel ou
tel feuillage arrangé fur la tête d'Ifis au-
tour d'un croiflantde lune ou d'une étoile,
introduisît cette opinion infenfée , qu'avec
certaines herbes 6k certaines paroles on
pouvoit faire defeendre du ciel en terre
la lune ck les étoiles :
Carmina velcœlo poffunt deducere lunam.
Ils avoient des formules pour tous les
cas , même pour nuire à leurs ennemis ;
on en voit du moins la preuve dans les
poètes. La connoilTance de plufieurs {im-
pies , bien ou mal-faifans , vint au fecours
de ces invocations 6k imprécations afîu-
rément très-impuiflantes ; 6k les fuccès
de la médecine ou de la feience des poi-
fons aidèrent à mettre en vogue les chi-
mères de la magie. » Hiji. du Ciel, tom. I,
pag. 450 CV 45 r.
Il s'enfuit de ce fentiment , i°. que 1V/2-
chantement eft compofé de deux chofes ;
favoir, d'herbes ou autres inftrumens ma-
giques , comme des cadavres humains , du
fang ou des membres d'animaux, tels qu'on
en employoit dans la Nécromancie ; mais
ce n'eft-là que l'appareil , le matériel , 6k
pour ainfi dire le corps de V enchantement.
2°. Que ce qui en faifoit la force , 6k déter-
minoit cet appareil à l'utilité ou au détri-
ment de l'objet pour ou contre lequel étoit
deftinée l'opération magique, c'étoientles
paroles 6k les formules que prononcoient
'es enchanteurs. C'eft fur ce fondement
que les démonographes, dans les récits
qu'ils donnent des fortileges, font toujours
mention de certaines paroles , certains
mots, que les forciers 6k forcieres pronon-
cent tout bas 6k grommelant entre leurs
derïîâ. 3°r Qu'il y avoit deux fortes d'e/z-
chanumens , \z*ur$ favorables ou utiles,
33* ENC
ck les autres contraires ck pernicieux.
« Quant à ces derniers, l'humanité, pour-
fuit le môme auteur, infpirant naturelle-
ment de l'horreur pour les pratiques qui
tendent à la deftru&ion de nos femblables,
les incantations magiques qu'on croyoit
meurtrières, furent abhorrées ck punies
chez tous les peuples policés. » Mais cette
févérité n'a pas empêché que dans tous les
temps ck chez tous les peuples il n'y ait eu
des importeurs qui n'aient fait le métier
d'enchanteurs , ou des hommes affez fcé-
lérats pour efpérer parvenir à leurs fins par
les enchantemens. Entre pîufieurs elpeces
dont parlent ou les hiftoriens ou les auteurs
qui ont traité en particulier delà magie,
nous ne nous arrêterons qu'à ces figures de
cire , par le moyen defquelles on s'imagi-
noit faire périr ceux qu'on haïfïbit. Onap-
pelloit autrefois en France ces figures un
volt ou un voufl , ck l'ufage qu'on en pré-
tendoif faire , envoufter quelqu'un ; terme
que Ménage dérive à'invotare , dévouer
quelqu'un aux puiffances infernales, mais
qui , félon Ducange, vient d'invulturare,
vultum effingerc , mot employé dans la
moyenne Latinité pour exprimer cette re-
présentation de quelqu'un en cire ou en
terre glaife. Quoi qu'il en foit de l'étymo-
logiedumot, il eft certain que clans Tu fage
qu'on en prétendoit faire, il entroit des pa-
roles qu'on feperfuadoit ne pouvoir être
prononcées efficacement par toutes fortes
de perfonnes.C'eftce q^ue nous apprenons
par quelques particulantésdu procès de Ro-
bert d'Artois fous Philippe de Valois ; pro-
cès dont M. Lancelot, de l'académie des
Belles-Lettres, nous a donné une hiftoire
fi intéreflante dans les mémoires de cette
académie. Cet auteur dit que Robert d'Ar-
tois ck fon époufe uferent iï enchantemens
contre le roi ck la reine ; ck que l'an 1 3 1 3 ,
entre la S. Rémi ckla TouMaint, Robert
manda frère Henri Sagebrand , de l'ordre
de laTriuité, fon chapelain;ck après beau-
coup de careties, ck l'avoir obligé de jurer
qu'il lui garderoit le fecret fous le fceau de
la confeffion, ce que le moine jura. Robert
ouvrit un petit écrin, ck en tiraw/ze image,
de cire, enveloppée en un querre-chiefcrefpé,
laquelle image efioit à la femblana d'une
Jigure de Jeune homme , & efioit bien de
ENC
ta longueur d'un pic & demi, ce li fembte
(c'en1 la dépofition de frère HenriJ, &Ji le
vit bien clerement par le querre-chiefqui
ètoit moulte délieq, & avoit entourle chief
femblance de cheveux an ffî comme un jeune
homme qui porte chief. Le moine voulut y
toucher: N'y touchie^, frère Henri, lui dit
Robert, il e]i tout fait, icefluy eft tout bap-
ti/îe^fen le m'a envoyé de France tout fait
&tout baptifle^. Iln y faut rien à ceftuy, &
eft fait contre Jehan de France & en fon
nom& pour le grever. ..mais je en vouldroys
avoir un autre que je voudroye quilfufi
baptifié.Et pour qui efl-ce} dit frère Henri;
C eft contre une deabUjfe, dit Robert; c'efi
contre la rôyne...Jzvous prie que vous me
le baptifie^, quar il eft tout fait. Un y faut
que le baptefme\je ai tout prit les parrains
& les marraines , & quant que il y a mé-
tier, fors le baptijèment...ll ny faut à faire
fors auj/i comme à un enfant baptifer &dire
les noms qui y appartiennent. Frère Henri
refufa conftamment fon miniftere pour
de pareilles opérations, ck dit à Robert
d'envoyer chercher celui qui avoit baptifé
l'autre. Il fit également ck aufli inutilement
folliciter Jean Aymeri, prêtre du diocefe
de Liège , de baptifer fon vouft ou#fon
image de cire. Mém. de Cacad. des infcr.
tome X . pag. 617 & 62 c).
Il paroît, par ce récit , qu'outre la pro-
fanation facrilege qu'on exigeoit, la forme
de baptême ck l'impofition du nom par les
parrains ck marraines paffoit pour nécef-
faire , afin qu'au moyen de la figure on pût
nuire à fes ennemis.
Ce n'eft pas feulement parmi les anciens
ni enEurope que ces fortes à" enchantemens
ont eu lieu, ils étoient connus des fauvages
d'Amérique.Chez les Illinois ck chez d'au-
tres nations , dit le P. Charlevoix , on fait
de petits marmoufets pour repréfenter ceux
dont on veut abréger les jours , ck qu'on
perce au cœur. Il ajoute que d'autres fois,
on prend une pierre ; ck par le moyen de
quelques invocations, on prétend en for-
mer une femblable dans le cœur de fon
ennemi. Toutes ces pratiques , quelque
impies ou ridicules qu'elles foient , con-
courent à prouver ce que nous avons ob-
fervé, que Y enchantement eft un afTem-
blage d'adions ck de paroles , dans la vue
E N C
coopérer quelque effet extraordinaire , 6k
communément pernicieux. Journ. d'un
voyage d'Amer. lett. xxv 9 p. 3&0. ( G)
Enchantement, Ç.Méd.) manière
de guérir les maladies , foit par des amu-
lettes , des taliimans, des phylactères , des
pierres précieufes 6k des mots barbares ,
qu'on porte fur la perfonne, foit par des
préparations fuperfîitieufes de (impies, foit
enfin par d'autres moyens auffi frivoles.
Il n'eft pas difficile d'en découvrir l'ori-
gine ; c'eft l'ignorance , l'amour de la vie
ôv la crainte de la mort qui leur ont donné
naiffance. Les hommes voyant que les
fecours naturels qu'ils connoiffoient pour
fe guérir étoient fouvent inutiles, s'atta-
chèrent à tout ce qui s'offrit à leur efprit ,
à tout ce que leur imagination vint à leur
fuggérer.
Les amulettes , les talifmans , les phylac-
tères , les pierres précieufes , les os de mort
qu'on mit fur foi , dans certains cas extraor-
dinaires,parurent peut-être d'abord comme
des remèdes indifférens , qu'on pouvoit
d'autant mieux employer , que s'ils ne
faifoient point de bien , du moins ne cau-
foient-ils point de mal. Ne voyons-nous
pas encore tous les jours une infinité de
gens fe conduire par les mêmes principes?
Ces remèdes n'étoient d'ailleurs ni rebu-
tans,ni douloureux, ni défagréables. On
s'y livra volontiers ; l'exemple 6k l'imagi-
nation , quelquefois utiles pour fuppléer
à la vertu qui manquoit aux remèdes de
cette efpece, les accréditèrent ; la fuperfti-
tion les autorifa , 6k vraifemblablement la
fourberie des hommes y mit le fceau.
Quoiqu'il en foit, les enchantemens fe
font ii biens introduits 6k de fi bonne heure
dans la médecine, que toutes les nations
les ont pratiqués de temps immémorial,
ck qu'ils fubfiftent encore dans les trois
plus grandes parties du monde ; l'Afie ,
l'Afrique ck l'Amérique.
Hammon, Hermès. Zoroaftre pafîbient
parmi les païens pour les auteurs de cette
pratique médicinale. Hammon , qu'on
compte entre les premiers rois de la dy-
naftie d'Egypte , a été regardé pour l'in-
venteur de l'art de faire fortir le fer d'une
plaie , ck de guérir les morfures des ferpens
par des enchantemens.
E N C 333
Pindare dit qut Chiron le centaure
traitoit toutes fortes de maladies par le
même fecours , ck Platon raconte que les
fages - femmes d'Athènes n'avoient pas
d'autres fecrets pour faciliter les accouche-
mens; mais je ne fâche poir-t de peuple
chez qui cet ufage ait trouvé plus de fec-
tateurs que chez les Hébreux.
Leur loi ne put venir à bout d'arrêter le
cours du défordre ; c'eft pourquoi Jérémie
( chap. vij , v. ty, ) les menaça au nom du
Seigneur de leur envoyer des ferpens con-
tre la morfure defquels l'enchanteur ne
pourroit rien.
Hippocrate contribua merveilleufement
par les lumières à effacer de l'efprit des
Grecs les idées qu'ils pouvoient avoir fu-
cées fur la vertu des enchantemens. Ce n'eft
pas que leurs philofophes , ck ceux qui
étoient nourris dans leurs principes , don-
naffent dans ces niaiferies ; l'hiftoire nous
prouve bien le contraire. J'aime à lire dans
Plutarque ce que Périclès , inftruit par Ana-
xagore , penfoit de tous ces vains remèdes :
« Vous voyez , dit-il , à un de fes amis qui
» vint le vifîter daHÉ le temps qu'il étoit
» atraqaé de la pefte dont il mourut , vous
» voyez mon état de langueur ; mais re-
» gardez fur-tout, ajouta-t-il, cette efpece
» de charme que des femmes ont pendu à
» mon cou , ck jugez , après cela , lî j'ai
» eu l'efprit bien affoibli. »
Cependant les Romains gémirent long-
temps fous le poids de cette fuperiution.
Tite-Live nous apprend qu'une maladie
épidémique régnant à Rome ,1'an 326 de
/a fondation, on épuifa vainement tous les
remèdes connus de la médecine , après
quoi on eut recours aux enchantemens 6k à
toutes les extravagances dont l'efprit de
l'homme eft capable. On en pouffa fî loin
la manie, que Ie'fénat fut obligé de les
défendre par de féveres ordonnances ; c'é-
toit aux Pfylles, peuples de la Lybie, 6k
aux Marfes , peuples d'Italie , qu'ils s'a-
drelïbient , à caufe de leur célébrité dans
la feience des enchantemens. Enfin , Afclé-
piade, qui vivoit du temps de Mithri-
date 6k de Cicéron , eut le bonheur de
bannir de Rome cette vaine manière de
traiter les maladies. Peut-être auffi qu'Af-
clépiade parut dans le temps favorable où
334 E N C
l'on commençoit à s'en lafïer , parce qu'on
n'en voyoit aucun effet.
Les premiers chrétiens n'ont pas été
exempts de cette folie, puifque les papes 6k
les conciles prirent le parti de condamner
' les phylactères que les nouveaux conver-
tis au chriftianifme portoient fur leurper-
fonne , pour fe préferverde certains dan-
gers. En un mot , les ténèbres de l'erreur ne
fediffiperent que quand les arts 6k les fcien-
ces , enfevelis pendant plufieurs flecles , re-
parurent en Europe. Alors la médecine,
de plus en plus éclairée , rejeta toutes les
applications fuperftirieufes des remèdes ri-
dicules , opéra la guéri fon des maladies par
les fecours de l'art, 6k nous remit à peu
près au même point où Hippocrate avoit
laifle les Grecs à fa mort. Tout le monde
fait que dans ce temps-là les TherTaliens
l'emportoient fur toutes les nations dans
la pratique des enchantemens , 6k que Phi-
lippe, étant tombé malade , fit venir à fa
cour une Theflalienne pour le guérir ; mais
la curieufe Olympias appeîla fecrétement
la TheiTalienne dans fon cabinet, où ne
pouvant fe laffer d'aflfmirer fes grâces 6k fa
beauté : « N'écoutons plus , s'écria-t-elle,
» les vains difcours du peuple; les charmes
» dont vous vous fervez font dans vos
» yeux. » Cet article efl de M. le chevalier
DE J AU COURT.
Enchantement, (Belles-Lettres. J
terme d'opéra. Le merveilleux eft le fonds
de l'opéra François. Cette première idée
queQuinaultaeue en créant ce genre, eft
le germe des plus grandes beautés de ce
fpe&acle. ( V. Opéra. ) C'eft le théâtre
des enchantemens ; toute forte de merveil-
leux eft de fon reffort , 6k on ne peut le
produire que par l'intervention des dieux
de la fable , ck par le fecours de la féerie
ou de la magie.
Les dieux de la fable développent fur ce
théâtre la puiftance furnaturelle que l'anti- '
quité leur attribuoit La féerie y fait voir
un pouvoir furprenant fur les créatures
fans mouvement , ou fur les êtres ani-
més : la magie , par fes enchantemens , y .
amené des changemens qui étonnent , ex
tous ces différehs reflbrts y produifentdes
beautés qui peuvent faire illufîon , lorf-
tju'ils font conduitspar une main habile.
E N C
Il y a un enchantement dans l'opéra
d'Amadis , qui eft le fonds d'un divertifté-
ment très-bien amené 6k fort agréable;
il a été copié dans Tanciede , ck la copie
eft bien au deffous de l'original. Amadis ,
dans le premier, croit voir dans une ma-
gicienne , Oriane qu'il adore; il met à Ces
pies Ces armes , ck X enchantement produit
un effet raifonnable 6k fondé fur lapaflion
de ce héros.
Des nymphes paroifTent dans Tancre-
de;elles d§nfent autour de lui, ck les armes
lui tombent des mains , fans autre motif
apparentauxyeuxdu fpeétateur. Suffit-il
de danfer pour enchaîner la valeur d'un
héros , bien fur d'ailleurs dans cette occa-
sion que tout ce qu'il voit n'eft qu'un
enchantement ? car il eft dans la forêt en-
chantée, 6k les flammes qui l'ont retenu
font un enchantement , à ce qu'il dit lui-
ï'me, &c.
Cette critique fur un ouvrage très-efti-
mable d'ailleurs , 6k dont l'auteur n'eft
plus, a pour feul motif le progrès de l'art.
Quelque peu fondés en raifon que foient
les enchantemens , quoiqu'ils foient contra-
dictoires.avec le bon fens , 6k qu'enfin ,
fans être trop philofophe , on puifTe avec
confiance en nier la poftibilité , l'opinion
commune fuffit pour donner la liberté aux
poètes de les introduire dans un genre
confacré à la ficlion ; mais ils ne doivent
s'en fervir qu'en leur confervant les motifs
capables de les occafioner , 6k les effets
qu'ils produiroient réellement s'ils étoient
poffibles.
Tout enchantement qui ne naît pas du
fujet qu'on traite , qui ne fert point au
développement de la paffion , 6k qui n'en
eft pas l'effet , eft donc vicieux , 6k ne
fauroit produire qu'une beauté hors de
place;cette efpecede merveilleux ne doit
être employé à l'opéra qu'à propos. Il n'eft
qu'un reffort de plus dans la main du
poëte pour faire sgir la paflion , 6k pour
lui faire créer des moyens plus forts d'éton-
ner, d'ébranler, de féduire , de troubler le
fpe&ateur. Voye^ FÉERIE , Magie ,
Opéra. (B)
ENCHANTEUR, f. m. terme d'opéra.
Il y a des rôles d'enchanteur. Tous ceux qui
font des enchantemens ne fontpasappellés
E N C
de ce nom; on leur donne plus commu-
nément celui de magiciens , ck on les fait
baffe-tailles. Voy. Magiciens.
Dans Tancrede il y â un enchanteur zu
prologue qui eft haute-contre. Danchet a
donné le nom d'enchanteur à Ton Ifménor.
De l'enchanteur le trépas eft certain. M.
de Monc-if appelle ainfi Zehndor , roi des
Silphes. yoye[ FÉERIE.
En général ,1e nom d'enchanteur ne con-
vient qu'aux rôles de magiciens bienfai-
fans. On appelle magiciens tous les autres.
Voycr^ Enchantement, Magicien ,
Féerie, Opéra. (B)
ENCHAPER , v. aft. ÇComm .) c'eft
donnera un baril une chape , ou une che-
mife , ou une double futaille. Il fe dit
particulièrement des tonneaux qu'on rem-
plit de poudre à canon.
ENCHAPERONER, v. art. ÇFauc.)
c'eft mettre le chaperon fur la tête de l'oi-
feau.
ENCHARNER,<:/z terme delayetier,
c'eft attacher le couvercle d'une boîte au
derrière , avec des crochets de fil de fer
qui fe prennent les uns dans les autres en
forme de charnière.
ENCHASSURE , f. f. dans l'impri-
merie , 'eft un morceau de bois de noyer
de dix-huit pouces de long , de dix à onze
pouces de large , ck de deux pouces d'é-
paiffeur , très-uni d'un côté, ck creufé ck
entaillé de l'autre , de façon à recevoir une
platine , foit de fer , foit de cuivre ; aux
platines de fer , les enchdjfures font pref-
que inévitables pour réparer leur peu de
juftefle ; à celles de cuivre , on y met moins
à'enchdjffures ; néanmoins elles font utiles
dans le cas où la platine a a cquis quelque
défecluofité, ou , ce qui eft le plus général
quand on veut augmenter la portée d'une
platine dans toutes (es dimenfions. Voye\
Platine.
ENCHAUSSÊ, adj. f Blafon .) il fe
dit de l'écu qui eft taillé depuis le milieu
d'un de fes côtés , en tirant vers la pointe
du côté oppofé. Il y a des écus enchaujjes
à dextre , ck d'autres à feneftre , fuivantle
côté où la taille commence. Liecheftain ,
d'argent enchaujfé d'azur.
ENCHERE, f. f. (JurifprudJ ce
terme, qui vient Renchérir, ne devroit ,
EN C 335
félon la fignification propre , s'entendre
que de l'offre qui eft faite au deffus du prix
qu'un autre a offert : néanmoins, dans l'u-
fage , on comprend fous le terme d'enchère
toute mife à prix, même celle qui eft faite
la première pour quelque meuble ou im-
meuble , ou pour un bail ou autre exploi-
tation.
Dans quelques pays , les enchères font
appellées mifesàprix ; ck en d'autres , fur-
dites.
Les enchères font reçues dans toutes les
ventes de meubles qui fe font à l'encan ,
foit à l'amiable , ou forcées. Dans ces fortes
de ventes, c'eft l'huiflier qui fait la pre-
mière enchère ou mife à prix.
On reçoit auiîi les enchères pour les ven-
tes des coupes de bois, pour les baux des
fermes , baux judiciaires , adjudications
d'ouvrages ou autres entreprîtes.
A l'égard des immeubles qui fe ven-
dent par décret volontaire ou forcé , ou
par licitation-en juftice , c'eft le pouriui-
vant qui met au greffe la première en-
chère , qu'on appelle enchère de quaran-
taine. Ceux qui fe préfentent pour acqué-
rir , ont chacun la liberté de mettre leur
enchère jufqu'à ce que l'adjudication foit
faite.
L 'enchère eft. un contrat que l'enchérif-
feur paffe avec la juftice , ck par lequel il
s'oblige de prendre la chofe pour le prix
par lui offert , au cas qu'il ne fe trouve
point d'^cAere plus forte. Ce contratoblige
dès le moment même de {'enchère ; ck on
ne peut la rétracter , quand même i'enché-
riffeur prouveroit une léfîon d'outre moi-
tié : mais dès que Y enchère eft. couverte par
une autre plus forte , le précédent enché-
riffeur eft déchargé de fon engagement,
lequel contient toujours tacitement cette
condition.
Lorfqu'il y a appel de l'adjudication ,
le dernier enchériffeur peut demander
d'être déchargé de fon enchère , n'étant
pas obligé d'attendre l'événement de l'ad-
judication, ckde garder en attendant fon
argent oifif.
Dans les adjudications de bois ou de
fermes du roi , on reçoit encore des en-
chères après l'adjudication; mais il faut
que ce foit par tierceraent ck par double-
336 E N C
ment. Voye^ Doublement & TieR-
CEMENT.
Les enchérifTeurs , en faifant leur en-
chère , doivent nommer leur procureur ck
élire chez lui domicile , autrement l'en-
chère ne feroit pas reçue.
Dans les ventes d'immeubles qui fe font
par autorité de juftice , l'ufage eft que les
enchères fe font par des procureurs fondés
de procuration fpéciale de leurs parties.
Les procureurs ne peuvent enchérir au
defTus delà fomme portée par la procura-
tion ; s'ils vont au-delà, ils font refpon-
fables de leur enchère.
Mais quoique le conftituant ne fe trouve
pas en état de payer , le procureur n'eft pas
refponfable de l'enchère, à moins que Fin-
fol vabilité du conftituant ne fût notoire
ck apparente. Il y a un arrêt conforme du
24 janvier 1687 , rapporté dans le recueil
des procureurs , pag. 2.18.
Tout enchériifeur doit, à peine de
nullité,faire fignifier fon enchère au dernier
enchériiïeur , c'eft-à-dire, à celui qui a en-
chéri immédiatement avant lui. Mais la
dernière enchère qui fe fait dans la dernière
remife , n'a pas befoin d'être lignifiée.
Toutes perfonnes capables d'acquérir
font reçues à enchérir, à l'exception de ceux
qui par des confidérations particulières , ne
peuvent acquérir les biens ou droitsdont on
fait l'adjudication, tels que les juges devant
lefquels fe fait l'adjudication, les confeillers
du même fiege , les avocats ou procureurs
du roi , les greffiers commis : ce qui a été
fagement établi, pour empêcher que ces
perfonnes n'abufentdeleur minifterepour
écarter les autres enchériffeurs, ck fe rendre
adjudicataires à vil prix. V. Tr. de Lavente
des immeubles par décret , de M. d'Héri-
court.
Enchère couverte eft celle au defTus de la-
quelle un autre enchériifeur a fait fa mife.
Dernière enchère fignifie quelquefois
Venchere qui eft actuellement la dernière
dans l'ordre , mais qui peut être couverte
d'un moment à l'autre , ou dans une remife
fuivante, par un autre enchérifTeur , au
moyen de quoi elle cefTeroit d'être la der-
nière. Souvent auffi on entend par dernière
enchère , celle fur laquelle l'adjudication
définitive a été faite.
E N C
Enchère à V extinction de la chandelle. V.
Chandelle éteinte.
Folle-enchere eft celle qui eft faite par
un enchérifTeur infolvable , ou par un pro-
cureur qui ne connoît pas fa partie , ou qui
n'a pas d'elle le pouvoir en bonne forme ,
ou qui excède ce pouvoir, ou enfin qui fe
charge d'enchérir pour un homme notoire-
rement infolvable.
Faute par l'adjudicataire de consigner le
prix de fon adjudication dans le temps
preferir, on fait ordonner qu'il fera procédé
à une nouvelle adjudication à fa folle-en-
chere ; ck , comme on dit quelquefois pour
abréger , on pourfuit la folle-enchere, en
quoi l'on confond la caufe avec l'effet.
S'il ne fe préfente perfonne qui porte la
chofe à fi haut prix que celui pour lequel
elle avoit été adjugée; en ce cas, celui fur
lequel fe pourfuit \a folle- enchère , eft tenu
de fournir ce qui manque pour faire le prix
de fon adjudication, avec tous les frais faits
pour parvenir à une nouvelle adjudication;
c'eft ce que l'on appelle payer lafolle-en-"
chère : ck celui qui la doit peut être con-
traint à payer par faifie ck vente de (qs biens
meubles ck immeubles, 6k même quelque-
fois par corps , félon les circonftarices.
On peut auffi conclure contre lui aux
intérêts du prix , du jour de l'adjudication.
Si le prix de la nouvelle adjudication
monte plus haut que celui de la précédente,
cet excédant doit être employé , comme le
refte du prix , à payer les créanciers.
La folle-enchere n'a point lieu contre
ceux qui ne peuvent aliéner , lefquels par
conféquent font non recevables à enchérir.
Dans le cas de folle-enchere , on ne peut
pas forcer le précédent enchérifTeur de te-
nir fon enchère. Il ne peut pas non' plus
obliger le pourfuivant , ni la partie faifie ,
de lui céder le bien fur le pié de la der-
nière; mais s'il veut bien tenir cette der-
nière enchère , ck-que le pourfuivant ck la
partie faifie y confentent , on ne pourfuit
point la folle-enchere.
Il n'eft point dû de droits feigneuriaux
pour la première adjudication d'un héritage
qui eft réfolue à caufe de la folle-enchere ,
à moins que le premier adjudicataire ne les
eût payés ; auquel cas , il ne pourroit les ré-
péter : mais il eft dû des droits pour la
dernière
ENC
dernière adjudication , ainli que l'établit
Henrys , tome II , liv. III , quxfl. 3. {A)
Enchère par licitadc.n y eff un aéte que îe
procureur de celui quipouriuitunelicitation ,
Fait afficher , publier , & mettre au greffe ,
pour annoncer qu'un tel héritage fera vendu
par licitation ; qu'il l'a mis à tel prix, &
autres charges, claufes , &. conditions : on
y détaille aufïi la confiflance des biens ; faute
d'enchérifîeurs , on remet à quinzaine ,
jour auquel on reçoit les enchères ; & on
adjuge par licitation après trois remiies diffé-
rentes. ( A )
Enchère au profit commun , eff une enchère
ordinaire à laquelle on. donne ce nom dans
la province de Normandie ; parce que la
totalité de ces fortes d'enchères tourne au
profit de tous les créanciers , à la différence
de l'enchère au profit particulier , qui va être
expliquée dans l'article fuivant.
Enchère au profit particulier , eff une
enchère d'une efpcce finguliere , qui n'eff ufi-
tée qu'en Normandie. C'eff une grâce que
Ton accorde dans les adjudications par dé-
cret , aux derniers créanciers & tiers-acqué-
reurs, qui prévoient qu'ils ne feront point
mis en ordre utile , fi l'on fe tient à la dernière
enchère faite à l'ordinaire , & qu'on appelle
dans ce pays enchère au profit commun , à
caufe qu'elle tourne au profit de tous les
créanciers : dans ce cas , tout créancier pri-
vilégié ou hypothécaire dont la créance eff
antérieure à la faifie réelle , peut enchérir
à fon profit particulier à telle fomme que bon
lui femble ; ce qui s'entend toujours à con-
dition que le quart de ce dont il a augmenté
fa dernière enchère ■, tournera au profit com-
mun des autres créanciers , & que les trois
autres quarts feront par lui imputés iur ce
qui lui eff dû.
Pour pouvoir enchérir à fon profit par-
ticulier, il faut, i°. être créancier privi-
légié ou hypothécaire fur les biens faifis
avant la faifie réelle ; 2d. que la dette foit
légitime & fondée en un titre paré & exé-
cutoire ; 30. que Y enchère au profit parti-
culier foit faite avant l'adjudication finale ;
4°-^ qu'elle foit mile au greffe du fiege où
fe fait le décret , quinze jours avant l'adju-
dication ; 5°- qu'elle foit lue publique-
ment aux plaids , c'eff-à-dire , l'audience
tenante.
Tome XII.
rEN,C .337
Aux plaids fuivans où on la relit encorre
s'il ne fe prélènte perfonne qui veuille porte,
au profit commun le prix du bien décrété
juiqu'à la fbmme à laquelle le créancier
ou tiers-acquéreur l'a porté à fon profit
particulier , & qu'il n'y ait point d'autre
créancier antérieur à la faifie réelle qui
veuille lurenchérir à fon profit particulier;
en ce cas on adjuge le bien purement &
fimpîement , fans que perlonne foit admis
par la fuite à enchérir , ibit au profit com-
mun , ou à fon profit particulier.
Lorfque le décret fe pourfuir fur un
tiers-détenteur qui n'eff pas débiteur per-
fonnel , il n'y a que les créanciers antérieurs
à fon acquifition qui foient admis à enchérir
au profit particulier.
Si le bien vendu par décret confiffe en
plufieurs pièces , le créancier qui enchérit
à fon profit particulier , peut déclarer fur
quelle pièce il veut appliquer fon enchère
au profit particulier ; mais fi la répartition
n'en a point été faite à l'audience , en ce
cas elle fe fait de plein droit au fou la livre
du prix de l'adjudication , & cela fufrît afin
de prévenir les fraudes , notamment celle
qui pourroit fe faire contre le retrait féodal
ou lignager, parce que fi on différoit plus
long-temps à faire l'application de ^enchère
au profit particulier , on ne manqueroit
pas de l'appliquer toute entière fur l'héri-
tage pour lequel on craindroit quelque re-
trait.
Le receveur des confignations eff tenu
de prendre , pour argent comptant , les
titres valables de créance de celui qui a
enchéri à fon profit particulier, & ce juf-
qu'à concurrence de la fomme dont il a
augmenté la dernière enchère,
Si celui qui a ainfi enchéri fe croyant
créancier ne l'eff point effectivement , il
doit payer le prix entier de fon adjudica-
tion au profit commun. Voye\ les arti-
cles 54.9 , $jj & $8 z de la coutume de
Normandie , ce que les commentateurs ont
dit fur ces articles, & le traité de la vente
des immeubles par décret , de M. d'Héri-
court , ch. x } n. zy & fuiv. ( A )
Enchère de quarantaine , eff un ade que
le procureur du pourfuivant met au greffe
après le congé d'adjuger : pour annoncer
que l'on procédera à la vente & adjudica-
V Y
538 E N C EN
fion des biers faiiis récliemonc fur un tel, J les autres. Fovq ADJUDICATION , DÉ-
011 énonce la confiffance des biens aux-
quels le poursuivant met un prix , & il
détaille les autres charges , clauies & con-
ditions de l'adjudication» Cette enchère e!r
furnommée de quarantaine , parce que l'on
y déclare qu'il fera procédé à l'adjudication
quarante jours après que Yenchere eit mile
au greffe.
Elle ne fe fait qu'après le congé d'ad-
juger , & après que les oppofitions à fin
d'annuiler, de charge & de dillraire , on:
été jugées ; attendu que il l'oppoiition à fin
d'annuiler avoit lieu , il n'y fturoit plus
de décréta faire, & que ï enchère doit faire
mention des héritages qui feront diilrairs de
l'adjudication , & des charges dont -l'adjudi-
cataire fera tenu.
Cette eachert étant reçue au greffe, doit
êtfa lue & publiée «à l'audience , tant de la
jurildldion où fe pouriuit le décret , que
de celles où les biens font fitués. La quaran-
taine ne commence que du jour de la der-
nière publication.
On affiche cette enchère aux portes des
juritdictions où elle le publie , aux églifes
paroiillales de ces jurifdictions , des parties
îaifies , aux portes des villes par où l'on
fort pour aller aux biens faiiis , & dans
les endroits où l'on a coutume de les
afficher ,* fuivant l'ulage de chaque lieu.
\S enchère doit otre lignifiée au procureur
de la partie faille , & aux procureurs des
oppofans.
Après la quarantaine on procède fur cette
enchère à l'adjudication , qui ne fe fait que
fauf quinzaine ; & enfuite , après plufieurs
rernifes , on adjuge définitivement. Voye\
Adjudication , Criées, Décret ,
Remises. (A )
Enchère au rabais , eft celle qui fe fait
dans les adjudications au rabais : c'efl-à-
dire , que l'un ayant offert de faire une
chofe pour un certain prix , un autre en-
chiriffeur offre de la faire pour un moindre
prix. Voye^ RABAIS.
Renchere fe dit en Normandie & dans
quelques autres lieux , pour féconde ou
autre enchère. {A)
Surenchère efl auffi la même chofe que
renchere; c'eft la mife qu'un fécond , troi-
£eme , ou autre enchérineur fait pardeffus
CRET , SAISIE RÉELLE , LlCITA-
TïOM. ( A )
ENCHERIR, v. neuf. (Comm.) a di-
verles lignifications dans le commerce.
Ilfignifie , î°. offrir d'une marchandife
que l'on crie à l'enchère au defius du prix
qu'en a offert le dernier enchériffeur.
2.0. Augmenter de prix, ou devenir plus
cher. On dit que des étoffes ou des draps
enchériJJ'ent , fûivant leur rareté , ou celle
de la matière & des ouvriers.
3°. Enchérir fignifiè encore pendre à plus
haut prix que l'on a de coutume. On dit auilï
en ce Cens renchérir. yoye\ l'article
Enchère. ( G)
ENCHERISSEUR, f. m. ( Comm.)
celui qui enchérit , ou qui met fon en-
chère fur une marchandée qu'on crie pu-
bliquement pour la vendre. V. ENCHERE
& Enchérir.
■L'huiiiîer- prifeur efl obligé dans cei
ventes de délivrer les marchandiies criées
au plus offrant & dernier enckérijfeur, après
avoir plufieurs fois averti ou fait avertir à
haute voix , par fon crieur , que c'eft pour
la troifieme & dernière fois qu'il les crie ,
& qu'il va les adjuger. (G)
ENCHEVALLEMENT , f. m. ( Char-
pente.} c'tff une des façons d'étayer une
maifon , pour y faire des reprifes en fous-
œuvre.
ENCHEVAUCHURE , f. f. en Arçlr-
teclure, la jonction par recouvrement ou
feuillure de quelques parties avec quelque
autre , comme dans l'enchevauchure d'une
plate-forme ou. d'une dalle fur une autre ,
qui fe fait ordinairement par feuillure de
la demi-épaifîeur du bois ou de la pierre.
Les tuiles & ardoifes fe recouvrent auili par
enchevauchure. (P)
ENCHEVÊTRÉ, adj. (Manège.) un
cheval enchevêtre' eu celui dont un des pies
de derrière efl pris dans une des longes
de fon licou. Ce mot d'enchevêtrure dérive
du terme de chevêtre , qui défignoit autre-
fois un licou. Ce n'eft qu'a l'occaîion de
quelque démangeaifon dans le voifinage
de la tête , ou de quelqu'autre perception
qui l'importune , que l'animal s'enchevêtre.
Il s'efforce de s'en délivrer en y portant
un de lès pies de derrière ; mais fa jambe
E NC
petit fe trouver embarrailêe dc.ns la fonge ;
& , dans les mouvemens qu'il fait pour la
dégager , il arrive très- i ou vent que le
frotremenî violent qui en reluke, caufe
une écorchure ou une plaie plus ou moins
profonde dans ie pli du paturon. Voye^Eu-
CHÉVÉTRURÈ.Des boules de boisiulpen-
dûes â l'extrémité des longes , & dont le
poids les tient toujours dans un degré de
tenfion convenable , fans les empêcher de
couler librement dans les anneaux, prévien-
nent ces lortes d'accidens , qui , eu égard
à des chevaux extrêmement vifs & impa-
tiens , ont .quelquefois des luîtes beaucoup
plus fëchcuies. (e)
ENCHEVÉTIIURE , f. f. ( Manège
& Marûh-ill. ) Nous appelions de ce nom
toute écorchure , toute contufion, toute
plaie qui affecle le pli du paturon des
jambes poiférieures du cheval , confé-
quemmeiit à un frottement plus ou moins
violent de cette partie, fur les longes
du licou dans lesquelles l'animal s'eft em-
bàrraiîe par quelque cauJe que ce foit,
& de manière ou d'autre. Voye\ ENCHE-
VÊTRÉ.
L'écorchure eft-elle fimpîe & fans in-
flammation ; on baflinera le heu affecté
avec du vin , & on dépêchera inieniible-
ment en làupoudrant avec de la cérufe.
L'crofîop, au contraire, eft-elle accompagnée
d'inflammation, eft-elle vive ; on recourra
d'abord aux catapliimes épnoliiens ; & les
accidehs appaifés , on leur fubitituera les
deiîicatifs. S'il arrive que la jambe s'en-
gorge , que la douleur perlé vere , & qu'il y
ait une véritable plaie , on laignera l'animal ,
on pànfera la plaie ainfi que foutes les au-
tres ( voye\ Plaie) , & l'on appliquera des
émolliens réfolutifs fui* la jambe y tels que
les feuilles de mauve, guimauve, mêlées
avec l'une des quatre farines réfolutives. (e)
EncIIE VÈTRUHE , en architecture , c'elt
dans un plancher un affemblage de deux
fortes folives & d'un chevetre , qui laifïe
un vuide carré long contre un mur, pour
porter un âtre fur des barres de trémie, ou
pour faire paffer un ou plufieurs tuyaux
d'une louche de cheminée. (P)
ENCrîIFRENEMENT , f. m. {Me'd. )
eft une efpece de fluxion catarreufè qui a
ion hege dans la membrane pituitaire j c'efl
, F- N C j3,
la maladie qu'on appelle ntîgpirçnàent
rhiime de cerveau.
Le mot ev.chifrénement vient vraifènibla-
blement , félon le diclionnaire de Trévoux ,
de fifern , qui lignifie rhwve en brtgagd
Celtique ou Bas-Breton; & àèjifern a été
ïormèJifernet , enrhumer. Les Grecs appel-
lent cette maladie ccryfa , & les Latins
grai'edo.
Uenchlfrénernent eft un véritable catarre
qui ne diffère de celui qui affecte la gorge
& la poitrine, que par la différence de la
partie affectée , qui cVv.r.e même caufe p-o-
chaine produit cependant des (ympromes
differens.
Cette caufe confiée d-ans l'engorgement
des vaiffeaux & des glandes , qui fervent
à léparer du fang la mucoiité des nari-
nes ; elle eu donc femblable à celle qui
établit le catarre dans quelque partie
que ce foit, puifqu'il dépend toujours de
l'obflruction des organes , par le moyen,
dcfqueîs fe fait la fecrétion de l'humeur
muqueufe deffiné* à défendre des irh-
preflions de l'air ou des alimens toutes les
voies par lefquelles ils panent. Voye\ MU-
COSITÉ.
Tout ce qui peut relâcher le tiflu de la
membrane pituitaire &. fes couloirs de la
mucoiité qui entrent dans fa compofition,
en forte qu'il s'y en porte une plus grande
quantité; ou ce qui peut au contraire ref-
ferrer ce tiffu , & conléquemmcnt ces
mêmes couloirs , de manière que le cours
de cette humeur ne foit pas libre ; qu'elle
loit forcée à féjourner plus long- temps
dans les follicules ; qu'elle s'y épaiffifle
plus qu'il n'efl nécetfaire pour l'uiage au-
quel elle eff deffinée ; qu'il ne puiffè d'a-
bord fortir de ces conduits que la partie
la plus fluide , pendant que la groiliere
refte ; tout ce qui peut produire ces ef-
fets donne lieu à Yenchifre'nement. Ainfi on
peut dire avec les anciens , qu'il peut être
produit par intempérie froide & par in-
tempérie chaude, non pas du cerveau,
comme ils le penfoient, mais de toutes les
parties molles de la cavité des narines, des
finus frontaux , des cellules de l'os oth-
moïde , &c. ;
Les caufes éloignées font toutes celles
qui peuvent produire le catarre en général,
Vv 2.
34° E N C
telles que i'infolation , l'air ambiant ,
chaud ou froid , fec ou humide , qui pro-
duifent fubitement , félon leur différente
manière d'agir , quelqu'un des effets ci-
delïùs mentionnés ; la pléthore , la mau-
vaife digeftion , les crudités d'eltomac , la
trop grande boifîbn de vin ou autres li-
queurs fpiritueufes , le trop grand exercice
des parties fupcrieures pour ceux qui n'y
font pas accoutumés , la lotion de la tête ,
la diminution de la tranfpirarion en géné-
ral , & la conftipation dilpoient beaucoup
au catarre des narines : tout cela concourt
avec l'âge , le tempérament , l'habitude , la
faifon , la conflitution de l'air & le régime
différent.
Cette maladie , lorfqu'elle eft caufée par
la conftriction de la membrane pituitaire ,
s'annonce par un fentiment de chaleur
dans l'intérieur du nez & dans toutes les
cavités, ou la plupart qui y ont commu-
nication , accompagnée de démangeaifons
& de fréquens éternumens. Les narines ,
qui , dans l'état de fanté , ne laifîènt pas
échapper une goutte d'humeur aqueufe
fous forme fenfible dans un air tempéré ,
commencent à fournir la matière d'un
écoulement d'une humeur claire , acre ,
falée , en quoi cônfifte proprement le co-
ryfa ; elle excorie quelquefois & fait enfler
les bords du nez & les parties voifines qui
en font humectées ; le vifage devient rouge ;
il l'on porte la main au front ou à la tête ,
on trouve ces parties plus chaudes qu'à
l'ordinaire ; on y fent auffi une légère
douleur gravative , ou au moins une pe-
fanteur inquiétante ; les oreilles bourdon-
nent ; la foif, l'inappétence, le dégoût
même fe joignent ordinairement à tous
ces fymptom.s ; la fièvre furvient aulll
quelquefois , & ne diminue pas ce mal.
Il arrive enfuite , fouvent dès le fécond
jour , qu'il fe fait une copieufe évacuation
de mucofité épaiffe , qui fe ramaffe dans
les cavités des narines , & excite à fe mou-
cher continuellement par fentiment de plé-
nitude ou d'irritation qu'elle y caule. Les
enchifrenés font obligés de tenir la bouche
ouverte , lur-tout pendant le fommeil ,
Toit à caufe de la tuméfaction des mem-
branes qui rapifTent l'intérieur des narines
vers leurs iffues externes & internes , foit
E N C
à caufe *de la matière vifqueufe qui fe
trouve au paffage de Pair , & le ferme : d'où
s'enfuit que la tranfpiration ne fe faifànt
que par la bouche , celle-ci fe deffeche ;
ce qui contribue beaucoup à exciter la
foif ; c'eft aufli par la même raifon que le
ton de la voix df. changé , & que le ma-
lade parle du nez , c'eft- à-dire , que l'air
modifié pour la voix qui devroit paffer
librement par les narines, pour la pronon-
ciation de certaines lettres , trouvant le paf-
fage embarraffé , frappe l'intérieur du nez
fans en forcir , & y produit conféquemment
un fon différent. On a aufli l'odorat émouffé
dans cette maladie , parce que les corpui-
cules propres à exercer l'organe de ce fens ,
ne peuvent pas pénétrer la couche de mu-
cofité trop tenace 6é trop épaiffe , dont il
eft enduit.
L 'enchifrené ment , produit par le relâche-
ment des parties fufceptibles d'être affectées
dans cette maladie , eft prefque accompa-
gné des mêmes fymptomes , excepté qu'on
n'y lent pas autant de chaleur ; que l'hu-
meur du coryfa & la mucofité viciée ne
font pas fi acres , fi irritantes ; qu'il n'y a
pas de douleur de tête , mais beaucoup de
pefanteur, avec • diipolition prefïante au
fommeil : la fièvre qui furvient dans ce cas
eft ordinairement falutaire , hâte l'excré-
tion de l'humeur peccante , & rend plus
prompt le dégorgement des vaiffeaux pitui-
taires.
Les vents froids & fecs produifent fou-
vent f 'enchifrené ment de la première efpece ;
& celui de la féconde eft fouvent l'effet
des vents chauds , humides , pluvieux.
L'automne eft la faifon de l'année où cette
maladie eft plus commune , à caufe des
grands &_ fréquens changemens qui lur-
viennent dans la température de l'air ; ce
qui difpofe en général à toutes fortes de
fluxions catarreules : celle des narines eft
prefque toujours l'effet d'une caufe ex-
terne. Cette maladie fe guérit fouvent
par la feule opération de la nature , fans
aucun fecours de l'art ; & elle fe termine
en peu de temps , fur-tout dans les jeunes
gens d'un bon tempérament , pourvu
qu'on n'aigriffe pas le mal par le mauvais
régime & par le défaut de ménagement :
elle eft plus rebelle dans les vieillards &
E N C
dans les perfonnes d'un tempérament froid
& humide ; elle peut quelquefois pro-
duire un ofene ou un polype , lorfqu'elle
dure long-temps, ou qu'elle revient fouvent.
S'iYenchifrénement efl de nature à exiger
des remèdes, ils doivent être prelcrits difië—
remment ielon la différente cau(e qui l'a
f>roduit. Si la chaleur & l'acrimonie des
tumeurs font dominantes , il faut prefcrire
une diète rafraîchifiante , adouciffante; re-
commander la boiffon abondante d'eau de
riz , de poulet , d'infufion de pavot rouge ;
faire ufer de juleps hypnotiques.
Si la fièvre eft de la partie avec douleur de
tète , on peut avoir recours à lafaignée ; les
lavemens & même quelques légers purgatifs
peuvent aufll être employés avec fuccès dans
ce cas. La vapeur du vinaigre dans lequel
on a lait bouillir quelques plantes réfolutives,
comme la fleur de fureau reçue par le nez ,
pendant quelques minutes , à plulieurs re-
prifes , ne peuvent que produire de bons
effets.
Pour Y enchifrénement qui dépend d'un
relâchement des vaiffeaux muqueux, joint
au tempérament froid & humide , il con-
vient d'employer des remèdes plus actifs ,
des purgatifs plus forts, des atténuans, des
r.pophlegmatiques , des mafticatoires , des
errhins , des fternutatoires , des fuffumi-
gations faites avec des parfums de différente
elpece. Il eft très-rare qu'il y ait indication
de placer la faignée dans V enchifrénement
dont il s'agit. Il convient .d'employer des
confortatifs , des corroborans pris intérieu-
rement , la diète feche & analeptique , des
fàchets de plantes aromatiques appliqués fur
la tête rafée , quelquefois les véficatoires
appliqués derrière les oreilles à la nuque.
KqyqCATARRE , CORYSE , FLUXION,
Rhume, (d)
ENCHUYSE , (Géogr. mod.) ville de
la Hollande feptentrionale ; elle eft fituée
fur le Zuiderzée. Long, zz , 55; lat. §z ,
59-
ENCIS , (Jurifpr.) c'eft le meurtre de
la femme enceinte , ou de l'enfant qu'elle
porte. Ce terme fe trouve dans la coutume
d'Anjou , art. q.q. ; Maine , art. $z\èt dans
la fomme rurale , titre d'a&ion criminelle :
muher inciens quee uterum gerit. Voyez le
gloffaire de M. de Lauriere. [A)
E N C *4I
ENCLAVE, f.f. (Jurifpr) on .appela
enclave ou droit d'enclave, le droit qu'un
feigneur a de prétendre la mouvance d'un.
héritage qui fe trouve renfermé dans l'en-
ceinte d'un territoire circonferit & limité ,
dont ce feigneur a la directe. Le feigneur
dont le fief n'eft point un fief volant , mais
qui a un territoire ainfi limité , n'a pas befoin
d'autre titre que Y enclave pour prétendre
la directe fur l'héritage qui fe trouve com-
pris au dedans des limites de fa directe.
La queftion eft ainfi décidée par Dumou-
lin fur Y article q.6 de l'ancienne coutume
de Paris, qui eft le 68e. de la nouvelle ; par
Loifeau , tr. desfeigneuriess ch. xij, n. 50;
Chopp'm fur Anjou, liv.II,chap. du franc-
alleu.
Le Grand fur la coutume de Troies ,
gl.j , n.zz& zj, dit que dans les coutumes
de franc-alleu Y enclave eft bon d'un feigneur
à un autre, pour obliger celui qui n'a pas
Y enclave , à rapporter des titres péremptoi-
res: mais il prétend qu'il n'en eft pas de même
contre le détenteur , qu'il faut à Ion égard
un titre précis. M. Guyotertfon traité des
fiefs , traité des preferiptions } rapporte ce-
pendant un arrêt, du 4 feptembre 1727 ,
qui paroît avoir jugé pour Y enclave ; mais
dans la coutume de Vitry , il peut avoir eu
pour motif que la coutume n'a pas été con-
fidérée comme allodiale. (A)
Enclave fe dit d'une portion de place
qui forme un angle ou un pan , & qui an-
ticipe fur une autre par une poflefilon anté-
rieure ou par un accommodement; enforte
qu'elle en diminue la fuperficie , & en ote la
régularité. On dit aufli qu'une cage d'efcalier
dérobé , qu'un petit cabinet , ou qu'un ou
plufieurs tuyaux de cheminée font enclave
dans une chambre , quand par leur avance
ils en diminuent la grandeur, diclionn. de
Trévoux & Chambers. (P)
^ ENCLAVES , (Hydraulique.) font des en-
foncemens qu'on a ménagés en bâtiflant ks
faces des bajoyers d'une éclule pour y loger
les grandes portes , lorfqu'on eft obligé de
les ouvrir pour le paiîàge des bâtimens. Rim
n'eft mieux imaginé, non-fèulement pour
la confervation de ces portes , mais encore
pour ne point faire d'oftacle au paliage des
bâtimens. (K)
i . ENCLAVÉ; adj. en termes de Blafon, fe
3$i E N C
dit d'un écu parti , dont l'une des portions
entre dans l'autre en forme carrée , comme
un tenon de menuilèrie. Voyc\ TENON.
Pelckhofen en Allemagne 3 parti enclat-'é
d'argent en gueules àfeneibe.
ENCLAVER , v. aet. en Architecture ,
cell encaflrer les bouts des (olives d'un plan-
cher dans les entailles d'une poutre. C'eÛ
auffi arrêter une pièce de bdis avec des clefs
ou boulons de fer. Enclaver une pierre, c'en:
la mettre en liaiion après coup avec d'autres,
quoique de différentes hauteurs , comme il
le pratique dans' les raccordemens. (P)
ENCLIQUETAGE, f. m. enHorlogerle,
fignifie la méchanique que l'on emploie or-
dinairement, lorfqu'on veut qu'une roue
puifle tourner dans un iens , & qu'elle ne le
puiiïe pas dans le lens contraire. Voye\
Horloger.
Encliquetage fe dit encore du tout com-
pofé du rochet , du cliquet, & de Ton rei-
ioYt.V. Cliquet, Ressort, & Rochet
d'Encliquetage. ( 1 )
ENCLIQUETER , v. acl. fe dit en Hor-
logerie , de la manière dont un cliquet s'en-
gage dans les dents d'un rochet. On dit
qu'un cliquet encliquete bien , lorfqu'ii s'en-
gage fuffifamment dans les dents du rochet ,
& qu'il s'oppofe à leur mouvement de la
manière la plus avantageufê. Voye\ CLI-
QUET, Ro'CHET,&C. (ï)
ENCLITIQUE , ad}, féminin pris fub/t.
terme de Grammaire , & fur-tout de Gram-
maire Greque, par rapport à la lecture & à
la prononciation. Ce mot vient de l'adjectif
Grec ■■-yaJ'ix.n , incliné. R. ê^xà/*», inclina.
Ce mot ell une expreffion métaphorique.
Une enclitique ell un petit mot que l'on
Joint au mot qui le précède , en appuyant
fur la dernière fyllabe de ce mot ; c'eil pour
cela que les Grammairiens diient que l1 * encli-
tique renvoie l'accent fur cette dernière fyl-
labe, U s'y appuie : l'on baille la voix fur V en-
clitique : c'elt par cette raifon qu'elle efr. ap-
pellée enclitique , c'eft-à-dire , inclinée , ap-
puyée. Les monofyllabes quey ney ve, lont des
enclitiques en Latin : reclè , beatèque viven-
Sim; terraque, pjuit-ne? alter-ve. C'elt ainfi
qu'en François , au lieu de dire aime- je , en
féparant je de aime , & faifànt fentir les
deux mots, nous difons aimé-je y en joi-
gnant je avec aime: je ell alors une enclitique.
E N C
En un un mot, are enclitique, dit la méthorfe
dePji;r-!\oy:i! , à tavcrtiliemêrit de la réglé
xx i j ; /2 'efiauirc clïàfe que s' appuyer tellement
fur le mot précédent, qu'on nefaffeplus que
Comme un féal mot arec lui.
Les grammairiens aiment à personnifier
les mors : les uns gouvernent, régirent,
veulent; les autres , comme les enclitiques ,
s'inclinent., penchent vers un certain côté»
Ceux ci , dit-on , renvoient leur accent fur
la dernière fyllabe du mot qui les précède;
ils s'y unifient & s'y appuient, & voili
pourquoi, encore un coup, on les appelle
enclitiques.
II. y a, fur-tout en Grec, plufieurs de
ces petits mots qui étoient enclitiques lorl-
que clans la prononciation ils paroifïbirnt ne
faire qu'un ieul & même mot avec le précé-
dent, mais fi dans une autre phrale la même
enclitique luivoit un nom propre , elle cef»
foit d'être enclitique & gardoit Ion accent ;
car l'union de ['enclitique avec le nom pro-
pre , auroit rendu ce nom méconnoiifable:
ainfi r) , aliquid , ell enclitique; mais il n'eft
pas enclitique dans cette phrale , où ~i tir
A-iTtDt il -luvpr i , acl. 2.^ , je nai rien
fait contre Céfar. Si tt étoit enclitique , on
prononcerait tout de luire Kw^ t.; ce
qui. défigurerait le nom Grec de Céfar.
Les perlonnes qui voudraient avoir dés
connoillànces pratiques les plus détaillées
fur les enclitiques, peuvent confulter le ixe.
livre delà méthode Greque de Port-Royal ,
où l'on traire de la quantité des accens & des
enclitiques. Ces connoillànces ne regardent
que la prononciation du Grec avec l'éléva-
tion & l'abaifTemcnt de la voix , & les in—
flexions qui étoient en ulage quand le Grec
ancien étoit encore une langue vivante. Sur
quoi il ell échappé à la méthode de Port-
Royal de dire , p. 548 ? " qu'il efr bien
» difficile d'obferver tout cela exactement,
» n'y ayant rien de plus embarraffant que
» de voir un il grand nombre de règles ac—
n compagnées d'un nombre encore plus
» grand d'exceptions. » Et à i'avertifîe-
ment delà règle xxij , l'auteur de cette mé-
thode dit " qu'une marque que ces règles
» ont été fouvent forgées par les nouveaux
f) grammairiens , ou accommodées à leur
» ufage , c'elt que non-ièulement les an-
» ciens , mais ceux du fiecle pafle même ,
E N C
?> ne s'accordent p^s toujours avec ceux-ci,
» comme on voit dans Vergare , l'un des
» plus nubiles , qui vivoit il y a environ 150
?j ans. » Je me iërs de l'édition de la mé-
thode Grequede Port-Royal, rtPan.r, 1 6<)6 .
Il y avoit encore à Paris , à la fini du der-
nier liecle , des favans qui prononçoient le
Grec en obiervant , avec une extrême exac-
titude , la différence des accens ; mais au-
jourd'hui il y a bien des gens de lerrres qui
prononcent le Grec , &même qui 1 écrivent
ii-.ns avoir égard aux accens, à l'exemple du
P. Sanadon , qui , dans fa préface fur Ho-
race , dit : " J'écris le Grec fans accens ; le
?> mal n'eft pas grand , je pourrois même
?> prouver qu'il feroit bon qu'on ne l'écrivît
7) poiqt autrement. ># Préface, p. 16. C'eft
ainii que quelques-uns de nos beaux elprits
entendent fort bien les livres Anglois ; mais
ils les lifent comme s'ils lifoient des livres
François. Ils voient écrit people ; ils pronon-
centpeopleau lieu de piple ; & difent , avec
ie P. Sanadon , <que le mal n'eft pas grand ,
pourvu qu'ils entendent bien le fens. I! y a
pourtant bien de la différence , par rapport
à la prononciation , entre une langue vivante
& une langue morte depuis piufieurs fiecles.
(F)
Ei\TCLOS , f. m. {jardinage.) il fe dit
d'un terrain fermé de murs , qui n'eft pas li
vafte qu'un parc , & qui cependant efîplus
grand qu'un jardin.
Enclos , SE , adj. m. & f. (Blafon)
fe dit du lion ou d"un autre animal enfermé
dans un trecheur , dans une paliflade ou
-autre pièce de l'écu.
Ce terme fe dit aufli. de quelques pièces
ou meubles de l'écu qui fe trouvent au centre
d'une pièce évuidée & autre femblable.
Lyon de Saint-Ferréol , de Pontevés en
Pr'ovence ; d'argent au lion d'azur enclos
dans un double trecheur de même.
Village de la Salle à Marfeille ; d'argent
au cœur de gueules enclos dans un double
delta entrelajfé de fable.
Caumeis de la Garde à Touloufe \ d'azur
à une colombe d'argent 3 becqué& membre'e
de fable , enclofe dans une bijfe d'orpofée en
cercle y quifemble mordre fa queue ; au chef
coufu de gueules charge de trois étoiles du
quatrième émail. (G. D. L. T.)
ENCLOS , en terme dEpingliery eft un
EN C 343
demi-cercle de bois qui environne la place
acs enteteurs , pour que chacun puiffe re-
connoî.re ftm ouvrage.
ENCLOUË, (Manège & Maréch.)
cheval encloué. Voye\ ENCLOUEURE.
ENCLOUER, v. act. (Gramm.) c'eft
ficher un clou. On encloue un canon , un
cheval s encloue. Voyez les articles fuiv ans.
Enclouer une pièce d'artili.e-
rie. Voye\ Canon.
Enclouer un cheval , (Manège &
çflfaréchall.) accident qui arrive confequem-
ment à la négligence & à l'ignorance du
maréchal. V. ENCLOUEURE, FER.RURE,
Ferrer, (e)
ENCLOUEURE , (Manège ù Maréch.)
bJeffure faite au pié du cheval par le ma-
réchal qui le ferre.
Brocher de façon que le clou , au lieu de
traverfèr fimplement l'ongle.? entre & pénè-
tre dans le vif, c'eft enclouer. Brocher de
manière que la lame" preffe feulement la
partie vive, c'eft ferrer. La première faute
donne toujours lieu à une plaie plus ou
moins dangereufe félon la profondeur de
la bleffyre, & félon le genre des parties
blefîees; & la féconde occafione une con-
tuii
on plus ou moins
forte
Dans les unes & les autres de c«ts circons-
tances, le cheval feint ou boite plus ou moins
bas , auffi-tôt après la ferrure , & c'efl à
cette marque que l'on reconnoît un cheval
encloué , ou dont le pié a été ferré.
Le moyen de difeerner le clou qui le pique
ou qui le ferre , eft: de frapper avec un
brochoir fur la tête des uns & des autres des
clous. Celui d'où réfultera l'encloueure étant
frappé , la douleur quereffenfira l'animal fe
manileftera par un mouvement de contrac-
tion dans les mufcles du bras ; mouvement
qui annonce la lenfibilitéde la partie frappée.
Ceux qui s'arrêtent , pour en juger , à celui
du pié de l'animal enfuite du coup de bro-
choir , (ont fouvent trompés & recourent
à un indice très-faux & très-équivoque ; car
la plupart des chevaux font, à chaque coup
que le maréchal donne , un léger effort pour
retirer le pié , le tout à raifon de la furprife
& de la crainte , & non à raifon d'une
douleur réelle. Pour s'aifurer encore plus
politivementde fon véritable liège , iiefl bon
de déferrer l'animal , de prefler enfuite avec
*H
E N C
î*4
des triquoifes tout le tour du pie > en ap
f>uyant un des côtés de ces triquoifes vers
es rivets :. & l'autre vers l'entrée des clous ,
&: dès-lors il fera facile de reconnoitre pré-
cifément le lieu affecté. Ce lieu reconnu ,
on découvrira le mal , f oit avec le boutoir,
fbit avec une petite gouge , en creulant &
en fuivant julqu'à ce que l'on n'apperçoive
f)lus les veffiges ou les traces qu'aura laiffées
a lame.
On ne doit jamais craindre de pratiquer
une ouverture trop kirge & trop profonde .
parce qu'il faut nécessairement le convaincre
de l'état de Yencloueure , & que d'ailleurs
s'il y a épanchement de fang , ou s'il y a de
la matière fuppurée , on ne lauroit ie dif-
penfer de frayer une iiTue dans la partie
déclive; autrement ce fluide ou cette matière
féjournant dans le pié , corromproit bien-
tôt toutes les parties intérieures , le feroit
four en refluant à la couronne , & deffoude-
roit inévitablement ie (àbot. Voy. REFLUX
& PlÉ.
A mefure cependant que Ton pénètre
dans l'ongle , on doit prendre garde d'offen-
fer ces mômes parties.
Si le pié n'a été que ferré , & que la
contufion n'ait occahoné aucune dilacéra-
tion ; fi en un mot on ne rencontre point de
matière , on le contentera d'appliquer fur la
partie une rémolade {voy. Rémolade) ,
ou de faire fur toute la foie une fondue
d'onguent de pié {voy. ENCASTELURE) ;
on garnira enlùite d'étoupe le deiîbus du
pié , & on maintiendra cette étoupe avec
des éclifTes {voy. EcLISSEs). On ne fixera
pas le fer, on l'arrêtera Amplement en bro-
chant deux clous de chaque côté , après
quoi on oindra de ce même onguent la
paroi extérieure , à l'endroit où la lame a
ferré. Cet onguent, fondu fur la foie &
mis fur cette paroi , détendant & donnant
plus de fbupleffe à l'ongle, calmera & dif-
lipera enfin la douleur.
Mais dès que l'ouverture étant pratiquée,
on fera convaincu , par l'infpection de la ma-
tière , de la certitude de Vencloueure , on net-
toiera exactement la plaie , &: l'on aura
recours aux remèdes capables de s'oppofer
aux progrès du mal. Ces remèdes font les
liqueurs fpiritueufes, telles que l'efprit-de-
yin , l'efTence de térébenthine , la teinture
E N C
de myrrhe & d'aloès , &c. & non des re-
mèdes graiffeux , qui ne fauroient convenir
dans les plaies des parties tendineules &
aponévrotiques. On vuidera fur la partie
luppurante une quantité proportionnée des
unes ou des autres de ces liqueurs ; on les
couvrira d'un plumaceau que l'on en baignera
auilî , & l'on garnira le deffous du pié avec
les étoupes& avec les édifiés , comme dans
le premier cas. Il eft plufieurg attentions à
faire dans ces panlemens , qui doivent avoir
lieu tous les jours.
i°. On tiendra la plaie toujours nette;
2°. on la garantira des impreffions de l'air ;
3°. on comprimera foigneufement le pluma-
ceau à l'effet de prévenir une régénération
trop abondante , c'eft-à-dire , pour me fervir
des expreffions des maréchaux , afin d'éviter
des cerifes , & d'empêcher que la chair ne
furmonte : cette compreffion ne fera pas
néanmoins telle qu'elle puilîe attirer unç
nouvelle inflammation & de nouvelles dou-
leurs ; elle fera conféquemment modérée ,
&: ne donnera pas lieu à tous ces inconvé-
niens qui obligent d'employer les confomp-
tifs , & qui étonnent & alarment l'ouvrier
qui les a occafionés par fon ignorance.
Le cheval peut encore être piqué & ferré
en conféquence d'une retraite {voy. RE-
TRAITE , voy. Fek.REr) : on ne peut en
efpérer la guérifon, que l'on n'ait fait l'extrac-
tion de ce corps étranger ; extraction quel-
quefois difficile , & fouvent funeffe , fi elle
eft tentée par un ouvrier qui n'ait aucune
lumière fur le tifTu & fuf le genre des par-
ties , qu'il ne peut s'empêcher de détruire
en opérant. Lorfque cette retraite a été
chafîée dans le vif, il y a plaie com-
pliquée. Souvent au flî la matière fuppurée
entraîne ce corps dans fon cours : c'eftainfi
que la nature trouve en elle-même des rel-
fources & des moyens par lefquels elle
fupplée à notre impuiffance. {e)
CLOU DE RUE , c'efl une efpece dV/2-
cloueurc , qui fait tantôt une piquure fimpls ,
tantôt une plaie compliquée , ou fouvent
une plaie contufe, félon la nature & la con-
figuration du corps qui a fait cette Iéfion.
Quoique ce ne lbit point le lieu de parler
du cjou de rue , néanmoins comme cette
blefîùre & Yencloueure ont beaucoup d'ana-
logie ? & cui'il n efl rien de plus fréquent
que
ENC
que cet accident , ni rien de plus rare que
la guérifon parfaite , lorfqu'ii eft grave j le
peu qu'on en a dit en fou article , nous
engage à en donner fuccinclement la dtf-
cription , ainfi que les moyens que nous
employons pour parvenir plus finement &
plus promptement à une cure radicale ;
moyens d'autant plus avantageux , qu'ils
nous font éviter la deffolure , opération dou-
Icureufe , abufive , & le plus fouvent per-
nicieufe pour le traitement du clou de rue ,
comme l'expérience journalière ne le prouve
que trop bien.
Pour nous , quelque grave que foit h
plaie du clou de rue , nous ne defïblons
jamais } nous retirons de cette pratique des
avantages qui concourent promptement &
efficacement à la guérifon de cet accident.
i°. En ne defïblant point , la ible nous fert de
point d'appui pour contenir les chairs & l'ap-
pareil. 2.0. Nous avons la liberté de panfèr
la plaie awfîï-tôt & fi fouvent que le cas
l'exige , fans craindre ni hémorragie , ni
que la foie furmonte , ni qu'il s'y forme
des inégalités. 30. Nous épargnons de gran-
des fouffrances à l'animal , tant du côté des
nouvelles irritations que la deffolure caufe-
roit à la partie affectée , que du côté des
fecouffes violentes que le cheval fe donne
dans le travail ; efpece de torture qui lui
caufe ordinairement la fièvre, & qui par
conféquent met obftacle à la formation des
liqueurs balfamiques, propres à une louable
fuppuration. Quoique notre opinion foit
fondée fur les fuccès conftans &: multi-
pliés d'une pratique de plus de vingt ans ,
que nous avons fuivie , tant à l'armée
qu'ailleurs , fans qu'aucune de ces expé-
riences que nous avons faites ait trompé
notre attente , nous ne doutons pas que cette
méthode n'éprouve des contradictions , puif-
qu'elle a le préjugé le plus général à combat-
tre , & la plus longue habitude à vaincre.
On peut nous objecter que beaucoup de
chevaux guériffent par le moyen de la def-
folure : nous répondons , i°. que s'il en
guérit beaucoup , beaucoup en font eftro-
piés , & qu'en ne deffolant pas , la méthode
que nous pratiquons les fauve tous j 2°. que
ceux qu'on guérit avec la deffolure , ne font
le plus fouvent que légèrement piqués , 8*
qu'il en échappe très-peu de ceux qui font I
Tome XII.
ENC m
bleffés dans les parties fufceptibles d'irrita-
tion , au lieu que les uns & les autres font
confervés par notre méthode j 30. que ceux
qui font traités par la defiblurc , font quel-
quefois fix mois , quelquefois des années
entières , abandonnés dans un pré ^ ou en-
voyés au labourage , d'où ils reviennent
comme ils y ont été , boiteux & hors d'état
de fervir ; au lieu que les plaies les plus
dangereufes & les cures les plus lentes dans
ce genre , ne nous ont jamais coûté plus de
fixfcmaines } 40. que les accidens qui fui-
vent la deffolure , demandent fouvent que
l'on répète la même opération :, au lieu que
les chevaux , traités félon notre méthode ,
font guéris fans aucun retour.
Si l'on eft fiirpris de la différence que
nous mettons entre ces deux pratiques -v fi
l'on révoque en doute notre expérience ,
notre témoignage , & la notoriété publique ,
qui en eft garant , on fe rendra du moins à
la force de l'évidence } & nous croyons pou-
voir nommer ainfi la preuve qui réfulte de
la feule comparaifon des deux traitemens.
Nous fuppofous, pour abréger, que l'on
connoît la compofition anatomique du pie
du cheval , & nous renvoyons pour cela à
l'excellent traité dhippiatrique de M. Bour-
gelat : nous rappellerons feulement que le
pié du cheval eft compofé de chair , de
vaiffeaux fanguins , lymphatiques & ner-
veux , de tendons , de ligamens , de car-
tilages & d'os de l'aponévrofe , du périofte ,
Se de la corne qui renferme toutes ces par-
ties , la plupart fufceptibles d'irritation , de
corruption & de douleur à la moindre at-
teinte qu'elles reçoivent de quelque corps
étranger: combien à plus forte raifbn , doi-
vent-elles être affectées par le clou de rue ,
quand le cas eft grave , & combien plus
par la defîolure ! C'eft bien alors qu'on peut
dire que le remède eft pire que le mal.
Voici le contraire qui réfulte de la deffo-
lure appliquée au clou de rue , & ladémonf-
tratien que nous avons promifè du danger
de cette méthode : après la deffolure , les
règles de l'art nous preferivent fix jours au
moins avant de lever l'appareil , pour don-
ner le temps à la nature de faire la régé-
nération de la foie unie &: bien conformée;
les mêmes règles de l'art nous preferivent de
lever tous les jours l'appareil du clou de rue,
Xx
34-6 E N C
pour procurer l'évacuation du pus , & pré-
venir la corruption des parties faines & affec-
tées. Si l'on fuit les règles de l'art à l'égard
de la deifolure , la plaie du clou de rue eft
négligée } la matière , par fon fejour , ne
manque point de s'enflammer , & de pro-
duire des engorgemens , & quelquefois des
abcès qui corrodent , tantôt les tendons ,
tantôt l'aponévrofe , tantôt le périofte ,
quelquefois l'os & la capfule qui laiffe
échapper la fynovie j quelquefois même en-
fin , elle fè fraie des routes [vers la cou-
ronne , d'où fuit un délabrement dans le
pié , un defféchement , une difformité
dans le fabot , qui rendent le plus fouvent ,
comme nous l'avons dit , l'animal inutile.
Si au contraire on fuit les règles de l'art à
l'égard du clou de rue , on panfè la plaie
toutes les 24 heures } mais en ôtant l'appa-
reil , il arrive , dans la partie déchirée par la
deiîblure , une hémorragie qui dérobe au
maréchal l'état de la plaie , & l'empêche
d'en obferver les accidens & les progrès f,
l'inflammation redouble par les nouvelles
fbcouffes & comprenions que reçoivent les
parties affectées , la foie furmonte par l'iné-
galité des comprefîions , la plaie s'irrite , la
fièvre furvient , des liqueurs s'aigriffent }
enfin , à chaque panfèment l'on aggrave la
maladie au lieu de la modérer. Il s'enfuit
qu'on ne peut traiter la plaie du clou de rue
coin me elle doit l'être , fans manquer à ce
qu'exige le traitement de la deffolure ,
ou qu'on ne peut traiter la deffolure comme
elle doit l'être , fans manquer à ce qu'exige
le traitement du clou de rue j ce qui dé-
montre le danger d'une méthode qui com-
plique deux maladies dont les panfèmens
font incompatibles.
Cure du clou de rue (impie. Le clou de rue
eft plus ou moins difficile à guérir , félon la
partie que cette bleffure a afïê&ée : il y en a
de ftiperficieîles qui n'intéreffent que la
fubftance des chairs , foit à la fourchette ,
foit à la foie :, quoiqu'elles fourniiîènt beau-
coup de fang , elles fe guériflént facilement
en y procurant uno prompte réunion par le
fecours de quelques huiles , baumes , on-
^nens , vulnéraires , tels que nous les avons
indiqués dans le traitement des encloueures
J/mples , & même en y fondant du fùif , de
in cire à cacheter , ou de l'huile bouillante,
E N C
ou quelque liqueur fpiritueufe , St le plus
fouvent elles fe guériffent d'elles-mêmes fans
aucun médicament : c'eft de cette facilité de
guérifon , que beaucoup de gens fe croient
en poffefiicn d'un remède fpécifiique à cet
accident j dans tous les cas ils le croient mer-
veilleux, & le foutiennent tel avec d'autant
plus de confiance qu'ils l'ont vu éprouver ou
qu'ils l'ont éprouvé eux-mêmes avec fuccès;
ils ne font pas obligés de favoir que l'acci-
dent que ce remède a guéri , fe feroit guéri
fans remède.
Cure pour le clou de rue grave & compliqué»
i°. Le jour qu'on a fait l'extraction du corps
étranger , on doit déferrer le pié boiteux ,
le bien parer , amincir la foie , fondre dans
le trou de la piquure ( fans y faire aucune in-
ciflon) quelques médicamens propres à pré-
venir ou calmer les accidens qui doivent
fuivre le genre de blefTure , & mettre une
emmiellure dans le pié, après avoir ratta-
ché le fer. 20. Deux ou trois jours après que
l'accident eft arrivé , temps auquel la fùp-
puration eft établie , on doit faire une ouver-
ture à l'endroit du clou de rue , & enlever
fimplement de la corne ( Sans faire venir du
fang ) une partie proportionnée à la gravité
du mal } cette ouverture doit être faite tk.
conduite avec beaucoup d'adreffe & d'intel-
ligence , pour éviter les accidens qu'un inf-
trument mal conduit , ou des remèdes mal
appliqués peuvent caufer dans une partie
aufîi délicate & auffi compofée j & c'eft de
quoi mille exemples nous ont appris à ne pas
nous rendre garans. Les remèdes que Ton
peut employer avec le plus de fruit au trai-
tement du clou de rue compliqué , font
l'huile rouge de térébenthine dulcifiée, que
l'on doit faire un peu chauffer \ le baume
du Pérou ou de Copahu :, l'un eu l'autre de
ces médicamens mêlé avec de l'huile. , des
jaunes d'œufs \ on trempe dans l'un de ces
remèdes des plnmaceaux molbmcnt faits ,
que l'on introduit dans l'ouverture \ on met
une écliffe pardefTus pour contenir l'appareil,
un défenlif autour du fabot , comme nous
l'avons indiqué dans le traitement des en-
cloueures* : l'on doit tenir la plaie ouverte tant
qu'elle ne préfente point d'indication à la
réunion , répéter ce panfement chaque jour ,
& changer de médicamens félon le cas : par
exemple , s'il y a quelque partie à exfolier,
E N C
on doit fe fervir des exfoliatifs , les uns pro-
pres à exfolier les os , & les autres le ten-
don ( voyez EXFOLIATIF. On ne doit pas
négliger la faignée , plus ou moins répétée?,
iiiivant les circonftances \ enfin , lorfque la
plaie eft en voie de guérifon, que les grands
accidens font calmés , on doit éloigner le
panfement , pour éviter les impreflions de
l'air.
Telle eft cette méthode , aufli fimple
qu'elle eft peu dangereulè. Nous obfervons
en finiffant , que nous n'employons point
au clou de rue compliqué , non plus qu'à
Yencloueure grave , les digeftifs , les fuppura-
tifs , ni la teinture de myrrhe , ni celle d'a-
îoès , ni tous ces baumes &: onguens vulné-
raires , que tant de praticiens appliquent à
cette bleffure avec fi peu de fruit & avec un
danger certain. Toutes les fois que le clou
de rue a piqué ou contus le tendon , l'aponé-
vrofe , le périofte , ou enfin quelque cordon
de nerf, ces fortes de médicamens qui con-
tiennent des fèls âcres,ne manquent pas d'aug-
menter la douleur , l'inflammation , & les
autres accidens qui accompagnent ces lé-
sions , & font fouvent une maladie incura-
ble , d'un accident qu'un traitement doux &
fimple auroit guéri en peu de jours. Cet ar-
ticle nous a été fourni par M. Genson.
* ENCLUME , f. f. inftrument com-
mun à prefquc tous les ouvriers qui em-
ploient les métaux. Il faut la coufidérer en
général comme une malle plus ou moins
confidérable de fer aciére , fur laquelle on
travaille au marteau dirTérens ouvrages en
fer , en acier , en or , en argent , en cui-
vre , &c. Il y a des enclumes de toutes grof-
ïèurs. Il y en a de coulées } il y en a de for-
gées : celles qui font forgées fervent aux
taillandiers & maréchaux. Les meilleures
font celles qui fe fabriquent au marteau , &:
dont le défias eft d'acier.
Enclume , f. m. ( Anat. ) un des quatre
ofleiets qu'on rencontre dans la caille du
tarsbour.
L'enclume eft fitué dans la partie la plus
poftérieure de la caùTe \ on y remarque fon
corps, &. deux jambes ou apophyfes } une
courte qui eft Supérieure , l'autre longue
qui eft inférieure : fon corps ou fa bafe
préiènte une face inégale allez approchante
^e celle d'une dent molaire j c'eft par cet
,ENC 347
endroit que l'enclume eft articulé avec ie
marteau. Sa jambe courte a une lituation
horizontale } fa pointe eft attachée par de
petits ligamens au defîbus des ouvertures
des cellules mafto'idiennes : fa jambe lon-
gue eft parallèle au mauche du marteau ,
dont elle eft éloignée d'environ une ligne \
la pointe de cette jambe iè recourbe un
peu en fe relevant pour foutenir 1 os orbi-
culaire*, & par conféquent Yétrier. Voyez
les planches de Duverney.
L'enclume , fiiivant le témoignage de
MafTa, a été connu âès le temps d'Alexan-
dre Achillinus , auquel il donne la décou-
verte de cet oftelet } du moins eft-il certain
qu'il ne faut point l'attribuer , avec Schel-
hammer , à Jacob de Carpi , puifque lui-
même convient que d'autres en avoient
déjà fait mention.
L'enclume y de même que les autre-s ofle-
iets de l'oreille , eft revêtu d'un fin périofte
arrofé de vaifieaux nombreux qui s'y diftri-
bueut , fur-tout à fa plus courte jambe.
Voyez Osselets de l'Oreille. An. de
M. le Chevalier de Jaucourt.
Enclume , ( Chut.) C'eft une mafîè de
fer dont fe fervent tous les forgerons , Se
fiir laquelle ils placent le fer rouge pour Je
battre à chaud , & lui donner la forme
néceflaire aux diiférens ouvrages qu'ils en
veulent fabriquer. L'enclume des Cloutitrs
eft toute femblable à celle des Taillandiers,
& ils s'en fervent pour forger du fer & en
former les baguettes qu'ils emploient à la
fabrique des clous.
Enclume , ( Aiguilleùer. ) eft une efpece
de tas , ou de bigorne plate , dont la fùr-
face eft couverte de plufieurs fentes plus
ou moins grandes & profondes , dans lef-
quelles on travaille les ferrets , pour les
arrondir autour du lacet auquel on k$
adapte.
Enclume en Bic-orne , outil à'Arque-
bujier. Cette enclume en bigorne eft à-peu-
près faite comme Yenclume en bigorne des
Serruriers, & fèrt aux arquebufiers pour
forger en rond plufieurs pièces de leur
métier.
Enclume quarrée , outil d'Araue-
bujier. C'eft une maife de fer dont la fur-
face eft aciérée , plus longue & plus large
qu'épaifle , qui peut avoir fix pouces d'épaif-
Xx 2
348 E N C
leur , & quatorze ou quinze pouce» de
hauteur & de largeur , que l'on po/e fur
un billot de bois , & qui s'y fondent par
fon propre poids } qui fert aux Arquebu-
iiers , pour forger les pièces dont ils ont
befoin.
Els'CLUME , terme & outil de Ceinturier ,
qui leur fert pour river les rivets-. Cette en-
clume eft faite comme une bigorne plate ;
des deux côtés elle eft longue environ de
fix pouces , large d'un demi - pouce , &
montée fur un pie qui entre dans le
billot.
Enclume RONDE , infiniment de Chau-
dronnier. Voye^ Boule.
ENCLUME , outil des Cloutiers dVpin-
■ &**i
ENCLUME , ( Coutelier. ) cette enclume n'a
rien de particulier.
Enclume des Couvreurs , celle fur
laquelle ils taillent l'ardoife , eft faite en
forme de T , dont la branche de deflous eft
lin peu cintrée fur le champ , & pointue.
. ENCLUME , outil de Maréchal, fèrvant à
placer leur ouvrage , pour le marteler ou
forger \ la face ou la furface la plus élevée
de f enclume doit être plate & polie, fans
paille , & fi dure qu'une lime n'y puilfe
mordre. Elle a quelquefois une bigorne à
l'un de Ces bouts pour arrondir l'ouvrage
creux : le tout eft ordinairement monté far
un bloc de bois folide.
' ENCLUME, en terme d'Orfèvre , eft un
infiniment fur lequel ils forgent leurs mé-
taux : il y en a de différentes grofTeurs. La
maiîe eft de fer , & la furface d'acier :, elle
eft de même groffeur tant en bas qu'en
haut. Sa fuperficie eft convexe , & pour être
banne , il faut que l'acier foit bien fondé au
fer , trempé & poli. Elles ont ordinaire-
ment huit pans , quatre grands , & quatre
petits j elles portent à-peu-près le double de
hauteur que de largeur : elles entrent des
deux tiers dans le billot. Voy. Billot. L'on
met défions ce billot un pailîaflon , voyei
Paillasson.
* Enclume , (Teint.) c'eft un bloc dont
la bafe eft de fer & la furface aciérée. Les
Teinturiers font obligés , par les réglemens.
d'avoir chacun un pareil infiniment fur le-
quel foit gravé leur nom & funiom , afin
«[ue le marchand prépofé aux vifites , appii-
E N C
quant fbn plomb à la tète des pièces des
marchandifes , le nom du teinturier qui les
aura teintes , y foit imprimé par le deffbus
au même temps que la marque des drapiers
le fera par le defïùs , quand elle fera pofee
fur le plomb , & frappée d'un coup de mar-
teau fur Venclume.
ENCLUMEAU , ou ENCLUMOT ,
f. m. ( Art mech. ) petite enclume pofée fur
un pié de bois ou de plomb , que l'on
met fur l'établi pour que l'ouvrier ne foit
pas obligé de fortir de fa place à tous rao-
mens , pour aller forger de petites parties
à la grande enclume.
\JEnclumeau eft à l'ufage des Orfèvres, des
Metteurs-en-ceuvre , des Chaudronniers ,
des Horlogers , & d'un grand nombre d'au-
tres ouvriers en métaux.
ENCLUMEAU , (Chaudronnier.) petite
enclume à main , dont les Chaudronniers
fë fervent pour redreffer les chaudrons &
autres uftenfilcs de cuifine , ou pour river
leurs clous. Uenclumeau eft carré ; fa tête
eft plate , d'environ un pouce & demi de
fuperficie } la queue par où on le tient a
trois ou quatre pouces de longueur. Lors-
qu'on s'en fert pour redreffer , on l'appuie
contre la boffe du chaudron ou autre pièce
de chaudronnerie , & l'en frappe de l'autre
côté avec le maillet de buis. Pour river ,
on fe fert d'un marteau de fer. Uenclumeau
de ces ouvriers eft quelquefois percé dans
le milieu.
ENCLUMETTE , f. f. eft , en Boijfe-
lerie , un morceau de fer court & gros ,
un peu écrafé par les deux bouts , dont les
BoilTeliers fe fervent pour foutenir les plan-
ches qu'ils veulent clouer enfen>bk , & ri-
ver leurs clous.
Enci.UMETTE , (Metteur-en-œuvre , &c.)
petite .enclume de fer, montée fur une
bûche qui lui fert de billot r & que l'ou-
vrier met entre £es jambes pour forger de
petites parties.
* ENCOCHE , f. f. ( Art méch. ) fi l'on
frappe avec un infiniment ou tranchant ,
ou qui en fafie la fonction , fur un corps
moins dur que cet inftrument , de manier-
que le corps frappé n'en foit divifé quen
partie } cette divhïon s'appelle une encoche.
On fait avec la carne du marteau ui c cnco~
I che au fer j ou fait , avec le tranchant du
ENC
ÉOUteàu , une encoche au bois. L 'encoche de-
vient une efpeçe d'arrêt.
ENCOCHE , adj. en terme deBlafon, fe
dit du trait qui eft fur un arc , foit que celui-
ci foi: bandé ou non.
L'archet coupé d'or & de gueules , à
deux arcs rendus & encoches de l'un à
l'autre.
ENCOCHER , v. aô. ( Vannier. ) c^eft
planter des chevilles dans les trous qu'on
a pratiqués au fond de tout vaifièau qui
doit être fait d'efier , & où les chevilles
font deftinées à ferrer & à foutenir les
©fiers.
ENCOCURE , ( Marine. ) Voyei Enco-
QUURE.
ENcOGNURE , f. f. en Architecture ,
fè dit autant des coins principaux d'un bâ-
timent , que de ceux de fes avant-corps •■,
& lorfque ces avant - corps font flanqués
de pilaftres , on les nomme antes , voye[
A NT ES. (P)
* ENCOLER , v. a&. ierme commun à
plufieurs artiftes , aux manufacturiers en
foie , laine , fil , coton , &c. aux doreurs \
c'eft , chez les premiers, donner un apprêt
de gomme ou de colle ; chez les féconds ,
c'eft placer une couche de la matière qui
doit fervir d'afîïette à l'or.
Encoller , terme de Doreur, préparation
qu'on donne au bois dont on veut fe fervir
pour dorer } ce qui fe fait en y appliquant
une ou pluîîeurs couches de la colle pré-
parée pour cet effet. On l'emploie toute
bouillante , parce qu'elle pénètre mieux \ on
l'afFoiblit avec un peu d'eau , fi elle eft trop
forte ç, & on la couche avec une brofîè de
poil de fanglier , en adouciffant , fi c'eft
un ouvrage uni. S'il y a de la fcnlpture , on
met la colle en tapant avec la brofîè j ce qui
s'appelle encoller. V. tart. DoRVRE.Diâ.de
Trév.
ENCOLLER , terme de TiJ/erand^bkc c'eft
gommer ou enduire de colle ; les Tifferauds
encollent le fil de leur chaîne , c'eft-à-dLre ,
la frottent avec une compofition de gomme ,
ou de colle pour la rendre plus ferme Voye[
Tisserand.
* ENCOLPE , f. f. ( Hift. eccléf. ) mot
formé de i* & de kcmtv ,fur le fein \ petite
boîte qui coutenoit quelque relique de faint,
& qu'on portoit fufpenûue au cou.
ENC 349
ENCOLURE , f. f. {Man. & Maréchall.)
partie du corps du cheval qui répond à celle
que dans l'homme nous défignons par le
terme de cou.
Elle donne à l'animal , dans fon avant-
main , des grâces , de la beauté & de l'agré-
ment , lorfqu'eile monte dès fa fortie du
garrot j qu'elle s'élève jufqu'à la tête en
diminuant imperceptiblement, & en fe con-
tournant à mefure qu'elle en approche , 8c
que fa partie inférieure defeend jufqu'au
poitrail en forme de talud.
V encolure eft dite & appeîlée/zî/^ , IorA
que cette même partie inférieure ne montre
aucune obliquité êc tombe à plomb , ren-
verfée , quand le contour , l'arc ou la ron-
deur fe trouvent en deffous \ & penchante ,
fi fa partie fupérieure tombe &: fè déverfe
d'un côté ou d'un autre.
Les encolures renverfées font fèmbîables
à celles des cerfs } elles ne partent point
directement du garrot , elles fèmblent naître
d'une efpece d'enfoncement vulgairement
nommé coup de hache , & ne donnent pas
moins au cheval la facilité de s'armer ou
de s'encapuchonner , que celles qui font trop
rouées , c'eft-à-dire , dont la roadf ur à leur
partie fupérieure eft trop confidérable èc
trop marquée.
Les encolures penchantes font ordinaire-
ment trop chargées de chair près de la cri-
nière , où elles devraient être tranchantes ,
& c'eft le poids de cette chair qui occafione
leur déverfe meut & leur chute. Nous voyons
ce défaut dans la plupart des chevaux en-
tiers d'un certain âge.
Quant à l'épailîèur & à la longueur de
cette partie , on doit defirer qu'elles foient
en proportion avec le total de la machine.
V. Proportions.
Sa bonne ou mauvaife conformation dé-
cide des qualités que l'on recherche clans le
cheval. V encolure eft-elle molle & effilée ,
fa foiblefîè influe tellement fur fa bouche
que l'animal ne pourra foutenir un appui
ferme ; il bégaiera fans ceffe , il battra fré-
quemment à la main: eft-elle courte , épaiffe
& chargée , il pefera inévitablement , ex il
fera infiniment plus difficile de «mener au
pli dans lequel ou voudra le mettre. Les
barbes, les jumens & les chevaux d'Êfpa-
gne nous font communément fouliaiter un
550 E N C
peu plus d'épaiffeur dans leur encolure; celle
de ces derniers diminue vifïblement à me-
fure qu'ils vieilliffent.
Les premières leçons que l'on doit don-
ner à tout cheval que Ton entreprend , ne
tendent véritablement qu'à le déterminer
&: à le réfoudre. Vainement néanmoins au-
roit-il acquis l'habitude d'embralfer le ter-
rain franchement & fans contrainte , fi l'on
ne s'attache enfuite à le dénouer entière-
ment , en mettant infenfiblement en jeu
toutes Ces parties, tk en les follicitant à tous
hs mouvemens qui leur font poffibles. Les
moyens de les accomplir ont été accordés à
l'animal par la nature même j mais elle a ,
pour ainli dire , réfèrvé à l'exercice & à l'art
le droit de lui en procurer la liberté & la fa-
cilité , & c'eft cette liberté & cette facilité
qui conftituent ce que nous appelions pro-
prement la. fouplejje.
Il fuffit de confidérer d'une part la proxi-
mité de l'encolure & de la tête du cheval ,
& de l'autre les attaches & les ufages des
mufcles divers qui concourent à leurs actions,
pour être convaincu de leur étroite corref-
pondance & de leur intimité mutuelle &
réciproque. On ne voit prefqifaucun de ces
inftrumens defHnés à abaiffer, à fléchir , à
étendre , à élever , à mouvoir latéralement
& femi-circulairement la tête , qui ne fè
propagent & qui n'aboutiffent par l'une de
leurs extrémités dans une multitude de
points difïërens du cou du cheval \ j'en ap-
perçois même pîufieurs de ce même cou, qui
lorsqu'ils en opèrent l'extenfion , contri-
buent en même temps à certains mouve-
mens de la tête. Daus cet état , il n'eft pas
permis de douter que l'aptitude &: l'aifimce
avec lefquelles l'encolure fe prêtera dans tous
les feus divers , aideront inconteftablement
à la jufte pofition de cette partie , à la fran-
chifè & à la fureté de la bouche , & confé-
quemment à l'exacte précifion des effets des
rênes.
De toutes les portions extérieures & mo-
biles du corps . de l'animal , l 'encolure eft
aufïi la première que nous devons tenter
d'a/fouplir. Je dis la première ; car tout
homme digne du nom d'homme de che-
val , doit être perfuadé par l'expérience au-
tant que par la théorie, de l'indifpenfable
jaécefîïté d'opérer fuccefîîvement &i féparé-
ENC
ment fur chacune d'elles. La plupart des dé»
réglemens & des défbrdres auxquels nom-
bre de chevaux s'abandonnent , n'ont d'au-
tre fource en effet que l'indifcrétion & la-
profonde ignorance du cavalier qui agit in-
différemment , fans diftinction , fans choix ,
fans ordre & fans mefure , & qui , confon-
dant toutes les parties enfèmble , exige
d'elles une union & une harmonie dont
elles ne peuvent être parfaitement capables
qu'autant qu'elles y ont été préalablement
difpofées & préparées en particulier, & que
la foupleffe des unes & des autres a prévenu
l'accord dans lequel il s'efforce inutilement
de les mettre.
Suppofons d'abord qu'enfiiite des diffé-
rentes opérations d'une main également
ferme , douce & active , le cavalier fbit
déjà parvenu , dans une allure tranquille Se
en quelque manière écoutée , à déterminer
l'encolure , félon la nature de l'animal , à
des mouvemens de flexion ou d'extenfïon ,
tels qu'il a dû les lui fuggérer pour com-
mencer à fè placer , & pour reconnoître
V appui ( voye{ PLACER , voye% TETE , ) il
ne me reftera à examiner ici que les moyens
de conlbmmer l'ouvrage , & d'aifouplir en-
tièrement cette partie, en lui. imprimant les
autres actions qui lui font permifès , c'eft-
à-dire , en la dirigeant dans le fèns des
flexions latérales , qui ne font autre choie
que ce que nous entendons dans nos manè-
ges par le terme de plis.
Ces actions imprimées par la voie de la
force , Iorfqu'on emploie à cet égard le
caveçon , n'en demandent aucune de la
part du cavalier , qui pour y parvenir n'a
recours qu'à la puifîance de la bride :, elles
ne doivent être produites , au contraire ,
que conféquemment à la fubtilité & au
tempérament de la main favante qui tra-
vaille , & nous avons dès-lors l'avantage ,
non feulement d'infpirer à l'animal une
forte de goût pour le pli auquel nous l'in-
vitons , mais de l'amener enfin à une pofi-
tion régulière , agréable , & très-différente
d'une attitude toujours fauffe , quand elle
n'eft due qu'à la contrainte & à la vio-
lence.
Il eft certain que les effets des rênes ,
portés fur le champ jufqu'au point d'opé-
rer le mouvement latéral dont il s'agit ,
ENC
falfifieroient , par une imprefTîon trop vive ,
l'appui que ce même mouvement, jufte-
ment & peu à peu incité , facilite & per-
fectionne , &. exciteroient le cheval à fè
roidir ou à ne céder qu'imparfaitement. Ils
ne doivent donc point fe manifefter d'abord
au delà de la tête j & tout ce que l'on doit
en defirer & en attendre dans les commen-
cemens , fe borne à mouvoir cette partie j
de manière que fans abandonner la ligne
perpendiculaire qu'elle décrit , & fans fauf
1er cette ligne par l'obliquité la plus lé-
gère, elle puiffè être détournée de côté
& d'autre , & fixée de façon que l'animal
foit libre dans fa marche d'entrevoir le
dedans.
Son intelligence une fois frappée du fou-
hait &; de la volonté du cavalier , & l'ha-
bitude de cheminer ainli étant acquifè , il
eft temps que ces mêmes effets s'exercent
fur Yencolure déjà émue , s'il m'eft permis
d'ufer de cette expreffion , par la première
action confentie j mais fi Ton vouloit ,
aufii - tôt après ce confèntement gagné ,
vaincre tout-à-coup encore l'inflexibilité
du cou , en négligeant inconsidérément
d'obfèrver les degrés divers par lefquels on
doit fuccefîîvement pafTer pour le conduire
au période de foupleiTe auquel il importe
néceflairement de le réfoudre , il n'eft pas
douteux que l'on s'expofbroit également
à la réfiftance de l'animal , & même à la
perte totale du fruit de la première opé-
ration.
Il feroit allez difficile de déterminer en
général la mefûre précife du pli à fiiggé-
rer , parce qu'elle varie félon la îrrucWe
des chevaux , & félon la conformation de
Yencolure. Elle peut être néanmoins con-
nue relativement à chacun d'eux en parti-
culier } car il eft conftant que dès que l'ef-
fet delà main du cavalier qui agit avec con-
noiffance , & en fuivant les gradatious ,
c'efK à -dire, en augmentant toujours imper-
ceptiblement la flexion , fe tranfmet jufque
fur l'épaule , & l'entreprend , cette mefùre
eft outre-paffée.
Il faut cependant faire attention à la
direction de la rêne qui opère.
Imaginons , pour nous rendre plus intel-
ligibles , que notre intention eft de plier la
tête ou Yencolure à droite ; la rêne de ce
E N C 351
côté doit effectuer le pli. i°. J'en propor-
tionnerai la force au plus ou moins de fèn-
fibilité de l'animal : z°. dès que je m'ap-
percevrai que la réfiftance eft à un certain
point , je céderai , pour reprendre aufii-tôt
après que j'aurai rendu , afin de ne pas
endommager la bouche par une oppofition
indiferette ; 30. j'accompagnerai l'action de
ma main , s'il en eft befoin , d'une légère
action de ma jambe droite , qui , en
chaffant la partie droite de l'arriére- main
feulement en avant , & non de côté , in-
vitera l'animal à fe prêter avec plus d'ai-
fance : 40. je tempérerai l'effet de ma rêne
droite par l'effet de ma rêne gauche , que
je modérerai de manière qu'elle ne nuifè
point à mon deffein ^ & je ne la laifTerai
point abfolument oifive , dans la crainte
que la puiffance de la première n'étant
point contre-balancée , elle ne détermine la
tête dans Je fens oblique & défectueux
dont j'ai parlé. 5°. La direction de cette
même rêne gauche fera mixte , c'eft-à-dire ,
qu'en même temps que je lui imprimerai
une feibîe tenfion , par le port infenfible
de ma main à moi , je la croiferai imper-
ceptiblement dn côté de dedans , pour
maintenir d'une part , ainfi que je viens
de le dire , la tête dans fon à plomb , &
pour aider à féconder de l'autre le port de
cette même partie & de Yencolure à droite.
6°. Enfin , la direction de ma rêne droite
fera telle que , dans fa tenfion , elle répon-
dra toujours , dans le plan incliné qu'elle
décrit , directement à la branche qu'elle
meut , fans fe détourner de la ligue , ou
fans être croifée } parce que dès que l'ani-
mal eft dans le pli , pour peu qu'elle foit
portée en dehors , elle opère fur fon épaule ,
& ne le met pas moins dans une fujétion
qui le révolte , fi le cou n'eft point fiiffi-
famment aflbupli , qu'une flexion trop ex-
celîive & trop outrée.
Quelque efficaces que foient les unes &
les autres des aides que je viens de détail-
ler , il s'agit néanmoins de diftinguer en-
core celles qui conviennent aux diverfes
efpeces de chevaux. Ceux qui fè plient
avec le plus de facilité , communément
s'encapuchonnent } on les défarmera en
éloignant la main du corps , & par le
moyen des deux rênes enfemble. Il en eft
35* ENC
d'autres , &c le nombre en eft çpafiderabte,
qui dans cette attitude pefent ou tirent .
s'abaiflènt fur le devant ou portent bas. Le
premier de ces défauts eft le plus fouvent
occalloné par le cavalier , qui ne celle de
tenir le cheval afîèrvi , tandis qu'il devroit
toujours rendre fubtiîement anffi-tôt qu'il
l'a fournis au pli , & reprendre doucement
6c moëîleufement , au moment où l'animal
tente d'en fortir : c'eft très- fréquemment
aum* la contrainte de la main , plutôt que
la contrainte de la fituation dans laquelle ,
lorfque nous foulageons favamment les bar-
res , le cheval femble même fe plaire ,
qui fait naître en lui l'averfion & la répu-
gnance qu'il témoigne pour cette a£Hon.
Les chevaux qui portent bas doivent être
travaillés fur les lignes droites , & peu
exercés fur les cercles \ & l'on peut encore
imputer au cavalier cette pofition défagréa-
ble , puifqu'il étoit en fon pouvoir de s'y
oppofer & de la prévenir, en dirigeant
l'effet de fes rênes en avant , & en relevant
l'animal par le fecours & par l'action ré-
pétée de celle de dehors. Enfin , il en eft
qui montrent beaucoup plus de liberté à
une main qu'à l'autre : ceux-là demandent
un travail plus confiant fur la main qui leur
eft plus difficile.
Du refte ]e ne prononcerai point ici
entre les écuyers qui prétendent qu'il fufïït
d'amener le bout du nez du cheval en de -
dans , & ceux qui foutiennent que le pli
ne fauroit être trop confidérable. Les pre-
miers font fans doute peu éclairés fur les
avantages qui réfultent de la fouplefle de
ïencolure , & ne devraient pas ignorer que
qui peut le plus , peut le moins ; & les
féconds n'ont jamais apparemment connu
ce milieu fi difficile à faifir en toutes
chofes , ck d'où dépendent dans notre art
la juftefTe , la fineffe & la grâce de l'exécu-
tion. ( e )
ENCOiMBOMA, f. m. (Antiq.) forte
de petits manteaux qui n'étoient portés que
par les efclaves fur l'épaule gaucfie.
ENCOMBRE , f. C. { Archiu ) ruines
entanees les unes fur les autres , & iai-
fant embarras dans quelques partages.
ENCOMBRÉ , adj. ( Jurifpr. ) fignifie
embarrajfé. Mariage encombré fe dit , en
Normandie , lorfque le mari a aliéné quel-
ENG
que héritage <îe fa femme. Voyei Mariage
encombré. ( A )
^ ENCOMBREMENT , f. m. ( Marine. )
c'eft l'embarras que caufe-nt dans mi vaif-
feau les marchandifes qui font d'un gros
volume & tiennent beaucoup de place ,
comme des balles de plumes , de chanvre ,
du liège , &c. Lcrfqu'il s'agit du fret des
marchandifes , on en fait l'évaluation ftii-
vant X encombrement , c'eft-à-dire , par rap-
port à l'embarras qu'elles peuvent caufer ,
eu à la place qu'elles peuvent occuper dans
le vaiffeau. ( Z )
ENCOQUER, v. a&. (Marine.) c'eft
faire couler un anneau de fer ou la boucle
de quelque cordage , le long de la vergue
pour l'y attacher. L'étrope des pendans de
chaque bras eft encoqué dans le bout de la
vergue. (Z)
ENCOQUURE ou ENCOCURE ,
f. m. ( Marine. ) c'eft cet enfîlement qui
fait entrer le bout de la vergue dans une
boucle ou dans un anneau , pour y fuf-
pendre quelque poulie ou quelque boute-
dehors.
C'eft auflî l'endroit du bout de chaque
vergue où l'on amarre les bouts des voiles
par en haut. Uencocure au fer des boute-
dehors eft à-peu-près à un quart de diftance
du milieu de la vergue. ( Z )
ENCORBELLEMENT , f. m. en ar-
chitecture , toute faillie portant à faux au
delà du nu du mur , comme confole-cor-
beau , &c. ( P )
ENCORNAIL , Trou ou Trous dv
Clan , (Marine) c'eft un trou ou une
mortoife qui fe pratique dans l'épaifteur
du fbmmet d'un mât le long duquel
court la vergue, par le moyen d'un rouet
de poulie dont ïencornail eft garni } ie-
tague y palfe & faifit le milieu de la
vergue , pour la faire courir le long du
mât. (Z)
ENCORNÉ , adj. {Manège , Maréchal!.)
javart encorné , atteinte encornée ; épithete
dont nous nous fervons pour défigner la
fituation plus dangereufe de l'une & de
l'autre de ces maladies , c'eft-à-dire , leur
pofition dans le voifinage de la couronne :
alors elles peuvent donner lieu à de vrais
ravages , fur-tout fi la fuppuration qui doit
eu réfulter fe creufe des finus , & fi la
matière
ENC
$pere fuppurée flue & cùfcend dans l'ongle
même. Voyt\ Javart. (e)
ENCOUDER, v. ach (Agricuh.).W
fe dit d'un cep de vigne ; c'eit lui faire
faire un coude en l'attachant à l'échalas.
Voye\ Vigne.
ENCOURAGER, v. aa. donner du
courage. Voye\ COURAGE.
* ENCOURIR , v. ad. ne fe prend
jamais qu'en mauvaife part; c'elt s 'attirer 9
mériter } fubir. Certains écrivains ont en-
couru la haine de tous les gens de lettres _,
par la manière outrageante dont ils en
ont traité quelques - uns ; le mépris des
gens fcnfés , par le fpecbcle indécent de
leurs convulfions ; & la fé vérité du gou-
vernement y par les troubles qu'on en crai-
gnoit.
ENCOURIR, (furifpr. ) lignifie s'at-
tirer, fubir quelque peine : par exemple,
encourir une amende 9 c'eft fe mettre dans
le cas de la devoir. L'amende eft encou-
rue lorfque la contravention eft commile.
On dit de même encourir la mort civile ,
une cenfure y Une excommunication. Il y a
des peines qui font encourues ipfo faclo _,
c'eft-à-dire , de plein droit ; d'autres qui
ne le font qu'après un jugement qui les
déclare encourues. V. AMENDE , Mort
civile , Censure , Excommunica-
tion. (A)
ENCOUTURÉ , adj. (Marine.) bor-
dages encouturés l'un fur l'autre ; il fe dit
des bordages qui patient l'un fur l'autre ,
au lieu de fe joindre carrément. Les ba-
teaux chalands de la Loire font fort légers
& vont à la voile ; ils ne font bâtis que
de planches encouturées l'une fur l'autre ,
jointes à des pièces de liûre qui n'ont ni
plats-bords , ni matières pour les tenir
fermes.
ENCRAINÉ, ^.(MaréchalL) che-
val e ne rainé y pour dire égaroté. Ce mot
n'en1 plus d'ufage. Voyei ÉGAROTÉ.
ENCRATITES, f. m. pi. (Hifi. eccléf)
hérétiques qui s'élevèrent dans le deuxième
fiecle. L'auteur de cette fecte étoit Tatien ,
difciple de S. Juftin martyr , homme élo-
quent , & qui avoit même écrit en faveur
de la religion chrétienne ; mais après la
mort de fon maître , il tomba dans les
erreurs de Valentin , de Marcion & de
Tomt XII,
ENC m
Saturnin. Il foutenoit , entr'autres chofes ,
qu'Adam n'étoit pas fauve , &: traitoit le
mariage de corruption & de débauche ,
en attribuant l'origine au démon. De là
fes fe&ateurs furent nommés Encratites ou
Continens. Ils s'abftenoient de la^hair des
animaux & du vin , dont ils ne fe fervoient
pas même dans l'Euchariftie ; ce qui leur
fit auffi donner le nom d' 'Aquariens &
d'Hydropa raflâtes.
Ils fondoient cette averfion pour le vin
fur ce qu'ils s'jmaginoient que cette liqueur
étoit une production du diable , alléguant
en preuve l'ivrefle de Noé & la nudité qui
en fut la fuite ; ce n'eft pas qu'ils refpec-
taflent fort l'autorité de l'ancien teftament ;
ils n'en admettoient que quelques paffages
qu'ils tournoient à leur fantauie. Fleury ,
hifi. eccléf. tome 1 3 liv. IV 9 titre viij 9
P. 43C (G)
ENCRE A ÉCRIRE, f. t (Arts.) en
Latin atramentum feriptovium , liqueur
noire compofée d'ordinaire de vitriol ro-
main & de noix de galle CQncaflees , le tout
macéré , infufé & cuit dans fuffifante quan-
tité d'eau , avec un peu d'alun de roche ou
de gomme arabique , pour donner à k
liqueur plus de confiftance.
Entre tant de recettes d'eRcre À écrire 9
nous nous contenterons d'indiquer celles
de MAL Lémery & Geoffroy ; le lecteur
choiiira , on même les perfectionnera.
Prenez, dit M. Lémery, eau de pluie,
fix livres ; noix de galle concaffée^ ieize
onces. Faites les bouillir à petit feu dans
cette eau jufqu'l réduction des deux tiers ;
ce qui formera une forte décoction jau-
nâtre , dans laquelle les noix de galle ne
lùrnageront plus : jettez - y gomme arabi-
que pulvérifée , deux onces , que vous
aurez fait difîbudre auparavant dans du
vinaigre en quantité fuffifante. Mettez en-
iuite dans la décoction , coupe-rofe ou vi-
rriol romain , huit onces ; donnez encore
à votre décoction , devenue noire , quel-
ques légers bouillons ; lajffez-la repofer.
Enfin, verfez-la doucement & par in-
clination dans un autre vaifTeau pour votre
ufage.
Prenez , dit M. Geoffroy , eau de ri-
vière , quatre livres ; vin blanc , deux
livres : noix de galle d'AIep pilées , fix
354 E N C
onces. Macère?: pendant vingt-quatre heu-
res , en remuant de temps en temps votre
infufion. Faites-la bouillir enfuite pendant
une demi-heure-, en l'écumant avec un
petit baron fourchu élargi par le bas ;
retirez Iq. vaiffeau du feu. Ajoutez à votre
cécoction , gomme arabique , deux onces ;
vitriol romain , huit onces ; alun de
roche , trois onces. Digérez de nouveau
pendant vingt-quatre heures ; donnez-y
maintenant quelques bouillons : enfin ,
paffez la décoction refroidie au travers
d'un linge.
On fait même de Yencre fur le champ ,
ou du moins une liqueur noire , par le
mélange du vitriol verd avec la teinture de
noix de galle. Cette couleur noire vient de
la prompte révivification du fer contenu
dans ce vitriol ; & cela eft fi vrai , que la
noix de galle fans vitriol , mais feulement
jointe avec de la limaille de fer , donne
une pareille teinture , dès qu'elle a eu le
temps de divifer ce fer qui eft en limaille.
Ainfi le vitriol dont on fait Yencre y eft
du fer diflbus par un acide avec lequel il
eft intimement mêlé ; la noix de galle eft
un alkali qui s'unit avec les acides , &
* leur fait lâcher le fer qui reparoît dans fa
noirceur naturelle. Voilà la méchanique de
X encre y aufl] des quatre efpeces de vitriol ,
celui qu'on appelle vitriol de Chypre ou
de Hongrie y eft le feul qui ne fafle point
d'encre , parce que c'eft le feul dont la bafe
foit defeuivre , au lieu que dans les autres
c'efl: du fer..
Si rprès que Yencre eft faite , on y jette
«quelques gouttes d'efprit de vitriol , la cou-
leur noire difparoit^ parce que le fer fe
réunit au nouvel acide, & redevient vitriol ;
par la même raifon les acides effacent les
taches à'encre. C'efl avec les végétaux tels
que le fumac , les rofes , les glands , &c.
eue fe fait Yencre commune. Article de
M. le Chevalier de J AV COURT..
ENGRE NOIRE à V uf âge de l'impri-
merie. Celle dont on fe fert pour l'impref-
£on des livres , eft un mélange d'huile &
de noir ; on convertit cette huile en vernis
jpar la cuifîbn : le noir fe tire de la poix
aiéfine , on retient artiftement toutes les
parties qu'exhale la fumée de c< ne forte
4e. coix quand on. vient, à. la br.ûler dans
E N C
une bâtifte faite exprès , nommée dansî tl
profeflion fac à noir • on le décrira dans
la fuite de cet article.
Le vaiffeau dans lequel l'on veut faire le
vernis d'imprimerie , peut être de fer , de
fonte ou de cuivre ; de ce dernier métal il
eft fait affez ordinairement en forme de
poire , & on le nomme ainfi : les autres font
tout fimplement de la figure & forme d'une
chaudière ordinaire. De quelque matière
que (bit le vaiffeau , & quelque forme qu'on
lui fuppofe , il doit avoir un couvercle de
cuivre, avec lequel on puifîé à volonté le
boucher très-exaclement. Le corps de ce
vaiffeau doit être armé vers le milieu de
j deux anneaux de fer , un peu plus hauts que
le niveau du couvercle qui a aufli le fien :
ces anneaux fervent à paffer un ou deux
bâtons , au moyen defquels un homme à
chaque bout peut , fans rifquer , porter &
transporter ce vaiffeau , lorfqu'on veut le
retirer de defîùs le feu , ou l'y remettre.
Tour fe précautionner contre tous les
accidens qui peuvent arriver , il eft de la
prudence , pour faire ce vernis , de choifir
un lieu fpacieux, tel qu'un jardin , & même
d'éviter le voifinage d'un bâtiment.
Si , comme je. le fuppofe, on veut faire
cent livres de vernis, réduction faite ; met-
tez dans votre poire ou chaudière cent dix
à cent douze livres d'huile de noix ; obfer-
vez que cette quantité , ou que celle que
peut contenir votre vaiûeau , ne le rem-
pliffe qu'aux deux tiers au plus , afin de
donner de l'aifance à l'huile , qui s'élève à
mefure qu'elle s'échaufte.
Votre vaiffeau en cet état , bouchez le
très-exaderhent , & le portez fur un feu
clair que vous entretiendrez l'efpace de deux
heures. Ce premier temps donné à la cuiffon,
fi l'huile eft enflammée , comme cela doit
arriver , en ôtant votre poire de deffus le
feu , chargez le couvercle de plufieurs mor-
ceaux de vieux linges ou étoffes imbibées
d'eau. Laiflèz brûler quelque temps votre
huile , à laquelle il faut procurer ce degré
de chaleur , quand elle ne le prend pas par
elle-même , mais avec ménagement & à
différentes fois. Ce feu ralenti , découvrez
votre vaiffeau avec précaution , & remuez
beaucoup votre huile avec la cuiller de fer i
ce. remuait ne peut être trop rénété ; c'e#
E N C
de lui d'où dépend en très-grande partie la
bonne cuiffon. Ces chofes faites , remettez
votre vaiffeau fur un feu moins vif ; & dès
l'inftant que votre huile reprendra chaleur ,
jetez dans cette quantité d'huile une livre
pefant de croûtes de pain feches , & une
douzaine d'oignons ; ces chofes accélèrent
le dégraiffement de l'huile ; puis recouvrez
votre vaiffeau , & le laiffez bouillir à très-
petit feu trois heures confécutives ou envi-
ron : dans cet efpace de temps , votre
huile doit parvenir à un degré parfait de
cuifîbn. Pour le connoître & vous en af-
furer , vous trempez la cuiller de fer dans
votre huile , & vous faites égo utter la quan-
tité que vous avez puifée , fur une ardoife
ou une tuile : fi cette huile refroidie eft
gluante , & file à-peu-près comme feroit
une foible glu , c'eft une épreuve évidente
qu'elle eft à fon point , & dès-lors elle
change ion nom d'huile en celui de vernis.
Le vernis ainfi fait doit être tranfvafé
dans des vaifTeaux deftinés.àle conferver ;
mais avant qu'il perde fa chaleur , il faut le
paffer à plusieurs reprifes dans un linge de
bonne qualité , ou dans une chauffe faite
exprès , afin qu'il foit net au point d'être
parfaitement clarifié.
L'on doit avoir de deux fortes de vernis ;
l'un foible , pour le temps froid ; l'autre
plus fort , **poùr le temps chaud. Cette
précaution eft d'autant plus indifpenfable ,
que fouvent on fe trouve obligé de modifier
ou d'accroître la qualité de l'un par celle
de l'autre.
On peut faire le vernis foible au même
feu que le vernis fort , mais dans un vaiffeau
féparé : on peut aufiî employer , & c'eft
mon avis , pour ce vernis l'huile de lin ,
parce qu'à la cuifîbn elle" prend une couleur
moins brune & moins chargée que celle de
noix ; ce qui la rend plus propre à ïencre
rouge dont nous allons parler.
Le vernis foible , pour fa perfection ,
exige les mêmes foins & précautions que
le vernis plus fait' : toute la différence
confifte à ne lui donner qu'un moindre
degré de feu , mais ménagé de telle forte
néanmoins , qu'en lui faifant acquérir pro-
portionnellement les bonnes qualités du
vernis tort , il foit moins cuit , moins épais ,
& moins gluant que le fort. J
Si 1 on veut faire ce demi-vernis de la
même huile de noix dont on fè fert pour
le vernis fort , ce qui n'eft qu'un péris in-
convénient , lorfqu'il s'agit de l'employer
pour faire Y encre rouge , ou s'épargner la
peine de le faire féparément & de diffé-
rente huile , il eft tout fimple de faifir l'oc-
cafion de la première cuifîbn de l'autre à
l'inftant qu'on lui reconnoîtra les qualités
requifes , & d'en tirer la quantité defirée ,
& même de celle qui eft fur le feu.
Les huiles de lin & de noix font les feu-
les propres à faire le bon vernis d'impri-
merie ; celle de noix mérite la préférence
à. tous égards : quant aux autres fortes ,
elles ne valent rien , parce qu'on ne peut
les dégraiffer parfaitement , & qu'elles font
maculer l'impreffion en quelque temps
qu'on la batte , ou qu'elle jaunit à mefure
qu'elle vieillit.
Cependant dans quelques imprimeries
on ufe de celles de navette & de chan-
vre , mais c'eft pour imprimer des livres
de la bibliothèque bleue : ce ménage eft de
fi peu de conléquence , que l'on peut af-
furer que c'eft employer de propos déli-
béré de mauvaife marchandife.
Il y a des imprimeurs qui croient qu'il
eft nécefîaire de mettre de la térébenthine
dans l'huile pour la rendre plus forte , &
afin qu'elle feche plutôt. Elle fait ces effets,
mais il en réfulte nombre d'inconvéniens.
La première difficulté eft de la faire cuire
fi précifément , qu'elle n'épaiflifîè pas trop
le vernis ; ce qu'il eft très-rare d'éviter :
alors le vernis eft fi fort & fi épais , qu'il
effleure le papier fur la forme , &. la rem-
plit en fort peu de temps : fi la térében-
thine eft cuite à fon point , elle forme une
pâte afîèz liquide , mais remplie de petits
grains durs & comme de fable qui ne fè-
broient jamais.
La térébenthine , ainfi que la litharge ,
dont quelques-uns ufènt , & font un fecret
précieux, ont encore le défaut de s'at a-
cher fi fort au caractère , qu'il eft prefquc
impoflîble de bien laver les formes, quelque
chaude que foit la lefiive ; d'ailleurs , elles
fechent & durciffent fi promptemenr ,
qu'outre qu'elles nuifent à la diftriburion
des lettres , tant elles font collées les unes-
contre les autres, elles en rempliffent encore
Yy a
35* E N C
l'œil au point qu'il n'y a plus d'efpérance
de le vuider ; ce qui met un caractère qui a
peufervi, dans l'état fâcheux d'être remis
à la fonte.
Dans le cas où par défaut de précaution
l'on emploieroit pour faire du vernis , de
Fhuile très-nouvellement faire , la térében-
thine eft d'un ufage forcé , parce qu'alors
il eft inévitable que l'impreflion ne macule
pas ; dans cette conjoncture on peut mettre
la dixième partie de térébenthine que l'on
fera cuire féparément , dans le même temps,
en lieu pareil que le vernis , & avec les
mêmes précautions. On lafera bouillir deux
heures environ: pour reconnoître Ion degré
de cuiffon , on y trempe un morceau de
papier ; & s'il le brife net cçircme la pouf-
fiere , fans qu'il relie rien d'attaché defîùs
ce papier en le frottant fi-tôt qu'il fera lèc ,
la térébenthine eft allez cuite. Votre vernis
hors de defïus le feu , vous vcrfez dans 1«
même vaifïeau cette térébenthine en re-
muant beaucoup avec votre cuiller de fer ;
enfuite on remet le tout fur le feu l'efpace
d'une demi-heure au plus fans ceflér de
remuer , afin que le vernis fe mélange avec
la térébenthine. Le moyen de fe difpenfer
de l'Ufàge de la térébenthine & de la li-
tharge, & de fe garantir des inconveniens
qu'elles produifent , c'eft de n'employer
que de l'huile très-vieille.
Le fac à noir eil construit de quatrepetits
foliveaux de trois ou quatre pouces d'équar-
riffage & de fept à huit pies de hauteur,
foutenus de chaque côté par deux traver-
fès ; fes dimenfions en tout fens dépendent
de la volonté, de celui qui le fait conffruire ;
le deflus efl un plancher bien joint Ck bien
fermé; le fond ou rez-de- chauffée, pour
plus grande fûretc, & propreté, doit être
eu pavé oii carrrelé : vous réfervez à cette
efpece de petite chambre une porte baffe
pour entrer & for tir ; vous tapiriez, tout
le dedans de cette chambre d'une toile
bonne , neuve & ferrée , le plus tendue
qu'il eil poflible avec des clous mis à dif-
tance de deux pouces.les uns dss autres :
cela fait , vous collez fur toute votre toile
du papier très-fort , & vous avez, attention
de calfeutrer les jours que vous apperce-
vrez , afin que la fumée ne puiffe fortir
d'aucun endroit. Un fac à uoiraimj tapiffé.
E N C
eft fumTant , mais il efl de plus de durée, fit
bouche beaucoup plus exactement garni
avec des peaux de mouton bien tendues.
C'efl dans ce fac que fe brûle la poix,
réfine dont on veut tirer le noir de fumée :
pour y parvenir , on prépare une quantité de
poix réfme , en la faifant bouillir & fondre
dans un ou plufieurs pots , fuivant la quan-
tité ; avant qu'elle foit refroidie , on y pique
plufieurs cornets de papier ou des mèches
foufrées ; on pofe les pots avec ordre au
milieu du fac ; enfin , on met le feu à ces
mèches , & on ferme exactement la petite»
porte en fe retirant.
Lapoixréfineconfommée , la fumée fera
attachée à toutes les parties intérieures du
fac à noir ; & quand ce fac fera refroidi ,
vous irez couvrir les pots &; refermer la
porte ; puis frappant avec des baguettes,
fur toutes les faces extérieures , vous ferez
tomber tout le noir de fumée , alors vous?
le ramaflez & vous le mettez dans un vaif-
feau de terre ou autre. Comme il arrive
qu'en le ramafïant avec un balai il s'y mêle
quelques ordures , vous avez la précaution,
de mettre au fond du vaifïeau une quan-
tité d'eau ; & quand elles font précipitées ,.
vous relevez votre noir avec une écumoire ?
ou au moyen de quelque autre précaution ,
pour le mettre dans un wafieau propre à
le conferver. Ge noir de fumée efl fans
contredit le meilleur que l'on puilfè em-
ployer pour ïencre d'imprimerie , il en
entre deux onces & demie iur chaque livrer
de vernis ; je fuppofe la livre de feize onces :
cependant c'eft à l'œil à déterminer- par la
teinte de Y encre la quantité de noir.
Pour bien mêler le noir de fumée avec le.
vernis , il fuffit d'être très-attentif en les
mêlant enfemble , de les„mêler à difFéren-
tes reprifes , & de les remuer à chaque fois
beaucoup, & de façon que le tout forme. une
bouillie épaifîe , qui produife une grande
quantité de fils quand on la cHvife par parties.
Il eft d'u(age dans quelques imprimeries1
de ne mêler le noir de: fumée dans le vernis-
que fur l'encrier ; le coup - d'ail décide
également de la quantité des deux chofès.
Je ne vois à la compofnion de cette encre
aucun inconvénient , fi ce n'eft celui de
craindre que l'on ne broie pas afîez ce mé-
lange , parce que cela demande du temps y
E N C
bu que Y encre y ainfi faite par différentes
mains , ne foit pas d'une teinte égale dans
la même imprimerie : d'où j'intere qu'il
vaut mieux avoir (on encre également pré-
parée, fans Te fier trop aux compagnons.
Encre rouge : on iè fert de cette encre
afTez fréquemment, & prefque indilpen-
"fablement dans l'impreflion des bréviai-
res , diurnaux , & autres livres d'églife ;
quelquefois pour les affiches des livres , &
par élégance aux premières pages.
Pour l'encre rouge 9 le vernis moyen eitle
meilleur que l'on puiflè employer ; il doit
être fait d'huile de lin en force & nouvelle ,
parce qu'elle ne noircir pas en cuilant comme
celle de noix , & que ce vernis ne peut être
trop clair. On fupplée au noir de fumée le
einnabre ou vermillon bien fec & broyé le
plus fin qu'il ef! poflible. Vous mettez dans
un encrier , réiérvé à ce feul ufàge , une
petite quantité de ce vernis , lur lequel vous
jetez partie de vermillon ; vous remuez &
écrafez le tout avec le broyon ; vous relevez
avec la palette de l'encrier cette première
partie d'encre au fond de l'encrier ; vous
répétez cette manœuvre à plufieurs reprifes-,
jufqu'à ce que vox^s ayiez employé , par fup-
polition , une livre do vernis , & une demi-
livre de vermillon. Plufieurs perfonnes mê-
lent dans cette première compofition , trois
ou quatre cuillerées ordinaires d'efprit-de—
vin ou d'eau-de-v-ie , dans laquelle on a fait
difîbudre , vingt-quatre heures avant, un
morceau de colle de poiflon de la grofTeur
d'une noix. J'ai reconnu par expérience que
ce mélange ne rempliiîant pas toutes les vues
que l'on fe propoibit , il étoit plus certain
d'ajouter pour la quantité donnée d'encre
rouge y un gros & demi de carmin le plus
beau ; il rectifie la couleur du vermillon ,
qui fouvent n'efl pas auffi parfaite qu'on la
fouhaiteroit ; il ajoute à fon éclat , & l'em-
pêche de ternir : cela eft plus difpendieux ,
je l'avoue , mais plus fatisfaifant. Quand
donc vous aurez ajouté ces choies , vous
recommencerez de broyer votre encre de
façon qu'elle ne foit ni trop forte , ni trop
foible, ï encre rouge forte étant très-f Irjetre à
empâter l'œil de la leuxe. Si vous ne confom-
mez pas , comme cela arrive , tout ce que
vous avez fait d' encre rouge .,• pour la con-
ferver , relevez votre encrier par le bord ,
E N C ?57
& rempîifîez-le d'eau que vous entretien-
drez , afin que le vermillon ne feche pas &
ne fè mette pas en petites écailles lur la fur-
face du vernis , dont il fe fépare par l'effet
du haie & de la fécherefïe.
Quoiqu'on n'emploie ordinairement que
les deux fortes â* encre dont nous venons de
parler , on peut probablement en faire de
différentes couleurs , en fubfbtuant au noir
de fumée & au vermillon les ingrédiens
néceffaires , & qui produifent les difîcren-
tes couleurs. On pourroit , par exemple,
faire de ïencre verte avec le verd-de-gris
calciné & préparé ; de la bleue > avec du
bleu de Prufîe auffi préparé; de h jaune?
avec de l'orpin ; de la violette 3 avec de la
laque fine calcinée & préparée , en broyant
bien ces couleurs avec du vernis pareil à
celui de notre encre rouge. La préparation du
verd-de-gris , du bleu de PrufTe , & de la
laque fine , confifte à y mêler du blanc de
cerulepour les rendre plus claires : fans cela
ces couleurs rendroient Y encre trop foncée.
Cet article eft de M. Le BRETON.
Encre de la Chine, eitune compo-
fîtion en pain ou en*bâton , qui , délayée
avec de l'eau ou de la gomme arabique ,
& quelquefois un peu de biftre ou de fan-
guine , fèrt à tracer & à laver les deflîns.
Elle fe prépare avec du fain-doux. Mettez-
en deux livres dans une terrine : placez au
milieu une mèche allumée: couvrez le tout*
d'un plat verniiTé -, ne -laiiîant que le moinsr
d'ouverrure qu'il fera poffible entre la ter»
rine & le plar. Lorfque vous aurez laifîe
brûler votre mèche pendant un certain
temps , ramaffez le noir de fumée qui fe fera
formé au plat : calcinez-le, ou le dégraifTez, -
Encre sympathique , ( Phyfiq, ■
Chym. ) on appelle encres fympathiques ? >
toutes liqueurs avec lefquelles on trace des
caraderes auxquels il n'y a qu?un moyen',
fecret qui puifle donner une couleur autre
que celle du papier. On les diflribue <le la'.
manière fuivante.
Faire pafTeirtme nouvelle liqueur , ou la
vapeur d'une ricfôfvelle liqueur fur l'écriture ■
invifible. Expofer la première écriture ai
l'air, pour que les caractères fe teignent.
Paffer légèrement fur récriture une matière
colorée réduite en poudre fubtile. Expofer"
récriture au feu.
35»
EN C
Pour faire la première liqueur, prenez
une once de litharge ou de minium plus
ou moins , que vous mettrez dans un ma-
tras , verfant deffus cinq ou fix onces de
vinaigre difHlé : faites digérer à froid pen-
dant cinq ou iix jours , ou fept ou huit heu-
res au bain de fable : le vinaigre dilibudra
une partie de la litharge ou du minium , &
s'en faoulera : après quoi vous filtrerez par
le papier ,, & le garderez dans une bou-
teille. Cette diffolution efr. connue en chy-
Inie fous le nom de vinaigre de Saturne.
Pour préparer la ieconde liqueur , prenez
une once d'orpiment en poudre, deux onces
de chaux vive ; mettez-les enfemble dans
un matras , ou tel autre vafe de verre con-
venable ; verfez pardeffus une chopine
d'eau commune ; faites digérer le tout à
une chaleur douce l'efpace de fept ou huit
heures , agitant de temps en temps le mé-
lange ; une partie de l'orpiment , &: une
partie de la chaux s'uniront & formeront
avec l'eau une liqueur jaunâtre, connue
dans l'art fous le nom de foie d'arfenic.
Vous pouvez filtrer cette liqueur, ou bien
la laiffer clarifier d'elle-même par le repos ,
la décanter & l'enfermer dans une bouteille.
Si vous verfez un peu de cette féconde
liqueur fur une petite quantité de la pre-
mière , ces deux liqueurs de claires & de
limpides qu'elles étoient , fe troubleront &
deviendront d'un noir-brun foncé : c'eft
cette propriété du foie d'orpiment qui le
rend propre à découvrir les vins lithargirés.
Voye\ Vin.
Mais ces deux liqueurs nous préfentent un
phénomenebeaucoup plusfurprenant. Pre-
nez une plume neuve , écrivez avec la pre-
mière liqueur fur du papier ; les caractères
que vous aurez formés ne paroîtront pas ,
ou du moins ne paroîtront que comme fi
on eût écrit avec de l'eau , c'eff-à-dire , que
le papier fera mouillé par-tout où la plume
aura paffé : vous pouvez le laiffer fécher de
lui-même , ou le préfenter au feu , mar-
quant feulement l'endroiflfipj vous aurez
paflé la plume. Couvrez Tëcriture de deux
ou trois feuilles de nouveau papier, & palîéz
légèrement avec la barbe d'une plume ou
une petite éponge , un peu de la féconde
liqueur fur la feuille de papier la plus éloi-
gnée de celle où vous avez tracé les carac-
E N C
teres , a l'endroit qui répond aux caractères
formés avec l'autre liqueur \ iur le champ
les caractères d'invifibles qu'ils étoient pa-
roîtront très- bien , &: feront preique auifi
noirs que s'ils eufient été formés avec de
l'encre ordinaire. Bien plus , fi vous enfer-
mez le papier écrit avec la première liqueur
entre plulieurs mains de papier , que vous
frottiez la feuille avec la féconde liqueur ,
& que vous mettiez ces mains de papier à
la preflê fous quelque gros livre , quelque
temps après vous pouvez retirer votre papier
dont les caractères feront devenus noirs.
Deux cents feuilles de papier interpolées
entre elles , ne font pas capables d'empêcher
leur effet ; elles ne font que le retarder.
Autre exemple de la première claile. On
fait diflbudre dans de l'eau régale tout l'or
qu'elle peut diflbudre, & l'on attbiblit cette
diffolution par cinq ou iix fois autant d'eau
commune. On fait diflbudre à part de
l'étain fin dans de l'eau regaie : lorlque le
diffolvant en efl bien chargé , on y ajoute
une mefure égale d'eau commune.
Ecrivez avec la diffolution d'or iur du pa-
pier blanc; laifîèz-le fécher à l'ombre, & non
aufoleil; i'écriture neparoitrapas, du moins
pendant les fept ou huit premières heures.
Trempez un pinceau dans la diffolution d'e-
tain, & palfez ce pinceau fur l'écriture d'or,
dans le moment elle paroîtra de couleur
pourpre. On peut effacer la couleur pourpre
de l'écriture d'or , en la mouillant d'eau ré-
gale. On la fera paroître une féconde fois ,
en repayant deffus la folution d'étain.
Les caractères qui ont été écrits avec une
matière qui a perdu fa couleur par être
difToure , reparoiffent en trouvant le pré-
cipitant de ce qui Ta diffoute ; car alors
elle fe révivifie , renaît & fe rencontre avec
fa couleur. Le diffolvant la luiavoit ôtée,
le précipitant la lui rend.
Sur cela eft fondé un jeu d'encre fympa-
thique , qui a dû furprendre quand il a été
nouveau ; il étoit bien imaginé pour écrire
avec plus de myflere & de sûreté. Sur une
écriture invifible , on met une écriture viii-
ble , & l'on fait difparoître l'écriture vifible
& fauffe , &c paroître l'invifible & vraie.
La féconde clafle comprend ks encres fyrn-
pathiques y dont l'écriture invifible devient
colorée , en l'expofant à l'air. Ajoutez, par
ENC
exemple, à une difïblurion d'or dans l'eau
régale ', afTez d'eau pour qu'elle ne faiîe
plus de taches jaunes fur le papier blanc ;
ce que vous écrirez avec cette liqueur , ne
commencera à paroitre qu'après avoir été
expofé au grand air pendant une heure ou
environ ; l'écriture continuera à fe colorer
lentement , jufqu'à ce qu'elle foit devenue
d'un violet foncé prefque noir.
Si , au lieu de l'expofer à l'air , on la
garde dans une boire fermée ou dans du
papier bien plié , elle reftera inviiible pen-
dant deux ou trois mois ; mais à la fin elle
fe colorera & prendra la couleur violette
obfcure.
Tant que l'or refte uni à fon dilToIvant ,
il eu jaune ; mais l'acide de fon difïblvant
étant volatil , la plus grande partie s'en éva-
pore , & il n'en refte que ce qu'il en faut
pour colorer la chaux d'or qui eft demeurée
fur le papier.
La difïblution de l'argent fin dans de
l'eau-forte , qu'on a afïbiblie enfuite par
l'eau de pluie diftillée comme on a afFoi-
bli celle de l'or , fait auffi une écriture in-
viiible , qui , tenue bien enfermée , ne
devient lifible qu'au bout de trois ou quatre
mois ; mais elle paroît au bout d'une heure
fi on l'expofe au foleil , parce qu'on accé-
lère l'évaporation de l'acide. Les caractères
faits avec cette folution font de couleur d'ar-
doifè ; parce que l'eau-forte eft un difïbl-
vant toujours un peu fulfureux , & que
rout ce qui eft fulfureux noircit l'argent.
Cependant comme ce fulfureux eft vo-
latil , il s'évapore ; & dès qu'il eft entiè-
rement évaporé , les lettres reprennent la
véritable couleur de l'argent , fur - tout fi
celui qu'on a employé dans l'expérience
eft extrêmement fin , & fi l'expérience
i'e fait dans un endroit exempt de va-
peurs.
On peut mettre encore dans cette claiTe
plufieurs autres difîblutions métalliques ,
comme du plomb dans le vinaigre , du
cuivre dans l'eau-forte, &c. mais elles
rongent & percent le papier.
La troifieme claiTe eft celle des encres
fympathiqiics , dont l'écriture inviiible pa-
roît en la frottant avec .quelque poudre
brune ou noire. Cette claiTe comprend
$>refque tous ks fucs. glutincux & noa
ENC 3ç<,
colorés , exprimés des fruits & âes plantes ;
le lait des animaux , ou autres liqueurs
grafîes & vifqueufes. On écrit avec ces
liqueurs ; & quand l'écriture eft feche ,
on fait pafîêr deiïus , légèrement & en
remuant le papier , quelque terre colorée
réduite en poudre fubtile , ou de la pou-
dre de charbon. Les caractères refteront
colorés , parce qu'ils font formés d'une
eipece de glu qui retient cette poudre
fubtile.
Enfin , la quatrième clafîê eft celle de
ces écritures qui ne font vifibles qu'en les
chauffant. Cette claffe eft fort ample , &
comprend toutes les infufions & toutes les
difîblutions dont la matière diiîbute peut
fe brûler à très- petit feu , & fe réduire en
une efpece de charbon. En voici un exem-
ple qui fuffira.
DifTolvez un fcrupule de Ici ammoniac
dans deux onces d'eau pure ; ce que vous
écrirez avec cette folution ne paroîtra
qu'après l'avoir échauffé fur le feu , ou
après avoir paifé deifus un fer un peu
chaud. Il y a grande apparence que la
partie graffè & inflammable du fel am-
moniac fe brûle & fe réduit en char-
bon à cette chaleur , qui ne fufrlt pas
pour brûler le papier. Au refte , cette
écriture étant fujette à s'humeâer à l'air,
elle s'étend , les lettres fe confondent , &:
au bout de quelque temps elles ne font
plus diftinguées ou féparées les unes des
autres.
Quand l'écriture inviiible a une fois
paru par un de ces quatre moyens , elle
ne difparoît plus , à moins qu'on ne verfe
deffùs une liqueur nouvelle , qui faife une
féconde difïblution de la matière préci-
pitée»
L'encre Jympathique de M. Hellot , après
avoir paru , difparoît & reparoît enfuite de
nouveau tant que l'on veut , fans aucune
addition , fans altération de couleur , fc
pendant un très-long temps , fi elle a été
faite d'une matière bien conditionnée. C'eft.
en l'expofant au feu & en lui donnant un
certain degré de chaleur , qu'on la fait pa-
roitre ; refroidie elle difparoît , & toujours
ainfi de fuite-
Cette encre n'a la finguîariré de diipa-
roître après avoir paru , que quand on, ne-
tfo E N C
l'a cxpofée au feu que le temps qu'il fal-
loir pour la faire paroître , ou un peu
plus ; fi on l'y tient trop^ long - temps ,
elle ne difparoît plus en fe refroid iffant ;
tout ce qui faiioit le jeu des alternatives
d'apparition & de .difparition a été en-
levé : elle rentre donc alors dans la
clafîê des encres fympathiques commu-
nes qui fe rapportent au feu. Cette encre
eft fufceptible d'une poufllere colorée ,
& enfin il y a une liqueur ou une va-
peur qui agit fur elle. Quand elle efl
d,ms fa perfection , elle eft d'un verd
mêlé de bleu d'une belle couleur de lilas :
alors cette couleur efl fixe , c'eft-à-dire ,
toujours la même , de quelque fens qu'on
la regarde , quelle que foit la pofition de
l'œil par rapport à l'objet &' à la lumière.
JVIp.js il y a des cas où cette couleur eft
changeante , félon que l'œil efl différem-
ment pofé ; tantôt elle eft lilas fale , tan-
tôt feuille morte ; & ce qui prouve que
cela doit être compté pour une imper-
fection & non pour un agrément , c'efl
que X encre à couleur changeante ne pourra
paroître ou difparoître que quinze ou feize
fois ; au lieu que celle de couleur fixe fou-
tiendra un bien plus grand nombre de pa-
reilles alternatives.
Si l'on veut que cette encre devienne de
la clarTe qui fe rapporte à Pair., alors il
faudra tenir l'écriture expofée à Pair pen-
dant huit ou dix jours , elle fera de cou-
leur de rofe. On altérera auffi le plus fou-
vent fa couleur , en la faifant paiTer dans
les autres claffes ; mais il paroît que ces
deux couleurs extrêmes , ou les plus diffé-
rentes , font celle de lilas & celle de rofe.
M. Heliot , qui vit de cette encre pour la
première fois entre les mains d'un artifle
. Allemand , trouva dans les minéraux -de
èifmuth , de cobolt & d'arfenic, qui con-
tiennent de fazur, la matière colorante qui
.£toit fon objet ; & l'on croira fans peine ,
comme le dit M. de JFontenelle , que M.
Heliot a tiré de cette matière tout ce qu'elle
a déplus caché. Article de M. le chevalier
T)E Jaucourt.
* ENCRENÉE , adj. fera, pris fubft.
(■G roffes forges. ) C'efl ainfi qu'on appelle ,
-dans quelques ateliers , l'état que le fer
prend fous le marteau lorfquil y eft porté
ENC
f pour îa féconde fois , au fortir de l'affinerie."
Voye\ Forges.
ENCRIER D'IMPRIMERIE : c'efl
une planche de bois de chêne fur laquelle
font attachées trois autres planches du
même bois , dont une forme un dofferet ,
& les deux autres deux joues coupées &
taillées en diminuant du côté ouvert &
oppofé au dofîeret. L'ouvrier de la prefîe
met fon encre dans un des coins , &
en étend avec fon broyon une petite quan-
tité vers le bord du côté ouvert , fur
lequel il appuie légèrement une de fes
balles quand il veut prendre de l'encre.
L'encrier fe pofe fur le train de derrière
de la prefîe , à côté ces chevilles. Voye%
les planches d'imprimerie & l'article IM-
PRIMERIE.
ENCRINUS ou ENCRINITE , f. f.
( Hifi. nat. fojjil. ) Quelques naturalises
donnent ce nom à une pétrification qui
repréfente affez bien la figure d'un lis à
cinq ou fix pétales qui ne font point en-
core épanouies ; ce qui eft caufe que quel-
ques auteurs Allemands la nomment lilien-
flen , pierre de lis. Ces cinq pétales par-
tent d'une tige compofée d'un afîem-
blage de petites pierres , ou arrondies ,
ou anguleufes , qui fe féparent les unes
des autres. Celles qui font arrondies fe
nomment trochites ou entrochites ; celles
qui font angulaires ou de la forme d'une
étoile , fe nomment afiéries. M.»Walle.rius
& d'autres naruraliftcs conjecturent que
Yencrinus n'eft qu'une étoile de mer pétri-
fiée. Agricola , /. Vy de nat.fojjîl. dit qu'il
s'en trouve dans les foffés qui régnent au-
tour des murs de la ville d'Hiideshein en
Weftphalie.( — )
* ENCROISER, {Manufact. en foie,
en laine y en fil , &c. ) C'efl la façon de
donner de l'ordre aux différens brins de
foie , "de laine , de fil , &c. qui compo-
jfèat la chaîne. l/oye\ Encroix. Les brins
doivent être parlés fuivant le rang de cet
encroix , d'abord dans les lifîés , & en-
fuite dans le peigne ; ordre ablolument
néceffaire , puifque fans lui il feroit im-
pofîlble de s'y reconnoître , & tout ferok
en danger d'être perdu. On verra à Yar-
ticle OURDIR , qu'il faut encroifer à deux
brins lorfqu'on eil en haut de l'ourdifToir ;
ce
E N C
ce qui arrive quand le brin fe trouve vis-
à-vis de l'endroit où a commencé l'our-
difîage. Voici comment fè fait l'encroix.
L'ourdiflèur introduit le doigt index de
la main dont il encroife ( les uns fe fer-
vant de la droite , les autres de la gauche) ,
fur les deux brins, le pouce étant defïbus
ces deux brins : il paiTe le pouce fur un
des deux ; Yindex alorseft deflbu s : il con-
tinue de fuite , & de même alternative-
ment : il reprend toujours dans le même
ordre jufqu'à ce qu'il fmifle , obfervant
bien de ne fe pas tromper à cette alter-
native. Les brins ainfi placés deux-à-deux
fur ces doigts , font pofes fur les chevilles
de l'encroix , d'où ils font enfaite conduits
pêle-mêle fur la cheville voiiine de celles-
ci , où eiT fixé le bout de la pièce. On les
laifîê pendre pour être encroifés de nou-
veau , & pour être de même placés fur
les chevilles. Voye\ l'article OURDIR.
ENCROIX , f. m. ( Manufact. en foie ,
fil , laine , &c. ) Ce font trois chevilles
placées à demeure lùr les traverfes de deux
des ailes du moulin , en haut. Ces chevilles
font boutonnées par le bout, pour retenir
les foies , qui fans cela s'échapperoient. Une
de ces chevilles eft fixée fur une autre aile ,
& c'en1 ordinairement fur l'aile la plus pro-
chaine des deux dont on vient de parler.
Cette dernière cheville reçoit le bout de la
pièce ; les deux autres qui font auprès ,
portent les foies encroifées ainfi qu'on verra
aux articles 'OURDIR &ENCROISER. Ces
chevilles fe trouvent répétées au bas de ce
moulin , puifqu'il faut aufîi encroifer en
bas. Si l'on ourdit de l'un à l'autre de ces
encroix , la pièce contiendra 144 aunes de
long ; c'eft la mefure la plus ordinaire , &
1 étendue des ourdiflbirs. Il y a encore un
encroix mobile , qui confifte en une tringle
de même forme que les traverfes qui por-
tent les encroix fixes dont on vient déparier.
Celui-ci n'eft pas plus long qu'il ne faut
pour pouvoir entrer entre deux ailes du
moulin : il eft chantourné par les bouts ,
fuivant le contour des ailes , qui étant les
mêmes dans tout Pourditîoir y on le pofera
où l'on voudra. Il doit être fait de façon
qu'il entre jufte ^ & même un peu ferré.
Les ailes par leur délicatefTe pouvant aifé-
ment reculer un peu pour lui faire place .
Tome XII.
E N C 3*1
il eft mis communément au milieu : en ce
cas fes bouts repofent fur les traverfes de ce
milieu : mais fi on le vouloit mettre ailleurs ,
il faudroit avoir foin de lier les deux bouts
avec les ailes qui le porteroient, de crainte
qu'ils n'échappaffent malgré la petite gêne
avec laquelle ils font entrés. Cet encroix
mobile donne la facilité d'ourdir de telle
longueur que l'on veut au delTous de 144
aunes ; mais lorfqu'on emplit PourdifToir
en totalité , cet encroix eft vacant , &
doit être ôté de defTus le moulin où il
nuiroit.
? ENCROUÉ , adj. ( Jurifpr. ) terme
d'eaux & forêts , qui fe dit d'un arbre lequel
en tombant s'embarrafTe dans les branches
d'un autre arbre qui eft fur pie- L'ordon-
nance des eaux & forêts , tit. xv. art. 4.3,
porte que les arbres feront abattus , en forte
qu'ils tombent dans les ventes fans endom-
mager les arbres retenus , à peine de dom-
mages & intérêts contre le marchand ; que
s'il arrivoit que les arbres abattus demeu-
rafîént encroue's , les marchands ne pourront
faire abattre l'arbre fur lequel celui qui
fera tombé fe trouvera encroué , fans la per-
miffion du grand-maître ou âes officiers »
après avoir pourvu à l'indemnité du roi.
M)
ENCYCLOPEDIE , f. {.(Philofoph. )
Ce mot fignifie enchaînement de connoiffan-
ces ,* il eft compofe de la prépofition Gre-
que kv , en y & des fubftantifs *.vak® , cer-
cle 9 & Tt^iiA , connoijjance .
En effet , le but d'une Encyclopédie eft de
rafîembler les connoiifances éparfes fur la
furface de la terre ; d'en expofer le fyftême
générai aux hommes avec qui nous vivons ,
& de le tranfmettre aux hommes qui vien-
dront après nous ; afin que les travaux des
fiecles pafTés n'aient pas été des travaux
inutiles pour les fiecles qui fuccéderont ;
que nos neveux , devenant plus inftruits ,
déviennent en même-temps plus vertueux
& plus heureux , & que nous ne mou-
rions pas fans avoir bien mérité du genre
humain.
Il eût été difficile de fe propofer un objet
plus étendu que celui de traiter de tout ce
qui a rapport à la cur'ofité de l'homme , à
{'es devoirs , à Ces befoins & à fes plaifirs.
Aufii quelques perfonnes accoutumées à
Z z
S*i E N C
juger de la poflibilité d'une entreprife -, fur
le peu de refïburces qu'elles apperçoivent
en elles-mêmes , ont prononcé que jamais
nous n'achèverions la nôtre. Voye\ le Dicl.
de Trévoux , dernière ëdit. au mot Ency-
clopédie. Elles n'entendront de nous pour
toute réponfe , que cet endroit du chancelier
Bacon , qui femble leur être particulièrement
adrefîe. De impojjibilitate ità ftatuo y ea
omnia pojjibilia Ù prœflabilia ejje cenfenda
quœ ab aliquibus perfici pojjunt , licèt non à
qiubufvis ; & quœ à multis conjunclim y licèt
non ab uno ; & quœ in fuccejjîone fœculo-
rum , licèt non eodem cevo ; Ù denique quœ
multorum cura & fumptu y licèt non opi-
bus Ù indufiriâ Jîngulorum. Bac. lib. II y
de augment. fcient, cap. j , pag. 103.
Quand on vient a confidérer la matière
immenfe d'une Encyclopédie, la feule chofe
qu'on apperçoive diftinâement , c'eft que
ce ne peut être l'ouvrage d'un feul homme.
Et comment un feul homme , dans le court
efpace de fa vie, réufliroit-il à connoître
& à développer le fyftême univerfel de la
nature & de l'art ■ ? tandis que la fociété
favante & nombreufè des académiciens <& la
Crufca a employé quarante années à former
fon vocabulaire , & que nos académiciens
François avoient travaillé foixante ans leur
dictionnaire , avant que d'en publier la
première édition ! Cependant , qu'eft-ce
qu'un dictionnaire de langue ? qu'eft-ce
qu'un vocabulaire , lorfqu'il eft exécuté
suffi parfaitement qu'il peut l'être ? Un
recueil très-exact, des titres à remplir par
un dictionnaire encyclopédique & raifonné.
Un feul homme , dira-t-on , eft maître
de tout ce qui exifte ; il difpofera à fon gré
de toutes les richefTes que les autres hommes
ont accumulées. Je ne peux convenir de ce
principe ; je ne crois point qu'il foit donné
à un feul homme de connoître tout ce qui
peut être connu ; de faire ufage de tout
ce qui eft ; de voir tout qui peut être vu •;
de comprendre tout ce qui eft intelligible.
Quand un dictionnaire raifonné des fciences
& des arts >:e feroit qu'une combinaifon
méthodique de leurs élémens , je.deman-
derois encore à qui il appartient de faire
de bons élémens ; fi Fexpofition élémentaire
àes principes fondamentaux d'une fcience
ou d'un art, eft le coupd'efrai d'un élevé,
E N C
ou le chef-d'œuvre d'un maître. Voye\V ar-
ticle ÉLÉMENS DES SCIENCES.
Mais pour démontrer avec la dernière
évidence , combien il eft difficile qu'un feul
homme exécute jamais un dictionnaire rai-
fonné de la fcience générale , il fuffit d'in-
fifter fur les feules difficultés d'un fimple
vocabulaire.
Un vocabulaire univerfel eft un ouvrage
dans lequel on fepropofe de fixer la fignifî-
cation des termes d'une langue , en définif-
fant ceux qui peuvent être définis , par
une énumération courte , exacte , claire &
précife , ou des qualités ou des idées qu'on
y attache. Il n'y a de bonnes définitions que
celles qui raflemblent les attributs effentiels
de la chofe défignée par le mot. Mais a-t-il
été accordé à tout le monde de connoître
& d'expofer ces attributs ? L'art de bien
définir eft-il un art fi commun ? Ne fommes-
nous pas tous , plus ou moins , dans le cas
même des enfans , qui appliquent avec une
extrême précifion , une infinité de termes
à la place defquels il leur feroit abfolument
impofïible de fubftituer la vraie collection
de qualités ou d'idées qu'ils repréfentent ;
De là , combien de difficultés imprévues ,
quand il s'agit de fixer le fens desexpref-
fions les plus communes ? On éprouve à tout
moment que celles qu'on entend le moins ,
font auffi celles dont on fe fèrt le plus.
Quelle eft la raifon de cet étrange phéno-
mène ? C'eft que nous fommes fans cefîe
dans l'occafion de prononcer qu'une chofe
eft telle ; prefque jamais dans la néceffité de
déterminer ce que c'eft qu'être tel. Nos
jugemens les plus fréquens tombent fur des
objets particuliers , & le grand ufage de la
langue & du monde fuffit pour nous diriger.
Nous ne faifons que répéter ce que nous
avons entendu toute notre vie. Il n'en eft
pasainfi lorfqu'il s'agit de former des no-
tions générales qui embraiïênt , fans excep-
tion , un certain nombre d'individus. Il n'y
a que la méditation la plus profonde &
l'étendue de connohTances la plus furpre-
nante qui puiffent nous conduire furement.
J'éclaircis ces principes par un exemple : nous
difons ,fans qu'il arrive à aucun de nous defè
tromper , d'une infinité d'objets de toute ef-
pece , qu'ils font de luxe ; mais qu'eft-ce que
ce luxe que nous attribuons fi infaillible-
E N C
ment à tant d'objets ? Voilà la queftion à
laquelle on ne fatisfait avec quelque- exacti-
tude , qu'après une difcuffion que les per-
fonnes qui montrent le plus de jufteffe dans
--l'application du mot luxe > n'ont point faite,
ne font peut-être pas même en état de
faire.
Il faut définir tous les termes , excepté les
radicaux , c'eft-à-dire , ceux qui déiignent
des fenfations fimples ou les idées abftraites
les plus générales. Voyeur article DICTION-
NAIRE. En a-t-on omis quelques-uns? le
vocabulaire eft incomplet. Veut-on n'en
excepter aucun? qui eft-ce qui définira exac-
tement le mot conjugué , fi ce n'eft un géo-
mètre ? le mot conjugaifon y fi ce n'eft un
grammairien ? le mot a\imuth,{\ ce n'eft un
aftronome ? le mot épopée 9 fi ce n'eft un
littérateur ? le mot change } fi ce n'eft un
commerçant ? le mot vice , fi ce n'eft un
moralifte? le mot hypojîafe , fi ce n'eft un
théologien ? le mot métaphyjique , fi ce n'eft
un philofophe ? le mot gouge , fi ce n'eft un
homme verfé dans les arts ? D'où je conclus
que i\ l'académie Françoife ne réunilïbit
pas dans (es aiïemblées toute la variété des
connoiffances & des talens, il feroit impof-
fible qu'elle ne négligeât beaucoup d'expref-
fions qu'on cherchera dans fon dictionnaire ,
ou qu'il ne lui échappât des définitions
faufîes , incomplètes , abfurdes , ou même
ridicules.
Je n'ignore point que ce fentiment n'eft
pas celui de ces hommes qui nous entre-
tiennent de tout & qui ne favent rien ; qui
ne font point de nos académies ; qui n'en
feront pas , parce qu'ils ne font pas dignes
d'en être ; qui fe mêlent cependant de dési-
gner aux places vacantes ; qui , ofànt fixer
les limites de l'objet de l'académie Fran-
çoife , fe font prefqu'indignés de voir entrer
dans cette compagnie , les Mairan , les
Maupertuis & les d'Alembert ; & qui
ignorent que la première fois que l'un d'eux
y parla , ce fut pour rectifier la définition
du terme midi. On diroit , à les entendre ,
qu'ils prétendroient borner la connoiffance
de la langue & le dictionnaire de l'acadé-
mie a un très-petit nombre de termes qui
ieur font familiers. Encore , s'ils y regar-
doient de plus près ; parmi ces termes , en
ïrouveroient-ils plufieurs , tels qu'arbre , ani-
E N C 3*,,
mal , plante , fleur , vice , vertu , vérité ,
force , loi , pour la définition rigoureufe
defquels ils feroient bien obligés d'appeller
à leur fecours le philofophe , le jurifcon-
fulte , Phiftorien , le naturalifte ; en un
mot, celui qui connoît les qualités réelles
ou abftraites qui conftituent un être tel , &
qui le fpécifient ou qui l'individualilènt f
félon que cet être a des femblables ou qu'il
eft folitaire?
Concluons donc qu'on n'exécutera jamais
un bon vocabulaire fans le concours d'un
grand nombre de talens , parce que les dé-
finitions de noms ne différent point des défi-
nitions de chofes ( v. /'a/*. Définition) ,
& que les chofes ne peuvent être bien défi-
nies ou décrites que par ceux qui en ont fait
une longue étude. Mais , s'il en eft ainfi t
que ne faudra-t-il point pour l'exécution
d'un ouvrage où , loin de fe borner à la dé-
finition du mot , on fe propofera d'expofer
en détail tout ce qui appartient à la chofè ?
_ ^Un dictionnaire univerfel & raifonné des
fciences & des arts ne peut donc être l'ou-
vrage d'un homme feul. Je dis plus ; je ne
crois pas que ce puiffe être l'ouvrage d'au-
cune des fociétés littéraires ou lavantes
qui fubliftent , prifes féparément ou en
corps.
L'académie Françoife nefourniroit aune
Encyclopédie , que ce qui appartient à la lan-
gue & à Ces ufages ; l'académie des inferip-
tions & belles lettres , que des connoiffances
relatives à Phiftoire profane , ancienne &
moderne , à la chronologie , à la géographie
& à la littérature ; la Sorbonne , que la
théologie , Phiftoire facrée , & Phiftoire des
fuperftirions ; l'académie des fciences , que
de mathématiques , de Phiftoire naturelle ,
de la phyfique , de la chymie , & de la méde-
cine , de l'anatomie , &c. Pacadémie de
chirurgie , que Part de ce nom ; celle de
peinture , que la peinture , la gravure , la
fculpture , le defîin , l'architecture , &c ;
l'univerfité , que ce qu'on entend par les
humanités , la philofophie de l'école , la ju-
rifprudence , la typographie 9 &c.
Parcourez les autres fociétés que je peux:
avoir omifes , & vous vous apercevrez
qu'occupées chacune d'un objet particu-
lier , qui eft fans doute du reflbrt d'un dic-
tionnaire univerfel , elles en négligent une"
Zz 2
3<?4 E N C
infinité d'autres qui doivent y entrer ; &
vous n'en trouverez aucune qui vous four-
niife la généralité de connoiifances dont
vous aurez befoin. Faites mieux ; impofez-
Ieur a toutes un tribut ; vous verrez com-
bien il vous manquera de chofes encore , &
vous ferez forcé de vous aider d'un grand
nombre, d'hommes répandus en différentes
cliffes , hommes précieux ; mais à qui
les portes desacadémies n'en font pas moins
fermées par leur état. C'eft trop de tous
les membres de ces lavantes compagnies
pour un lèul objet de la fcience humai-
ne ; ce n'efl pas affez de toutes ces
fociétés pour la fcience de l'homme en
général.
Sans doute , ce qu'on pourroit obtenir
de chaque focïété favante en particulier fe-
roit très-utile , & ce qu'elles fourniroient
toutes avanceroit rapidement le dicïion-
naire univerfel à fa perfection. Il y a même
une tâche qui raméneroit leurs travaux au
but de cet ouvrage, & qui devroit leur être
impofée. Je diiîingue deux moyens de cul-
tiver les fcienccs : l'un d'augmenter la maffe
des connoiifances par des découvertes ; &
c'eft ainfi qu'on mérite le nom $ inventeur :
l'autre de rapprocher les découvertes & de
les ordonner entr'elles , afin que plus d'hom-
mes foient éclairés , & que chacun participe ,
félon fa portée , à la lumière de fon fiecle ;
'6c l'on appelle auteurs clajjiques , ceux qui
réwfiïifent dans ce genre qui n'eil pas fans
difficulté. J'avoue que , quand les fociétés
favantes , répandues dans l'Europe , s'occu-
peroient à recueillir les connoiflances an-
ciennes & modernes , à les enchaîner , & à
en publier des traités complets & méthodi-
ques , les chofes n'en feroient que mieux ;
du moins jugeons-en par l'effet. Comparons
les quatre-vingts volumes in-4°« de l'acadé-
mie des fciences , compilés félon l'efprit do-
minant de nos plus célèbres académies , a
huit ou dix volumes exécutés , comme je le
conçois , & voyons s'il y auroit à choifir.
Ces derniers renfermeroient une infinité de
matériaux excellens difperfés dans un grand
nombre d'ouvrages , où ils relient lans pro-
duire aucune fenfation utile , comme des
charbons épars qui ne formeront jamais un
brafitr ; & de ces dix volumes , a peine la
collection académique la plus nombreufe
E N C
en fou rnîroit- elle quelques-uns. Qu'on jette
les yeux fur les mémoires de l'académie
des infcriptions , & qu'on calcule com-
bien on en extrairoit de feuilles pour un
traité fcientifique. Que dirai-je des tran-
fadions philofophiques , & des aâes des
curieux de la nature ? Auffi tous ces re-
cueils énormes commencent à chanceler ;
& il n'y a aucun doute que le premier abré-
viateur qui aura du goût & de l'habileté ,
ne les falfe tomber. Ce devoit être leur
dernier fort.
Après y avoir ferieufemenr réfléchi , je
trouve que l'objet particulier d'un académi-
cien pourroit être de perfectionner la bran-
che à laquelle il fe feroit attache , & de s'im-
mortalifer par des ouvrages qui ne feroient
point de l'académie , qui ne formeroient
point lès recueils , qu'il publieroit en
fon nom ; mais que l'académie devroit
avoir pour but de ralfembler tout ce qui
s'elt publié fur chaque matière , de le digé-
rer , de l'éclaircir , de le ferrer, de l'ordon-
ner , & d'en publier des traités où chaque
choie n'occupât que l'efpace qu'elle mérite
d'occuper , & n'eût d'importance que celle
qu'on ne lui pourroit enlever. Combien de
mémoires , qui groffiffent nos recueils , ne
fourniraient pas une ligne à de pareils trai-
tés !
C'en1 à l'exécution de ce projet étendu ,
non-feulement aux différens objets de nos
académies , mais à toutes les branches de la
connoiflance humaine , qu'une Encyclopédie
doit fuppléer ; ouvrage qui ne s'exécutera
que par une fociété de gens de lettres & d'ar-
tifles, épars , occupés chacun de fa partie ,
& liés feulement par l'intérêt général du
genre humain , & par un fentiment de bien-
veillance réciproque.
Je dis une fociété de gens de lettres & d'ar-
tifles , afin de ralfembler tous les talens. Je
les veux épars , parce qu'il n'y a aucune fo-
ciété fuhiilîante d'où l'on puilfe tirer toutes
les connoiflances dont on a beloin , & que ,
fi l'on vouloit que l'ouvrage fe fit toujours
I & ne s'achevât jamais , il n'y auroit qu'à
former une pareille (bciété. Toute fociété a
i'es affemblées ; ces affemblées laiffent entre
elles des intervalles , elles ne durent que quel-
ques heures ; une partie de ce temps fe perd
en difcujflions , 6c les objets les plus fimples
E N* C
confument des mois entiers : d'où il arrivera ,
comme le difoit un des quarante , qui a
plus d'efprit dans la converfation que beau-
coup d'auteurs n'en mettent dans leurs écrits ,
que les douze volumes de Y Encyclopédie
auront paru que nous en ferons encore à la
première lettre de notre vocabulaire ; au lieu ,
aj out oit-il , que fi ceux qui travaillent à cet
ouvrage avoient des fëances encyclopéd-ques,
comme nous avons des léances académiques ,
nous verrions la fin de notre ouvrage , qu'ils
en feroient encore à la première lettre du
leur ; & il avoit raifon.
J'ajoute , des hommes liés par l'intérêt
général du genre humain , & par un fenti-
ment de bienveillance réciproque , parce
que ces motifs étant tes plus honnêtes qui
puifîent animer des âmes bien nées , ce
font aulli les plus durables. On s'applau-
dit intérieurement de ce que l'on fait ;
on s'échauffe ; on entreprend pour ion
collègue & pour fbn ami ce qu'on ne
tenteroit par aucune autre confidéraiion ;
& j'ofe aifurer , d'après l'expérience , que
le fuccès des tentatives en eft plus cer-
tain. ]J Encyclopédie a raffemblé (es maté-
riaux en affez peu de temps. Ce n'eft point
un vil intérêt qui en a réuni .& hâté les
auteurs , ils ont vu leurs efforts fécondés par
la plupart des gens de lettres dont ils pou-
voient attendre quelques fecours ; & ils
n'ont été importunés dans leurs travaux que
par ceux qui n'avoient pas le talent néceffaire
pour y contribuer feulement d'une bonne
page.
Si le gouvernement fe mêle d'un pareil
ouvrage , il ne fe fera point. Toute fon
influence doit fe borner à en favorifer l'exé-
cution. Un monarque peut d'un feul mot
faire (ortir un palais d'entre les herbes \
mais il n'en eft pas d'une fociété de gens
de lettres , ainfi que d'une troupe de ma-
nouvriers. Une Encyclopédie ne s'ordonne
point. C'eft un travail qui veut plutôt être
fùiviavec opiniâtreté, que commencé avec
chaleur. Les entreprifes de cette nature
fe propofent dans les cours , acciden-
tellement & par forme d'entretien : mais
elles n'y intérefîcnt jamais afïèz pour n'être
point oubliées à travers le tumulte , &
dans la contufion d'une infinité d'autres
affaires plus ou moins importantes. Les
E N C 3^5
projets littéraires conçus par les grands ,
îbnt comme les feuilles qui naiffent au
printemps , fe fechent tous les automnes ,
& tombent fans ceffe les unes fur les au-
tres au fond des forêts , où la nourri-
ture qu'elles ont fournie a quelques plantes
lrériles , eft tout l'effet qu'on en remar-
que. Entre une infinité d'exemples en tout
genre qui me font connus , je ne citerai
que celui-ci. On avoit projeté des expé-
riences fur la dureté des bois : il s'agiffoit
de les écorcer & de les laitier mourir fur
pie. Les bois ont été écorcés , font morts
fur pié , apparemment ont été coupés ,
c'eft-à-dire , que tout s'eft fait , excepté
les expériences fur la dureté des bois. Et
comment étoit-il pofllble qu'elles fe fifTent?
Il devoit y avoir fix ans entre les premiers
ordres donnés & les dernières opérations.
Si l'homme fur lequel le fouverain s'en eft
repoié vient à mourir ou à perdre la fa-
veur , les travaux reftent fufpendus & ne
fe reprennent point , un miniftre n'adop-
tant pas communément les deffeins d'un
prédéceffeur ; ce qui lui mériceroit toutefois
une gloire , finon plus grande , du moins
plus rare que celle de les avoir formés. Le*
particuliers fe hâtent de recueillir le fruit
des dépenfes qu'ils ont faites ; le gouver-
nement n'a rien de cet empreife.uent écono-
mique. Je ne fais par quel fentiment très-
repréhenfible on traite moins honnêtement
avec le prince qu'avec fes fujets. On prend
les engagemens les plus légers , & on en
exige les récompenfes les plus fortes. L'in-
certitude que le travail foit jamais de quel-
que utilité , jette parmi les travailleurs une
indolence inconcevable; & , pour ajouter
aux inconvéniens toute la force poffible ,
les ouvrages ordonnés par les fouverains
ne fe conçoivent jamais fur la raiion de
l'utilité , mais toujours fur la dignité de la
perfonne ; c'eft-à-dire , qu'on embrafiè la
plus grande étendue ; que les difficultés
le multiplient ; qu'il faut des hommes ,
des talens , du temps à proportion pour
les furmonter , & qu'il furvient prefque
néceflairement une révolution qui vérifie
la fable du maître d'école. Si la vie moyenne
de l'homme n'eft pas de vingt ans , celle
d'un miniftre n'eft pas de dix ans. Mais
ce n'eft pas affez que les interruptions
$66 E N C
ibient plus communes , elles font plus fu-
neftes encore aux projets littéraires , iorf-
que le gouvernement efl à la tète de ces
projets , que quand ils font conduits par
des particuliers. Un particulier recueille
au moins les débris de fon entreprife :
il renferme foigneufement des matériaux
qui peuvent lui fervir dans un temps
plus heureux ; il court après fes avan-
ces. L'efprit monarchique dédaigne cette
prudence ; les hommes meurent , & les
fruits de leurs veilles difparoifïènt , fans
qu'on puiffe découvrir ce qu'ils font de-
venus.
Mais ce qui doit donner le plus grand
poids aux confédérations précédentes , c'eft
qu'une Encyclopédie 9 ainfi qu'un vocabu-
laire , doit être commencée , continuée &
finie dans un certain intervalle de temps ,
& qu'un intérêt fordide s'occupe toujours
à prolonger les ouvrages ordonnés par les
rois. Si l'on employoit à un dictionnaire
univerfe! & raifonné les longues années que
l'étendue de fon objet femble exiger , il
arriveroit par les révolutions qui ne font
guère moins rapides dans les feiences , &
fur- tout dans les arts , que dans la langue ,
que ce dictionnaire feroit celui d'un fiecle
palfé , de même qu'un vocabulaire qui
s'exécuteroit lentement , ne pourrait être
que celui d'un règne qui ne feroit plus.
Les opinions vieilliffent & difparoifïènt com-
me les mots ; l'intérêt que l'on prenoit
à certaines inventions , s'afFoiblit de jour
en jour & s'éteint. Si le travail tire en
longueur , on fe fera étendu fur des chofes
momentanées dont il ne fera déjà plus quef-
tion ; on n'aura rien dit fur d'autres dont la
place fera paffée ; inconvénient que nous
avons nous-mêmes éprouvé , quoiqu'il ne
fè foit pas écoulé un temps fort confidé-
rable entre la date de cet ouvrage & le
moment où j'écris. On remarquera l'irré-
gularité la plus défagréable dans un ou-
vrage deftiné à repréfenter , félon leur jufte
proportion , l'état des chofes dans toute la
durée antérieure ; des objets importans
étouffes ; de petits objets bourfouHés : en
un mot , l'ouvrage fe défigurera ians cefTe
fous les mains des travailleurs , fe gâtera
plus par le feul laps de temps qu'il ne
fe perfectionnera par leurs foins , & de-
E N C
viendra plus défectueux & plus pauvre
par ce qui devroit y être , ou raccourci ,
ou fupprimé , ou rectifié , ou fuppléé ,
que riche par ce qu'il acquerra fucceffi-
vement.
Quelle diverfité ne s'introduit pas tous
les jours dans la langue des arts , dans les
machines & dans les manœuvres ? Qu'un
homme confume une partie de fa vie à la
delcription des arts ; que dégoûté de cet
ouvrage fatigant , il fe laiffe entraîner à
des occupations plus amufantes & moins
utiles; & que fon premier ouvrage de-
meure renfermé dans fes porte-feuilles , il
ne s'écoulera pas vingt ans qu'à la place
de chofes nouvelles & curieufes , piquantes
par leur fingularité , intéreffantes par leurs
ufages , par le goût dominant , par une
importance momentanée , il ne retrouvera
que des notions incorrectes , des manœu-
vres furannées , des machines , ou impar-
faites , ou abandonnées. Dans les nombreux
volumes qu'il aura compofés , il n'y aura
pas une page qu'il ne faille retoucher ; &
dans la multitude des planches qu'il aura
fait graver , prefque pas une figure qu'il ne
faille redeflïner. Ce font des portraits dont
les originaux ne fubfiffent plus. Le luxe >
ce père des arts , eft comme le Saturne
de la fable , qui fe plaifoit à détruire fes
enfans.
La révolution peut être moins forte &
moins fenfible dans les feiences & dans les
arts libéraux , que dans les arts méchani-
ques ; mais il s^y en fait une. Qu'on ouvre
les dictionnaires du fiecle pafïë , on n'y
trouvera à aberration , rien de ce que nos
Aftronomes entendent par ce terme ; à peine
yaura-t-il fur \ électricité y ce phénomène fi
fécond , quelques lignes qui ne feront en-
core que des notions faufïès & de vieux
préjugés. Combien de termes de Minéra-
logie & d'Hiftoire naturelle , dont on en peut
dire autant ! Si notre Dictionnaire eût été
un peu plus avancé , nous aurions été expo-
fés à répéter fur la nielle , fur les maladies
des grains , & fur leur commerce , les erreurs
des fiecles paflés , parce que les découvertes
de M. Tillet & le fyftême de M. Herbert
font récens.
Quand on traite des êtres de la nature ,
que peut-on faire de plus , que de rafïem-
E N C
bîer avec fcrupule toutes leurs propriétés
connues dans le moment où l'on écrit?
Mais l'obfervation & la phyfique expéri-
mentale multipliant fans cefîê les phéno-
mènes & les faits , & la philofophie ration-
nelle les comparant entr'eux & les combi-
nant , étendent ou reflèrrent fans ceffe les
limites de nos connoifîances, font en con-
féquence varier les acceptions des mots
inftituis ; rendent les définitions qu'on en
a données jnexaâes , fauffès , incomplètes ,
& déterminent même à en inftituer de nou-
veaux.
Mais ce qui donnera à l'ouvrage l'air
furanné , & le jettera dans le mépris , c'efr.
fur-tout la révolution qui fe fera dans l'es-
prit des hommes , & dans le caradere
national. Aujourd'hui que la philofophie
s'avance à grands pas ; qu'elle foumet à fon
empire tous les objets.de fon reffort ; que
fon ton eu le ton dominant , & qu'on com-
mence à lecouer le joug de l'autorité &
de l'exemple pour s'en tenir aux ioix de la
raifon , il n'y a prefque pas un ouvrage
clementaire & dogmatique dont on foit
entièrement fatisfait. On trouve ces pro-
ductions calquées fur celles des hommes ,
& non fur la vérité de la nature. On ofé
propofer (es doutes à Ariftote & a Platon ;
& le temps eft arrivé , où des ouvrages qui
jouiffent encore de la plus haute réputa-
tion , en perdront une partie , ou même
tomberont entièrement dans l'oubli ; cer-
tains genres de littérature , qui , faute d'une
vie réelle & de mœurs fubfifîantes qui leur
fervent de modèles , ne peuvent avoir de
poétique invariable & fenfée , feront né-
gligés ; & d'autres qui refieront , & que
leur valeur intrinfèque foutiendra , pren-
dront une forme toute nouvelle. Tel efl
l'effet des progrès de la raifon ; progrès qui
renversera tant de ftatues , & qui en relè-
vera quelques-unes qui font renverfées. Ce
font celles des hommes rares , qui ont de-
vancé leur fiecle. Nous avons eu , s'il eu
permis de s'exprimer ainfi , des contempo-
rains fous le fiecle de Louis XIV.
Le temps qui a émoude notre goût fur les
quefhons de critique & de controverfe ,
a rendu infipide une partie du didionnaire
de Bayle. Il n'y a point d'auteur qui ait
tant perdu dans quelques endroits , &: qui
ENC 367
ait plus gagné dans d'autres. Mais fi tel a
été le fort de Bayle , qu'on juge de ce qui
fèroit arrivé à Y Encyclopédie de fon temps.
Si l'on en excepte ce Perrault , & quelques
autres , dont le vérificateur Boileau n'étoit
pas en état d'apprécier le mérite ; la Mothc ,
Terraffon , Boindin , Fontenelle , fous les-
quels la raifon & l'efprit philofophique ou
de doute a fait de fi grands progrès ; il n'y
avoit peut-être pas un homme qui en eût
écrit une page qu'on daignât lire aujourd'hui.
Car , qu'on ne s'y trompe pas , il y a bien
de la différence entre enfanter , à force de
génie , un ouvrage qui enlevé les fufrrages
d'une nation qui a fon moment , fon goût ,
{es idées & (es préjugés , & tracer la poéti-
que du genre , félon la connoifiance réelle
& réfléchie du cœur, de l'homme , de la
nature des chofes , & de la droite raifon y
qui font les mêmes dans tous les temps.
Le génie ne connoît point les règles ; ce-
pendant il ne s'en écarte jamais dans {es
fuccès. La philofophie ne connoît que les
règles fondées dans la nature des êtres , qui
efl immuable & éternelle. C'efr. au fiecle
paffé à fournir des exemples ; c'eft à notre
fiecle à prefcrire les règles.
Les connoifîances les moins communes
fous le fiecle paffé , le deviennent de jour
en jour. Il n'y a point de femmes , à qui
l'on ait donné quelque éducation , qui n'em-
ploie avec difcernement toutes les expref-
fions confacrées à la peinture, à la fculpture ,
à l'architedure , & aux belles-lettres. Com-
bien y a-t-il d'enfans qui ont du dcffin , qui
favent de la géométrie , qui font muficiens ,
à qui la langue domefHque n'eit pas plus
familière que celle de ces arts , & qui
difent , un accord , une belle forme , un
contour agréable , une parallèle , une hypo-
thénufe , une quinte , un triton , un arpé-
gement, un microfcope , un télefeope,. un
foyer , comme ils diroient , une lunette
d'opéra , une épée, une canne , un carroffe ,
un plumet! Les efprits font encore em-
portés d'un autre mouvement général vers
Phi ftoire naturelle, l'anatomie , iachymie,
& a phyfique expérimentale. Les expref-
fions propres à ces fciences font déjà très- •
communes , & le deviendront néceffùre-
ment davantage. Qu'arrivera-t-il de là tC'eil
que la langue , même populaire } changera
3*8 E N C
de face ; qu'elle s'étendra à mefure que nos
oreilles s'accoutumeront aux mots , par les
applications heureuies qu'on en fera. Car
fi l'on y réfléchit, la plupart de ces mots
techniques , que nous employons aujour-
d'hui , ont été originairement du ne'olo-
gifme ; c'eft l'ufage & le temps qui leur ont
cké ce vernis équivoque. Ils étoient clairs ,
énergiques & néceffaires. Le fens métapho-
rique n'étoit pas éloigné du fèns propre.
Ils peignoient. Les rapports fur lefquels le
nouvel emploi en étoit appuyé , n'étoient pas
trop recherchés ; ils étoient réels. L'acception
figurée n'avoit point l'air d'une fubtilité :
le mot étoit d'ailleurs harmonieux & cou-
lant. L'idée principale en étoit liée avec
d'autres que nous ne nous rappelions jamais
fans inftruétion ou fans plaifir. Voilà les fon-
demens de la fortune que ces expreffions
ont faite ; & les caufes contraires font celles
du diferédit , où tomberont & font tombées
tant d'autres expreffions.
Notre langue eft déjà fort étendue. Elle a
dû , comme toutes les autres , fa formation
au befoin , & fes richeffes à l'effor de l'ima-
gination , aux entraves delà poéfie , & aux
nombres & à l'harmonie de la profe ora-
toire. Elle va faire des pas immenfes fous
l'empire de la philofophie ; & iî rien ne fuf-
pendoit la marche de l'elprit , avant qu'il
fût un fiecle , un dictionnaire oratoire &
poétique du fiecle de Louis XIV , ou même
du nôtre , contiendroit à peine les deux
tiers des mots qui feront à l'ufage de nos
neveux.
Dans un vocabulaire , dans un diction-
naire univerfel & raifbnné , dans tout ou-
vrage deftiné à l'inftruction générale des
hommes, il faut donc commencer par en-
vifager fon objet fous les faces les plus éten-
dues , connoître l'elprit de fa nation , en
preifentir la pente , le gagner de vîteffe,
en forte qu'il ne laiffe pas votre travail en
arrière ; mais qu'au contraire il le rencontre
en avant ; fe réfoudre à ne travailler que
pour les générations fuivantes , parce que
le moment où nous exiftons paffe , & qu'à
peine une grande entreprife fera - t - elle
achevée , que la génération préfente ne fera
plus. Mais pour être plus long-temps utile
& nouveau , en devançant de plus loin
l'efprit aational qui marche fans cefle , il
E NC
faut abréger la durée du travail , en multi-
pliant le nombre des collègues ; moyen qui
toutefois n'eft pas fans inconvénient com-
me on le verra dans la fuite.
Cependant les connoifîances ne devien-
nent & ne peuvent devenir communes
que jufqu'à un certain point. On ignore
à la vérité , quelle eft cette limite. On ne
fait jufqu'où tel homme peut aller. On
fait bien moins encore jufqu'où Vefpece
humaine iroit , ce dont elle fèroit capable ,
fi eile n'étoit point arrêtée dans fes progrès.
Mais les révolutions font néceffaires ; il y
en a toujours eu , & il y en aura toujours ;
le plus grand intervalle d'une révolution à
une autre eft donné : cette feule caufe borne
l'étendue de nos travaux. Il y a dans les
feiences un point au delà duquel il ne leur
eft prefque pas accordé de paffer. Lorfque
ce point eft atteint , les monumens qui
reftent de ce progrès , font à jamais l'éton-
nement del'efpece entière. Maisfi l'efpece
eft bornée dans (es efforts , combien l'in-
dividu ne l'eft-il pas dans lesfiens? L'in-
dividu n'a qu'une certaine énergie dans {es
facultés , tant animales qu'intellectuelles ;
il ne dure qu'un temps ; il eft forcé à des
alternatives de travail & de repos ; il a des
befoins & des pallions à fatisfaire , & il eft
expofé à une infinité de diffractions. Toutes
les fois que ce qu'il y a de négatif dans ces
quantités formera la plus petite fomme
pollible , ou que ce qu'il y a de pofitif
formera la fomme poftible la plus grande ;
un homme appliqué folitairement à quel-
que branche de la feience humaine , la
portera aufîi loin qu elle peut êtte portée
par les efforts d'un individu. Ajoutez au
travail de cet individu extraordinaire , ce-
lui d'un autre , & ainfi de fuite , jufqu'à
ce que vous ayiez rempli l'intervalle d'une
révolution , à la révolution la plus éloignée ;
& vous vous formerez quelque notion de
ce que l'efpece entière peut produire de
plus parfait, fur-tout li vous fuppofez , en
faveur de fon travail , un certain nombre
de circonftances fortuites qui en auroient
diminué le fuccès , fi elles avoient été con-
traires. Mais la maffe générale de l'efpece
n'eft faite ni pour fuivre , ni pour con-
noître cette marche de l'elprit humain. Le
point d'inftruction le plus élevé qu'elle
puifîè
E N C
p-iiflè atteindre , a Ces limites : d'où il s'en-
fuit qu'il y aura des ouvrages qui refteront
toujours au deffus de la portée commune
des hommes ; d'autres qui defcendront peu-
à-peu au deffous , & d'autres encore qui
éprouveront cette double fortune.
A quelque point de perfection qu'une
Encyclopédie foit conduite", il efl évident
par la nature de cet ouvrage , qu'elle Ce
trouvera nécefTairement au nombre de ceux-
ci. Il y a des objets qui font entre les mains
du peuple , dont il tire fa fubfiftance , &
à la connoiffance pratique defquels ils s'oc-
cupe fans relâche. Quelque traité qu'on en
écrive , il viendra un moment où il en faura
plus que le livre. Il y a d'autres objets fur
lefquels il demeurera prefque entièrement
ignorant , parce que les accroifTemens de
fa connoiffance font trop foibles & trop
lents , pour former jamais une lumière con-
sidérable , quand on les fuppoferoit con-
tinus. Ainfi l'homme du peuple & le favant
auront toujours également à defirer & à
s'inflruire dans une Encyclopédie. Le mo-
ment le plus glorieux pour un ouvrage de
cette nature , ce feroit celui qui fiiccéderoit
immédiatement à quelque grande révolu-
tion qui auroit fufpendu les progrès des
fciences , interrompu les travaux des arts ,
& replongé dans les ténèbres une portion
de notre hémifphere. Quelle reconnoiiïance
la génération qui viendroit après ces temps
de trouble , ne porteroit-elle pas aux hom-
mes qui les auroient redoutés de loin, &
qui en auroient prévenu le ravage , en
mettant à l'abri les connoiffances des fïecles
paflès ? Ce feroit alors ( j'ofe le dire fans
orientation , parce que notre Encyclopédie
n'atteindra peut-être jamais la perfection
qui lui mériteroit tant d'honneurs ) j ce
feroit alors qu'on nomimeroit avec ce grand
ouvrage le règne du monarque fous lequel
il fut entrepris j le miniftre auquel il fut
dédié } les grands qui en favorifèrent l'exé-
cution \ les auteurs qui s'y confacrerent }
tous les hommes de lettres qui y concou-
rurent. La même voix qui rappelleroit ces
iècours , n'oublieroit pas de parler aufli des
peines que les auteurs auroient fburFertes ,
& des difgraces qu'ils auroient elTuyées \
& le monument qu'on leur éléveroit ,
feroit à plufieurs faces, où l'on verroit
Tome XII.
, E N C tf9
alternativement des honneurs accordes à
leur mémoire , & des marques d'indigna-
tion attachées à la mémoire de leurs en-
nemis.
Mais la connoiflance de la langue efl le
fondement de toutes ces grandes efpé-
rances j elles relieront incertaines, fi la
langue n efl fixée & tranfmife à la poflérité
dans toute fa perfection \ & cet objet eft
le premier de ceux dont il convenoit à des
Encyclopédistes de s'occuper profondément.
Nous nous en fbmmes apperçus trop tard j
& cette inadvertance a jeté de l'imperfection
fur tout notre ouvrage. Le côté de la langue
efl refté foible (je dis de la langue , & non
de la Grammaire ) \ & par cette raifon , ce
doit être le fujet principal, dans un article
où l'on examine impartialement fbn tra-
vail , & où l'on cherche les moyens d'en
corriger les défauts. Je vais donc traiter de
la Langue fpécialement & comme je le
dois. J'oferai même inviter nos fùccelîèurs
à donner quelque attention à ce morceau ;
& j'efpérerai des autres hommes à l'ufage
defquels il efl moins defliné , qu'ils en
avoueront l'importance , & qu'ils en excu-
feront l'étendue.
L'inflitution de fignes vocaux qui repré-
fentaffent des idées , & de caractères tracés
qui repréfentaffent des voix , fut le premier
germe des progrès de l'efprit humain. Une
feience , un art ne naiffent que par l'appli-
cation de nos réflexions aux réflexions déjà
faites , & que par la réunion de nos pen-
fees , de nos obfervations & de nos expé-
riences , avec les penfées , les obfervations
& les expériences de nos femblables. Sans
la double convention qui attacha les idées
aux voix , & les voix à des caractères ,
tout refloit au dedans de l'homme & s'y
éteignoit : fans les grammaires & les dic-
tionnaires , qui font les interprètes univer-
Cels des peuples entr'eux j tout demeuroit
concentré dans une nation , & difparoifîbit
avec elle. C'efl par ces ouvrages que les fa-
cultés des hommes ont été rapprochées &
combinées entr'elies ^ elles refloient ifblées
fans cet intermède : une invention , quel-
que admirable qu'elle eût été , n'auroit re-
préfenté que la force d'un génie folitaire ,
on d'une fbciété particulière , & jamais
l'énergie de l'efpece. Un idiome commun
A aa
37o ENC
feroit l'unique moyeu detablir une corref-
pondance qui s'étendît à toutes les parties
du genre humain, & qui les liguât contre
la nature , à laquelle nous avons fans celle
à faire violence , foit dans le phyiique ,
foit dans le moral. Suppofé cet idiome
admis & fixé , auffitôt les notions de-
viennent permanentes } la diftance des
temps diiparoît ; les lieux fê touchent j il
fe forme des liaifons entre tous les points
habités de l'efpace & de la durée , &
tous les êtres vivans & penfaus s'entretien-
nent.
La langue d'un peuple donne fon vocabu-
laire , & le vocabulaire eft une table affez
fîdelie de toutes les connoifTances de ce peu-
ple : fur la feule comparaifon du vocabulaire
'd'une nation en différent temps , on fe for-
meroit une idée de fès progrès. Chaque
feience a fon nom } chaque notion dans la
feience a le lien : tout ce qui eft connu
dans la nature eft défigné , ainfi que tout ce
qu'on a inventé dans les arts , & les phéno-
mènes , & les manœuvres , & les inftru-
jnens. Il y a âes expreffions , & pour les êtres
q.ui font hors de nous , & pour ceux qui
font en nous : on a nommé & les abftraits
«k les concrets , & les chofes particulières
ik les générales , &l les fermes & les états ,
<k les exiftences & les fucceflions & les
permanences. On dit Vunivcrs ; on dit un
atome : Fusivers eft le tout , l'atome en eft
la partie la plus petite. Depuis la collection
générale de toutes les caufes jufqu'à l'être
folitaire , tout a fon figne j & ce qui excède
toute limite, foit dans la nature, foit dans
notre imagination j & ce qui eft pofllble &
ce qui ne l'eft pas \ & ce qui n'eft ni dans la
nature , ni dans notre entendement , &
l'infini en petiteffe , & l'infini en grandeur ,
en étendue , en durée , en perfection. La
comparaifon des phénomènes s'appelle philo-
fophie. La philbfophie eft pratique ou {pé-
culative : toute notion eft ou de fenfation
ou d'indu&ion j tout être eft dans l'enten-
dement ou dans la* nature ; la nature s'em-
ploie , ou par l'organe nu , ou par l'organe
aidé de Finftrument. La langue eft un fym-
bole de cette multitude de chofes hétéro-
gènes : elle indique à l'homme* pénétrant
jufqu'où l'on étoit allé dans une feience ,
«tons les temps même les. plus reculés. On
E NC
apperçoit au premier coup-d'œil que les
Grecs abondent en termes abfiraits que
les Romains n'ont pas, & qu'au défaut de
ces termes , il étoit impofiîble à ceux-ci de
rendre ce que les autres ont écrit de la logi-
que , de la morale, de la grammaire , de la
métaphyiique , de l'hiftoire naturelle , &c. •
& nous avons fait tant de progrès dans tou-
tes ces feiences , qu'il feroit difficile d'en
écrire , foit en Grec , foit en Latin , dans
l'état où nous les avons portées , fans inven-
ter une infinité ce fignes. Cette obfervation
feule démontre la fuperiorité des Grecs fur
les Romains , & notre fuperiorité fur les
uns & les autres.
Il furvient chez tous les peuples en gé-
néral , relativement au progrès de la lan-
gue & du goût, une infinité de révolutions
légères , d'événemens peu remarqués, qui
ne fe tranfmettent point : on ne peut s'ap-
percevoir qu'ils ont été , que par le ton des
auteurs contemporains \ ton ou modifié ,
ou donné par ces circonftances paffageres.
Quel eft , par exemple , le lecteur attentif
qui, rencontrant dans un auteur ce qui
fuit , camus autem & organa plurihus dijtan-
tiis utuntur ,, non tantum diapente , fed
fiimpto iuitio a diapafon , concinnunt per
diapente & diatejjaron ; & unitonum , & fe-
mitonum , ita ut & quidam putent ineffe &
diefin quœ fenfu percipiatur , ne fe dife fur
le champ à lui-même , voilà les routes de
notre chant *, voilà l'incertitude où nous
fbmmes fur la pofîibilité ou l'impoflibilité
de l'intonation du quart de ton. On ignoroit
donc alors fi les anciens avoient eu ou non
une gamme enharmonique. Il ne reftoit
donc plus aucun auteur de mufïqHe par
lequel on pût réfoudre cette difficulté. |On
agitoit donc, au temps de Denis d'Hali-
carnaffe , à-peu-près les mêmes queftions
que nous agitons fur la mélodie. Et s'il
vient à rencontrer ailleurs que les auteurs
étoient très - partagés fur rénumération
exacte des fons de la langue Greque :, que
cette matière avoit excité des difputes fort
vives , fed talium rerum confiderationem.
grammatices & poctices ej/e ; vel etiam , ut
quibufdam placet , philofophia; , n'en con-
clura t-il pas qu'il en avoit été parmi les
Romains ainfi que parmi nous? c'eft-à-dire ,,
qu'après avoir traité la feience des. lignes de.
E N C
des fous avec afTez de légèreté , il y eut un
temps où de bons efprits reconnurent qu'elle
avoit , avec la fcience des choies , plus de
liaifon qu'ils n'en avoient d'abord foupçon-
né , & qu'on pouvoit regarder cette ipécu-
lation comme n'étant point du tout indigne
de la philoibphie. Voilà précisément où
nous en fommes j & c'eft en recueillant aiufi
des mots échappés par hafard , & étrangers
à la matière traitée fpécialement dans un
auteur où ils ne cara&érifent que lès lumiè-
res , fon exactitude & fou indécilioii , qu'on
parviendroit à éclaircir l'hiftoire des pro-
grès de l'efprit humain dans les iîecles
pafles.
Les auteurs ne s'apperçoivent pas quel-
quefois eux-mêmes de l'imprefTîon des cho-
fes qui fe partent autour d'eux:, mais cette
imprefiion n'en eft pas moins réelle. Les
muficiens , les peintres , les archite&es ,
les philofophes , &c. ne peuvent avoir
des conteftations , fans que l'homme de
lettres n'en foit inftruit : & réciproquement,
il ne s'agitera dans la littérature aucune
queftion , qu'il n'en paroiffe des veftiges
dans ceux qui écriront ou de la mufrque ,
ou de la peinture , ou de l'architecture , ou
de la philofophie. Ce font comme les reflets
d'une lumière générale qui tombe fur les
artiftes & les lettrés , & dont ils confervent
une lueur. Je fais que l'abus qu'ils font
quelquefois d'exprefiions dont la force leur
eCt inconnue , décelé qu'ils n'étoient pas au
courant de Ja philofophie de leur temps j
mais le bon efprit qui recueille ces expref-
fions , qui faifit ici une métaphore , là un
terme nouveau , ailleurs un mot relatif à
un phénomène , à une obfervation , à une
expérience , à un fyftême , entrevoit l'état
des opinions dominantes , le mouvement
général que les efprits commençoient à en
recevoir , &. la teinte qu'elles portoient
dans la langue commune. Et c'eft là , poul-
ie dire en pafTant , ce qui rend les anciens
. auteurs fi difficiles à juger en matière de
goût. La perfuafion générale d'un fentiment,
d'u/i fyftême , un ufage reçu , l'iiiftitution
. d'une loi , l'habitude d'un exercice , &c. ,
leur fournhToient des manières de dire , de
peufer , de rendre , des comparaifons , des
exprellîons , des figures dont toute la beauté
■ n'a pu durer qu'autant que la chofe même
ENC 371
qui leur fêrvoit de bafè. La chofe a palï'é ,
& l'éclat du difeours avec elle. D'où il s'en-
fuit qu'un écrivain qui veut aflurer à fès
ouvrages un charme éternel , ne pourra
emprunter, avec trop deréferve ,fa manière
de dire des idées du jour , des opinions
courantes , des fyftêmes régnans , des arts
en vogue j tous ces modèles font en vi-
cifîitude : il s'attachera de préférence aux
êtres permanens , aux phénomènes des
eaux , de la terre & de l'air , au ipeclacle
de l'univers , & aux pallions de l'homme ,
qui font toujours tes mêmes } &: telle fera
la vérité , la force , & l'immutabilité de
fon coloris , que fes ouvrages feront l'éton-
nement des fiecles , malgré le défordre des
matières , l'abfiirdité des notions , & tous
les défauts qu'on pourroit leur reprocher.
Ses idées particulières , fes comparaifons ,
Ces métaphores , fès exprefîions , fès images
ramenant fans ceife à la nature qu'on ne /e
lalîe point d'admirer , feront autant de
vérités partielles par lefquelles il fe foutien-
dra. On ne le lira pas pour apprendre à pen-
fer j mais jour & nuit on l'aura dans les
mains pour en apprendre à bien dire. Tel
fera fon fort , tandis que tant d'ouvrages
qui ne feront appuyés que fur un froid bon
fêns & fur une pefante raifon , feront peut-
être fort eftimés , mais peu lus , & tombe-
ront enfin dans l'oubli , lorfqu'un homme ,
doué d'un beau génie & d'une grande élo-
quence , les aura dépouillés , &: qu'il aura
reproduit aux yeux des hommes des vérités,
auparavant d'une auftérité fèche & rebutante,
fous un vêtemenfcplus noble , plus élégant ,
plus riche & plus féduifant.
Ces révolutions rapides qui fe font dans
les choies d'inftitution humaine , & qui
auront tant d'influence fur la manière dont
la poftérité jugera des productions qui lui
feront traufmifes , font un puiffant motif
pour s'attacher dans un ouvrage tel que le
nôtre , où il eft fouvent à propos de citer
des exemples , à des morceaux dont la beauté
fbit fondée fur des modèles permanens :
fans cette -précaution les modèles paieront 3
la vérité de l'imitation ne fera plus fentie ,
& les exemples cités cefferont de.paroître
beaux.
L'art de tranfmettre les idées par la pein-
ture des objets , a du naturellement fè pré-
A a a z
37* E N C
fbnter le premier : celui de les tranfmettre
en fixant les voix par des caractères , eft
trop délié j il dut effrayer l'homme de génie
qui l'imagina. Ce ne fut qu'après de longs
efïais qu'il entrevit que les voix fenfïble-
ment différentes n'étoient pas en aufïi grand
nombre qu'elles paroiflbicnt , & qu'il ofa fe
promettre de les rendre toutes avec un petit
nombre de figues. Cependant le premier
moyen n'étoit pas fans quelque avantage ,
ainfi que le fécond n'eft pas refté fans quel-
que défaut. La peinture n'atteint point aux
opérations de l'efprit ; on ne diftingueroit
point entre des objets fenfibles diflribués
fur une toile , comme ils feroient énoncés
dans un difcours , les liaifons qui forment
le jugement & le fyilogifme \ ce qui confti-
tue un de ces êtres , fnjet d'une propofition:,
ce qui conftitue une qualité de ces êtres ,
attribut :, ce qui enchaîne la propofition à
une autre pour en faire un raifonnement , &
ce raifonnement à un autre pour en com-
pofer un difcours \ en un mot , il y a une
infinité de chofes de cette nature que la
peinture ne peut figurer j mais elle montre
du moins toutes celles qu'elle figure } &; fi
au contraire le difcours écrit les défigne
toutes , il ri*en montre aucune. Les peintu-
res des êtres font toujours très -incomplètes:,
mais elles n'ont rien d'équivoque , parce
que ce font les portraits mêmes d'objets
que nous avons fous les yeux. Les caractères
de l'écriture s'étendent à tout , mais ils font
d'inftitution } ils ne fignifient rien par eux-
mêmes. La clef des tableaux eft dans la
nature , & s'offre à tout'le monde : celle
des caractères alphabétiques &de leurcom-
binaifon eft un pacte dont il faut que le
myfterefoit révélé j & il ne peut jamais l'être
complètement, parce qu'il y' a , dans les
expreffions , des nuances délicates qui reftent
néceffdirement indéterminées. D'un autre
côté , la peinture étant permanente , elle
n'eft, que d'un état inftantané. Se propofe-
t elle d'exprimer le mouvement le plus
fimple , elle devient obfcure. Que dans
un trophée on voie une renommée les ailes
déployées , tenant fa trompette d'une main,
& de l'autre une couronne élevée au deffus
de la tête d'un héros , on ne fait fi elle la
donne oh fi elle l'enlevé : e'eft à l'hiftoire à
lever l'équivoque. Quelle que foit au con-
E NC
traire la variété d'une action , il y a toujours
une certaine collection de termes qui la re-
préfente ; ce qu'on ne peut dire de quelque
fuite ou grouppe de figures que ce foit.
Multipliez tant qu'il vous plaira ces figures ,
il y aura de l'interruption : l'action tii con-
tinue , & les figures n'eu donneront que des
inftansféparés, laiffant à la fagacité du fpec-
tateur à en remplir les vuides. Il y a la même
incômmenfurabilité entre tous les mou-
vemens p'hyfiques &: toutes les repréfenta-
tions réelles , qu'entre certaines lignes &
des fuites de nombres. On a beau augmen-
ter les termes entre un terme donné & un
autre j ces termes reftant toujours ifolés ,
ne fe touchant point , laiifant entre chacun
d'eux un intervaile , ils ne peuvent jamais
correfpondre à certaines quantités continues.
Comment mefurer toute quantité continue
par une quantité diferete ? Pareillement ,
comment repréfènter une action durable
par des images d'inftans féparés ? Mais ces
termes qui demeurent dans une langue né-
ceffairement inexpliqués , les radicaux , ne
correfpondent-ils pas allez exactement à ces
inftans intermédiaires que la peinture ne
peut repréfènter ? & n'eft-ce pas à-peu-près
le même défaut de part & d'autre ? Nous
voilà donc arrêtés dans notre projet detranf-
mettre les connoiflances , par l'impofTibilité
de rendre toute la langue intelligible. Com-
ment recueillir les racines grammaticales ?
quand on les aura recueillies , comment les
expliquer ? Eft-ce la peine d'écrire pour les
fiecles à venir , fi nous ne fommes pas en état
de nous en faire entendre ? Réfolvons ces
difficultés.
Voici premièrement ce que je penfè fur la
manière de difeerner les radicaux. Peut-être
y a-t-il quelque méthode , quelque fyftême
philofophique , à l'aide duquel on en trou-
verait un grand nombre : mais ce fyftême
me femble difficile à inventer ; & quel qu'il
foit , l'application m'en paroît fiijette à er-
reur, par l'habitude bien fondée que j'ai de
fufpecter toute loi générale en matière de
langue. J'aimerois mieux fuivre un moyen
technique , d'autant plus que ce moyen tech-
nique eft une fuite néceffaire de la formation
d'un dictionnaire Encyclopédique*
Il faut d'abord que ceux qui coopéreront
à cet ouvrage , s'impofent la loi de tout
È N C
cLénnir , tout fans aucune exception. Cela
fait , il ne reftera plus à 1 éditeur que le foin
à2 féparer les termes où un même mot fera
pris pour un genre dans une définition , &
pour différence dans une autre : il eft évident
que c'eft la nécefîité de ce double emploi
qai conftitue le cercle vicieux, & qu'elle eft
la limite des définitions. Quand on aura
ralfemblé tous ces mots , on trouvera , en
les examinant , que des deux termes qui
font définis l'un par l'autre , c'eft tantôt le
plus général , tantôt le moins général qui
eft genre ou différence \ & il eft évident que
c'eft le plus général qu'il faudra regarder
comme une des racines grammaticales. D'où
il s'enfuit que le nombre des racines gram-
maticales fera précifément la moitié de ces
termes recueillis , parce que de deux défini-
tions de mots , il faut en admettre une
comme bonne & légitime , pour démontrer
que l'autre eft un cercle vicieux.
Partons maintenant à la manière de fixer
la notion de ces radicaux : il n'y a, ce me
femble , qu'un feul moyen, encore n'eft-il
pas auiîi parfait qu'on le defireroit : non
qu'il lailfe "de l'équivoque dans les cas où
il eft applicable , mais en ce qu'il peut y
avoir des cas auxquels il n'eft pas poiîible
de l'appliquer , avec quelque adreffe qu'on
le manie. Ce moyen eft de rapporter la
langue vivante à une langue morte : il n'y
a qu'une langue morte qui puiffe être une
mefure exacte, invariable & commune pour
tous les hommes qui font & qui feront ,
entre les langues qu'ils parlent & qu'ils par-
leront. Comme cet idiome n'exilte que dans
les auteurs , il ne change plus ; & l'effet de
ce caractère , c'eft que l'application en e(i
toujours la même , 6c toujours également
connue.
Si l'on me demandoit de la langue Greque
ou Latine, quelle eft celle qu'il faudroit
préférer , je répondrais ni l'une ni l'autre :
mon Sentiment ferait de les employer toutes
deux \ le Grec par-tout où le Latin ne don-
nerait rien, ou ne donnerait pas un équi-
valent, ou en donnerait un moins rigou-
reux : je voudrais que le Grec ne fût jamais
qu'un fupplément à la difette du Latin j &
cela feulement , parce que la connoiffance
du Latin eft la plus répandue : car favoue
que s'il falloir fe déterminer par la richeilè
E N C 37î
& par l'abondance , il n'y auroit pas à ba-
lancer. La langue Greque eft infiniment
plus étendue & plus exprefiive que la Latine }
elle a une multitude de termes qui ont une
empreinte évidente de l'onomatopée : une
infinité de notions qui ont des fignes en cette
langue , n'en ont point en Latin, parce qu'il
ne paraît pas que les Latins fe fuflènt élevés
à aucun genre de fpéculation. Les Grecs
s'étoient .enfoncés dans toutes les profon-
deurs de la métaphyfique des fciences , des
beaux arts , de la logique & de la gram-
maire. On dit avec leur idiome tout ce
qu'on veut} ils ont tous les termes abftraits ,
relatifs aux opérations de l'entendement :
confultez làdeifus Ariftote, Platon, Sextus
Empiricus , Apollonius , & tous ceux qui
ont écrit de la grammaire & de la rhétori-
que. On eft fouvent embarralfé en Latin par
le défaut d'exprefîîons : il falloit encore des
fiecles aux Romains pour polléder la langue
des abftractions , du moins à en juger par
les progrès qu'ils ont faits pendant qu'ils ont
été fous la difcipliue des Grecs j car d'ailleurs
un fèul homme de génie peut mettre en fer-
mentation tout un peuple, abréger les fiecles
de l'ignorance , & porter les connoiiîances
à un point de perfection & avec une rapidité
qui Surprendraient également. Mais cette
obfbrvation ne détruit point la vérité que
j'avance \ car fi l'on compte les hommes de
génie , & qu'on les répande fur toute la
durée des fiecles écoulés , il eft évident
qu'ils feront en petit nombre dans chaque
nation & pour chaque fiecle , & qu'on n'eu
trouvera prefqu'aucun qui n'ait perfectionaé
la langue. Les hommes créateurs portent ce
caractère particulier. Comme ce n'eft pas
feulement en feuilletant les productions de
leurs contemporains qu'ils rencontrent les
idées qu'ils ont à employer dans leurs écrits ,
mais que c'eft tantôt en descendant profon-
dément en eux-mêmes , tantôt en s'élancaut
au dehors, & portant des regards plusatten-
tifs & plus pénétrons fur les natures qui les
environnent , ils font obligés , fur-tout à
l'origine des langues , d'inventer des lignes
pour rendre avec exactitude & avec force
ce qu'ils y découvrent les premiers. C'eft la
chaleur de l'imagination & la méditation
profonde qui enrichiffent une langue d'ex-
preflions nouvelles j c'eft la julieife de
3?4 E N C
1'efprn & la fcvérité delà dialectique qui en
perfectionnent la fyntaxe :, c'eft la commo-
dité des organes de la psrole qui l'adoucit ;
c'eft la foulibilité de l'oreille qui la rend
harmonieuse.
Si l'on fe détermine à faire ufage des
deux langues , on écrira d'abord le radical
François , & à côté le radical Grec ou La-
tin , avec la citation de l'auteur ancien d'où
il a été tiré, & où il eft employé-, félon
l'acception la plus approchée pour le fens ,
l'énergie , & les autres idées aceelfoires qu'il
faut déterminer.
Je dis le radical ancien , quoiqu'il ne fbit
pas impolTibJe qu'un terme premier , radical.
& indéfiniifable dans une langue , n'ait
aucun de ces caractères dans une autre :
alors il me paroît démontré que l'erprit
humain a fait plus de progrès chez un des
peuples que chez l'autre. On ne fait pas en-
core , ce me femble , combien la langue
eft une image rigoureufe îk. fidelle de l'exer-
cice de là raifon. Quelle prodigieufe fupé-
riorité une nation acquiert fur une autre ,
fur-tout dans les fciences abftraites & les
beaux arts , par cette feule différence ! &
à quelle diftance les Anglois font encore
de nous , par la confidération feule que
notre langue eft faite, & qu'ils ne longent
pas encore à former la leur ! C'eft de la
perfection de l'idiome que dépendent &
l'exactitude dans les fciences rigoureufos ,
& le goût dans lès beaux arts-, & par
conféquent l'immortalité des ouvrages en
ce genre.
J'ai exigé la citation de l'endroit où le
fynonyme Grec & Latin étoit employé ,
parce qu'un mot a fouvent plufïeurs accep-
tions j que le befoin , & non la philolb-
phie , ayant préiidé à la formation des
langues , elles ont & auront toutes ce vice
commun \ mais qu'un mot n'a qu'un fons
dans tin pa/Tage cité , & que ce fens eft
"certainement le même pour tous les peu-
ples à qui l'auteur eft connu. M»w «s/J^ ,
$~x , &c. '•) arma virumque cano ; &c, n'oat
qu'une traduction à Paris & à Pékin :
aufîi rien n'eft - il plus mal imaginé à un
François qui fait le Latin , que d'apprendre
l'Anglois dans un dictionnaire Anglois-
François , au lieu d'avoir recours à un
dictionnaire Anglois-Latiii. Quand le die-
E N C
tionnaire Anglois-François auroit été o»
fait ou corrigé fur la mefure invariable &
commune , ou même fur uu grand ufage
habituel des deux langues , on n'en fau-
roit rien \ on feroit obligé à chaque mot
de s'en rapporter à la bonne foi & aux
lumières de Ion guide ou de fon interprète :
au lieu qu'en faifant ufage d'un diction-
naire Grec ou Latin , on eft éclairé , fatif-
fa.it , raiîuré par l'application ^ on compofe
foi-même fon vocabulaire par la foule voie ,
s'il en eft une , qui puiflè fuppléer au
commerce immédiat avec la nation étran-
gère dont on étudie l'idiome. Au refte , je
parle d'après ma propre expérience : je me
fuis bien trouvé de cette méthode } je la
regarde comme un moyen fur d'acquérir ,
en peu de temps , des notions très-appro-
chées de la propriété & de l'énergie. Eu
un mot , il en eft d'un dictionnaire An-
glois-François & d'un di&ionnairc Anglois-
Latin , comme de deux hommes dont l'un
vous entretenant des dimenfions ou de la
pefanteur d'un corps , vous allureroit que
ce corps a tant ds poids ou de hauteur 9
& dont l'autre , au lieu de vous rien affu-
rer , prendrait une mefure ou des balan-
ces , Se le péferoit ou le mefureroit fous
vos yeux.
Mais quelle fora la reffource du nomen-
clateur , dans les cas où la mefore commune
l'abandonnera ? Je répons qu'un radical
étant par fa nature le : ligne , ou d'une fen-
fation limple & particulière , ou d'une
idée abftraite & générale , les cas où l'on
demeurera fans mefure commune ne peu-
vent être que rares. Mais , dans ces cas
rares , il faut abfolumcnt s'en rapporter à
la fagacité de l'efprit humain : il faut ef-
pérer qu'à force de voir une exprefîion
non définie , employée félon la même ac-
ception dans un grand nombre de défini-
tions où ce figue fora le foui inconnu , on
ne tardera pas à en apprécier la valeur. Il
y a dans les idées , & par conféquent dans
les figues ( car l'un eft à l'autre comme
l'objet eft à la glace qui le répète ) , une
liaifon fi étroite , une telle correlponda-nce}
il part de chacun d'eux une lumière
qu'ils fe réfléchiflènt fi vivement , ■ que
quand on poifode la fyntaxe , & que
l'interprétation fidelle de tous les autres
E N C
lignes eft donnée , ou qu'on a l'intelli-
gence de toutes les idées qui compofeut
une période , à l'exception d'une feule .
il eft impoiïibîe qu'on ne parvienne pas
à déterminer 1 idée exceptée , ou le figne
inconnu.
Les fignes connus font autant de con-
ditions données pour la folution du pro-
blème \ & , pour peu que le difcours loit
étendu & contienne de termes , on ne
conçoit pas que le problême refte au nom-
bre de ceux qui ont plufîeurs fclutions.
Qu'on en juge par le très - petit nombre
d'endroits que nous n'entendons point dans
les auteurs anciens : que l'on examine ces
endroits , & l'on fera convaincu que l'obf-
curité naît , ou de l'écrivain même qui
n'avoit pas des idées nettes , ou de la cor-
ruption des manufcrits , ou de l'ignorance
des ufages , des loix , des mœurs , ou de
quelqu'autre femblable caufè } jamais de
l'indétermination du figne , lorfque ce figue
aura été employé félon la même accep-
tion en plufîeurs endroits différens , comme
il arrivera néceffairement à une exprefîîon
radicale.
Lej)oint le plus important dans l'étude
d'une langue , eft fans doute la comioif-
fànce de l'acception des termes. Cepen-
dant il y a encore l'orthographe ou la pro-
nonciation, fans laquelle il eft impofiible
de fentir tout le mérite de la profe har-
monieuse & de la poéfie , & que par con-
féquent il ne faut pas entièrement négliger ,
& la partie de l'orthographe qu'on appelle
la ponctuation. Il eft arrivé, par les altérations
qui fe fuccedent rapidement dans la ma-
nière de prononcer , & les corrections qui
s'introduifent lentement dans la manière
d'écrire , que la prononciation & l'écriture
ne marchent point cnfemble , & que quoi-
qu'il y ait , chez les peuples les plus policés
de l'Europe , des fociétés d'hommes de
iettres chargés de les modérer , de les
accorder & de les rapprocher de la même
ligne , elles fe trouvent enfin à une diftance
inconcevable } en forte que de deux chofès
dont l'une n'a été imaginée , dans fbn ori-
gine , que pour repréfenter fidellement
l'autre , celle-ci ne diffère guère moins de
celle-là , que le portrait de la même per-
sonne peinte dans deux âges très- éloignés.
EN C 375
Enfin , l'inconvénient s'eft accru à un tel
excès , qu'on n'ofe plus y remédier. On
prononce une langue , on en écrit une au-
tre \ & l'on s'accoutume tellement , pendant
le refte de la vue , à cette bizarrerie qui a
fait verfer tant de larmes dans l'enfance ,
que fi Ion renonçoit à fa mauvaifè ortho-
, graphe pour une plus voifine de la pronon-
ciation , on ne reconncîtroit plus la langue
parlée fous cette nouvelle combinaison de
caraéfercs.
Mais on ne doit point être arrête par
des confidérations fi puifTantes fur la mul-
titude & pour le moment. Il faut abfolu*
ment fe faire im alphabet raifbnné , où ua
même figne ne repréfènte point des fons
différens \ ni des figues différens un même
fbn , ni plufîeurs fignes une voyelle ou un
fou fimple. Il faut enfuite déterminer la
valeur de ces fignes par la defeription la
plus rigoureufe des différens mouvemens
des organes de la parole dans la production
des fons attachés à chaque figne \ diftin-
guer avec la dernière exactitude les mou-
vemens fuccefiîfs & les mouvemens fimul-
tanées } en un mot , ne pas craindre de
tomber dans des détails minutieux. C'eft
une peine que des auteurs célèbres qui ont
écrit des langues anciennes , n'ont pas dé-
daigné de prendre pour leur idiome j pour-
quoi n'en ferions-nous pas autant pour le
nôtre qui a fes auteurs originaux en tout
genre , qui s'étend de jour en jour , & qui
eft prefque devenu la langue univerfelle de-
l'Europe ? Lorfque Molière plaifantoit les
grammairiens , il abandonnoit le caractère
de philofophe , &. il ne fàvoit pas , comme
l'auroit dit Montagne , qu'il donnoit
des foufflets aux auteurs qu'il refpe&oit
le plus , fur la joue du Bourgeois-Gentil-
homme.
Nous n'avons qu'un moyen de fixer les
chofes fugitives &. de pure convention \
c'eft de les rapporter à des êtres conftans :
& il n'y a de bafè confiante ici que les
organes qui ne changent point , &: qui ,
fembiables à des inftrumens de mufique r
rendront a-peu-pres en tout temps les mêmes
fons , fi nous favons difpofer artiftement
de leur tenfion ou de leur longueur , Se
diriger convenablement l'air dans leur ca-
pacité 2 la. trachée artère &: la bouche çonfc-
3-* E N C
pofent une efpece de fiûte , dont il faut
donner la tablature la plus fcrupuleufc.
J'ai dit à-peu-pres , parce qu'entre les or-
ganes de la parole , il n'y en a pas un qui
n'ait mille fois plus de latitude & de va-
riété qu'il n'en faut pour répandre des
différences fùrprenantes &: fenfîbles dans
3a production d'un fon. A parler avec la
dernière exactitude , il n'y a peut-être pas
dans toute la France deux hommes qui
aient abfolument une même prononciation.
Nous avons chacun la nôtre } elles font
cependant toutes affez femblables , pour
que nous n'y remarquions fouvent aucune
diverfité choquante \ d'où il s'enfuit que
iï nous ne parvenons pas à tranfmcttre à
la poftérité notre prononciation , nous lui
en ferons paffer une approchée que l'habi-
tude de parler .corrigera fans celle \ car la
première fois que l'on produit artificielle-
ment un mot étranger , félon une pro-
nonciation dont les mouvernens ont été
preferits , l'homme le plus intelligent , qui
a l'oreille la plus délicate , & dont les or-
ganes de la parole font les plus fouples ,
eil dans le cas de l'élevé de M. Pereire.
Forçant tous les mouvernens & féparant
chaque fon par des repos , il reffemble à
un automate organifé : mais combien la
vîteife & la hardieile qu'il acquerra peu
à-peu , n'affoibliront-elles pas ce défaut !
Bientôt on le croira né dans le pays , quoi-
qu'au commencement il fût , par rapport
à une langue étrangère , dans un état pire
que l'enfant par rapport à fa langue ma-
ternelle '•) il n'y avoit que fa nourrice qui
l'entendît. L'enchaînement des fons d'une
langue n'eft pas auffi arbitraire qu'on fè
l'imagine j j'en dis autant de leurs combi-
naifons. S'il y en a qui ne pourroient fè
fuccéder fans une grande fatigue pour l'or-
gane , ou ils ne fe rencontrent point , ou
ils ne durent pas. Ils font chafiés de la
langue par l'euphonie , cette loi piaffante
qui agit continuellement & univerfelle-
ment fans égard pour l'étymologie & fes
défenfeurs , & qui tend fans intermifîîon
à amener des êtres qui ont les mêmes or-
ganes , le même idiome , les mêmes mou-
vernens preferits à - peu - près à la même
prononciation. Les caufes dont l'action
n'eft point interrompue , deviennent tou-
E N C
jours les pïus fortes avec le temps f
quelque foibles qu'elles fuient en elles-
mêmes.
Je ne diiïimulerai point que ce principe
ne fouffre plufieurs difficultés , entre lef-
quelles il y en a une très-importante que
je vais expofer. Selon vous , me dira-t-on ,
l'euphonie tend fans cefîe à approcher les
hommes d'une même prononciation , fur-
tout lorfque les mouvernens de l'organe
ont été déterminés. Cependant , les Alle-
mands, les Anglois, les Italiens, les Fran-
çois prononcent tous diverfement les vers
d'Homère & de Virgile \ les Grecs écrivent
/kx vnyaaSi) <5sàr , & il y a des Anglois qui
lifènt mi , nine , a , / , de , [i , é ; des Fran-
çois qui lifent me , nine , a , ei , je , dé ,
thé , a ( ei , comme dans la première de
neige & ye , comme dans la dernière de
paye ; cet y eft un yeu confonne qui man-
que dans notre alphabet , quoiqu'il foit dans
notre prononciation. ) ( Voye{ les notes de
M. Du clos fur la grammaire générale rai-
formée. )
Mais ce qu'il y a de fïngulier , c'eft qu'ils
font tous également admirateurs de l'har-
monie de ce début : c'eft le même enthou-
fïafme , quoiqu'il n'y ait prefque pas un
fon commun. Entre les François la pronon-
ciation du Grec varie tellement , qu'il n'eft
pas rare de trouver deux favans qui enten-
dent très-bien cette langue , & qui ne s'en-
tendent pas entr'eux :, ils ne s'accordent que
fur la quantité. Mais la quantité n'étant
que la loi du mouvement de la prononcia-
tion , la hâtant ou la fufpendant feule-
ment , elle ne fait rien ni pour la douceur
ni pour l'afpérité des fons. On pourra tou-
jours demander comment il arrive que des
lettres , des fyllabes , des mots ou folitaires
ou combinés foient également agréables
à plufieurs perfonnes qui les prononcent
diverfement. Eft-ce une fuite du préjugé
favorable à tout ce qui nous vient de loin ,
le preftige ordinaire de la diftance des
temps & des lieux , l'effet d'une longue
tradition ? Comment eft-il arrivé que parmi
tant de vers Grecs & Latins , il n'y ait pas
une fyllabe tellement contraire à la pro-
nonciation des Suédois , des Polonois , que
la lecture leur en foit abfolument im-
poffible l Dirons - nous que les langues
mortes
EN C
mortes ont été Ci travaillées , font formées
d'une combinaifon de fons fi fimples , fi
faciles , fi élémentaires , que ces fons for-
ment, dans toutes les langues vivantes où
ils font employés, la partie la plus agréable
& la plus méiodieufe ? que ces langues
vivantes en fe perfectionnant toujours ne
font que rectifier fans ceflfe leur harmonie,
ck l'approche de l'harmonie des langues
mortes ? en un mot , que l'harmonie de ces
dernières , factice & corrompue par la pro-
nonciation particulière de chaque nation ,
eft. encore fupérieure à l'harmonie propre
& réelle de leurs langues?
Je répondrai premièrement , que cette
dernière considération aura d'autant plus de
force , qu'on fera mieux inftruit des foins
extraordinaires que les Grecs avoient pris
pour rendre leur langue harmonieufe : je
n'entrerai point dans ce détail ; j'obferverai
feulement en général , qu'il n'y a prefque
pas une feule voyelle , une feule diphton-
gue , une feule confonne , dont la valeur
foit tellement confiante que l'euphonie n'en
puifie difpofer, foit en altérant le fon, foit
en le fupprimant : fecondement, que, quoi-
que les anciens aient pris quelques précau-
tions pour nous tranfmettre la valeur de
leurs caractères , il s'en faut beaucoup qu'ils
aient été là-deflus auffi exacts, auffi minu-
tieux qu'ils auroient dû l'être : troifiéme-
ment , que ie favant qui poiTédera bien ce
qu'ils nous en ont laifïe, pourra toutefois
fe flatter de réduire à une prononciation
fort approchée de la fienne tout homme
raifonnable & conféquent : quatrièmement,
qu'on peut démontrer, fans réplique, à
l'Anglois, qu'en prononçant, mi , nine,a,
i , de y ?i , èy il fait fix fautes de pronon-
ciation fur fept fyllabes. Il rend la fyllabe
(M par riû\ mais un auteur ancien nous
apprend que les brebis rendoient en bêlant
le fon del'n. Dira-t-on que les brebis Gre-
ques bêloient autrement que les nôtres , &
diibient bi , bi, & non be , be. Nous lifons
d'ailleurs dans Denis d'Halicarnaffe : n infrà
bafim lingues, allidit fonum confequentan ,
nonfuprà, ore moderatè aperto, mouvemens
que n'exécute en aucune manière celui qui
rend » par i. Il rend a qui eft une diphton-
gue , par un i voyelle St fon fîmple. 11 rend
Je 9 par un \ ou par une /"graffeyée, tandis
Tome XII.
ENC 377
que ce n'eft qu'un / ordinaire afpiré : il
rend Si par %i 9 c'eft-à-dire, qu'au lieu de
déterminer vivement l'air vers le milieu de
la langue pour former IV fermé bref, allidit
fpiritum circa dentés , ore pariim adaperto ,
ntc labris fonitum illuflrantibus , ou qu'il
prononce le caractère i. Il rend ce par è ,'
c'eft-à-dire , que allidit fonum infrà bafim
lingual , ore moderate aperto ; tandis qu'il
étoit preferit pour la jufte prononciation
de ce caractère , fpiritum extendere , ore
aperto , & fpiritu ai palatum vel fuprà
elato.
Celui au contraire qui prononce ces mots
Grecs (y.nvtv , aaS^e , Si x , me , nine , a , eiy
ye , dé , thé % a , remplit toutes lès loix en-
freintes par la prononciation Angloife. On
peut s'en afTurer en comparant les caractè-
res Grecs avec les fons que j'y attache , &
les mouvemens que Denis d'Halicarnaffe
preferit pour chacun de ces caractères, dans
fon ouvrage admirable de collocatione ver-
borum. Pour faire fentir l'utilité de {es défi-
nitions , je me contenterai de rapporter
celles de IV Se de 1'*. L'p fe forme , dit-il ,
lingua extremo fpiritum repercutiente , &
ad palatum propè dentés fub lato : &: IV,
lingua adduclâ fuprà ad palatum , fpiritu.
per mediam longitudinem labente , & circà
dentés cum tenui quodarn & angufio fîbilo
exeunte. Je demande s'il eft poffible de fa-
tisfaire à ces mouvemens, ck de donner à IV
&c à ly* d'autres valeurs que celles que nous
leur attachons. Il n'eft pas moins précis fur
les autres lettres.
Mais , infiftera-t-on , fi les peuples fub-
fiftans qui lifent le Grec fe conformoient
aux règles de Denis d'HaiicarnaiTe , ils pro-
nonceroient donc tous cette langue de la
même manière, ck comme les anciens Grecs
la prononçoient.
Je répons à cette queftion par une fup-
pofition qu'on ne peut rejeter , quelque
extraordinaire qu'elle foit dans ce pays-ci ;
c'eft qu'un Efpagnol ou un Italien , prefTé
du defir de pofTéder un portrait de fa maî-
treffe , qu'il ne pouvoit montrer à aucun
peintre, prit le parti qui lui reftoit d'en
raire par écrit la defeription la plus étendue
& la plus exacte ; il commença par déter-
miner la jufte proporriôn delà tête entière;
,il pafïa enfuite aux dimenfions du front,
Bbb
378 E N C
des yeux , du nez , de_ la bouche , d u
menton, du cou; puis il revint fur cha-
cune de ces parties , ck il n'épargna rien
pour que fon difcours gravât dans l'efprit
du peintre la véritable image qu'il avoit
fous les yeux; il n'oublia ni les couleurs,
ni les formes , ni rien de ce qui appartient
• au caractère : plus il compara ion difcours
avec le vifage de fa maitreffe , plus il le
trouva reiTemblant ; il crut fur-tout que
plus il chargeroit fa defcription de petits
détails , moins il laiiTeroit de liberté au pein-
tre; il n'oublia rien de ce qu'il penfa devoir
captiver le pinceau. Lorfque fa defcription
lui parut achevée , il en fit cent copies ,
qu'il envoya à cent peintres ,. leur enjoi-
gnant à chacun. d'exécuter exactement fur
la toile ce qu'ils liroient fur fon papier. Les
peintres travaillent, ck au bout d'un cer-
tain temps notre amant reçoit cent por-
traits , qui tous refîemblent rigoureufement
à fa defcription , ck dont aucun ne reiîem-
hle à un autre , ni à fa maîtrelle. L'appli-
cation de cet apologue , au cas dont il
s'agit , n'eft pas difficile : on me difpenfera
de la faire en détail. Je dirai feulement
que , quelque fcrupuleux qu'un auteur
puilïe être dans la description des mouve-
mens de l'organe lorfqu'il produit difFérens
ions , il y aura toujours une latitude , légère
en elle-même, infinie par rapport aux
divifions réelles dont elle eft fufceptible,
ck aux variétés fenfibles, mais inapprécia-
bles , qui réfulteront de ces divifions. On
n'en peut pas toutefois inférer, ni que ces
defcriptions foient entièrement inutiles ,
parce qu'elles ne donneront jamais qu'une
prononciation approchée , ni que l'eupho-
nie j cette loi à laquelle une langue an-
cienne a dû toute fon harmonie, n'ait une
action confiante dont l'effet ne tende du
moins autant à nous en rapprocher qu'à nous
en éloigner. Deux proportions que j'avois
à établir.
Je ne dirai qu'un mot de la ponctuation.
Il y a peu de différence entre l'art de bien
lire ck celui de bien ponctuer. Les repos
de la voix dans le difcours , ck les fignes
de la ponctuation dans l'écriture, fe cor-
refpondent toujours, indiquent également
la liaifon ou la di^onction des idées , ck
iuppléent à une infinité d'expreflions. Il ne
ENÛ
fera donc pas inutile d'en déterminer re
nombre félon les règles de la logique , ck
d'en fixer la valeur par des exemples.
Il ne refte plus qu'à déterminer l'accent
ck la quantité. Ce que nous avons d'accent ,
plus oratoire que fyllabique, eft inappré-
ciable; ck l'on peut réduire notre quantité
à des longues , à des brèves , ck à des
moins brèves ; en quoi elle paroît admettre
moins de variété que celle des anciens
qui diftinguoient jufqu'à quatre fortes de
brèves , finon dans la verfîfication , au moins
dans la profe , qui l'emporte évidemment
fur la poéfle, pour la variété de fes nom-
bres. Ainfi Us difoient que dans hfof ,
fV©- , TfoT©- , ç-fopG)- , les premières qui
font brèves, n'en avoient pas moins une
quantité fenfibîement inégale. Mais c'eft
encore ici le cas où l'on peut s'en rapporter
à l'organe exercé , du foin de réparer les
négligences.
Voici donc les conditions praticables ck
néceffaires , pour que la langue , fans la-
quelle les connoifïances ne fe tranfmettent
point , fe fixe autant qu'il eft poffible de
la fixer par fa nature, ck qu'il eft impor-
tant de la fixer pour l'objet principal à\m
Dictionnaire univerfel ck raifonné. Il fuit
un alphabet raifonné , accompagné de Pex-
pofition rigoureufe des mouvemens de
l'organe ck de la modification de l'air dans
a production des fons attachés à chaque
caractère élémentaire, ck à chaque combi-
n ai fon fyllabique de ces caractères; écrire
i'abord le mot félon l'alphabet ufuel >
■'écrire enfuite félon l'alphabet raifonné ,
chaque fyllabe féparée ck chargée de fa
quantité ; ajouter le mot Grec ou Latin
qui rend le mot François , quand il eft
radical feulement , avec la citation de l'en-
droit où ce mot Grec ou Latin eft employé
clans l'auteur ancien ; s'il a différens fens ,
ck que parmi ces fens il devienne quelque-
fois radical , le fixer autant de fois par le
radical correfpondant dans la langue morte;
en un mot , le définir quand il n'eft pas
radical , car cela eft toujours pofîible, èk
ie fynonyme Grec ou Latin devient alors
fuperflu. On voit combien ce travail eft
long , difficile , épineux. Quel ufage il faut
avoir de deux ou trois langues , afin de
comparer les idées fimples repréfentées par
E NC
•des Signes dirTérens qui aient entre eux un
rapport d'idenrité , ou ce qui eft plus dé-
licat encore , les collections d'idées repré-
fentées par des Signes qui doivent avoir le
même rapport ; ck dans les cas fréquens
où l'on ne peut obtenir l'identité de rap-
port , combien de finette ck de goût pour
diftinguer entre les lignes ceux dont les
acceptions font les plus voifines; 6k entre
les idées accefToires , celles qu'il faut con-
ferver ou facrifîer. Mais il ne faut pas fe
laider décourager. L'académie de la Crufca
a levé une partie de ces difficultés dans
fon célèbre vocabulaire. L'académie Fran-
ç,oife, raSTemblant dans fon fein l'univer-
falité des connoi (Tances , des poètes , des
orateurs, des mathématiciens, des physi-
ciens , des naturalises , des gens du monde,
des philofopjies , des militaires , 6k étant
bien déterminée à n'écouter dans fes élec-
tions que le befoin qu'elle aura d'un talent
plutôt que d'un autre , pour la perfection
de fon travail , il feroit incroyable qu'elle
ne fuivît pas ce plan général , 6k que
fon ouvrage ne devînt pas d'une utilité
«STentielle à ceux qui s'occuperont à per-
fectionner la foible efquifle que nous pu-
blions.
Elle n'aura pas oublié fans doute de dési-
gner nos gallicifmes , ou les différens cas
dans lefquels il arrive à notre langue de
s'écarter des loix de la grammaire générale
raifonnée ; car un idiotilme ou un écart de
cette nature , c'eft la même chofe. D'où l'on
voit encore qu'en tout il y a une mefure
invariable ck commune , au défaut de la-
quelle on ne connoit rien , on ne peut rien
apprécier , ni rien définir ; que la grammaire
générale raifonnée eft ici cette mefure , ck
que fans cette grammaire , un dictionnaire
de langue manque de fondement, puifqu'ii
n'y a rien de fixe à quoi onpuifTe rapporter
les cas embarrafïans qui fe préfentent; rien
qui puifle indiquer en quoi confifte la diffi-
culté; rien qui défigne le parti qu'il faut
prendre : rien qui donne la raiSbn de préfé-
rence entre plufieurs folutions oppofées ;
rien qui interprète Pufage, qui le combatte,
ou le juftifie , comme cela fe peut fouvent.
Car ce feroit un préjugé que de croire que
la langue étant la baie du commerce parmi
tes hommes , des défauts imponans puiifent J
E N C 379
y fubfifter long-temps, fans être apperçus
ck corrigés par ceux qui ont Tefprit jufte
ck le cœur droit. Il eft donc vraifemblable
que les exceptions à la loi générale qui res-
teront , feront plutôt des abréviations , des
énergies , des euphonies , ck autres agré-
mens légers , que des vices considérables.
On parle fans cette; on écrit fans ceffe ;
on combine les idées ck les lignes en une
infinité de manières différentes ; on rapporte
toutes ces combinaifons au jour de la fyn-
taxe univerfelle ; on les y afTujettit tôt ou
tard , pour peu qu'il y ait d'inconvénient à
les en affranchir ; ck lorfque cet affervifle-
ment n'a pas lieu , c'eft qu'on y trouve un,
avantage qu'il eft quelquefois difficile, mais
qu'il feroit toujours impoftible de développer
fans la grammaire raifonnée , l'analogie ck
l'étymologie que j'appellerai les ailes de l'art
de parler , comme on a dit de la chrono-
logie ck de la géographie, que ce font les
yeux de l'hiftoire.
Nous ne finirons pas nos obfervations fur
la langue , fans avoir parlé de fynonymes.
On les multiplieroit à l'infini, fi on ne
commençoit par chercher quelque loi qui
en fixât le nombre. Il y a dans toutes les
langues des expreflions qui ne différent que
par des nuances très-délicates. Ces nuances
n'échappent ni à l'orateur, ni au poète qui
connoitTent leur langue; mais ils les négli-
gent à tout moment , l'un contraint par la '
difficulté de fon art , l'autre entraîné par
l'harmonie du fien. C'eft de cette considé-
ration qu'on peut déduire la loi générale
dont on a befoin. Il ne faudra traiter comme
fynonymes que les termes que la poéfie
prend pour tels ; afin de remédier à la con-
fufion qui s'introduiroit dans la langue par
l'indulgence que l'on a pour la rigueur des
loix de la. vérification. Il ne faudra traiter
comme fynonymes que les termes que l'art
oratoire fubftitue indistinctement les uns
aux autres , afin de remédier à la confufion
qui s'introduiroit dans la langue , par le
charme de l'harmonie oratoire qui tantôt
préfère ck tantôt facrifie le mot propre ,
abandonnant le jugement du bon fens &C
de la raifon, pour fe foumettre à celui de
l'oreille; abandon qui paroît d'abord l'extra-
vagance la plus manifefte ck la plus con-
traire à l'exactitude ck à la vérité ; mais qui
BbJ> a
380 E N C
devient, quand on y réfléchir, le fondement
de la finette , du bon goût, de la mélodie
du ftyle , de fon unité , ck des autres qua-
lités de l'élocution , qui feules avilirent l'im-
mortalité aux produ&ions littéraires. Le fa-
crifice du mot propre ne fe faifant jamais
que dans les occafions où l'efprit n'en eft
pas trop écarté par fexpreffion mélodieufe,
alors l'entendement le fupplée ; le difcours
fe rectifie ; la période demeure harmo-
nieufe ; je vois la chofe comme elle eft ;
je vois de plus le caractère de l'auteur , le
prix qu'il a attaché lui-même aux objets
dont il m'entretient , lapaffion qui l'anime;
le fpectacle fe complique, fe multiplie, ck
en même proportion , l'enchantement s'ac-
croît dans mon efprit ; l'oreille eft contente,
ck la vérité n'eft point offenfée. Lorfque ces
avantages ne pourront fe réunir , l'écrivain
le plus harmonieux, s'il a de la jufteffe ck
du goût , ne fe réfoudra jamais à abandon-
ner le mot propre pour fon fynonyme. 11
en fortifiera ou affoiblira la mélodie à l'aide
d'un correctif; il variera les temps , ou il
donnera le change à l'oreille par quelque
autre finefTe. Indépendamment de l'har-
monie, il faut encore laiffer le mot propre
pour un autre, toutes les fois que le pre-
mier réveille des idées petites, baffes, ob-
fcenes , ou rappelle des fenfations défagréa-
bles. Mais dans les autres circonstances ,
• ne feroit-il pas plus à propos , dira-t-on ,
de laiffer au lecteur le foin de fuppléer le
mot harmonieux que celui de fuppléer le
mot propre ? Non , quand il feroit aufli
facile à l'oreille, le mot propre étant donné,
d'entendre le mot harmonieux , qu'à l'efprit,
le mot harmonieux étant donné , de trouver
le mot propre. Il faut, pour que l'effet de
la mufique foit produit , que la mufique
foit entendue : el!e ne fe fuppofe point ;
elle n'eft rien , fi l'oreille n'en eft pas réelle-
ment affectée.
On recueillera toutes les exprefïïons que
nos grands poètes ck nos meilleurs orateurs
auront employées ck pourront employer
indistinctement. C'eft fur-tout la poftérité
qu'il faut avoir en vue. C'eft encore une
mefure invariable. Il eft inutile de nuancer
les mots qu'on ne fera point tenté de con-
fondre , quand la langue fera morte. Au
delà de cette limite , l'art de faire des fyno- ,
EN C
nymes devient un travail aum* étendu que
puéril. Je voudrois qu'on eût deux autres
attentions dans la diftinction des mots fyno-
nymes : l'une de ne pas marquer feulement
les idées qui différencient , mais celles en-
core qui font communes. M. l'abbé Girard
ne s'eft affervi qu'à la première partie de
cette loi ; cependant celle qu'il a négligée
n'eft ni moins effentielle , ni moins difficile
à remplir. L'autre , de choifir fes exemples
de manière qu'en expliquant la diverfité
des acceptions , on expofât en même temps
les ufages de la nation, fes coutumes , fon
caractère, feu vices, fes vertus, (es prin-
cipales tranfactions , &c. ck que la mémoire
de fes grands hommes , de fes malheurs ,
ckde fes profpérités , y fût.rappellée. Il n'en
coûtera pas plus de rendre un fynonyme
utile , fenfé , inftructif ck vert.ueux , que de
le faire contraire à l'honnêteté ou vuide de
fens.
Ajoutons à ces obfervations un moyen
fimpie ck raifonnable d'abréger la nomen-
clature , ck d'éviter les redites. L'académie
Françoife l'avoit pratiqué dans la première
édition de fon dictionnaire; ck je ne penfe
pas qu'elle y eût renoncé en faveur des
lecteurs bornés , fi elle eût confidéré com-
bien il étoit facile de les fecourir. Ce moyen
d'abréger la nomenclature, c'eft de ne pas
diftribuer en plufieurs articles féparés , ce
qui doit naturellement être renfermé fous
un feul. Faut-il qu'un dictionnaire con-
tienne autant de fois un mot, qu'il y a de
différences dans les vues de l'efprit? L'ou-
vrage devient infini , ck ce fera néceffaire-
ment un chaos de répétitions. Je ne ferois
donc de précipitable , précipiter , précipi-
tant , précipitation y ^précipité , précipice ,
ck de toute autre expreftion femblable,
qu'un article auquel je renverrois dans tous
les endroits où l'ordre alphabétique rnof-
friroit des expreflions liées par une même
idée générale ck commune. Quant aux diffé-
rences , le fubftantif défigne ou la chofe ,
ou la perfonne , ou l'action , ou la fenfa-
tion , ou la qualité , ou le temps , ou le
lieu ; le participe , l'action confidérée ou
comme poiîible , ou comme préfente , ou
comme paffée ; l'infinitif, l'action relative-
ment à un agent , à un lieu , ck à un temps
quelconque indéterminé. Multiplier les dé-
E N C
finitions félon toutes ces faces, ce n'eftpas
définir les termes ; c'eft revenir fur les
mêmes notions à chaque face nouvelle
qu'un terme préfente. N'eft-il pas évident
que ce qui convient à une exprefîion con-
fédérée une fois fous ces points de vue diffé-
rens , convient à toutes celles qui admet-
tront dans la langue la même variété? Je
remarquerai que pour la perfection d'un
idiome , il feroit à fouhaiter que les termes
y euffent toute la variété dont ils font fuf-
ceptibles. Je dis dont ils font fufcepdbUs ,
parce qu'il y a des verbes , tels que les
neutres, qui excluent certaines muances;
ainfi aller ne peut avoir l'adjectif allable.
Mais combien d'autres dont il n'en eft pas
ainfl , 6k dont le produit eft limité fans
raifon , malgré le befoin journalier , 6k les
embarras d'une difette qui fe fait particuliè-
rement fentir aux écrivains exacts ck laconi-
ques ? Nous difons accufuteur , accufcr ,
accvfation , accufant , accufé , 6k nous ne
difons pas accufable , quoiqu' '/ nexcufable
foit d'ufage. Combien d'adjectifs qui ne fe
meuvent point vers le fubftantif, 6k de
fubftantifs qui ne fe meuvent point vers
l'adjectif! Voilà une fource féconde où il
refte encore à notre langue bien des richef-
{es à puifer. Il feroit bon de remarquer à
chaque exprefîion les muances qui lui man-
quent, afin qu'on ofât les fuppléer de notre
temps , ou de crainte que trompé dans la fuite
par l'analogie , on ne les regardât comme des
manières de dire, en ufage dans le bon fiecle.
Voilà ce que j'avois à expofer fur la lan-
gue. Plus cet objet avoit été négligé dans
notre ouvrage , plus il étoit important
relativement au but d'une Encyclopédie ;
plus il convenoit d'en traiter ici avec éten-
due ; ne fût-ce , comme nous l'avons dit ,
que pour indiquer les moyens de réparer la
faute que nous avons commife. Je n'ai point
parlé de la fyntaxe , ni des autres parties du
rudiment François; celui qui s'en eft char-
gé , n'a rien laiffe à defirer là-defïus ; 6k
notre dictionnaire eft complet de ce côté.
Mais après avoir traité de la langue , ou
du moyen de tranfmettre les connoifîances,
cherchons le meilleur enchaînement qu'on
puiffe leur donner.
Il y a d'abord un ordre général , celui
qui diftingue ce dictionnaire de tout autre
'E N C , 38r
ouvrage où les matières font pareillement
fourni fes à l'ordre alphabétique ; l'ordre
qui l'a fait appeller Encyclopédie. Nous ne
dirons qu'une chofe de cet enchaînement
considéré par rapport à toute la matière
encyclopédique , c'eft ce qu'il n'eft pas pof-
iible à l'architecte du génie le plus fécond ,
d'introduire autant de variété dans la conf-
truction d'un grand édifice , dans la décora-
tion de fes façades , dans la combinaifon de
(es ordres , en un mot , dans toutes les par-
ties de fa diftribution, que l'ordre encyclopé-
dique en admet. Il peut être formé , foit en
rapportant nos différentes connoifîances aux
diverfes facultés de notre aine ("c'eft ce
fyftême que nous avous fuivij , foit en les
rapportant aux êtres qu'elles ont pour ob-
jet ; 6k cet objet eft ou de pure curiofité,
ou de luxe , ou de néceflité. On peut divi-
fer la fcience générale , ou en fcience des
chofes ck en fcience des fîgnes, ou en fcience
des concrets , ou en fcience des abftraits.
Les deux caufeslesplu» générales, l'art 6k la
nature donnent auffi une belle ck grande
diftribution. On en rencontrera d'autres
dans la diftinction ou du phyfique ck du
moral ; de l'exiftant 6k du poffible ; du ma-
tériel 6k du fpirituel; du réel 6k de l'intelli-
gible. Tout ce que nous favons ne découle-
t-il pas de l'ufage de nos fens 6k de celui
de notre raifon ? N'eft-il pas ou naturel ou
révélé? Ne font-ce pas ou des mots, ou des
chofes , ou des faits ? Il eft donc impoflible
de bannir l'arbitraire de cette grande diftri-
bution première. L'univers ne nous offre
que des être particuliers , infinis en nom-
bre , 6k fans pre (qu'aucune divifion fixe 6k
déterminée ; il n'y en a aucun qu'on puiïTe
appeller ou le premier ou le dernier ; tout
s'y enchaîne 6k s'y fuccede par des nuances
infenfibles ; 6k à travers cette uniforme im-
menfité d'objets , s'il en paroît quelques-
uns qui , comme des pointes de rochers ,
femblent percer la furface 6k la dominer, ils
ne doivent cette prérogative qu'à des
fyftêmes particuliers , qu'à des conventions
vagues , qu'à certains événemens étrangers ,
6k non à l'arrangement phyfique des êtres
6k à l'intention de la nature. Voye^ h Prof
peclus. .
En général , la defcription d'une machine
peut être entamée par quelque partie que
S$i ENC
<ce Toit. Plus la machine fera grande &
compliquée, plus il y aura de liaifons entre
fes parties , moins on connoîtra ces liaifons ;
plus on aura de différens plans de descrip-
tion. Que fera-ce donc fi ta machine eft in-
finie en tout Cens; s'il eft quefiion de l'uni-
vers réel & de l'univers intelligible , ou
d'un ouvrage qui foit comme l'empreinte
de tous les deux? L'univers, foit réel,
foit intelligible , a une infinité de points
de vue fous lefquels il peut être repré-
senté , ck le nombre des fyftêmes poftibles
de la connoifTance humaine eft aufîi grand
que celui de ces points de vue. Le feul
d'où l'arbitraire feroit exclu , c'eft, comme
nous l'avons dit dans notre Profpeclus ,
le fyftême qui exiftoit de toute éternité
dans la volonté de Dieu. Et celui où l'on
defcendroit de ce premier Être éternel, à
tous les êtres qui , dans les temps , émanè-
rent de fon fein, reftembleroit à l'hypo-
thefe agronomique dans laquelle le philo-
fophe fe tranfporte en idée au centre du fo-
leil , pour y calculer les phénomènes des
corps célefte? qui l'en vironnent; ordonnance
qui a de la fimplicité ck de la grandeur ,
mais à laquelle on pourroit reprocher un
défaut important dans un ouvrage compofé
par des philofophes , ck adiefle à tous
les hommes ck à tous les temps ; le défaut
d'être lié trop étroitement à notret héologie,
fcience fublime , utile fans doute par les
connoifïances que le chrétien en reçoit ,
mais plus utile encore par les facrifices
qu'elle en exige, ckles récompenfes qu'elle
lui promet.
Quant à ce fyftême général d'où l'arbi-
traire feroit exclu , ck que nous n'aurons
jamais ; peut-être ne nous feroit-il pas fort
avantageux de l'avoir; car quelle différence
y auroit-il entre la lecture d'un ouvrage où
tous les relTorts de l'univers feroient déve-
loppés , ck l'étude même de l'univers ? pref-
qu'aucune : nous ne ferions toujours capa-
bles d'entendre qu'une certaine portion de
ce grand livre ; ck pour peu que l'impatience
ek la curiofité qui nous dominent ck inter-
rompent fi communément le cours de nos
observations, jetafTent de défordre dans
nos lecteurs, nos connoifTances devien-
droient aufîi ifolées qu'elles le font ; per-
dant la chaîne des inductions, ck ceffant
ENC
d'appercevoir les liaifons antérieures 6k fur>
féquentes , nous aurions bientôt les mêmes
vuides 6k les mêmes incertitudes. Nous
nous occupons maintenant à remplir ces
vuides , en contemplant la nature ; nous
nous occuperions à les remplir, en médi-
tant un volume immenfe qui , n'étant pas
plus parfait à nos yeux que l'univers , ne
feroit pas moins expofé à la témérité de
nos doutes & de nos objections.
Puifque la perfection abfolue d'un plan
univerfel ne remédieroit point à la foibîefïe
de notre entendement, attachons-nous à
ce qui convient à notre condition d'homme,
ck contentons-nous de remonter à quelque
notion très-générale. Plus le point de vue
d'où nous confidéronsles objets fera élevé;
plus il nous découvrira d'étendue, 6k plus
l'ordre que nous fuivrons fera inftruc"r.if 6k
grand. Il faut par conféquent qu'il foit
fîmple , parce qu'il y a rarement de la gran-
deur fans fimplicité; qu'il foit clair 6k fa-
cile ; que ce ne foit point un labyrinthe
tortueux où l'on s'égare, 6k où l'on n'ap-
perçoive rien au delà du point où l'on eft ;
mais une grande 6k vafte avenue qui s'étende
au loin , 6k fur la longueur de laquelle on
en rencontre d'autres également bien dif-
tribuées, qui conduifent aux objets folitai-
res 6k écartés par le chemin le plus facile 6k
le plus court.
Une confidération, fur-tout , qu'il ne faut
point perdre de vue, c'eft que fi l'on bannit
l'homme ou l'être penfant 6k contemplateur
de defîus la furface de la terre ; ce fpe&acle
pathétique 6k fublime de la nature n'eft
plus qu'une fcene trifte & muette. L'univers
fe tait ; le filence 6k la nuit s'en emparent.
Tout fe change en une vafte folitude où les
phénomènes inobfervés fe pafTent d'une
manière obfcure 6k fourde. C'eft la préfence
de l'homme qui rend l'exiftence des ê:res
intérefTante ; 6k que peut-on fe propofèr de
mieux dans l'hiftoire de ces êtres, que de
fe foumettre à cette confidération ? Pour-
quoi n'introduirons -nous pas 1 homme dans
notre ouvrage , comme il eft placé dans l'uni-
vers? Pourquoi n'en ferons -nous pas un
centre commun? Eft-il dans l'efpace infini
quelque point d'où nous puiflions , avec plus
d'avantage, faire partir les lignes immenfes
que nous nous propoibns détendre à tous
E N C
les autres points ? Quelle vive Se douce
réaction n'en réfultera-t-il pas des êtres vers
l'homme, dei'homme vers les êtres?
Voilà ce qui nous a déterminés à chercher
dans les facultés principales de l'homme,
la diviSion générale à laquelle nous avons
Subordonné notre travail. Qu'on fuive telle
autre voie qu'on aimera mieux , pourvu
qu'on ne Subftitue pas à l'homme un être
muet, infenfible & froid. L'homme eft le
terme unique d'où il faut partir , & au-
quel il faut tout ramener , fi l'on veut plaire ,
intéreiTer , toucher jufque dans les confidé-
rations les plus arides & les détails les plus
fecs. Abftraction faite de mon exiftence &
du bonheur de mes Semblables, que m'im-
porte le refte de la nature ?
Uu fécond ordre , non moins efTentie!
que le précédent, eft celui qui détermi-
nera l'étendue relative des différentes par-
ties de l'ouvrage. J'avoue qu'il fe préfente
ici une de ces difficultés qu'il eft impoffi-
ble de Surmonter quand on commence ,
&: qu'il eft difficile de Surmonter à quel-
que édition qu'on parvienne. Comment
établir une jufte proportion entre les diffé-
rentes parties d'un fi grand tout ? Quand
x:e tout feroit l'ouvrage d'un feul homme,
la tâche ne feroit pas facile : qu'eft-ce donc
que cette tâche , lorfque le tout eft l'ou-
vrage d'une fociété nombreufe ? En com-
parant un dictionnaire univerfel &c raifonné
de la connoiftance humaine à une ftatue
coloffale , on n'en eft pas plus avancé ,
puiSqu'on ne Sait ni comment déterminer
la hauteur abSolue du colofle , ni par
quelles Sciences , ni par quels arts Ses mem-
bres différens doivent être représentés.
Quelle eft la matière qui Servira démodule ?
Sera-ce la plus noble , la plus utile, la plus
importante, ou la plus étendue? Préfére-
ra-t-on la morale aux mathématiques , les
mathématiques à la théologie , la théo-
logie à la jurisprudence, la jurisprudence,
à l'hiftoire naturelle , &c. Si l'on s'en tient
à certaines expreffions génériques que per-
sonne n'entend de la même manière , quoi-
que tout le monde s'en Serve Sans contra-
diction, parce que jamais on ne s'explique;
& fi l'on demande à chacun , ou des élé-
mens ,- ou un traité complet & général ,
on ne tardera pas à s'appercevoir combien
E N C 383
cette mefure nominale eft vague & in-
déterminée. Et celui qui aura cru prendre,
avec Ses différens collègues , des précau-
tions telles que les matériaux qui lui Seront
remis cadreront à peu près avec Son plan ,
eft un homme qui n'a nul'e idée de Son
objet , ni des collègues qu'il s'aiïccie.
Chacun a Sa manière de Sentir & de voix.
Je me Souviens qu'un artifteàquije croyois
avoir expoSé aftez exactement ce qu'il
avoit à Saire pour Son art , m'apporta ,
d'après mon diScours , à ce qu'il préten-
doit, Sur la manière de tapiiïer en papier,
qui demandoit à peu près un feuillet d'é-
criture & une demi -planche de deflïn ,
dix à douze planches énormément char-
gées de figures , & trois cahiers épais in-
folio-, d'un caractère fort menu , à fournir
un à deux volumes in-dou^e. Un autre ,
au contraire, à qui j'avois preferjt exacte-
ment les mêmes règles qu'au premier ,
m'apporta, Sur une des manufactures les
plus étendues par la diverfité des ouvrages
qu'on y fabrique , des matières qu'on y
emploie , des machines dont on Se Sert &c
des manœuvres qu'on y pratique, un petit
catalogue de mots Sans définition , Sans
explication , Sans figure , m'aïTurant bien
fermement que Son art ne contenoit rien
de plus : il Suppofoit que le refte , ou n'é-
toit point ignoré , ou ne pouvoit s'écrire.
Nous avions eSpéré d'un de nos amateurs
les plus vantés , l'article Ccmpofition en
Peinture. { M.Watelet ne nous avoit point
encore offert (es Secours.) Nous reçûmes
de Y amateur deux lignes de définition ,
Sans exactitude , Sans ftyle & Sans idées,
avec l'humiliant aveu au il n'en favoit pas
davantage ; St je fus obligé de faire l'article
Compofition en Peinture, moi qui ne Suis
ni amateur ni peintre. Ces phénomènes
ne m'étonnerent point. Je vis, avec aufïi
peu de SurpriSe , la même diverfité entre
les travaux des Savans & des gens de lettres.
La preuve en Subfifte en cent endroits de
cet ouvrage. Ici nous Sommes bourSouflés
& d'un volume exorbitant ; là , maigres,
petits , meSquins , Secs & décharnés. Dans
un endroit, nous refiemblons à des Sque-
lettes ; dans un autre , nous avons un air
hydropique, nous Sommes alternativement
nains & géans , coloftes ck pygmées 9 droits,
384 EN C
bien faits & proportionnés , boffus , boi- '
teux & contrefaits. Ajoutez à toutes ces
bizarreries celle d'un difcours tantôt abf-
trait , obfcur ou recherché , plus fouvent
négligé , traînant & lâche ; & vous com-
parerez l'ouvrage entier au monftre de l'art
poétique , ou même à quelque chofe de
plus hideux. Mais ces défauts font infé-
parables d'une première tentative , & il
m'eft évidemment démontré qu'il n'appar-
tient qu'au temps & aux fiecles à venir
de les réparer. Si nos neveux s'occupent
de V Encyclopédie, fans interruption , ils
pourront conduire l'ordonnance de Ces
matériaux à quelque degré de perfection :
mais , au défaut d'une mefure commune
&c confiante , il n'y a point de milieu ; il
faut d'abord admettre fans exception tout
ce qu'une fcience comprend , abandonner
chaque matière à elle-même , & ne lui
prefcrire d'autres limites que celles de fon
objet. Chaque chofe étant alors dans X En-
cyclopédie ce qu'elle eft en foi , elle y aura
fa vraie proportion , fur -tout lorfque le
temps aura prefTé les connoifTances , &:
réduit chaque fujet à fa jufte étendue. S'il
arrivoit, après un grand nombre d'éditions
fuccefîlvement perfectionnées , que quel-
que matière importante reftât dans le même
état, comme il pourroit aifément arriver
parmi nous à la minéralogie Ô£ à la mé-
tallurgie , ce ne fera plus la faute de l'ou-
vrage , mais celle du genre humain en gé-
néral , ou de la nation en particulier, dont
les vues ne fe feront pas encore tournées
fur ces objets.
J'ai fait fouvent une obfervation , c'eft
que l'émulation qui s'allume nécefTairement
entre des collègues , produit des difTerta-
tions au lieu d'articles. Tout l'art des ren-
vois ne peut alors remédier à la diffufîon ;
&, au lieu de lire un article (^Encyclopé-
die , on fe trouve embarqué dans un mé-
moire académique. Ce défaut diminuera
à mefure que les éditions fe multiplieront ;
les connoifTances fe rapprocheront nécef-
fairement; le ton emphatique & oratoire
s'affoibîira ; quelques découvertes, devenues
plus communes ck moins intéreffantes , oc-
cuperont moins d'efpace; il n'y aura plus
que les matières nouvelles, les découvertes
du jour qui feront enflées. C'eft une forte»
EMC
de condefeendance qu'on aura dans tous
les temps pour l'objet, pour l'auteur,
pour le public , &c. Le moment pafTé , cet
article fubira la circoncifion comme les au-
tres. Mais, en général, les inventions &
les idées nouvelles introduifant une difpro-
portion nécefTaire, & la première édition
étant celle de toutes qui contient le plus de
chofes , finon récemment inventées , du
moins aufîi peu connues que fi elles avoient
ce caractère, il eft évident, & par cette
raifon & par celles qui précèdent, que c'eft
l'édition où il doit régner le plus de défor-
dre, mais qui en revanche montrera , à tra-
vers fes irrégularités , un air original qui
paffera difficilement dans les éditions avi-
vantes.
Pourquoi l'ordre encyclopédique eft-il fî
parfait & fi régulier dans l'auteur Anglois ?
C'eft que, fe bornant à compiler nos dic-
tionnaires & à analyfer un petit nombre
d'ouvrages , n'inventant rien , s'en tenant
rigoureufement aux chofes connues , tout
lui étant également intérefTant ou indiffé-
rent, n'ayant ni d'acception pour aucune
matière , ni de moment favorable ou dé-
favorable pour travailler, excepté celui de
la migraine ou âu/pleen , c'étoit un labou-
reur qui traçoit fon fillon fuperheiel ,
mais égal & droit. Il n'en eft pas ainfi de
notre ouvrage : on fe pique , on veut avoir
des morceaux d'appareil : c'eft même peut-
être en ce moment ma vanité ; l'exemple de
l'un en entraîne un autre. Les éditeurs fe
plaignent , mais inutilement : on fe pré-
vaut de leurs propres fautes , contre eux-
mêmes , & tout fe porte à l'excès. Les ar-
ticles de Chambers font afTez régulièrement
diftribués ; mais ils font vuides. Les nôtres
font pleins, mais irréguliers. Si Cham-
bers eût rempli les fiens , je ne doute
point que fon ordonnance n'en eût fouf-
fert.
Un troifieme ordre eft celui qui expofe
la diftribution particulière à chaque partie.
Ce fera le premier morceau qu'on exigera
d'un collègue. Cet ordre ne me paroît pas
entièrement arbitraire ; il n'en eft pas d'une
fcience ainfi que de l'univers. L'univers eft
l'ouvrage infini d'un Dieu. Une fcience
eft un ouvrage fini de l'entendement hu-
main. Il y a des premiers principes , des
notions
E N C
notions générales, des axiomes donnés.
Voilà les racines de l'arbre. Il faut que cet
arbre fe ramifie le plus qu'il fera poiHble ;
qu'il parte de l'objet général comme d'un
tronc ; qu'il s'élève d'abord aux grandes
branches ou premières divilions ; qu'il pafTe
de ces maîtreffes branches à de moindres
rameaux ; & ainfi de fuite , jufqu'à ce qu'il
fè foit étendu jufqu'aux termes particuliers
qui feront comme les feuilles & la cheve-
lure de l'arbre. Et pourquoi ce détail feroit-
il impoffible? Chaque mot n'a-t-il pas fa
place , ou , s'il eft permis de s'exprimer
ainfi , Con pédicule & fon infertion? Tous
ces arbres particuliers feront foigneufement
recueillis ; & , pour préfenter les mêmes
idées fous une image plus exade , l'ordre
encyclopédique général fera comme une
mappemonde où l'on ne rencontrera que
les grandes régions; les ordres particuliers,
comme des cartes particulières de royau-
mes , de provinces , de contrées ; le dic-
tionnaire, comme l'hifloire géographique
et détaillée de tous les lieux ; la topogra-
phie générale & raifonnée de ce que nous
connoiflbns dans le monde intelligible &
dans le monde vifible ; & les renvois fer-
viront d'itinéraires dans ces deux mondes ,
dont le vifible peut être regardé comme
l'ancien, & l'intelligible comme le nou-
veau.
Il y a un quatrième ordre moins général
qu'aucun des précédens ; c'cît celui qui
difhibue convenablement plufieurs articles
différens compris fous une même dénomi-
nation. Il paroît ici néceflfaire de s'aflujettir
à la génération des idées , à l'analogie des
matières , à leur enchaînement naturel , de
paffer du fimple au figuré , &c. Il y a des
termes folitaires qui font propres à une
ieule fcience , & qui ne doivent donner
aucune follicitude. Quant à ceux dont
l'acception varie y & qui appartiennent à
plufieurs fciences & à plufieurs arts , il
faut en former un petit fyftême dont l'ob-
jet principal foit d'adoucir & de pallier
autant qu'on pourra la bizarrerie des dis-
parates. Il faut en compofer le tout le
moins irrégulier & le moins découfu; &
le laiffer conduire , tantôt par les rapports ,
quand il y en a de marqués , tantôt par
l'importance des matières: &, au défaut
Tome XIL
E N C 385;
des rapports , par des tours originaux qui
le préfenteront d'autant plus fréquemment
aux éditeurs , qu'ils auront plus de génie ,
d'imagination & de connoiflances. Il y a
des matières qui ne fc féparent point ,
telles que l'hifloire facrée & l'hifloire
profane , la théologie & la mythologie ,
l'hifloire naturelle , la phyfique , la chy-
mie & quelles arts, &c. La fcience
étymologique , la connoiflance hiftorique
des êtres & des noms fourniront auflî un
grand nombre de vues différentes , qu'on
pourra toujours fuivre fans crainte d'être
embarrafTé , obfcur ou ridicule.
Au milieu de ces différens articles de
même dénomination à diitribuer , l'éditeur"
fe comportera comme s'il en étoit l'auteur ;
il fuivra l'ordre qu'il eût fuivi s'il eût eu
à confidérer le mot fous toutes Ces accep-
tions. Il n'y a point ici de loi générale à
prefcrire ; on en connoîtroit une , que le
moindre inconvénient qu'il y auroit à la
fuivre , ce feroit l'ennui de l'uniformité.
L'ordre encyclopédique général jetteroit
de temps en temps dans des arrangemens
bizarres. L'ordre alphabétique donneroit à
tout moment des contrafles burlefques ; un '
article de théologie fe trouveroit relégué
tout au travers des arts méchaniques. Ce
qu'on obfèrvera commuMement & fans;
inconvénient , c'eft de débuter par l'accep-
tion fimple & grammaticale ; de tracer
fous l'acception grammaticale un petit ta-
bleau en raccourci de l'article en entier ;
d'y préfenter en exemples autant de phra-
Ces différentes qu'il y a d'acceptions diffé-
rentes ; d'ordonner ces phrafes entr'elles ,
comme les différentes acceptions du mot
doivent être ordonnées dans le refle de
l'article ; à chaque phrafe ou exemple , de
renvoyer à l'acception particulière dont il
s'agit. Alors on verra prefque toujours la '
logique fuccéder à la grammaire , la mé-
taphyfique à la logique, la théologie à la
métaphyfique , la morale à la théologie, la '
jurifprudence à la morale , &c. malgré la
diverfité des acceptions , chaque article
traité de cette manière formera un enfem-*
ble ; & , malgré cette unité commune à
tous les articles, il n'y aura ni trop d'uni-'
formité , ni monotonie. J'infifie fur lali-'
berté & la variété de cette difiribution ,;
C ce
$M E N C
parce qu'elle efl en même temps commode ,
utile & raisonnable. Il en efl de la formation
d'une Encyclopédie ainfi que de la fonda-
tion d'une grande ville. Il n'en faudroit
pas conftruire toures les maifons fur un
même modèle , quand on auroit trouvé un
modèle général, beau en lui-même & con-
venable à tout emplacement. L'uniformité
des édifices , entraînant l'«niformité des
voies publiques , répandroit fur la ville en-
tière un afpect trifte & fatigant. Ceux qui
marchent ne réfiftent point à l'ennui d'un
long mur, ou même d'une longue foret qui
les a d'abord enchantés.
Un bon efprit (& il faut fuppofer au
moins cette qualité dans un éditeur) faura
mettre chaque chofe à fa place , & il n'y
a pas à craindre qu'il ait dans les idées afïez
peu d'ordre , ou dans l'efprit afïez peu de
goût pour entremêler fans nécelhté des ac-
ceptions difparates. Mais il y auroit auffi
de l'injuffice à l'accufer d'une bizarrerie qui
ne feroit que la fuite nécefTaire de la diver-
fité des matières , des imperfections de
la langue, & de l'abus des métaphores,
qui tranfporte un même mot de la bou-
tique d'un artifan fur les bancs de la Sor-
bonne , & qui raffemble les choies les plus
hétérogènes fous une commune dénomi-
nation.
Mais quel que foit l'objet dont on traite ,
ilfaut expofer le genre auquel il appartient ,
fà différence fpécifique , ou la qualité qui
le diftingue , s'il y en a une ;. ou plutôt
l'afîemblage de celles qui le constituent;
(car il réfulte de cet afîèmblage une diffé-
rence néceflaire , fans quoi deux ou plu-
iîeurs êtres phyfiques étant abfolumentles
mêmes au jugement de tous nos fens ,
nous ne les difHnguerions pas); {es caufes ,,
quand on les connoît ; ce qu'on fait de {es
effets ; {es qualités actives & paflives ; fon
objet , fa fin , . fes ufages ; les fingularités
qu'on y remarque; fa génération; fon
accroifïement ; {es viciffitudes ; {es dimen-
fions ; fon dépérifïèment , &c. d'où il
s'enfuit qu'un même "lobjet confidéré fous
tant de faces , doit fouvent appartenir, à
plufieurs feiences 'y & qu'un mot, pris fous
une feule acception, fournira plufieurs arti-
cles difïerens. S'il s'agit , par exemple , de
quelque fubilance minérale , c'eû commu-
ENC
nément le grammairien ou le mmralifl*
qui s'en empare le premier ; il la tranimet
au phyficien ; celui-ci au chymifte ; le chy-
mifie au pharmacien ; le pharmacien au
médecin , au cuifinier , au peintre , au tein-
turier , &c.
D'où naît un cinquième ordre qui fera
d'autant plus facile à infhtuer , que les
collègues fe feront renfermés plus rigou-
reufement dans les bornes de leurs parties,
& qu'ils auront bien faifi le point de vue
fous lequel ils avoient à conlidérer la chofe
individuelle dont il s'agit. Une énuméra-
tion méthodique & raifonnée des qualités
déterminera ce cinquième & dernier ordre
qui fera aufli fufceptible d'une grande va-
riété. La fuite des procédés par lefquels on
fait paffer une lubfiance , félon l'ufage au-*
quel on la deftine , fuggérera la place que
chaque notion do;t oeccuper. Au refte, je
penfe qu'il faut lahTer les collègues s'expli-.
quer féparément. Le travail des éditeurs
feroit infini , s'ils avoient à fondre tous leursv
articles en' un feul ; il convient d'ailleurs
de réferver à chacun l'honneur de. (on tra-
vail , & au lecteur la commodité de ne.
confulter que l'endroit d'un, article dont h\
a befom..
J'exige feulement de la méthode , queiJe
qu'elle foit. Je ne voudrois pas qu'il, y eût
un feul article capital, fans divifion & fans-
fubdivifion. C'efl l'ordre qui foulage la:
mémoire : mais il efl difficile qu'un. auteur
prenne cette attention pour le lecteur y>
qu'elle ne tourne à fon propre avantage.
Ce n'eft qu'en méditant profondément fa-
matière qu'on trouve une difiVibution gé-„
nérale.. C'èfl prefque toujours la dernière
idée importante qu'on rencontre. C'efr une
penfée unique qui fe développe, qui s'é-*.
tend & qui fe ramifie, en fè nourriflant;
de toutes les autres qui s'en rapprochent
comme dalles-mêmes. Celles qui fè relu-,
fent- à cette efpece d'attraction, ou font
trop éloignées de fa fphere, ou elles ont
quelqu'autre défaut plus confidérable ; & ,.
dans l'un & l'autre cas ,.il eftà propos de
les, rejeter. D'ailleurs , un dictionnaire efl
fait pour être confulté ; & le point efTen-
tiel , c'èfl que le lecteur remporte nette-
ment dans fi mémoire le réfultat de fa
lecture.. Une. marche à laquelle il faudroit.
ENC
s'aflujcttir quelquefois , parce qu'elle repré-
fente affez bien la méthode d'invention ,
c'eft de partir des phénomènes individuels
& particuliers , pour s'élever* à des con-
noiffances plus étendues5 & moins fpécifi-
ques ; de celles-ci à de plus grandes en-
core , jufqu'à ce qu'on arrivât à la fcience
des axiomes ou de ces proportions que leur
(implicite , leur univerlàlité y leur évidence
rendent indémontrables : car, en quelque
matière que ce foit , on n'a parcouru
tout l'efpace qu'on avoit à parcourir , que
quand on eft arrivé à un principe qu'on
ne peut ni prouver , ni définir , ni éclair-
cir , ni obfcurcir , ni nier , fans perdre
une partie du jour dont on étoit éclairé ,
& faire un pas vers des ténèbres qui
finiroient par devenir très-profondes , fi
on ne mettoit aucune borne à l'argumen-
tation.
Si je penfe qu'il y a un point au delà du-
quel il eft dangereux de porter l'argumen-
tation , je peniè aufîi qu'il ne faut s'arrêter ,
que quand on eft bien fur de l'avoir atteint.
Toute fcience , tout art a fa métaphyfiquc.
Cette partie eft toujours abftraite , élevée
& difficile. Cependant ce doit être la prin-
cipale d'un dictionnaire philofophique ; &
l'on peut dire que tant qu'il y refte, à défri-
cher, il y a des phénomènes inexplicables ,
& réciproquement. Alors l'homme de let-
tres , le favant & l'artifte marchent dans
les ténèbres ; s'ils font quelques progrès ,
ils en font redevables au hazard ; ils arrivent
comme un voyageur égaré qui fuit la bonne
voie (ans le (avoir. Il eft donc de la der-
nière importance de bien expofer la méta-
phyfique des chofes , ou leurs raifons pre-
mières & générales ; le refte en deviendra
plus lumineux & plus afluré dans l'efprit.
Tous ces prétendus myfteres tant reprochés
à quelques fciences , & tant allégués par
d'autres pour pallier les leurs , difcutés
métaphyfiquement , s'évanouifîènt comme
les fantômes de la nuit à l'approche du jour.
L'art éclairé dès le premier pas s'avancera
Purement , rapidement , & toujours par la
voie la plus courte. Il faut donc s'attacher
à donner les raifons des chofes , quand il
y en a ; à afîigner les caufes , quand on les
connoît; à indiquer les effets, lorfqu'ils
(ont certains ; à réfoudre les nœuds par une
ENC 387
application directe des principes; à démon-
trer les vérités ; à dévoiler les erreurs ; à
décréditer adroitement les préjugés ; à ap-
prendre aux hommes à douter & à attendre ;
à difliper l'ignorance ; à apprécier la valeur
des connoiflances humaines ; à diftinguer
le vrai du faux , le vrai du vraifemblable »
le vraifemblable du merveilleux & de l'iff*
croyable , les phénomènes communs des
phénomènes extraordinaires , les faits cer-
tains des douteux , ceux-ci des faits abfur-
des & contraires à l'ordre de la nature ; à
connoître le cours général des événemens ,
& à prendre chaque chofe pour ce qu'elle
eft , & par conféquent à infpirer lasoût de
la fcience, l'horreur du menfonge &toi vice,
& l'amour de la vertu ; car tout ce qui n'a
pas le bonheur & la vertu pour fin dernière
n'eft rien.
Je ne peux fouffrir qu'on s'appuie de
l'autorité des auteurs dans les queftions de
raifonnement ; & qu'importe à la vérité
que nous cherchons, le nom d'un homme
qui n'eft pas infaillible ? Point de vers fur-
tout ; ils ont l'air (i foible & fi mefquin au
travers d'une difcuflïon philofophique. H
faut renvoyer ces ornemens légers aux arti-
cles de littérature ; c'eft là que je peux les
approuver, pourvu qu'ils y foient placés
par le goût , qu'ils y fervent d'exemple , &
qu'ils fanent fortir avec force le défaut qu'on
reprend , ou qu'ils donnent de l'éclat à la
beauté qu'on recommande.
Dans ces traités (cientifiques , c'eft l'en-
chaînement des idées ou des phénomènes
qui dirige la marche; à mefure qu'on avance,
la matière le développe , (bit en fe généra-
lifant , foit en (è particularifant , félon la
méthode qu'on a préférée. Il en fera de
même par rapport à la forme générale d'un
article particulier d'Encyclopédie , avec cette
différence que le dictionnaire ou la coordi-
nation des articles aura des avantages qu'on
ne pourra guère fe procurer dans un traité
feientifique , qu'aux dépens de quelque
qualité ; & de ces avantages , elle en fera
redevable aux renvois , partie de l'ordre
encyclopédique la plus importante.
Je diftingue deux fortes de renvois : les
uns de choies , & les autres de mots. Les
renvois de chofes éclairciftent l'objet , indi-
quent (es liaifons prochaines avec ceux qu^
Ceci
3*8 ENC
le touchent immédiatement , & Tes liaifons
éloignées avec d'autres qu'on en croiroit
ifolés ; rappellent les notions communes &
les principes analogues; fortifient les con-
féquences ; entrelacent la branche au tronc ,
& donnent au tout cette unité fi favorable
ù PétablifTement de la vérité & àlaperfua-
fion. Mais quand il le faudra , ils produi-
ront aufii un effet tout contraire ; ils oppo-
feront les notions; ils feront contrafter les
principes ; ils attaqueront , ébranleront ,
renverferont fecrérement quelques opinions
ridicules qu'on n'oferoit infulter ouverte-
ment. Si l'auteur eft impartial , ils auront
toujoujg la double fonction de confirmer
& de^éfuter., de troubler & de conci-
lier.
Il y auroît un grand art & un avantage
infini dans ces derniers renvois. L'ouvrage
entier en recevroit une force interne & une
• utilité fecrete, dont les effets fourds feroient
nécessairement fenfibles avec le temps. Tou-
tes les fois , par exemple, qu'un préjugé
- national mériteroit du refpect. t il faudrait
à fon article particulier fexpofer refpedueu-
fement , & avec tout fon cortège de vrai-
femblance & de féduction ; mais renverfer
l'édifice de fange, diffiper un vain amas
de pouffiere , en. renvoyant aux articles où
des principes folides fervent de baie aux
vérités oppofées. Cette manière de détrom-
per les hommes opère très-promptement
fur les bons efprits , & elle opère infaillible-
ment & fans aucune fâcheufe conféquence ,
fecrétement & fans éclat , fur tous les efprits,
C'eft l'art de déduire tacitement les conié-
quenees les plus fortes. Si ces renvois de
confirmation & de réfutation font prévus
de loin , & préparés avec- adrefîe , ils don-
neront à une Encyclopédie le caractère que
doit avoir un bon dictionnaire ; ce caractère
eft de changer lafaçon commune de penfer.
L'ouvrage qui produira ce grand effet gé-
néral y aura des défauts d'exécution ; j'y
confens. Mais le plan & le fonds en feront
excellens. L'ouvrage qui n'opérera rien de
pareil, fera mauvais. Quelque bien qu'on
en puiffe dire d'ailleurs , l'éloge parlera , &
l'ouvrage tombera dans l'oubli.
Les renvois de mors font très-utiles. Cha-
que fcience , chaque art a fa langue. Où en
ièrok-on , ii toutes les fois, qu'on emploie
ENC
un tcrmt d'art , il falloir , en faveur de îa
clarté , en répéter la définition ? Combien
de redites ! & peut-on douter que tant de
digrefïïons & de parenthefes , tant de lon-
gueurs ne rendiffênt obfcur? Il eft aufli
commun d'être diffus & obfcur , qu'obfcur
& ferré ; & fi l'un eft quelquefois fatigant r
l'autre eft toujours ennuyeux. II faut feu-
lement, lorfqu'on fait ufage de ces motss
& qu'on ne les explique pas , avoir l'atten-
tion la plus fcrupuleufe de renvoyer aux
endroits où il en eft queftion , & auxquels
on ne fèroit conduit que par l'analogie ,
efpece de fil qui n'eft pas entre les mains
de tout le monde. Dans un dictionnaire
univerfel des fciences & des arts , on peut
être contraint , en pluficurs circonftances , à
fùppofer du jugement , de l'efprit , de la
pénétration ; mais il n'y en a aucune où l'on
ait dû luppofer des connoiffances. Qu un
homme peu intelligent fe plaigne , s'il le:
veut, ou de l'ingraritude de la nature, ou<
de la difficulté de la matière , mais non de
l'auteur , s'il ne lui manque rien pour en->
tendre , ni du côté des chofes , ni du côté,
des mots.
Il y a une troifieme forte de renvoi «V
laquelle il ne fauf ni s'abandonner , ni fa
refufèr entièrement; ce font ceux qui en
rapprochant dans les fciences certains rap-*
ports, dans, des fubftance.s naturelles de*,
qualités analogues, dans les arts des ma-*-
nœuvres femblables , conduiraient , ou à det:
nouvelles vérités fpéculatives , ou à la per-«
fection des arts connus , ou à l'invention
de nouveaux arts,, ou à la reftiturion d'an-
ciens arts perdus. Ces renvois font l'ouvrage
de l'homme de génie. Heureux, celui qui'
eft en état de les appercevoir : il a cet ef»
prit de combinaifon, cet inftincl que j'ai
défini dans quelques-unes de mespaiféesfur
V interprétation de la nature. Mais il vaut
encore mieux rifquer des conjectures chi-
mériques , que d'en laiffer perdre d'utiles :
c'eft ce qui m'enhardit à propofer celles qui
fûivenr.
Ne pourroit-on pas foupçonner , fur fin-,
clinaifon & la déclinailon de l'aiguille ai-
mantée, que fon extrémité décrit, d'un
mouvement* compofé , une petite ellipfe
femblable à celle que décrit l'extrémité, de
. l'axe de la terre ?
E N C
« Sur les cas très-rares où la nature nous
offre des phénomènes folitaires qui foient
permanens , tels que l'anneau de Saturne ,
ne pourroit-on pas faire rentrer celui-ci
dans la loi générale & commune , en con-
fidérant cet anneau , non comme un corps
continu , mais comme un certain nombre
de fatellites mus dans un même plan , avec
une vîteflè capable de perpétuer fur nos
yeux une (énfation non interrompue d'om-
bre ou de lumière ? C'eft à mon collègue
M. d'Alembert à apprécier ces conjec-
tures.
Ou, pour en venir à des objets plus voi-
fins de nous , & d'une utilité plus certaine ,
pourquoi n'exécuteroit-on pas des figures
de plantes , d'oifeaux , d'animaux & d'hom-
mes , en un mot , des tableaux fur le métier
des ouvriers en foie , où l'on exécute déjà
des rieurs & des feuilles fi. parfaitement
nuancées ?
Quelle impoffibilité y auroit-il à rem-
plir iur les mêmes métiers les fonds de ces
tapiiTeries en laine qu'on fait à l'aiguille ,
& à ne laifler que les endroits du deffin
à nuancer , vuides & prêts à être achevés,
à la main , foit en laine , ibit en. foie ? ce
qui donneroit pour la célérité de l'exécu-
tion de ces fortes d'ouvrages au métier ,
celle qu'on a dans la machine à bas pour la
façon des mailles, J'invite les. Artifïes à
méditer là-delfus..
Ne pourroit-on pas étendre le petit art
d'imprimer ea cara&eres percés, à l'im-
preflionou à la copie de la mufique? On
auroit du. papier réglé. Les portées de ce
papier feroient aufli tracées, fur les petites
lames des caractères. A l'aide de ces traits
& des jours mêmes des caractères, on. les
rangeroit facilement fur les portées. Les
barres qui féparent les mefures , celles qui
lient les notes,. & tous les fignes de la
mufique feroient au nombre des caractères.
On donneroit aux lames des largeurs qui
feroient entr'elles comme les valeurs des
notes ; conféquemment les notes, occupe-
roient fur une portée des efpaces. propor-
tionnées à leurs valeurs ,. & les mefures fe
correfpondroient rigoureufement les unes
aux autres , fur différentes portées , fans. la
moindre attention de la part du muficien.
Cela fait , on auroit un châflj qui contien-
E N C $%9
droit chaque portée , qu'on appliquerait
fucceflivement fur autant de papiers diffé-
rens qu'on voudrait; ce qui donneroit au-
tant de copies d'un même morceau. La
feule peine qu'il fauefroit prendre , ce feroir
de hauffer & bai fier avec un petit inftru-
ment les petites lames mobiles les unes entre
les autres , dans les endroits où elles ne cor-
refpondroient pas aufîî exactement qu'il le
faut, foit aux lignes , foit aux entre-lignes.
J'abandonne le jugement de cette idée à
mon ami M. Rouffeau.
Enfin , une dernière forte de renvoi qui
peut être ou de mot , ou de chofe , ce font
ceux que j'appellerois volontiers fatiriques
ou épigrammatiques : tel efï , par exemple +
celui qui fe trouve dans un de nos articles r
ou à la fuite d'un éloge pompeux on lit ,.
voyei CAPUCHON. Le mot burlefque capu~
chon , & ce qu'on trouve à l'article capu-~
chon , pourroit faire foupçonner que Féloge
pompeux n'eft qu'une ironie , & qu'il faut-
lire l'article avec précaution r & en pefer
exactement tous les termes.
Je ne voudrais pas fupprimer entière—
ment ces renvois, parce qu'ils ont quelque-
fois leur utilité. On peut les diriger fecré—
tement contre certains ridicules , comme
les renvois philofophiques contre certains
préjugés. C'eft. quelquefois un- moyen dé-
licat & léger de repouffer une injure , fans
prefque fe mettre fur la défenfive , &
d'arracher Le mafque à de graves perfon-
nages., qui curios Jimulant Ù bacchanalia.
v.ivunt. Mais je n'en aime pas la fréquence ;
celui même que j'ai cité, ne me plaît pas.
De fréquentes allufions de cette nature cou-
vriraient de ténèbres un ouvrage. La pofté-
rité qui ignore de petites, circonftances qui
ne méritoient pas de lui être tranfmifes ,
ne fent plus la fineffe de Pà-propos ,.& re-
garde ces mots qui nous égaient, comme
des puérilités. Au lieu de compofer un
dictionnaire férieux & philofophique, on
tombe dans la pafquinade.. Tout bien con-
fidéré , j'aimerois mieux qu'on dît la vérité
fans détour , & que , fi par , malheur ou.
par hafard on avoit X faire à des hommes
perdus de réputation , fans connoifîânces ,
fans mœurs., & dont le. nom- fût prefque
devenu un terme déshonnête , on s'abfrînt
de les nommer, ou par pudeur, ou par
390 E N C
charité, ou qu'on tombât fur eux fans mena- '
gement , qu'on leur fît la honte la plus
ignominieufe de leurs vices, qu'on les rap-
peliât à leur état & à leurs devoirs par des
traits fanglans , & qu'on les pourfuivît avec
l'amertume de Perfe & le fiel de Juvénal ou
de Bûcha nan.
Je fais qu'on dit des ouvrages où les au-
teurs fe font abandonnés à toute leur in-
dignation : Cela efl horrible ! On ne traite
point les gens avec cette dureté-là l Ce font
des injures grojfîeres qui ne peuvent fe lire y
& autres femblables difeours qu'on a tenus
dans tous les temps , & de tous les ouvrages
où le ridicule & la méchanceté ont été
peints avec le plus de force, & que nous
liions aujourd'hui avec le plus de plaifir.
Expliquons cette contradiction de nos juge-
mens. Au moment où ces redoutables pro-
ductions furent publiées , tous les méchans
alarmés craignirent pour eux : plus un
homme étoit vicieux , plus il fe plaignoit
hautement. Il objectoit au fatirique l'âge ,
le "rang , la dignité de la perfonne , & une
infinité de ces petites confidérations pafTa-
geres qui s'afFoibliffent de jour en jour , &
•qui difparoiflènt avant la fin du fiecle.
Croit -on qu'au temps où Juvénal aban-
don noit Meffaline aux portefaix de Rome ,
& où Perfe prenoit un bas valet , & le
transformoic en un grave perfonnage, en
un magiftrat refpectable , les gens de robe
d'un côté , & toutes les femmes galantes
de l'autre , ne fe récrièrent pas , ne dirent
pas de ces traits , qu'ils étoient d'une indé-
cence horrible & punilTable ? Si l'on n'en
croit rien , on fê trompe. Mais les circonf-
tances momentanées s'oublient ; la poftérité
ne voit plus que la folie , le ridicule , le
vice & la méchanceté , couverts d'igno-
minie , & elle s'en réjouit comme d'un
acte de juftice. Celui qui blâme le vice légè-
rement , ne me paroît pas aflêz ami de la
vertu. On eft d'autant plus indigné de Pin-
juftice , qu'on eft plus éloigné de la com-
mettre; & c'eft une foibleffe repréhenfible
que celle qui nous empêche de montrer,
pour la. méchanceté , la baffefïê , l'envie ,
la duplicité , cette haine vigoureufe &
profonde que tout honnête homme doit
refTentir.
. Quelle que (bit la nature des renvois., on
E N C_
ne pourra trop les multiplier. Il vaudroic
mieux qu'il y en eût de fuperflus que d'omis.
Un des effets les plus immédiats , & des
avantages les plus importans de la multipli-
cité des renvois , ce fera premièrement , de
perfectionner la nomenclature. Un article
effentiel a rapport à tant d'articles différent,
qu'il fèroit comme impollible que quel-
qu'un des travailleurs n'y eût pas renvoyé.
D'où il s'enfuit qu'il ne peut être oublié ;
car tel mot qui n'eft qu'acceflbire dans une
matière , eft le mot important dans une
autre. Mais il en fera des chofes ainfi que
des mots. L'un fait mention d'un phéno-
mène ; l'autre d'une qualité , & renvoie à
l'article de la fubftance : celui-ci d'un fyf-
tême , celui-là d'un procédé, & chacun
fait fon renvoi à l'endroit convenable , non
fur ce qu'il contient , car il ne lui a point
été communiqué , mais fur ce qu'il préfume
y devoir être contenu , pour éclaircir &T
compléter l'article qu'il travaille. Ainfi à
tout moment la grammaire renverra à la
dialectique , la dialectique à la métaphy-
fique , la métaphyfique à la théologie , la
théologie à la jurifprudence , la jurifpru-
dence à l'hiftoire , l'hiftoire à la géographie
& à la chronologie , la chronologie à l'af-
tronomie , l'aftronomie à la géométrie , la
géométrie à l'algèbre , l'algèbre à l'arithmé-
tique , &c. Une précaution de la dernière
conféquence , c'eft de n'avoir pas allez
bonne opinion de fon collègue pour croire
qu'il n'aura rien omis. Il y a tant d'autres
raifons que la mauvaife foi , foit pour paffer
un article , foit pour n'y pas traiter tout ce
qui eft de fon objet, qu'on ne peut être
trop fcrupuleux à y renvoyer.
Ce fera féconde ment , d'éviter les répéti-
tions. Toutes les feiences empiètent les unes
fur les autres : ce font des rameaux conti-
nus & partant d'un même tronc. Celui qui
compofe un ouvrage , n'entre pas dans fon
fujet d'une manière abrupte , ne s'y ren-
ferme pas en rigueur , n'en fort pas brus-
quement : il eft contraint d'anticiper fur un
terçain voifin du fien d'un côté ; fes confé-
quences le portent fouvent dans un autre
terrain contigu du côté oppofé ; & combien
d'autres excurfions néceuaires clans le corps
de l'ouvrage ! Quelle eft la fin des avant-
propos , des introductions -, des préfaces ,
E N C
des exordes , des épifodes , des digrefïïons ,
des conclufions ? Si l'on féparoit fcrupu-
leufèment d'un livre , ce qui eft hors du
fujet qu'on y traite , on le réduiroit prefque
toujours au quart de Ton volume. Que fait
l'enchaînement encyclopédique ? cette cir-
confeription févere. Il marque fi exade-
mentles limites d'une matière , qu'il ne refte
dans un article , que ce qui lui eft effentiel.
Une feule idée neuve engendre des volumes
fous la plume d'un écrivain ; ces volumes fè
réduifent à quelques lignes fous la plume
d'un encyclopédie. On y eft afïèrvi , fans
s'en appercevoir , à. ce que la méthode des
géomètres a de plus ferré & de plus précis.
On marche rapidement'. Une page préfente
toujours autre chofe que celle qui la devance
ou la fuit. Le befoin d'une proposition ,
d'un fait , d'un aphorifme , d'un phéno-
mène ,. d'un fyftême ,. n'exige, qu'une cita-
taon en Encyclopédie , non plus qu'en géo-
métrie. Le géomètre renvoie d'un théorème
ou d'un problême à un autre , & l'encyclo-
pédifte d'un article à un autre. Et c'eft ainfi
que deux genres d'ouvrages, qui paroiffent
dune nature très-différente , parviennent ,
par un même moyen, à former un enfem-
ble très-ferré, très-lié , & très-continu. Ce
que je dis eft. d'une telle exactitude , que la
méthode félon, laquelle les mathématiques
font traitées dans notre dictionnaire , eft la
même qu'on, a fuivie pour les autres ma-
tières. Il n'y a fous ce point de vue aucune
différence entre, un article, d'algèbre , &.un
article de théologie*
Par le moyen de l'ordre encyclopédique ,
de Puniverfalité des connoifTances & de la
fréquence des renvois , les rapports aug-
mentent , les liaifons fe portent en tout
fens , la force de la démonftration s'accroît ,
la nomenclature fe complète , les connoiP
fances fe rapprochent & fe fortifient ; on
apperçoit ou la continuité , ou les vuides de
notre fyftême ,. fes côtés, foibles , {es en-
droits forts,, & d'un, coup-d'œil: quels
font les objets auxquels il importe de travail-
ler pour fa propre gloire , & pour la plus
grande utilité du genre humain. . Si notre
dictionnaire eft bon, combien . il produira
d'ouvrages meilleurs ! j
Mais comment un éditeur vérifiera-t-il
jamais Ces renvois , s'il n'a pas tout fon ma-
E N C 301
nuferit fous les yeux? Cette condition me
paroît d'une telle importance , que je pro-
noncerai de celui qui fait imprimer la
première feuille d'une Encyclopédie , fans,
avoir prélu vingt fois fa copie , qu'il ne fent
pas l'étendue de fa fonction ; qu'il eft in-
digne de diriger une fi haute entreprife;
ou qu'enchaîné , comme nous l'avons
été , par des événemens qu'on ne peut
prévoir , il s'eft trouvé inopinément en-
gagé dans ce labyrinthe, & contraint par
honneur d'en fortir. le moins mal qu'il
pourroit..
Un éditeur ne donnera jamais au tout un*
certain degré de perfection., s'il n'en pof-
fede les parties que fuccefïivement. Il fe-
roit plus difficile de juger ainfi de l'enfem--
ble d'un dictionnaire univerfel , que de-
l'ordonnance générale d'un morceau d'ar--
chitecture,. dont on ne verroit les diffé--
rens ordres que féparés , & les uns après les
autres. Comment n'omettra-t-il pas des
renvois? Comment ne lui en. échappera-,
t-il pas d'inutiles, de faux, de ridicules?^
Un auteur renvoie en preuve j. du moins,
c'eft fon defïèin ,. & il fe trouve qu'il a
renvoyé en objection. L'article qu'un autre
aura cité , ou n'exiftera point du tout , ou
ne. renfermera rien d'analogue à la matière
dont il s'agit. Un autre inconvénient, c'eft
qu'il ne manque quelque portion, du ma-
nuferit que parce que l'auteur la compofe
à mefure que l'ouvrage s'imprime ; d'où il
arrivera qu'abufant des renvois pour conful-
ter fon loifir -, ou pour écouter fa parefîe ,
la matière fera mal diftribuée , les premiers
volumes en feront vuides , les derniers fur-
chargés , & l'ordre naturel entièrement
perverti. Mais il y a pis à craindre , c'eft
que ce travailleur , à la fin accablé feus une
multitude prodigieufe d'articles renvoyés
d'une lettre à une autre , ne les eftropie , ou
même ne les fafîè point du tout , & ne les
remette à une autre édition. Il balancera
d'autant moins à prendre ce dernier parti
qu'alors la fortune de l'ouvrage fera faite,
ou ne fe fera point. Mais dans quel étrange
embarras ne tombera-t-on pas , s'il arrive
que le collègue , qui ne marche dans fon
» travail qu'avec l'impreffion , meure ou fbit
furpris d'une longue maladie? L'expérience
jious a malheureufement appris à redouter
$tji E N C
ces événemens , quoique le public ne s'en
foit point encore appeçu.
Si l'éditeur a tout ion manufcrit fous Tes
mains , il prendra une partie , il la fuivra
dans toutes lès ramifications. Ou elle con-
tiendra tout ce qui efl de fon objet , ou elle
fera incomplète ; fi elle ell incomplète , il
eil bien difficile qu'il ne foit pas inftruit des
omifllons , par les renvois qui fe feront des
autres parties à celle qu'il examine , comme
les renvois de celle-ci à d'autres , lui indi-
queront ce qui fera dans ces dernières , ou
ce qu'il y faudra fuppléer. Si un mot étoit
tellement ifolé , qu'il n'en fût mention dans
aucune partie , foit en difcours, foit en
renvoi , j'ofe afTurer qu'il pourroit être
omis prefque fins conféquence. Mais penfe-
t-on qu'il y en ait beaucoup de cette nature ,
même parmi les chofes individuelles & par-
ticulières ? Il faudroitque celle dont il s'agit ,
n'eut aucune place remarquable dans les
fciences, aucune efpece utile , aucun ufage
dans les arts. Le marronnier d'Inde , cet
arbre fi fécond en fruits inutiles , n'efl pas
même dans ce cas. Il n'y a rien d'exiflant
dans la nature ou dans l'entendement ,
rien de pratiqué ou d'employé dans les atte-
liers , qui ne tienne par un grand nombre
de fils au fyflême général de la connoifTance
humaine. Si au contraire la chofe omife
étoit importante ; pour que l'omiffion n'en
fut ni apperçue ni réparée , il faudroiï fup-
pofer au moins une féconde omiflîon , qui
en entraînerait au moins une troifieme , &
ainfi de fuite, jufqu'à un être folitaire ,
ifolé , & placé fur les dernières limites du
{yfleme. Il y auroit un ordre entier d'êtres
ou de notions fupprimé ; ce qui ell méta-
phyfiquement impofïïble. S'il refle fur la
ligne un de ces êtres , ou une de ces no-
tions , on fera conduit de là , tant en des-
cendant qu'en montant , à la reflitution
d'une autre , & ainfi de fuite , jufqu'à ce
que tout l'intervalle vuide foit rempli , la
chaîne complète , & l'ordre encyclopé-
dique continu.
En détaillant ainfi comment une vérita-
ble Encyclopédie doit être faite , nous éta-
blirons des règles bien féveres , pour exa-
miner & juger celle que nous publions.
Quelque ufage qu'on faiTe de ces règles ,
ou pour ou contre nous , elles prouveront
E N C
du moins que perfonne n'étoit plus en
état que les auteurs de critiquer leur ou»
vrage. Refle à favoir fi nos ennemis ,
après avoir donné jufqu'à préfent d'affez
fortes preuves d'ignorance , ne fe réfou-
dront pas à en donner de lâcheté , en nous
attaquant avec des armes que nous
n'aurons pas craint de leur mettre à la
main.
La prélecture réitérée du manufcrit com-
plet , obvieroit à trois fortes de fupplémens >
de chofes , de mots & de renvois. Com-
bien de termes , tantôt définis , tantôt feu-
lement énoncés dans le courant d'un ar-
ticle , & qui rentreraient dans l'ordre al- ■
phabétique ! Combien de connoiffances
annoncées dans un endroit où on ne les
chercheroit pas inutilement ! Combien de
principes qui relient ifolés, & qu'on au-
roit rapprochés par un mot de réclame !
Les renvois font y dans un article , comme
ces pierres d'attente qu'on voit inégalement
féparées les unes des autres , & faillan tes
fur les extrémités verticales d'un long mur ,
ou fur la convexité d'une voûte, & dont
les intervalles annoncent ailleurs de pareils
intervalles , & de pareilles pierres d'attente.
J'infifle d'autant plus fortement fur la
néceflîté de pofîéder toute la copie , que"
ks omifllons font , à mon avis , les plus
grands défauts d'un dictionnaire. Il vaut
encore mieux qu'un article foit mal fait,
que de n'être point fait. Rien ne cha-
grine tant un lecîeur , que de ne pas trou-
ver le mot qu'il cherche. En voici un
exemple frappant , que je rapporte d'autant
plus librement , que je dois en partager le
reproche. Un honnête homme acheté un
ouvrage auquel j'ai travaillé : il étoit tour-
menté par des crampes , & il n'eut rien
de plus prefle que de lire l'article crampe :
il trouve ce mot , mais avec un renvoi à
convulfion ; il recourt à convitljion , d'où
il efl renvoyé à mujele , d'où il efl ren-
voyé à fpafme , où il ne trouve rien fur
la crampe. Voilà , je l'avoue , une faute
bien ridicule ; & je ne doute point que
nous ne Payions commife vingt fois dans
Y Encyclopédie. Mais nous fommes en droit
d'exiger un peu cf indulgence. L'ouvrage
auquel nous travaillons , n'efl point de
notre choix : nous n'avons point ordonné
les
E NC
les premiers matériaux qu'on nous a remis ,
& ou nous les a , pour ainfi dire , jetés dans
une confufîon bien capable de rebuter qui-
conque auroit eu ou moins d'honnêteté , ou
moins de courage. Nos collègues nous font
témoins des peines que nous avons prifes
8c que nous prenons encore : perfonne ne
fait comme eux , ce qu'il nous en a coûté ,
& ce qu'il nous en coûte , pour répandre
fur l'ouvrage toute la perfection d'une pre-
mière tentative j &c nous nous fommes
propofé , finon d'obvier , du moins de
iatisfaire aux reproches que nous aurons en-
courus , en relifant notre dictionnaire ,
quand nous l'aurons achevé , dans le deifein
de compléter la nomenclature, la matière
& les renvois.
Il n'y a rien de minutieux dans l'exécu-
tion d'un grand ouvrage : la négligence la
plus légère a des fuites importantes : le ma-
mifcrit m'en fournit un exemple : rempli de
noms perfonnels , de termes d'arts , de
caractères , de chiffres , de lettres , de cita-
tions , de renvois , &c. l'édition fourmil-
lera de fautes , s'il neft pas de la dernière
exactitude. Je voudrois donc qu'on invitât
les Encyclopédies , à écrire en lettres ma-
ju feules , les mots fur le/quels il feroit fa-
cile de fe méprendre. On éviteroit , par ce
moyen , prefque toutes les fautes d'impref-
fion ; les articles feroient corre&s , les au-
teurs n'auroient point à fe plaindre , & le
lecteur ne ièroit jamais perplexe. Quoique
nous n'ayions pas eu l'avantage de pofféder
un manuferit tel que nous l'aurions pu de-
firer j cependant il y a peu d'ouvrages im-
primés avec plus d'exactitude & plus d'élé-
gance que le nôtre. Les foins & l'habileté
du typographe Font emporté fur le défordre
& les imperfections de la copie \ & nous
n'offenferons aucun de nos collègues , en
affurant que dans le grand nombre de ceux
qui ont eu quelque part à l'Encyclopédie , il
n'y a perfbnue qui ait mieux fatisfait à Ces
engagemens , que l'imprimeur. Sous cet a£
pecl: , qui a frappé & qui frappera , dans
tous les temps , les gens de goût & les bi-
bliomanes , les éditions fubfëquentes égale-
ront difficilement la première.
Nous croyons fentir tous les avantages
d'une entreprilè telle que celle dont nous
nous occupons. Nous croyons n'avoir eu
Tome XII.
E N C 593
que trop d'oceafions de connoître combien
il étoit difficile de fortir avec quelque fuc-
ces d'une première tentative , 6c combien
les talens d'un feul homme , quel qu'il fût ,
étoient au deffous de ce projet. Nous
avions là-deffus , long-temps avant que
d'avoir commencé , une partie des lumières,
& toute la défiance qu'une longue médita-
tion pouvoit infpirer. L'expérience n'a
point affbibli ces difpofîtions. Nous avons
vu , à mefure que nous travaillons , ,1a ma-
tière s'étendre , la nomenclature s'obfcur-
cir , des fubftances ramenées fous une mul-
titude de noms différens , les inftrumens ,
les machines & les manœuvres fe multiplier
fans mefure , & les détours nombreux d'un
labyrinthe inextricable fè compliquer de
plus en plus. Nous avons vu combien il en
coûtoit pour s'affurer que les mêmes chofes
étoient les mêmes , & combien , pour s'af-
furer que d'autres qui paroiffoient très-dif-
férentes , n'étoient pas différentes. Nous
avons vu que cette forme alphabétique , qui
nous ménageoit à chaque inftant des repos ,
qui répandoit tant de variété dans le travail ,
& qui , fous ces points de vue , paroiiToit fi
avantageufe à fuivre dans un long ouvrage ,
avoit les difficultés qu'il falloit furmonter
à chaque inftant. Nous avons ru qu'elle
expofoit à donner aux articles capitaux ,
une étendue immeniè , fî l'on y faifoit en-
trer tout ce qu'on pouvoit affez naturelle-
ment efpérer d'y trouver 5 ou à les rendre
fecs & appauvris , fi , à l'aide des renvois ,
on les élaguoit , & fi l'on en excluoit beau-
coup d'.objets qu'il n'étoit pas pofîible d'en
fëparer. Nous avons vu combien il étoit
important & difficile de garder un jufte
milieu. Nous avons vu combien il échap-
poit de choies inexactes &: faufTes \ com-
bien on en ornettoit de vraies. Nous avons
vu qu'il n'y avoit qu'un travail de plu-
fïeurs fiecles , qui pût introduire entre tant
de matériaux ralfemblés , la forme véritable
qui leur convenoit j donner à chaque par-
tie fou étendue \ réduire chaque article à
une jufte longueur \ fùpprimer ce qu'il y a
de mauvais } fuppléer ce qui manque de
bon , & finir un ouvrage qui remplît le de£
fèin qu'on avoit formé , quand on l'entre *
prit. Mais nous avons vu que de toutes les
difficultés , une tks'plus conlidcrables ,
Ddd
394 E N'C
détoit de îe produire une fois , quelque in-
forme qu'il fût , & qu'on ne nous raviroit
pas l'honneur d'avoir fiirmonté cet obfta-
cle. Nous avons vu que Y Encyclopédie ne
pouvoir être que la tentative d'un fiecle
philofophe \ que ce fiecle étoit arrivé ; que
la renommée , en portant à l'immortalité
les noms de ceux qui l'acheveroient , peut-
être ne dédaigneroit pas de fe charger des
nôtres } & nous nous fommes fèntis rani-
més par cette idée fi confolante & 11 douce ,
qu'on s'entretiendroit auflî de nous , lorf-
que nous ne ferions plus } par ce murmure
£ voluptueux , qui nous faifoit entendre
dans la bouche de quelques-uns de nos
contemporains , ce que diroient de nous
cîes hommes à l'inftru&ion & au bonheur
defquels nous nous immolions , que nous
eftimions & que nous aimions , quoiqu'ils
ne fuflent pas encore. Nous avons fenti fe
développer en nous ce germe d'émulation ,
qui envie au trépas la meilleure partie de
nous-mêmes , & ravit au néant les feuls
momens de notre exiftence dont nous
ibyons réellement flattés. En effet , l'homme
iê montre à lès contemporains & fe voit
tel qu'il eft , compofé bizarre de qualités
fublimes & de foihleffes honteufès. Mais les
foihleffes fuivejit Ta dépouille mortelle dans
le tombeau , & difparoilfent avec elle 5 la
même terre les couvre : il ne relie que les
qualités éternifées dans les monumeus qu'il
s'eft élevés à lui-même , ou qu'il doit à
la vénération & à la reconnoifTance pu-
blique ; honneurs dont la confcieuce de
fbn propre mérite lui donne une jouilTance
anticipée 5 jouilTance aufiî pure , aum" forte,
auili réelle qu'aucune autre jouilTance , &
dans laquelle il ne peut y avoir d'imagi-
naire , que les titres fur lefquels 011 fonde
fes prétentions. Les nôtres font dépofés
dans cet ouvrage j la poftérité les ju-
gera.
J'ai dit qu'il n'appartenoit qu'à un (iecle
philofophe de tenter une Encyclopédie ; èi.
je l'ai dit , parce que cet ouvrage demande
par-tout plus de hardiefTe dans l'elprit ,
qu'on n'en a communément dans les iiecles
pufillanimes du goût. Il faut tout exami-
ner , tout remuer fans exception & fans
ménagement ; ofer voir , ainfi que nous
commençons, à nous en convaincre , qu'il
E N C
en eft prefque des genres de littérature ,
ainfi que de la compilation générale des
ioix & de la première formation des villes }
que c'eft à un hafard fingulier , à une cir-
conftance bizarre , quelquefois à un e{Tor
du génie , qu'ils ont dû leur nailTance ', que
ceux qui font venus après les premiers in-
venteurs n'ont été , pour la plupart , que
leurs efclaves \ que des productions qu'on
devoit regarder comme le premier degré ,
prifes aveuglément pour le dernier terme ,
au lieu d'avancer un art à ià perfection ,
n'ont fèrvi qu'à le retarder , en réduifànt
les autres hommes à la condition fervile
d'imitateurs 3 qu'aufîi - tôt qu'un nom fut
donné à une compofition d'un caractère
particulier , il fallut modeler rigoureufe-
ment fur cette efquiffe , toutes celles qui
fè firent j que s'il parut de temps en temps
un homme d'un génie hardi &c original ,
qui , fatigué du joug reçu , ofa le fecouer ,
s'éloigner de la route commune , & en-
fanter quelque ouvrage auquel le nom donné
& les loix preferites ne furent point exac-
tement applicables , il tomba dans l'oubli
& y refta très-long-temps. II faut fouler
aux pies toutes ces vieilles puérilités j ren-
verfèr les barrières que la raifbn n'aura
point pofées :, rendre aux feiences & aux
arts une liberté qui leur eft fi précieufe ,
& dire aux admirateurs de l'antiquité : ap-
peliez le marchand de Londres comme il
vous plaira , pourvu que vous conveniez
que cette pièce étincelle de beautés fubli-
mes. Il falloit un temps raifonneur , cù
l'on ne cherchât plus les règles dans les
auteurs , mais dans la nature , & où l'en
fèntît le faux & le vrai de tant de poéti-
ques arbitraires : je prends le terme de
poétique dans fou acception la plus géné-
rale , pour un fyftême de règles données y
félon lefquelles , en quelque genre que ce
ibit , on prétend qu'il faut travailler pour
réuflir.
Mais ce fiecle s'eft fait attendre fi long-
temps , que j'ai penfé quelquefois qu'il
feroit heureux pour un peuple qu'il ne le
rencontrât point chez lui un homme ex-
traordinaire , fous lequel un art nailîànt
fît fes premiers progrès trop grands &
trop rapides , & qui en interrompît le
mouvement infenfibie & naturel. Les ou*
ENC
vrages de cet homme feront néccfTairement
des compofés monftrueux , parce que le
génie & le bon goût font deux qualités
très-différentes. La nature donne l'un en
un moment : l'autre eft le produit des
fiecles. Ces monftres deviendront des mo-
dèles nationaux; ils décideront le goût d'un
peuple. Les bons elprits qui fuccéderont ,
trouveront en leur faveur une prévention
qu'ils n'oferont heurter \ & la notion du
beau s'obfcurcira , comme il arriveroit à
celle du bien de s'obfcurcir chez des bar-
bares qui auroient pris une vénération ex-
ceilîve pour quelque chef d'un caractère
équivoque , qui fe feroit rendu recomman-
dable par des fervices importans & des
vices heureux. Dans le moral , il n'y a que
Disu qui doive fervir de modèle à l'homme j
dans les Arts , que la nature. Si les Sciences
& les Arts s'avancent par des degrés *infen-
fibles , un homme ne différera pas affez
d'un autre pour lui en impofer , fonder
un genre adopté , & donner un goût à la
nation \ conféquemment la nature &: la
raifon conferveront leurs droits. Elles les
avoient perdus ; elles font fnr le point de
les recouvrer } & l'on va voir combien il
nous importoit de connoître & de faifîr ce
moment.
Tandis que les fiecles s'écoulent , la
maffe des ouvrages s'accroît fans ceffe , &
l'on prévoit un moment où il feroit pref-
que auffi difficile de s'inftruire dans une
bibliothèque , que dans l'univers , & pref-
que aufli court de chercher une vérité fub-
iiftante dans la nature , qu'égarée dans une
multitude irnmenfe de volumes \ il fau-
droit alors fe livrer , par néceiîîté , à un
travail qu'on auroit négligé d'entrepren-
dre , parce qu'on n'en auroit pas fenti le
befoin.
Si l'on fe repréfente la face de la litté-
rature dans les temps où l'impreiîîon n'étoit
pas encore , ou verra un petit nombre
d'hommes de génie occupés à compofer ,
& un peuple innombrable de manouvriers
occupés à tranfcrire. Si l'on anticipe fur
les fiecles à venir , & qu'on fe repréfente
la face de la littérature , lorfque l'impref-
fion , qui ne fe repofe point , aura rempli
de volumes d'immenfes bâtimens , on In
trouvera partagée derechef en deux claifes ;
ENC 3jî
d'hommes. Les uns liront peu & s'aban-
donneront à des recherches qui feront
nouvelles ou qu'ils prendront pour telles ,
( car fi nous ignorons déjà une partie de
ce qui eft contenu dans tant de volumes
publiés en toutes fortes de langues , nous
faurons bien moins encore ce que renfer-
meront ces volumes augmentés d'un nombre
d'autres, cent fois, mille fois plus grand,) 5
les autres , manouvriers incapables de rien
produire , s'occuperont à feuilleter jour 8c
nuit ces volumes , & à eu féparer ce qu'ils
jugeront digne d'être recueilli & confervé.
Cette prédiction ne commencc-t-elle pas à
s'accomplir ? & plufieurs de nos littérateurs
ne font-ils pas déjà employés à réduire tout
nos grands livres à de petits où l'on trouve
encore beaucoup de fuperflu ? Suppofons
maintenant leurs analyfes bien faites , &c
diftribuées fous la forme alphabétique en
un nombre de volumes ordonnés par des
hommes intelligens , & l'on aura les maté-
riaux d'une Encyclopédie.
Nous avons donc entrepris aujourd'hui
pour le bien des Lettres , & par intérêt pour
le genre humain , un ouvrage auquel nos
neveux auroient été forcés de fe livrer ,
mais dans des circonftances beaucoup moins
favorables , lorfque la furabondance des
livres leur en auroit rendu l'exécution très-
pénible.
Qu'il me foit permis , avant que .d'entrer
plus avant dans l'examen de la matière en-
cyclopédique , de jeter un coup-d'œil fur
ces auteurs qui occupent déjà tant de rayons
dans nos bibliothèques , qui gagnent du
terrain tous les jours , & qui dans un h'ecle
ou deux rempliront feuls des édifices. C'eft ,
ce me femble , une idée bien mortifiante
pour ces volumineux écrivains , que de tant
de papiers qu'ils ont couverts d'écriture , il
n'y aura pas une ligne à extraire pour le
dictionnaire univerfel de la conohTance
humaine. S'ils ne fe foutiennent par l'excel-
lence du coloris, qualité particulière aux
hommes de génie , je demande ce qu'ils
deviendront. -
Mais il eft naturel que ces réflexions qui
nous échappent fur le fort de tant d'autres ,
nous faifent rentrer en" nous-mêmes , &
confidérer le fort qui nous attend. J'exa-
mine notre travail fans partialité } je vois
Dddi
35>£ E N C
qu'il u'y a peut-être aucune forte de faute
que nous n'ayions commife , & je fuis forcé
d'avouer que d'une Encyclopédie telle que
la nôtre , il en entremit à peine les deux
tiers dans une véritable Encyclopédie. C'eft
beaucoup , fur-tout fi l'on convient qu'en
jetant les premiers fondemens d'un pareil
ouvrage , l'on a été forcé de prendre pour
bafe un mauvais auteur , quel qu'il fût ,
Chambers , Alftedius , ou un autre. Il n'y
a prefqu'aucun de nos collègues qu'on eût
déterminé à travailler , fi on lui eût propofé
de compofer à neuf toute fa partie \ tous
auraient été effrayés , & l'Encyclopédie ne
fe feroit point faite. Mais en présentant à
chacun un rouleau de papiers , qu'il ne
s'agiffoit que de revoir , corriger , augmen-
ter } le travail de création , qui eft toujours
celui qu'on redoute , difparoilfoit , & l'on
fè laiffoit engager par la confidération la
plus chimérique. Car ces lambeaux dé-
coufus fe font trouvés fi incomplets , fi mal
compofés , fi mal traduits , fi pleins d'omif-
fïons , d'erreurs & d'inexactitudes , fi con-
traires aux idées de nos collègues , que la
plupart les ont rejetés. Que n'ont- ils eu
tous le même courage ? Le feul avantage
qu'en aient retiré les premiers , c'eft de
connoître d'un coup-d'œil la nomencla-
ture de leur partie , qu'ils auroientpu trouver
au moins aum" complète dans les tables de
différens ouvrages , ou dans quelque dic-
tionnaire de langue.
Ce frivole avantage a coûté bien cher.
Que de temps perdu à traduire de mauvai-.
fes chofes ! que de dépenfes pour fe pro-
curer un plagiât continuel ! combien de
fautes & de reproches qu'on fe feroit épar-
gnés avec une fimple nomenclature ! Mais
eût-elle fuffi pour déterminer nos collègues?
D'ailleurs , cette partie même ne pouvoit
guère fe perfectionner que par l'exécution.
A mefure qu'on exécute un morceau , la
nomenclature fe développe , les termes à
définir fe préfentent en foule '■, il vient une
infinité d'idées à renvoyer fous différens
chefs j ce qu'on ne fait pas eft du moins in-
diqué par un renvoi , comme étant du par-
tage d'un autre : en un mot , ce que chacun
fournit & fe demande réciproquement ,
Voilà la fource d'où découlent les mots.
D'où l'on voit , i°, qu'on ne pouvoit 1 à
ENC
une première édition , employer un trop
grand nombre de collègues \ mais que iî
notre travail n'eft pas tout-à fait inutile ,
un petit nombre d'hommes bien choifis
fuffiroit à l'exécution d'une féconde, h
faudrait les prépofer à différens travailleurs
fubalternes , auxquels ils feroient honneur
des feccurs qu'ils en auroient reçus , mais
dont ils feroient obligés d'adopter l'ouvrage ,
afin qu'ils ne puiient fe diipeufer d'y met-
tre la dernière main , que leur propre ré-
putation fe trouvât engagée , & qu'on pût
les aceufer directement ou de négligence
ou d'incapacité. Un travailleur qui ofe de-
mander que fon nom ne foit point mis à
la fin d'un de fes articles , avoue qu'il le
trouve mal fait , ou du moins indigne de
.lui. Je crois , que , félon ce nouvel arrange-
ment , il ne feroit pas irr.pcfiibîe qu'un feul
homme fe chargeât de l'anatomic , de la
médecine , de la chirurgie , de la matière
médicale, & d'une portion de la pharmacie}
un autre de la chymie , de la partie reliante
de la pharmacie , & de ce qu'il y a de
chymique dans des arts , tels que la mé-
tallurgie , la teinture , une partie de l'orfè-
vrerie , une partie de la chaudronnerie , de
la plomberie , de la préparation des cou-
leurs de toute efpece , métalliques ou
autres , &c. . Un feul homme bien inftruit
de quelque art' en fer , embrafferoit les
métiers de cloutier , de coutelier , de fèr-
rurier , de taillandier , &c. Un autre verfé
dans la bijouterie fe chargeroit des arts du
bijoutier , du diamantaire , du lapidaire ,
du metteur en œuvre. Je donnerais toujours
la préférence à un homme qui aurait écrit
avec fuccès fur la matière dont il fe charge-
roit. Quant à celui qui préparerait actuel-
lement un ouvrage fur cette matière , je ne
l'accepterois pour collègue que s'il étoit déjà
mon ami , que l'honnêteté de fon caractère
me fût bien connue , & que je ne puffe ?
fans lui faire l'injure la plus grande , le
foupçonner d'un deffein fecret de facrifier
notre ouvrage au fien.
2°. Que la première édition d'une Ency-
clopédie ne peut être qu'une compilation
très-informe & très-incomplete.
Mais , dira-t-on , comment avec tous ces
défauts vous eft- il arrivé d'obtenir un fuccès
qu'aucune production aufil conlidérable n'a
E N C
jamais eu ? A Cela je répons que notre
Encyclopédie a prefque fur tout autre ou-
vra ^e , je ne dis pas de la même étendue ,
mais quel qu'il fbit , compofé par une fo-
ciété ou par un ieul homme , l'avantage
de contenir une infinité de chofes nouvelles ,
& qu'on chercheroit inutilement ailleurs.
Ceft la fuite naturelle de l'heureux choix
de ceux qui s'y font confâcrés.
Il ne s'eft point encore fait , & il ne fe
fera de long -temps une collection auin
confidérable & aufîi belle de machines. Nous
avons environ mille planches. Ou efc bien
déterminé à ne rien épargner far la gravure.
Malgré le nombre prodigieux de figures
qui les rempliffent , nous avons eu l'atten-
tion de n'en admettre prcfqu'aucune qui
ne repréfentât une machine fubiîftante &
travaillant dans la fociété. Qu'on compare
nos volumes avec le recueil fi vanté de Ra-
melli ; le théâtre des machines de Lupold,
ou même les volumes des machines approu-
vées par l'académie des feiences , & l'on
jugera fi de tous ces volumes fondus en-
fèmble , il étoit poiïible d'en tirer vingt
planches dignes d'entrer dans une collection
telle que nous avons eu le courage de la con-
cevoir & le bonheur de l'exécuter. Il n'y a
rien ici ni de fuperflu , ni de furanné , ni
d'idéal : tout y eft en aclion & vivaut.
Mais indépendamment de ce mérite , &
quelque différence qu'il puifTc & qu'il doive
néceifairement y avoir entre cette première
édition & les fuivantes , n'eft-ce rien que
d'avoir débuté ? Entre une infinité de diffi-
cultés qui fe préfenteront d'elles-mêmes à
l'efprit , qu'on pefe feulement celle d'avoir
ralfemblé un alfez grand nombre de collè-
gues , qui , fans fe connoître , femblent
tout concourir d'amitié à la production
d'un ouvrage commun. Des gens de lettres
ont fait pour leurs femblables & leurs égaux ,
ce qu'on n'eût point obtenu d'eux par aucune
autre confîdération. Ceft là le motif auquel
nous devons nos premiers collègues \ & c'eft
à la même came que nous devons ceux que
nous nous aflbcions tous les jours. Il règne
entre eux tous une émulation , des égards ,
une concorde qu'on auroit peine à imagi-
ner; On ne s'en tient pas à fournir les fecours
qu'on a promis , on fe fait encore des facri-
iicesL mutuels j choie bien plus, difficile !.
E N C 5557
De là tant d'articles qui partent des mains-
étrangères , fans qu'aucun de ceux qui s e-
toienr charges dzs feiences auxquelles ils
apparteuoient en aient jamais été ofFenfés.
C'eft qu'il ne s'agit point ici d'un intérêt
particulier :, c'eft qu'il ne règne entre uous
aucune petite jaloufie perfonnelle , & que
la perfection de l'ouvrage & l'utilité du
genre humain , ont fait naître le feiitiment
général dont on eft animé.
Nous avons joui d'un avantage rare &
précieux qu'il ne faudroitpas négliger dans le
projet d'une féconde édition. Les hommes
de lettres de la plus grande réputation , les
artiftes de la première force ? n'ont pas
dédaigné de nous envoyer quelques mor-
ceaux dans leur genre. Nous devons élo-
quence , élégance , efprit , &c. , à M. de
Voltaire. M. de Montefquieu nous a laiffé
en mourant des fragmeus fur l'article goût ;
M. de la Tour nous a promis fès idées fur
la peinture ; M. Cochin fils ne nous refufè-
roit pas l'article gravure, fi Ces occupations
lui laiifoient le temps d'écrire.
Il ne feroit pas inutile d'établir des cor-
refpondances dans les lieux principaux du
monde lettré , &: je ne doute point qu'on n'y
réufsît. Ou s'inftruira des ufages , des cou-
tumes , des productions , des travaux , des
machines , &c. fi on ne néglige perfonne r
& fi l'on a pour tous ce degré de confîdé-
ration que l'on doit à l'homme défintéreffé
qui veut fe rendre utile.
Ce feroit un oubli inexcufable , que de
ne *fe pas procurer la grande Encyclopédie
Allemande , le recueil des réglemens fur les
arts & métiers de Londres & des autres
pays y les ouvrages appelles en Anglois the
myfteries; le fameux règlement desPiémsn-
tois fur leurs manufactures } des regiftres
des douanes } plusieurs inventaires de mai-
fons de grands feigueurs & de bourgeois ;
tous les traités fur les arts en général & en
particulier \ les réglemens du commerce y
les ftatuts des communautés j tous les recueils
des académies , far-tout la collection aca-
démique dont le difeours préliminaire & les
premiers volumes viennent de paroître. Cet
ouvrage ne peut manquer d'être excellent ,,
à en juger par les fources. où l'on fe propofo
de puifer , & par l'étendue des connoilfan-
, ces 3 la fécondité des idées ^ôc la fermeté de:
pS E N C
jugement & de goût de l'homme qui dirige
cette grande entreprife. Le plus grand bon-
heur qui pût arriver à ceux qui nous fuc-
céderont un jour dans l'Encyclopédie , &
qui fe chargeront des éditions fuivantes ,
c'eft que le dictionnaire de l'académie Fran-
çoise , tel que je le conçois , & qu'il eft
conçu par les meilleurs efprits de cette
illuftre compagnie , ait été publié , que
l'hiftoire naturelle ait paru toute entière ,
& que la collection académique fbit achevée.
Combien de travaux épargnés !
Entre les livres dont il eft encore efTentiel
de fe pourvoir , il faut compter hs catalo-
gues des grandes bibliothèques \ c'eft là
qu'on apprend à coimoître les fources où
l'on doit pnifer ; il feroit même à fouhaiter
que l'éditeur fût en correfpondance avec
les bibliothécaires. S'il eft néceffaire de con-
fulter les bons ouvrages , il n'eft pas inutile
de parcourir les mauvais. Un bon livre
fournit un ou plnfîeurs articles excelle.ns \
un mauvais livre aide à faire mieux. Votre
tâche eft remplie dans celui-ci , l'autre
l'abrège. D'ailleurs , faute d'une grande
connoinance de la bibliographie , on eft
expofé fans celle à compofer médiocrement ,
avec beaucoup de peine , de temps , & de
dépenfe , ce que d'autres ont fupérieure-
ment exécuté. On fe tourmente pour dé-
couvrir des chofes connues. Obièrvons
qu'excepté la matière des arts , il n'y a
proprement du relfort d'un dictionnaire
que ce qui eft déjà publié , & que par con-
fcquent il eft d'autant plus à fouhaiter que
chacun connoifle hs grands livres compotes
dans fa partie , ££ que l'éditeur foit muni
des catalogues les plus complets & hs plus
étendus.
La citation exacte des fources feroit d'une
grande utilité : il faudroit s'en impofer la
loi. Ce feroit rendre un fervice important
à ceux qui le deftinent à l'étude particulière
d'une feience ou d'un art , que de leur
donner la connoiffance des bons auteurs ,
des meilleures éditions , & de l'ordre 'qu'ils
doivent fuivre dans leurs lectures. U Ency-
clopédie s'en eft quelquefois acquittée , elle
auroit dû n'y manquer jamais.
Il faut analy/ër fcrupuleufement&fïdelle-
ment tout ouvrage auquel le temps a allure
une réputation confiante. Je dis le temps ,
E N C
parce qu'il y a bien de la différence entra
une Encyclopédie &: une collection de jour-
naux. Une Encyclopédie eft une expofitioa
rapide & défintéreirée des découvertes des
hommes dans tous les lieux , dans tous les
genres, & dans tous les fîecles , fans aucun
jugement des perfonnes \ au lieu que hs
journaux ne font qu'une hiftoire momen-
tanée des ouvrages & des auteurs. On y
rend compte indiftinérement des efforts
heureux & malheureux , c'eft-à-dire , que
pour un feuillet qui mérite de l'attention,
on traite au long d'une infinité de volumes
qui tombent dans l'oubli avant que le der-
nier journal de l'année ait paru. Combien
ces ouvrages périodiques feroient abrégés,
fi on laifîbit feulement un an d'intervalle
entre la publication d'un livre & le compte
qu'on en rendroit ou qu'on n'en rendroit
pas ! tel ouvrage dont on a parlé fort au
long dans le journal , n'y feroit pas même
nommé. Mais que devient l'extrait quand
le livre eft oublié ? Un dictionnaire univerfel
& raifonné eft deftiné à l'inftru&ion géné-
rale & permanente de l'efpece humaine ;
les écrits périodiques , à la fàtisfa&ion mo-
mentanée de la curiofîté de quelques oififs.
Ils font peu lus des gens de lettres.
Il faut particulièrement extraire des au-
teurs , les fyftêmes , les idées fingulieres ,
les obfèrvations , les expériences , les vues ,
les maximes & hs faits.
Mais il y a des ouvrages fi importans,
fi-bien médités , fi précis , en petit nom-
bre à la vérité , qu'une Encyclopédie doit
hs engloutir en entier. Ce font ceux où
l'objet général eft traité d'une manière
méthodique & profonde , tels que Xeffai
fur l'entendement humain , quoique trop
diffus j les conf dérations fur les mœurs ,
quoique trop ferrées \ les inftitutions agro-
nomiques , bien qu'elles ne foient pas afTez
élémentaires , &c.
Il faut diftribuer hs obfèrvations , les
faits , les expériences , &c. aux endroits
qui leur font propres.
Il faut fàvoir dépecer artiftement un ou-
vrage, en ménager les diftributions , en
présenter le plan , en faire une analyfe qui
forme le corps d'un article , dont hs ren-
vois indiqueront le refte de l'objet. Il ne
s'agit pas de brifer les jointures , mais de
E N C
les relâcher 5 de rompre les parties , mais
de les défaffcmbler , & d'en conferver feru-
puleufement ce que les artiftes appellent les
repères.
Il importe quelquefois de faire mention
des chofes abfurdes } mais il faut que ce
ibit légèrement & en paffant , feulement
pour l'hiftoire de l'eiprit humain , qui fe
dévoile mieux dans certains travers fingu-
liers , que dans l'action la plus raifonnable.
Ces travers font pour le moralifte, ce qu'eft
la diife&ion d'un monftre pour lhiftorien
de la nature : elle lui fert plus que l'étude
de cent individus qui fë reflembient. Il y a
des mots qui peignent plus fortement &
plus complètement que tout un difeours.
Un homme à qui on ne pouvoit reprocher
aucune mauvaifè action, difoit un mal in fini
de la nature humaine. Quelqu'un lui de-
manda : mais où avez-vous vu l'homme fi
hideux ? En moi, répondit- il. Voilà un mé-
chant qui n'avoit jamais fait de mal^puiffe-
t-il mourir bientôt ! Un autre difoit d'un
ancien ami : un tel eft un très - honnête
homme \ il eft pauvre , mais cela ne m'em-
pêche pas d'en faire un cas fingulier. Il y a
quarante ans que je fuis fon ami , & il ne
m'a jamais demandé un fou. Ah ! Molière ,
où étiez-vous ? ce trait ne vous eût pas
échappé , & votre avare n'en ofFriroit aucun
ni plus vrai ni plus énergique.
Comme il eft au moins aufti important
de rendre les hommes meilleurs , que de
les rendre moins ignorans , je ne ferais pas
fâché qu'on recueillît tous les traits frap-
pans des vertus morales. Il faudroit qu'ils
fulTent bien confiâtes : on les diftribueroit
chacun à leurs articles qu'ils vivifieraient.
Pourquoi feroit-on fi attentif à conferver
l'hiftoire des penfees des hommes , & né-
gligeroit-on l'hiftoire de leurs actions? celle-
ci n'eft-elle pas la plus utile ? n'eft-ce pas
celle qui fait le plus d'honneur au genre
humain ? Je ne veux pas qu'on rappelle les
mauvaifes actions 5 il feroit à fouhaiter
qu'elles n'eulfent jamais été. L'homme n'a
pas befoin de mauvais exemples 7 ni la na-
ture humaine d'être plus décriée. Il ne
faudroit faire mention des actions déshon
nêres , que quand elles auraient été fuivies ,
non de la perte de la vie & des biens , qui
ne font que trop fouvent les fuites funeftes
E N C 395
de la pratique de la vertu , mais que quand
elles auraient rendu le méchant malheu-
reux &: méprifé au milieu des récompenfès
les plus éclatantes de fes forfaits. Les traits
qu'il faudroit fur-tout recueillir , ce feraient
ceux où le caractère de l'honnêteté eft joint
à celui d'une grande pénétration , ou d'une
fermeté héroïque. Le trait de M. Peliiîbn
ne feroit furement pas oublié. Il fè porte ac-
cufàteur de fon maître & de fon bienfaiteur :
on le conduit â la Baftille : on le confronte
avec fon aceufé , qu'il charge de quelque
malverfàtion chimérique. L'accufé lui en
demande la preuve. La preuve , lui répond
Peliftbn ? hé , Monfieur 7 elle ne fe peut ti-
rer que de vos papiers , &: vons favez bien
qu'ils font tous brûlés : en effet ils i'étoienî.
Peliftbn les avoit brûlés lui-même , mais il
falloit en inftruire le prifonnier ^ & il ne ba-
lança pas de recourir à un expédient , fur à
la vérité , puifque tout le monde y fut
trompé j mais qui expofoit fa liberté , peut-
être fa vie , & qui , s'il eût été ignoré ,
comme il pouvoit l'être , attachoit à fon
nom une infamie éternelle , dont la honte
pouvoit réjaillir fur la république des let-
tres , où Peliftbn occupoit un rang diftiu-
gué. M. Gobinot de Rheims fupporte , pen-
dant quarante ans , l'indignation publique
qu'il encourait par une excefîive parcimo-
nie dont il tirait les fournies immenfès
qu'il deftincit à des monumens de la plus
grande utilité. Aflbcions-lui un prélat ref-
pe£hble par fes qualités apoftoliques , fes
dignités ? fa naiftance , la noble /implicite
de fès mœurs , & la folidité de fes vertus.
Dans une grande calamité , ce prélat, après
avoir foulage , par d'abondantes diftribu-
tions gratuites , en argent & en grains , la
partie de fon troupeau qui laifîbit voir
toute fon indigence , fonge à fècourir celle
qui cachoit fa raifere , en qui la honte
étouffoit la plainte , & qui n'en étoit que
plus maîheureufè , contre l'oppreffion de
ces hommes de fang , dont l'âme nage
dans la joie au milieu du gémiftement gé-
néral , & il fait porter fur la place , des
grains qu'on y diftribua à un prix fort au
deffous de celai qu'ils avoient coûté. L'ef
prit de parti qui abhorre tout a&e ver-
tueux qui n'eft pas de quelqu'un des liens ,
traite fa charité de monopole 3 & un fcé-
4oo E N C
lérat obfcur infcrit cette atroce calomnie
parmi celles dont il remplit , depuis fi
long - temps , fes feuilles hebdomadai-
res. Cependant il fument de nouvelles
calamités 3 le ze!e inaltérable de ce rare
pafteur continue de s'exercer , & il le trouve
enfin un honnête homme qui éieve la voix ,
qui dit la vérité , qui rend hommage à la
vertu , & qui s'écrie , tranfporté d'admira-
tion : quel couragej quelle patience héroï-
que ! qu'il eft confblant pour le genre hu-
main que la. méchanceté ne foit pas capa-
ble de ces efforts ! Voilà les traits qu'il faut
recueillir 3 & qui eft-ce qui les liroit fans
ientir fon cœur s'échauffer ? Si l'on pu-
biioit un recueil qui contînt beaucoup de
ces grandes & belles aérions , qui eft-ce
qui fe réfoudroit à mourir fans y avoir
fourni la matière d'une ligne ? Croit - on
qu'il y eût quelque ouvrage d'un plus
grand pathétique ? Il me fembïe , quant à
moi , qu'il y auroit peu de pages dans
celui-ci , qu'un homme né avec une aine
honnête Ôt fenfible n'arrofât de Ces lar-
mes.
Il faudroit finguliérement fe garantir de
l'adulation. Quant aux éloges mérités , il
y auroit bien de l'injuftice à ne les accorder
qu'à la cendre infenfible & froide de ceux
qui ne peuvent plus les entendre : l'équité
qui doit les difpenfer , le cédera-t-elle à
la modeftie qui les refufe ? L'éloge eft un
encouragement à la vertu -, c'eft un pacte
public que vous faites contracter à l'homme
vertueux. Si fes belles aérions étoient gravées
fur une colonne , perdroit-il un moment
de vue ce monument impofant ? ne feroit-
îl pas un des appuis les plus forts qu'on
pût prêter à lafoiblellé humaine? il faudroit
que l'homme fe déterminât à briièr lui-
même fa ftatue. L'éloge d'un honnête-
homme eft la plus digne & la plus douce
récompenfe d'un autre honnête- homme :
après l'éloge de fa confeience , le plus flatteur
eft celui d'un homme de bien. O Roulfeau ,
mon cher & digne ami ! je n'ai jamais eu
la force de me refufer à ta louange : j'en ai
feuti croître mon goût pour la vérité , &
mon amour pour la vertu. Pourquoi tant
d'oraifons funèbres , Se fi peu de panégyri-
ques des vivans ? Croit-on que Trajan n'eût
pas craint de démentir fou panégyrifte ? Si
E N C
on ïe croit , on ne counoît pas toute l'au-
torité de la confidération générale. Après
les bonnes actions qu'on a faites , l'aiguillon
le plus vif pour en multiplier le nombre ,
c'eft la notoriété des premières } c'eft cette
notoriété qui donne à l'homme un caractère
public auquel il lui eft difficile de renoncer.
Ce fècret innocent n'eft-il pas même un des
plus importons de l'éducation vertueufe ?
Mettez votre fils dans l'occafion de pratiquer
la vertu } faites-lui de fes bonnes actions
un cara&ere domeftique \ attachez à fbn
nom quelque épithete qui les lui rappelle $
accordez-lui de la confidération : s'il franchit
jamais cette barrière , j'ofê affurer que le
fond de fon ame eft mauvais , que votre
enfant eft mal né , ck que vous n'en ferez
jamais qu'un méchant ', avec cette différence
qu'il fè fût précipité dans le vice tête baillée,
& qu'arrêté par le costrafte qu'il remarquera
entre Iqs dénominations honorables qu'on
lui a accordées, & celles qu'il va encourir ,
il fe lailfera glilî'er vers le mal, mais par une
pente qui ne fera pas alfez infenfible pour
que des parens attentifs ne s'apperçoivent
point de la dégradation fucce/five de fon
caractère.
Je hais cent fois plus les fàtires dans un
ouvrage , que les éloges ne m'y plaifènt :
les perfonnalités font odieufes en tout genre
d'écrire } on eft fur d'amufer le commun
des hommes , quand on s'étudie à repaître
fa méchanceté. Le ton de la fatire eft le plus
mauvais de /tous pour un dictionnaire } 8c
l'ouvrage le plus impertinent &. le plus en-
nuyeux qu'on pût concevoir , ce feroit un
diétion-naire fatirique : c'eft le fèul qui
nous manque. Il faut abfolumeut bannir
d'un grand livre ces à-propos légers , ces
allufions fines , ces embelliffemens délicats
qui feroient la fcrtuue d'une hiftoriette :
les traits qu'il faut expliquer deviennent
fades , ou ne tardent pas à devenir inintel-
ligibles. Ce fèroit une chofe bien ridicule ,
que le befoin d'un commentaire dans un ou-
vrage dont les différentes parties feroient def-
tinées à s'interpréter réciproquement. Toute
cette légèreté n'eft qu'une moufle qui tombe
peu-à-peu \ bientôt la partie volatile s'en
eft évaporée , & il ne refte plus qu'une vafe
infipide. T<:1 eft au/fi le fort de la plupart
de ces étincelles qui partent du choc de la
converfation :
E N C
converfation : la fènfation agréable , maïs
paffagere., qu'elles excitent, naît des rap-
ports qu'elles ont au moment , aux circonf-
rances , aux lieux , auxperfonnes , à l'événe-
ment du jour ; rapports qui parlent promp-
tement. Les traits qui ne fe remarquent
poinr, parce que l'éclat n'en eft pas le mérite
principal , pleins de fubftance , & portant
en eux le caractère de la {implicite jointe à
un grand (en s , font les feuls qui fe foutien-
droientau grand jour: pour fentir la frivo-
lité des autres , il n'y a qu'à les écrire. Si
l'on me montroit un auteur qui eût com-
poféfes mélanges d'après des converfations,
je feroisjprefque fur qu'il auroit recueilli tout
ce qu'il falloit négliger , & négligé tout
ce qu'il importoit de recueillir. Gardons-
nous bien de commettre avec ceux que nous
confulterons , la même faute que cet écri-
vain commettroit avec les-<perfonnes qu'il
fréquenteroit. Il en eft des grands ouvrages
ainfi que des grands édifices ; ils ne compor-
tent que des ornemens rares & grands. Ces
ornemens doivent être répandus avec écono-
mie & difcernement , ou ils nuiront à la
{implicite en multipliant les rapports ; à la
grandeur , en divifant les parties & en obf-
curciiîânt Tenfemble ; & à l'intérêt , en
partageant l'attention , qui fans ce défaut
qui la diftrait & la difperfe , fe raffemble-
roit toute entière fur les maries princi-
pales.
Si je profcrits les fatires , il n'en eft pas
ainfi ni des portraits , ni des réflexions. Les
vertus s'enchaînent les unes aux autres, & les
vices fe tiennent , pour ainfi dire , par la
main. Il n'y a pas une vertu , pas un vice qui
n'ait fon cortège : c'eft une ibrte d'aifocia-
tion néceffaire. Imaginer un caractère, c'eft
trouver d'après une pailion dominante don-
née , bonne ou mauvaife , les parlions fubor-
données qui l'accompagnent, les fentimens,
les difcours & les actions qu'elle fuggere ,
& la forte de teinte ou d'énergie que tout
le fyftême intellectuel & moral en reçoit :
d'où l'on voit que les peintures idéales ,
conçues d'après les relations & l'influence
réciproque des vertus & des vices , ne
peuvent jamais devenir chimériques ; que
ce font elles qui donnent la vraifemblance
aux repréfentations dramatiques & à tous
les ouvrages des mœurs ; & qu'il fe rencon-
Tome XII.
E N C 40Î
trera éternellement dans la fociété des indi-
vidus qui auront le bonheur & le malheur
de leur refTembler. C'eft ainfi qu'il arrive à:
un fiecle très-éloigné d'élever des ftatues
hideufes ou refpectables , au bas defquelles
la poftérité écrit fucceflîvement differens
noms : elle écrit Monteiquieu où l'on avoir,
gravé Platon; Desfontaines , où on lifoit au-
paravant Eroftrate ou Zo'ile: avec cette diffé-
rence affligeante , qu'on ne manquera jamais
de noms de plus en plus déshonorés pour
remplacer celui d'Eroftrate ou de Zoïle ;
au lieu qu'on n'ofe efpérer de la fuccefîion
des fiecles , qu'elle nous en offre quelques-
uns de plus en plus illuftres pour fuccéder
à Monteiquieu , & pour être le troifieme ou
le quatrième depuis Platon. Nous ne pou-
vons élever un trop grand nombre de ces
ftatues dans notre ouvrage : elles devroient
être en bronze dans nos places publiques
& dans nos jardins , & nous inviter à la
vertu fur ces piédeftaux , où l'on a expofé
à nos yeux & aux regards de nos enfans
les débauches des dieux du paganifme.
Après avoir traité de la matière Ency-
clopédique en général , on defireroit fans
doute que nous entraflions dans l'examen
de chacune de fes parties en particulier ;
mais c'eft. au public , & non pas à nous ,
qu'il appartient de juger du travail de nos
collègues & du nôtre.
Nous répondrons feulement à ceux qui
aiiroient voulu qu'on fupprimât la théologie,
que c'efl une fcience ; que cette fcience eft
très-étendue & très-curieufe, & qu'on auroit
pu la rendre plus intéreffante que la mytho-
logie , qu'ils auroient regrettée fi nous l'euf-
fions omife.
A ceux qui excluent de notre diction-
naire la géographie : que les noms , la lon-
gitude & la latitude des étoiles qu'ils y ad-
mettent , n'ont pas plus de droit d'y refter
que les noms , la longitude & la latitude des
villes qu'ils en rejettent.
A ceux qui l'auroient defirée moins feche:
qu'il étcit néceflaire de s'en tenir à la feule
connoiffance géographique des villes qui fût
fcientifique , à la ieule qui nous fuffiroit
pour conftruire de bonnes cartes des temps
anciens , fi nous l'avions , & qui fuftira ù
la poftérité pour conftruire àe bonnes cartes
de nos temps , fi nous la lui tranfmettons j
Eee
4oi E N C
& que le refle , étant entièrement hiftori-
que , eff hors de notre objet.
A ceux qui ont regardé avec dégoût cer-
tains traits hiftoriqucs , la cuifine, les mo-
des, &c. qu'ils ont oublié combien ces
matières ont engendré d'ouvrages d'érudi-
tion ; que le plus fuccinct de nos articles
en ce genre épargnera peut-être à nos def-
cendans des années de recherches & des
volumes de diflértations ; qu'en fuppofant
les favans à venir infiniment plus réfervés
que ceux du fiecîe palTé , il efl encore à
préfumer qu'ils ne dédaigneront pas d'écrire
quelques pages pour expliquer ce que c'êft
quunfalbala ou qu'un pompon; qu'un écrit
fur nos modes , qu'on traiteroit aujourd'hui
d'ouvrage frivole , feroit regardé dans deux
mille ans , comme un ouvrage favant &
profond , fur les habits François ; ouvrage
très-inflrudif pour les littérateurs , les pein-
tres & les fculpteurs ; quant à notre cuifine,
qu'on ne peut lui difputer d'être une bran-
che importante de la chymie.
A ceux qui fe font plaints que notre
botanique n'éroit ni allez complète ni afTez
intéreflante : que ces reproches font fans
aucun fondement ; qu'il étoit impoflible
de s'étendre au-delà des genres , fans com-
piler des in-folio ; qu'on n'a omis aucune
des plantes ufuelles ; qu'on les a décrites ;
qu'on en a donné l'analyfe chymique , les
propriétés , foit comme remèdes , foit
comme alimens; que la leule choie qu'on
auroit pu ajouter , qui lût fcientifique &
qui n'auroit pas occupé un efpace bien
confidérable , c'eût été d'indiquer à l'arti-
cle du genre combien on comptoit d'efpeces,
& combien de variétés : & quant à la partie
des arbres qui efl fi importante , qu'elle a
dans \ Encyclopédie , à commencer au troi-
fieme volume , toute l'étendue qu'on lui
peut defirer.
A ceux qui font mécontens de la partie
des arts , & à ceux qui en font fatisfaits :
qu'ils ont raifon les uns & les autres , parce
qu'il y a des chofes dans cette matière im-
menfe qui font on ne peut pas plus mai-
faites , &: d'autres qu'il feroit peut-être
difficile de mieux faire.
Mais comme les arts ont été l'objet prin-
cipal de mon travail , je vais m'expliquer
librement , &: fur les défauts dans iei-
E N C
quels je fuis tombé , & fur les précau-
tions qu'il y auroit à prendre pour les cor-
riger.
Celui qui fe chargera de la matière des
arts , ne s'acquittera point de fon travail
d'une manière fatisfaifante pour les autres
& pour lui-même, s'il n'a profondément
étudié l'hiffoire naturelle , & fur-tout la
minéralogie ; s'il n'eft excellent méchani-
cien ; s'il n'efl très-verié dans la phyfique
rationnelle & expérimentale , & s'il n'a
fait plufieurs cours de chymie.
Naturalise , il connoîtra d'un coup-d'œil
les fubffances que les artiff.es emploient, &c
dont ils font communément tant de my£>
tere.
Chymiffe , il poifédera les propriétés de
ces fubffances : les raifons d'une infinité
d'opérations lui feront connues ; il éventera
les iecrets; lesartiffesne lui en impoferont
point ; il diicernera fur le champ l'abfur-
dité de leurs menfonges ; il faifira l'eiprit
d'une manœuvre : les tours de mains ne
lui échapperont point ; il difhnguera fans
peine un mouvement indifférent , d'une
précaution effentielle ; tout ce qu'il écrira
de la matière des arts fera clair , certain ,
lumineux ; & les conjectures fur les moyens
de perfectionner ceux qu'on a , de retrouver
des arts perdus , & d'en inventer de nou-
veaux , fe* préfenteront en foule à fon
eiprit.
La phyfique lui rendra raifon d'une
infinité de phénomènes dont les ouvriers
demeurent étonnés toute leur vie.
Avec de la méchanique & de la géo-
métrie , il parviendra fans peine au calcul
vrai & réel des forces ; il ne lui refiera que
l'expérience à acquérir , pour tempérer la
rigueur des iuppofitions mathématiques ;
qualité qui diifingue , fur-tout dans la
conffruction des machines délicates , le
grand artiffe de l'ouvrier commun à qui
on ne donnera jamais une juffe idée de ce
tempérament , s'il ne l'a point acquife , &
en qui on ne la re£tifiera jamais , s'il s'en
eff fait de faunes notions.
Muni de ces connoiffances, il commen-
cera par introduire quelque ordre dans fon
travail , en rapportant les arts aux fûbf-
tances naturelles : ce qui eft toujours
pofHble ; car l'hifloire des Arts n'eff que
ENC
Yhifioirede la nature employée. Voyez l'ar-
bre encyclopédique.
Il tracera enfuire pour chaque arrifie un
canevas à remplir; il leur impofera de traiter
de la matière dont ils fe fervent , des lieux
d'où ils la tirent, du prix qu'elle leur coûte,
&c. desinftrumens , des differens ouvrages,
& de toutes les manœuvres.
II comparera les mémoires des artiftes
avec fon canevas ; il conférera avec eux ;
il leur fera fuppléer de vive voix ce qu'ils
auront omis , & éclaircir ce qu'ils auront
mal expliqué.
Quelque mauvais que ces mémoires puif-
fent être , quand ils auront été faits de
bonne foi , ils contiendront toujours une
infinité de chofes que l'homme le plus in-
telligent n'appercevra pas , ne Soupçonnera
point , & ne pourra demander. Il y en
délirera d'autres à la vérité ; mais ce feront
celles que les artifles ne cèlent à perfonne :
car j'ai éprouvé que ceux qui s'occupent fans
ceffe d'un objet, avoient un penchant égal
à croire que tout le monde favoit ce dont
ils ne faifoient point unfecret; & que ce
dont ils faifoient un fecret . n'étoit connu
de perfonne ; enforte qu'ils étoient toujours
tentés de prendre celui qui les queftion-
noit , ou pour un génie tranfeendant , ou
pour un imbéciile.
Tandis que les artiftes feronr à l'ouvrage,
il s'occupera à rectifier les articles que nous
lui aurons tranfmis , & qu'il trouvera dans
notrediclionnaire.il ne tardera pas às'ap-
percevoir que malgré tous les foins que
nous nous fommes donnés , il s'y eft glifTé
des bévues groflieres( voye\ l * article Bri-
QUE) , & qu'il y a des articles entiers qui
n'ont pas l'ombre du fens commun ( ïoye%
l'article BLANCHISSERIE DE TOILES) :
mais il apprendra, par fon expérience, à nous
favoir gré- des chofes qui leront bien , &
à nous pardonner celles qui feront mal.
C'efl fur-tout quand il aura parcouru pen-
dant quelque temps les -ateliers , l'argent
à la main , & qu'on lui aura tait payer bien
chèrement les fauffetés les plus ridicules ,
qu'il connoûra quelle efpece de gens ce
font que les artiftes , fur-tout à Paris , où
la crainte des impôts les tient perpétuelle-
ment en méfiance , & où ils regardent tout
homme qui les interroge avec quelque cu-
E N C 401
riofîre , comme un émifïaire des fermiers-
généraux , ou comme un ouvrier qui veut
ouvrir boutique. Il m'a femblé qu'on évi-
terait ces inconvéniens , en cherchant , dans
la province , toutes les connoifFances fur
les arts qu'on y pourroit recueillir : on y
eft. connu ; on s'adrefîè à des gens qui n'ont
point de foupçon ; l'argent y eft plus rare,
& le temps moins cher. D'où il m: paroîe
évident qu'on s'inftruiroit plus facilement
& à moins de frais , & qu'on auroit des
inftructions plus fures.
• Il faudroit indiquer l'origine d'un art , &
en fuivre pié-à-pié les progrès quand ils
ne feroient pas ignorés , ou fubftituer la
conjecture & l'hiftoire hypothétique à l'his-
toire réelle. On peut afïurer qu'ici le ro-
man feroit fouvent plus inftructif que la
vériré.
Mais il n'en eft pas de l'origine & des
progrès d'un art , ainfi que de l'origine &
des progrès d'une feience. Les favans s'en-»
tretiennent : ils écrivent, ils font valoir leurs
découvertes : ils contredifènt , ils font con-
tredits. Ces conteftations msnifeftent le$
faits & conftatent les dates. Les artiftes au
contraire vivent ignorés , obfcurs , ifolés ;
ils font tout pour leur intérêt , ils ne font
prefque rien pour leur gloire. Il y a des in-
ventions qui retient des fiecles entiers ren-
fermées dans une famille : elles patient des
pères aux enfans; fe perfectionnent ou dé-
génèrent , fans qu'on fâche précifément ni
à qui , ni à quel temps il faut en rap-
porter la découverte. Les pas infenfibles
par lefquels un art s'avance à la perfection,
confondent auffi les dates. L'un recueille
le chanvre ; un autre le fait baigner ; un
troifieme le teille : c'eft d'abord une corde
grofiiere ; puis un fil ; enfuite une toile :
mais il s'écoule un fiecle entre chacun de
ces progrès. Celui qui porteroit une produc-
tion depuis -fon état naturel jufqu'à fort
emploi le plus parfait , feroit difficilement
ignoré. Comment feroit-il impoffible qu'un
peuple fe trouvât tout-a-coup vêtu d'une
étoffe nouvelle , & ne demandât pas à qui
il en eft redevable ? Mais ces cas n'arrivent
point , ou n'arrivent que rarement.
Communément le hazard fuggere les
premières tentatives; elles font infructueufes
& retient ignorées : un autre les reprend ; il
E ee v2,
404 E N C
a un commencement de fucces , mais dont
on ne parie point : un rroifieme marche
furies pas du fécond ; un quatrième furies
pas du troiiieme ; & ainfi de fuite, juf-
qu'à ce que le dernier produit des expé-
riences foit excellent : & ce produit eu le
feul qui faffe fenfation. 11 arrive encore
qu'à peine une idée eir-elle éclole dans un
atelier , qu'elle en fort & fè répand. On
travaille en plufieurs endroits à la fois :
chacun manœuvre de fon côté ; & la
même invention revendiquée en même
temps par plufieurs , n'appartient pro-
prement à perfonne , ou n'ell attribuée
qu'à celui qu'elle enrichit. Si l'on tient
l'invention de l'étranger , la jaloufie natio-
nale tait le nom de l'inventeur , & ce
noni relie inconnu.
Il feroit à fouhaiter que le gouverne-
ment autorifàt à entrer dans les manufac-
tures , à voir travailler , à interroger les
ouvriers , & à deflïner les inflrumen* , les
machines & même le local.
Il y a des circonilances où les artifles font
tellement impénétrables , que le moyen le
plus court , ce feroit d'entrer foi - même
en apprentiifage , ou d'y mettre quelqu'un
de confiance.
Il y a peu de (ècrets qu'on ne parvînt à
connoît par cette voie : il faudroit divul-
guer tous fcs fecrets lans aucune excep-
tion.
Je fais que ce fentiment n'eft pas celui
de tout le monde : il y a des têtes étroites,
des âmes mal nées , indifférentes fur le fort
du genre humain r & tellement concentrées
dans leur petite fociété , qu'elles ne voient
rien au delà de fon intérêt. Ces hommes
veulent qu'on les appelle bons citoyens ;
& j'y confens, pourvu qu'ils me permettent
de les appeller méchxns hommes. On diroit,
à les entendre , qu'une Encyclopédie bien
faite , qu'une hiltoire générale des arts ne
devroit être qu'un grand manuferitfoigneu-
ièment renfermé dans .la bibliothèque du
monarque, & inaccdîibîe à d'autres yeux
que ies liens ; un livre de l'état , & non du
peuple. A quoi bon divulguer les connoif-
fànces de la nation > fes traniachons iecre-
tes , fes inventions , fon induftrie , les
reffources , les myfteres , fa lumière > ies
axts & toute la fageiTe î ne font- ce pas là
E N C
les choies auxquelles elle doit une partie
de la lupériorité fur les nations rivales &
circonvoiiines ? Voilà ce qu'ils difent ; &
voici ce qu'ils pourroient encore ajouter.
Ne feroit-il pas à fouhaiter qu'au lieu d'é-
clairer l'étranger, nous puflions répandre
lùr lui des ténèbres , & plonger dans la
barbarie le relie de le terre , afin de le do-
miner plusfurement? Ils ne font pas atten-
tion qu'ils n'occupent qu'un point fur ce
globe , & qu'ils n'y dureront qu'un mo-
ment ; que c'efl à ce point & à cet inftanc
qu'ils facrifient le bonheur des fiecles à venir
& de l'elpece entière. Ils lavent mieux que
perfonne que la durée moyenne d'un em-
pire n'efr. pas de deux mille ans , & que
dans moins de temps peut-être , le nom
François , ce nom qui durera éternellement
dans l'hilloire , fera inutilement cherché
fur la furface de la terre. Ces confidéra-
tions n'étendent point leurs vues ; il femble
que le mot humanité foit pour eux un mot
vuide de fens. Encore s'ils étoient confé-
quens ! mais dans un autre moment ils le
déchaîneront contre l'impénétrabilité des
fanctuaires de l'Egypte ; ils déploreront la
perte des connoilîances anciennes ; ils accu-
leront la négligence ou le lilence des au-
teurs qui fe font tus ou qui ont parlé fi.
mal d'une infinité d'objets importans ; &
ils ne s'appercevront pas qu'ils exigent des
hommes d'autrefois ce dont ils font un
crime à ceux d'aujourd'hui , & qu'ils blâ-
ment les autres d'avoir été ce qu'ils fe font
honneur d'être.
Ces bons citoyens font les plus dange-
reux ennemis que nous ayions eus. En
général , il faut profiter des critiques , fans
y répondre , quand elles font bonnes ; les
négliger , quand elles fontmauvaifes. N'elt-
ce pas une perfpective bien agréable pour
tous ceux qui s'opiniâtrent à noircir du pa-
pier contre nous, que fi l'Encyclopédie con-
lèrve dans dix ans la réputation dont elle
jouit, il ne fera plus queftion de leurs écrits,
& qu'il en fera bien moins queftion encore,
fi elle eft ignorée.
J'ai entendu dire à M. de Fontenelle ,
que fon appartement ne contiendroit pas
tous ies ouvrages qu'on avoit publiés contre
lui. Qui efl-ce qui en connoît un feul ?
L'elprit des loix & l'rnftoire naturelle ne
E N C
font que de paroître , & les critiques qu'on
en a faites font entièrement ignorées. Nous
avons déjà remarqué que parmi ceux qui
fe font érigés en cenfeurs de Y Encyclopédie,
il n'y en a preique pas un qui eût les talens
nécelTaires pour l'enrichir d'un bon article.
Je ne croirois pas exagérer , quand j'ajou-
terois que c'eft un livre dont la très-grande
partie feroit à étudier pour eux. L'efprit
philo fophique eff celui dans lequel on l'a
compofé , & il s'en faut beaucoup que la
plupart de ceux qui nous jugent foient à
cet égard feulement au niveau de leur
iiecle. J'en appelle à leurs ouvrages. C'eii
par cette rai fon qu'ils ne dureront pas , &
que nous ofons préfumer que notre Diction-
naire fera plus lu & plus efhmé dans quel-
ques années , qu'il ne l'eft encore aujour-
d'hui. Il ne nous feroit pas difficile de citer
d'autres auteurs qui ont eu, & qui auront le
même fort. Les uns (comme nous l'avons
déjà dit plus haut) élevés aux cieux , parce
qu'ils avoient compofé pour la multitude,
qu'ils s'étoientafîujettisaux idées courantes,
& qu'ils s'éroient mis à la portée du com-
mun des lecteurs , ont perdu de leur répu-
tation , àmefure que l'efprit humain a fait
des progrès, & ont fini par être oubliés.
D'autres au contraire , trop forts pour le
temps où ils ont paru , ont été peu lus ,
peu entendus , point goûtés , & font de-
meurés obfcurs , long-temps,' jufqu'au
moment où le fîecle qu'ils avoient de-
vancé fut écoulé , & qu'un autre Iiecle
dont ils étoient avant qu'il fut arrivé ,
les atteignit , & rendit enfin jufhce a leur
mérite.
Je crois avoir appris à mes concitoyens
à eitimer & à lire le chancelier Bacon ; on
a plus feuilleté ce profond auteur depuis
cinq à fix ans , qu'il ne l'avoit jamais été.
Nous îbmmes cependant encore bien loin
de fentir l'importance de fes ouvrages ;
les efprits ne font pas aflèz^ avancés. Il
y a trop peu p'e p-'rlonnes en état de s'élever
à la hauteur de les méditations ; & peut-
être le nombre n'en deviendra-t-il jamais
guère plus grand. Qui lait fi le novum orga-
num , ks cogitât a & vif a , le livre de
augmento feientiarum , ne font pas trop au
defîhs de la portée moyenne de l'efprit
humain , pour devenir , dans aucun fiecle ,
E N C 405
une lecture facile & commune ? C'efl au
temps à éclaircir ce doute.
Mais ces confidérations fur l'efprit & la
matière d'un dictionnaire encyclopédique
nous conduifent naturellement à parler
du ftyle qui cil propre à ce genre d'ou-
vrage.
Le laconifme n'efï pas le ton d'un dic-
tionnaire ; il donne plus à deviner qu'il ne
4e faut pour le commun des le&eurs. Je
voudrois qu'on ne laifïat à penfer que ce
qui pourroit être perdu , fans qu'on en fût
moins infîruit fur le fond. L'effet de la
diverfité , outre qu'il eft inévitable , ne me
paroît point ici déplaifant. Chaque travail-
leur , chaque feience , chaque art , chaque
article , chaque fujet a fa langue & ion
ftyle. Quel inconvénient y a-t-il à le lux
conferver ? s'il faiioit que l'éditeur fît re-
connoître fa main par-tout , l'ouvrage en
feroit beaucoup retardé , & n'en feroit pas
meilleur. Quelque infrruitqu'un éditeur pût
être , il s'expoferoit fouvent à commettre
une erreur #de chofe , dans l'intention de
rectifier une faute de langue.
Je renfermerois le caractère général du
ftyle d'une Encyclopédie , en deux mots ,
communLiy pvopriè; propria, communiter.
En fe conformant à certe régie , les chofes
communes feroient toujours élégantes ; &
les chofes propres & particulières, toujours
claires.
Il faut confidérer un dictionnaire uni-
verfel des Sciences & des Arts, comme une
campagne immenfe couverte de montagnes ,
de plaines , de rochers , d'eaux , de forêts 9
d'animaux , & de tous les objets qui font
la variété d'un grand payfage. La lumière
du ciel les éclaire tous ; mais ils en font
tous frappés diverfement. Les uns s'avan-
cent par leur nature & leur expofition ,
jufque (ur le devant de la feene ; d'autres
iont diftribués fur une infinité de plans
intermédiaires : il y en a qui fe perdent
dans le lointain ; tous fe font valoir réci-
proquement.
Si la trace la plus légère d'affectation eft
iniupportable dans uri petit ouvrage, que
feroit-ce au jugement des gens de lettres ,
qu'un grand ouvrage où ce défaut domi-
neroit ? Je fuis fur que l'excellence de la
matière ne contrebalanceroit pas ce vice de
4cS E N C
flyle, & qu'il fcroit peu lu. Les ouvrages
de deux des plus grands hommes que la
nature ait produits , l'un philofophe , &
l'autre poëte , feroient infiniment plus par-
faits , & plus eflimés , fi ces hommes rares
n'avoient été doués dans un degré très-
extraordinaire , de deux talens qui ;ne fem-
blent contradictoires , le génie fk le bel
efprit. Les traits les plus brillans & lescom-
paraifons les plus ingénieufes y déparent à*
tout moment les idées les plus fublimes.
La nature les auroit traités beaucoup plus
favorablement , fi , leur ayant accordé le
génie , elle leur eût refufé le bel efprit. Le
goût folide & vrai , le iublime en quelque
genre que ce foi;, le pathétique , les grands
effets de la crainte , de la commifération
& de la terreur , les fentimens nobles &
relevés , les grandes idées rejettent le tour
épigrammatique & le contrafte des expref-
fions.
Si toutefois il y a quelqu' ouvrage qui com-
porte de la variété dans le flyle , c'efl une
Encyclopédie ; mais comme j'ai defiré que
les objets les plus indifFérens y fufîent tou-
jours fecrétement rapportés à l'homme , y
prhTentun tour moral , refpiraflfent la dé-
cence , la dignité , la fenfibilité , l'élévation
de Pâme ; en un mot , qu'on y difeernât
par-tout le fouffle de l'honnêteté ; je vou-
drois aufïi que le ton répondît à ces vues ,
& qu'il en reçût quelque autorité , même
dans les endroits où les couleurs les plus
brillantes & les plus gaies n'auroient pas
été déplacées. C'efl manquer fon but , que
d'amufer & de plaire , quand on peut ins-
truire & toucher.
Quant à la pureté de la di&ion , on a
droit de l'exiger dans tout ouvrage. Je ne
fais d'où vient l'indulgence injurieufe qu'on
a pour les grands livres , & fur-tout pour
les dictionnaires. Il femble qu'on ait permis
à l'in-folio d'être écrit pefamment , négli-
gemment , fans génie , fans goût & fans
fmefîe. Croit-on qu'il foit impoflible d'in-
troduire ces qualités dans un ouvrage de
longue haleine ? Ou feroit-ce que la plu-
part des ouvrages de longue haleine qui
ont paru jufqu'à préfent , ayant communé-
ment ces défauts ,on lésa regardés comme
un apanage du format ?
Cependant on s'apperçcvra, en y regar-
E NC
dant de près , que s'ii y a quelque ouvrage
où il foit facile de mettre du flyle, c'efî
un dictionnaire ; tout y efl coupé par arti-
cles , & les morceaux les plus étendus le
font moins qu'un difeours oratoire.
Mais voici ce que c'eft. Il efl rare que
ceux qui écrivent fupérieurement , veuil-
lent & puifTent continuer long-temps une
tâche fi pénible ; d'ailleurs, dans les ouvra-
ges de fociété où la gloire du fuccès efl par-
tagée , & où le travail d'un homme efl
confondu avec le travail de plufieurs , on
fe défigne en foi-même un affocié pour
émule ; on compare fon travail avec le
fîen ; on rougiroit d'être au defTous ; on
fe foucie peu d'être au deffus ; on n'em-
ploie qu'une partie de {es forces , & l'on
efpere que ce qu'on aura négligé difpa-
roîtra dans l'immenfité des volumes.
C'efl ainfî que l'intérêt s'afFoiblit dans
chacun , à mefure que le nombre des
afîbciés augmente, & que , l'ouvrage
d'un feul fe diflinguant d'autant moins
qu'il a plus de collègues , le livre fe
trouve en général d'une médiocrité d'au-
tant plus grande , qu'on y a employé plus
de mains.
Cependant le temps levé le voile; chacun
efl jugé félon fon mérite. On diftingue le
travailleur négligent du travailleur honnête
ou qui a rempli fon devoir. Ce que quel-
ques-uns ont fait , montre ce qu'on étoit en
droit d'exiger de tous; & le public nomme
ceux dont il efl mécontent , & regrette
qu'ils aient fi mal répondu à l'importance
de Pentreprifè, & au choix dont on les avoit
honorés.
Je m'explique là deffus avec d'autant
plus de liberté, que perfonne ne fera plus
expofé que moi à cette efpece de cenfure ,
& que , quelque critique qu'on faffe de
notre travail, foit en général, foit en par-
ticulier , il n'en reliera pas moins pour
confiant qu'il feroit très-difficile de former
une féconde fociété de gens de lettres &
d'artifles , aufîl nombreufe & mieux com-
pofée que celle qui concourt à la compo-
sition de ce dictionnaire. S'il étoit facile
de trouver mieux que moi pour auteur &
pour éditeur , il faudra que l'on convienne
qu'il étoit , fous ces deux afpecls , infini-
ment plus facile encore de rencontrer
E N C
moins bien que M. d'Alembert. Combien *
je gagnerais à cette efpece d'énumération ,
où les hommes lé compenferoient les uns
par les autres! Ajoutons à cela qu'il y a
des parties pour lefquelles on ne choifit
point , & que cet inconvénient fera de
toutes les éditions. Quelque honoraire qu'on
propofât à un homme , il n'acquitteroit
jamais le temps qu'on lui demanderoit. Il
faut qu'un artille veille dans fon atelier; il
faut qu'un homme public foit à fes fonc-
tions. Celui-ci eli malheureufement trop
occupé , & l'homme de cabinet n'efl mal-
heureufement pas aflez inftruit. On le tire
de ià comme on peut.
Mais s'il efî facile à un dictionnaire
d'êcre bien écrit , il n'efl guère d'ouvrages
auxquels il loit plus effentiel de l'être.
Plus une route doit être longue, plus il
feroit à fouhaiter qu'elle fut agréable. Au
relie , nous avons quelque raifon de croire
que nous ne fommes pas reliés de ce côté
fans fuccès. Il y a des perfonnes qui ont
lu l'Encyclopédie d'un bout à l'autre ; & fi
Ton en excepte le dictionnaire de Bayle,
qui perd tous les jours un peu de cette
prérogative , il n'y a guère que le nôtre
qui en ait joui & qui en jouilîê. Nous
fouhaitons qu'il la coniérve peu , parce que
nous aimons plus les progrès de l'efprit hu-
main que la durée de nos productions , &
que nous aurions réuffi bien au-delà de nos
efpérances , li nous avions rendu les con-
noiflances fi populaires , qu'il fallût au com-
mun des hommes un ouvrage plus fort que
Y Encyclopédie pour les attacher & les inf-
truire.
Il feroit à fouhaiter , quand il s'agit
de flyle , qu'on pût imiter Pétrone , qui a
donné en même temps l'exemple & le
précepte , loriqu'ayant.à peindre les qua-
lités d'un beau difeours , il a dit: grandis ,
& mita dicam, pudica oratio neque macu-
lofa efl neque turgida y fed naturali pulchri-
tudine exfurgit. La defeription efî: la chofe
même.
Il faut fe garantir finguliérement de
l'obfcurité -, & fe refTouvenir à chaque
ligne qu'un dictionnaire ell fait pour
tout le monde , & que la répétition des
mots qui ofïenferoit dans un ouvrage
léger , devient un caractère de ûmplicité
E N C 407
qui ne déplaira jamais dans un grand ou-
vrage.
Qu'il n'y ait jamais rien de vague dans
l'expreilion. Il ièroit mal , dans un livre
philoibphique , d'employer les- termes les
plus ulités, lorfqu'ils n'emportent avec eux
aucune idée fixe , dillincte & déterminée ;
& il y a de ces termes , & en très grand
nombre. Si l'on pouvoit en donner des
définitions , félon la nature qui ne change
point , & non félon les conventions & les
préjugés des homnus qui changent conti-
nuellement, ces définitions deviendroienc
des germes de découvertes. Obfervons en-
core ici le befoin continuel que nous avons
d'un modèle invariable & confiant auquel
nos définitions & nos delcriptions fe rap-
portent , tel que la nature de l'homme , des
animaux ou des autres êtres fublillans. Le
relie n'ell rien , & celui qui ne fait pas écar-
ter certaines notions particulières , locales
& palTageres , efl gêné dans ion travail, &
fans ceffe expofe à dire, contre le témoignage
de fa confeience & la pente de fon efprit ,
des chofes inexactes pour le moment , &
faulîès , ou du moins obfcures & halardées
pour l'avenir.
Les ouvrages des génies les plus intré-
pides & les plus élevés , des plus grands
philofophes de l'antiquité , font un peu dé-
figurés par ce défaut. Il s'en manque beau-
coup que ceux de nos jours en loient
exempts. L'intolérance , le manque de la
double doctrine , le défaut d'une langue
hiéroglyphique & facrée , perpétueront à
jamais ces contradictions , & continueront
de tacher nos plus belles productions.- On
ne fait fouvent ce qu'un homme a penfé
fur les matières les plus importantes. Il
s'enveloppe dans des ténèbres affectées ;
[es contemporains mêmes ignorent les
fentimens ; & l'on ne doit pas s'attendre
que l'Encyclopédie foit exempte de ce
défaut.
Plus les matières feront abflraites plus il
faudra s'efforcer de les mettre à la portée
de tous les lecteurs.
Un éditeur qui aura de l'expérience ,
& qui fera maître de lui-même , le pla-
cera dans la clalfe moyenne des eiprits. Si
la nature l'avoit élevé au rang des premiers
génies , & qu'il n'en descendît jamais , coa«
4®8 E N C
verfant fans cefTe avec les hommes de la
plus grande pénétration , il lui arriveroit
de conndérer les objets d'un point de vue
où la multitude ne peut atteindre. Trop au
defîùs d'elle , l'ouvrage deviendroit oblcur
pour trop de monde. Mais s'il fe trouvoit
malheureufement, ou s'il avoit la complai-
fance de s'abaifTer fort au deffous , les ma-
tières traitées , comme pour des imbécilles ,
deviendroient longues & faftidieufes. Il
conlidérera donc le inonde comme fon
école , & le genre humain comme fon pu-
pille ; & il dictera des leçons qui ne faffent
pas perdre aux bons efprits un temps pré-
cieux , & qui ne rebutent point la foule
des efprits ordinaires. Il y a deux claffes
d'hommes , à peu près également étroites ,
qu'il faut également négliger. Ce font les
génies tranfcendans & les imbécilles qui
n'ont befoin de maîtres ni les uns ni les
autres.
Mais s'il n'eft pas facile de faifir la por-
tée commune des efprits , il l'eft beaucoup
moins encore à l'homme de génie de
s'y fixer. Le génie tend naturellement à
s'élever: il cherche la région des nues;
s'il s'oublie un moment , il eft emporté
d'un vol rapide ; & bientôt les yeux ordi-
naires ceffent de l'appercevoir & de le
fuivre.
Si chaque encyclopédifte s'étoit bien ac-
quitté de lbn travail , l'attention principale
d'un éditeur fe réduiroit à circonferire
rigoureufement les différens objets, à ren-
fermer les parties en elles-mêmes , & à
fiipprimer des redites ; ce qui eft toujours
plus facile que de remplir des omiffions:
les redites s'ap perçoivent & fe corrigent
d'un trait de plume ; les omiffions le dé-
robent & ne fe fuppléent pas fans travail.
Le grand inconvénient , c'eft que , quand
elles fe montrent , c'eft fi brufquement ,
que l'éditeur fe trouvant prefîé entre une
matière qui demande du temps , & la
vîtefîe de Fimpreflion qui n'en accorde
point , il faut que l'ouvrage foit eftropié ,
ou l'ordre perverti ; l'ouvrage eftropié , fi
l'on remplit fà tâche félon le temps ; l'ordre
perverti , fi on ia renvoie à quelque endroit
écarté du di&ionnaire.
Où eft l'homme affez verfé dans toutes
les matières , pour en écrire fur le champ
E N C
comme s'il s'en croit long-temps occupé ?
Où eft l'éditeur qui aura les principes d'un
auteur afïèz préfens , ou des notions affez
conformes aux tiennes , pour ne tomber
dans aucune contradiction ?
N'eft-ce pas même un travail prefqu'au
defîus de (es forces , que d'avoir à remar-
quer les contradictions qui fe trouveront
nécessairement entre les principes & les
idées de {es afîbciés ? S'il n'eft pas de fa
fonction de les lever quand elles font réel-
les , il le doit au moins quand elles ne font
qu'apparentes ; & , dans le premier cas ,
peut-il être difpenfé de les indiquer , de
les faire fortir , d'en marquer la fource ,
de montrer la route commune que deux
auteurs ont fuivie , & le point de diviiion
où ils ont commencé a fe féparer , de
balancer leurs raifons , de propofer des
obfervations & des expériences pour & con-
tre , de défigner le côté de la vérité ou celui
de la vraifemblance ? 11 ne mettra l'ou-
vrage à couvert du reproche , qu'en
obfervant exprefîément que ce n'eft pas le
dictionnaire quiie contredit, mais les îcien-
ces & les arts qui ne font pas d'accord.
S'il alloit plus loin , s'il réfolvoit les diffi-
cultés , il feroit homme de génie : mais
peut-on exiger d'un éditeur qu'il foit hom-
me de génie ? & ne feroir-ce pas une folie
que de demander qu'il fût un génie uni-
ver fel ?
Une attention que je recommanderai à
l'éditeur qui nous fuccédera , & pour le
bien de l'ouvrage , & pour la fureté de fa
perfonne , c'eft d'envoyer aux cenfeurs les
feuilles imprimées , & non le manuferit.
Avec cette précaution , les articles ne
feront ni perdus , ni dérangés , ni fiippri-
rn'és ; & le paraphe du cenfeur , mis au
bas de la feuille imprimée , fera le garant
le plus fur qu'on n'a ni ajouté , ni altéré ,
ni retranché , &: que l'ouvrage eft refté
dans l'état où il a jugé à propos qu'il s'im-
primât.
Mais le nom & la fonction de cenfeur
me rappellent une queftion importante. On
a demandé s'il ne vaudroit pas mieux qu'une
Encyclopédie (m permife tacitement, qu'ex-
prefïement approuvée : ceux qui foute-
noient l'affirmative difoient : " alors les
» auteurs jouiroient de toute la liberté né-
v ceflâire
E N C
» ceflaire pour en faire un excellent ou-
» vrage. Combien on y traiteroit de fujets
» importans ? Lesbcauxarticlesque le droit
» public fournirait ! Combien d'autres
» qu'on pourr oit imprimer à deux colonnes,
» dont l'une établiroit le pour &: l'autre le
w contre ! L'hiftorique feroit expofé fans
» partialité , le bien loué hautement , le
» mal blâmé fans réfèrve , les vérités alïu-
» rées , les doutes propofés , les préjugés
» détruits , & l'ufage des renvois politiques
» fort reftreint. »
Leurs antagoniftes répondoient fimple-
ment « qu'il valoit mieux facrifier un peu
» de liberté , que de s'expofer à tomber
î) dans la licence , & d'ailleurs , ajoutoieut-
» ils , telle eft la conftitution des chofes
» qui nous environnent j que li un homme
» extraordinaire s'étoit propofé un ouvrage
» aufîi étendu que le nôtre , & qu'il lui
» eût été donné par l'Etre fuprême de
V connoître en tout la vérité , il faudroit
î> encore , pour fa fécurité j qu'il lui fût
» aiïigné un point inaccefîîble dans les
» airs , d'où (es feuilles tombaient fur la
m terre. »
Pu i (qu'il eft donc fî à propos de fubir la
cenfure littéraire , on ne peut avoir un cen-
feur trop intelligent : il faudra qu'il fâche
fè prêter au caractère général de l'ouvrage \,
voir fans intérêt ni pufillanimité } n'avoir
de refpecl: que pour ce qui eft vraiment
refpeélable \ diftinguer le ton qui convient
à chaque perfonne & à chaque fujet \ ne
s'effaroucher ni des propos cyniques de
Diogene , ni des termes teheniques de
Winflou , ni des fyllogifmes d'Anaxagoras -v
ne pas exiger qu'on réfute , qu'on affoi-
blilfe ou qu'on fupprime ce qu'on ne ra-
conte qu'hiftoriquement } fentir la différence
d'un ouvrage immenfe & d'un in- 12 \ &c
aimer affez la vérité , la vertu , le progrès des
connoiffances humaines & l'honneur de la
nation , pour n'avoir en vue que ces grands
objets.
Voilà le cenfeur que je voudrois : quant
à l'homme que je defirerois pour auteur ,
il feroit ferme , inftruit , honnête , véridi-
que , d'aucun pays , d'aucune feéf,e , d'au-
cun état , racontant les chofes du moment
où il vit , comme s'il en étoit à mille ans }
& celles de l'endroit qu'il habite , comme
Tome XII.
E N C 4c$
s'il en étoit à deux mille lieues. Mais à uni
fi digne collègue , qui faudroit-il pour édi-
teur ? un homme doué d'un grand fens ,
célèbre par l'étendue de fes conuoiffances ,
l'élévation de lès fentimens <k de fès idées ,
& fon amour pour le travail :• un homme
aimé & refpe&é par fon caractère domefti-
que & public ; jamais enthoufiafte , à moins
que ce ne fût de la vérité , de la vertu 6c de
l'humanité.
Il ne faut pas imaginer que le concours
de tant d'heureufcs circonftances ne biffât
aucune imperfection dans YEncyclopédie :
il y aura toujours des défauts dans un ou-
vrage de cette étendue. On les réparera
d'abord par des fùpplémens , à mefure
qu'ils fe découvriront : mais il viendra
néceffairement un temps où le public de-
mandera lui-même une refonte générale j
& , comme on ne peut favoir à quelles
mains ce travail important fera confié , il
refte incertain fi la nouvelle édition fera
inférieure ou préférable à la précédente. II
n'eft pas rare de voir des ouvrages confi-
dérables revus , corrigés , augmentés par des
mal-adroits , dégénérer à chaque réimprefc
fion , & tomber enfin dans le mépris. Nous
en pourrions citer un exemple récent , (i
nous ne craignions de nous abandonner au
reffentiment , en croyant céder à l'intérêt de
la vérité.
L'Encyclopédie peut aifément s'amélio-
rer} elle peut aufli aifément fc détériorer.
Mais le danger auquel il faudra principa-
lement obvier , & que nous aurons prévu 9
c'eft que le foin des éditions fubfcquen-
tes ne foit pas abandonné au deipotifme
d'une fociété , d'une compagnie , quelle
qu'elle puiffe être. Nous avons annoncé ,
& nous en atteftons nos contemporains 8c
la poftérité , que le moindre inconvénient
qui pût en arriver , ce feroit qu'on fup-
primât des chofes effentielles \, qu'on mul-
tipliât à l'infini le nombre & le volume
de celles qu'il faudroit fupprimer \ que
l'e{prit de corps , qui eft ordinairement
petit , jaloux 7 concentré , infectât la mafîe
de l'ouvrage } que les arts fuffent négligés 5
qu'une matière d'un intérêt paffager étouf-
fât les autres j &: que l'Encyclopédie fubît
le fort de tant d'ouvrages de controverfè.
Lorfque les catholiques & les proteftans,
Fff
4io END
las de difputes & raflàfies d'injures , pri-
rent le parti du filençe & du repos , ou
vit en un iuftant une foule de livres van-
tes diiparoître & tomber dans l'oubli ,
connue on voit tomber au fond d'un vaif-
fcau le fêdimcnt d'une fermentation qui
s'appaife.
Voilà les premières idées qui fe font offer-
tes à mou efprit fur le projet d'un diction-
naire univerfèl&raifonaédela connoiifance
humaine , fur fa polîibilité , fa fin , fès ma-
tériaux , l'ordonnance générale & particu-
lière de ces matériaux, le ftyle , la méthode,
les renvois , la nomenclature, le manufcrit ,
les auteurs, les cenfeurs , les éditeurs & le
typographe.
Si l'on pefe l'importance de ces objets ,
qii s'appercerra facilement qu'il n'y eu a
aucun qui ne fournît la matière d'un dit
cours fort étendu \ que j'ai lanTé plus de
chofes à dire que je n'en ai dit } & que
peut-être la prolixité Se l'adulation ne feront
pas au nombre des défauts qu'on pourra me
reprocher.
ENDECAGONE , voyei Hendéca-
gone.
ENDECASYLLABE , ( Belles-Lettres. )
F. Hendecasyllabe.
ENDEMATIE , f. f. ( Mufiq. des anc. )
c'étoit l'air d'une forte de daufe particulière
aux Argiens. (51)
ENDEMIQUE, adj. m. & f. dWtpfc
vi^ifjA^r , vernaculus , populaire , terme de
Médecine ; épithete que l'on donne à cer-
taines maladies particulières à un pays , à
une contrée , où elles attaquent un grand
nombre de perfonnes en même temps , &
continuellement ou avec des intervalles ,
après lefquels la même maladie reparoît de
la même nature , avec les mêmes fymptomes
à-peu-près.
Ainll le plica en Pologne , les écrouelles
en Efpagne , le goitre dans les pays voifins
des Alpes , font des maladies endémiques ;
les fièvres intermittentes dans les endroits
marécageux , &c. parce qu'il y a toujours
un grand nombre de perfonnes dans chacun
de ces lieux , qui font affectées de ces mala-
dies refpeCtives.
La caufe des maladies de ce caractère
doit être commune à tous les habitans du
£e» où elles régnent confiammeut 3 par con-
END
féquent on ne peut la trouver que dans la
situation & le climat particulier du pays ,
dans les qualités de l'air & des eaux qui lui
font 'propres, &; dans la manière de vivre.
V. f admirable traité d'Hippocrate , qui cil
relatif à ce £u jet , de aère , lacis & aquis. V.
Epidémie, (d)
END ENTÉ , adj. en termes de Blafon ,
fe dit d'un pal , d'une bande , d'une fafee , s
& autres pièces de triangles alternés de
divers émaux. On appelle croix endentée ,
celle dont les branches font terminées eu
façon de croix ancrée , & qui a une pointe
comme un fer de lance entre les deux cro-
chets.
Guafchi en Piémont , tranché , end enté
d'or & d'azur.
ENDENTURE , f. f. {Jurifp.) du Latin
indentatura. C'étoit un papier partagé en
deux colonnes , fur chacune defquelles le
même acte étoit écrit j enfuite on coupoit
ce papier par le milieu, non pas tout droit,
mais en formant à droite & à gauche des
efpeces de dents , afin que quand on rap-
porterait un des doubles de l'acte , on pût
vérifier fi c'étoit le véritable , en le rappro-
chant de l'autre , 8c obfervant fi toutes les
dents fe rapportaient parfaitement : c'en: ce
que l'on appelloit chàrta partita , chartajn-
dentata, & en François chartie ou endenture,
V. Charte partie. {A)
ENDETTÉ , adj.(Comm.) qui doit beau-
coup , qui a contracté quantité de dettes. V,
Dettes. (G) *
ENDETTER une compagnie , verb. act.
(Comm.) unefociété ; c'eft contracter en leur
nom des dettes conhdérables. Les directeurs
d'une compagnie font fouveut plus propres
à l'endetter & à la ruiner , qu'à l'enri-
chir. '
Endetter (s') , c'eft faire des dettes en
fon propre & privé nom. (G)
ENDIVE , f. f. (Bot. Mat.méd. & Jard.):
en Latin endivia ou intybus , efpece de chi-
corée : cependant Ray l'en diftingue , tant
à caufè de fès feuilles qui font plus courtes,
& non découpées , que parce que cette
plante eft annuelle , au lieu que la chicorée
eft vivace. Il y a trois fortes di endives en
ufage \ favoir , Y endive à feuilles larges , ou
commune , la petite endive 3 &. Xeadive OU
chicorée ftifée*
END
\' endive à feuilles larges , ou commune ,
autrement dite chicorée blanche , eft nommée
par les Botaniftes endivia lat-ifolia , fcariola
latifolia , endivia vulgaris , &c.
Ses racines font fibreufès & laiteufes : /es
feuilles font couchées fur terre avant qu'elle
monte en tige ; elles font longues , larges ,
femblables à celles de la laitue , crénelées
quelquefois à leur bord , un peu ameres.
Les feuilles qui font fur la tige , font fem-
blables à celles du lierre , mais plus petites.
La tige eft haute d'une coudée , ou d'une
coudée & demie \ liffe , cannelée , crenfè ,
branchue , tortue , donnant du lait quand
ou la bleffe. Ses fleurs naiffent à l'aiifelle
des feuilles ; elles font bleues , femblables
à celles de la, chicorée fauvage , auflî-bien
que les graines.
La petite endive, en Latin endivia minor ,
feu angufïi-folia , off'. ne diffère de la pré-
cédente que par fes feuilles qui font plus
étroites, plus ameres au goût j & par fa tige
qui eft plus branchue.
h? endive ou chicorée frifée, endivia crifpa
feu Romana , cicorium crifpum , off'. a fès
feuilles plus grandes que celles de Y endive
commune. Elles font crépues , & f muées à
leur fond. Sa tige eft plus élevée , plus
greffe &: plus tendre que celle des autres
endives. Sa graine eft noire. Il y a long-
temps que les Jardiniers ont l'art de rendre
frifée l'endive commune , quoique Ray re-
garde ces deux plantes comme étant d'une
efpece différente.
On feme ïendive dans les jardins , pour
l'ufage de la cuifîne. Lorfqu'on la feme au
printemps , elle croît promptement, fleu-
rit , porte des graines en été , & meurt
enfuite \ mais quand on la feme en été ,
elle dure l'hiver , pourvu qu'on la couvre
de terre au commencement de l'automne ,
après avoir lié auparavant fes feuilles : elle
devient alors blanche comme de la neige ,
agréable au goût , & peut tenir lieu de
falade en hiver. Voye\ dans Miller fart de
fa culture.
Les feuilles fraîches d'endive verte pa-
roifteut contenir un fel elTentiel , nitreux ,
ammoniacal , mêlé avec un peu d'huile f.ib-
tiîe & de terre. Elles ne donnent dans les
épreuves chymiques aucune marque d'acide ,
à caufe de la grande quantité de fel uri-
END 4n
neux. Les feuilles d'endive que l'on a blan-
chies en les liant , donnent quelque acide ,
mais moins de fel volatil & de terre. Leur
fuc , quand on les lie pour les blanchir ,
fermente un peu intérieurement \ & par-là
les fols volatils , qui font en grande quan «
tité dans cette plante , font un peu déve-
loppés , s'envolent en partie , & il refte de
l'acide & de l'eau : la terre eft , par cette
même fermentation , mêlée plus intime-
ment avec les autres principes. Ces feuilles
ainfî blanchies font plus tendres & plus
agréables au goût , que lorfqu'elles font
vertes, à caufe de la partie acide, qui eft:
plus développée avec les fols alkalis & les
huiles. Les feuilles vertes font ameres ,
à caufe de la grolTiéreté des molécules fail-
lies , & de leur différent mélange avec
l'huile & la terre.
Les endives ne font guère moins con-
nues dans les boutiques d'apothicaires que
dans les cuifmes } on les y emploie vertes
& blanchies , fur-tout les feuilles , rarement
les graines , & prefque jamais les racines.
Toutes les endives font rafraîchiiTautes , dé-
terfives , & apéritives, en vertu de leur fc!
nitreux , ammoniacal , lubtil , délayé dans
beaucoup de flegme. Elles rafraîdiifTent
encore , en emportant les humeurs rete-
nues dans les vifoeres ; elles amolliflènt &
détachent la bile viiqueufe } elles divifent
la férofité gluante ou la pituite épaiftïe.
Elles font donc utiles dans la jaunifTe , dans
les fièvres ardentes & biiieufcs , dans les
obftruétions du foie , dans toutes les in-
flammations & les hémorragies \ en un
mot , fes vertus font les mêmes que celles
de la chicorée. On les emploie dans les
bouillons , les apofemes tempérans , rafraî-
chiffans & apéritifs. On les joint commo-
dément aux feuilles de bourache , de bu-
glofè, de laitue , de pourpier , de pimpre-
nelle , d'aigremoice , de fcolopendre , de
fumeterre. On en donne aufll le fuc cla-
rifié , ou la décoction , à la dofe que l'on
veut. Enfin , la graine d'endive eft mifè au
nombre des quatre petites fomences froi-
des , & entre dans les émulfiors', au défaut
des autres graines. Foy^Raj^Tournefort,
Bradley , Herman , Miller , Geoffroy ; ils
vous inftruiront complètement fur cette
plante. Art. de M. le chev. de Jaucourt.
Fff z
4ii END
ENDING , ( Géog. moderne. ) ville de
5 h abc eu Allemagne ; elle appartient au
Brifgaw.
ENDORMI , adjea. ( Marine. ) Quel-
ques-uns difènt un vaijjeau endormi , lors-
qu'il perd fbn erre , ïbit lorfqu'il prend
vent de vent , foit lorfqu'il met côté en
travers , foit pour avoir mis les voiles fur
le mât. (Z )
ENDOSIMON , ( Mujiq. des anc. ) nom
que le conducteur des chœurs donnoit à
ceux qui les chantoient pour leur fervir de
règle.
ENDOSSEMENT , f. m. (Jurifpr. ) eft
l'écriture que l'on met au dos d'un aéèe ,
6 qui y eft relatif ; ainfi on appelle en-
dojfement la quittance qu'un créancier met
au dos de l'obligation ou promeffe de ion
débiteur , de ce qu'il a reçu en l'acquit ou
déduction de fbn dû. On appelle aufii
endojjement la quittance que le feigneur ou
fbn receveur donne au dos d'un contrat
d'acquifition , pour les droits feigneuriaux
à lui dus pour cette acquiiition. Coutume
de Péronne , art. 260, Enfin , le terme
êHendojfement fè dit principalement de l'or-
dre que quelqu'un pâlie au profit d'un
autre , au dos d'une lettre ou billet de
change qui étoit tiré au profit de l'endof-
fèur. On peut faire conféçutivement plu-
fleurs de ces endojfemens , c'eft- à-dire , que
celui au profit de qui la lettre eft endof-
fée , met lui-même fbn endojjement au pro-
fit d'un autre. Tous ceux qui mettent ainfi
leur ordre font appelles endoj/eurs , & le
dernier porteur d'ordre a pour garans foli-
daires tous les endoffeurs , tireurs & accep-
teurs. Voy. Change , Billet de change
& Lettre de change , Protêt , Ti-
reur. ( A )
ENDOSSER, (Relieur.) Endoffer le
livre lorfqu'il eft paifé en parchemin , c'eft
prendre deux ais que l'on place à chaque
côté du, dos , que l'on nomme le mord.
On met le livre avec fès ais en preffe , en
ayant foin que les parchemins fbrtent de
moitié hors du dos 5 après quoi ou prend
un poinçon ê< un petit marteau avec lequel
pn arrange les cahiers du livre , le mord
bien égalifé & le dos bien droit. On ferre
4a prettç le plus qu'on peut 3 après quoi on
END
lie le livre avec une ficelle câblée. Vcye\
Reliure.
ENDOUZINNER , en terme de Boyau-
dier , c'eft l'action de tourner les cordes
en rond , & de les affembler par dou-
zaines.
ENDRACHENDRACH , {Hiji. nat.
Bot. ) nom d'un arbre qui croît dans l'île
de Madagafcar. Son bois eft fi dur & fi
compacte , qu'il ne fe corrompt jamais ,
même fous la terre. Cet arbre eft fort
élevé j fon bois eft jaunâtre , pefant &: dur
comme du fer. Son nom , en langue du
pays , fignifie durable. Hubner , diclionn.
univerfel.
ENDROIT jj LIEU , fynon. (Gramm.)
Ces mots défignent , en général , la place
de quelque chofe. Voici les nuances qui
les diftinguent. Lieu femble défigner une
place plus étendue qu'endroit , & endroit
déiigne une place plus déterminée & plus
limitée \ ainfi on peut dire : tel bourg ejl
un lieu confidérable , /'/ commence à /'endroit
ou on a bâti telle mai/on. On dit aufii le lieu
des corps , un homme de bas lieu , un endroit
remarquable dans un auteur , un beau lieu %
un vilain endroit , &c. (O)
ENDROMIS , f. f. ( Hijl. anc. ) nom
que les Grecs donnoient , félon Pollux le
grammairien , à la chauffure de Diane ,
qui , en qualité de chajferejfe , devoit en
porter une fort légère ç, aufii nommoit - on
aimi celle que portoient les coureurs dans
les jeux publics. On croit que c'étoit une
efpeee de botine ou de cothurne qui cou-
vroit le pié & une partie de la jambe ,
& qui laiifoit à l'un & à l'autre toute la
liberté de leurs mouvemens. Les Latins
avoient attaché à ce mot une fignification,
toute différente , puifqu'ils défignoieot par-
là une forte de robe épaiffe & grofliere dont
les athlètes fe couvroient après la lute , le
pugilat , la courfe , la paume & les au-
tres exercices violens , pour fe garantir du
froid ^ au moins Martial, dans une épi-
gramme , attribue-t-il toutes ces propriétés
au vêtement qu'il nomme endromida. Charnu
bers. (G)
ENDUIRE , v. a&. ( Gramm. > c'eft éten-
dre fur la furface d'un corps une épaiffeur
plus ou moins confidérable d'une fubftance
molle.
END
Enduire un Bassin , ( Hyâraul. ) On
enduit un bajfin neuf de ciment d'un bon
pouce de mortier fin , que l'on frotte avec
de l'huile. Si ce badin a été gâté par la ge-
lée , ou long-temps fans eau , on peut le
repiquer au vif, & X enduire de trois à qua-
tre pouces de cailloutage , &: d'un enduit
général de ciment. {K)
Enduire, v. neut. (Fauconn.) fe dit
de l'oifeau quand il digère bien fa chair.
Cet oifeau enduit bien , c'eft-à-dire , qu'il
digère bien.
ENDUIT, en Architecture , compofition
faite de plâtre , ou de mortier de chaux &
de fable , ou de chaux &c de ciment , pour
revêtir les murs. Il faut entendre dans les
auteurs , par albarium opus , X enduit de lait
de chaux à plusieurs couches j par arena-
tum , le crépi où le fable eft mêlé avec la
chaux \ par marmoratum , le ftuç '-, & par
teclorium opus , tout ouvrage qui fert cXen-
duit , d'incruftation & de revêtement aux
murs de maçonnerie. ( P )
Enduit , en Peinture, fe dit des couches
qu'on applique fur les toiles , fur les mu-
railles , le bois , &c. On ne fe fert guère
de ce terme } ou dit couche.
ENDYMATIES ( les ) , Littérat. Les
endymaties étoieut des danfes vêtues qui fe
danfbient à Argos , au fon de certains airs
compofés pour la flûte. Plutarque en parie
dans fon traité de la mufique , mais fi
laconiquement que l'on n'en fait pas da-
vantage j ainfi l'on ignore fî ces danfes
entroient dans le culte religieux, fi elles
étoient militaires , ou fi elles n'avoient lieu
que dans les divertifTemens , foit publics,
foit particuliers. Quelle qu'en ait pu être
la deftination , il eft toujours certain que
les danfèurs y étoient vêtus \ au lieu que
les Lacédémoniens ,. voifins des Argienr,
& leurs maîtres dans l'art militaire , dan-
fbient tout nus dans leurs gymnopédies.
Article de M. le Chevalier DE J A li-
cou r t.
ENDYMION , ( Myth. ) fils dVEthlius
& de Chalice , félon Apollodore , régna
dans l'Elide. Il étoit d'une fi grande beauté ,
que la Lune en devint amoureufe. Jupiter
lui ayant laifîe le choix de demander ce
qu'il aimeroit le mieux , il demanda de
dormir toujours 6c d'être immortel , fans |
E N E 413
vieillir jamais dans cet état. C'étoit fur une
montagne de Carie , appellée Lathmcs , qu'il
dormoit, & la Lune venoit baifer ce dor-
meur éternel. Ce fait eft trop comique pour
que Lucien manquât à s'en divertir : il l'a fait
dans un dialogue entier. On croit que cette
fiction n'eft fondée que fur ce quEndymion
fe retiroit fouvent dans un antre qui étoit
fur une montagne de la Carie , pour aller
obfèrver les mouvemens de la Lune j ck
que c'eft pour nous apprendre qu'il y mé-
ditoit continuellement , qu'on a dit qu'il
dormoit toujours , & que la Lune profi-
toit de ce fommeil pour le venir embrafTer.
Paufanias , in Eliac. parle autrement de
ce prince. « La fable , dit -il , raconte
» quEndymion fut aimé de la Lune , &
» qu'il en eut cinquante filles : mais une
» opinion plus probable , c'eft qu'il époufa
» Aftérodie , d'autres difent Chromie ,
» fille d'Itonus & petite-fille d'Amphic-
» tyon } d'autres , Hyperipné , fille d'Arcas ,
» & qu'il eut trois fils , Péon , Epéus &
» Etolus , & une fille nommée Eurydice,.,
» Les Eléens & les Héraciéotes ne s'ac-
» cordent pas fur la mort cXEndymion ;
» car les Eléens montrent fon tombeau
» dans la ville d'Olympie , & les Héra-
■» cîéotes , qui font voifins de Milet , di-
» fènt quEndymion fe retira fur le mont
» Lathmos. En effet , il y a un endroit
» de cette montagne que l'on nomme en-
» core aujourd'hui la grotte d'Endymion. »
Les dernières paroles de Paufanias font
croire qu'il y a eu deux Endymion , l'un
roi d'Elide , & l'autre ce beau berger de
Carie. , (-+-)
ÉNÉE, ( Myth. ) fils de Vénus & d'An-
chife , étoit du fang royal de Troye par
AfTaracus , fils cadet de Tros , fondateur
de Troye. Vénus avoit eu ce fils d'Anchife
lorfqu'il paiffoit hs troupeaux de fon père
fur le mont Ida. Durant le fiege de Troye ,
Enée fe battit contre Diomede , & aîloit
fuccomber , lorfque Vénus le déroba à la
vue de fbft ennemi , &: le mit entre les
mains d'Apollon , qui l'emporta au haut
de la citadelle où il avoit un temple ,
penfa lui-même fes plaies } & , après lui
avoir rendu toutes fès forces , & infpiré
une valeur extraordinaire , il le fit reparoître
à la tête de fes troupes. Enée fe battit
4T4 E N E
encore contre Achille. Le combat, dit Ho-
mère , fut long & douteux •; à la fin le
prince Troyeu alloit fuccomber , lorfque
Neptune , à la prière de Vénus , l'enleva
du combat. La nuit de la prife de Troye ,
Enée entra dans la citadelle d'Ilium , & la
défendit jufqu'à l'extrémité j enfin , ne
pouvant la fàuver , il fortit la nuit par une
fauflè porte avec tout ce qu'il y avoit de
Troyens renfermés avec lui , &: fe battit
en retraite jufqu'au mont Ida , où , s'étant
joint à ceux des Troyens qui avoient
échappé de l'embrafement , il raffembla
une flotte de vingt vailleaux , fur laquelle
il s'embarqua pour fe tranfporter avec fa
colonie en Italie. Le poème de. Virgile a
tout-à-fait rétabli la réputation d'Enée , que
bien des gens étoient fort éloignés aupa-
ravant de regarder comme un héros j on
le regardoit , au contraire , ainfî qu'Auté-
nor , comme un malheureux qui avoit
livré fa patrie aux Grecs. En effet , étoit-il
poflible que , finis quelque intelligence avec
les Grecs , maîtres du pays , ces deux
hommes eufTent pu , en paix , équiper des
vaifTeaux fous leurs yeux pour fe retirer
en Italie. D'ailleurs , on a dit que l'on mit
des gardes dans les maifons de ces deux
traîtres , qui ne furent point pillées } &
que , quand on partagea les dépouilles , on
leur rendit tout ce qui leur appartenoit ,
& que ce fut par-là qu Enée fe vit poffef-
feur du Palladium qu'il apporta en Italie.
Enée , d'ailleurs , étoit méprifé de Priam ,
quoiqu'il fût fon gendre j & ce fut une
raifon de fa trahifon :, il voulut fe venger :
quoi qu'il en fbit , il arriva en Italie après
fept ans de navigation , & fat bien reçu
de Latinus , roi des Aborigènes , qui s'allia
avec Enée , & en fit fon gendre & fbn
fucceffeur. Enée , après la mort de Latinus ,
régna fur les Troyens & fur les Aborigènes ,
qui ne firent plus qu'un même peuple fous
le nom de peuple Latin. Il eut des guerres
à foutenir contre fes voifins :, &, dans un
combat contre les Etruriens , il perdit la
vie âgé feulement de 38 ans. Comme on
lie trouva point fon corps , on dit que
Vénus , après lavoir purifié dans les eaux
du fleuve Numicus , où il s'étoit noyé ,
l'avoit mis au rang des dieux. On lui éleva
un tombeau fur les bords du fleuve, &
EN E
on lui rendit d?- -■ la fuite les honneurs
divins fous le i, ,m de Jupiter Indigete:
Virgile dit qu Enée , en arrivant en Italie ,
alla confulter la iibylle de Cumes , qui le
conduifit dans les enfers & dans les champs
élyfées , où il vit tous les héros Troyens ,
& £on père qui lui apprit ce qui devoit
arriver à toute fa poftérité :, épifode de
l'invention du poè'te. Les hiftorieus rap-
portent un autre fait merveilleux : Enée
avoit eu ordre de l'oracle de s'arrêter en
Italie , à l'endroit où une truie blanche
mettrait bas fes petits : lorfqu-'il y fut ar-
rivé , comme il fè préparoit à offrir une
truie eu facrifice , la bête s'échappa des
mains des facrificateurs , & s'enfuit du côté
de la mer. Enée , fè fouvenant de l'oracle ,
la fuivit jufqu a ce qu'elle s'arrêta dans un
lieu fort élevé , d'où il entendit une voix
fortant d'un bois voifin , qui lui dit que
c'étoit là qu'il devoit bâtir une ville , &
qu'après y avoir demeuré autant d'années
que la truie auroit fait de petits , les deftins
lui donneroient un établiffement plus con-
fidérable. Enée obéit , & bâtit la ville de
Lavinium. Il y a fur Enée une autre tra-
dition , appuyée fur d'allèz fortes conjec-
tures , & fur le témoignage de pluiieurs
hiftorieus , c'eft que la ville de Troye ne
fut point détruite j qu Enée la garantit du
pillage & du feu , s'il ne la livra pas lui-
même aux Grecs } & qu'il y régna fort
long-temps , comme Homère , Ionien d'ori-
gine^ voifin des Troyens , le fait prédire à
Neptune dans l'Iliade } parce que, du temps
de ce poè'te , la poiierité déEnée régnoit
peut-être encore fur cette ville , & qu'il
vouloit lui être agréable en faifant prédire
au dieu de la mer ce qu'il voyoit de fes
propres yeux, (-f-)
ENEMIE ( Sainte), Géogr. moi. pe-
tite ville du Gevaudan en France.
ENEOREME, f m. {Médecine.)
ivx.iapw.ai } c'eft , félon Hippocrate & les
autres médecins Grecs , la partie hétéro-
gène des urines gardées un certain temps ,
qui paroît diftiuguée par plus d'opacité ,
& qui eft comme fufpendue entre la fur-
face de ce fluide excrémentiel , ôt le fond
du vafe dans lequel il eft contenu.
Si la matière de Vénéoréme fè tient à
la partie fupérieure de l'urine , elle eifc
E NE
appellée par cet auteur , Epid. lib. III ,
f/slionfov , fublimamcntum : fi elle fè fou-
tient dans le milieu , fous la forme de nuage,
il la nomme tiçiw , nubecula : fi elle eft
plus pefante & tend vers le fond du vafe ;
fi elle paroît avoir plus de confîftauce &
reffemble à la matière (permatique , il
lui donne le nom de yMHÏTtt , gcràturœ
fimilis.
Ces différens énéorcmes fout compofés
de parties huileufes & d'un fable plus ou
moins atténué , de forte qu'il eft plus ou
moins léger, &: fe tient plus ou moins
élevé dans l'urine. Selon Boerhaave , com-
ment, infiituu §. 382 , la nubéculc eft
principalement formée de fèl muriatique.
Il dit avoir obfervé que ceux qui ont vécu
pendant long-temps d'alimensfaiés , & n'ont
pas bu beaucoup , comme les matelots après
des voyages de long cours , rendent des
urines dans lefquelles on voit toujours la
nubécule. Si on la confiderc avec le microf-
cope , on y diftingue les parties du fel
marin.
Pour ce qui eft des préfaces que l'on
peut tirer de Yénéoréme , par rapport à fes
différences de confiftance &: de couleur.
Voyei Urine. (D)
ENEOSTIS , ( Hift. nat. ) pierres qui
reffemblent à des os pétrifiés. Boëce de Boot
]es regarde comme une efpece de la pierre
nommée ojfifragus lapis. 'Voye[ Bcëîius de
Boot j de lapidib. &c. Il y en a qui font
d'une grandeur extraordinaire , & qu'on
croit avoir appartenu à des élephans dont
les os ont été pétrifiés fous la terre. ( — )
ENERGETIQUES , f. m. pi. terme dont
on s eft fervi quelquefois dans la phyfique.
On a appelle corps on particules énergétiques ,
les corps ou particules qui paroiffent avoir ,
pour ainfî dire , une force & une énergie
innée , & qui preduifent des effets diffé-
rens , félon les différens mouvemens qu'elles
ont } ainfî , dit-on , on peut appeller les
particules du feu & de la poudre à canon ,
des corpufcules énergétiques. Au refte ce mot
n'eft plus en ufage. (G) ■
ENERGIE , FORCE , fynon. ( Gramm. )
Nous ne confidérerons ici ces mots qu'en
tant qu'ils s'appliquent au difeours } car dans
d'autres cas leur différence faute aux yeux.
H femble qu énergie dit encore plus que
E NE 4IJ
force ; & qu' 'énergie s'applique principale-
ment aux difeours qui peignent , & au
caractère du ftyle. On peut dire d'un ora-
teur qu'il joint la force du raisonnement
à Yér.ergie des expreilions. On dit auflî
une peinture énergique. & des images fortes.
ENERGIQUES , f. m. pi. ( Hift, eccléf. )
nom qu'on a donné dans le xvj îlecîe à
quelques facramentaires , difciples de Calvin
& de Meîanchton , qui foutenoient que
l'Euchariftie n'étoit que l'énergie , c'eft à-
dire la vertu de Jefus-Chrift , & ne con-
tenoit pas réellement fon corps & fon fang.
Voyei Calvinisme. (G)
ENERGUMENE , fubft. m. terme ufité
parmi les théologiens & les fcolaftiques ,
pour lignifier uneperfonnepojfédée du démon ,
ou tourmentée par le malin efprit. Voye-z
Démon.
Papias prétend que les énergumenes font
ceux qui contrefont les a&ions du diable ,
& qui opèrent des chofes Surprenantes qu'on
croit furnatureiles. Il ne paroît pas fort per-
fuadé de leur exiftence 3 maisVégiife l'ad-
met , puifqu'elle les exorcife. Le concile
d'Orange les exclud de la prêtrife , ou les
prive des fonctions de cet ordre , quand la
poife/îîon eft poftérieure à leur ordination.
Chambcrs. (G)
ENERVATION , f. f. terme dont on fe
fert en anatomie pour exprimer les tendons
qui fe remarquent dans les différentes parties
des mufcles droits du bas-ventre. Voyez
Droit.
Les fibres des mufcles droits de l'abdo-
men ne vont pas d'une extrémité de es mu£
cle à l'autre ; mais elles font entre-coupées
par des endroits nerveux que les anciens
ont appelles éntrvations , quoiqu'ils foient
de véritables Rendons. Voye{ Tendon.
Leur nombre n'eft pas toujours le même ,
puifque les uns eu ont trois , d'autres
quatre , &c. (L)
Enerva tton, enervat'w , eft plus un
terme de médecine que de l'ufage ordinaire '■,
il fïgnifie à> peu-près la même chofe que
délibation , aff'oiblijfemcnt. On emploie en
François le verbe énerver plus communé-
ment que fon fubftantif , pour exprimer les
effets de la débauche du vin , des femmes ,
qui rend les hommes qui s'y adonnent x
4i6 E N E
iolblcs , débiles , énervés. Voye\ DÉBI-
LITÉ , FOIBLESSE.
Le mot éncrvation eft compofé de nerf,
nèrvus , & de e privatif. Nerf eft. là pris dans
le fens du vulgaire , qui appelle de ce nom
les tendons & les mufcles même ; ainfi on
dit d'un homme mufculeux qu'il eft ner-
veux : on dit par conséquent d'un homme
nerveux , qu'il eft fort , vigoureux j & au
contraire d'un homme exténué , ufé , qu'il
eft énervé , fur-tout quand l'affoibliliement
provient des excès mentionnés.
Enervation , dans cette lignification , eft
donc ce que les Grecs appellent ïkkv<jiç ,
virium prof ratio. C'eft un abattement de
forces , une langueur dans lexercice des
fondrions. On reftreint même quelquefois
encore plus le fèns du mot énerver , pour
exprimer l'action d'affbibiir , qu'opère une
trop grande & trop fréquente répétition de
l'acte vénérien, ou del'effufion de la liqueur
fiminale , excitée par quelque moyen que
ce foit \ &: on fè fert du mot énervé , pour
indiquer celui qui eft afFoibli par ces caufes :
ainli on dit d'une femme voluptueufè qui a
un commerce aflidu de galanterie , & qui
excite fon amant à des excès fréquens ,
quelle énerve cet homme. On dit aufîi de
bien des jeunes gens quV/5 s énervent par la
mafiupration , lorfqu'ils fe livrent avec ex-
cès à ce pernicieux exercice. Voye[ Se-
mence , Mastupratton. (d)
ENERVER , v. adt. {Man. Maréckall.)
opération pratiquée dans l'intention de di-
minuer le volume de l'extrémité inférieure
de la tête du cheval , & dans le deffein de
remédier à l'imperfection de fes yeux.
Il n'eft queftion que de le priver à Cet
effet d'une partie que la nature ne lui a pas
fans doute accordée en vain , mais que les
maréchaux extirpent malgré l'utilité dont
elle peut lui être.
Cette partie n'eft autre chofè que les
mufcles rcîeveurs de la lèvre antérieure.
Leur attache fixe eft au deffous de l'orbite,
dans l'endroit où fe joignent l'os angulaire ,
l'os maxillaire , & l'os zigomatique. De là
ils defcendent le long des nafeaux , & dès
la partie moyenne ils fe changent chacun
en un tendon qui à fon extrémité s'unit
avec celui du côté oppofé , en formant une
eipece d'aponévrofe qui fe termine dans le
' EN E
milieu de la lèvre. Ils différent de tous les
autres mufcles deftinés à mouvoir ces por-
tions de la bouche , en ce qu'ils composent
un corps rond qui n'eft point cutané , 8c
qui n'a aucune adhérence à la peau.
Quoi qu'il en foit , on ouvre les tégu-
mens de l'origine de chaque tendon , en
les fouleve enfuite avec la corne de chamois \
après qud on les infère l'un & l'autre dans
un morceau , de bois fendu , ou dans un
inftrument de fer imaginé pour cet ufage.
On pratique de plus d'autres ouvertures
un peu au deifus de leur réunion : là on
iucife } & en tournant les deux bâtons , ou
finflrument dans lefquels ils font pris Se
arrêtés , on attire en dehors la portion cou-
pée , & on les coupe de même dans le haut.
Quelques maréchaux font d'abord leur in-
cilion en haut , &. les retirent par les ou-
vertures inférieures.
Je tenterois vainement de vanter ici l'é-
tendue du génie & des lumières de ceux
qui ont eu la première idée de cette opé-
ration j & je crois que le détail que j'en ai
fait prouveroit plutôt au contraire que l'igno-
rance feule ofe tout , & que les chevaux
ne doivent point être compris dans la ca-
tégorie des animaux , qu'un homme d'ef-
prit de ce fiecle félicitoit de n'avoir point
de médecin, (e)
ENFAITER , v. a&. en Architeclure ;
c'eft couvrir de plomb le faite des combles
d'ardoifes } ou arrêter des tuiles faîtières
avec des arrêtes , fur ceux qui ne font cou-
verts que de tuile. (P)
ENFAITEMENT , f. m. terme de plom-
bier 3 ce font des morceaux de plomb de
différentes figures & garnis de divers orne-
mens , que les plombiers placent fur les
couvertures d'ardoifes , pour en garnir les
faîtes. Les enfaîtemens contiennent plu fleurs
pièces, comme des brifiers , desbourfeaux,
desmembrons , des bavettes, des amufiires ,
& autres.
ENFANCE, f. f. {Médecine) C'eft la
première partie de la vie humaine , félon
la divifîon que l'on en fait en différens
âges , eu égard à ce qu'elle peut durer
naturellement } ainfi on appelle enfance l'es-
pace de temps qui s'écoule depuis la nai£
fance jufqu'à ce que l'homme foit parvenu
I à avoir l'ufage de la raifon, c'eft-à-dire , à
l'âge
ENF
l'âge de fept à huit ans. Fby. Enfant , Age.
Le bonheur dont on peut jouir dans ce
monde , fe réduit à avoir l'efprit bien réglé
Se le corps en bonne difpofition : mens fana
incorpore fano , dit Juvénal , fat. x. ainfî
comme il faut pofleder ces deux avanta-
ges , qui renferment tous les autres , pour
n'avoir pas grand'chofe à defîrer d'ailleurs ,
on ne fauroit trop s'appliquer , pour le bien
de l'humanité , à rechercher les moyens
propres à en procurer la confervation ;
îorfqu'on en jouit , à les perfectionner autant
qu'il eft pofîïble , Se à les rétablir Iorfqu'on
les a perdus.
C'eft à l'égard de l'efprit que l'on trouve
bien des préceptes concernant l'éducation
des enfans : il en eft peu concernant les
foins que l'on doit prendre du corps pen-
dant l'enfance : cependant quoique l'efprit
foit la plus confïdérable partie de l'homme ,
& qu'on doive s'attacher principalement à
le bien régler , il ne faut pas négliger le
corps , à caufe de l'étroite liaifon qu'il y a
entr'eux. La difpofition des organes a le
plus départ à rendre l'homme vertueux ou
vicieux , fpirituel ou idiot.
Il eft donc du refïbrt de la médecine
de preferire la conduite que doivent tenir
les perfonnes chargées d'élever les enfans ,
Se de veiller à tout ce qui peut contribuer
à la confervation & à la perfection de leur
fanté ; à leur faire une conftitution qui foie
le moins qu'il eft pofîïble fujette aux ma-
ladies. C'eft dans ce temps de la vie , où
le tiffu des fibres eft plus délicat , où les
organes font le plus tendres , que l'économie
animale eft le plus fufceptible des chan-
gemens avantageux ou nuifîblesconféquem-
ment au bon ou au mauvais effet des
chofes néceflaires , dont l'ufage ou les im-
prefïïons font inévitables ; ainfî il eft très-
important de mettre de bonne heure à
profit celte difpofition , pour perfectionner
ou fortifier le tempérament des enfans ,
félon qu'ils font naturellement robuftes ou
foibles.
Tous ceux qui ont écrit fur ce fujet ,
s'accordent à peu près à propofer dans cette
vue une méthode , qui fe réduit à ce peu
de règles très-faciles à pratiquer ; favoir ,
de ne nourrir les enfans que de viandes les
plus communes ; de leur défendre l'ufage
Tome XII.
ENF 4r7
du vin Se de toutes les liqueurs , fortes ; de
ne leur donner que peu ou point de mé-
decines y de leur permettre de refter fou-
vent au grand air ; de les lailler s'expofèr
eux-mêmes au|foleil , aux injures du temps,
de ne pas leur tenir la tête couverte ; d'ac-
coutumer leurs pies au froid , à l'humi-
dité , de leur faire prendre de l'exercice ;
de les laifïèr bien dormir , fur-tout dans les
premières années de leur vie ; de les faire
cependant lever de bon matin ; de ne leur pas
faire des habits trop chauds Se trop étroits ;
de leur faire contracter l'habitude d'aller à
la felle régulièrement ; de les empêcher
de fe livrer à une trop forte contention d'ef-
prit , de ne l'exercer d'abord que très-mo-
dérément , Se d'en augmenter l'application
par degrés. En fe conformant à ces règles j uf-
qu'à l'habitude , il n'y a prelque rien que le
corps ne puifTe endurer , prefque point de
genre de vie auquel il ne puifïè s'accoutumer.
C'eft ce que l'on trouve plus amplement éta-
bli dans l'article Hygiène , où font expli-
quées les raifons fur lefquelles eft fondée cette
pratique. Voye^ auffi l'ouvrage de Locks
fur l'éducation des enfans , traduit de l' An-
glois par M. Cofte. (d)
* Enfance de Jesus-Christ ( Filles
de l' ) Hijl. eccléj. congrégation dont le but
étoit l'inftitution de jeunes filles , Se le fe-
cours des malades. On n'y recevoit point
de veuves : on n'époufoif la maifon qu'après
deux ans d'eflai : on ne renonçoit point
aux biens de famille en s'attachant à l'infti-
tut : il n'y avoit que les nobles qui puffent
être fupérieures. Quant aux autres emplois ,
les roturières y pouvoient prétendre ; il y
en avoit cependant plufieursd'abaifïées à la
condition de fuivahtes,defemmes-de-cham-
bre , Se de fervantes. Cette communauté
bizarre commença à Touloufe en 1657. Ce
fut un chanoine de cette ville qui lui donna
dans la fuite des réglemens qui ne réparè-
rent rien ; on y obferva au contraire d'en
bannir les mots de dortoir , de chauffoir ,
de réfectoire , Se autres qui fentent le mo-
naftere. On ne s'appelloit point feturs. Les
filles de l'enfance de Jefus prenoient des
laquais, descochers ; mais il falloir que ceux-
ci fu fient mariés 3 Se que les autres n'euf*
fent point fervi de filles dans le monde. Elle»
ne pouvoient choifir un régulier pour con-
4i'R E N F
feffeur. Le chanoine de Touloufe^ foutenant
concre toute remontrance la fagefle profonde
de fes réglemens , 8e n'en voulant pas dé-
mordre j le roi Louis XIV cafla l'inftitut ,
8e renvoya les filles de l'enfance de Jefus-
Ckrifl chez leurs parens. Elles avoient alors
cinq ou fïx établi flemens 3 tant en Provence
qu'en Languedoc.
ENFANT , G m. fils ou fille , ( Droit
nai. Morah. ) relation de fils ou de fille à
fes père 8c mère , quoique dans le droit
Romain le nom d' enfant comprenne auffi
les petits-fils foit qu'ils defeendent des
mâles ou des femelles.
Les enfans ayant une relation très-étroite
avec ceux dont ils ont reçu le jour , la
nourriture 8c l'éducation , font tenus par
ces motifs à remplir vis-à-vis de leurs père
& mère des devoirs indifpenfables , tels que
la déférence , l'obéiflance , l'honneur , le
refpect ; comme auffi de leur rendre tous
les fervices , 5c leur donner tous les fecours
que " peuvent infpirer leur fituation 8>c leur
reconnoiflance.
C'eft par une fuite de l'état de foiblefïe
Se d'ignorance où naillent les enfans , qu'ils
fe trouvent naturellement alTujettis à leurs
père & mère, auxquels la nature donne tout
le pouvoir néceflaire pour gouverner ceux
dont ils doivent procurer l'avantage,
Il réfulte de là que les enfans doivent
de leur côté honorer leurs père Se mère en
paroles 8e en effets. Ils leur doivent encore
ï'obéifïance , non pas cependant une obéif-
fance fans bornes , mais aullî étendue que
le demande cette relation , 8c auffi grande
que le permet la dépendance où les uns 8c
les autres font d'un fupérieur commun. Ils
doivent avoir pour leurs père 8e mere des
fentimens d'affection , d'eftime & de refpect,
8e témoigner ces fentimens par toute leur
conduite. Ils doivent leur rendre tous les
fervices dont ils font capables , les confeiller
•dans leurs affaires , les confoler dans leurs
malheurs , fupporter patiemment leurs mau-
vaifes humeurs 8e leurs défauts. Il n'eft point
d'âge , de rang , ni de dignité , qui puiflè
difpenfer un enfant de ces fortes de devoirs.
Enfin , un enfant doit aider , aflifter , nourrir
fon père &e fa mere , quand ils font tombés
dans le befoin 8e dans l'indigence •> 8e l'on
a loué Selon d'avoir coté d'infamie ceux
E N F
qui manqueroient à un tel devoir , quoique
la pratique n'en foit pas auifi fou vent nécef-
faire que celle de l'obligation où font les
pères 8c mères de nourrir 8c d'élever leurs
enfans.
Cependant pour mieux comprendre la
nature 8c les juftes bornes des devoirs dont
nous venons de parler , il faut diftinguer
fbigneufement trois états des enfans , félon
les trois temps ditîerens de leur vie.
Le premier eft lorfque leur jugement eft
imparfait , 8e qu'ils manquent de dilcer-
nement , comme dit Ariffote.
Le fécond , lorfque leur jugement étant
mûr , ils font encore membres de la famille
paternelle ■> ou , comme s'exprime le même
phiiolophe , qu'ils n'en font pas encore fé-
parés.
Letroifieme 8c dernier état , eft lorfqu'ils
font fortis de cette famille par le mariage
dans un âge mûr.
Dans le premier état , toutes les actions
des enfans (ont loumifes à la direction de
leurs père 8e mere ; car il eft j ufte que ceux
qui ne font pas capables de fe conduire eux-
mêmes , foient gouvernés par autrui ; 8e il
n'y a que ceux qui ont donné la naifïance à
un enfant , qui foient naturellement chargés
du foin de le gouverner.
Dans le fécond état , c'eft-à-dire , lorfque
les enfans ont atteint l'âge où leur jugement
eft mûr , il n'y a que les chofes qui font de
qUelqu'importance pour le bien de la famille
paternelle ou maternelle , à l'égard def-
quelles ils dépendent de la volonté de leurs
père 8e mere ; 8c cela par cette raifon ,
qu'il eft jufte que la partie fe conforme
aux intérêts du tout. Pour toutes les autres
actions , ils ont alors le pouvoir moral de
faire ce qu'ils trouvent à propos ; en forte
néanmoins qu'alors même ils doivent tou-
jours tâcher de fe conduire , autant qu'il
eft poflible , d'une manière agréable à leurs
parens.
Cependant , comme cette obligation n'eft
pas fondée fur un droit que les parens aient
d'en exiger à la rigueur les effets , mais feu-
lement fur ce que demandent l'affection
naturelle , le refpect 8e la reconnoiffance
envers ceux de qui on tient la vie 8e l'édu-
cation , fi un enfant vient à y manquer ,
ce qu'à fait contre le gré de fes parens n'eft
E N F
pas plus nul pour cela , qu'une donation
faire par un légitime propriétaire contre les
règles de l'économie , ne devient invalide
par cette feule rai ion.
Dans le troifeme ôc dernier état , un en-
fant eft maître abfolu de lui-même à tous
égards ; mais il ne laifTe pas d'être obligé à
avoir pour (on père ôc pour fa mère , pen-
dant tout le refte de fa vie , les fentimens
d'affection , d'honneur ôc de refpeét , dont
le fondement fubiifte toujours. Il fuit de
ce principe , que les a&es d'un roi ne
peuvent point être annullés , par la raifon
que (on père ou fa mère ne les ont pas
autorifés.
Si un enfant n'acquéroit jamais un degré
de raifon fufïïfante pour te conduire lui-
même , comme il arrive aux innocens ôc
aux lunatiques de naillànce , il dépendrait
toujours de la volonté de (on père ôc de
fa mère ; mais ce (ont là des exemples
rares , ôc hors du cours ordinaire de la
nature : ainfi les liens de la fujétion des en-
fans refiemblent à leurs langes , qui ne
leur fout néceifaires qu'à caufe de la foi-
blefïe de l'enfance. L'âge qui amené la rai-
fon , les met hors du pouvoir paternel ,
ôc les rend maîtres d'eux-mêmes ; en forte
qu'ils font alors aufïi égaux à leur père &
à leur mère , par rapport à l'état de li-
berté , qu'un pupille devient égal à fon tu-
reur après le temps de la minorité réglé par
les loix.
La liberté des enfans , venus en âge
d'hommes faits , ôc l'obéiiîance qu'ils doi-
vent , avant ce temps , à leur père ôc à
leur mère , ne font pas plus incompatibles
que ne l'eft, félon les plus zélés défenfeurs
de la monarchie abfolue , la fujétion où fe
trouve un prince pendant fa minorité , par
rapport à la reine régente , à fa nourrice ,
à fes tuteurs ou à (es gouverneurs , avec le
droit qu'il a à la couronne qu'il hérite de
fon père , ou avec l'autorité fouveraine dont
il fera un jour revêtu , lorfque l'âge l'aura
rendu capable de fe conduire lui-même ôc
de conduire les autres.
Quoique les enfans , dès-lors qu'ils fe
trouvent en âge de connottre ce que de-
mandent d'eux les loix de la nature , ou
celles de la fociété civile dont ils font mem-
bres-, ne foient pas obligés de violer ces
E N F 41^
lo:x pour fatisfaire leurs parens ; un enfant
eft toujours obligé d'honorer Ion père ôc fa
mère , en reconnoi (lance des (oins qu'ilsonc
pris de lui , & rien nefauroit l'endiipcnfer.
Je dis qu'il eft toujours obligé c- 'honorer (on
père ôc fa mère , parce que la mère a au-
tant de droit à ce devoir que le père ;
jufque-là que (i le père même ordonnoit le
contraire à ion enfant , il ne doit point lui
obéir.
Mais j'ajoute en même temps ici , ÔC
très-expreflément , que les devoirs d'hon-
neur , de refpedb , d'attachement , de re-
connoiflànce , dus aux pères ôc mères , peu-
vent être plus ou moins étendus de la:
part des enfans , ielon que le père ôc ia
mère ont pris plus ou moins de foin de
leur éducation , ôc s'y font plus eu moins
facrifiés ; autrement un enfant n'a pas grande
obligation à fes parens , qui , après l'avoir
mis au monde , ont néglige de pourvoir
félon leur état à lui fournir les moyens de
vivre un jour heureufement ou utilement ,
tandis qu'eux-mêmes (e (ont livrés à leur»
plaiiirs , à leurs goûts , à leurs paiïions , à
la dirtïpation de leur fortune , par ces,
dépenfes vaines ôc fuperflues dont on vo;«t
tant d'exemples dans les pays de luxe.
" Vous ne méritez rien de la patrie , dit
» avec raifon un poëte Romain , pour lui
» avoir donné un citoyen , (i par vos foins
» il n'eft utile à la république dans la guerre
» ôc dans la paix , ôc s'il n'eft propre à
» faire valoir nos terres : »
Gratum efi , quodpatrix civem , populoque
dedifii ;
Si faci: ut pat ri ce fit idoneus , ittilis agris t
Utilis Ù bdlurum , & pacis rébus agendis.
Ju.ven.fat. xiv , jo &feq.
Il eft donc aifé de décider la queftion
long-temps agitée , (î l'obligation perpé-
tuelle où font les enfans envers leurs père
ôc mère , eft fondée principalement fur la
naiflànce , ou fur les bienfaits de l'éduca-
tion. En effet , pour pouvoir raifonnablc-
ment prétendre que quelqu'un nous ait
grande obligation d'un bien qu'il reçoit
par notre moyen , il faut avoir fu à qui
l'on donnoit ; confidérer (î ce que l'on a
fait a beaucoup coûté ; (i l'on a eu inten-
Ggg*
4io E N F
tion de rendre fervice à celui qui en a
profité , plutôt que de fe procurer à loi-
même quelque utilité ou quelque plaifir ;
û l'on s'y eft porté par raifon plutôt que
parles fens ,- ou pour fatisfaire les délits ;
enfin , fi ce que l'on donne peut être utile
à celui qui le reçoit , fans que l'on faflè
autre choie en fa faveur. Ces feules ré-
flexions convaincront ailément , que l'édu-
cation eft d'un tout autre poids, pour
fonder les devoirs des en fans envers leurs
père 5c mère , que ne Peft la naifïance.
On agite encore fur ce fujet plufieurs
queftions importantes, mais dont la plupart
peuvent eue réfolues par les principes que
nous avons établis : voici néanmoins les
principales.
i°. On demande fi les promefles & les
cngagemens d'un enfant font valides. Je
répons que les promefles & les cngage-
mens d'un erfant qui fe trouve dans le
premier état d'enfance dont nous avons
parlé , font nulles ; parce que tout confen-
tement fuppofe , i°. le pouvoir phyfique
de conlentir ; zo. un pouvoir moral , c'eft-
à-dire , l'uiage de la raifon ; 30. un ufage
férieux 5c libre de ces deux fortes de pou-
voirs. Or , les enfans qui n'ont pas l'ufage
de la raifon , ne font point dans ce cas ;
mais quand le jugement eft parfaitement
formé , il n'eft pas douteux que dans le
droit naturel , Y enfant qui s'eft engagé li-
brement à quelque chofe où il n'a point été
furpris ni tœmpé , comme à quelque em-
prunt d'argent , ne doive payer cet em-
prunt fans fe prévaloir du bénéfice des loix
civiles.
i°. On demande fi un enfant , -parvenu
à un âge mûr , ne peut pas fortir de fa fa-
mille , fins l'acquiefcement de fes père &
mère. Je répons que dans Y indépendance
de Vêi at de nature , les chefs de famille ne
peuvent pas retenir un tel enfant malgré
lui , lorfqu'il demande à fe féparer de les
païens pour vivre en liberté , 5c par des
raifons valables.
Il fuit de ce principe , que les enfans en
âge mûr peuvent fe marier fins le confen-
tement de leur père & de leur mère , parce
que l'obligation d'écouter ôc de refpecter les
confeils de fes fupérieurs n'ote pas , par
elte-même , le droit de dirpofer de ion
E N F
bien $c de fa perfonne. Je fais que le
droit des pères 5c mères eft légitimement
fondé fur leur puiflànce , fur leur amour ,
lur leur raifon ; tout cela eft vrai , tant que
les enfans font dans l'état d'ignorance , 5c
les pallions dans l'état d'iviefle : mais
quand les enfans ont atteint l'âge où fe
trouve la maturité de la raifon, ils peu-
vent difpofer de leur perfonne dans l'a&e
où la liberté eft la plus nécefîàire , c'eft-
à-dire , dans le mariage ; car on ne peut
aimer par le eccur d'autrui. En un mot ,
le pouvoir paternel confifte à élever 5c gou-
verner fes enfans , pendant qu'ils ne lont
pas en état de fe conduire eux-mêmes ;
mais il ne s'étend pas plus loin dans le
droit de nature. Foj^Pere , Mère , Pou-
VOIR PATERNEL.
30. On demande fi les enfans, ceux-là
même qui font encore dans le ventre de
leur mère , peuvent acquérir 5c conferver
un droit de propriété fur les biens qu'on
leur transfère. Les nations civilifées l'ont
ainfi établi ; de plus , la rairon 5c l'équité
naturelle autorifent cet établiflèment.
40. Enfin , on demande fi les enfans
peuvent être punis pour le crime de leur
père ou de leur mère. Mais c'eft là une
demande honteufe : perfonne ne peut être
puni rai onnablement pour un crime d'au-
trui , lorfqu'il eft lui-même innocent. Tout
mérite & démérite eftperfonnel , ayant pour
principe la volonté de chacun , qui eft le
bien le plus propre 5c le plus incommuni-
cable de la vie ; ce font donc des loix hu-
maines également injuftes 5c barbares , que
celles qui condamnent les enfans pour le
crime de leur père. C'eft la fureur defpo-
tique , dit très-bien l'auteur de l'efprit des
loix , " qui a voulu que la difgrace du père
» entraînât celle des enfans 5c des femmes :
» ils font déjà malheureux fans être crimi-
» nels 5 5c d'ailleurs il faut que le prince
» laiffe, entre l'aceufé Se lui , des fup-
» plians pour fléchir fa clémence ou pour
» éclairer fa juftice. » Article de M. le che-
valier de Jaucouft.
Enfant, (Jur/fprudence.) Outre celui
qui doit la naiflance à quelqu'un , fous
le nom d'enfant on comprend encore les
petits- enfans 5c arrière ipeùis-enfans.
La principale fin du mariage eft la pro-
E N F
création des enfans ; c'eft la feule voie légi-
time pour en avoir. Ceux qui naifîent hors
le mariage , ne font que des enfans natu-
rels ou bâtards. Chez ies Romains il y avoir
une autre forte à' enfans légitimes qui étoient
les enfans adoptifs : mais parmi nous il refte
peu de vertiges des adoptions. Vo^e^ Adop-
tion.
C'étoit une maxime chez les Romains ,
que l'enfant fuivoit la condition de fa mère
ôc non celle du père ; ce que les loix expri-
ment par ces termes , partus fequitur ven-
trem : ainli l'enfant né d'une efclave , étoit
aufïi efclave , quoique le père fût libre ; &
vice verfâ ,' l'enfant né d'une femme libre
l'étoit pareillement , quoique le père fut
efclave ; ce qui a encore lieu pour les efcla-
ves que nous avons dans les iles.
Mais en France , dans la plupart des pays
où il refte encore des ferfs ôc gens de
main-morte , le ventre n'affranchit pas ; les
enfans fuivent la condition du père.
Il en eft de même par rapport à la no-
ble flè ; autrefois en Champagne le ventre
ennoblifloit , mais cette noblelfe utérine n'a
plus lieu.
Le droit naturel fk le droit pofîtif ont
établi plufïeurs droits ôc devoirs récipro-
ques entre les père ôc mère ôc les enfans.
Les père ôc mère doivent prendre foin
de l'éducation de leurs enfans , (oit naturels
eu légitimes , & leur fournir des alimens ,
du moins jufqu'à ce qu'ils foient en état
de gagner leur vie ; ce que l'on fixe com-
munément à l'âge de 7 ans.
Les biens des père ôc mère décédés abin-
tefat (ont dévolus à leurs enfans > ou s'il
y a un teftament , il faut du moins qu'ils
aient leur légitime , ôc les enfans naturels
peuvent demander des alimens.
Les enfans , de leur part , doivent ho-
norer leurs père ôc mère , ôc leur obéir en
tout ce qui n'eft pas contraire à la reli-
gion &c aux loix. Ils font en la puifïance de
leurs père ôc mère jufqu'à leur majorité;
ôc même en pays de droit écrit , la puif-
fance paternelle continue après la majo-
rité , à moins que les enfans ne foient
émancipés.
Suivant l'ancien droit Romain , les pè-
res avoient le pouvoir de vendre leurs
enfans & de les, metuç dans l'efclavage 3 ils
E N F 4U
avoient même fur eux droit de vie & de
mort , Ôc par une fuite de ce droit bar-
bare, ils avoient aufîi le pouvoir de tuer
un enfant qui naiilbit avec quelque diffor-
mité confidérabie : mais ce droit de vie
& de mort fut réduit au droit de correc-
tion modérée , ôc au pouvoir d'exhéréder
les enfans pour de juftes caufès : il en eft
de même parmi nous , quoique les Gau-
lois eu lient auiïi droit de vie ôc de mort
fur leurs enfans. Voye^ Puissance pa-
ternelle & Émancipation.
Les mineurs n'étant pas réputés capa-
bles de gouverner leur bien , on leur donne
des tuteurs ôc curateurs ; ils tombent aufïï
en garde noble ou bourgeoife. Voye-^
Garde , Tutelle , Curatelle.
Les enfans mineurs ne peuvent fe ma-
rier fans le confentement de leurs père
ôc mère ; les fils ne peuvent leur faire les
fommations refpectueufes qu'à 3c ans, ôc
les filles à 25 , à peine d'exhérédation.
Si les père ôc mère ôc autres afeendans
tombent dans Pindigence , leurs enfans
leur doivent des alimens 5 ils doivent même ,
en pays de droit écrit , une légitime à
leurs afeendans.
Le nombre des enfans exeufe le père de
la tutelle ; trois enfans fuffifoient à Rome ,
il en falîoit quatre en Italie , ôc cinq dans
les provinces : ceux qui avoient ce nombre
à'enfans jouifloient encore de plufïeurs
autres privilèges. Parmi nous , trois enfans
exeufent de tutelle Ôc curatelle...
Par deux édits de 1666 ôc de 1667 , il
avoit été accordé des penfions ôc plufïeurs
autres privilèges à ceux qui auroient dix
ou douze enfans nés en loyal mariage ,
non prêtres , ni religieux ou religieufes , ôc
qui feraient vivans ou décédés en portant
les armes pour le fervice du roi : mais
ces privilèges ont été révoqués par une
déclaration du 13 janvier 1683.
Les enfans ne peuvent être obligés de
dépofèr contre leur père , ôc le témoi-
gnage qu'ils donnent en fa faveur eft re-
jeté : un notaire ou autre officier public
ne peut même prendre fes enfans pour
témoins inftrumenraires.
Le père eft civilement refponfàbîe du
délit de fes enfans étant en fà puifïance ;
ancieauement les enfans étoient auiïi punis
4i2 ENF
pour le délit de leur père. Taiïillon } roi
de Bavière , ayant été condamné par le
parlement , en 7S8 , fut renfermé dans
un monaftere avec fon fils , qui fut jugé
coupable par le malheur de fa ieule naif-
fance.
Préfentement les enfans ne (ont point
punis pour le délit du père , iî ce n'eft pour
crime de lefe-majefté : lorfque Jacques
d'Armagnac , duc de Nemours , eut la tête
tranchée le 4 août 1 477 , fous Louis XI ,
on mit fous l'échafaud les deux enfans du
coupable , afin que le fang de leur père cou-
lât fur eux.
Chez les Romains , les enfans des dé-
curions étoient obligés de prendre le
même état que leur père , qui étoit une
charge très onéreufe ; au lieu que parmi
nous il eft libre aux enfans d'embraifer
tel état que bon leur femble, &c. Voye^
la traité des minorités , tutelles & curatelles,
ch.xj.(A)
Enfant adoptif , eft celui qui eft confi-
déré comme V enfant de quelqu'un , quoi-
qu'il ne le foit pas réellement , au moyen
de l'adoption que le père adoptif a faite de lui.
Vcye^ Adoption. {A)
Enfant adultérin , eft celui qui eft
ne d'un commerce adultérin , (oit que
l'adultère foit fimple ou double s c'eft-à-
dire , des deux côtés. (A)
Enfant âgé ou en âge , lignifie celui
qui eft majeur , foit de majorité parfaite ,
ou de majorité féodale ou coucumiere ;
ce qui doit s'entendre fecundùm fubjeâam
meteriam. (A).
Enfant en bas âge , é& celui qui eft
au detïbus de l'âge de puberté. (A)
Enfant bâtard , c'eft celui qui eft né
hors le mariage. Voye^ Adultère , Bâ-
tardise & Inceste. {A)
Enfant conçu , eft celui qui eft dans le
iein de la mère , 6c qui n eft pas encore né.
U) r ,
Enfant émancipe. V. ci-dejfus Éman-
cipation.
Enfant exposé , ou comme on l'ap-
pelle vulgairement , un enfant trouvé , eft
un enfant nouveau né ou en très-bas âge
& hors d'état de fc conduire , que lès
parens ont expofé hors de chez eux , foit
pour ôter au public la coiinoiftance qu'il
ENF
leur appartient , foit pour fe débarra (Ter de
la nourriture , entretien & éducation de cet
enfant.
Cette coutume barbare eft fort ancienne \
car il étoit fréquent chez les Grecs & les
Romains que les pères expofoient leurs
enfans : cette expofition fut même permife
fous l'empire de Diocletien , de Maximica
6c de Conftantin , 6c cela fans doute ,
pour empêcher les pères qui n'auroient pas
le moyen de nourrir leurs enfans , de les
vendre.
Néanmoins Conftantin voulant empê-
cher que l'on n'expofât les enfans nouveau-
nés , permit aux pères qui n'auroient pas
le moyen de les nourrir , de les vendre , à
condition que le père pourroit racheter fort
fils , ou que le fils pourroit dans la fuite fe
racheter lui-même.
Les empereurs Valens , Valentinien 8c
Gratien défendirent abfolument l'expofîtion
des enfans. Il étoit permis aux pères qui
n'avoient pas le moyen de les nourrir , de
demander publiquement.
L'expofîtion de part ou des enfans eft
aufïi défendue en France par les ordon-
nances. Voye^y ci-après , Exposition.
Il y avoir anciennement devant la porte
des églifes une 'coquille de marbre où l'on
mettoit les enfans que l'on vouloit expofer ;
on les portoit en ce lieu afin que quel-
qu'un , tcuché de compafïion , fe chargeât
de les nourrir. Ils étoient levés par les mar-
guill.iers qui en dreflbient procès-verbal ;
6c cherchoient quelqu'un qui voulût bien
s'en charger ; ce qui étoit confirmé par l'au-
torité de l'évêque , 6c l'enfant devenoit ferf
de celui qui s'en chargeoit.
Quelques-uns prétendoient que ces en-
fins dévoient être nourris aux dépens des
marguilliers ; d'autres , que c etoit à la
charge des habitans : mais les réglemens
ont enfin établi que c'eft au feigneur haut-
jufticier du lieu à s'en charger , comme
jouiflànt des droits du file fur lequel cette
charge doit être prife ; 6c par cette raifbn ,
dans les coutumes telles que celle d'Anjou
6c autres , où les moyens 6c bas-jufticiers
prennent les épaves , les déshérences & la
fuccefïion des bâtards ; la nourriture des
enfans expofés doit être à leur charge.
Dans les endroits oj il y a de*s hôpitaux
E N F
établis pour les enfans trouvés ou expofés ,
on y reçoit non - feulement ceux qui font
expofés , mais auiïï tous enfans de pauvres
gens , quoiqu'ils aient leurs père 8c mère
•vivans; à Patis , on n'en reçoit guère au
defïus de quatre ans.
Les enfans expofés ne font point réputés
bâtards ; 8c comme il y en a fouvcnt de
légitimes qui font ainfi expofés , témoin
l'exemple de Moïfe , on prélume dans
le doute pour ce qui eft de plus favo-
rable.
On poulie encore cette préfomption plus
loin en Ef pagne ; car à Madrid les enfans
expofés font bourgeois de cette ville &i ré-
putés gentilshommes , tellement qu'ils peu-
vent entrer dans l'ordre à'Habfito. Voyc^
Fevret de l'abus , Uv. VII , ch. ix , n°. J ;
le traité des minorités de Mêlé , pag. iq^ ;
le traité des fiefs de Poquet de Livoniere ,
liv. VI, ch. v. ( A )
Enfans de Famille , font les fils& filles
qui font en la puillance de leur perc. Vcye^
Puissance paternelle. ( A )
Enfans de France, font les enfans 8c
petits -enfans mâles &c femelles des rois : les
frères & fccurs du roi régnant 8c leurs enfans
fouillent de ce titre , mais il ne s'étend point
su delà ; leurs petits-e/7/tf/z.y ont feulement
\t titre de princes du fang.
Les filles de France ont toujours été
exclues de la couronne ; mais fous les deux
premières races de nos rois , tous les fils
partageoient également le royaume entre
eux , fans que l'ainé eût aucune prérogative
de plus que les autres. Les bâtards avoués
héritoient même avec les fils légitimes ;
chacun des fils , foit légitimes ou naturels ,
tenoit fa part en titre de royaume , & ces
différens états étoient indépendans les uns
des autres.
Le premier fils puîné de France qui n'eut
point le titre de roi , ni même de légitime ,
fut Charles de France furnommé le Jeune ,
qui fut duc de Lorraine.
Sous la troifieme race , fut introduite la
coutume de donner des apanages aux
puînés. Les femelles en furent exclues.
Voye-^ Apanages.
Les filles 8c petites-filles de France font
dotées en argent. Voye-i^ ci - dejfus au met
Dot.
E N F 413
Les enfans de France avoient autrefois
droit de prife. Voye^ Prise. ( A )
Enfant impubère , eft celui qui n'a
pas encore atteint Page de puberté. {A )
Enfant incestueux , eft celui qui eft
né du commerce illicite du frère '8c de la
fecur , ou du père 8c de la fille ; de la
mère 8c du fils 5 ou qui eft provenu d'un
incefte fpirituel , c'eft-à-dire , du commerce
que quelqu'un a eu avec une religieufc.
Vcye^ inceste. (A)
Enfant légitime , eft celui qui eft
provenu d'un mariage légitime , ou qui a
été légitimé par mariage fubféquent. Voye^
Mariage.
Enfant légitime , eft celui qui , étant
né dans l'état de bâtardife , a depuis été
légitimé , foit par mariage fubféquent , ou
par lettres du prince. Voye^ Légitima-
tion. ( A )
Enfant Majeur ou majeur d'ans,
eft celui qui a atteint l'âge de majorité , foit
parfaite, foit féodale ou coutumiere. Vcye^
Majorité. {A)
Enfant mâle , eft celui qui eft du fexe
mafeulin : les enfans mâles defeendans des
mâles font préférés en plufieurs cas à ceux
qui defeendent des femelles ; par exemple j
pour la fuccefïion à la couronne , il n'y a
que les mâles defeendans par mâles , qui
foient habiles à fuccéder. Dans les fubfti-
tutions graduelles , on appelle ordinaire-
ment les mâles defeendans par mâles avant
les «mâles defeendans des femelles. Voyez
Substitution. {A)
Enfant mineur , eft celui qui n'a pas
encore atteint l'âge de majorité, foit par-
faite , féodale ou coutumiere : quand on
dit mineur de 05 ans , c'eft-à-dire , qu'il
n'a pas encore atteint cet âge qui eft la ma-
jorité parfaite. Voye[ Majorité. (A)
Enfant mort-né , eft celui qui eft
mort lorfqu'il vient au monde : ces fortes
d'enfans font confidérés comme s'ils n'a-
voient jamais été ni nés, ni conçus, telle-
ment que les fuccefïions qui leur étoient
échues pendant qu'ils vivoient dans le fein
de leur mère , parlent aux personnes à qui
elles auroient appartenu fî ces enfans n'euf-
fent pas été conçus ; 8c ils ne les transmet-
tent pas à leurs héritiers , parce que le
droit qu'ils avoient à ces fuccefïions n'étoit
4H E N F
qu'une efpérance qui renferment la condi-
tion qu'ils fu lient vivans en venant au
monde. Voye^ la loi %. , au cod. de poflhum.
hcered. inflit, (A)
Enfans a naître. On comprend fous
ce terme non-feulement ceux qui font déjà
conçus , mais même ceux qui ne font ni nés
ni conçus : on peut faire une inftitution ,
foit contractuelle ou par teftament , ou une
iubftitution , ou un legs au profit des en-
fans à naître; mais l'ordonnance de 1735 ,
pour les teftamens , déclare , art. 49 , que
Pinftitution d'héritier faite par teftament
ne pourra valoir en aucun cas , fi celui ou
ceux au profit de qui elle aura été faite ,
n'étoient ni nés ni conçus lors du décès du
teftateur. On donne un tuteur aux enfans
à naître , lorfqu'ils ont quelques intérêts à
foutenir. Voye% Furgole , traité des tefla-
mens, tome I , chap. vj , fecl. l , n. $ & fuiv.
Enfant naturel , eft celui qui eft
procréé félon la nature feule , c'eft-à-dire ,
hors le mariage. Voye^ Bâtard ù Bâtar-
dise. ( A )
Enfant naturel et légitime, eft
celui qui eft procréé d'un mariage légi-
time : les enfans légitimes font ainfi appelles
dans quelques provinces , pour les distin-
guer des enfans adoptifs qui font mis au
rang des enfans légitimes , 8c ne font pas
en même temps enfans naturels. (A)
Enfans en puissance de père et de
mère , font ceux qui font encore mineurs
Se non émancipés , 8c même en pays de
droit écrit, les enfans majeurs non éman-
cipés. Voye^ Fils de famille ù Puis-
sance paternelle. {A)
Enfans (Petits,) font les enfans des
enfans. On comprend aufîl fous ce nom les
arriere-petits-e/?/Iz/z5, en quelque degré qu'ils
ibient. (A)
Enfans posthumes font ceux qui naif-
fent après le décès de leur père , quafi pofl
humatum patrem. Voye^ Posthume. (A)
Enfant du premier lit , c'eft-à-dire,
du premier mariage ; enfant du fécond
lit , c'eft du fécond mariage , 8c ainii des
autres. ( A )
Enfant pubère , eft "celui qui a atteint
l'âge de puberté ; favoir , 14 ans pour les
mâles , 8c 1 1 ans pour les filles. Voye-^ Pu-
berté. (A)
E N F
Enfant putatif , eft celui qui eft ré-
puté être procréé de quelqu'un , quoiqu'il
ne le foit pas réellement , tel qu'un enfant
adoptif ou un enfant fuppofé. ( A )
Enfant du second lit. Voye^ci-dejfus
Enfant du premier lit.
Enfant supposé , eft celui que l'on
fuppofe fauflement être né de deux per-
fonnes , quoiqu'il provienne d'ailleurs. Vi
Part & Supposition de part. ( A )
Enfans trouvés. Voye^ ci-dejfus En-
fans exposés. {A)
* Enfans , ( Hijl. anc. ) Ils étoient, ou
légitimes , ou naturels 8c illégitimes. Les
légitimes étoient nés d'un ou de plufieurs
mariages ; les illégitimes étoient , ou d'une
concubine , ou d'une fille publique , ou
d'une fille ou d'une veuve galante ; ou
d'une femme mariée à un autre , 8c adul-
térins ; ou d'une proche parente , 8c incef«
tueux.
Les Juifs defîroient une nombreufe fa-
mille ; la ftéiilité étoit en opprobre. On
diloit d'un homme qui n'avoit point d'e/z-
fans : non ejl cedificator , fed dijppator. On
mettoit le nouveau né à terre ; le père le
levoit ; il étoit défendu d'en celer la naif-
fance ; on le lavoit ; on l'enveloppoit dans
des langes. Si c'étoit un garçon , le huitième
jour il étoit circoncis. Voye^ l'article Cir-
concision. On faifoit un grand repas le
jour qu'on le fevroit. Lorfque Ion efprit
commençoit à fe développer , on lui parloit
de la loi ; à cinq ans , il entroit dans les
écoles publiques : on le conduifoit à douze
ans aux fêtes de Jérufalem ; on l'accoutu-
moit au jeûne 5 on lui donnoit un talent:
à treize ans , on l'afiujertinoit à la loi ; il
devenoit enfuite majeur. Les filles appre-
noient le ménage de leur mère ;' elles ne
fortoient jamais feules ; elles étoient toujours
voilées ; elles n'étoient point obligées à
s'inftruire de la loi. Les enfans étoient tenus
fous une obéiflance févere. S'ils s'échappoient
jufqu'à maudire leurs parens , ils étoient
lapidés. L 'enfant qui perdoit fon père pen-
dant la minorité, étoit mis en tutelle ; lorf-
qu'il étoit devenu majeur , il étoit tenu
d'obferver les 613 préceptes de Moï'fe : le
père déclaroit fa majorité en préfence de
dix témoins ; alors il devenoit fon maître :
, mais il ne pouvoit contracter juridiquement
avant
ENF
avant Pige de vingt ans. Tout le bien du
père pafloit à fes enfans mâles. Les filles
croient dotées par leurs frères , pour qui
c'étoit un fi grand devoir qu'ils fe privoient
quelquefois du nécefïàire ; la dot étoit
communément de la dixième partie du bien
paternel. Au défaut à'enfans mâles , les filles
étoient héritières -, on comptoir les herma-
phrodites au nombre des filles. Un père ,
réduit à la dernière indigence , pouvoit
vendre fa fille, fî elle étoit mineure, Se qu'il
y eût apparence de mariage entre elle Se
l'acheteur ou le fils de l'acheteur : alors
l'acheteur ne l'abaifîoit à aucun fervice bas
Se vil ; ce n'étoit point une efclave ; elle
vivoit libre , Se on lui failoit des dons
convenables.
Chez les Grecs , un enfant étoit légitime
Se mis au nombre des citoyens , lorfqu'il
croit né d'une citoyenne , excepté chez les
Athéniens , où le père Se la mère dévoient
être citoyens Se légitimes. On pouvoit celer
la nailTance des filles , mais non celle des
garçons. A Lacédémone , on préfentoit les
enfans aux anciens Se aux magiftrats , qui
faifoient jeter dans l'Apothete ceux en qui
ils remarquoient quelque défaut de confor-
mation. Il étoit défendu , fous peine de
mort, chez les Thébains , de celer un en-
fant. S'il arrivoit qu'un père fût trop pau-
vre pour nourrir fon enfant , il le portoit
au magiftrat qui le faifoit élever , Se dont
il devenoit l'efclave ou le domeftique.
Cependant la loi enjoignoit à tous indif-
tinclement de fe marier : elle puniffoit à
Sparte, Se ceux qui gardoient trop long-
temps le célibat , Se ceux qui le gardoient
toujours. On honoroit ceux qui avoient
beaucoup à'enfans. Les mères nourrifïoient ,
à moins qu'elles ne devinrent enceintes
avant le temps de fevrer , alors on prenoit
deux nourrices. Lorfqu'un enfant mâle
étoit né dans une maifon , on mettoit à
la porte une couronne d'olivier ; on y atta-
choit de la laine , fi c'étoit une fille. A
Athènes, auffi-tôt que X enfant étoit né,
on l'alloit déclarer au magiftrat , Se il étoit
inferit fur des regiftres deftinés à cet ufage ;
le huitième jour, on le promenoir autour
des foyers ; le dixième , on le nommoit Se
l'on régaloit les conviés à cette cérémonie ;
lorfqu'il avançait en âge, on l'appfcquoit à
Tome XII.
ENF 425
quelque chofe d'utile. On reflèrroitles filles,
on les aiïujettiflbit à une diète auitere ; on
leur donnoit des corps très-étroits, pour
leur faire une taille mince Se légère ; on leur
apprenoit à filer Se à chanter. Les garçons '
avoient des pédagogues qui leur montroient
les beaux arts , la morale , la mufique , les
exercices des armes , la danfe , le defîin ,
la peinture , &c. Il y avoit un âge avant
lequel ils ne pouvaient fè marier : il
leur failoit alors le confentement de leurs
parens , ils en étoient les héritiers ab
intejlat.
Les Romains accordoient au père trente
jours pour déclarer la naifTance de fon
enfant ; on l'annonçoit de la province par
des mefTagers. Dans les commencemens on
n'inferivoit , fur les regiftres publics , que
les enfans des familles diftinguées. L'ufage
de faire un préfent au temple de Junon
Lucine étoit très-ancien ; on le trouve inf-
titué fous Servius Tullius. Les bonnes
mères élevoient elles - mêmes leurs filles :
on confioit les garçons à des pédagogues
qui les conduifoient aux écoles & les ra-
menoient à la maifon ; ils paflbient des
écoles dans les gymnafes , où ils fe trou-
voient dès le lever du foleil pour s'exercer
à la courfé , à la lutte , &c. Ils mangeoient
à la table de leurs parens : ils étoient feu-
lement aflîs Se non couchés ; ils fe bai-
gnoient féparément. Il étoit honorable pour
un père d'avoir beaucoup à'enfans : celui
qui en avoit trois vivans dans Rome , ou
quatre vivans dans l'enceinte de l'Italie ,
ou cinq dans les provinces , étoit difpenfé
de tutelle. Il failoit le confentement des
parens pour fe marier , Si les enfans n'en
étoient difpenfés que dans certains cas. Us
pouvoient être déshérités. Les centumvirs
furent chargés d'examiner les caufes d'ex-
hérédation ; Se ces affaires étoient portées
devant les préteurs qui les décidoient.
L'exhérédation ne difpenfoit point Venfant
de porter le deuil. Si la conduite d'un
enfant étoit mauvaife , le père étoit en d roit ,
ou de le chafîer de fa maifon , ou de
l'enfermer dans fes terres , ou de le ven-
dre , ou de le tuer ; ce qui toutefois ne
pouvoit pas avoir lieu d'une manière des-
potique.
Chez les Germains , à peine Venfant
H hh
4i£ E N F
étoit-il né , qu'on le portoir à la rivière la
plus voifine ; on le lavoit dans l'eau froide ;
la mère le nourrifîok : quand on le fe-
vroit, ce qui fe faifoit allez tard , on
l'accoutumok à une diète dure & fimple ;
on le laifipit en toute faifon aller nu parmi
les beftiaux ; il n'étoit aucunement diftin-
gué des domeftiques , ni par conféquent
eux de lui, on ne l'en feparoit que quand
il commençoit à avancer en âge ; l'éduca-
tion continuoit toujours d'être auftere y on
le nourriilbit de fruits crus , de fromage
mou , d'animaux fraîchement tués , ùc.
on l'exerçoit à fauter nu parmi des épées
& des javelots. Pendant tout le temps
qu'il avoit pafle à garder les troupeaux ,
une chemife de lin étoit tout fon vêtement ,
&: du pain bis toute la nourriture. Ces
mœurs durèrent long-temps. Charlemagne
faifoit monter fes enfans à cheval \ /es fils
chaflbient , & fes filles filoient. On attendoit
qu'ils euflent le tempérament formé &
l'efprit mûr , avant que de les marier. Il
étoit honteux d'avoir eu un commerce
avec une femme avant l'âge de vingt ans.
On ne peut s'empêcher de trouver , dans
la comparaifonde ces mœurs & des nôtres ,
la différence de la conftitution des hommes
de ces temps & des hommes d'aujourd'hui.
Les Germains étoient forts, infatigables,
vaillans , robuftes, chafièurs , guerriers,
£'c. De toutes ces qualités, il ne nous refte
que celles qui fe foutiennent par le point
d'honneur èc l'efprit national. Les autres ,
auxquelles on exhorteroit inutilement ,
telles que la force du corps , font prefque
entièrement perdues ; & elles iront tou-
jours en s'afroibliflant , à moins que les
mœurs ne changent ; ce qui n'en: pas à pré-
fumer.
Enfans. Naijfance des enfans , ( Hi(l.
nat. & Pkyf. ) M. Derham a calculé que les
mariages produifoient , l'un portant l'autre ,
quatre enfans, non-feulement en Angleterre,
mais encore dans d'autres pays. Il eft dit
dans l'hiftoire généalogique de Tofcanede
Gamarini , qu'un noble de Sienne , nommé
JPichi , a eu de trois de fes femmes cent
cinquante enfans légitimes & naturels , &
qu'il en emmena quarante-huit à fa fuite,
érant ambafiadeur vers le pape & l'em-
pereur.
EN F
Dans un monument de l'églife des
SS. Innocens de Pans , en l'honneur d'une
femme qui a vécu quatre-vingt-huit ans ,
on rapporte qu'elle avoit pu voir jufqu'à
deux cens quatre-vingt-huit de fes enfans ,
iffus d'elle directement ; ce qui eft au
deflus de ce que M. Hakcwell rapporte de
la dame Henoy wood , femme de condition
du comté de Kent , qui croit née en i yi7 >
avoit été mariée à leize ans au feul mari
qu'elle ait eu , le iieur R. Henoy wood
de Kent, & mourut dans fa quatre vingt-
unicme année ; elle eut feize enfans , dont
trois moururent jeunes , Se un quatrième
n'eut point de poftérité ; cependant fa
poftérké montoit , à fa féconde générarion ,
à cent! quatorze ; & à la troifïeme , à deux
cents vingt-huit , quoiqu'à la quatrième elle
retombât à neuf. Le nombre total à'enfnns
qu'elle avoit pu avoir dans fa vie étoit
donc de trois cens foixante-fept y favoir , 1 6
-f- 1 14 -f- 228 H- 9 = 367 ; de façon
qu'elle pouvoit dire , comme dans les let-
tres de madame de Sévigné : Ma fille y
alk[ dire a vetre fille que la fillz de fa
fille crie. Le diftique fuivant va encore
plus loin.
123 4
Mater ait nat ce , die natee , filia , natam
S ^
Ut moneat , natee plangere , fiholam.
Enfans (Maladies tfs). L'homme
eft expofé , tant qu'il fubfifte , à une in-
finité de maux ; mais il l'éprouve d'une
manière plus marquée en naiffant év pen-
dant les derniers temps de fa vie, puifque
à peine a-t-il refpiré, qu'il commence à
annoncer fes miferes par les cris , & qu'il eft
en danger continuel de perdre une vie qui
femble ne lui être donnée que pour fouffrir :
c'eft donc avec raifon que l'on peut dire ,
d'après Pline , dans l'avant propos du fep-
tieme livre de fon hiftoire naturelle , que
l'homme ne commence à fentir qu'il exifte ,
que par les fupplices au milieu defquels il
fe trouve , fans avoir commis d'autre crime
que celui d'être né.
Ainfi , quoique les maladies fbient com-
munes à tous les hommes dans quelque
temps de la vie qu'on les coniidere , il
E N F ; E N F 417
tft évident que les enfans y font plus par- ment conftipés. Lorsqu'ils (ont parvenus à
ciculiérement fujets, à caufe de lafoiblelîè
de leur conftitution 6c de la délicatefle de
leurs organes , qui rendent leurs corps
plus fufceptibles des altérations que peuvent
cauler les choies qui les affectent inévita-
blement ; 6c , ce qui eft encore bien plus
trifte , c'eft que plus ils ont de diipoiition
à fouffrir davantage que lorfqu'ils font
dans un âge plus avancé , moins il leur eft
donné de fe préferver des maux qui les
environnent , 6c d'y apporter remède lorf-
quJils en font affectés : lis ne peuvent même
faire connoître qu'ils Souffrent , que par
des pleurs 6c des gémilîemens , qui font
des lignes très-équivoques 6c très-peu pro-
pres à indiquer le liège , 6c la nature , 6c
la violence de leurs fbuffrances ; en forte
qu'ils iemblent , à cet égard , être prefque
ians fècours 6c livrés à leur malheureux
fort.
Il eft donc très-important au genre
humain dont la confervation eft comme
confiée aux Médecins , qu'ils fe chargent ,
pour ainfl dire , de la défenle des enfans ,
contre tout ce qui porte atteinte a leur
vie ; qu'ils s'appliquent à étudier les maux
auxquels ils font particulièrement fujets; à
découvrir les lignes par lesquels on peut
connoîtrc la nature de ces maux , 6c en
prévoir les fuites; à rechercher les moyens,
les précautions par lefquels on peut les
écarter ; 6V enfin à trouver les fecours pro-
pres à les en délivrer.
Hippocrate, dans leiTJ liv. de Ces apho-
rifmes , n°. xxiv , xxv. & xxvj , fait ainfi ,
avec fi préciiîon ordinaire , l'énumération
des maladies qui font particulières aux en-
fans. Ceux qui (ont nouveau nés, dit-il , font
principalement fujet aux aphthes , aux
vomifïemens , à différentes efpeces de toux ,
aux infomnies , aux frayeurs , aux inflam-
mations du nombril , aux amas de crafîe
humide dans les oreilles , aux douleurs de
ventre ; lorfqu'ils commencent à avoir des
dents , ils éprouvent particulièrement de
fortes irritations dans les gencives , des
agitations fébriles , des convulfîons , des
cours de ventre , fur-tout lors de la fortie
des dents canines, ôc cette dernière mala-
die arrive principalement aux enfans d'un
gros volume 3 6c à ceux qui font ordinaire-
un âge plus avancé , qui s'étend depuis
deux ans jufqu'à dix 6c au delà , ils font
affligés par des inflammations des amygda-
les , des opprelïions afthmatiques , des gra-
viers , des vers ronds , afcarides , des ex-
croiilancesverruqueules , des parotides en-
flées : des ardeurs d'urine , des écrouelles ,
6c d'autres tubercules , des luxations des
vertèbres du cou : ainfi il paroît , d'après
cette expofition , que les maladies des en-
fans ne font pas les mêmes dans les diffé-
rais temps plus ou moins éloignés de la
nai (lance, & qu'elles ne les affectent pas
toujours de la même 'manière ; qu'elles
(ont de plus ou moins longue durée , 6c
qu'elles lbnt plus ou moins dangereuses ,
attendu que la différence de l'âge change
le tiiïu des parties du corps , leur donne
plus de fermeté. La différente nourriture
6c la diverfe façon de vivre , ne contri-
buent pas peu aufïl à changer la difpofî-
tion des fujets à contracter différentes ma-
ladies.
Parmi celles qui viennent d'être rappor-
tées d'après le père de la médecine , il en
eft qui le font d'abord connoître par elles-
mêmes ; mais il en eft d'autres que l'on ne
peut connoître que difficilement. C'eft
pourquoi il eft à propos d'en donner ici le
diagnoftique le plus exact qu'il eft poffible ,
quoique les (ignés foient fouvent fi cadiés
6c (1 équivoques , que les médecins les plus
pénétra ns y (ont quelquefois trompés ; car
les enfans qui ne parlent pas , ne peuvent
pas faire connoître , par le rapport de ce
qu'ils fentent, la nature de la maladie, 6c
jufqu'à quel point les fonctions (ont lélees :
on ne peut pas en j uger par l'urine , avec
quelque foin qu'on l'examine , ni par le
pouls touché avec le plus d'attention , ni par
les apparences extérieures qui font très-fbu-
vent 6c très facilement variables en bien 6c
en mal : on ne peut s'allurer de rien par
tous ces fîgnes; car l'urine des enfans , (bit
qu'ils fe portent bien ou qu'ils (oient mala-
des , eft prefque toujours épaiflè& trouble ;
6c iln'eft pas facile d'en avoir à part , parce
qu'ils la rendent ordinairement avec les gros
excrémens. Le pouls peut changer par
une infinité de caufes , être rendu ou plus
fréquent ou plus lent; en forte qu'ilpourrok
Hhh z
/
4i8 EN F
en impofer à celui qui le touche , s'il por-
toit Ton jugement fur l'état du moment
prêtent*: d'ailleurs-, il eft fouvent très-diffi-
cile de s'aflurer , deux fécondes de fuite ,
du bras des enfans qui ne cefïènt ordinai-
rement de remuer 6c d'empêcher qu'on ne
puifle fixer fes doigts fur le carpe.
Cependant le médecin , pour ne pas refter
dans l'incertitude , puifqu'il ne peut tirer
aucun indice de ces deux lignes , doit s'in-
former des afliftans , &: particulièrement
des femmes au foin desquelles les e/fans
font remis , s'ils font des cris , s'ils font
agités , inquiets , 6c s'ils paflent le jour de
la nuit fans dormir ; s'ils font par la bouche
des vents aigres ou nidoreux ; s'ils font des
efforts pour vomir ; s'ils vomifîent en effet ,
6c quelles matières ils rendent par le vo-
miflèment ; s'ils ont le hoquet , 6c s'ils font
fatigués par des mouvemens convulfifs; s'ils
touflènt 6c s'ils font oppreffés ; s'ils fe vui-
dent libt tment des ventuofités 6c des ma-
tières fécales ; quelle en eft la conliftance
& la couleur: 6c il fera d'autres queftions
de cette nature ; il n'omettra pas d'exami-
ner attentivement toute la furface du corps
de X enfant malade ,. de la tête aux pies ,
pour favoir s'il ne paroît pas en quelque
partie extérieure des rougeurs inflamma-
toires , ou quelque efpece d'exanthème : il
tâchera aulïi de lui faire ouvrir la bouche ,
6c de fentir Ci fon haleine eft bien chaude ,
s'il a des puftules dans la bouche ; s'il a les
gencives enflées ou enflammées : on peut
tirer de toutes ces chofes , comme de prin-
cipes connus , des conféquences par lef-
quelles on peut parvenir à découvrir ce qui
eft plus caché , comme la nature de la ma-
ladie , ùc.
De tout ce qui vient d'être dit fur les
moyens de connoître les maladies des enfans ,
de ceux fur-tout qui font encore à la ma-
melle, il fuit que quelque difficile qu'il
fbit d'en porter Ion jugéïnent d'après l'inf-
pection des malades , il eft cependant pofïî-
ble de fupléer à ce qui manque de ce côté-
là; ainii la plainte de ceux qui s'exeufent
du mauvais fuccès du traitement , fur l'in-
certitude du diagnoftique, n'eft pas tant
fondée fur le défaut de fymptome , que fur
la précipitation 6c l'irrégularité de la mé-
thode que l'on fuit,.
EN F
Bserhaavedans fes préleçons de-pathologie,
publiées par le docteur Haller , en recher-
chant les eau fes des maladies des enfans y
infifte fur ce qu'ils ont la tête 6c le genre
nerveux plus confidérables à proportion du
refte du corps, que les adultes. Un homme
nouveau né , qui ne pefe pas plus de douze
livres , a la tête du poids de trois livres. Les
adultes ont cette partie refpedbivement
moins grofîe à proportion qu'ils avancent
plus en âge. Il conclud de là que les maladies
propres aux enfans font prefque toutes de la
claflè des convuliives , parce que le fyftême
des nerfs étant plus étendu dans les premiers
temps de la vie que dans la fuite , il eft plus
fu!ceptible d'irritabilité , plusexpofé atout
ce qui peut l'affe&er. De mille enfans qui
pétillent , continue-t-il , à peine en voit-on
mourir un fans que des mouvemens con-
vulfifs aient précédé. La plus petite fièvre,
une dent qui a de la peine à fortir , une
légère douleur de ventre, une foible diffi-
culté d'uriner ; tout mal de cette efpece ,
qui n'affecteroit pas , pour ainfi dire , un
homme de trente ans, fait tomber un enfant
dans de violentes convuliions. Tout ce qui
peut troubler l'économie dans cette petite
machine , difpofe à cet effet.
Car comme dans l'âge tendre les parties
fblides , à caufe de leur débilité , n'agiflènt
que foiblement fut les fluides , 6c ne les
pouffent qu'avec peine dans les extrémités
des vaifïèaux , il s'enfuit que le cours du
; fang 6c des autres humeurs peut être faci-
lement ralenti , 6c que les fécrétions doivent"
être conféquemment arrêtées. Cela étant,
non-feulement les fluides augmentent en
quantité de plus en plus , mais encore ils
deviennent épais , 6c ils contractent des
qualités abfoîument étrangères & nuifibles.
De cette plénitude non-feulement il fc
forme des engorgemens & des dégénéra-
tions ultérieures d'humeurs , mais encore
il s'excite des mouvemens fpafmodiques s
par la prefTïon , le tiraillement 6c l'irritation
des nerfs des parties contenantes ; 6c la vio-
lence de ces fpafmes affectant tous les foli-
des& tous les fluides, toutes les fonctions
en font troublées ; 6c les corps délicats des
enfans , qui font très-difpolés à recevoir
même les plus petites imprefîlons , con-
tractent aifément 6c promptement , par.
E N F
tous ces effets , de très - violentes mala-
dies.
Il n'eft par confe'quent pas difficile , d Câ-
pres toutes ces altérations , d'établir les vé-
ritables eau Tes des principales maladies des
enfans. En fuppoiant , par exemple , une
abondance d'humeurs pituiteufes , fufeep-
tibles de produire des engorgemens , on
conçoit ailament comment ce vice domi-
nant peut rendre les enfans fujets aux fré-
quentes fluxions catarreufes , aux douleurs
rhumatifmales, aux embarras des poumons ;
d'où les oppreffions , les affections rheu-
matiques , afthmatiques , les déjections
liquides , les diarrhées , les tumeurs des
glandes, les amas d'ordures humides dans
les oreilles , Se autres femblables maladies.
■ En fuppofant la dépravation Se l'acrimonie
des humeurs , il eft aifé de voir pourquoi
les enfans ont de la difpofition à avoir fré-
quemment des aphthes & différentes affec-
tions exanthémateufes. Et enfin en fuppo-
fant une très-grande fenfîbilité dans le genre
nerveux , il paroît évidemment pourquoi ils
font tourmentés par de fi violentes douleurs
des parties internes , Se de fi fortes fecoufles
convulfives des parties externes -, pour peu
qu'il fe fafTe d'irritation dans les nerfs. C'eft
à caufe de la fenfîbilité du tiffudesinteftins
Se de toutes les entrailles , que ces petites
• créatures iont fi fouvent attaquées de fortes
tranchées , des douleurs d'eflomàc & de
boyaux très-aiguës ; ce qui les met dans un
état déplorable , quelquefois très-dange-
reux. L'irritabilité dont font fi fufceptibles
les membranes qui enveloppent le cerveau
Se la moelle épiniere , les fait fréquemment
fôuffrir , par des mouvemens convulfifs ,
épileptiques des membres 5 par des agita-
tions fpafmodiques , fubites , inftantanées ,
mais fréquentes des extrémités. Ladiftribu-
tion abondante de nerfs au cardia , au dia-
phragme , aux organes de la refpiration ,
qui font très-fufceptibles d'irritation , parles
matières viciées contenues dans l'eftomac ,
par la pituite acre qui fe ramafîe dans la
trachée- artère , Se dans toutes les voies
pulmonaires de Pair , rend encore les enfans
très-fujets à la toux , foit ftomacale , foit
pectorale , Se à l'afthme convulfif , avec
danger de fuffocation. Et enfin le fentiment
exquis des tuniques qui tapiffent la bouche
E N F 419
&: les gencives , leur fait aufîl fôuffrir des
fymptomes violens , par l'erret de la denti-
tion difficile. Voilà un détail fuffifant pour
juger de tous les effets que peut produire
dans les enfans la fenfîbilité du genre ner-
veux , qui doit par conféquent être regar-
dée comme la caufe matérielle principale
des maladies auxquelles ils font fujets •> mais
elle n'eft pas l'unique.
L'acide dominant dans leurs humeurs ^
auquel le, docteur Harris qui afi-bien ex-
pliqué cette matière , attribue tant d'effets
dans ces maladies , qu'il ne craint pas
d'avancer qu'elles font prefque toutes pro-
duites par cette caufe particulière , doit
aufïî être regardé comme une fource
principale d'une grande partie des maux
qui furviennent aux enfans. C'eft ce que
prouvent , dans un grand nombre de ces
petits malades , les rapports ôc les vomif-
lemens qui répandent une odeur tirant fur
l'aigre , ou même bien aigre , Se les ma-
tières fécales , qui affectent l'odorat de la
même manière. On peut encore s'en con-
vaincre , non-feulement par la facilité avec
laquelle s'aigrit &: fe coagule le lait dont
les enfans font nourris , mais encore parce
que la partie lymphatique de leurs hu-
meurs ne contracte aucune mauvaife qua-
lité aufTï facilement que l'acidité , vu que
leur nourriture , d'abord unique , Se en-
fuite principale pendant les premiers temps
de leur vie , confîfle dons l'ufage du lait
de femme , auquel on joint des prépara-
tions alimentaires faites avec le lait des ani-
maux , telles que des bouillies, des pota-
ges de farine , de pain ; toutes chofes très-
lufeeptibles de s'aigrir , ou de fournir ma-
tière aux fucs aigres : vu encore qu'ils ne
font point ou prefque point d'exercice ,
qu'ils ne font même que très-peu de mou-
vement. Ainfî il n'y a pas lieu de douter
que l'intempérie acide ne devienne aifé-
ment Se promptement dominante dans le
corps des enfans ; d'où peuvent naître un
très-grand nombre de maladies. Voye^
Acide & Acidité.
Les caufes éloignées de la débilité Se de
la fenfîbilité des folides' dans les enfans ,
fon t principalement la difpofition naturelle,
eu égard à l'âge , Se par conféquent la foi-
bleflè du tempérament : mai? comme
430 E N F
cette foibleiTe & cette lenfîbilité ne font
pas un vice , tant qu'elles ne font pas ex-
cefïives , puifqu'elles font une fuite nécef-
faire des principes de la vie , il s'agit de
favoir ce qui les rend particulièrement dé-
fe6tueufes , & propres à troubler l'écono-
mie animale ; en forte qu'il en réfulte de
plus mauvais effets dans les uns , & de
moins mauvais effets dans les autres. Rien
ne paroit pouvoir contribuer davantage à
établir ce vice dominant , que cette difpo-
fïtion héréditaire qui eft tram'mile aux en-
fans par l'un des deux parens , ou par le
père ce la mère enfemble ; c'eft pourquoi
il arrive fouvent que des perfonnes d'une
foible fanté , ou qui font épuifees par des
excès de laéte vénérien , par des débau-
ches , par de trop grands travaux d'efprit ,
par la vieilleffe , mettent au monde des
enfans qui , dès leur naifîànce , mènent
une vie infirme , & font fujets à des ma-
ladies dont la caufe , qui vient de pre-
mière origine , ne peut être détruite ni
corrigée par aucun fecours de l'art ; tels
font pour la plupart ceux qui font affectés
de la goutte , du calcul , qui cherchent inu-
tilement dans la médecine quelque foula-
gement à leurs maux.
C'eft encore plus particulièrement des
mères que viennent ces vices héréditaires ,
à caufe des erreurs qu'elles commettent
pendant leur groffefîè , dans l'ufage des
chofes qui influent le plus fur l'économie
animale ; car on ne fauroit dire combien
la plupart des femmes grolîes font fufeep-
ribîes de la dépravation d'appétit , ôc com-
bien elles font portées à s'y livrer , à moins
qu'elles ne fe contiennent par une grande
force d'efprit , qui eft extrêmement rare
parmi elles , fur-tout dans ce cas. On ne
pourroit exprimer combien elles ont de
difpoiltion à s'occuper de foins inutiles ,
de defirs vagues , d'imaginations déréglées;
combien elles fe laiflènt frapper aifément
par la crainte, la terreur , les frayeurs ;
combien elles ont de penchant à la trif-
tefle , à la colère , à la vengeance , &,à
toute pallion forte , vive ; ce qui ne con-
tribue pas peu à troubler le cours des hu-
meurs , cv à faire des impreiTions nuifi-
bles dans les tendres organes des enfans
reiifermés dans la matrice. On doit craindre
E N F
le même effet de l'intempérance des fem-
mes qui fe remploient dune grande quan-
tité d alimens , ôc fouvent de mauvaifè
qualité ; qui font dans l'habitude d'ufer
immodérément de boitions ipiritueufes,
dont l'effet rend la pléthore occaiionée
par la groffefîè , encore plus confidérable ,
& n'eft pas même corrigé par des faignees,
qu'elles ne veulent pas (ouffiïr. On peut
encore mettre , dans la clafle des femmes
qui nuifent confidérablement aux enfans
qu'elles portent , par leur indifpoiition
perfonnelle , celles qui font fujettes aux
affections hystériques , qui iont fort avides
du commerce des hommes , & s'y livrent
fréquemment après la fécondation & pen-
dant le cours de leur groffefîè. Le coït
trop fréquent pendant ce temps , eft réel-
lement , au fentiment de pluiieurs auteurs,
une puiflante caufe pour rendre les enfans
infirmes èc valétudinaires. Ce qui contri-
bue principalement eucore à détruire leur
fanté dans le ventre -de la mère, c'eft.
fouvent les fatigues qu'ils eiluient , les
forces qu'ils épuifènt dans les travaux de
l'accouchement , foie lorfqu'elle n'agit pas
allez , ne fait pas aifez d'efforts pour l'ex-
puliion du fœtus , par indolence ou par
foiblefie ; foit lorfqu'elle fe prelle trop, &c
force l'accouchement par impatience ou par
trop de vigueur , ou par l'effet des remè-
des chauds employés mal-à-propôs pour
exciter les forces expulfives.
Les fàges-femmes nuifent auffi très-
fouvent aux enfans , foit en employant im-
prudemment leur miniftere pour faire l'ex-
traction violente du fœtus , quifortiroit eu
bonne fanté fans leur fecours ; foit en le
bleflant de toute autre manière, comme
en comprimant fi fort les os du ci âne , dont
les futures ne font unies que foiblement ,
qu'elles établirent par ce traitement impru-
dent , la caufe de différentes maladies con-
fidérables , telles que l'épilepfie , la para-
lyfie , la ftupidité , qui font luivies d'une
mort prochaine , ou qui produifent de
fâcheux effets pendant toute la vie.
Les accidens qui furviennent aux enfans
après leur naiflance & pendant les premiers
temps de leur vie , contribuent au ili beau-
coup à rendre les enfans d'un tempérament
plus foible & plus feniible, tels que les
E N F
frayeurs auxquelles ils peuvent être expofés ,
les cris inattendus , les bruits frappans^ les
interruptions fubites du fommeil arec fur-
prife ; le lait qui leur eft. donné par leur
nourrice trop promptement après quelque
violente émotion de l'ame , quelque pa-
roxyfme de colère , de terreur , ùc. toutes
ces chofes font très-propres à produire dif-
ferens genres de fpafmes , de picottemens
dans les nerfs , des ardeurs , des douleurs ,
des gonfiemens d'entrailles , ùc. qui le
maniftftent par des inquiétudes , des in-
fomnies , par des agitations de membres ,
par des cris , des tremblemens , de furfauts
convulfifs , Se même par des mouvemens
épileptiques. Toute forte d'intempérie de
l'air , mais fur-tout le froid Se les change-
mens prompts de celui-ci au chaud , Se ré-
ciproquement , qui affe&ent les adultes ,
fur-tout ceux qui ont quelque foiblefle de
nerfs , à cauie des dérangemens dans la
tranfpiration , qui en iurviennent , font
encore bien plus d'imprefïîon fur les enfans ,
Se altèrent bien plus confidérablement leur
fanté , & produilènt en eux de trèî-mau vais
effets. Les trop grandes précautions que'i'on
prend pour les garantir des injures de Pair ,
pour les tenir chauds, peuvent au contraire
leur être aulîi très-nuifibles , de même
qu'un régime trop recherché , Se l'ufage
trop fréquent de remèdes ; tout cela tend
à affoiblir leur tempérament , parce qu'ils
ne peuvent pas enfuite fupporter les moin-
dres erreurs dans l'ufage des choies nécef-
faires , fans en éprouver de mauvais effets ,
des impreffions fâcheufes •■> c'eft pourquoi
les enfans des perfbnnes riches , qui font
élevés trop délicatement , (ont ordinaire-
ment d'une fanté plus foible que ceux pour
lefquels on n'a pas pris tant de loin , tels
que ceux des gens de la campagne , des
pauvres. C'eft cette confidération qui a fait
dire à Locke dans fon excellent ouvrage fur
l'éducation des enfans , qu'il croiroit pouvoir
renfermer dans cette courte maxime " que
» les gens de qualité devroient traiter leurs
» enfans comme les bons payfans traitent
» les leurs, » tous les confeils qu'il pour-
roit donner fur la manière de conferver Se
augmenter la fanté de leurs enfans , ou
du moins pour leur faire une conftitution
qui ne foit point fujette à des maladies > &
E N F 43r
qu'il ne penferoit pas pouvoir donner une
caufe générale plus ailurée à cet égard de
ce qui arrive de contraire , " qu'on g'ite la
» conftitution des enfans par trop d'indul-
» gence Se de tendrefle , » s'il n'étoit per-
fuadé que les mères pourraient trouver
cela un peu trop rude , Se les pères un peu
trop cruel. Il explique donc en faveur des
uns Se des autres la penfee plus au long ,
dans la première feétion de l'ouvrage dont
il s'agit , qui efi: fans contredit une des
meilleures fources dans lesquelles on puille
puiler des préceptes filutaires pour l'édu-
cation des enfans , foit phyfîque , foit mo-
rale. Voye-^ Enfance.
Après avoir traité des caufes qui contri-
buent à augmenter la foiblefle du tempé-
rament des enfans , en augmentant la
fenfibilité du genre nerveux , il refte à
dire quelque chofe de celles qui proiui-
fent le même effet , en difpofant ultérieu-
rement leurs humeurs à l'acrimonie acide,
| qui eft fi fouvent dominante dans leurs
maladies. Ces caufes font très-différentes
entr 'elles : il en eft plufieurs dont il a été
fait mention ci-deflus. Les principales font
celles qui corrompent le lait , ou dans le
fein des nourrices , ou dans le corps des
enfans ; le rendent épais , grofïîer , ou le
font entièrement cailler ; ce qui peut arri-
ver de différentes manières de la part des
nourrices fur-tout. Si elles font fuiettes à
de violentes pallions , Se qu'elles s'y li-
vrent fouvent ; fi elles fe nourriffent prin-
cipalement de fruits ou de fromage , de
différentes préparations au vinaigre , d'ali-
mens aigres , acres , falés ; fi elles ufent
pour leur boiflbn de beaucoup de vin qui
ne foit pas bien mûr, ou de toute autre
liqueur fpiritueufe , il ne peut fe former
de toutes ces différentes matières qu'un
lait de mauvaife qualité , vifqueux , grof-
lier , acre , ùc. qui s'aigrit facilement dans
les premières voies des enfans , d'où naiflent
non-feulement des obftrudions dans les
vifeeres du bas-ventre , Se fur-tout dans les
inteftins Se dans le méfentere, mais encore
du gravier , des calculs dans la veflie ; ce
qui n'eft pas rare à cet âge : Se même lors-
que le lait fe trouve chargé de parties ac-
tives fournies par les alimens , il s'échauffe
aifément j Se étant porté dans le fang des
43* ENF
encans , il y excite des agitations fébriles ,
des fièvres ardentes. Ce n'eft pas feule-
ment la qualité des alimens dont ufent les
mères, qui peut nuire à leurs nourrifibns ,
c'en eft aufili la quantité , même des meil-
leurs , lorfqu elles ne font pas d'exercice ,
qu'elles mènent une vie trop fédentaire ,
parce qu'il ne peut réfulter de cette façon
de vivre que des humeurs épaifles , grof-
fieres , qui fourniflènt un lait auiïi impar-
fait ; germe de bien des maladies. Le froid
des mamelles , en refïerrant les vaifleaux ,
galacloferes , peut auiïi contribuer beaucoup
à l'épaifïïilement du fluide qu'ils contien-
nent. Le coït trop fréquent des nourrices ,
les menftrues qui leur lurviennent , les
attaques de pamon hyftérique , la confti-
pation , les [palmes , les ventuoiitcs des
premières voies ; toutes ces altérations dans
l'économie animale corrompent leur lait ,
de les enfans qui s'en nourriflènt deviennent
foibles , langui llans , pleureux , ôc indi-
quent allez , par leur mauvais état , le
befoin qu'ils ont d'une meilleure nour-
riture ; ainfi l'on peut aflurer que leurs ma-
ladies font le pli»s (bavent produites par
le mauvais régime &c la mauvaife fanté
des nourrices , en tant qu'elles ne peuvent
en coméquence leur fournir qu'un lait de
rrès-mauvaife qualité. Elles peuvent aufïî
leur nuire , lors même qu'elles n'ont qu'une
bonne nourriture à leur donner , li elles
les remplirent trop , foit que ce foit du
lait , foit des foupes , ou d'autres alimens
les mieux préparés ; la quantité dont ils
font farcis furcharge leur eftomac , fur-
tout pendant qu'ils lont le plus foibles &
petits ; ils ne peuvent pas la digérer , elle
s'aigrit , &c dégénère en une mafîe caillée
ou plâtreufe qui diftend ce vifeere , en
tiraille les fibres , en détruit le reflbrt ;
d'où fuivent bien de mauvais effets , tels
que les enflures du ventricule , les cardial-
gies , les opprellions , les vomiffemens , les
diarrhées , &c autres femblables altérations
qui détruifent la fanté de ces petites créa-
tures. C'eft ce qui a fait dire à Ethmuller ,
d'après Hïppocrate , que les nourrices , en
donnant trop de lait à la fois , ou de toute
autre nourriture aux enfans , les font mou-
rir par trop d'empreffement à leur four-
nir les moyens de vivre , dum laclant , mac-
E N F
tant ; car comme toute replétion cxccflîve
eft mauvaife , iur-tout de pain pour les
adultes , on peut dire la même chofe de
celle de lait pour les enfans. On fait encore
bien plus de tort à leur fanté , lof fqu'on
leur donne des alimens trop variés , 6c
fouvent de mauvaife qualité , aigres , falés ,
acres ; lorfqu'on leur fait manger beaucoup
de viande ; qu'on leur donne de la nour-
riture , fans attendre que celle qu'ils ont
priie auparavant foit digérée ; qu'on les
fait ufer de vin , de liqueurs fpiritueufes ,
fous prétexte de ranimer leur appétit , ou
de les fortifier _, ou de les tranquillifer. Tou-
tes ces fautes de régime font très-perni-
cieufes aux enfans ; ces différentes matières
alimentaires, ou font propres à faire cailler
le lait , avec lequel elles fe mêlent , elles
affoibliflènt l'eftomac ; ou elles fuivent
leur tendance naturelle à la corruption ,
ou elles portent l'acrimonie , l'incendie dans
le fang doux 8c balfamique de ces tendres
élevés ; d'où naiffent un grand nombre de-
maladies différentes. On peut joindre à tou-
tes ces caufes le changement trop fréquent
de nourrices , 6c par conféquent de lait. Les
qualités des alimens. trop variées nuifent aux
adultes , à plus forte raifon aux enfans , non-
feulement pendant qu'ils tettent , mais en-
core après qu'ils font fevrés.
Pour ce qui eft du pronoftic à porter fur
les maladies des enfans , il faut d'abord cher-
cher à favoir s'ils font nés de parens robuf-
tes , de bonne fanté de corps &c d'efprit ,
fur-tout à l'égard des mères , parce qu'ils
ne font pas ordinairemenr fi délicats ; ils
ne font pas conféquemment fi fujets à être
affectés par les mauvaifes imprelTions des
chofes néceflaires à la vie : ils ne deviennent
pas fi facilement malades , 6c ils n'ont pas
autant de difpofition à fuccomber aux ma-
ladies qui leur furviennent. On peut dire
la même chofe de ceux qui ne font pas
élevés fi délicatement , qui font accoutu-
més à fupporter impunément les effets des
changemens d'air , d'alimens qui feraient
pernicieux à tous autres , qui font endurcis
par un régime tel que celui qu'obfervent les
payfans à l'égard de leurs enfans. Il eft aufïi
certain , en général , que les maladies des.
enfans , quoiqu'innombrables , pour ainfi
dire , font plus faciles à guérir que celles
des
E N V
des adultes , pourvu qu'elles foient bien
traitées ; parce que comme ils font plus fuf-
ceptibles des altérations qui troublent en
eux l'économie animale par de très-légères
caufes , de même les moindres remèdes
placés à propos , & différentes autres choies
convenables à leur nature , peuvent en réta-
blir aifèment les défordres ; en forte que la
plupart n'en meurent que parce que l'on
emploie fouvent une trop grande quantité
de fecours , ou de trop puiffans moyens
pour leur rendre la fanté , qui auroit pu
être rétablie ou d'elle-même , ou avec très-
peu de foins. Les Médecins ont peut-être
plus nui au genre humain en médicamen-
tant les en/ans 9 qu'ils ne lui ont été utiles
à cet égard. On obferve conftamment que
les en/ans gros , gras , charnus , & ceux
qui tettent beaucoup , ceux qui ont des
nourrices d'un grand embonpoint , pleines
de fang , font plus fujets à être malades ,
& à l'être plus fréquemment que d'autres;
ils font plus communément affectés du ra-
chitis , de la toux convulfive , des aphthes.
L,es en/ans maigres font ordinairement affli-
gés de fièvres , d'inflammations ; ceux qui
ont le ventre libre , font auflî mieux portans
que ceux qui l'ont ferré : & enfin comme
la plupart périfTent par les douleurs de ven-
tre , les tranchées & les mouvemens con-
vulfifs , par les fymptomes d'épilepfie ,
c'efr. toujours un mauvais figne que ces
difrerens maux fe joignent avec les infbm-
nies , aux différentes maladies dont ils font
affectés.
Les douleurs d'entrailles , les coliques
font ordinairement épidémiques pour les
enfans , depuis la mi-juillet jufqu'à la mi-
feptembre ; & il en meurt plus alors dans
un mois , que dans quatre de toute autre
partie de l'année , parce que les grandes
chaleurs , qui fe font principalement fentir
dans ce temps-là , épuifent leurs forces ,
& les font aifément fuccomber à tous les
maux qu'elles produifent, ou qui furvien-
nent par toute autre caufe. Les tranchées
font plus dangereufes à proportion qu'elles
font plus violentes , qu'elles durent davan-
tage , ou qu'elles reviennent plus fouvent ,
a caufê des fièvres , des affections afthma-
tiques , convulfives , épileptiques , qu'elles
peuvent occafioner , fi on n'y apporte pas
Tome XII.
E N F 433
promptement remède. Celles qui font cail-
lées par les vers , ne ceflent pas qu'ils ne
foient chafïès du corps.
Les aphthes qui n'affectent qu'en petit
nombre la furface de la bouche des enfans ,
qui ne caufent pas beaucoup de douleur ,
qui font rouges & jaunâtres , cèdent plus
facilement aux remèdes que ceux qui s'éten-
dent en grand nombre dans toute la bou-
che , qui font noirâtres , de mauvaife odeur,
& qui forment des ulcères profonds : ceux
qui proviennent de caufe externe , font
moins fâcheux que ceux qui font produits
par un vice de fang , par la corruption des
humeurs. Les aphthes qui font accompagnés
d'inflammation , de difficulté d'avaler &
de refpirer , font ordinairement très-fu-
nefles.
La maigreur & la confomption des en-
fans font toujours des maladies très-dan-
gereufes , fur-tout lorfqu'elîes font invété-
rées , & caufées par des obftruûions au
méfentere & aux autres vifeeres du bas-
ventre ou de la poitrine. Si la diarrhée s'y
joint , & que les malades rendent par le
fondement une matière purulente , fanglan-
te , de fort mauvaife odeur , le mal efl
incurable : il y a au contraire à eipérer , fî
les digeftions étant rectifiées , l'appétit re-
vient, fe foutient régulièrement ; fi l'enflure
du ventre diminue , & que les forces fe
rétabliflènt. Il confie par un grand nom-
bre d'obfervations , que les fièvres inter-
mittentes ont fouvent guéri des enfans de
la confomption.
Pour ce qui eft de la curation des mala-
dies des en/ans y on ne peut en donner ici
qu'une idée fort en raccourci : la plupart
d'entr'elles , foit qu'elles leur foient pro-
pres , foit qu'elles leur foient communes
avec les adultes , font traitées chacune en
fbn lieu ; ainfi voye\ , par exemple , VÉR OLE
(petite), Rougeole, Chartre, Ra-
chitis , Epilepsie , Cardialgie ,
Vers , Dentition , Teigne , ùc. On
peut dire en général que comme les princi-
pales caufes des maladies des enfans confiè-
rent principalement dans le relâchement des
fibres naturellement très-délicates , & la foi-
blefle des organes augmentée par l'humidité
trop abondante dont ils font abreuvés , &
dans l'acidité dominante des humeurs , on
Iii
434 E N F
doit combattre ces vices par les contraires :
ainfi les affringens , les abforbans , les anti- '
acides , qui conviennent pour corriger l'état
contre nature des folides & des fluides , &
les légers purgatifs pour évacuer l'humide
ïuperHu & corrompu , employés avec pru-
dence , félon les différentes indications qui
fe présentent , font les remèdes communs
à prefque toutes les curations des maladies
des en/ans. C'eft ce qu'a parfaitement bien
établi le docteur Harris dans là diflertation
"fur ce fujet , en banniffant de la pratique ,
dans ce cas , l'ufage des remèdes chymiques,
diaphoniques , incendiaires > & de toute
autre qualité dont elle étoit furchargée. Il
cfl certain même , indépendamment de la
confidération des caufes de ces maladies,
que la manière de traiter ces petits malades
ne fauroit être trop fimplifiée , vu la diffi-
culté qu'il y a à les foumettre à prendre
des drogues , & à leur faire obferver un
régime convenable , fur-tout avant qu'ils
aient atteint l'âge de connoiffance.
A peine l'homme eft-il mis au monde ,
qu'il fe trouve fouvent dans le cas d'avoir
befoin des fecours de la médecine , & de
payer le tribut à cet art , pour éviter de le
payer (1— tôt à la nature. En effet , dans le
cas où les en/ans nouveau - nés ont pour
la plupart des mucoiités gluantes dans la
bouche , l'œfophage , l'eftamac , les inref-
tirrs , & quelquefois des matières nourri-
cières imparfaitement digérées , avant de
fortir du ventre de leurs mères , qui ont
pu s'échauffer dans les parties qui les con-
tiennent , s'y corrompre par l'agitation ex-
citée pendant le travail de l'accouchement ,
dont s'enfuivent des cardialgies , des dou-
leurs de ventre , des tranchées & autres
fymptomes fâcheux ; fi après ^avoir fait
prendre aux en/ans ainfi affectés , quelques
gorgées du premier lait de la mère , qui
elt ce qu'on appelle coloflrum , que la na-
ture femble avoir deftiné à cet ufage , at-
tendu qu'il eft très-laxatif, l'évacuation de
ces matières ne fe tait pas ; ou s'il eft im-
poflible de leur faire prendre le teton tant
que ie mal dure , il eft à propos d'ouvrir
doucement la bouche au nouveau né, &
de répanJre peu à peu & à différentes re-
f>rifes , dans l'intervalle de dix à douze
leures, de l'eau en petite quantité, dans
E N F
laquelle on a diffous du fucre , ou délayé
du miel , pour détremper ces différentes
matières , en purger les premières voies ,
& en favorifer l'expuliion. Si ces impure-
tés font fi abondantes dans l'eftomac &
les inteftins , qu'elles caufent des naufées ,
des vomiffemens , des tranchée* & même
des mouvemens convulfifs, dans ce cas on
peut employer quelque chofe de plus laxa-
tif que le miel & le fucre , lorlqu'ils ne
font pas fuffifans : on fait ufage de l'huile
d'amandes douces récente , avec du firop
rofat folutif ; ou même s'il y a une grande
indication de purger , on peut fe fervir du
firop de chicorée avec la rhubarbe. Cha-
cun de ces remèdes doit être donné à
très-petite dofe & à différentes reprifes. On
peut aufli appliquer quelque épitheme aro-
matique , fpiritueux fur l'eftomac & le
ventre , ce qui produit fouvent de bons
effets , en excitant l'action des vifeeres du
bas-ventre.
Ces différens fecours, qui viennent d'être
mentionnés , employés félon les différens
befoins , font aufli très-utiles pour favorifer
l'expulfion de l'humeur épaiffe , noirâtre &
excrémentielle , qui eft comme le marc de
la nourriture du fœtus , qui s'eft ramafîë
dans les gros boyaux , dans le cœcum fur-
tout & fon appendice , dont la cavité eft par
cette railbn plus confidérable à proportion
que dans l'adulte. Voye\MECON ium ,
Ccscum. Cette matière fécale doit être
évacuée promptement, parce que quand elle
eft retenue après la naiilance , foit à cauiè
de fa trop grande confiflance ou quantité ,
foit à caufe de la féchereffe des voies par
lefquelles elle doit être portée hors du corps,
ou de la foiblefle de ['enfant , elle devient
acrimonieulè & fe corrompt facilement ,
par l'effet de la chaleur que produit la
refpiration dans tout le corps , & par le
contact de l'air qui pénètre dans les intefc
tins. On corrige la dureté des matières en
faifant prendre à ['enfant de temps en temps
quelques gorgées de petit lait avec du miel
délayé , dont on peut aufii donner en la-
vement. On procure l'évacuation par les
laxatifs dont il a été parlé ci-devanr , em-
ployés en potion &. en ciyftere , par quelque
doux fuppofitoire , par des linimens onc-
tueux faits fur l'abdomen. On ranime les
E N F
forces , pour foutenir Pexpulfion de ces
excrémens , par quelque léger cordial ,
comme le vin chaud avec le miel & la
cannelle ; & fi l'acide domine , comme il
eft ordinaire , ce que l'on connoît par i'o
deur de la bouche , on unit les cordiaux
avec les abforbans. On doit éviter foigneu-
fement tout ce qui eft trop atténuant , fpiri
tueux , volatil. On ne doit employer qu'avec
beaucoup de circonfpeclion les opiatiques
dans les mouvemens convullifs qui provien-
nent de la rétention du meconium ; & en
général on ne doit en ufer que rarement
dans toutes les maladies des en/ ans qui lém-
blent les indiquer.
Celles qui font produites par la coagula-
tion du lait dans les premières voies , &
tous les fymptomes qui en font l'efier , doi-
vent être traités avec des anti-acides fixes ,
unis à de doux purgatifs ; des lavemens de
même qualité , de légers carminatifs , des
huileux propres à corriger l'acrimonie qui
irrite le genre nerveux, & à détruire, fi
elle en eu fufceptible , la caufe des attaques
d'épilepfie , qui furviennent fouvent dans
ce cas.
Comme la plupart des fièvres , dont la
caufe eft particulière aux en/ans, font l'effet
de l'acide dominant dans les humeurs ; on
ne peut pas employer, pour les combattre,
de meilleurs & de plus fûrs remèdes que
ceux que l'on vient de propofer contre
la coagulation du lait , vu qu'elle eft auflî
toujours caufée par l'acidité qui infecte les
premières voies ; il convient par conféquent
de mettre en ufage ces moyens de corriger
ce vice dominant , non-feulement pour les
en/ans , mais encore pour les nourrices.
Elles doivent faire ufage de remèdes de
même qualité , pour que le lait qu'elles
fournifTent en étant imprégné , ne foit pas
autant difpofe à s'aigrir qu'il l'eft de fa na-
ture , ou plus encore , par une fuite de
l'ufage des alimens acefeens , comme les
fruits , &c. Elles doivent s'interdire ces
fortes d'alimens , & ne fe nourrir que de
ceux qui font d'une nature balfamique ; &
en un mot vivre de régime y félon les règles
de l'art , à l'égard defquelles on peut con-
fultcr l'article NOURRICE.
Il en eft de même de la curation des
aphthes. S'il y a lieu de foupçonner ou de .
E N F 45T
croire que le lait ou la qualité des humeurs
de la nourrice ont contribué à les produire ,
il faut^ lui preferire l'ufage des laxatifs ,
des intufions de rhubarbe , des tifànnes
tempérantes , diaphoniques , faites avec
l'infufion de falfe-pareilie , la Jécodion de
fcorfonere& autres femblables, ou changer
de lait , fi celui dont l'enfant fe nourrit n'eft
pas fufceptible d'être corrigé. Si la caufe
des aphthes vient de l'enfant, on doit
auflt le traiter avec de doux purgatifs, tels
que la manne , le firop de chicorée, cotn-
pofé avec la rhubarbe , le firop de fleurs
de pêcher & autres doux laxatifs. On doit
aufli mettre en ufage les remèdes convena-
bles pour empêcher que le lait ne devienne
acre ; & éviter foigneufement tout ce que
l'on a lieu de croire avoir procuré les aphthes:
on peut encore dans ce cas employer les
crèmes de riz , d'avoine , Ùc. pour corri-
ger l'acrimonie des humeurs en général.
On ne doit pas négliger les remèdes topi-
ques , pour émouflèr la qualité corrofive
des fucs dont les aphthes font abreuvés ; on
ufe avec njecès , dans ce cas , de quelques
looes faits , par exemple , avec le fuc de
grenade & le miel , le firop de mûres délayé
dans une furfifante quantité d'eau tiède ,
le fuc de raves battu avec un jaune d'œuf
& un peu de nitre , &c. On applique ces
diftérens lénitifs avec le bout du doigt
garni d'un linge imbu de ces préparations.
Si les aphthes font fymptomatiques , il faut
détruire la caufe qui les a fait naître , avant
que de les attaquer topiquement : il ne faut
point troubler la nature dans les opérations ;
on doit fe borner à faire ufage de quelques
légers diaphorétiques , de quelques émul-
fions tempérantes , avec les femences froi-
des , & un peu de celle de pavot. Voye^
APHTHE.
L'épilepfie des enfans doit auffi être trai-
tée par des remèdes donnés ou aux nourrices,
fi c'eft d'elles qye vient ce mal , ou aux
enfans mêmes , fi la caufe ne leur eft pas
étrangère. Dans le premier cas , lorfque
quelque frayeur , quelque accès de colère ,
ou toute autre agitation de l'ame , a cor-
rompu le lait dans fa fource , il convient
d'éviter foigneufement tous les remèdes
fpiritueux , acres , irritans , & de ne pref-
erire que ceux qui font propres à calmer
Iii 2
43<5 E N F
les tentions fpafmodiques du genre nerveux ,
tels que les lavemensémolliens, carminatifs,
les poudres anti-convulfives préparées avec
celles de guttete , de cinnabre , & un peu
de mufc , données dans quelques eaux appro-
priées , telles que celle de tilleul. Lorfque
la caufe efl dans l5 'enfant même , & qu'elle
dépend du lait , ou de tout autre aliment
devenu acre , corrofit dans les premières
voies , il faut employer les délayans laxa-
tifs , huileux , qui peuvent évacuer les ma-
tières viciées , ou les émouffer ; & enfuite
faire promptement ufage des mêmes remè-
des indiqués ci-deffus contre les fpafmes , à
dofe proportionnée , auxquels on peut ajou-
ter le cajioreum. La décoction un peu épaifïe
de corne de cerf donnée pour boiffon, pro-
duit de bons effets dans ce cas. Si le vice du
lait ou des autres alimens ne confifte qu'en
ce qu'il efl trop épais , trop groffier , il faut
lui donner peu à terer ou à manger , & ne
lui faire prendre qu'une nourriture propre
à rendre plus fluides les matières contenues
dans les premières voies ; & dans le cas où
il y a lieu de croire qu'elles font fort en-
gorgées , on peut , après le paroxyfme ,
donner une petite dofe de quelque éméti-
que , comme le lirop de Charas , de Glau-
bert , ou un demi-grain de tartre ftibié
dans le firop de violettes , & quelque eau
appropriée. Si la maladie efl caufée par quel-
ques exanthèmes rentrés , tels que la gale ,
la teigne , il faut employer les moyens qui
peuvent en rappeiler la matière à l'exté-
rieur , tels que les véficatoires appliqués à
la nuque , les cautères , les fêtons : fi elle
dépend des vers , il faut la traiter convena-
blement à fa caufe. Yoye\ VERS , & fur-
tout Y article Epilepsie.
L'atrophie des enfans pouvant être pro-
duite par des caufes bien différentes , de-
mande par conféquent un traitement aufli
varié , qui doit être le même à proportion
que celui qui convient îftx adultes pour
cette maladie. Voy. ATROPHIE ou CON-
SOMPTION^
Il en efl de même des autres maladies aux-
quelles les enfans font fujets , qui leur font
communes avec les perfonnes d'un âge
plus avancé , telles que la diarrhée , la
dyfTenterie, la cardialgie , la fuppreffion
d'urine , &c. Voye^ en l'on lieu chacune de
E N F
ces maladies^ : confultez aufîi Ethmuiler ,
Harris ,Hofïman , Boerhaave , dans la partie
de leurs ouvrages où ils traitent des maladies
des enfans , ex profejfb. C'eft d'Hofîmàn
principalement & de Boerhaave qu'a été
tiré ce qui a été dit ici à ce fujet. ( d)
Enfans des Dieux (Mythol.) Voy.
Fils des Dieux.
Enfans perdus , {Artmilit.) terme
de guerre qui fignifie des foldats qui mar-
chent à la tête d'un corps de troupes , com-
mandés pour le foutenir , & qu'on emploie
pour commencer quelque attaque , donner
un afiaut ou forcer quelque pofre. Ils tirent
ce nom du danger auquel ils font expoiës :
les Anglois les appellent les abandonnes ,
& les défefpérés ; ce font à préfent les gre-
nadiers qui commencent ces fortes d'atta-
ques, ou les dragons. Chambers. (Q)
Enfans de langue. (Comm.) On
nomme ainfi de jeunes François que le Roi
fait d'abord élever à Paris , puis entretient
dans le Levant pour y apprendre les langues
turque , arabe & greque , & fervir enfuite
de drogmans à la nation , & fur- tout aux
confuls & aux négocians. Ces enfans étoient
élevés en France par les jéluites ; ils fe per-
fectionnent au Levant chez les capucins,
Voye\ DROGMAN. (G)
Enfans sans souci , {Hifl. mod.) fo-
ciété finguliere formée à l'exemple de la
mère folle ou infanterie Dijonnoilè , vers les
commencemens du règne de Charles VI,
par quelques jeunes gens de famille qui joi-
gnoient à beaucoup d'éducation un grand
amour pour les plaifirs , & les moyens de
fe les procurer. Ces circo: fiances réunies ,
il ne pouvoit manquer d'en naître quelque
chofe de fpirituel , aufîi donnèrent - elles
lieu à l'idée badine , mais morale , d'une
principauté établie fur les défauts du genre
humain , que ces jeunes gens nommèrent
fottife , & dont l'un d'eux prit la qualité
de prince. Ce prince des fots ou de la fot-
tife marchoit avec une efpece de capuchon
fur la tète , &: des oreilles d'âne : il faifoit
tous les ans une entrée à Paris , fuivi de
tous fes (ujets.
Cette plaifanterie , dit l'auteur du théâtre
franfois y étoit neuve , & les moyens qu'on
employa pour la faire connoître , ne le
furent pas moins. Nos philofbphes enjoués
E N F
inventèrent , mirent au jour , & reprefen-
terent eux-mêmes aux halles & lur des
échafauds en place publique des pièces dra-
matiques , qui portaient le nom de fottife ,
qui en effet peignoient celles de la plupart
des hommes. Ce bndinage pafTa de la ville
à la cour , & y fit fortune. Les enf ans fans
fouci ( car c'eft ainfi qu'on nomma ces jeu-
nes gens lorfqu'iis parurent en public ) de-
vinrent à la mode. Charles VI accorda au
prince des fots , des patentes qui confirmè-
rent le titre qu'il avoit reçu de Tes cama-
rades. Cette première fociété fe renferma
dans de jufles bornes ; une critique fenfée
& fans aigreur conftitua le fond des pie-
ces qu!elle donna ; mais cette fage atten-
tion eut un court efpace. La guerre civile
qui s'alluma en France , & dont Paris ref-
fentit les plus cruels effets , occafiona du
relâchement dans la conduite des enfans
fans fouci y & cette fociété devint celle de
tous les fainéans & de tous les libertins de
la ville.
Le prince des fots donna la permiflîon
aux clercs de la Bafoche de jouer desfoties
oufottifes y & en échange il reçut des der-
niers celle de repréfenter des farces Ù mora-
lités ; arrangement qui en fit faire un autre
avec les confrères de la pafjlon y qui , pour
fou tenir leurs fpectacles dont le public
commençoit à fe laffer , afîbcierent à leurs
jeux le prince des fots & {es fujets. Leur
chef avoit une loge diftinguée à l'hôtel de
Bourgogne , pour y affilier aux repréfen-
tations des pièces de théâtre qui étoient
données par les confrères de la paillon ,
acquéreurs de l'hôtel de Bourgogne. Des
comédiens étrangers voulant donner de la
vogue à leurs jeux , s'afîbcierent a-ûffi les
enfans fans fouci. Ils ne prirent le nom de
comédiens que par la fuite , & lorfqu'iis
furent en pofleflion de l'hôtel de Bourgo-
gne. Voye\ Comédie , & le nouvel ou»
vrage de M. de Cailhava.
Les pièces des enfans fans fouci étoient
publiées par une elpece de cri ou annonce
en vers que faifoit publiquement la mere-
fotte , féconde perfonne de la principauté
de la fottife. Celui qui remplhToit cet em-
ploi étoit chargé du détail des jeux repré-
fentés par les enfans fans fouci , & de l'en-
trée que le prince des fots faifoit tous les
ENF +37
ans à Paris. On peut voir dans Vhiftoire du
théâtre françois y un de ces cris ou an-
nonces , avec l'extrait d'une fottife à huit
perlonnages aflez ingénieufe pour le temps
(i 5 1 1). Les enfans fan s fouci profitaient de
la protection que le bon roi Louis XII
accorda aux théâtres , en leur permettant
de reprendre librement les défauts de tout
le monde , lans vouloir être excepté ; on
y trouve un trait de fatire contre ce prince
qui lui fait beaucoup d'honneur, puif-
qu'on y traite d'avarice la jufte économie
avec laquelle il ménageoit les finances de
fon royaume , & que les meilleurs princes ,
comme Henri IV, ont toujours préférée
aux prodigalités & aux dépenfes luperflues.
( AI. Beguillet. )
Enfantement , f.m. (M'd. & Chir.)
Voy. Accouchement ; mais cette opé-
ration naturelle a de grands befoins du
fecours de l'art , & les chirurgiens qui
s'y deitinent , ne fauroient trop joindre à
leur pratique & à leurs lumières , l'étude
des auteurs qui fe font attachés à la même
profeflion : nous allons indiquer ici par fup-
plément les principaux ouvrages de notre
connoiflance qui ont paru fur cette matière
en diverfes langues , afin que- ceux qui
favent ces langues , & qui ne veulent rien
négliger pour s'inftruire , puifTentfe former
une bibliothèque un peu complète des livres
de leur métier : noclurnâ verfate manu y
verfate diurnâ.
Auteurs latins. Becheri ( Joh.
Cour.) De ■va.ii'ionpôvta inculpatâ ad fer-
vandam puerperam tract. G'iû'x , x72-9. 40.
bon fur l'opération céiarienne.
Cypriani ( Abraham ) hifloria fœtus hu-
mani pofl xxj. menfes ex uteri tuba , matre
falvâ ac fuperfiite excif. Lugd. Bat. 1700.
8°. c. f. c'eft l'hiftoire d'un cas important
en faveur de l'opération céfarienne.
Deventer ( Henrici ) Ars obfietricandi.
Lugd. Bat. 170 1 & 1724..//2-40. ibid. 1725.
fig. en françois à Paris , 1733 & 1738,
//2-40. avec fig. en Allemand , Jence y 1717
//2-80. fig. & en d'autres langues. C'efl
ici le meilleur ouvrage qui ait encore paru
fur l'art des accouchemens dans aucun
pays.
Hofîmanni ( Daniel ) Annotationes de
partu tam naturali quàm violemo. Francof.
4>8 E N F
1710. in-$°. il faut lire ces remarques
en médecin , & non pas en fëvere légiiia-
teur.
Prato (Xafonis) de pariente & partu liber.
Bafil. 1527. 8°. Amftel. 1657. I2- il °e
méritoir pas d'être réimprimé chez Blaeu.
Rhodionis (Eucharii) de panu hominis.
Paris, 1536. //2-12. &c. Francof. 1554. &°.
c. f. ce petit ouvrage a été autrefois fort
recherché , & fouvent réimprimé.
Rueii (Jacob) de conceptu & generatione
hominis y liber iv. cum icon. Tiguri , 1 5 54.-
fig. 1580. 4°. & Francof. 1587. 2/2-4°.
Auclwr in Gynœciorum libris à Spacckio.
Argent. 1 597. édit. fol. en haut Allemand à
Francfort , 1660. 40.
Soiingen ( Cornel. ) de obftetricantium
officiis Ù opère. Francof. 1693, "*-4°« avec
fes œuvres chirurgicales. L'original , écrit
en Hollandois , parut à Amfr. en 1684.
i/2-40 • & c'eit un affez bon auteur.
Spachius ( Iiraé'l ) Gynœciorum libri il-
lufirati. Argentorati , 1 597. fol. Collection
qui doit entrer dans la bibliothèque des
Accoucheurs & des Médecins.
Auteurs François. Amand
( Pierre. ) Nouvelles obfervations fur la
pratique des accouchemens. Paris zji^,.
2/2-8°. première édit. fig.
BienaJJîs ( Paul ) des divers travaux
& enfantement des femmes , traduit du
Latin d'Eucharius Rhodion. Paris 2 £86.
in- 2 6 '.
Bourgeois ( Louife ) dite Bourfier. Ob-
fervations fur la ilérilité, pertes de fruit,
fécondité , les accouchemens , maladies
de femmes , & enfans nouveau - nés.
Paris _, z 6x6. in~8°. z 6 53. traduit en
Hollandois & en Allemand ; il eft devenu
rare.
Bury (Jacques.) Le propagatif de l'hom-
me , & fecours des femmes en travail d'en-
fant. Paris y 26x3. in-2X.fig. mauvais
ouvrage.
Dionis (Pierre.) Traité des accouche-
mens. Paris , 1718. 1724. in-S°.fig.
Dutertre ( Marguerite. ) Inftrudion des
Sages-femmes. Paris , i6jj. i/z-12. très-
médiocre.
Duval ( Jacques. ) Traité des Herma-
phrodites & de l'accouchement des femmes.
Rouen y 16 J2. i/2-80. il eil rare.
E N F
Fournier ( Denis ) l'Accoucheur métho-
dique. Paris y 1677. i/2-12. il ne mérite
aucune eftime.
Gervais de la Touche. L'induftre natu-
relle de l'enfantement contre l'impéritie des
Sages-femmes. Paris y 1 5^7. 2/2-0°. On le
lifoit avant que Mîturiceau parût.
Guillemeau ( Jacques ) de la groflefîê &
accouchement des femmes. Paris y 162.1.
2/2-80. fig. 1643. 2/2-80. fig. Il y a du lavoir
dans cet ouvrage.
Inftruction familière & utile aux Sages-
femmes pour bien pratiquer les accouche-
mens. Paris y 17 10. z/z-12. bon.
Lèvre t ( André. ) Obfervations fur les
caufes& les accidensde plufieurs accouche-
mens iaborieux , avec des remarques , Ùc.
Paris , 1747. 2/2-80. c. f. 1750. féconde
édit. Il faut qu'un praticien fe munilîê de
livres de ce genre.
Marche ( la dame de la. ) Inftru&ions uti-
les aux Sages-femmes. Pari s, 17106" 1723.
2/2-12. bon à recommander aux Accou-
cheurs.
Mauriceau ( Fr. ) Traité des maladies
des femmes groifes. Paris y 168 1. z/z-40.
premitre édit. 1728. 2 vol. 2/Z-40. fixieme
édit. Voilà le premier praticien du monde ,
celui à qui toute l'Europe eft redevable de
Fart des accouchemens & de les progrès.
Son ouvrage eu traduit dans toutes les lan-
gues , & le mérite bien.
Me fnard (Jacques. ) le guide des accou-
chemens. Paris y 1743.2/2-8°. avec fig.
Motte ( Guillaume Mauquefl. de la. )
Traité des accouchemens. Paris y 171$.
première édit. 2/2-4°. Ce livre efl plein d'ex-
cellentes obfervations.
Peu (Philippe.) Pratique des accouche-
mens. Paris y 1694. 2/2-80.
Portai ( Paul. ) La pratique des accou-
chemens. Paris y 1685. avec fig. première
édit. 2/2-80. fig. & Amfi. 1690. //2-8°. en
Hollandois.
Recueil général des caquets de l'ac-
couchée. Paris y 1623. z/2-80. Ce recueil
ne nous a rien appris , & il falloit nous
inftruire.
Rouffet ( François.) Traité nouveau de
l'Hyjftérotomotochie ou de Yenfantement
céfanen. Paris y 1 581. 2/1 -8°. première
édit. en Allemand , par Melchior Sebiiius*
E N F
i/i-8°. en latin , par
des additions. Bafil.
Strasb. 1583. i/2-80. en latin , par Gafp.
Bauhin , avec des additions. Bafil. 1589.
i/2-8*. ibid. 1591. 2/2-8°. c. f. Franco/.
1601. i/2-80. c. f. rare & curieux.
439
Rideau (J.) Traité de l'opération céfa-
rienne & des accouchemens difficiles & la-
borieux. Paris P 1704. i/z-12. première édit.
curieux auffi.
S. Germain ( Charles de ). Traité des
Faufles-couches. Pans , 1655. z/2-80.
Viardel (Cofme). Obfervations fur la
pratique des accouchemeq^. Paris , i£ôi.
auteur médiocre qu'on a pourtant traduit en
Allemand.
Auteurs An gloi s. Braken(Hen~
rici). A. Treatife of Midwifery. Lond.
17^7. i/z-8°. bon à conlulter.
Chamberlain. Practice of Midwifery.
London 9 1665. i/z-8°. C'eft le Mauriceau
d'Angleterre, un des premiers qui ait ac-
quis de la célébrité fur la pratique des
accouchemens ; mais on l'a beaucoup per-
fectionné depuis.
Chapman {Edmund). A Treatife on the
improvement of Midwifery , chiefly with
regard to the opération. London , 1733.
i/z-8°. première édit. ibid. 1738. i/2-80. bon
à confulter.
Giffard ( William ). Two hundred and.
twenty five cafés in Midwifery. London ,
1733. *'n-£°« bon, parce que ce font des
obiervations.
Hody (Hedward). Cafés in Midwifery
by William Giffard rcvis'd. Lond. 1734.
i/z-8°. c. f. bon encore par la même rai-
Ion.
J. P. The compleat Midwifc's Praclicc.
Lond. 1699. i/z-8°. c. f.
Manningham ( Richard ). Artis obfte-
xricandi compendium theoriam &: praxim
fpeclans. Lond. 1739. i/z-40. Hamb. 1746.
z/z-40. c. f. avec des augmentations. C'eft ici
la meilleure édit. pour les chofes.
Mowbray {John). The Female Phyfi-
cian , &c. London, 172$. z/z-8°. With
Copperplates.
Ould ( Thielding. ) A Treatife of Mid-
wifery in three parts. London } 1720. i/2-80.
fig. C'eft un des livres médiocres d'Angle-
terre fur cette matière.
Sermon ( William ). The english Mid-
vifç. Lond. 1671. z/z-8°. c. f. Traité tombé
E N F
dans l'oubli , quoiqu'il ait paru après celui
de Chamberlain.
Sharp (Mrs.) The compleat Midwife's
Companion. Lond. 1737. i/2-80. malgré le
titre , c'eft peu de chofe.
Stone ( Sarah ). A complète Pra&ice of
Midwifery. London > 1737, i/2-80. On a
encore plus promis dans le titre de ce livre ,
qu'on n'a tenu dans l'exécution.
Auteurs Allemands. Bo'èkel-
man (André). Controverfes fur l'extraclion
du fœtus mort , en Allemand , mais origi-
nairement en Hollandois.-<4/77/?. 1697. i/2-8*.
bon.
Eckhardi, unvofichtige Hebamme y c'eft-
à-dire , la fage-femme imprudente. Lipf.
1715. i/2-80. utiie.
Homburgen (Anna Elyf.) Unterricht
der Hebammen > c'eft-à-dire , inftruclion
des fages-femmes. Hannov. 1700. i/2-80.
Hoorn. ( Joli. Von. ) Art des accouche-
chemens , en Suédois. Stockolm , 1697 6?
1726. i/2-80. avec fig. C'eft un des bons
manuels qu'on ait en langue Suédoife , pour
instruire les accoucheufes. '
Richters ( È. C.) Alle\eit vorfichtige
Web-mutter. Franco/. 1738. i/2-80. bon.
Sigemundi (Jufiina) Brandenburgifche
Hoff'- Web-mutter. Berolini y 1689 &
1708. i/2-40. F°rt bon ouvrage , & je crois
le meilleur qui ait paru en langue Alle-
mande.
Sommers ( Joh. Georg. ) Hebammen
Schul. c'eft-à-dire , école des accoucheufes.
Coburg. 1664. 'fl-12- ibid. 1691. 171 5.
i/2-12. avec fig.
Sterren (Dyonifius Vah-der). Traité de
l'accouchement céiarien , originairement
en Hollandois à Leyden. 1682. i/2-12.
Tout ce qui a été dit fur l'opération cé-
farienne doit être recueilli.
Voèlters ( Chriftophor. ) Hebammen
Schul. c'eft-à-dire , l'école des accouche-
mens ; Stutgnard. 1679. ^-8°. On peut aller
à meilleure école qu'à celle de cet auteur.
Welfchens (Gou/red) Kinder-mutter 7
undHebemmen-Buch. Witteb. 1671. f/2-40.
Ouvrage très-médiocre.
Widmania (Barbara) anweifung chrif~
tilkhen Hebammen , c'eft-à-dire , la fage-
temme chrétienne éclairée. Auguftûe Vin-
del. 173$. z/z-8°. utile aux accoucheufes.
44° E N F
Auteurs Italiens. Meîll (Se-
bajiiano). La Commare levatrice ifirutta del
fuo offido. config. Venet. 1721. i/z-40. bon.
Mercurio (Scipione). La Commare 9 o ,
Riccogitrice in Vene\. 1604. //7-40. pre-
mière édit. in Milano 161 S. //2-40. in Ve-
rona 1641. i/z-40. avec fig. fur bols.Ibid.
1661 . z/z-40. avec fig, en Allemand. IVit-
temb. 1671. & à Leipjig. 1692. avec fig.
curieux & fort rare.
Santorini ( Givano Domenico). Hiflo-
ria d'un Feto felicimente ejlratto. Vene\.
1727. i/1-40. On peut compter fur les ob-
fervations de cet habile Anatomiffe.
Je n'ai pas befoin de remarquer , en
fmifTant ma lifte , qu'on trouve fur les ac-
couchemens d'excellentes obfervations fe-
rmées dans les mémoires de l'académie des
fciences & de chirurgie de Paris ; les tran-
inclions philofophiques de Londres , les acles
de la fociété d'Edin bourg , & autres fem-
blablcs. Il feroit à foulïaiter que le tout fût
réuni en un feul corps pour l'utilité des
gens de l'art. Article de M. le chevalier
DE JAUCOURT.
Enfantement douleurs del\ (Mé-
dec. ) ce font celles qui font particulières à
la femme grofîe , qui annoncent & qui
précèdent fa prochaine délivrance ; état
bien touchant & bien intéreffant pour
l'humanité.
C'eft dans cet état que la femme grotte de-
vient ordinairement très-attentive à toutes
les révolutions qui fe font en elle On ne
peut raifonnablement blâmer fes frayeurs &
fa prévoyance ; perfonne ne doit être plus
intérefTé qu'elle à la confervation de fa
vie , & à celle du fruit qu'elle porte dans
fon fein. Elle va jouer le rôle le plus grave
& le plus pénible dans l'action qui s'ap-
proche. En conféquence , les moindres
douleurs qu'elle fouffre ne manquent pas
de l'alarmer , fur-tout dans fa première
grofTefTe ; & le fcntiment ou la conno'riïànce
du péril qu'elle peut courir , la prefîe d'ap-
peller à fon aide une habile accoucheule ,
ou , ce qui vaut encore mieux , un accou-
cheur confommé.
Ceux-ci, infiruits par leurs lumières &
par leur expérience , commencent d'abord
par examiner foigneufement &: très-fcrupu-
leufement l'efpece de douleurs de la femme
E N F
grofîe. Cet examen eii de la dernière im-
portance ; parce que d'un côté il feroit
très-imprudent de retarder un travail réel ,
& de l'autre ce feroit expofer la vie de la
femme & celle de fon enfant , que de
hâter , par le fecours de l'art , une opéra-
tion qui n'efl pas encore préparée par les
fecrets de la nature. Je fais bien que les
femmes qui ont eu plufieurs enfans , fè
croient capables de diftinguer les vraies dou-
leurs de ['enfantement de celles qui provien-
nent de toute autre caufe ; mais outre
qu'elles s'abufent d'ordinaire , l'accoucheur
lui-même , quoique très-éclairé dans fon
art , s'y trompe quelquefois. Il importe
donc de parcourir les fignes ici les plus
diftin&ifs auxquels on peut reconnoître les
taufles douleurs des véritables.
Les douleurs qui ne partent point de la
matrice, qui ne la dilatent point, qui ne
portent point en en-bas , qui paroifTent
long-temps avant le terme , qui ne font
pas précédées de l'écoulement des eaux ,
font ce qu'on appelle douleurs faujjes y
c'efl-à-dire*, qui ne caraclérifent point Y en-
fantement prochain. Ces douleurs fauffes
proviennent quelquefois des vents renfer-
més dans les inteftins , que l'on recon-
noît au murmure qui fe fait dans le bas-
ventre ; quelquefois de tenefmes , d'envies
continuelles d'aller à la felle par la com-
preflion de l'utérus fur le reclum ; d'autres
fois une grande émotion ou des parlions
vives fuffifent pour exciter fur la fin de
la grofTefTe des douleurs violentes , fans
qu'elles annoncent la délivrance prochaine.
Les douleurs vraies de Y enfantement com-
mencent dans la région lombaire , s'étendent
du côté de la matrice , rendent le pouls plus
plein , plus fréquent & plus élevé ; elles don-
nent de la couleur, parce que le fang efl
porté au vifage avec plus de vîteffe & en
plus grande quantité ; elles fe rallentifTent &
redoublent par intervalles. La douleur qui
fuit , ei\ toujours plus grande que celle qui
l'a précédée , en forte qu'on peut dire que
c'efl par un accroifîement fucceffif des dou-
leurs qu'une femme eft conduite à Y enfan-
tement qui les termine.
Les douleurs vraies fe diflinguent encore
des douleurs de colique , en ce que ces
dernières fe diflipent ou du moins reçoi-
vent
_ENF
vent quelque foulagement par l'application
des linges chauds lui l'abdomen , l'ulage
interne des emoiliens onctueux , la fai-
gnée , les lavcmens adouciilans , &c. . au
lieu que tous ces moyens lemblent exciter
plus fortement les véritables douleurs de
l'enfantement.
Un autre fïgne affez diftinétlf , eft le
lieu de la douleur : dans les coliques ven-
teufes , l'endroit de la douleur eft vague ;
dans l'inflammation il eft fixe : Se a pour
ilege les parties enflammées : mais les dou-
leurs de X enfantement font alternatives , dé-
terminées vers la matrice avec reflerrement
Se dilatation luccefïive , 8e répondent tou-
jours en en- bas.
On foupçonne toutes les douleurs qu'une
femme fouffre avant le neuvième mois,
d'être faujfes , 8c par conféquent on ne
doit pas chercher à les augmenter : s'il
arrivoit néanmoins qu'au feptieme mois
de la groflèfïe une femme entrât réelle-
ment en travail , il faudrait non-feulement
ne le point retarder , mais le hâter avec
prudence.
Au furplus , ce qu'il y a de mieux à
faire , pour n'être point trompé dans cette
occaflon , c'eft de toucher l'orifice de la
matrice ; Se fon état fournira les notions
les plus certaines fur la nature des dou-
leurs , & les lignes caractériftiques du fu-
tur accouchement. Si les douleurs font
fauflès , l'orifice de la matrice Ce refermera
plus étroitement qu'auparavant dès qu'elles
feront paflées ; il elles font vraies , elles
augmenteront la dilatation de l'orifice de
la matrice. Ainfi l'on décidera du caractère
des douleurs , en touchant l'utérus avant
Se après ; en effet , lorfque la matrice agit
fur l'enfant qu'elle renferme , elle tend à
furmonter la réfiftance de l'orifice qui fe
dilate peu à peu. Si l'on touche cet orifice
dans le temps des douleurs , on fent qu'il
fe refferre ; Ôc lorfque la douleur eft dif-
fipée , l'orifice fe dilate de nouveau. Ainfi
pr.r l'augmentation des fouffrances , Se par
le progrès de la dilatation de l'orifice ,
lorsqu'elles feront ceflées , on peut s'aflurer
de la nature des douleurs , juger allez bien
du temps de 1 accouchement prochain , &
diriger fa conduite en conféquence.
Les douleurs avant-courieres de l'enfan-
» Tome. XII,
E N F 4f î
tement , font celles qui fe font fentir à 1 re-
proche du travail pendant quelques heures ,
de même quelquefois pendant pluileurs
jours : on les appelle mouches. Quoique les
femmes en foient très-fatiguées , elles leur
font extrêmement falutaires ; ce (ont elles
qui produisent la dilatation fuccefïive de
Toriflce de la matrice ; elles contribuent à
la formation des eaux ; elles pouflent l'en-
fant dans une fituation propre à fortir ; elles
préparent les pafïages qui fe trouvent en-
duits d'une humeur émoiiliente & mucila-
gineufe qu'elles expriment de la matrice ;
Se peut-être fervent-elles encore à détacher
le placenta de la furface intérieure de l'uté-
rus ; détachement qui précède immédiate-
ment la naillance de l'enfant. Je dis que la
femme grofle éprouve quelquefois de pa-
reilles douleurs pendant plufieurs jours ;
c'eft pourquoi l'accoucheur feroit impru-
dent de la mettre en travail , avant que les
autres raifons décifives Se réunies enfemble
ne l'y déterminaient.
Enfin , comme il fe fait fouvent dans les
femmes prêtes d'accoucher , des mouvemens
violens , foit dans le vifage , les yeux , les
lèvres , foit dans les bras , foit dans les
organes de la refpiration , foit dans le bas-
ventre , foit dans les parties inférieures du
corps ; ces mouvemens impétueux Se pref-
que convulfifs font la voix de la niture
même, qui apprend, qui crie à l'accou-
cheur , que les vraies douleurs de la femme
grofle font parvenues au degré de violence
nécefîaire pour l'expulfion de l'enfant , le-
quel à ion tour aura befoin en naiffant de
fecours de toute efpece , incapable de faire
aucun ufage de fes organes , Se de fe fervir
de fes fens ; image de mifere , de fouffran-
ces Se d'imbécillité ! Article de M. le Che-
valier DE JaUCOURT.
ENFER , f. m. ( Théologie. ) lieu de tour-
mens où les méchans fubiront , après cette
vie , la punition due à leurs crimes.
Dans ce fens le mot d'enfer eft oppofé à
celui de ciel ou paradis. Voye{ Ciel &
Paradis.
Les Païens avoient donné à l'enfer les
noms de tartarus ou tartara , hades , infer-
nus , inferna , inferi , or eus , Sec.
Les Juifs n'ayant point exactement de
nom propre pour exprimer l'enfer dans le
Kk'k
44* E N F
fens où nous venons de le définir ( car le
mot Hébreu fcheol fe prend indifféremment
pour le lieu de la fépulture , & pour le
lieu de fupplice réfervé aux réprouvés ) ,
ils lui ont donné le nom de Gekcnna ou
Gehinnon , vallée près de Jérufalcm , dans
laquelle étoit un tophet ou place , où Ton
entretenoit un feu perpétuel allumé par le
fanatifme pour immoler des enfans à Mo-
loch. De là vient que dans le nouveau
Teftament Yenfer eft fouvent défigné par
ces mots Gehenna ignis.
Les principales queftions qu'on peut
former fur Yenfer , fe réduifent à ces trois
points : Ton exiftence , fa localité , & l'éter-
nité des peines qu'y fouffrent les réprouvés.
Nous allons les examiner féparément.
I. Si les anciens Hébreux n'ont pas eu
de terme propre pour exprimer Yenfer , ils
n'en ont pas moins reconnu la réalité. Les
auteurs infpivés en ont peint les tourmens
avec les couleurs les plus terribles : Moyfe ,
dans leDeutéronome , chap. xxxij ,verf. %%,
menace les ifraélites infidèles , & leur dit
au nom du Seigneur: Un feu s'efl allumé
dans ma fureur , & il brûlera juf qu'au fond
de /enfer ; il dévorera la terre & toutes les
plantes , & il brûlera les fondemens des mon-
tagnes. Job y chap. xxiv , verf. ig , réunit
iur la tête des réprouvés les plus extrêmes
douleurs : Que le méchant , dit-il , pajfe de
la froideur de la neige aux plus cxcejjives
chaleurs ; quefon crime defcende jufque dans
/'enfer ; & au chap. xxvj , verf. 6 , /'enfer
ejl découvert aux yeux de Dieu , & le lieu
de la perdition ne peut fe cacher à fa lumière.
Enfin , pour ne pas nous jeter dans des
citations infinies , Ifaïe , chap. Ixvj , v. 2.4 ,
exprime ainfï les tourmens intérieurs <k
extérieurs que fubiront les réprouvés : Vi-
debunt cadavera virorum qui prevaricati
funt in me , vermis ecrum non morietur , &
ignis eorum non extinguetur , & erunt ufque
ad fatietatem vijionis omni car ni ; c'eft-à-
dire , comme porte l'Hébreu , ils feront un
fujet de dégoût à toute chair , tant leurs
corps feront horriblement défigurés par les
tourmens.
Ces autorités fuffirent pour fermer la
bouche à ceux qui prétendent que les an-
ciens Hébreux n'ont eu nulle connoiffance
lies châtimens de la vie future 3 parce que
E N F
Moyfè ne les menace ordinairement que
des peines temporelles. Les textes que nous
venons de citer , énoncent clairement des
punitions qui ne doivent s'infliger qu'après
la mort. Ce qu'on objecte encore, que les
écrivains facrés ont emprunté ces idées des
poètes Grecs , n'a nul rondement : Moyfe
eft de plufieurs fiecles antérieur à Homère.
Soit que Job ait été contemporain de
Moyfe , ou que fon livre ait été écrit par
Salomon , comme le prétendent quelques
critiques , il auroit vécu , vers le temps du
fiege de Troye , qu'Homère n'a décrit que
quatre cents ans après, ifaïe , à la vérité",
étoit à peu près contemporain d'Héliode
& d'Homère ; mais quelle connoiflance
a-t-il eue de leurs écrits , dont les derniers
fur-tout n'ont été recueillis que par les
foins de Pififtrate , c'eft-à-dire , fort long-
temps après la mort du poète Grec , 6c
celle du prophète qu'on fuppofe avoir été
le copifte d'Homère.
Il eft vrai que les Efféniens , les Pha-
rifiens , & les autres fecles qui s'élevèrent
parmi les Juifs depuis le retour de la
captivité , & qui , depuis les conquêtes
d'Alexandre , avoient eu commerce avec
les Grecs , mêlèrent leurs opinions particu-
lières aux idées (impies qu'avoient eues les
anciens Hébreux fur les peines de Venfer.
" Les Efféniens , dit Jofeph dans fon Hift.
» de la guerre des Juifs , liv. II , chap.. xij y
» tiennent que lame eft immortelle , &
» qu'aufîi-tôt qu'elle eft fortie du corps >
» elle s'élève pleine de joie vers le ciel ,
» comme étant dégagée d'une longue fer-
» vitude , & délivrée des liens de la chair.
» Les âmes des juftes vont au delà de
» l'Océan, dans un lieu de repos & de
» délices } où elles ne font troublées par
» aucune incommodité ni dérangement
» des faifons. Celles des médians au' con-
» traire font reléguées dans des lieux expo-
» fés à toutes les injures de l'air, où elles
•» fouffrent des tourmens éternels. Les Efle-
» niens ont fur ces tourmens à peu près les
» mêmes idées que les poètes nous donnent
» du Tartare & du royaume de Pluton. »
Fbje^EssÉNIENS.
Le même auteur , dans fes antiquités
judaïques , liv. XVIII , chap. ij , dit " que
» les Phariiiens croient aufE les âmes im-
E N F
ï» mortelles , ôc qu'après la mort du corps
» celles des bons jouilîent de la félicité ,
» 6c peuvent alternent' retourner dans le
» monde animer d'autres corps ; mais que
» celles des médians font condamnées à
y des peines qui ne finiront jamais. »
Voye^ Pharisiens.
Philon , dans l'opu feule intitulé de con-
gre (fu queerendee eruditionis caufâ , recon-
noit , ainfi que les autres Juifs , des peines
pour les médians , ôc des récompenfes pour
les j uftes : mais il eft fort éloigné des fen-
timens des Païens , & même des Efléniens
au lujer de l'enfer. Tout ce qu'on raconre
de Cerbère , des Furies , de Tantale ,
dTxion , ùc. tout ce qu'on en lit dans les
poètes , il le traite de fables Ôc de chimères.
11 ibutient que Venfer n'eft autre chofe
qu'une vie impure & criminelle ; mais cela
même eft allégorique. Cet auteur ne s'ex-
plique fias diftinclement fur le lieu où font
punis les médians, ni fur le genre ôc la
qualité de leur fupplice ; il femble même
le borner au paflage que les âmes font d'un
corps dans un autre , où elles ont fouvent
beaucoup de maux à endurer , de priva-
tion à fourbir , & de confufion à efïuyer :
ce qui approche fort de la métempfycofe
de Pythagore. Voye^ Métempsycose.
Les Sadducéens qui nioient l'immorta-
lité de Parti; , ne reconnoifïbient par con-
féquent ni récompenfes ni peines pour la
vie future. Voye-{ Sadducéens.
L'exiftence de Venfer ôc des fupplices
éternels eft atteftée prefque à chaque page
du nouveau Teftament. La ientence que
Jefus-Chrift prononcera contre les réprou-
vés au jugement dernier , eft conçue en
ces termes : Matth. XXV. f. 34. Ite , male-
dicli , in ignem œternum quiparatus ejl diabolo
& angelis ejus. Il représente perpétuelle-
ment Venfer comme un lieu ténébreux où
régnent la douleur , la triftefle , le dépit ,
la-rage , ôc comme un féjour d'horreur où
tout retentit des grincemens de dents &
des cris qu'arrache le défèfpoir. S. Jean ,
dans TApocalypfe , le peint fous Pimage
d'un étang immenfè de feu & de foufre ,
où les médians feront précipités en corps
ôc en ame , & tourmentés pendant toute
l'éternité.
En conféquence , les Théologiens diftin-
E N F 44j
J guent deux iortes de tourmens dans Venfer :
lavoir , la peine du dam , pxna damni feu
damnationis 5 c'eft la perte ou la privation
de la vifion béatifique de Dieu , vifion qui
doit faire le bonheur éternel des faints : ôc
la peine du (ens , pjçnafenfvs , c'eft-à-dire ,
tout ce qui peut affliger le corps , ôc fur-
tout les douleurs cui fautes ôc continuelles
caufées dans toutes fes parties par un feu
inextinguible.
Les faufles religions ont aufïi leur enfer :
celui des Païens , allez connu par les def-
criptions qu'en ont faites Homère , Ovide
& Virgile , eft allez capable d'infpirer de
l'effroi par les peintures des tourmens qu'ils
y font fouffrir à Ixion , à Proméchée , aux
Danaïdes , aux Lapythes , à Phlégias , &c.
mais parmi les Païens , foit corruption du
cœur , foit penchant à l'incrédulité , le
peuple & les enfans même traitoient toutes
ces belles deferiptions de contes & de
rêveries ; du moins c'eft une des vices que
Juvénal reproche aux Romains de fon
fîecle :
EJfe etliquos mânes & fubterranea régna ,
Et contum , & Stjgio ranas ingurgite nigras ,
Atque unâ tranjire vadumtot mïllia cimbà t
Nec pueri credunt , nifiqui nondum &re lavant ur.
Sed tu veraputa. Saur. II,
Voye^ Enfer , ( Mythologie. )
Les Talmudiftes , dont la croyance n'eft
qu'un amas ridicule de fuperftitions , diftin-
guent trois ordres de perfonnes qui paraî-
tront au jugement dernier. Le premier ,
des juftes ; le fécond, des médians ; ôc le
troilieme , de ceux qui font dans un état
mitoyen , c'eft-à-dire , qui ne font ni tout-
à-fait juftes ni tout-à-fait impies. Les juftes
feront aufïï-tôt deftinés à la vie éternelle ,
& les méchans au malheur de la gêne ou
de Venfer. Les mitoyens , tant Juifs que
Gentils , defeendront dans Venfer avec leurs
corps , ôc ils pleureront pendant douze
mois , montant ôc defeendanr , allant à
leurs corps ôc retournant en enfer. Après
ce terme , leurs corps feront confumés ôc
leurs âmes brûlées , ôc le vent les difperfera
fous les pies des j.uftes : mais les héréti-
ques , les athées , les tyrans qui ont défolé
Kkk x
44+ E N F
la terre , ceux q?i engagent les peuples 1
dans le péché , feront punis dans l'enfer
pendant les iîeclcs des fiecles. Les rabbins
ajoutent que tous les ans au premier jour
de Tirfr , qui ' eft le premier jour de
Tannée judaïque , Dieu fait une efpece
de révifionde Tes regiftres , ou un examen
du nombre Se de l'état des âmes qui font
en enfer. Talmud in Gemar. Tracl. Rofch.
hafchana , c. j , fol. î 6".
Les Mufulmans ont emprunté des Juifs
& des Chrétiens , le nom de gehennem ou
gehim , pour lignifier l'enfer, Gehennem ,
en Arabe , lignifie un puits très-profond ; &
gehim , un homme laid ù difforme ; ben
gehennem , un fils de /'enfer, un réprouvé.
Ils donnent le nom de thabeck à l'ange qui
préiide à l'enfer. D'Herbelot , Biblioth.
orient, au mot Gehennem.
Selon l'alcoran , au chap. de la prière 3 les
Mahométans reconnoiflènt fept portes de
l'enfer y ou fept degrés de peines : c'eft aulîî
le fentiment de pluiieurs commentateurs
de l'alcoran , qui mettent au premier degré
de peine, nommé gehennem , les Mufulmans
qui auront mérité d'y tomber : le fécond
degré , nommé ladha , eft pour les Chré-
tiens ; le trciiieme , appelle hothama , pour
les Juifs ; le quatrième nommé faïr , eft
deftiné aux Sabiens ; le cinquième , nommé
facar , eft pour les mages ou Guebres , ado-
rateurs du feu j le fixieme , appelle gehim ,
pour les Païens & les Idolâtres ; le feptieme,
qui eft le plus profond de l'abyme , porte
le nom de haoviath ; il eft réfervé pour les
hypocrites qui déguifent leur religion , &
qui en cachent dans le cœur une différente
de celle qu'ils profeflent au dehors.
D'autres interprètes Mahométans expli-
quent différemment ces fept portes de l'en-
fer. Quelques-uns croient qu'elles marquent
les fept pochés capitaux. D'autres les pren-
nent des fept principaux membres du corps
dont les hommes le fervent pour offenfer
Diefc , & qui font les principaux inftrumens
de leurs crimes. C'eft en ce fens qu'un poé'te
Perfan a dit : " Vous avez les fept portes
» d'enfer dans votre corps ; mais l'ame
» peut faire fept ferrures à ces portes : la
« clef de ces ferrures eft votre libre arbitre,
»> dont vous pouvez vous fervir pour fer-
« mer ces portes , iî-bien qu'elles ne s'ou-
£ N F
» vrent plus à votre perte. » Outre la peine
du feu ou du fens , les Mufulmans recon-
noiflènt auiïl comme nous celle du dam.
On dit que les Cafres admettent treize
enfers , & vingt-fept paradis , où chacun
trouve la place qu'il a méritée fuivant fes
bonnes ou mauvaises actions.
Cette perfuaiïon des peines dans une vie
future , univerfellement répandue dans tou-
tes les religions, même les plus faufïès, 8c
chez les peuples les plus barbares , a toujours
été employée par les légillateurs comme le
frein le plus puiftant pour arrêter la licence
& le crime , & pour contenir les hommes
dans les bornes du devoir.
II. Les auteurs font extrêmement partagés
fur la féconde queftion : favoir , s'il y a
effectivement quelque enfer local, ou quel-
que place propre & fpécifique où les réprou-
vés fouffrent les tourmens du feu. Les pro-
phètes ôk les autres auteurs facrés parlenc en
général de l'enfer comme d'un lieu (buterrain
placé fous les eaux & lesfondemens des mon-
tagnes , au centre de la terre , & ils le dé-
lignent par les noms de puits &C à'abyme :
mais toutes ces expreffions ne déterminent
pas le lieu fixe de l'enfer. Les écrivains pro-
fanes, tant anciens que modernes , ont
donné carrière à leur imagination fur cet
article ; & voici ce que nous avons recueilli
d'après Chambers.
Les Grecs, après Homère, Héfîode , &c.
ont conçu l'enfr comme un lieu vafte &
obfcur fous terre , partagé en diverfes ré-
gions , l'une affreufe où l'on voyoit des lacs
dont l'eau bourbeufe & infecte exhaloit
:ies vapeurs mortelles ; un fleuve de feu ,
des tours de fer & d'airain , des fournaifes
ardentes , dcsmonftres & des furies acharnés
à tourmenter les fcélérats (voye^ Lucien ,
de luclu , & Euftathe , fur Homère) : l'autre
riante , deftinée aux fages & aux héros.
Voyei Elysée.
Parmi les poètes Latins , quelques-uns
ont placé l'enfer dans les régions fou'errai-
nes fituées directement au deflous du lac
d'Averne , dans la campagne de Rome , à
caufe des vapeurs empoilonnées qui s'éle-
voient de ce lac. Enéide , livre VI. Voye^
AvEftNE.
Calipfodqns Homère parlant à Ulyfïè ,
met la porte de l'enfer aux extrémités de
E N F
l'Océan, Xénophon y fait entrer Hercule
par la péninfule acherafiade, près d'Héra-
clée du Pont.
D'autres fe font imaginé que Yenfer étoit
fous le Ténare , promontoire de Laconie ,
parce que c'étoit un lieurobfcur &z terrible
environné d'épailfes forêts , d'où ii étoit plus
difficile de Sortir que d'un labyrinthe. C'eft
par-là qu'Ovide fait defcendre Orphée aux
enfers. D'autres ont cru que la rivière ou le
marais du Styx en Arcadie étoit l'entrée des
enfers , parce que ces exhalailbns croient
mortelles. Voye^ Ténare & Styx.
Mais toutes ces opinions ne doivent être
regardéesque comme des fictions des poètes,
qui, félon le génie de leur art , exagérant
tout, reprélenterentces lieux comme autant
de portes ou d'entrées de Y enfer , à l'occa-
fion de leur afpect horrible , ou de la mort
certaine dont étoient frappés tous ceux qui
avoient le malheur ou l'imprudence de s'en
trop approcher. Voye^ Enfer , ( Myihol. )
Les premiers Chrétiens , qui regardoient
la terre comme un plan d'une valle étendue,
& le ciel comme un arc élevé ou un pavillon
tendu fur ce plan , crurent que Y enfer ctoit
une place fouterraine ôc la plus éloignée du
ciel , de ibrte que leur enfer étoit placé où
font nos antipodes. Vcye^ Antipodes.
Virgile avoit eu avant eux une idée à-peu-
près femblable.
tum Tartarus ipfe
Bis pxtet in prœceps tantum , tendit jue fub
timbrai ,
Quant us ai ithereum cœli fuftefîm Olympum.
Tertullien , dans fon livre de Vame , re-
préfenre les Chrétiens de fon tempscomme
perfuadés que Yenfer étoit un abyme iitué
au fond de la terre ; Se cette opinion étoit
fondée principalement fur la croyance de
la defeente de Jefus-Chrift aux lymbes.
Mauh. XII y f. 40. Voye^ Lymbes , 6'
V article fuivant Enfer.
Whifthon a avancé , fur la localité de
V enfer , une opinion nouvelle. Selon lui
les comètes doivent être confidérées comme
autant d'enfers deftinés à voiturer alterna-
tivement les damnés dans les confins du
foleil , pour y être grilles par fes feux , &
les traniporter fuccefïivement dans des ré-
EN F 44.5
gions froides , obfcures ck afTreufes , au
del-i de l'orbite de Saturne. Voye-^ Comète.
Swinden dans fes recherches fur la na-
ture & fur la place de l'enfer , n'adopte au-
cune des fimations ci-deilus mentionnées;
&c il en aiïigne une nouvelle. Suivant fes
idées , le foleil lui-même eft. Yenfer local ;
mais il n'eft pas le premier auteur de cette
opinion ; outre qu'on pourrait en trouver
quelques traces dans ce paffage de l'apo-
calypfe , chap. xvj , f. 8 & g. Et quartus
angélus effudit phialam fuam in folem , &
datum ejî illi œjlu ajfligere homines & igni ,
& œfuaverum homines œjlu magno. Py thagore
paraît avoir eu la même penfée que Swin-
den en plaçant Yenfer dans la fphere du
feu , & cette fphere au milieu de Punivers.
D'ailleurs , Ariftotc de cœlo , lib. II, fait
mention de quelques philofophes de l'école
italique ou pythagoricienne , qui ont placé
la fphere du feu dans le foleil , & l'ont même
nommée la pr if on de Jupiter. Voye^ Pytha-
goriciens.
Swinden , pour foutenir fon fyftême ,
entreprend de déplacer Yenfer du centre de
la terre. La première raifon qu'il en allègue ,
c'eft que ce lieu ne peut contenir un fond
ou une provision de ioufre ou d'autres ma-
tières ignées allez confidérable pour entre-
tenir un feu perpétuel & auffi terrible
dans fon activité que celui de Yenfer ; &c
la féconde , que le centre de la terre doit
manquer de particules nitreufes qui fe trou-
vent dans l'air , 8c qui doivent empêcher
ce feu de s'éteindre : « & comment , ajou-
» te-t-il, un tel feu pourroit-il être éternel
» Se fe conferver fans fin dans les entrailles
» de la terre , puifque toute la fubftance
» de la terre en doit être confumée fuc-
» ceiTivement & par degrés? »
Cependant il ne faut pas oublier ici que
Tertullien a prévenu la première de ces
difficultés , en mettant une différence entre
le feu caché ou interne , & le feu public
ou extérieur. Selon lui , le premier eft de
nature , non-feulement à confumer , mais
encore à réparer ce qu'il confume. La fé-
conde difficulté a été levée par S. Auguftin ,
qui prétend que Dieu , par un miracle ,
fournit de l'air au feu central. Mais l'au-
torité de ces pères , fi refpectable en ma-
tière de doctrine , n'eft pas irréfragable
44g 'ENF
►jquand. il s'agit de phyfique : aufTi Swinden
continue à montrer que les parties centrales
de la terre font plutôt occupées par de
l'eau que par du feu ; ce qu'il confirme
par ce que dit Moyfe des eaux fouterraines ,
exode , chap. xx. y. 4 ; ÔC par le pfeaume
XXIII 3 ir. %. Quia fuper maria fundavit eum
'( orbem ) , Ù fuper Jlumi/uz prceparavit eum.
Il allègue encore qu'il ne fe trouveroit
point au centre de la terre allez de place
jpour contenir le nombre infini de mau-
vais anges 8c d'hommes réprouvés. Voye^
Abymf.
On fait que Drexelius de damnatorum
carcere & rogo , a confiné V enfer dans l'ef-
face d'un mille cubique d'Allemagne , 8c
qu'il a fixé le nombre des damnés à cent
mille millions 5 mais Swinden penle que
Drexelius a trop ménagé le terrain ; qu'il
peut y avoir cent fois plus de damnés , &
qu'ils ne pourroient être qu'infiniment
prefles , quelque vafte que foit l'efpace
qu'on put leur affigner au centre de la
terre. Il conclud qu'il eft irhpollible d'ar-
ranger une fi grande multitude d'efprits
clans un lieu fi étroit, fans admettre une
pénétration de dimenfion : ce qui eft ab-
iurde en bonne philo fophie , même par
.rapport aux efprits : car 11 cela étoit , il dit
'qu'il ne voit pas pourquoi Dieu auroit
préparé une prilon fi vafte pour les dam-
nés , puifqu'ils auroient pu être entafTés tous
dans un efpace auflî étroit qu'un four de
^boulanger. On pourroit ajouter que le
.nombre des réprouvés devant être très-
•étendu , & les réprouvés devant un jour
brûler en corps 8c en ame , il faut néceiîai-
jement admettre un enfer plus fpacieux que
*cdui qu'a imaginé Drexelius , à moins
.qu'on ne fuppofe qu'au jugement dernier
Dieu en créera un nouveau aflez vafte
.pour contenir les corps 8c les âmes. Nous
ne fommes ici qu'hiftoriens. Quoi qu'ilen
(bit, les argumens qu'allègue Swinden pour
prouver que le foléil eft Y enfer local , font
tirés :
i°. De la capacité de cet aftre , perfbnne
■ne pouvant nier que le foleil ne foit afTez
fpacieux pour contenir tous les damnés de
.tous les fiecles, puifqueies aftronomes lui
■donnent communément un million de lieues
4r .circuit 5 aji$ ce n'eft pas la place qui
E NF
manque dans ce fyftême. Le feu ne man-
quera pas non plus , fi nous admettons le
raifonnement par lequel Swinden prouve ,
contre Ariftote , que le foleil eft chaud ,
page 108. ù fuiv, « Le bon homme , dit-
» il , eft faifi d'étonnement à la vue des
» Pyrénées de foufre 8c des océans athlan-
» tiques de bitume ardent , qu'il faut pour
» entretenir Fimmenfité des flammes du
» foleil. Nos Jitna 8c nos Véfuve ne font
» que des vers luifans. » Voilà une phrate
plus digne d'un Gafcon que d'un favant
du nord.
2°. De la diflance du foleil 8c de fon
oppofition à Fempyrée , que l'on a toujours
regardé comme le ciel local. Une telle
oppofition répond parfaitement à celle qui
fe trouve naturellement entre deux places ,
dont l'une eft deftinée au féjour des anges
& des élus , 8c l'autre à celui des démons
8c des réprouvés , dont l'une eft un lieu,
de gloire 8c de bénédictions , 8c l'autre
eft un lieu d'horreur 8c de blafphêmes.
La diftance s'accorde aufïi très-bien avec
les paroles du mauvais riche qui , dans
S. Luc, chap. xvj , y. 2.3 , voit Abraham
dans un grand éloignement , 8c avec la
réponfe d'Abraham dans ce même chap.
y. çl6 , & in his omnibus inter nos & vos
chaos magnum firmatum ejî , ut hi qui volunt
hinc tranfire adyos non pojfint , neçue inde
hue tranfmcare. Or Swinden, parce chaos
ou ce gouffre , entend le tourbillon folaire.
Voye^ Tourbillon.
30. De ce que l'empyiée eft le lieu le
plus haut , 8c le foleil le lieu le plus bag
de l'univers , en considérant cette planète
comme le centre de notre fyftême ,8c comme
la première partie du monde créé 8c vifî-
ble ; ce qui s'accorde avec cette notion , que
le foleil a été deftiné primitivement , non-
feulement à éclairer la terre , mais encore
à fervir de prifon 8c de lieu de fupplice
aux anges rebelles , dont notre auteur fup-
pofe que la chute a précédé immédiate-
ment la création du monde habité par les
hommes.
40. Du culte queprefque tous les hommes
ont rendu au feu ou au foleil , ce qui
peut fe concilier avec la fubtilité malicieule
des efprits qui habitent le foleil , 8c
qui ont porté les hommes à adorer leur
E N F
trône , ou plutôt Tinflrurpent de leur fup-
plice.
Nous laifïons au le&eur à apprécier tous
ces fyftêmes ; & nous nous contentons
de dire qu'il eft bien fingulier de vou-
loir fixer le lieu de l'enfer , quand récri-
ture , par Ton filence , nous indique aflèz
celui que nous devrions garder fur cette
matière.
III. Il ne conviendroit pas également
de demeurer indécis fur une queftion qui
intérefîè eflèntiellement la foi : c'eft l'éter-
nité des peines que les damnés fourniront
en enfer. Elle paroît expreflement décidée
par les écritures , de quant à la nature des
peines du fens , &c quant à . leur dutée qui
doit être interminable. Cependant , outre
les incrédules modernes qui rejettent l'un
ôc l'autre points , tant parce qu'ils imagi-
nent l'ame mortelle comme le corps , que
parce que l'éternité des peines leur femble
incompatible avec l'idée d'un Dieu eflen-
tiellement &c fouverainement bon ôc mifé-
ricordieux , Origene , dans Ton traité inti-
tulé , <Bifi etfKov , ou de principes , don-
nant aux paroles de l'écriture une inter-
prétation métaphorique , fait confîfter les
tourmens dé Yenfer , non dans des peines
extérieures ou corporelles', mais dans les
remords de la confeience des pécheurs ,
dans l'horreur qu'ils ont de leurs crimes ,
& dans le fouvenir qu'ils confervent du
vuide de leurs plaifîrs parles. S. Auguftin
fait mention de plufîeurs de fes contem-
porains qui étoient dans la même erreur.
Calvin & plufîeurs de fes feetateurs l'ont
foutenu de nos jours ; & c'eft le fentiment
général des Socinîéns , qui prétendent que
l'idée de Yenfer , admis par les catholiques ,
eft emprunté des fictions du paganifme.
Nous trouvons encore Origene à la tête
de ceux qui nient l'éternité des peines dans
la vie future : cet auteur , au rapport de
plufîeurs pères , mais fur-tout de S. Auguf-
tin , dans fon traité de la cité de Dieu ,
liv. XXI , chap. xvij , en feigne que les
hommes Se les démons même , après qu'ils
auront elîuyé des tourmens proportionnés
à leurs crimes , mais limirés toutefois quant
à la durée , en obtiendront le pardon &
entreront dans le ciel. M. Huet , dans fes
remarques fur Origene , conjecture que la
E N F" 44r
lecture de Platon avoir gâté Origene à cet
égard.
L'argument principal fur lequel fe fondoit
Origene, eft que toutes les punitions ne font
ordonnées que pour corriger ,Sc appliquées
comme des remèdes douloureux , pour
faire recouvrer la fanté aux fujets à qui on
les inflige. Les autres objections fur lef-
quelles infiftent les modernes , font tirées j
de la difproportion qui fe rencontre entre
des crimes pafiàgers &c des fupplices éter-
nels , &c.
Les phrafes qu'emploie l'écriture pour"
exprimer Y éternité, ne lignifient pas tou-
jours une durée infinie , comme l'ont ob-
fervé plufîeurs interprètes ou critiques , 6c
entre autres , Tillotfon , archevêque de -
Cantorbéri.
Ainfi, dans l'ancien teftament, ces mots ,
a jamais , ne lignifient fouvent c\\i'une lon-
gue durée , de en particulier jufqu'à la fin
de la loi judaïque. Il eft dit , par exemple ,
dans Yépître de S. Jùde , ir. j , que les
villes de Sodome ôc Gomorre ont fervi"
d'exemple, 6c quelles ont été expofées*
à la vengeance d'un feu éternel , ignis ceternv'
pœnam fubjlinentes , c'eft-à-dire , d'un feu
qui ne pouvoit s'éteindre avant que ces
villes fuirent entièrement réduites en cen- -
dres. Il eft dit aufïl dans l'écriture que les-*
générations fe fuccedent , mais que h terre
demeure à jamais ou éternellement ; terra'
autem in œternumfiat. En effet , M. le Clerc '
remarque qu'il n'y a point de mot Hébreu ■
qui exprime proprement Y éternité : le terme
holam n'exprime qu'un temps dont le com- -
mencement ou la fin font inconnus , ÔC fe
prend dans un fens plus ou moins étendu ,
fuivant la matière dont il eft queftion.
Ainfl quand Dieu dit , au fujet des loix '
judaïques , qu'elles doivent être obfervées ;
laholam , à jamais , il faut fous-entendre '
qu'elles le feront aufïl long-temps que Dieu
le jugera à propos , ou pendant un efpace '
•de temps dont la fin étoit inconnue aux '
Juifs avant la venue du Meffie. Toutes'
les loix générales , ou celles qui ne regar-
dent pas des efpeces particulières , fonr'
établies à perpétuité , foit que leur texte »
renferme cette expreflîon , fbit qu'il ne la '
renferme pas; ce qui toutefois ne flgnifie-':
pas que la puilîance légiflatrice ôc fcuv€- -
EN F
raine ne pourra jamais les changer ou les
abréger.
Tiiiotfon foutient , avec autant de force
que de fondement, que dans les endroits
de l'écriture où il eft parlé des tournions
de l'enfer , les exprefTions doivent être en-
tendues dans un iens étroit de d'une durée
infinie ; & ce qu'il regarde comme une
raifon décifive, c'eft que, dans un feulec
môme paffage (en S. Match* chapxxv.)
la durée de la punition des méchans fe
trouve exprimée par les mêmes termes dont
on fe fert pour exprimer la durée du bon-
heur des juftes , qui , de l'aveu de tout
le monde , doit être éternel. En parlant
des réprouvés , il y eft dit qu'ils iront
au fupplice éternel , ou qu'ils feront livrés
à des tourmens éternels : Se en parlant des
juftes, il eft dit qu'ils entreront en pof-
ieffion de la vie éternelle ; & ibunt hi in
fupplicium œtermim , jujlt autem in vitam
aaernam.
Cet auteur entreprend de concilier le
dogme de l'éternité des peines avec ceux
de la juftice & de la miféricorde divine;
& il s'en tire d'une manière beaucoup
plus latisfaifante que ceux qui avoient
tenté , avant lui , de fauver les contrariétés
apparentes qui réfultent de ces objets de
notre foi.
En effet , quelques théologiens , pour
réfoudre ces difficultés , avoient avancé
que tout péché eft infini , par rapport à
l'objet contre lequel il eft commis, c'eft-
â-dire, par rapport à Dieu ; mais il eft
abfurde de prétendre que tous les crimes
font aggravés à ce point par rapport à
l'objet offenfé , puifque dans ce cas le mal
Se le démérite de tout péché feroient né-
ceflàirement égaux , en ce qu'il ne peut y
avoir rien au delîus de l'infini que le peche
ofTenfe. Ce feroit renouveller un des
paradoxes des Stoïciens ; & par conféquent
on ne pourrait fonder fur rien les degrés
de punition pour la vie à venir : car quoi-
qu'elle doive être éternelle dans fa durée ,
il n'eft pas hors de vraifemblance qu'elle
ne fera pas égale dans fa violence , &
qu'elle pourra être plus ou moins vive a
proportion du caractère ou du degré de
malice qu'auront renfermé tels ou tels pé-
chés. Ajoutez que pour la même raifon le ,
E N F
moindre péché contre Dieu étant infini
par rapport à fou objet, on peut dire que
la moindre punition que Dieu inRige eft
infinie par rapport à (on auteur , &c par
coniéquent que toutes les punitions que
Dieu infligeroit feroient égales , comme
tous les péchés commis contre Dieu feroient
égaux , ce qui répugne.
D'autres ont prétendu que h" les mé-
dians pouvoient vivre toujours , ils necef-
ieroient jamais de pécher. " Mais c'eft là ,
» dit Tillotlon , une pure fpéculation ,
» ôc non pas un raisonnement ; c'eft une
» fuppohtion gratuite & dénuée de fon-
» dément. Qui peut aflurer , ajoute-t-il ,
» que il un homme vivoit fi long-temps ,
» il ne fe repentirait jamnis ? » D'ailleurs,
la juftice vengereffe de Dieu ne punit que
les péchés commis par les hommes , ôc
non pas ceux qu'ils auraient pu com-
mettre ; comme fa juftice rémunérative ne
couronne que les bonnes œuvres qu'ils
ont faites réellement , & non celles qu'ils
auraient pu faire , ainii que le préten-
doient les Sémi-Pélagiens , roye^ Sémi-
Pélagiens.
C'eft pourquoi d'autres ont foutenu que
Dieu lailîè à l'homme le choix d'une féli-
cité ou d'une mifere éternelle, & que
la récompenfe promife à ceux qui lui
obéiflènt , eft égale à la punition dont il
menace ceux qui refufent de lui obéir.
On répond à cela , que s'il n'eft point
contraire à la juftice de porter trop loin
la récompenfe , parce que cette matière eft
de pure faveur , il peut être contraire à la
juftice de porter la punition à l'excès. On
ajoute que dans ce cas l'homme n'a pas
iujet de fe plaindre, puifqu'il ne doit s'en
prendre qu'à fon propre choix. Mais quoi-
que cette raifon iufrlîe pour impofer filen-
ce au pécheur , & lui arracher cet aveu ,
qu'il eft la caule de (on malheur , perditio
ma ex te Ifrael ; on fent qu'elle ne réibut
pas pleinement l'objection tirée de la dis-
proportion entre le crime & le fupplice.
Voyons comment Tillotlon , mécontent
de tous ces fyftêmes , a entrepris de réfou-
dre cette difficulté.
Il commence par obferver que la me-
fure des punitions , par rapport aux crimes ,
ne fe règle pas feulement ni toujours fur la
qualité
E N F
qualité 8c fur le degré de t'ofîenfe , &
moins encore fur la durée 8c iur la con-
tinuation de l'ofFenfe , mais fur les raifons
d'économie ou de gouvernement , qui de-
mandent des punitions capables de porter
les hommes à obferver les loix , ôc de les
détourner d'y donner atteinte. Parmi les
hommes , on ne regarde point comme une
injuftice de punir le meurtre , 8c pluiîeurs
autres crimes qui fe commettent fouvent
en un moment, par la perte ou privation
perpétuelle de l'état de citoyen , de la li-
berté , &c même de la vie du coupable ;
de forte que l'obje&ion , tirée de la dis-
proportion entre des crimes paflagers 8c
des tourmens éternels, ne peut avoir ici
aucune force.
En effet , la manière de régler la pro-
portion entre les crimes 8c les punitions ,
eft moins l'objet de la juftice, qu'elle n'eft
l'objet de la fagefle 8c de la prudence du
légiflareur, qui peut appuyer fes loix par
la menace de telles peines qu'il juge à pro-
pos, fans qu'on puille , à cette occafion,
l'accufer de la plus légère injuftice : cette
maxime eft indubitable.
La première fin de toute menace n'eft
point de punir , mais de prévenir ou faire
éviter la punition. Dieu ne menace point
afin que l'homme pèche 8c qu'il (oit puni,
mais afin qu'il s'abftienne de pécher , 8c
qu'il évite le châtiment attaché à l'in-
fraction de la loi ; de fbrte_ que plus la
menace eft terrible 8c impoiante , plus il
y a de bonté dans l'auteur de la menace.
Après tout , il fiut faire attention ,
ajoute le même auteur , que celui qui
fait la menace fe réterve le pouvoir de
l'exécuter lui-même. Il y a cette différence
entre les promelfes 8c les menaces , que
celui qui promet donne droit à un autre ,
ôc s'oblige à exécuter fa parole , que la
juftice 8c la fidélité ne lui permettent pas
de violer ; mais il n'en eft pas de même
à l'égard des menaces : celui qui menace
fe réferve toujours le droit de punir quand
il le voudra , 8c n'eft point obligé , à la
rigueur, d'exécuter fes menaces, ni de les
porter plus loin que n'exigent l'économie,
les raiions 8c les fins de ion gouvernement.
C'eft ainfi que Dieu menaça la ville de
Tome XII.
E N F 449
Ninive d'une deftruction totale, il elle ne
faifoit pénitence dans un temps limité :
mais comme il connoitîoit l'étendue de
ion propre droit , il fit ce qu'il voulut ;
il pardonna à cette ville , en confidération
de fa pénitence, fe relâchant du droit de
la punir.
Tels font les raifonnemens de Tillotfon ,
auxquels nous n'ajouterons qu'une ré-
flexion pour prévenir cette fauflè confé-
quence qu'on en pourroit tirer : lavoir,
que ce qu'on Ht dans l'écriture fur les
peines de {'enfer , n'eft fimplement que
comminatoire , comme le prétendent les
Sociniens. Sans doute tant que l'homme
eft en cette vie , il peut les éviter ces peines;
mais après la mort , lorfque l'iniquité eft
confommée, 8c qu'il n'y a plus lieu au
mérite pour fléchir le courroux d'un Dieu
outragé 8c juftement irrité , le pécheur
peut-il l'aceufer d'injuitice, de lui infliger
des peines éternelles, puifque pendant la
vie il étoit à fon choix de les éviter, 8c
de parvenir à une éternelle félicité? D'ail-
leurs , il eft également révélé , 8c que ces
menaces ont déjà été accomplies réelle-
ment dans les anges rebelles, 8c qu'elles
feront réellement accomplies dans les ré-
prouvés à la fin des fiecles; ce qui prouve
que la raifon feule ne fufKt pas pour dé-
cider cette queftion, 8>C qu'il faut nécef-
fairement avoir recours à la révélation ,
pour démontrer l'éternité 8c la juftice des
peines de la vie future. ( G )
Enfer, ades ou hades , {Théologie.) fe
prend aufïî quelquefois, dans le ftyle de
l'écriture , pour la mort 8c pour la fépul-
ture , parce que les mots hébreux 8c grecs
fîgnifient quelquefois l'enfer , ou le lieu
dans lequel font les réprouvés , 8c quel-
quefois la fépulture des morts. V. Tom.-
BEAU Ù SÉPULCRE.
Les théologiens font divifés fur l'article
du lymbole des apôtres, où il eft dit que
Notre Seigneur a été crucifié, qu'il ejt
mort , qu'/7 a été enfeveli , 8c qu'il ejî def-
cendu aux enfers, hades; quelques-uns
n'entendent par cette defeente aux enfers >
que la defeente dans le tombeau ou dans
le lépulcre. Les autres leur objectent que
dans le fymbole même , ces deux defeentes
lu
4jo E N F
fe trouvent expreflement diftinguées > &C
qu'il y eft fait mention de la defcente du
Sauveur dans le fépulcre , fepultus efl, avant
qu'il Toit parlé de fa defcente aux enfers ,
defcendit ad inferos. Ils foutiennent donc
que l'ame de Jefus-Chr-ilt defcendit effec-
tivement dans l'enfer fouterrain ou local,
& qu'il y triompha des démons. Autre-
ment les expreffions du fymbole feroient
une pure tautologie.
Les catholiques ajoutent que Jefus-
Chrift defcendit dans les lymbes , c 'eft-
à-dire , dans les lieux bas de la terre , où
étoient détenues les âmes des juftes, morts
dans la grâce de Dieu avant l'avènement
& la pafïïon du Sauveur , & qu'il les
emmena avec lui dans le paradis , fuivant
ces pafïages d'Ofée : ero mors tua, 6 mors!
& morfus tuus ero , inferne! Et de faint
Paul : afcendens Chrifiusin altum., captivam
duxit captivitatem. V.. Lymbes & Ascen-
sion.. (G)
Enfer, (Poétique,,) ou Enfers, fub.
mafc. plur. ( Mythologie. ) nom général ,
qui , dans la théologie du Paganifme ,
défignoit les lieux fouterrains où alloient
les âmes des hommes , pour y être ju-
gées par Minos, Eaque & Rhadamanthe.
Pluton en étoit le dieu & le roi ; Pro~
ferpine fon époufe, en étoit la déefïe &
la reine.
Cet endroit contenoit, entre autres de-
meures , les champs Ely fées , & le Tar-
tare , environné de cinq fleuves , qu'on
nomme le Styx , le Cocyte,. l'Achéron ,
le Lethé & le Phlégéton. Cerbère , chien
à trois têtes èc à trois gueules, admira-
blement dépeint par Virgile , étoit tou-
jours à la porte des enfers,, pour empêcher
les hommes d'y entrer ôc les âmes d'en
fortir. Avant que d'arriver à la cour de
Pluton & au tribunal de Minos , il falloit
parler l'Achéron dans une barque conduite
par Caron , à qui les ombres donnoient
une pièce de monnoie pour leur paflàge.
Virgile fait encore de ce batelier un
portrait inimitable : " Un air mal propre,
» une barbe longue & négligée , la pa-
3> rôle rude , des yeux étincelans , les traits
»> d'une vieillerie robufte & vigoureufe. »
Je! étoit Caron > mais lifez les vers de
E N F
l'original ; je n'en donne qu'une foiblc
e (quille.
Portitcrhas hcrrendus aquas Ùfluminafcrvat,
Terfibili fqualore Char on , cui plurima mento
Canities incuit a jacet , fiant lumina flamma ;
Sordidus ex humer is nodo dépende t amiclus ;
Jamfenior, fed cruda deo , viridifque feneclus '..
Prefque tous les peuples du monde ont
imaginé un paradis ôc un enfer, confor-
mément à leur génie ; détail immenfe de-
là folie des humains , dans lequel nous
n^ntrerons point ici ! On peut lire là-defîus.
Thomas Hyde ,. Vofïius , Marsham ôc
M. Huet.. Borné préfentement à la my-
thologie , je remarquerai feulement que
c'eit, Orphée qui , au retour de Ces--
voyages d'Egypte , jeta en Grèce le plan:
d'un nouveau i y ftême fur ce fujet, & que
c'eit de lui qu'eft venue l'idée des champs
Elyfées & du Tartare, que tous les auteurs
ont fuivie , quoiqu'ils aient extrêmement,
varié fur la fituation des liaux deftinés k-.
punir les méchans & à. récompenfer les>
bons..
C'eit pourquoi l'on trouve dans les^
poètes tant d'entrées différentes qui con-
duifent aux enfers. Voye1^ fur cela l'article
précédent..
En un mot , chacun a choiiï , pour
l'endroit de la pofition des enfers, donc
la religion païenne n'apprenoit rien de
certain , le lieu qui lui a paru le plus
propre à devenir le féjour du malheur; &
en conféquence , chacun a décrit ce lieu,
diverfement , fuivant le caractère de foni
imagination..
Mais aucun poëte n'a mieux réufïî que
Virgile. Il a mis dans le plus beau jour,
tout ce qu'Homère , & après lui Platon ,
avoient enfeigné fur cet article. La def-
cription des enfers, du chantre de Man-
toue , eft fupérieure à celle de l'auteur
de l'Odyflee, & encore plus au defïus de
celle de Silius Italicus, de Claudien, de
Lucain & de tous les autres qui ont tra-
vaillé après lui : c'êft une topographie par-
faite de l'empire de Pluton , c'eft le
chef-d'œuvre de l'art ; c'efl le plus beau
^morceau de l'Enéide,.
E NF
T3ans cette admirable carte topogra-
jihique, le poè'te divife le féjour des ombres
en fept demeures. La première eft celle
des enfans morts en naiflant , qui gémifîènt
de n'avoir fait qu'entrevoir la lumière du
jour.
Infantumque animœ fientes in limine primo ,
Quos dulcis vitce exfortes, & ab ubere raptos
Abjlulit atra dies , & funere merci t acerbo.
i£neid. Lib. VI.
Ceux qui avoient été injustement con-
damnés à perdre la vie , occupent la féconde
■demeure.
Hosjuxtà ,falfo damnât i crimine mortis. ibid.
Dans la troifieme , font ceux qui , (ans
être coupables , mais vaincus par les cha-
grins & les miferes d'ici-bas, fe font eux-
mêmes donné la mort.
Troxima deindè tenent mcejli loca , qui fibi
lethum
Infontes peperére manu, lucemque perofi
Projecere animas : quam relient œthere in alto
Jtfunc ù pauperiem & duros perferre labo-
res! &c.
Fata obflant trijlique palus inamabilis undâ
Alligat, & novies Styx interfufa coercet.
\
M. de Voltaire , dans fes mélanges de
Littérature & de Philofophie, a traduit ces
vers ainiî :
Là font ces infenfés , qui d'un bras téméraire
Ont cherché dans la mort unfecours volontaire;
Ils n'ont pu fuppor ter , foibles & furieux,
Le fardeau de la vie impofé par les dieux.
...Ils regrettent le jour, ils pleur ent,-ù le fort,
le fort pour les punir les enchaîne a la mort,
L'abîme du Cocyte & VAchéron terrible
Met entr'eux & la vie un obfiacle invincible.
La quatrième , appellée le champ des
larmes , eft le féjour de ceux qui avoient
éprouvé les rigueurs de l'amour j Phèdre ,
Procris , Pafiphaé , Didon , &c,
Hic, quos dur us amor crudeli tabe peredit;
Sccreti celant calles , & myrthea çircum
E N F 451
Sylva tegit ; curce non ipfa in morte relinquunt.
His, Phœdram, Procrinque locis, mœjlamqw
Eriphylem ,
Crudeli s gnati monjlrantem vulnera cernit ,
Evadnenque, & Papfiphaè'n, ÔCC.
La cinquième eft le quartier des fameux
guerriers qui avoient péri dans les com-
bats ; Lydée, Adrafte, Polybure, &e.
Hic illi occurrit Tydeus , hic inclytus armis
Parthenopœus, & Adraflipallentis imago, ÔCC.
L'affreux Tartare , prifon des fcélérats ,
fait la fixieme demeure , environnée du
bourbeux Cocyte & du brûlant Phlégé-
ton. Là régnent les Parques , les furies ,
&c. ôc c'eft là auflî que Virgile le fur-
paiTe lui-même.
. . . . tum Tartarus ipfe
Pis patet in prceceps tantum , tenditque fuh
umbras ,
Quantus ad athereum cali fufpeclus Olympum.
Hic genus antiquum terrœ , Titania pubes ,
Fulmine dejeâi fundo volvuntur in imo, ÔCc^
Enfin , la îeptierhe demeure fait le fé-
jour des bienheureux j les Champs Elyfées»
His demum exaclis , perfeclo munere diva?,
Devenir e locos lœtos , & amœna vireta
Fortunatorum nemorum ,fedefquebeatas, ÔCC.
Je mpprime à regret les autres détails
admirables que Virgile nous donne des
enfers, & je ne penfe point à mettre à
leur place ceux des auteurs qui l'ont pré-
cédé ou qui l'ont fuivi ; il vaut beaucoup
mieux nous attacher à ramener le fyftême
des fictions poétiques à leur véritable ori-
gine ; ôc en recherchant celle de la fable
des enfers , démontrer en général qu'elle
vient d'Egypte ; après quoi l'on jugera fans
peine que la plupart des circonftances
dont on l'a embellie dans la fuite, font
le fruit de l'imagination des poètes Grecs
ôc Romains,
Non feulement Hérodote nous apprend
que prefque tous les noms des dieux font
venus d'Egypte dans la Grèce, mais Diodore
de Sicile nous explique , par le fecours des
LU z
45* E N F
traditions Egyptiennes , la plupart des fables
qu'on a débitées fur les enfers.
Il y a, dit cet excellent auteur , (liv. I.)
un lac en Egypte au delà duquel on en-
terroit anciennement les morts. Après les
avoir embaumés , on les portoir, fur le bord
de ce lac. Les juges prépo'es pour examiner
la conduite & les mœurs de ceux qu'on
devoit faire pafler de l'autre côté , s'y ren-
doient au nombre de quarante; & après
une longue délibération , s'ils jugeoient
celui dont on venoit de faire l'information ,
digne de la iepulture , on mettoit fon cada-
vre dans une barque dont le batelier fe
nommoit Caron. Cette coutume étoit même
pratiquée à l'égard des rois ; & le jugement
qu'on portoit contre eux étoit quelquefois
n févere , qu'il y en eut qui furent réputés
indignes de la fépulture.
La fable rapporte que le Caron des Grecs
eft toujours fur le lac; celui des Egyptiens
avoit établi fa demeure fur les bords du lac
Querron. Le Caron des poètes Grecs exi-
geoit impitoyablement fon péage ; celui des
Egyptiens ne vouloit pas même faire grâce
au fils du roi; il devoit juftifierau prince
régnant , qu'il n'amafïbit tant de richefles
que pour fon fervice. Le lac des enfers étoit
formé d'un fleuve ; celui du Querron étoit
formé des eaux du Nil. Le premier faifoit
neuf fois le tour des enfers , novies Styx
interfufa ; jamais pays n'a été plus arrofé
que l'Egypte ; jamais fleuve n'a eu plus de
canaux que le Nil.
L'idée .de la prifon du Tartare , dont une
partie , félon Virgile , étoit auiïi avant dans
la terre que le ciel en eft éloigné , ne paroît-
elle pas prife du fameux labyrinthe d'Egypte,
qui étoit compofé de deux bâtimens , dont
l'un étoit fous terre î Les crocodiles facrés
que les Egyptiens nourriiîbient dans des
chambres (outerraines , désignent aflez clai-
rement les monftres affreux qu'on met dans
le royaume de Pluton.
En un mot , il femble qu'aux circons-
tances près, on trouve en Egypte tout ce
qui compose X'enfr des poètes de la Grèce
& de Rome. Homère dit que l'entrée des
enfers étoit fur le bord de l'Océan; le Nil
eft appelle par ce même poëte &ku.vo{ . C'eft
en Egypte qu'on voit les portes du fbleil,
«lies ne font autre chofe que la ville d'Hé- J le Tartare.
E N F
liopolis. Les demeures des morts font marv
quces par ce grand nombre de pyramides
tk de tombeaux , où les momies fe font
confervées pendant tant de fiecles. Caron ,
fa barque, l'obole qu'on donnoit pour le
paflage ; tout cela eft encore tiré de l'hiftoire
d'Egypte. Il eft même très - probable que
le nom de l'Achéron vient de l'Egyptien
Achouckerron, qui iignifie les lieux maréca-
geux de Caron; que le Cerbère a pris fi dé-
nomination de quelqu'un des rois d'Egypte,
appelle Chebrïs ou Kébron; qu'enfin , le nom
du Tartare vient de l'Egyptien Dardar&t ,
qui fignifie habitation éternelle; qualification
que les Egyptiens donnoient par excellence
à leurs tombeaux.
Mais fans trop appuyer fur ces étymo-
logies, & moins encore fans compter fur
de plus recherchées, par lefquelles Bochart>
le Clerc & autres favans , trouvent chez
les Egyptiens le fyftême complet des enfers
&c des champs élyfées ; c'eft allez d'en con-
ncître la première origine ; il n'en faut pas
demander davantage : de minimis nen cu-
randum.
Quant aux voyages que les poètes font
faire à leur héros dans les enfer s , je crois
qu'ils n'ont d'autre fondement que les évo-
cations auxquelles eurent autrefois recours
les hommes fuperftitieux pour s'éclaircir de
leur deftinée. Orphée , qui avoit été lui-
même dans la Thcfprotie pour évoquer le
fantôme d'Euridice fa chère époufe , nous
en parle comme d'un voyage aux enfers ,
ôc prend occafïon de là de nous débiter
tous les dogmes de la théologie païenne
fur cette matière. Les autres poètes ne man-
quèrent pas de fuivre fon exemple. Bayle ,
réponfe aux quejlions d'un provincial. Voy.
Evocation , Mânes.
Quoi qu'il en fbit , il arriva que les
Grecs , contens d'avoir faifi en général les
idées des Egyptiens fur l'immortalité des
âmes , & leur état après la mort , donnèrent
carrière à leur génie, & inventèrent fur
ce fujet quantité de fables dont ils n'avoient
aucun modèle. l'Italie fuivit l'exemple des
Grecs, & ajouta de nouvelles fictions aur
anciennes, telles font celles du rameau d'or,
des furies , des Parques & des ifluftres
fcélérats que leurs poètes placèrent dans
ENF
Enfin , tant d'autres travaillèrent CucceC-
fivement 8c en difFérens lieux à former le
fyftême poétique des enfers , que ce fyftême
produisit un mélange monftrueux de fables
ridicules , dont tout le monde vint à fe
moquer. Cicéron rapporte que de fon temps
il n'y avoit point de vieille allez fotte pour y
ajourer la moindre foi. Die, quœfo , num, te
illa tenent , triceps apud inferos Cerberus ,
Cocyti frémi tu s y & tranfvecllo Acherontis ?
Adebne me delirare cenfes , ijîa ut credam ? . .
Quœ anus tam excors invenir i potejl , quee
illa , quœ quondam credebantur , apud inferos
portenta , extimefeat? De nat. deor. Juvénal
nous allure de fon côté , que les enfans
mêmes croyoient à peine l'ancienne doc-
trine des enfers. Voyez l'article précédent.
Cependant , malgré ce changement dans
les opinions des particuliers, la pratique
du culte public ne changea point de face ,
ni du temps de Cicéron , ni du temps de
Juvénal. On vit fubfifter les mêmes fêtes ,
les mêmes procefïions & les mêmes facrifices
en l'honneur de Pluton , de Proferpine , 8c
des autres divinités infernales, auxquelles
perfonne ne croyoit plus. Tant il eft vrai
que les particuliers peuvent en matière de
religion fe trouver defabufés , & le même
culte public fubfifter. Polybe fait à ce fujet
une réflexion par laquelle je finirai cet ar-
ticle.
" Le plus grand avantage , dit ce judi-
„ cieux hiftorien , qu'ait eu le gouverne-
„ ment de Rome fur tous les autres états ,
„ eft une chofe généralement décriée ,
j, l'idolâtrie 8c la fuperftition. Si une fb-
„ ciété , ajoute-t-il , étoit formée feule-
3, ment de gens fages, un tel plan n'auroit
„ pas été néceiîàire ; mais puifque la mul-
„ titude eft toujours agitée de defïrs illi-
„ cites & de pallions violentes , il n'y avoit
„ pas d'autre moyen plus fur de les répri-
„ mer , que ce fecret de fictions 8c de ter-
„ reurs. C'étoit donc prudemment 8c fa-
,, gement que les Romains inculquèrent
„ dans les efprits le culte de leurs dieux ,
„ 8c la crainte des punitions du Tartare. ,,
Livre VI , page qyj. Voye^ Superstition.
Article de M. le chevalier de J au COURT.
Enfer de Boyle , (Chymie.) vaiflèau
circulatoire d'un verre fort, compofé de
plufieurs pièces , qui toutes enfemblefont
EN F 453
uneefpece de matras , ayant le cou long 8c
étroit 8c le globe très-applati , imaginé par
le célèbre Anglois dont il porte le nom ,
pour fiire ce qu'on appelle le mercure fixé
per fe. Vcye^ nos planches. Voye^ Mercu-
re, (fi)
* ENFERMER , v. ad. Nous difons qu'un
corps eft enfermé dans un autre , lorfque
celui - ci forme en tous fens un obftacle
entre le premier 8c notre toucher ou nos
yeux.
ENFERRURE , f. f. c'eft une des opé-
rations de l'exploitation de Yardoife dans fa
minière. Vayeà l'article Ardoise.
ENFICELER un Chapeau, terme de
chapelier , c'eft ferrer le bas de la forme
avec une ficelle ou cordon à l'endroit que
les Chapeliers appellent le lien. Voye^
Chapeau.
ENFILADE, f. f. (Gramm.) fuite ou
continuation de plufieurs chofes difpofées
dans un même ligne, ou fur un même fil ,
comme une enfilade de chambres, de portes,
de bâtimens , &c.
Enfilade , en terme de guerre , fe dit des
tranchées ©u autres lignes qui font droites ,
qui peuvent être nettoyées 8c balayées par le
canon de l'ennemi en longueur ou dans leur
propre direction , 8c qui par-là font incapa-
bles de défenfe.
Il faut avoir foin que les tranchées ne
foient point enfilées ; au contraire la ligne
de contre-approche doit être enfilée , afin
qu'on en puifle chafler l'ennemi. Les der-
niers boyaux des tranchées , c'eft-à-dire
ceux qui fe font au pié du glacis 8c fur le
glacis , font fujets à être enfilés à caufe
de leur proximité du chemin couvert. Voy.
Tranchée. (Q)
Enfilade , en Architeclure , c'eft l'aligne-
ment de plufieurs portes de fuite dans un ap-
partement. Voyc^ Appartement. ( F)
Enfilade , ( Jardinage. ) feditde plu-
fieurs falles de verdure qui fe commu-
niquent, 8c qui font un point de vue.
(K)
ENFILE , adj. en termes de Blafon , fe
dit des couronnes , annelets , 8c autres
chofes rondes 8c ouvertes qui font pafléeS
dans des fafees , bandes , lance , &c. On
dit aufïi enfilant.
Du Faure en Dauphiné x d'azur à trois
454 E N F
.couronnes d'or, enfilées dans une tande
d'azur.
E N F I L E M E N T du Cable. Voye{
Enfiler.
ENFILER , v. aét. ( Gramm. ) Il a deux
acceptions affez différentes ; il fe dit de
l'aiguille , 5c il fe dit de plufîeurs objets où
il y a ouverture. Enfiler une aiguille , c'eft
paffer un fil dans fon oeilj enfiler des ob-
jets , c'eft paffer ou un filou une verge dans
i ouverture qui y £i\ pratiquée. Ainfi on
enfile des anneaux ; les chandeliers enfilent
jdes mèches.
Enfiler, {Marine.) On dit que le
cabeftan enfile les cables en virant , lorfque
le cable tourne en rond autour du cabef-
,tan. (Z)
Enfiler , en terme d'épingîier , fe dit
de l'action de palfer la tête de l'épingle à
l'endroit où elle doit être fertie ou rivée.
l^oyei^ Epingle.
* Enfiler , ( Trictrac. ) Lorfqu'un des
deux joueurs A , ayant fait fon plein , le
garde allez long- temps pour que le joueur
B , ou foit forcé d'empiler toutes fes da-
mes fur la dernière café, ou ne puifle jouer
fans battre à faux , ou ne puiflè ni paflèr
{es dames , ni les lever , ou ne punie les
lever fans les découvrir ; en forte que per-
dant prefqu'à chaque coup qu'il joue un
nombre de points plus ou moins grand ,
êc fon adverfaire A en gagnant à chaque
coup qu'il joue un nombre plus ou moins
grand , foit en battant les dames découver-
tep , foit en gardant fon plein , celui-ci
marque un grand nombre de trous tout
de fuite ; ce nombre de trous s'appelle une
enfilade : on dit que le joueur B eft enfi-
lé , &: cela lui arrive allez fouvent pour
avoir tenu mal-à-propos.
ENFILEUR, f. m. en terme d'Epin-
gîier y fe dit de l'ouvrier qui eft occupé à
pafïèr les têtes dans les branches , & à les
préparer à être prefïees entre les deux ti-
roirs.
ENFLAMMÉ , adj. (B la fon.) fe dit d'un
cœur dont il fort une flamme : il eft le fym-
feole de l'ardeur, du courage , du defîr de
fervir fon prince & l'état.
De Saint - Hillaire , en Languedoc ;
tfa-iur au cœur d'or , enflammé de gueulps.
>Pe Cur fay de Sairit-Maixent 9 en Sain- 1
E N F
tonge ; d'argent au cœur enflammé de gueu-
les , accompagné en pointe d'un croijfant de
même. { G. D. L. T. )
* ENFLAMMER, v. ad. {Gramm.)
c'eft appliquer le feu à un corps combufti-
ble d'une manière fenfîble pour les yeux
au delà de la furface du corps •> le corps
feroit feulement échauffe , fi le feu n'y étoit
fenfîble que pour le toucher ; il feroit feu-
lement ardent ou embrafé, Ci le feu n'y
étoit pas fenfîble pour les yeux au delà de
fa furface.
ENFLÉCHURES , FIGURES, FIGU-
LES , f. f. p. ( Marine.) ces deux derniers
ne font guère d'ufage.
Les enfléchures font des cordes qui tra-
verfent les haubans en forme d'échelons ,
elles fervent à monter aux hunes & au
haut des mâts. Voyez Marine , Planche I ,
n°.4o.{Z)
ENFLER , verbe actif , c'eft en général
augmenter le volume d'un corps. Il fe
prend au phyfique &: au moral , au fîmple
& au figuré.
Enfler des Parties , Enfler un Mé-
moire , {Commerce.) c'eft y mettre les
marchandifes qu'on a livrées , à un plus
haut prix qu'elles ne valent , ou qu'on n'en
eft convenu.
On ditaufîî enfler la dépenfe d'un compte,
pour fignifier qu'on y emploie des articles
qui n'y peuvent ou n'y doivent point entrer.
Diclionn. de Commerce , de Trévoux , de
Charniers. ( G )
Enfler , {Orfevr.) opération de la retrainte;
c'eft l'action d'agrandir au marteau fur la
bigorne les parties inférieures des pièces d'ar-
genterie , qui doivent former le ventre des
pièces , comme aux pots à l'eau , cafetières,
chocolatières , &c.
ENFLURE , f. f. ( Médecine.) Ce terme
eft employé pour exprimer en général toute
élévation contre nature qui le forme fur
la furface du corps, par quelque caufe &
quelque matière que ce foit ; ainfî on peut
dire de toutes les tumeurs, qu'elles font
des enflures. Les parties externes affectées
de phlegmon , d'éréfipele , de skirrhe ,
font toujours plus ou moins enflées ; quel-
quefois même l'affection des parties inter-
nes caufe une enflure qui fe montre à l'ex-
térieur , comme l'inflammation , & autre-
ENF
flmreur du ventricule ; les metéorifmes qui
pouffent en dehors les tégumens , &les font
paraître enflés : on dit aufïi de la groflelfe
qu'elle fait enfler le ventre, qu'elle caufe une
enflure de neuf mois. Le trop d'embonpoint
peut aufïi être regardé comme une enflure
produire par la trop grande abondance de
graille qui fouleve les tégumens , & forme
comme une anafarque adipeufe. Voye{
Tumeur.
L'ufage a cependant reftreint la lignifi-
cation du mot enflure ; on s'en fert parti-
culièrement pour déligner un amas de
fluides aériens ou aqueux , qui élèvent la
peau au deffus de fon niveau ordinaire
dans l'état , de fanté , foit que cet amas
s'étende à toute la fur-face du corps , (bit
qu'elle n'ait lieu que dans quelqu'une de
Ces parties. Si c'eft l'air renfermé fous la
peau , qui eft la matière de l'enflure , on
l'appelle emphyfeme , qui peut être univerfel
ou particulier : Il cette efpeced'e/2/7wre , n'eft
pas fort étendue, on lui donne le nom
de tumeur emphyfémateufe : il la matière
aérienne eft renfermée dans le ventre, &
en diftend confidérablement les parois , on
nomme cette forte d'enflure tympanitt ,
parce que lorfqu'on la frappe , elle raiibnne
comme un tambour ( voye^ Emfhvseme
tympanite) : fi c'eft la férofité ou toute
autre humeur, aqueufe , qui gonfle le tiiîu
cellulaire., on appelle Y enflure qui en eft
formée \ leucophlegmatie : anafarque, fi elle
eft étendue fur toute la furface du corps :
on l'appelle bouffijfure , Ci elle n'affecte que
le vifage : œdème , fi elle n'occupe qu'une
petite partie : on donne le nom d'enflure
ifimplement aux tumeurs aqueufes ou
féreufes , qui affectent les extrémités
du corps, 6c particulièrement les infé-
rieures.-
Si l'enflure eft produite par un amas
d'eau épanchée , renfermée dans la capa-
cité du bas -ventre , ou dans toute autre
cavité particulière , on la nomme en géné-
ral hydropifie -, qui eft aufïi diftinguée par
différens noms , feloa que les liquides
épanchés occupent telle ou telle partie.
Ainfi ,.l 'enflure aqueufe de la cavité de
l'abdomen eft appellée afcite , celle du
fcrotum eft appellée hydrocele , &c. Voye^
AnA.SAR.QJJE , LEUCOPHtEGMAIIB, <EO£-
E N F 45T
me, Hydropisie, Ascite, Hydroce-
LE , &C. (d)
Enflure , ( Manège , Mai Uiall.) terme
communément Ôc indéfiniment appliqué à
toutes les maladies qui (e montrent extérieu-
rement par l'augmentation du volume natu-
rel d'une partie quelconque , ou d'une por-
tion de cette partie; mais quoique ce mot
lemble embraflèr toutes les efpeces de tu-
meurs, nous dirons , pour le réduire à fa
véritable lignification , qu'il défigne un gon-
flement noncirconferit , accompagné déplus-
ou de moins de dureté, quelquefois mou ,
fans inflammation & fans douleur, ou fuivi
de l'une & de l'autre.
Toutes les parties extérieures du corps"
font fu jettes à l'enflure; il faut néanmoins"
convenir qu'il en eft qui y paroiffent plus
expofées ; les unes , à caufe de la contex-
ture plus lâche de leur tiffu , qui permet
plus facilement le féjour des humeurs ,
ainfi que nous le voyons dans les pau-
pières, au fourreau, au fcrotum > &c. les
autres , attendu leur éloignement du centre
du mouvement circulaire ; caries liqueurs
ne pouvant y participer entièrement de fa
force , leur retour eft beaucoup plus péni-
ble : telles font à cet égard les quatre
extrémités , dont la pofition perpendicu->
laire eft encore un furcroît d'obftacle à la'
liberté de ce même retour, puifquelà des'
humeurs font obligées de remonter contré
leur propre poids. -,
L'enflure peut provenir de caufe interne'
ou de caufe externe. On doit l'envifàger
quelquefois comme une maladie particu-
lière , quelquefois aufïi comme un fympto-
me de maladie. Elle eft formée par l'air
dans -les emphyfemes , par des humeurs, ••
c'eft-à-dire , par le fang feul dans les con->
tufions , par de- la férofité dans les œdè-
mes , &c4
i L'enflure efîèntielle étant une maladie par* ■
ticuliere , ne demande qu'à être terminée *
par la réfolution , de quelque efpece qu'elle
foit; quant à celle qui eft un fymptome de -
maladie , on y remédie en traitant la ma--
ladie qu'elle annonce différemment , felort
fbn génie & fon caractère.
On ne peut par conféquent preferirô"
un traitement qu'eu égard- à l'enflure eflen-
tieUe, S'il y. a douleur & inflammation >.-
456 ENF
la iaignée , un régime modéré & humec-
tant , des topiques anodyns ou légèrement
réfolutifs , un breuvage purgatif enfin ad-
mimftré dans le temps de la réfolution
de l'humeur , fuffironr & rempliront par-
faitement notre objet. Si nous n'apperce-
vons ni l'un ni l'autre de ces accidens , nous
mettrons d'abord en ufage des réfolutifs
qui auront beaucoup plus d'a&ivité , tels
que les Spiritueux; & nous réitérerons les pur-
gatifs , à moins qu'il nes'agiflè d'une enflure
emphyiemateufe ; car en ce cas, ces derniers
remèdes ne iont pas d'une aulïi grande
nécefïité. (e)
Enflure , (Rkétoriq.) vice du difeours
& de les .penfées; faufie image du grand,
du phathétique , que le bon fens réprouve :
Tout doit tendre au ton fens. . .
On peut distinguer deux fortes à' enflure:
Tune confifte dans des penfées qui n'ont
rien d'élevé en elles-mêmes, ëc qu'un
efpr.it faux s'efforce de rendre grandes , ou
par le tour qu'il leur donne, ou par les mots
dont il les mafque ; c'eft le nain qui fe
haufle fur la pointe des pies , ou qui fe
guindé fur des échalles pour paraître d'une
plus haute taille.
L'autre forte d'enflure eft le fablime ou-
tré , ou ce que nous appelions allez com-
munément le gigantefque. Les chofes qui
vont au delà du ton de la nature , quel'ex-
preftion rend avec obfcurité , ou qu'elle
peint avec plus de fracas que de force , font
une pure enflure.
U enflure eft dans les mots ou dans la pen-
fée , & le plus Souvent dans l'un Se dans
l'autre : c'eft ce que quelques exemples font
fentir.
Médée , dans la tragédie qui porte Son
nom , chez Séneque , s'excitant elle-même
à fe venger de Jafon &c des complices de
fon infidélité , s'écrie : Quoi! l'auteur de
notre race , le fcleil voit ce qui fe paffe , il
le voit & h laifjfè voir ? Il parcourt fa route
ordinaire dans le ciel , qu'aucun nuage
n'o.'fcurcit , ne retourne pas en arrière , &
ne reporte pas le jour aux lieux qui l'ont
vu naître. O mon père ! laiffe , laiffe-moi voler
dans les airs ! Confie les rênes de ton char à
mes mains ! Permets qu'avec tes guides en-
flammés , je conduife tes courfiers qui por-
tent le feu de toutes parts ! On fent par ces
ENF
puérilités , que Médée débite avec bien
plus d'emphafe dans l'original que dans
cette traduction , ce que c'eft que l'enflure
du ftyle.
Dans la Pharfale (liv. VIII , v. ygi ),
Cordus couvre d'une pierre la folïe dans
laquelle il vient de brûler à demi le corps
de Pompée. Là deflus Lucain s'écrie : 17
te plaît donc , ô Fortune ! d'appeller le tom-
beau de Pompée , cet indigne endroit oà fon
beau-pere même aime mieux qu'il foit enfer-
mé , que s'il manquoit de fépulture. O main
téméraire ! pourquoi bornes-tu Pompée dans
un fépulcre ? Pourquoi renfermes - tu fef
mânes errans ? Il gît dans l'univers , & h
remplit jufquoà la terre manque à la vue de
l'Océan qui l'entoure. Renverfe ces pierres
aceufatrices des dieux. Si le mont (Sta tout
entier ejl le fépulcre d? Hercule ; fi Bacchus
a pour lui celui de Nife , pourquoi le grand
Pompée na-t-il qu'une feule pierre ? Il peut
remplir toutes les campagnes de Lagus ,
pourvu qu'aucun ga^on n'offre fon nom aux
yeux des voyageurs. Peuples, éloignons-nous ,
& que , par refpecl pour fes cendres , nos pies
ne foulent aucun endroit des fables arrofés pat
le Nil.
Voilà ce que c'eft que l'enflure du ftyle
5c des penfées : voilà , de plus , des jeux
de mots qui y font réunis , 5c , dans quel-
ques endroits, des Non-fenfes , fi je puis
me fervir d'un terme Anglois qui nous
manque. En effet , le corps d'un homme
eft nécellai rement borné dans un tombeau
de lix à fept pies d'étendue , 5c celui de
Pompée ne pouvoit remplir toutes Ls cam-
pagnes dz Lagus. Mais Pompée , le grand
Pompée avok rempli l'univers du bruit dé
fes exploits , 5c l'immortalité de fon nom,
étoit allurée dans la mémoire des hommes.
C'eft donc là le monument que Lucain
devoir faire valoir dans fon ouvrage à la
gloire du héros.
Ce que ce poëte dit dans un vers au
fujet des Romains tués à la bataille de
Pharfale , dont Ce far voulut qu'on laiflàt
pourrir les corps fur la terre , le ciel couvre
celui qui n'a point de fépulcre , a fourni
une réflexion judicieufe au P. Bouhours.
x< Cette penfée, dit-il, a un éclat qui
„ frappe d'abord ; car c'eft quelque choie
„ de plus noble en apparence d'être cou-
«vert
E N F
♦j vert du ciel , que d'être enfermé dans
7> une tombe : mais , au fond , le feul
r> ufage des monumens efl de couvrir des
7) cadavres pour les garantir des injures de
» l'air & des animaux ; ce que ne tait pas
*> le ciel , qui efl defliné à tout autre mi-
p niflere. n
Balzac, qui fonda le premier un prix
«l'éloquence , & qui en a fi-bien connu la
partie , qui confifle dans Ja cadence des
mots & l'harmonie des périodes ; Balzac ,
dis-je , tombe ordinairement dans Y enflure ,
lorfqu'il recherche le grand & le pathé-
tique , & c'efl toujours ce qu'il recherche.
Il mandoit de Rome à Bois-Robert , en
parlant des eaux de fenteur , je me fauve
À la nage dans ma chambre au milieu des
parfums ,* pure enflure de flyle. Il écrivoit
au premier cardinal de Retz , lors de fà
promotion au cardinalat : vous vene\ de
prendre le fceptre des rois & la livrée des
rofes; exemple $ enflure dans lefiyle & dans
ia penfée.
Enfin , un grand poëte moderne qui
s'eft élevé au iùblime dans fa paraphrafè
■de quelques pfeaumes ; un poëte dont les
odes font fi belles , fi variées , fi remplies
d'images ; un poëte encore chez qui le
jugement ne le cède point à l'imagina-
tion : en un mot , Roufîeau lui-même n'a
pu éviter de tomber quelquefois dans le
défaut dont il s'agit , ne fût-ce que dans
fbn ode fur la naifîance du duc de Bour-
gogne.
Où fuis-} e ? Quel nouveau miracle
Tient encore mes fens enchantés !
Quelvafle y quel pompeux fpeclacle
F,
rappe mes yeux épouvantes
Un nouveau monde vient d'éclore
V univers fe reforme encore
Dans les abymes du chaos !
Et pour réparer fles ruines 9
Je vois des demeures divines
Dej cendre un peuple de héros.
Cette ftrophe entière n'eft qu'une véri-
table enflure dans la penfée & dans l'élo-
cution. Des yeux épouvantés par la pompe
d'un fpeclacle miraculeux , tandis que tous
les autres fensfont enchantés ; enfuite l'uni-
vers fe reformant dans un abvme de confu-
Tome XII.
E N F 457
fion , après qu'un nouveau monde efl venu
éclore ; enfin , un nouvel univers reformé
a-t-il des ruines à réparer, pour le fqu elles
il faille qu'un peuple de héros defcende des
demeures divines ?
On voit préfentement que , de toutes
les efpeces S enflure , les plus mauvaifes
font , ou celles qui confiflent dans des;
idées inintelligibles , parce qu'il faut fe
faire entendre ; ou celles qui confiflent
dans la faufïeté des penfées , parce qu'on
fait tort à fon jugement : au lieu que
les autres efpeces $ enflure, comme celle
qui efl contenue dans le pafîage que j'ai
rapporté ci-devant de Séneque , roulent
fur un fonds réel, fur des penfées qui
ont quelque chofe de vrai. V~oye$là-deC-
fus les additions au traité du fublime de
Longin.
Tirons de tout ceci deux conféquences;
la première > que ceux qui cherchent le
pathétique , & qui craignent qu'on ne leur
reproche d'être foibles ou fecs, -font li-
brement & naturellement portés vers ce
vice de Y enflure, perfuadés que c'efl une
faute noble de ne tomber que parce qu'on
s'élève.
La féconde confequence efl que les plus
grands orateurs & les premiers poètes ,
lorfqu'ils veulent traiter le grand & le fu-
blime , ont bien de la peine à fe garder
de Y enflure, & à l'éviter dans la chaleur
de l'enthoufiafme ; c'efl pour cela qu'ils
doivent enfuite fe défier d'eux-mêmes ,
relire leurs écrits de fang froid & en
juges féveres , avant que de les publier :
enfin , s'il efl pofGble , confulter des
amis propres à cenfurer , à éclairer , & fur-
tout (comme le dit l'auteur de l'art poé-
tique)
A réprimer des mots î ambitieufe emphafe.
Article deM. le Chevalier de J a uco urt.
ENFLURE, [Manufacl. de draps.)
c'efl ainfi qu'on appelle , dans les manu-
factures de draps d'Aumale , une efpece
de fil.
ENFONÇAGE, termp de Tonnelier;
c'efl l'action de mettre le fond A une fu-
taille , quand elle efl tout-à-fait remplie de
marchandifes.
M mm
45S ENF
ENFONCEMENT , f. m. en Archi- \
tecîure , fe dit de la profondeur des fon-
dations d'un bâtiment; c'eft pourquoi on
a coutume de marquer , dans un devis ,
que les fondations auront tant Renfonce-
ment. Ce mot fe dît aufli de la profon-
deur d'un puits, <iont la fouille fe doit
faire jufqu'à un certain nombre de pies
au deffous de la fùperfîcie des plus baffes
eaux.
On appelle auffi enfoncement , la partie
reculée d'une façade qui forme unearrie-
corps derrière un pavillon , un reffaut , un
arriere-corps , Ùc. (P)
* ENFONCER , v. aa. c'eft déplacer
dans un corps d'.une forme donnée , une
certaine portion de fa furface,_ de ma-
nière que les parties de cette portion foient
après le déplacement , plus voifines d'un
point quelconque pris au dedans du corps ,
qu'elles ne l'étoient auparavant. La diffé-
rence qu'il y a entre enfoncer & creufer ,
c'eft que pour enfoncer , il ne s'agit pas
d'enlever au corps quelques-unes de (es
parties , au lieu qu'il faut lui en enlever
pour le creufer. D'ailleurs , faction Ren-
foncer f fuppofè , de la part du corps ,
plus de réfiftance que l'action' de creu-
fer " on enfonce une porte , on creufe un
foffé.
Enfoncer ..les éperons à un cheval,
(Maréclial.) c'eft les lui faire fcntir- avec
violence.
ENFONCER , (Fauconnerie.)' fe dit de
l'oifeau qui fond fur fa proie en la pouffant
jufqu'à la remife ; l'épervier vient Renfon-
cer la perdrix.
ENFONCER, (Jardinage ^s'emploie quand
les arbres fe plantent un peu avant-dans la
terre ; c'eft le même terme à-peu-près qu'en-
fouir.
ENFONCER , en terme de Layetterie.,
c'eft. joindre enfemble le fond, les côtés ,
le devant , le deffus 6c le derrière d'un ou-
vrage.
ENFONCER , en terme d'Orfèvre, c'èft
creufer une pièce , & lui donner une cer-
taine, capacité de plate qu'elle, é.toit , ou
distinguer le fond d'avec les autres par-
ties; ce terme revient à celui Rembxmdr ,
& eft la première opération de la re-
trainte.
ENF
ENFONCER, en terme de Planeur, fîgnifte
l'action de faire fortir le bouge du fond , Se
de le faire diftinguer de lui & de l'arrête.
On fe fert de ce terme apparemment , parce
que le fond ne paroît tel que quand le bouge
eft fait.
ENFONÇURE , f. f. (Chirurg.) terme
général qui fignine un afraiffement de plu-
fieurs pièces du crâne qui a été fracaffépar
quelque coup violent.
Les médecins Grecs diftinguent trois
efpeces Renfonçures du crâne ; favoir v
Yecpiefme , Yengijfome &c lecamarofe. L'ec-
pief me , que les François appellent enfonçure
avec efquilles , eft une enfonçure du crâne
où les efquiHeç piquent & bleffent la dure-
mere. L'engifïome, nommée par nos chi-
rurgiens embarrure , une eft enfonçure de
quelques efquilles détachées , qui s'infinuent
entre le crâne & la dure-mere. Le cama-
rofe, que nous appelions voiture , eft une
enfonçure de quelques pièces d'os , dont le.
milieu s'élève & forme une efpece de
voûte. Il eft nécefîaire de. connoître la différ
rente lignification de ces termes de l'art ,
pour entendre les auteurs Grecs & Fran-
çois , lorfqu'ils emploient les uns ou les .
autres dans leurs écrits, en parlant des-
dîverfes blefîures du crâne ; il eft vrai que-
la connoiffance des mots ne fait pas la
Tcience , mais elle y conduit , elle y fert-
d'éntrée. Article de M. le chevalier DE.
Jaucourt.
ENFONÇURE de mangeoire. Voy. Man*
GEOIRE. '
ENFONÇURE , terme de Tonnelier. C'eft ;
ainfi qu'on appelle les douves qu'on em-.
ploie à faire les fonds des tonneaux. Le
mairrain qui fert à la tonnellerie fediftrngue
en mairrain R enfonçure , & mairrain à faire;
des, douves; ce dernier eft le plus long,
le premier, eft le plus large. Voy. MAIR-
RAI Ni.
ENFONÇURE, c'eft chez les Vanniers un >
aire qui remplit le fond d'une pièce depuis
Ton centre jufqu'à la circonférence.
ENFORCIR,v. n. {Maréchal) prendre-
des forces, devenir fort & vigoureux: ce.
cheval enfôrcit tous les jours , il a enforci]
de moitié & en forcira encore.
ENFORESTER , (Hift. ancienne & ma-,
-derne.) fuivant Fufage de l'Angleterre,,
E N F
c*efl mettre une terre en forêt royale. Voyez
FORÊT.
En ce fens enforefter eft oppofé à defen-
forefier. Kqyq DESENFORESTER.
Guillaume le conquérant & Tes fuccef-
feurs continuèrent , pendant plufïeurs rè-
gnes , d'enforeflerles terres de leurs fujets ;
jufqu'à ce qu'enfin la léfion devint fi no-
toire & fi univeriêlle , que toute la nation
demanda qu'on remît les chofes dans l'état
où elles étoient d'origine ; ce qui fut enfin
accordé, & en coniëquence il y eut des
commifTaires nommés pour faire la vifite
Se l'arpentage des terres nouvellement
enfoveftées , defquelles on reftitua le libre
ufage aux propriétaires , & ces terres de-
fenforeftées furent appellées purlieux. Cham-
bers.(G)
EN-FORME, (Blafoiu) fe dit du
lièvre qui paroît arrêté & en repos , comme
lorfqu'il eft en fon gîte dans le creux d'un
fiiion. Ce mot vient de la prépofition en ,
& du mot Latin/or/7za ; parce que le lièvre
ainfl placé fe trouve dans un efpace creux
qui repréfente la forme, fa capacité, fon
étendue.
De Perrin , à Paris ,* d'azur à un arbre au
naturel , au lièvre d'argent en-forme au pie
de V arbre. (G. D. L. T.)
ENFORMER//Z terme de Chaudronnier -,
c eft donner en gros à une pièce la forme
qu'elle doit avoir quand elle fera finie.
C'eft proprement ébaucher & diftinguer les
parties les unes d'avec les autres fans les
finir.
ENFOUIR , v. ad. ( Jardimge. ) fe
dit du fumier qu'on enterre pour faire des
couches fourdes , ou des .lits qu'on met
au fond des terrains qui doivent être effon-
drés.
ENFOURCHEMENT , f. m. {coupe
des pierres.) eft l'angle formé par la ren-
contre de deux douilles de voûte qui fe
rencontrent ; les vouffoirs qui les lient ont
deux branches , dont l'une eil dans une
voûte , & l'autre dans la contiguë. Voye^
VOUTE D'ARRESTE. (D)
* ENFOURCHURE , f. {. (Vénerie.)
Il fe dit de la tête du cerf, lorfque l'extré-
mité du bois , fe divifant en deux pointes ,
forme la fourche.
ENFOURER, c'eft, en terme de batteur 3
E N F 4^
P action d'envelopper les outils dans des
fourreaux , voye\ FOURREAUX, pour les
empêcher de prendre des formes & des
fituations défavantageufes.
ENFOURNER, en terme de Boulanger^
c'efl mettre le pain au four après qu'il efl
levé pour l'y faire cuire. La groffeur & l'é-
paiiTeur du pain déterminent le temps qu'on
doit l'ylaiflèr; les pains de quatre, de huit
& de douze livres n'y doivent refter que
trois quarts-d'heure , ou une heure tout au
plus.
ENFUMER, v. a&. ( Gramm. ) c'efl
expofer à la fumée.
ENFUMER , noircir un tableau. Enfume'
fe dit, en peinture , d'un tableau fort vieux
que le temps a noirci. Quelquefois on en-
fume des tableaux modernes pour leur
donner un air d'antiquité. C'eft une rufè
de brocanteur pour tirer parti de la manie
de ceux qui ne veulent pas qu'il y ait rien
de beau que ce qui eft ancien , ni de vi-
goureux que ce qui eft noir. (R)
ENGADME , (Géog. mod.) vallée de
Suilîè fituée dans le pays des Grifons ;
elle fe divifè en haute & baffe ; elle efl
dans la ligne de la Maifon-Dieu.
ENGAGE , ou VIF GAGE, f. m. (Jurif
prud.) dont parlent les articles $4. & $$
de la coutume de Bretagne 9 efl un con-
trat par lequel le débiteur donne à fon
créancier la jouifîance d'un héritage A con-
dition d'en imputer les fruits lur le prin-
cipal qui lui eft dû : ce qui efl oppofé à
Yanticlirefc ou mort-gage , dans lequel les
fruits font donnés au créancier en com-
penlation des intérêts à lui dus. M. Hevia
a fait une favante difïertarion pour établir
cette diftinclion de Rengage d'avec Yanti—
chrefe , où il relevé l'erreur dans laquelle
eft tombé M. d'Argentré , qui dit que
Y engage eft la même chofe que Y antichrefe
du droit Romain. Voye\ les arrêts de
Bretagne , par Frain , avec les notes d'Hé-
vin-, tome J, plaidoy-er j y ,obfervation jj,
p. 3 i z. Cet engage paroît être la même
cho.'e que Y engagement. Voye\ , ci-après ,
Engagement. (A)
ENGAGÉ. (Commerce) On nomme ainfi
aux Antilles ceux qui s'engagent avec les
habitans des îles pour les fèrvir pendant
trois ans. On les appelle plus communér
M m m 2
46o E N G
menttrente-Jrx mois ■-, à caufe des tros an-
nées compofées de douze mois chacune pour
lefquelles ils s'engagent.
Comme notre commerce d'Amérique,
tant dans les îles que dans la terre ferme,
ne peut fe foutenir que par le travail de
ces engagés y il y a fur cette matière plu-
fieurs réglemens, & particulièrement ceux
du 16 novembre 1716 , du 20 mai 1721 ,
& du 15 février 1724.
Celui de 17 16 afïujettit les négocians
François qui envoient des. vaiiïeaux dans
nos colonies , d'y embarquer un certain
nombre à* engagés à proportion de la force
de leur bâtiment , à peine de deux cents
livres d'amende contre ceux qui ne rap-
porteraient pas .des certificats de la remife
de ces engagés dans les colonies ; permet-
tant au furplus de compter pour deux en-
gagés tout homme qui fauroit un métier;
comme de maçon, railleur, charpentier, &c.
Y? ordonnance de ijïli convertit le rè-
glement de 1716 dans, l'alternative d'en-
voyer un certain nombre d'engagés , ou de
payer pour chacun d'eux la lomme de
Soixante livres à l'amirauté. Mais les négo-
cians ayant abufé de cette indulgence , en
• préfentant aux bureaux des clafTes du port
de leur embarquement , des particuliers
qu'ils difoient engagés, quoiqu'il n'en fût
rien , qu'ils renvoyoient après les avoir fait
palier en revue , & pour la décharge des-
quels ils fe contentoient de rapporter des
certificats de défertion. Le règlement de
1724 ordonne que , fans nul égard à ces
certificats de défertion , les. négocians &
capitaines de vaiffeaux affujettis au trans-
port des engagés paieront 60 livres pour
chaque engagé , & 1 20 livres pour chaque
engagé de métier qu'ils n'auront pas remis
aux îles , & dont ils ne rapporteront pas
un certificat. Dicfionn. de Comm. deTré. &
Charniers , & réglemens du Comm. (G)
ENGAGÉ , ou trsnte-fix mois. {Marine.)
On donnoit ce nom. en France à ceux qui
veulent paffer aux îles de l'Amérique pour
chercher à travailler & y faire quelque
chofè , & n'ayant pas le moyen de payer
leur pafîâge , s'engageoient avec un capi-
taine pour trois années entières , & ce
capitaine cédoit Y engagé à quelque habi-
tant des îles qui l'employoit & le faifoit.
E N G
travailler pendant les trois années , après
lefquelles il étoit libre. Ce marché ne fe
fait plus aujourd'hui. Les Anglois pafîbient
aufli des engagés dans leurs colonies , mais
l'engagement étoit de fept ans.
ENGAGEMENT , f. m. {Droit nat.
Morale.) obligation que l'on contracte en-
vers autrui.
Les engagemens que Ton prend de foi-
même envers autrui , font des fbpulations
pofitives , par lefquelles on contracte quel-
que obligation où l'on n'étoit point aupara-
vant.
Le devoir général que la loi naturelle
preferit ici, c'eft que chacun tienne in-
violablement fa parole, & qu'il effectue ce
à quoi il s'efî engagé par une promefîe ou<
par une convention verbale. Sans cela, le
genre humain perdroit la plus grande partie
de l'utilité qui lui revient d'un tel com-
merce de fervices. D'ailleurs , fi l'on n'étoit
pas dans une obligation indifpenfable de
tenir fa promefîe, perfonne ne pourrait
compter fur lesfecours d'autrui; on appré-
henderoit toujours un manque de parole
qui arriveroit auffi très-fouvent. Delà m fe
troient mille fujets légitimes de querelles
& de guerres..
On s'engage, ou par un ade obligatoire
, d'une part feulement , ou par un acteobk\
gatoire des deux côtés ; c'eft-a-dire , que
tantôt il n'y a qu'une feule perfonne qui
entre dans quelque engagement envers une
ou plufieurs autres, & tantôt deux ou.
plufieurs perfonnes s'engagent les unes en-
vers les autres. Dans le premier cas , c'eft
une promefîe gratuite, & dans l'autre, une
convention.. Vey.. PROMESSE, CONVEN-
TION.
Il y a une chofe abfolument nécefîàire
pour rendre valables & obligatoires les en-
gagemens où l'on entre envers autrui , c'efî
le confentement volontaire des parties. Auffi,
tout engagement efr. nul , lorf qu'on y eft:
forcé par une violence injufle de la part
de celui à qui l'on s'engage ; mais le con-
fentement d'une partie ne lui impofe actuel-
lement aucune obligation, fans l'accepta-
tion réciproque de l'autre.
Pour former un engagement valable, iE
faut en général , que ce à quoi l'on s'en-
gage , ne foit pas au deflus. de nos forces S9
E N G
m de plus défendu par la religion ou par!
la loi ; autrement on eft , ou fou , ou cri-
minel. Perfonne ne peut donc s'engager à
une impoflibilité abfolue. Il eft vrai que
rimpoilibilité en matière d'engagement n'eft
telle pour l'ordinaire , que par rapport à
certaines perfonnes , ou par l'effet de cer-
tains accidens particuliers , mais cela n'im-
porte , Y engagement n en eft pas moins nul.
Par exemple , s'il fe trouve qu'une maifon
de campagne qu'on avoit louée , ait été
confumée par le feu fans qu'on en fût
rien de part ni d'autre , on n'eft tenu à rien ,
& l'engagement tombe.
Il eft clair encore que perfonne ne peut
s'engager validement à une chofe illicite ;
mais il n'y a que les choies illicites en elles-
mêmes , fbit de leur nature ou à caufe de
la prohibition des loix civiles entre conci-
toyens qui les connoifïent , qui aient la
vertu de rendre nulle une convention, d'ail-
leurs revêtue des qualités requifes.
Il n'efl pas moins certain que l'on ne
fauroit s'engager validement, au fujet de
ce qui appartient à autrui , ou de ce qui
eft déjà engagé à quelqu'autre perfonne.
Il y a des engagemens abfolus & des enga-
gemens conditionnels ; c'eft-à-dire , que
l'on s'engage ou abfoîument & fans ré-
fèrve , ou en forte que l'on atrache l'effet
& la validité de l'engagement à quelque
événement , qui eft , ou purement fortuit,
ou dépendant de la volonté humaine ; ce
qui a lieu fur-tout en matière de fimple
promeffe.
Enfin, on s'engage non-feulement par
fbi-même , mais encore par l'entremife d'un
tiers que l'on établit pour interprète de
notre volonté , & porteur de notre parole
auprès de ceux à qui l'on promet ou avec
qui l'on traite ; lorfqu'un tel entremetteur
©u procureur a exécuté de bonne foi &
exactement la commiflïon qu'on lui avoit
donnée , on entre par-là dans un engage-
ment valide envers l'autre partie , qui a
regardé ce procureur , & qui a eu lieu de le
regarder , comme agiiTant en notre nom &
par notre ordre.
Voilà des principes généraux de droit
«naturel fur les engagemens. Leur obferva-
tion eft fans contredit un des plus grands
<& des glus inconteftables devoirs de la
E N G 4$r
morale. Si vous demandez à un chrétien
qui croit des récompenfes & des peines
après cette vie , pourquoi un homme doit
tenir fon engagement , il en rendra cette
raifon , que Dieu qui eft l'arbitre du bon-
heur & du malheur éternel nous le recom-
mande. Un difcipîe d'Hobbes à qui vous
ferez la même queflion , vous dira que le
public le veut ainfi , & que le Léviathan
vous punira fi vous faites le contraire. Enfin
un philofbphe païen auroit répondu à cette
demande , que de violer fa promeffe , c'étoit
faire une chofe déshonnête , indigne de
l'excellence de l'homme & contraire à la
vertu , qui élevé la nature humaine au plus
haut point de perfection où elle foit capable
de parvenir.
Cependant quoique le chrétien , le païen ,
le citoyen, reconnoiffent également par
différens principes le devoir indifpenfable
des engagemens qu'on contracte ; quoique
l'équité naturelle & la feule bonne foi obli-
gent généralement tous les hommes à tenu-
leurs engagemens , pourvu qu'ils ne foient
pas contraires à la religion , à la morale ;
la corruption des mœurs a prouvé de tout
temps que la pudeur & la probité n'étoient
pas d'afîêz fortes digues pour porter les
hommes à exécuter leurs promeffes. Voilà
l'origine de tant de loix au fujet des con-
ventions dans tous les pays du monde.
Voilà ce qui, dans le droit François, accable
la juftice de tant de claufes, de conditions
& de formalités fur cet article, que les
parchemins inventés avec raifon pour faire'
convenir ou pour convaincre les hommes-
de leurs engagemens , ne font malheureu-
fement devenus que des titres pour fe rui-
ner en procédures , & pour faire perdre le
fond par la forme. Si les hommes font jus-
tes , ces formules font d'ordinaire inutiles ; ;
s'ils font injuftes , elles le font encore très-
fouvent , l'injuftice étant plus forte que
toutes les barrières qu'on lui oppofe. Aufîl
pouvons-nous juftement dire de nos enga-
gemens ce qu'Horace difok de ceux de fon
temps :•
. ■ . . Jidie Ci eut g,
Nodofi tabulas centum , mille adde. entends ,
Ejj'ugiet tamen h&c fcelerutus vincula Proteus.
LU. H. Sat. 3. 69.
Arùde deM.lechemliemEjA uco URT,
4*1 E N G
ENGAGEMENT, (Jurifpr.) Il y a des en*
gagemens fondés fur la nature ; tels que les
devoirs réciproques du mariage , ceux des
pères & mères envers les enfans , ceux des
enfans envers les pères &c mères , & autres
femblables qui réfultent des liaifons de
parenté ou alliance , & des ientimens d'hu-
manité.
D'autres font fondés fur la religion; tels
que l'obligation de rendre à Dieu le culte
qui lui efl dû , le refpect dû à fes minif-
tres , la charité envers les pauvres.
D'autres engagemens encore iont fondés
fur les loix civiles; tels font ceux qui con-
cernent les devoirs reipectiis du fouverain
& des fujets , & généralement tout ce qui
concerne différens intérêts des hommes ,
foit pour le bien public, foit pour le bien
de quelqu'un en particulier.
Les engagemens de cette dernière claffe
réfultent quelquefois d'une convention ex-
preife ou tacite ; d'autres fe forment fans
convention dire de , avec la perfonne qui y
eft intéreffée , mais en vertu d'un contrat
fait avec la jumee, comme les engagemens
des tuteurs & curateurs : d'autres ont lieu
abiolument fans aucune convention ; tels
que les engagemens réciproques des cohé-
ritiers &c colégataires qui fe trouvent avoir
quelque chofe de commun enfemble, fans
aucune convention: d'autres encore naiflent
d'un délit ou quafi-délit, ou d'un cas for-
tuit : dkiutres enfin nahTent du fait d'autrui,
tels que les engagemens des pères par rap-
port aux délits & quafi-délits de leurs en-
fans ; & ceux des maîtres , par rapport aux
délits & quafi-délits de leurs efclaves ou
domeftiques ; & [es engagemens dont peu-
vent être tenus ceux dont un tiers a géré
les affaires à leur infu.
Tous ces difiërens engagemens font vo-
lontaires ou involontaires : les premiers
font ceux qui réfultent d'une convention
expreffe ou tacite : les autres font ceux qui
naiffent d'un délit ou quafi-délit , d'un cas
fortuit.
Enfin , toutes fortes d' engagemens font
fimples ou réciproques : les premiers n'o-
bligent que d'un côté : les autres font fynal-
-lagmatiques , c'eft-à-dire , obligatoires des
deux côtés. Voy. Contrat ù Obliga-
tion ; voye\ aujji l'auteur des loix civiles ,
E NG
en fbn traité des loix 9 chap. ij&fuiv, Ôf
liv. II de la première partie. (A)
Engagement d'un Bien : ce terme,
pris dans lefens le plus étendu , peut s'ap-
pliquer à tout acl:e par lequel on oblige un
bien envers une autre perfonne , comme à
titre de gage ou d'hypothèque. Voy. GAGE
^Hypothèque.
Ce même terme engagement lignifie auffi
l'acte par lequel on en cède à quelqu'un
la jouiflànce pour un temps.
Il y a deux fortes d: 'engagemens pour les
biens.
Les uns font faits par le débiteur au pro-
fit du créancier , pour fureté de fa créance;
& ces engagemens fe font en deux ma-
nières différentes ; favoir, par forme d'an-
tichrefe , ou par forme de contrat pignoratif.
F".Antichrese & Contrat pigno-
ratif.
L'autre forte d'engagement eit celle qui
contient un efpece d'aliénation faite fous
la condition expreffe ou tacite , que l'an-
cien propriétaire pourra exercer la faculté
de rachat, foit pendant un certain temps ,
ou même à perpétuité.
Les ventes à faculté de réméré , & les
baux emphythéotiques , ne font proprement
que des engagemens.
Mais , dans l'ufage , on ne donne guère
ce nom qu'aux antichrefes , contrats pi-
gnoratifs , & aux aliénations que le roi fait
en certains cas de quelques portions du
domaine de la couronne. Voy. ENGAGE-
MENT du Domaine. (A)
Engagement du Domaine de la
COURONNE, cil un contrat par lequel le
roi cède à quelqu'un un immeuble dépen-
dant de fon domaine , fous la faculté de
pouvoir , lui & fes fucceffeurs , le racheter
à perpétuité toutes fois & quantes que bon
leur femblera.
L'étymologie du mot engagement vient
de gage , & de ce que l'on a comparé ces
fortes de contrats aux engagemens ou an-
tichrefes , que le débiteur fait au profit de
fon créancier.
Il y a néanmoins cette différence entre
Rengagement ou antichrefe que fait un dé-
biteur , & l'engagement du domaine du roi ,
que le premier, dans les pays où il eff permis,
ne peut être tait qu'au profit du créancier ,
E N G
lequel ne gagne pas les fruits ; ils doivent
être imputés fur le principal , X engagement
n'étant à Ton égard qu'une fimple fureté :
au lieu que X engagement du domaine du. roi
peut être fait tant à prix d'argent , que pour
plufieurs autres caufes; & l'engagif te gagne
les fruits jufqu'au rachat , fans les imputer
fur le prix du rachat , au cas qu'il lui en
foit dû.
Le domaine de la couronne , (oit ancien
ou nouveau , grand au petit, eir. inaliénable
de fa nature ; c'elt pourquoi les a&es par
lefquels le roi cède à quelqu'un une portion
de fon domaine , ne font confédérés que
comme des engagemens avec faculté de ra-
chat.
Ce grand principe a été long-temps ignoré:
les engagemens du domaine proprement dit
étoient cependant déjà connus dès l'an 131 1,
comme il paraît par une ordonnance de
Philippe-le-Bel ; mais on admettoit aufll
alors plufieurs autres manières d'aliéner le
domaine ; favoir , la concefîîon à titre d'a-
panage , l'affiette des terres pour les dots &
douaires des reines & filles de France , &
Finféodation qui étoit alors différente de
Y engagement.
Préfèntement les apanages ne pafient plus,
comme autrefois , à tous les héritiers maies
ou femelles indiftinâement j ils font re-
verfibles à la couronne à défaut d'hoirs
rçâles.
Les terres du domaine ne font plus données
purement & fimplement en mariage , mais
feulement en paiement des deniers dotaux ,
& comme un engagement ou efpece de vente
à la faculté de rachat. Les terres données
pour le douaire des reines , ne font qu'en
ufufruit : ainfi il n'y a point d'aliénation.
Les inféodations du domaine faites à prix
d'argent-, ou pour récompense de fervices
réels & exprimés dansl'aéle avant l'ordon-
nance de 1566 , ne font pas fujettes à ré-
vocation comme les- Amples dons. Il y a
d'autres inféodations. du domaine qui ont
été faites depuis cette ordonnance , en conr
féquence des édits du mois d'avril 1574 ,
mars 1587 , feptembre 159 1 , 4 feptembre
& 23 oclobre 1592., 25 février 1594. ,
mars 1619, mars 163 5, mars 1639 ,
feptembre 1645 , décembre 1052., avril
1^67, 1669; 7 avril 1672, mars & 19
E N G 4.6 i
juillet 169? , 13 mars , 3 avril & 4 fep-
tembre 1696 , 13 août 1697 y avril 1702, 2.
avril & l6 feptembre 1703 , août 1708 y
& 9 mars 171$ : mais quoique plufieurs
de ces édits & déclarations aient ordonné
la vente des domaines à titre d'inféodation
& de propriété incommutables & à perpé-
tuité , on tient pour maxime que toutes
ces inféodations.raites moyennant finance y
& qui emportent diminution du domaine ,
en quelque* termes qu'elles foient conçues ,
ne font- toujours que des engagemens fujets.
au rachat perpétuel , comme il elî dit par.
les édits de 1574 , 1 587 , & plufieurs autres
édits & déclarations pofiérieurs : à plus forcer
raifon quand les inféodations participent d^
l'engagement, & qu'elles font faites en rentes.
& en argent.
On diffingue néanmoins- les. engagemens,
qui font. Faits à titre, d'inféodation , de ceux,
qui. ne font point faits à c# titre,, & que,
l'on appelle engagemens. Jim pies. Les pre-
miers donnent aux feigneurs engagifles un
droit un peu plus étendu; ilsjouiffentçi/a/z
damini, des domaines qui leur font engagés,
& participent à certainsrr droits de fief &;
honorifiques : au lieu que les fimples en-*
gagiffes.ne font proprement que des créais
ciers anrichréfiftes , quijouiffent du domaine
engagé pour l'intérêt, de l'argent qu'ils ont.
prêté au roi; durefte.?.ceux qui ont acquis :
un bien du domaine à; titre d'inféodation ,
ne font toujours .qualifiés que di engagifles
comme les. autres , ainfi qu'on le voit dans
tous les édits & déclarations, intervenus fut
cette matière depuis. 1667..
; Qn ne doit pas confondre avec les engage**
mens , J£s inféodations des domaines du roi,,
lorfqu'elles font faites , fans aucun paiement
de finance,, fous. la. condition par l'inféo-
dataire d'améliorer le domaine inféodé.^
comme de défricher ou deifécher un terrain,
d'y bâtir ou planter , &c. & fous iaréferve.
de la .. lu.zeraineté , emportant foi &; hom-
mage -, droits- feignenriaux &; féodaux ; on
de la directe , cens- &. furçens ,. emportant
lods & ventes, fa'fine r'.. & autres droits
dus aux mutations des fiefs ou des rorures y
fuivant qu'ils font fixés par les. coutumes,
oufb'pulés par les. contrats d'inféodation.
Ce qui a donné lieu quelquefois de
confondre ces fortes d' inféodations avec. les
4*4 E N G
engagemens , efl que par difFérens édits qui
ont ordonné l'aliénation des domaines du
roi à titre Rengagement , pour accréditer
ces engagemens, on les a aflîmilés aux inféo-
dations , en ordonnant que les engagiftes
jouiroient des domaines engagés à titre d'in-
féodation ; on y a même fou vent ajouté la
réferve au roi y de la fuzeraineté & de la
directe. La plus grande partie des aliéna-
tions des juflices a été faite à ce titre d'in-
féodation & fous ces référées ; & quoiqu'il
y ait eu des finances payées lors de ces
aliénations , on doute encore fi l'on doit
confidérer les aliénations de ces juifices ,
faites depuis plus d'un fiecle fous la réferve
de la fuzeraineté & du reflbrt , comme des
aliénations des autres portions utiles du
domaine du roi. Si on admettoit un pareil
principe , on expoferoit la plus grande par-
tie des propriétaires des terres & fiefs à être
privés de leur? juflices , dans lefquelles le
roi auroit droit de rentrer comme n'étant
poifédées qu'à titre d'engagement : ce qui
auroit bien des inconvéniens.
Sans entrer dans cette queflion y il efl
confiant que toutes ces aliénations des por-
tions des domaines du roi , faites fans
finance & au feul titre d'inféodation , fous
Ja réferve de la fuzeraineté , de la féodalité ,
jde la directe , cenfive & furcens , empor-
tant droits feigneuriaux , lods & ventes aux
mutations , ne font point comprifes dans la
clafie des engagemens des domaines.
L'objet de Pinféodation efl: toujours , que
l'inféodataire étant propriétaire incom-
mutable améliorera le domaine inféodé , &
jque par ces améliorations, les droits qui feront
payés au roi , lors des ventes & autres mu-
tations , deviennent fi cOnfidérables , que le
roi foit plus qu'indemnifé de la valeur du
fonds qu'il a inféodé.
H y a lieu de préfumer que c'cfl par des
inféodations que fe font faits les établiffe-
mens des fiefs , de la directe , & des cen-
fives; toutes les directes qui appartiennent
au roi fur les maifons de la ville de Paris ,
ne proviennent que d'inféodations faites des
terrains qui appartenoient à fa majeflé , &
qui ont été par elle inféodés. Sans remonter
aux temps reculés , il a été fait dans le der-
nier fiecle plufîeurs de ces inféodations par
|e roi , de femblables terrains ; tels que font
E N G
ceux que l'on comprend fous la dénomina-
tion d'île du Palais , où font fitués la rue
Saint-Louis , la rue de Harlay , le quai des
Orfèvres , la place Dauphine , les falles
neuves du Palais, les cours qui les envi-
ronnent^ appellées l'une hcourNeuve, l'autre
la cour de la Moignon : tous ces terrains ont
été concédés à titre d'inféodation , fous la
réferve de directe & de cenfives : toutes les
fois que les propriétaires ont été inquiétés
pour taxes, ou fous d'autres prétextes,
comme détempteurs de terrains du domaine
du roi aliénés , il ont été déchargés par des
arrêts du conleil. .
Les inféodations ne peuvent donc en
général être mifes dans la claiîe des enga-
gemens du domaine , que quand elles font
faites moyennant finance , & qu'elles em-
portent une véritable aliénation & diminu-
tion du domaine.
Toute aliénation du domaine & droits
en dépendans , à quelque titre qu'elle foit
faite , excepté le cas d'apanage ou d'échange,
n'eil donc véritablement qu'un engagement ,
foit que l'acle foit à titre Rengagement^ ou
à titre d'inféodation ; que ce foit à titre de
vente , donation , bail à cens ou à rente ,
bail emphytéotique , ou autrement : &
quand même le titre porteroit que c'eft pour
en jouir à perpétuité & incommutablement ,
fans parler de la faculté de rachat; cette
faculté y efl toujours fous-entendue , &
elle eff tellement inhérente au domaine du
roi , qu'on ne peut y déroger , & qu'elle
efl imprefcriptible comme le domaine.
L'ordonnance de Blois,arf. JJ3& JJ4>
diflingue à la vérité la vente du domaine
d'avec le fimple engagement : mais il eft
fenfible que les principes de cette matière
n'étoient point encore développés alors
comme il faut; & félon les principes qui
réfultent des ordonnances poflérieures , il
eft confiant que l'aliénation du domaine ,
faite à titre de vente , ne peut pas avoir plus
d'effet que celle qui eft faite fimplement à
titre d'engagement. «
L'engagiilc a même moins de droit qu'un
acquéreur ordinaire à charge de rachat. En
effet celui qui peut faire tous les actes de
propriétaire julqu'à ce que le rachat foit
exercé , & ce quand le temps du rachat
eff expiré, il devient propriétaire incom-
mutable :
E N G
mutable : au lieu que l'engagifte du do-
maine n'eft en tout temps qu'un fimple
acquéreur d'ufufruit , qui a le privilège
de tranfmetrre Ton droit à [es héritiers ou
ayans-caufe.
La propriété du domaine engagé demeu-
rant toujours pardevers le roi , il s'enluit
par une conféquence naturelle , que l'enga-
gifte ne doit point de foi & hommage , ni
de droits feigneuriaux , foit pour la pre-
mière acquifition , foit pour les autres mu-
tations qui furviennent de la part du roi ,
ou de celle de l'engagifte. Quelque claufe
qu'il y ait au contraire dans Rengagement,
les chambres des comptes ne doivent jamais
admettre les engagiftes à l'hommage des
domaines engagés , fi ce n'eft par rapport
aux juftices ; comme on l'a expliqué ci-
devant pour les autres engagemens : cela
ieroit d'une trop dangereufe conféquence ,
& la chambre des comptes de Paris ne
s'écarte jamais de ce principe.
Il ne peut pas , comme l'apanager , fè
qualifier duc , comte , marquis , ou baron
d'une telle terre , mais feulement feigneur
par engagement de cette terre , fi ce n'eft
que Rengagement contint permifïïon de
prendre ces qualités. «
Quand le chef-lieu d'une grande fei-
gneurie eft engagé , les mouvances féodales
qui en dépendent , & la juftice royale qui
eft attachée au chef-lieu , & tous les droits
honorifiques , demeurent réfervés au roi ;
la juftice s'y rend toujours en fon nom : on
y ajoute feulement en fécond celui du fei-
gneur engagifte , mais celui-ci n'a point
collation des offices , il n'en a que la nomi-
nation , & les officiers font toujours offi-
ciers royaux; s'il fait mettre un poteau en
figne de juftice , les armes du roi doivent
y être marquées: il peut feulement mettre
les fiennes au defTous. Il n'a point droit de
litre , ou de ceinture funèbre ; il ne peut
recevoir les foi & hommage , aveux &
déclarations , ni donner les enfaifinemens :
il a feulement tous les droits utiles du do-
maine engagé , excepté les portions qui ont
été aliénées aux officiers du domaine , an-
térieurement aux engagemens , conformé-
ment à plufieurs réglemens , & notamment
à l'édit du mois de décembre 1743.
, Mais quand le roi engage feulement quel-
Tome Xll.
E N G 465
' que dépendance du chef-lieu de la feigneu-
rie , & qu'il engage auffi la juftice , alors
c'eft une nouvelle jumce feigneuriale qui
s'exerce au nom du feigneur; il a la colla-
tion des offices , & tous les droits utiles
& honorifiques , à l'exception néanmoins
des droits qui font une iuite des mouvan-
ces du chef-lieu, lefquelles dans ce cas de-
meurent réfervées au roi , conformément
à l'édit du 15 mai 171 5.
Les droits de patronage , droits honori-
fiques , droits de retrait féodal , ne font
point comptés au nombre des droits utiles;
de forte que l'engagifte ne les a point , à
moins qu'ils ne lui aient été cédés nommé-
ment.
Tout contrat d'engagement doit être re-
giftré en la chambre des comptes.
Les acquifitions que l'engagifte fait dans
la mouvance du domaine qui lui eft: en-
gagé , foit parla voie de retrait , ou autre-
ment , ne font point réunies au domaine.
L'engagifte peut , pendant fa jouifTance ,
fous-inféoder , ou donner à cens ou rente
quelque portion du domaine qu'il tient par
engagement : mais en cas de rachat de la
part du roi , toutes ces aliénations faites
par l'engagifte font révoquées , & le do-
maine rentre franc de toute hypothèque de
l'engagifte.
Cependant jufqu'au rachat , l'engagifte
peut difpofèr comme bon lui femble du
domaine ; il eft confidéré comme propre
dans fa fucceffion ; le fils aine y preni fon
droit d'ainefïè ; le domaine engagé peut
être vendu par l'engagifte , fès héritiers ou
ayans-caufe ; il peu: être faifi & décrété fur
eux : mais tout cela ne préjudicie point au
rachat.
Tant que Rengagement fubfifte , l'enga-
gifte doit acquitter les charges du domaine;
telles que les gages des officiers , & autres
preftations annuelles , pour fondation ou
autrement , entretenir les bâtimens , pri-
fons , ponts , chemins , chauffées , fournir
le pain des prifonniers , payer les frais de
leur' tranfport , & généralement tous les
frais des procès criminels où il n'y a point
de partie civile ; gages d'officiers , rentes ,
revenant-bons , décharges & épices des
comptes des domaines : mais cet édit n'a
pas été par-tout pleinement exécuté. L'édit
N n ri
466 E N G
d'o&obre 170$ a ordonné que les enga-
giftes rembourferoienr les charges locales ,
telles que le paiement des fiefs & aumônes ;
à l'effet de quoi il efr. obligé d'en remettre
le fonds au receveur des domaines & bois,
lequel rapporte au jugement de fon compte
les pièces jufrificatives de l'acquittement
deldites charges.
Loyfeau , en fon traite' des offices } &
Chopin en fon traité du domaine, ont parlé
des engagemens ; mais quoique ces auteurs
aient dit d'excellentes chofes , il faut pren-
dre garde que leurs principes ne font pas
Toujours conformes au dernier état de la
jurifprudence fur cette matière.
On peut aufli voir ce que Guyot en a
dit en ion traité des fiefs y tome VI y &
en Ççs obfervations fur les droits honorifi-
ques. Vcye\ Domaine. (A)
Engagement, f. m. (Hift. mod.) nom
donné aux vœux des anciens chevaliers
dans leurs entreprifes d'armes. Je n'en dirai
qu'un mot d'après M. de Sainte - Palaye ,
& feulement pour crayonner une des plus
Cngulieres extravagances dont l'homme foit
capable.
Les chevaliers qui formoient des entre-
prifes d'armes , foit courtoifes , foit à
outrance, c'efî-à-dire , meurtrières , char-
geoient leurs armes de chaînes , ou d'au-
tres marques attachées par la main des
dames, qui leur accordoient fouvent un
baifer , moitié oui , moitié non , comme
celui que Saintré obtint de la fienne.
Cette chaîne ou ce figne , quel qu*il fût,
qu'ils ne quittoient plus, étoit le gage de
l'entreprife dont ils juroient l'exécution ,
quelquefois même à genoux , fur les Evan-
giles. Ils fe préparaient enfuite à cette
exécution par des abftinences, & par des
actes de piété qui fe faifoient dans une
e*glife où ils fe confefïbient , & dans la-
quelle ils dévoient envoyer au retour , tan-
tôt lesarmes qui les avoient fait triompher ,
tantôt celles qu'ils avoient remportées fur
leurs ennemis.
On pourroit faire remonter l'origine
de ces- efpeces d'enchaînemens jufqu'au
temps de Tacite , qui rapporte quelque
chofe de femblable des Caftes dans fes
mœurs des Germains. Je crois pourtant
qu'il yaut mieux la borner à des {iecles
ENG
poftérieurs , où les débiteurs infolvables
devenant efclaves de leurs créanciers , &
proprement efclaves de leur parole, comme
nous nous exprimons , portoient des
chaînes de même que les autres fèrfs , avec
cette feule diftinâion , qu'au lieu de fers
ils n'avoient qu'un anneau de fer au bras.
Les pénitens , dans les pèlerinages auxquels
ils fe vouoient , également débiteurs en-
vers Péglifè, portèrent aufli des chaînes
pour marque de leur efclavage ; & c'efl
de là fans doute que nos chevaliers en
avoient pris de pareilles , pour acquitter
ce vœu qu'ils faifoient d'accomplir leurs
entreprifes d'armes.
Ces entreprifes une fois attachées fur l'ar-
mure d'un chevalier , il ne pouvoit plus
fe décharger de ce poids qu'au bout d'une-
ou de plufieurs années , fuivant les condi-
tions du vœu, à moins qu'il n'eût trouvé
quelque chevalier qui , s'offrant de faire
arme contre lui , le délivrât en lui levant
fon emprife , c'eft-à-dire , en lui ôtant les
chaînes ou autres marques qui en tenoient
lieu, telles que des pièces différentes d'une
armure,, des vifieres de heaumes , des.
gardes-bras, des rondelles , &c
-Vous trouverez dans Olivier de la Mar-
che y les formalités qui s'obfervoient pour-
lever ces entreprifes, & les engagemens des
chevaliers. On croit lire des contes arabes,
en lifant l'hiftoire de cet étrange fanatifme
des nobles , qui régna fi long-temps dans*
le midi de l'Europe , & qui n'a ceflé dans,
un royaume voifin, que par le ridicule -
dont le couvrit un nom?r,e de lettres ,.
Michel Cervantes Saavedra, lorfqu'il mit
au jour , en 1605 , fon incomparable ro-
man de dom Quichote. Voye\ EcUYER,,
CHEVALIER, àcles mémoires deM. de
Sainte-Palaye , dans le recueil de V acadé-
mie des Belles-Lettres. Article deM. le
chevalier de Jauco ur t.
Engagement, c'eft dans Y An mili-
taire, un acte que figne un particulier , par ;
lequel il s'engage pour fervir dans les trou-
pes, en qualité defoldat ou de cavalier. Tout-
engagement doit être au moins defix ans y à:
peine de caffation contre les officiers qui
en auront fait pour un moindre temps..
Voyei DÉSERTEUR. ( Q )
ENGAÇE&ENX p'UN Matxlot i
E N G
(Marine) c'efl: la convention qu'il fait avec
le capitaine , ou le maître d'un navire ,
pour le cours du voyage. (Z)
Engagement des Marchandi-
ses , {Comm.) eu1 une efpece de commerce
ou de négociation très-commune à Amster-
dam , & qui fe fait ordinairement lorfque
Je prix des marchandifes diminue consi-
dérablement , ou qu'il y a apparence qu'il
augmentera de beaucoup dans peu. Dans
ces deux cas , les marchands qui ont befoin
d'argent comptant , & qui cependant veu-
lent éviter une perte certaine, en donnant
■à trop bas prix ce qui leur a coûté fort
crier , ou s'affurer du grain qu'ils efperent
de l'augmentation de leurs denrées , ont
recours à V engagement de leurs marchan-
difes qui fe fait en la manière fuivante.
Le marchand qui veut les engager ,
s'adrefîe à un courtier , & lui en donne
une note. On convient de l'intérêt , qui
eft ordinairement depuis trois ou trois &
demi , jufqu'à fix pour cent par an , félon
l'abondance ou la rareté de l'argent ; on
règle ce qu'il en doit coûter pour le ma-
gasinage , &c. L'accord fait , le courtier en
écrit l'obligation fur un fceau , c'eft-à-dire ,
fur un papier fcellé du fceau de l'état , à
peu près comme ce que nous appelions
du papier timbre y dans une forme à peu
près femblable à la fuivante , que Jean-
Pierre Ricard , dans fon traité du Négoce
d'Amfierdam , donne comme une formule
de ces fortes Rengagement , & dans laquelle
il fupporte que les marchandifes engagées
font huit mille livres de café , valant lors
de l'engagement vingt fous la livre , qu'on
engage fur le pié de vingt-cinq fous la
livre , pour fix mois , à raifon de quatre
pour cent d'intérêt par an, & à trois fous
par balle par mois de magafinage.
Formule d'un engagement de marchandifes.
« Je fouffigné , confefïê par la préfente ,
» devoir loyalement à M. NN la
9* fomme de dix mjlle florins , argent cou-
n rant , pour argent comptant reçu de lui
» à ma fatisfadion ; laquelle fomme de
>y dix mille florins je promets payer en
» argent-courant, dans fix mois après la date
tt de la préfente , franc & quitte de tous
E N G 467
» frais audit Sieur NN ou au porteur
» de la préfenre, avec intérêt d'icelle , à
V» raifon de quatre pour cent par an ; &
» en cas de prolongation , juf qu'au paie-
» ment effectif du capital & de l'intérêt,
» engageant pour cet effet ma perfonne &
n tous mes biens, fans exception d'aucun,
« les foumettant à tous juges & droits.
» En foi de quoi j'ai figné la préfente de
» ma propre main. A Amflerdam , le 2
a novembre 1718. J. P. R.
On ajoute enfuite :
f> Et pour plus grande affurance du con-
r> tenu ci-defïus , j'ai délivré & remis au
n pouvoir dudit Sieur NN comme un
» gage volontaire , feize balles de café ,
» marquées /. P. R. de numéro 1 à 16 ,
a pefant huit mille livres ou environ , def-
» quels je le rends & fais maître dès à pré-
» fent, l'autorifant de les vendre & faire
n vendre comme il trouvera à propos ,
» même fans en demander aucune permifc
a fion en jufïice , fi je ne lui paie pas la
n fufdite fomme , avec les intérêts & les
» frais , au jour de l'échéance ; & au cas
». de prolongation , jufqu'à fon entier rem-
» bourfement. Promettante plus de lui
» payer trois fous par livre à chaque fois
» que le café pourra baiffer de deux ou
ft trois fous par livre , & trois- fous par
fi chaque balle par mois pour le magafi-
» nage , & tous autres frais qu'il pourra
» faire fur lefdites balles , l'aPr-nchiflant
a bien expreflement de la perte ou dom-
fi mage qui pourroit arriver audit café,
» foit par eau , foit par feu , par vol , ou
a par quelqu'autre accident prévu ou im-
f> prévu. A Amfterdam , ce 2. novembre
» 1718. J.P.R.»
Quand l'intérêt efl trop haut , comme
de fix pour cent par an , on fe garde bien
de le fpécifier dans l'obligation , parce qu'il
eft ufuraire ; mais on met qu'il fera payé à
un demi par mois , ce qui revient au
même , mais qu'on tolère , parce que l'em-
prunteur eft cenfé pouvoir retirer fa mar-
chandife tous les mois.
Si un emprunteur veut retirer fa mar-
chandife avant le terme ftipulé , il n'en
paie pas moins l'intérêt convenu pour tout
le temps , parce qu'en ce cas on fuppofe
Nnn 2
-v
ENG
qu'il trouve fur fa marchandife un béné-
fice confidérable qui fuffit pour payer l'in-
teret.
Si l'on convient d'une prolongation , on
en fait mention au bas de l'obligation.
Enfin file prêteur, après avoir averti l'em-
prunteur , veut avoir fon argent a terme ,
& que celui-ci ne paie pas , les marchan-
difes peuvent être vendues par autorité de
juftice, en faveur du premier, jufqu'à con-
currence du rembourfement de la fomme
prêtée & des intérêts , l'excédant du prix
qu'on en retire tournant au profit de celui
qui a engagé la marchandife. Dictionnaire
de Comm. de Trévoux yÙ de Chambers. (G)
ENGAGEMENT , en fait Refcrime , c'eft
l'effort réciproque des deux épées qui fe
touchent. Il y a engagement , lorfqu'un
efcrimeur pl?ce le fort ou le talon de fon
épée fur le foible de celle de fon ennemi ,
& la force de façon qu'il ne peut plus la
détourner.
ENGAGER, verbe ad. mettre en gage.
( Commerce. )
ENGAGER , (Comm.) fignifieauffi dif-
pofer d'une chofe : foi engagé mes fonds.
ENGAGER , {Cemm.) joint au pronom
perfonnel ou réciproque/^ y veut quelque-
fois dire s endetter y quelquefois entrer dans
une affaire y dans une fociété y d'autres fois
cautionner quelqrfun , & fouvent prendre
parti avec un maître.
Dans toutes ces fignifications , on dit en
termes de commerce y qu'un marchand s'eft
engagé de tous cotés , qu'on s'engage dans
une entreprife , qu'un jeune homme s'eft
engagé en qualité d'écrivain avec la com-
pagnie des Indes , qu'un tel s'eft engagé
de dix mille écus pour tirer fon afTocié
d'affaire , qu'un compagnon s'eft engagé
chez un maître pour tel temps & à telles
conditions. Diclionn. de Comm. de Tré-
voux y & de Chambers. (G)
ENGAGER, (Efcrime.) c'eft faire tou-
cher fon épée à celle de l'ennemi. On dit
engage^ quarte & tire\ quarte y ou engage^
quarte & tire\ tierce ; &c. On entend au AI
par engager , faifir du fort ou du talon de
(on épée le foible de celle de l'ennemi , de
manière qu'il ne puiffe plus détourner
l'épée de fon adverfaire de fa direction .
Voye\ Engagement.
ENG
ENGAGISTE, {Jurifprud.) eft celuî
qui jouit d'un bien à titre Rengagement :
il y a deux fortes Rengagifies.
Les uns qui jouifTent d'un bien par forme
d'antichrefe pour fureté de leurs créances.
Les autres font ceux qui jouifTent d'un
domaine de la couronne à titre Rengage-
ment.
Uengagifie qui jouit à titre R antichrefe 9
peut retenir le fonds qui lui a été engagé
jufqu'a ce que le débiteur lui ait payé tou-
tes les fommes qu'il lui doit , même au
delà du prix de l'engagement.
Aucune vente , foit pure & fimple , ou
à faculté de rachat , ou Amplement des
fruits , ne peut préjudicier au droit acquis
antérieurement à Yengagifie.
Suivant le droit romain, Yengagifie peut
ftipuler qu'il retiendra les fruits de l'héri-
tage, pour lui tenir lieu des intérêts de
fès créances , ce qui s'oblerve au parle-
ment de Touloufe; mais au parlement de
Paris cela n'eft jamais permis, à moins que
les fruits de l'héritage ne fufTent fixes &
certains ; comme fi c'eft une rente en
argent , auquel cas Yengagifie feroit tenu
d'imputer l'excédant , s'il y en a , fur le
principal.
Ce ne font pas feulement les fruits
perçus par Yengagifie dont il doit rendre
compte , mais auili ceux qu'il a pu per-
cevoir.
Il eft de fon devoir de jouir comme un
bon père de famille , & par conféquent
de faire toutes les réparations: mais auffi
en cas de rachat , il eft en droit de répéter
toutes les dépenfes utiles & nécefîaires
qu'il a faites à la chofe engagée ; &
jufqu'à ce qu'il en foit rembourié , il peut
retenir le bien engagé. A l'égard des
dépenfes voluptuaires , il ne peut les répé-
ter , à moins qu'il ne les eût faites de
l'ordre du débiteur.
Les cas fortuits ne font pas à la charge
de Pengagifte , niji culpa cafum prœcejjït.
Uengagifie ne peut par aucun temps
prefcrire le fonds contre le débiteur , à
moins que l'engagement ne fût coloré du
nom de vente d faculté de rachat 3 auquel
cas il pourroit prefcrire par trente ans.
Il peut aufli , par une jouifîance de
trente ans, prefcrire l'hypothèque contre
E N G
les créanciers antérieurs de Ton débi-
teur.
S'il vend , comme propriétaire , le bien
à lui engagé , le tiers-acquéreur pourra
prefcrirede Ton chef, n'ayant pas fuccédé
à Ton vendeur à titre d'engagement.
Les créanciers , l'oit antérieurs ou poflé-
rieurs à l'engagement, ne peuvent faire
faifir fur Yengagifle les fruits du fonds
engagé par leur débiteur ; ils ne peuvent
s'en prendre qu'au fonds par la voie de la
faifie réelle.
Tant que Yengagifle n'a pas encore pref-
crit l'hypothèque , le créancier antérieur
peut agir directement fur le fonds enga-
gé , fans erre obligé de difeuter les autres
biens du débiteur ; mais les créanciers pos-
térieurs au contrat d'engagement ne peu-
vent dépolféder Yengagifle qu'en le rem-
bourfant de fon principal , frais & loyaux-
coûts.
Pour favoir quel peut être l'effet du
; pacte commhToire à l'égard de Yengagifle }
'l'oyei Pacte commissoire.
y°ye\ff- depignorat. act. Ù de pign. &
hypoth. lib. I. & cod. etiam ob chirograph.
pecun.pign. retin.pojf. De'cif. deFromen-
tal , au mot Engagement. {A)
Engagiste du Domaine, efl celui
qui tient à titre d'engagement , c'efl-à-
dire , fous faculté perpétuelle de rachat ,
quelque portion du domaine de la cou-
ronne.
Lorfque le domaine , ainfi aliéné , efl
tenu & cédé en fief, celui qui en jouit efl
ordinairement qualifié defeigneur-engagiflef
ou engagifle iimplement ; mais quand le
domaine efl cédé en roture , le pofTefïeur
ne peut prendre d'autre titre que celui d' en-
gagifle. Voye\ , ci-devant , ENGAGE-
MENT du Domaine. {A)
ENGALADE, f. m. {Teinture.) c'efl
l'action de teindre ou de préparer une
étoffe avec la noix de gale , ou le rodoul ,
ou le fonic. On donne cet apprêt aux
étoffes qui doivent être mifes en noir ; il
confïfle à les faire bouillir dans une décoc-
tion de ces ingrédiens ; on ule enfuite de
la couperofe. On éprouve Yengalade par le
débouilli.
ENGASTREMITHE,£2VG^<S,r.R/-
MYTHUS ou ENGASTREMANDE ,
E N G 4*.,
f m. «j fetT^t^vBf^ , perfonne qui parle fans
ouvrir la bouche } ou fans dejferrer les
lèvres ; de manière que le fon de la pa-
role fêmble retentir dans le ventre & en
fortir.
Le nom diengaflremithe efl compofé du
Grec iv , dans y yaçno , ventre > & ^.D-}©-
parole. Les Latins diient , par la même rai-
fon , ventriloquus , quafiex ventre loquens.
Voye\ Ventriloques.
Les philofophes anciens font fort divifes
fur le fujet des engaflremith.es ; Hippocrate
parle de leur état comme d'une maladie.
D'autres prétendent que c'efl une efpece
de divination , & en donnent l'origine &
la première invention à un certain Euriclus
dont perfonne n'a jamais rien fu ; d'autres
l'attribuent à l'opération ou à la poffeffion
d'un efprit malin , & d'autres à l'art & au
méchanifme.
Les plus fameux engaflremithes ont été
les pythies ou les prêtrefles d'Apollon , qui
rendoient les oracles de l'intérieur de leur
poitrine , fans proférer une parole , fans
remuer la bouche ou les lèvres. Voyez^
Pythie.
S. Chryfofrome & (Ecumenius foifc
exprefTément mention de certains hommes
divins que les Grecs appelloient engaflri-
mandri , dont les ventres prophétiques
rendoient des oracles. Voye\ Oracle.
M. Scott, bibliothécaire du roi dePrufîê,
foutient , dans une difTertation qu'il a faite
fur l'apothéofe d'Homère , que les engaflre-
mi thés des anciens n'etoient autre chofè que
des poètes , qui , lorfque les prê trèfles ne
pouvoient parler en vers , fuppléoient à leur
défaut , en expliquant ou rendant en vers
ce qu'Apollon difoit dans la cavité du baflin
qui étoit placé fur le facré trépié. Voyez
Trépié.
Léon Allatius a fait un traité exprès fur
les engaflremithes , qui a pour titre de en-
gaftremitis fyntagma. Die!, de Trévoux
Ù Chambers.
Il efl très-vraifemblable que les prétendus
ventriloques n'etoient que des fourbes ;
parce que le méchanifme de la voix ne
comporte pas que l'on puifTe prononcer
des paroles , fans que l'air , qui efl modifié
pour en produire le fon , forte par la bou-
che & par le nez , fur-tout par la première
47° E N G
de ces deux voies : d'ailleurs , en fuppofant
même qu'il y ait moyen déparier en retirant
l'air dans les poumons , le Ion retentiroit
dans la poitrine & non pas dans le ventre ,
ainli ceux qui produiraient cette voix arti-
fîcieule , feraient improprement nommés
ventriloques , parce qu'il ne pourrait jamais
?fe faire qu'ils panifient parler du ventre.
Voye\ Voix.
On pourrait donner le nom cYengaflre-
mithe ou ventriloque auxenfans que quel-
ques auteurs prétendent avoir fait des cris
dans le ventre de leurs mères. On trouve
parmi les obfervations fur la phyfique
générale {vol. II) , un extrait du journal
des favans {répub. des lettres , août i 686 ',
tom. VII) ; dans lequel on attelle un
fait de cette efpece , & on ajoute que ,
quelque extraordinaire que foit ce phé-
nomène , on en lit plufieurs exemples dans
le livre intitulé, Medicina feptentrionalis
çollatitia.
Mais ces prétendus faits font-ils croya-
bles, dès que l'on efl bien allure que l'en-
fant ne refpire point & ne peut refpirer
.dans la matrice , où il eft toujours plongé
dens l'eau de l'amnios , fans autre air que
celui qui efl réfolu en fes élémens dans la
fubflance du fluide aqueux , qui n'a par
conféquent aucune des propriétés nécefîâi-
res pour produire des fons? Si la chofe
.dont il s'agit efl jamais arrivée, ce ne peut
être qu'après l'écoulement de cette eau &
ia communication établie de l'intérieur des
membranes avec l'atmofphere , de manière
que l'air ait pu pénétrer en mafTe jufque
dans les poumons de l'enfant , & le faire
refpirer avant qu'il foit forti de la matri-
ce : mais , dans ce cas , il faut qu'il en
ibrte bientôt pour furvivre : autrement
les membranes flottantes, venant à s'appli-
quer à fa bouche & à fon nez , pour-
raient le fuffoquer avant qu'il fut forti du
ventre de fa mère. Voye\ RESPIRATION,
Fxetus. (d)
ENGEL, (Dodmafl.) poids fidif ufité
en Angleterre. Voye\ Poids.
ENGELURE, f. f. (Médecine.) eu
une efpece d'enflure inflammatoire qui
fùrvient en hiver , & qui affecte particu-
lièrement les talons , les doigts des pies
$c des mains j &, dans les pays bien.
E N G
froids , le bout du nez même & les lobe*
des oreilles. Les Grecs appellent cette ma-
ladie xil!J-*K0V ? de £*¥** hyems ; les
Latins pernio. Les François lui donnent
le nom de mule y lorfqu'ellë a fon fiege au
talon.
La caufe prochaine de cette maladie efl ,
comme celle de l'inflammation en général ,
l'empêchement du cours libre des fluides
dans les vaifîèaux de ces parties : cet em-
pêchement efl, dans les engelures, Y effet du
iroid , qui reflèrre les folides & qui con-
denfè les fluides. Quoique la chaleur du
corps humain en famé furpafiè celle de
l'air qui l'environne , même pendant les
plus grandes chaleurs de l'été , félon ce
que prouvent les expériences faites à ce
fujet par le moyen du thermomètre , &
qu'il faille par conféquent , pour que' les
parties de notre corps foient engourdies
par le froid , qu'il foit bien violent ;
cependant comme le mouvement des
humeurs & conféquemment la chaleur, efl
moins confidérable , tout étant égal dans
les extrémités , dans les parties qui font le
plus éloignées du cœur que dans les
autres , il s'enfuit que ces parties doivent
être à proportion plus fufceptibles de ref-
fentir les effets du froid ; les vaifîèaux ren-
dus moins flexibles par cette caufe , agifîènt
moins fur le fang , qui n'efl fluide que par
l'agitation qu'il éprouve de l'action des
folides ; & celle-ci étant diminuée , il
s'épaiflît & circule avec peine : d'ailleurs ,
les parties aqueufes qui lui fervent de
véhicule , fe figent & fe gèlent , pour ainfl
dire , par l'abfence des particules ignées ,
& peut-être auffi par la pénétration des par-
ticules frigorifiques qui remplifîènt leurs
pores , & leur font perdre la mobilité qui
leur efl ordinaire , d'où réfùlte une caufe
fuffifànte d'inflammation. Voye\ FROID ,
Glace.
Le tempérament pituiteux , les hu-
meurs naturellement épaifîès , la pléthore ,
le peu de foin à fe garantir des rigueurs
de l'hiver par les vêtemens & autres
moyens , le pafîâge fréquent du chaud
au froid , font les caufes qui difpofènc
aux engelures-, les enfans & les jeunes
perfonnes y font plus fujets que les au-
tres , à caufe de la vifeofité dominante dans
EN G
îeurs'fluides , & de la débilité de leurs (6-
lides.
La pâleur des parties mentionnées , fui-
vie de chaleur y de démangeaifon , de
cuiflbn même , qui font très-incommodes ;
la rougeur & la tenfion qui accompagnent
cette affection , qui n'a lieu qu'en temps
froid, ne laiffe aucun doute fur la nature &
caufe du mal.
Les engelures n'expofent ordinairement
à aucun danger , cependant , fi on n'y
apporte promptement remède , elles de-
viennent difficiles à guérir ; elles exulcerent
fouvent les parties où elles ont leur fiege ;
elles peuvent même attirer la fuppuration ,
la gangrené & le fphacele , que l'on voit
fouvent , dans les pays du nord , furvenir
en très-peu de tempsj; & la corruption fait
des progrès fi rapides , qu'elles tombent
& fe détachent entièrement ; enforte que
les effets du froid fur le corps humain ,
dans ces cas , font prefque femblables à
ceux du feu actuel qui les détruit fubite-
ment. Les engelures de cette malignité font
très-rares dans ces climats : celles qui fe
voient ordinairement , qu'elles foient ulcé-
rées ou non ulcérées , difpofent les parties
à en être affectées tous les hivers; ou plutôt
les perfonnes qui en ont été attaquées par
une difpôfition des humeurs , y deviennent
fujettes pendant prefque foute leur vie ,
lorfque cette caufe prédifponente fubfifle
toujours.
Tous ceux qui font dans ce cas ne doi-
vent donc pas moins chercher à fe préfèr-
ver de cette incommodité , qu'à s'en guérir
lorfqu'elle a lieu : dans cette vue on" doit
s'expofer le moins qu'il eft. poflible au
froid , & s'en garantir, pour ce qui regarde
les pies , par de bons chauffons de lin ou
de laine humectés d'efprit de vin ; on
peut aufîi en porter de peaux de lièvre
ou autres femblables^ on peut encore ap-
pliquer fur les parties un emplâtre defenfif
tel que celui de diapalme , auquel on
joint le bol , l'huile rofat & le vinaigre;
Turner- dit s'en erre bien trouvé pour lui-»
même.
On doit obferver de ne pas fe préfenter
tout à coup à un grand feu , lorfqu'on
fé fent les extrémités affectées d'un grand
froid , parce.qu'on met trop, tôt en mou-
E N G 471
vement les humeurs condenfées , qui , ne
pouvant pas couler librement dans leurs
vaiffeaux , les engorgent davantage , cau-
fent des douleurs violentes , & accélè-
rent par-là l'inflammation & quelquefois
la mortification. Il eft convenable , dans
ce cas , de ne réchauffer les parties froides
que par degrés , de les laver pour cet
effet dans de l'eau tiède , pour relâcher les
folides , ouvrir les pores, détremper les
fluides,
On eft'dans l'ufage , parmi les habitans
des pays feptentrionaux , lorfqn'ils viennent
de s'expofer au froid, de ne pas entrer
dans les étuves qu'on ne fe foit frotté les
pies , les mains , le vifage & les oreilles
avec de la neige ; cette pratique , qui pafïê
pour un fur préfervatif contre les engelures,
fèmbleroit confirmer l'opinion des phyfi-
ciens , qui attribuent la gelée à quelque*
chofe de plus que l'abfence ou la diminu--
f.on des particules ignées; favoir ,à des cor--
pufcules aigus, qui pénètrent les fluides &
fixent le mouvement de raréfaction qui"
établit leur liquidité. La neige, employée
dans ce cas , ne femble pouvoir produire
d'autre effet que d'attirer au dehors ces
aiguillons frigorifiques. Voye\{\xx cela ce
qu'en dit le baron Wanfwieten , dans fon^
commentaire fur des aphorifmes de Boer-
haave, dans le chapitre de la gangrené : on^
trouve aufîi dans les œuvres de Guillaume*
Fabrice, prax. lib. v,part. /, de très-belles :
obfervationsà cefujet, qu'il feroit trop long
de rapporter ici-
Pour ce qui eft de la curation des en--
gelures, lorfqu'elles font formées, & que
la peau n'eft cependant ni ulcérée ni ou--
verte , la première attention qu'on doit
avoir eft d'employer les remèdes convena-
bles pour réfoudre ou donner iffue , par
les voies dej la tranfpiration à l'humeur
arrêtée : on fe fert pour cet effet d'une
fomentation appropriée, appliquée fur la?
partie affectée avec des morceaux de fla-
nelle. Quelques auteurs confèillent la fau--
mure de bœuf ou de cochon , ou l'eau:
faiée Amplement , le jus ou la décoction-
de navets, qu'ils regardent" prefque comme
un fpécifique contre le mal dont il s'agit.
La pulpe de rave, cuite fous la braife &
aPRU(iyée chaudement j produit le même
47* ENG
effet que le remède précédent : l'huile de
pétrole , dont on frotte la partie malade ,
peut fervir auffi de remède , tant pour pré-
ierver que pour guérir : l'encens formé en
liniment avec la graiffe de porc , efl auili
tort recommandé.
Lorfqueles engelures viennent à s'ouvrir,
s'ulcérer , on doit les panier avec l'onguent
pompholix ou l'onguent blanc de Rhalis :
mais , de quelque remède qu'on fe ferve
dans ce cas, il y a certaines engelures ( fur-
tout celles des enfans qui ne peuvent s'em-
pêcher de marcher* de courir,) qui ne
peuvent être guéries avant le retour de la
faifon où la chaleur commence à le faire
fentir.
Si la gangrené fuccede à l' exulcération ,
elle doit être traitée félon les règles pref-
crites dans les cas de gangrené en général.
Voyei Gangrené.
Si elle furvient fubitement après que
V engelure efl formée , & qu'elle foit conii-
dérable , le commentateur de Boerhaave
ci-defTus cité recommande très-fort de ne
pas fe preffer d'employer des remèdes fpiri-
rueux, qui rendroient le mal plus confî-
dérable en hâtant le fphacele : toujours fondé
fur l'expérience des peuples du Nord , il
confeille de frotter la partie gangrenée avec
de la neige , ou de la plonger dans l'eau
froide pour en tirer les corpufcules frigo-
rifiques , & d'employer enfuite les moyens
propres à rétablir la circulation des humeurs
& la chaleur dans la partie affectée , tels
que les frictions douces , les fomentations
avec le lait dans lequel on ait fait une dé-
coction de plantes aromatiques , & de faire
ufer enfuite au malade , tenu chaudement
dans le lit , de quelques légers fudorifi-
ques , tels que l'infufion du bois fafîàfras
prife en grande quantité , &c. Voye\ Sen-
nert , Turner fur les autres différens re-
mèdes qui peuvent convenir dans cette ma-
ladie, (d)
ENGEN , (GéogrSmod.) ville de Suabe,
en Allemagne; elle appartient au comte
de Furfkmberg : elle efl fituée fur un
ruiffeau.
ENGENCEMENT , f. m. en Peinture,
fe dit des draperies ou autres ajuftemens ,
ou d'un afïèmblage d'objets qui fe trou-
vent rarement réunis , & dont la compo-
E NG
fîtion efl à la fois finguliere & piquante.'
On dit : ces choies font belles , finguliére-
ment engence'es ; Yengencement des drape-
ries , des draperies bien engence'es , fingu-
liérement engence'es. (R)
ENGENDRER , v. ad. ( Phyfiq.) dé-
figne l'action de produire fon femblable
par voie de génération. V. GÉNÉRATION.
Ce terme s'applique auffi à d'autres pro-
ductions de la nature ; c'efl ainfi qu'on dit
que les météores font engendrés dans la
moyenne région de l'air. V. MÉTÉORES ,
&c. Voyez auffi CORRUPTION.
En Géométrie , on fe fert du mot en-
gendré , pour défigner une ligne produite
par le mouvement d'un point , une fur-
face produite par le mouvement d'une ligne,
un folide produit par le mouvement d'une
furface , ou bien encore pour défigner une
ligne courbe produite dans une furface
courbe par la fection d'un plan. Ainfi on dit
que les fections coniques font engendrées
dans le cône. Voye\ CONIQUES & GÉNÉ-
RATION.
On dit auffi qu'une courbe eft engen-
drée par le développement d'une autre.
Voy. Développée. On apropofé à cette
occafîon de trouver les courbes qui s engen-
drent elles-mêmes par leur développement.
Voici une folution bien limple de ce pro-
blême. i°. Soit que la courbe développée
s'engendre elle-même dans une fituation
directe ou dans une fituation renverfée-,
il efl évident que la développée de la dé-
veloppée fera précifément fituée delà même
manière que la développante. 2°. Le petit
côté de la développante fera parallèle au
petit côté qui lui correipond dans la déve-
loppée de la développée (que j'appelle/owj--
dévcloppée; ) une figure très-iimple peutai-
fémertt le faire voir. Donc , puifque la dé-
veloppante & la fous-développée font fem-
blables & égales ( hyp. ) , & qu'putre cela
leurs petits côtés correfpondans font paral-
lèles , il efl aifë d'en conclure que ces
petits côtés font égaux ; or , nommant d s
le petit côté de la développante ou. courbe
cherchée , & R le rayon de la développée y
il efl aifé de voir que le rayon ofculateur
de cette développée fera -f- jt j lavoir
— fi la courbe fe développe dans une
fituation
E N G
fituation renverfée , & + fi elle fe déve-
loppe dans une firuatîon directe. Donc,
puilque le petit côte de la fous-développée
eft égal à d s , & que ce petit côté eft égal à
la différence du rayon ofculateur , on aura a
{+RdJ) = ds,ik+RdR-==sds +
ad s , &c + R R=s s + ias^bh; c'eft
i équation générale des courbes qui s1 en-
gendrent elles-mêmes par leur développe-
ment. Voye^ le refie au mot OSCULA-
TEUR.
Si l'on vouloit que la courbe généra-
trice fut non pas égale , mais femblable à
la courbe engendrée , en ce cas la différence
4-
■ Rd R
devroit être en raifon cons-
tante avec ds. Cela fe prouve comme dans
le cas précédent. On aura donc ZL R R =
m**-{-cs+F. (O)
t ENGERAGARIA, (Geogr.) petite ville
d'Allemagne , dans le cercle de Weftpha-
lie , & dans le comté de Ravensberg , qui
appartient au roi de Pruffe. Elle eft fort
ancienne , & la tradition porte que Wit-
tikind le Grand y faifoir fa réfidence ordi-
naire. L'on prétend aufïï favoir que Mat-
thilde , douairière de Henri l'Oifeleur , en
aimoit le iejour. Ce qu'il y a de vrai , c'eft
que dans fon églife paroiiliale , fe voit un
monument élevé par l'empereur Charles IV,
l'an 1377 , à la mémoire de Wittikind ,
dont les 05 .d'ailleurs font dépofés dans
l'églife de S. Jean d'Herford , & que fai-
sant partie dans le XIIe. fiecledes dépouilles
de Henri le Lion , mis au ban de l'em-
pire , elle a palTé dès-lors en di ver [es mains
qui l'ont affez maltraitée , n'ayant plus au-
jourd'hui le château , les murs & les folles
qu'elle avoit autrefois. Elle eft cependant
encore le chef-lieu d'un affez grand bail-
liage. ( D.G.)
ENGERBER , v. ad. ( Agricult. ) il
ie dit du blé après avoir été moiffonné ;
c'eft mettre les javelles en gerbe : il fe dit
aufli des muids ou tonneaux vuides ; les
engerber , c'eft les mettre les uns fur les
autres , comme on voit les gerbes dans une
grange.
ENGHIEN ou ANGUIN , ( Géogr. )
ville du comté de Hainaut , dans les Pays-
Bas. Long, zi , .40 i latit. AO , 40.
Tome XII.
E N G 473
ENGIA , ( Géogr. mod. ) ville de Grèce ,
fituée dans une île de même nom. Cette
île a cinq lieues de long fur trois lieues de
large. Il y a le golfe d'Angia. Long. 41 y
44 ; lat. 57 , 45.
ENGIN , f. m. ( Méchaniq. ) machine
compofée , dans laquelle il en entre plufieurs
autres {impies , comme des roues , des vis,
des leviers , &c. combinés enfemble , &
qui fert A enlever , à lancer , ou à foutenir
un poids , ou à produire quelqu'autre effet
confidérable , en épargnant ou du temps
ou de la force. Voye\ MACHINE.
Il y a des engins d'une infinité de fortes :
les uns font propres à la guerre , comme
autrefois les balliftes , les catapultes , les
feorpions , les béliers , Ùc. Ces machines
étoient fort en ufage parmi les anciens , Se
elles avoient beaucoup de force ; on ne
s'en fert plus aujourd'hui depuis l'invention
de la poudre. D'autres lèrvent dans les arts ,
comme des moulins , des grues , des pre£-
foirs. Voye\ MOULIN , ROUE , PRES-
SOIR , Pompe , ùc.
Le mot d'engin n'eft plus guère en ufage ,'
du moins dans le fens qu'on vient de lui
donner , c'eft-à-dire , de machine com-
pofée ; celui de machine tout court a pris
fa place , & on ne fe fert guère du mot.engin
que pour défigner des machines fimples ?
comme le levier , encore s'en fert-on rare-
ment. ( O )
ENGIN , ( Arts méchaniq. ) il fe dit
en général de toute machine qui fert à enle-
ver , à porter , à traîner.
En Pêche y il fe dit de toutes fortes de
filets.
En ChaJJe , il fe dit de l'équipage nécef-
faire en filets & autres outils pour la prifè
de quelques oifeaux.
Dans les Mines , il fe dit de toutes les
machines employées à vuider les eaux , à
enlever les matières hors de la mine , &c.
Voye\ V article ARDOISE.
ENGIN , en Architecture , machine en
triangle , compofée d'un arbre foutenu de
fès arcs-boutans , & potence d'un faucon-
neau par le haut , laquelle par le moyen
d'un treuil à bras qui dévide un cable , en-
levé les fardeaux. Le gruau n'eft différent
de V engin , que par fa pièce de bois d'en
haut appellée gruau , qui eft pofée en ram-
Ooo
474 ENG
pant pouf avoir plus, de volée. Voici les
pièces de Y engin.
i°. La folle. 2°. La fourchette. 3°. Le
poinçon. 4°. La jambette. 5°. Les moifes.
6°. Le treuil ou tour. 7°. Les bras. 8°. Le
ranchet ou efcalier. 9°. Les ranches ou
chevilles. io°. La fellette. n°. Les liens
12°. Le fauconneau ou étourneau. 130. Les
poulies. 14.0; Le chable. 15°. Pièce de bois
à monter. 160. Le hallement. 170. Lever-
boquet. Voye\ les figures de la.Pl. du Char-
pentier. Voye\ Grue , &c.
ENGIN, e_n terme d'Aiguillier Ù de Clou-
tier d'épingle ; il fe dit d'une planche cou-
verte de clous d'épingles plus ou moins forts,
& plantés de diftance en diftance, entre les-
quels on tire le fil de fer pour le redreifer.
Voye\ Tirer.
ENGISOME, f.m. ( Chirurgie) efpece
de fradure du crâne , dans laquelle l'une.
des deux extrémités de l'os fracturé avance
intérieurement lur la dure-mere , & l'autre
extrémité s'élève extérieurement faifant le
pont-levis. Dans ce cas , fi l'on a pu avec
des pincettes convenables faire l'extra&ion
de la pièce d'os , on traite le trépan acci-
dentel comme s'il étoit artificiel , ayant foin
d'emporter avec le couteau lenticulaire toutes
les inégalités contre leiquelles la dure-mere
pourroit heurter dans les mouvemens que le
cerveau lui imprime : fi au contraire la
portion d'os engagée fous le crâne y & pref-
fànt la dure-mere, formoit une embarrure ,
il faudroit appliquer une couronne de tré-
pan , & même en multiplier l'application,
s'il étoit néceifaire , pour dégager cette pièce
d'os & en permettre F extraction. Voye\
Embarrure ù Trépan. {Y)
ENGLANTÉ ,.adj. enfermes deBlafon,
fe dit d'un écu chargé d'un chêne , dont
le gland eft d'un autre émail que l'arbre.
Mitîirinen en Bretagne , d'argent au chêne
de fynople englamé d'or , au canton dextre
de gueules . chargé de deux haches d'armes
adoflees d'argent.
ENGLECERIE , f. f. (; fftft. );terme fort
fignificatif chez les anciens Ànglois , quoi-
qu'à préfènt il ne foit guère en ufage : il
fignifioit proprement laqualité qu'un homme
«voit d'être Ànglois.
Autrefois quand un homme étoit tué ou
afTaffiné en fecret r on le lèputoit francigent
E N G
( ce qui comprenoit toutes fortes d'étrangers,.
& particulièrement les Danois ) ; cette im-
putation fubfiftoit jufqu'à ce que l'on eût
prouvé fon englecerie , c'eft- à-dire , jufqu'à.
ce que l'on eût démontré qu'il étoit naturel
Anglois.
Voici l'origine de cette coutume. Le roi
Canut ayant conquis l'Angleterre , renvoya,
à la requête des nobles , fon armée en Dane-
marck , & ne réferva qu'une garde de Danois
pour fa perfonne : il fit une loi qui portoit
que fi un Anglois tuoit un Danois , on lui
feroit fon procès comme à un meurtrier ; ou
s'il arrivoir que le meurtrier prît la fuite , le
village où le feroit commis le meurtre feroit
obligé de payer à l'échiquier 66 marcs. Sui-
vant cette loi , toutes les fois qu'il fe cora-
mettoit quelque meurtre, il falloit prouver
que l'homme afîàiïiné étoit Anglois , afin
que le village ne lût pas chargé de l'amende
des 66 marcs. Chambers. (G)
ENGONASIS ,. en Afironomie , eft le
nom qu'on donne à Hercule , l'une des-,
confteliations boréales.. Voyex HERCULE».
(O)
ENGORGEMENT , f. m. fe dit, en-
Médecine, des vaifTeaux du corps humain
remplis , dif rendus par des fluides trop abon-
dans ou trop épais pour pouvoir y couler
avec facilité. V engorgement a lieu dans toute
forte d'obitruclions. Voye-{ OBSTRUC-
TION., (d)
Engorgement , (Jardinage) fe dit-
quand il fe fait des obftrudions dans la-
nourriture d'un arbre par lurabondance:
d'humeurs; alors la fève s'engorge, elle
s'arrête , & eft interceptée dans fon cours , .
(oit par quelque vice qui lui eft particulier ,,
foit par trop de plénitude dans les conduits ;
ce qui arrive quand on ne coupe point par
derrière la ligature de la greffe. Cet acci-
dent caufe alors un engorgement , une obf—
trudion , & c'eft ce qu'on appelle ftrangula-
don ou étranglement, qui fait périr la greffe
en peu de temps. (K)
Engorgement ,(Hydr. ) fè dit d'une-
conduite où il eft entré affez d'ordures pour
la boucher. On y remédie en ôtant les tam-
pons , les robinets, & lâchant toute l'eau,
qui entraîne ces ordures. ( K )
ENGORGER , en termes et Artificiers 9.
c'eft. remplir de compofition le trouvuide.
E N G
ou l'ame qu'on a la fiée à l'orifice d'un jet , '
ou tel autre artifice. Dici. de Trévoux.
ENGOULE , adj. terme de B la/on , qui
fe dit des bandes , croix , fautoirs , & autres
pièces , dont les extrémités entrent dans la
gueule d'un lion , d'un léopard , d'un dra-
gon , &c. comme les armoiries de Gui-
chenon. Il y a auffi des mufles de lions qui
engoulent le calque , comme dans les an-
ciennes armoiries des ducs de Savoie.
Touar en Efpagne , d'azur à la bande
d'or enjoulée de deux têtes de lion de
même.
ENGOURDISSEMENT , fubff. m.
( Médecine ) ce terme eft employé pour
lignifier la diminution de la faculté d'exer-
cer le fentiment attaché à toute la iurface
du corps ; dans ce lens , Y engourdijjement
eff particulièrement une lélion du ta& ,
torpor.
Il peut être caufé par le froid , qui refferre
tellement la peau & les houppes nerveules ,
que le fluide qui coule dans les nerfs des
parties afFeclées , ne peut pas parvenir jufqu'à
leurs extrémités , en forte que le racl fem-
i>le fe faire avec Tinterpolition d'un corps
étranger. U 'engourdijjement de cette efpece
eft auffi quelquefois l'effet de la compreilïon
àes nerfs qui le diftribuent à un membre ,
comme dans le cas où on eff alîîs fur une
cuiffe dans une lituation gênée ; elle empê-
che le cours libre. du fluide dans ces nerfs ,
d'où doit réfulter nécessairement le défaut ,
ou au moins la diminution du fentiment &
même du mouvement de cette partie. C'eff
par cette raifon que l'inflammation des reins
caufe auffi quelquefois Y engourdijjement des
cuiiîes.
Si Y engourdijjement eff général , & que
l'exercice du fentiment & du mouvement
ne puifîe fe faire que très - imparfaitement ,
c'eft alors l'effet d'un vice dans le cerveau ,
qui diminue la diffribution du fluide ner-
veux ; c'eff fouvent un avant - coureur de
l'apoplexie dans les perfonnes qui n'étoient
pas malades auparavant. Hippocrate , vij.
coac.prceJ.Jec7. z. Voye\ APOPLEXIE. Ce
peut être auffi une paralylie imparfaite.
Voye\ Paralysie.
V engourdijjement & la furdité qui fur-
viennent dans les maladies aiguës , lbnt un
très-mauvais fjgne , félon l'auteur des pré-
E N G 475
fages des cos , à moins qu'ils ne foient caufés
par un dépôt critique de la matière mor-
bifique fur le principe des nerfs , & dans
ce cas -là même, c'eff un fymptome fâ-
cheux.
L'engourdifîement , torpor , peut auflî
être accompagné d'une forte de {èntiment
douloureux , comme on l'éprouve par l'at-
touchement d'un corps élaffique actuelle-
ment agité par de très-promptes & très-
nombreufès vibrations : l'effet que l'on attri-
bue à la torpille eff auffi de cette nature „
& provient vraifemblablement 'd'une caufe
approchante. Voye\ TORPILLE.
Engourdissement , fe dit auffi de
l'efprit , Jiupor , & dans ce fens il peut
prefque fignifier la même chofe que Yanaf-
taifie de Boerhaave , injiit. méd. Jymptoma-
tolog. §. 8 59 ; il en eff comme le premier
degré. C'elt une affection du Jenforium
commune , qui le rend moins propre à re-
cevoir les impreflions qui conffituent les
fenlations internes , ou à les tranfmettre à
l'ame les ayant reçues ; Y engourdijjement
de l'efprit eff auffi un fymptome très-funeffe
dans les maladies aiguës , félon Hippocrate
dans les coaques, 3j4--> d'autant plus qu'elles
deviennent mortelles , lans qu'on s'en ap-
perçoive pour ainfi dire , le malade paroif-
fant Amplement être dans un état tran-
quille. Voye\ Sensation, (d)
ENGRENER un cheval. ( Manège ,
Maréchall. ) C'eff ajouter à fa nourriture
ordinaire , des alimens coniiffant dans les
grains des végétaux qui lui font propres.
On ne fauroit être trop circonfpect eu égard
à la quantité de grains , quand il s'agit de
l'entretien des poulains , du rérablifTement
des chevaux qui ont été malades & qui en
ont été privés pendant quelque temps , &c.
Voye\ Nourriture, (e)
ENGRAIS , f. m. ( Econ. rufiique. ) On
comprend fous ce nom toutes les chofes
qui , répandues fur la terre , fervent à la.
féconder , comme font les fumiers , les
terres , &c.
Les engrais font en général la plus grande
refîburce qu'ait l'agriculture. Ils iuppléent ,
jufqu'à un certain point , aux défauts des
labours , & corrigent même l'intempérie
des faifons. C'eff un objet de dépenfe ;
mais ce qu'il en coûte eff pour le cultivateur
Ooo a
47^ E N G
un fonds placé au plus haut intérêt ; ufure
honnête que les loix & les mœurs dcvroient
encourager de concert.
Quelques écrivains qui ont traité de l'a-
griculture , ont paru vouloir alîoiblir la
néceffité des engrais. Ils difent que les plan-
tes fe nourrifTant des parties les plus déliées
de la terre , il fufïit de les atténuer pour
rendre celle-ci féconde. Ils ajoutent que le
fumier le fait par fermentation , mais qu'on
y parvient beaucoup plus fûrement par la
fréquence des labours ; que la charrue brife
mé-chaniquement les molécules à une plus
grande profondeur & beaucoup mieux.
Nous connoifTons dans toute fon étendue
l'utilité des labours ; & nous favons que la
divifion des molécules de la terre efl nécef-
faire à fa fécondité : mais cette divifion
qu'opèrent les labours, ne peut erre que
momentanée ; une pluie longue & violente
l'anéantit. Quelque bien labourée qu'ait été
une terre , fi l'on y feme du blé fans l'avoir
filmée , on la trouvera totalement affaiffée
à la fin de l'hiver , & ordinairement les
racines du blé feront à la fuperficie. Un
entrais , par fa fermentation continuelle ,
l'auroit défendue de raïFaiiîèment. Il eff diffi-
cile de fe perfùader qu'une divifion faite
méchaniquement puiffe fournir aux plantes
afléz de parties déliées pour leur nourriture.
Une production continuelle doit épuifer
ces parties , & les engrais en réparent l'é-
puifement : on doit attendre d'autant plus
iurement ce bien de ceux qu'an emploie
le plus , comme font les fumiers , qu'eux-
mêmes ne iont que les parties un peu alté-
rées des plantes , qu'ils aident à reproduire.
Ils contiennent des fels §c des huiles qui
fûrement , indépendamment de leur action ,
concourent , avec la terre proprement dite y
à la nourriture des plantes.
Parmi les engrais que l'expérience a mis
en ufage , il en eff dont l'effet dure un
grand nombre d'années. Nous ne connoif-
ibns en France que la marne qui foit de ce
genre. Les Anglois ont de plus leurs glajfes ,
dont l'efïèt eft excellent , & que peut-être
nous pourrions avoir comme eux.. Nous
oiôns même a.Turer, fans avoir fait là-
defTus d'expériences diredes , que le mé-
lange de certaines glaifes réufliroit dans nos
terres légères & chaudes, Tout mélange
E N G
de terres de différente nature a toujours eîî
des effets fi heureux , que le fuccès de celui*
là paroît démontré : il n'efl quefHon que
d'éprouver fi nous avons ici , comme en
Angleterre , des mines de glaife à portée
des terres auxquelles elles conviendroient.
L'éloignement rendroit la dépenfe excefllve»
Voyei Culture.
La marne eft une e(pece de terre blan-
châtre & crétacée , qui fe trouve quelque-
fois prefque à la fuperficie , mais plus (bu-
vent à une afîez grande protondeur. Elis
contient beaucoup de fels : de leur quantité
dépend en partie la durée de fon effet ;
mais elle dépend aufîî de la qualité de la
terre. Les laboureurs difent r de certaines
terres , qu'elles ufent leur marne plus
promptement que d'autres. La durée la
plus ordinaire eff entre dix- huit & vingt-
cinq ans ; il efl rare que cette impreflion.
de fécondité fe fafTe fèntir jufqu'à trente..
La marne convient à toutes les terres froi-
des , & elle eu fur-tout excellente dans les
terres ap,pellécs blanches, qui iont très-com-
munes. La chaleur & l'activité qu'elle leur-
communiqué les rend auflî propres à rap-
porter du Mé qu'aucune terre q^e ce foit.
Il n'efl pas poflible de déterminer d'une
manière pré-cile la quantité de marne dont
un arpent a befoin , puiique cela dépend r
& de là qualité, & de celle de la- terre :
cependant on peut l'évaluer *\- peu-près ù
quatre cents minots. mefure de Paris , pour-
un arpent à vingt pies pour perche ; c'efè
une quantité moyenne fur laquelle on peur
le régler , mais, en confultant toujours l'ex-
périence, pour chaque endroit. Les cl:.;:;
excès doivent être évités avec le plus grand
foin ; ne pas marner* aifez , c'efl s'expoier à;
recommencer bientôt une dépenfe confidé-
rable. Il y auroit encore plus de danger à
marner trop. L'effet de cet engrais eft
d'échauffer ; il brûleroit fi l'on paifoit cer~
taines bornes,.
Pendant les deux premières années après:
qu'une terre efl marnée , on doit y femer de
l'avoine ; les récoltes de ce grain équivalent
alors à des récoltes ordinaires de blé, foit
par leur abondance , foit par le peu de
frais qu'exige la- culture : d'ailleurs , le
blé n'y réufïiroit pas dans ces premiers,
momens du feu de la marne. La ferment
E N G
tation qu'elle excite le laifTeroit trop long-
temps verd ; il mûriroit tard , & par là
feroit expofé à la rouille , qui eff un des
plus grands maux que le blé ait à crain-
dre. L'avoine , au contraire , court moins
de rifque à proportion de ce qu'elle mûrit
plus tard. Après deux récoltes de ce dernier
grain , on peut en faire deux très-bonnes
de blé , fans qu'il foit befoin d'employer
d'autre engrais. Cependant quelques labou-
reurs , qu'on ne peut qu'approuver , crai-
gnant d'épuifer trop t&t leurs terres , y r -
pandent du fumier en petite quantité , & du
fumier le moins chaud , pour tempérer un
peu le feu de la marne : quatre ou cinq
années étant pafïées ,, on reprend le cours
de la culture ordinaire , & une terre mar-
née devient alors dans le cas de toutes
celles qui n'ont jamais eu befoin de l'être.
Le bon effet de la marne fe fait fentir ,
comme nous l'avons dit , pendant u»n temps
plus ou moins long ; mais un inconvénient
auquel il faut s'attendre , c'eff que la terre
devient plus flérile à la fin que fi on ne
l'avoit pas contrainte à cet effort de fécon-
dité : il eff peut-être dans la nature qu'une
fermentation extraordinaire foit fuivie d'un
repos proportionné. Quoi qu'il en foit , il
eff aifé de diffinguer une terre marnée trop
anciennement : Ion afpect eff triffe : la
pluie , qui femble ouvrir toutes les autres
terres , bat celle-ci & en rapproche toutes
les parties ; le foieii la durcit plus qu'il ne
l'échauffé ; les mauvaifes herbes , & iur-
tout le pavot fauvage , y dominent ; le
grain y jaunit. Il n'eil pas poffible de la
rnéconnoître à ces marques de fférilité. Le
remède le trouve dans la marne même ,
& alors elle devient absolument néceflaire :
cela fait dire à quelques laboureurs qu'elle
enrichit le père & ruine les enfans. On peut
dire aufli qu'elle paie d'avance avec ufure
ce qu'il en coûte pour la renouveller. Nous
devons ajouter ici qu'avec l'aide, des fu-
miers , on prolonge pendant plufieurs an-
nées l'effet de la marne ; mais il faut ne
pas les épargner, & lavoir s'exécuter fur
la dépenfe : cette prolongation eif même
utile à la terre ,, & la pratique en eff à con-
cilier. Enfin , lorlqu'on renouvelle la mar-
ne , ce ne doit pas être fans y apporter
«les. précautions : elle feroit pour une terre
E N G 477
ainfi épuiiec , ce que font certains remèdes
actifs pour un eftomac ufé ; ils ne le rani-
ment d'abord que pour le lai fier bientôt
plus languifïant. Il eff donc prefque nécef-
faire de donner du repos à la terre , avant
de la marner une féconde fois : mais , afin
que ce temps de repos ne foit pas perdu ,
on peut y femer de la luzerne , du fain-
foin , &ç. comme nous le dirons ci-defîbus
en parlant des terres fatiguées de rapporter
du grain.
De tous les engrais , les fumiers font
ceux dont fufage eff le plus généralement
reçu; mais tous ne font pas indifféremment
propres à toutes fortes de terres. Le fumier
de mouton , fur-tout celui qui eff ramaffë
dans le fond de la bergerie , doit être ré-
fervé pour les terres froides & médiocre-
ment fortes. Le fumier de cheval pour les
terres froides & fortes en même temps.
Le fumier de vache eff le meilleur engrais-
des terres chaudes & légères : ces différent
fumiers , mêlés & confommés enfemble ,
conviennent aux terres d'une qualité
moyenne entre celles-là , & ce font les
plus communes. Le plus chaud de tous les
fumiers eff celui que donnent les pigeons ;
mais il n'eff jamais poffible de s'en pro-
curer beaucoup : il ne convient non plus
qu'aux terres extrêmement froides. Loin
d'en couvrir la terre , comme on doit faire
des autres fumiers, on le feme légèrement
avec la main ; fa chaleur en rendroit la quan-
tité dangereufe.
Le parcage des moutons a ceh d'avan-
tageux , que Y engrais eff porté fur les
terres par ces animaux mêmes. Par cette
raifon , il eff à préférer à tous les autres,
pour tous les endroits éloignés de la ferme ,,
& où la dépenfe des charrois feroit gran-
de. Dans quelques provinces r les labou-
reurs intelligens empruntent les moutons,
de ceux qui ne le font pas. Ils achètent le
droit de les faire vivre pendant un certain
temps fur leurs terres , & l'abondance des.
récoltes eff toujours le fruit de cette loca-
tion.
Une terre fumée habituellement confèrve
plus long-temps le principe de fa fécondité
que celle qui ne l'efl qu'en panant ; mais.,,
en général , on ne peut guère évaluer qu'à
deux ou trois ans la durée des effets dj$
478 E N G
fumier. On fume ordinairement fur la |
jachère ; on en recueille le premier fruit j
par une abondante moiffon de blé : celle
d'avoine ou d'orge qui la fuit fe fent en-
core des bons effets de Y engrais. Après cela
on laiffe une année de repos à la terre ,
pour la façonner & la fumer de nouveau ,
avant de lui redemander une récolte de
blé. C'eft là le train commun de la cul-
ture pour la plus grande partie des terres ;
mais cette année que l'on voit perdue ,
peut être employée dans les terres grafîès
par elles-mêmes , ou dans celles qui ont
été bien engraiffées ; .on peut , on doit
même y femer des pois ou de la vefce ,
qui donnent un fourrage excellent : ces-
plantes extirpent l'herbe , rendent la terre
légère fans fépuifèr beaucoup , & la dif-
pofent , peut-être mieux que les labours ,
à recevoir la femence du blé. Les pois
ou la vefce étant recueillis , un feul la-
bour , avec un léger engrais y devient une
préparation {uffiiante. Une attention nécef-
faire dans ce cas-là , & toutes les fois que
l'on fume fur le dernier labour d'une jachè-
re , c'eft de n'employer que du fumier pref-
qu'entiérement confommé : s'il étoit trop
cru , il tiendroit d'abord foulevées les parties
de la terre ; elle s'affaifTeroit enfuite pendant
l'hiver , & laiiferoit à découvert les racines
du blé.
Si les fumiers ne font pour les terres
qu'un engrais paifager , on peut dire auffi
que c'eft celui dont les effets font les plus
heureux & les plus furs. Il n'arrive prefque
jamais que la récolte foit mauvailè dans
une terre fumée affidument & depuis long-
temps ; on ne s'apperçoit pas non plus
que la fermentation excitée par le fumier
étant preffée , les terres foient moins ferti-
les qu'auparavant , comme nous l'avons
remarqué de la marne. Celle-ci ne fait guère
que mettre en mouvement les parties de
Ja terre ; le fumier , outre fon action ,
augmente fes parties propres à nourrir ,
de toutes les tiennes. On ne peut donc
aflez chercher les moyens de procurer à
{es .terres une grande quantité de cet en-
grais. Outre Ion excellence , c'eft celui
qui fe trouve le plus aifément fous la main
4e tous les cultivateurs : les engrais dis-
pendieux , & dont l'effet eft durable,
E N G
comme eft la marne , & comme pour-
raient être les glaifes , devraient être réler-
vés aux foins des propriétaires. Les fumiers
doivent être l'objet & la reffource des
fermiers, parce qu'ils en retirent prompte-
ment le fruit. L'augmentation du bétail
entraîne celle du fumier , & les fumiers ,
à leur tour , procurent des récoltes qui
mettent à même de nourrir une plus
grande quantité de bétail. Les Anglois
nous ont donné fur ce point l'exemple le
plus encourageant: depuis que les pâturages
artificiels ont multiplié chez eux ks trou-
peaux & les engrais , leurs moilfons font
augmentées à un point dont on douteroit ,
fi l'on pouvoit fe réfuter aux témoins qui
en font foi. Nous le favons ; & les moyens
qui ont été employés font connus de tout
le monde ; mais l'ignorance eft moins à
craindre , dans ce genre , que la langueur.
Un foufÏÏe de vie répandu fur la pratique
pénible de ce qu'on lait , développerait des
connoiflances qui ne font étouffées que par
le peu d'intérêt qu'on trouve à les em-
ployer. Dans tous les arts , une routine
languiffante eft le partage du plus grand
nombre des praticiens : l'activité , l'induf-
trie en diftinguent quelques - uns ; & ce
font elles qui paroifîènt multiplier les
reftôurces entre leurs mains. Il en eft
ainfi dans l'agriculture : un laboureur at-
tentif trouvera des moyens d'engraifîèr
(es terres , qui , quoique rarement em-
ployés , n'en font pas moins connus de
tout le monde, & fon exemple ne réveil-
lera peut-être pas la ftupidité de fes voi-
fins.
La marne ne convient pas à toutes les
terres ; V engrais des fumiers eft nécessaire-
ment borné ; certaines terres n'acquer-
raient , avec beaucoup de dépenfe , qu'une
fécondité médiocre. Il fuppléera de diffé-
rentes manières au défaut des fumiers.
Nous avons dit que le mélange des terres
étoit excellent. La campagne en offre quel-
quefois des morceaux qui reftent inutiles
par la négligence des laboureurs. On cher-
che de l'or en fouillant dans le fein de la
terre : on y trouveroit des richelTes plus
réelles , en répandant fur fa fuperficie la
I plus grande partie des terres que l'on tire
> du fond. Toutes , excepté le fable pur >
E N G
«reviennent d'excellens engrais ; celles même
qui paroiffent fîériles , comme la craie ,
ont leur utilité. Sur les terres froides elle
fait prefque l'effet de la marne : des par-
ties de ruines , celles qui peuvent fe dif-
foudre feront le même effet fur les mêmes
terres , & les fertiliferont pendant quelques
années. Tout le monde fait que ces amas
d'ordures qui incommodent les villes peu-
vent enrichir les campagnes : il faut feule-
ment que ceux qui les emploient les laif-
fent fermenter en dépôt pendant quelques
temps , avant de les répandre fur les terres.
Il eff néceffaire aufli , dans l'ufàge de cet
engrais , de multiplier les labours. Il con-
tient les graines d'une infinité de plantes
qui couvriroient la terre fi on ne les arrê-
tait-pas. Outre les chofes qui font commu-
nes à tous les pays , il en eft quelques-unes
qui font particulières à chaque endroit.
Toutes les cendres , celle de tourbe , celle
de charbon de terre , celle de bruyère ,
font d'excellens engrais. Dans quelques
provinces , on brûle la terre même , ou du
moins le gazon qui la couvre ; & la prati-
que en a des effets très-heureux. Le marc
d'olives eff une reffource dans les pays où
elles croiffent. On peut dire, en général,
que les fecours ne manquent guère à l'ac-
tivité qui les cherche , & à l'induffrie qui
les fait valoir. Les plus mauvaifes terres ne
ieront pas toujours incultes pour l'homme
intelligent. Leur défrichement lui donnera ,
pendant plufieurs années , des récoltes affez
Bonnes, au moins en menus grains : fi elles
ont un peu de fond , il prolongera cette
fécondité par la culture ; fi elles en man-
quent , il attendra qu'un nouveau repos
leur ait donné de nouvelles forces. Il y a
des lieux où l'on ne fait rapporter les terres
que tous les deux ans ; mais cette oifiveté
périodique eff un grand mal , & ne peut
être envifagée comme une refîburce que
quand toutes les autres manquent. Nous
avons dit qu'il y en avoit une également
fûre & avantageufe pour les bonnes terres
^puifées ; favoir , le changement de plantes.
Nous fommes bien éloignés de vouloir dé-
cider ici fi les plantes fè nourrhTent indiffé-
remment de tous les fucs ; ou fi , avec
Beaucoup de principes communs , chaque
©lante n'en a. pas de particuliers qui ne
E N G 479
paffent jamais dans d'autres. Nous favons
feulement que les plantes qui vont cher-
cher leur nourriture à une grande profon-
deur, comme la luzerne , le fainfoin, le
trèfle , fervent de repos & d'engrais à la
terre fatiguée de rapporter du grain. Ces
plantes donnent beaucoup d'herbe , &;
d'une herbe excellente pour les beffiaux.
La luzerne demande une terre qui ait
beaucoup de fond , & elle y dure juf-
qu'à quinze ans. Le fainfoin exige moins
de profondeur , & ne va guère julqu'à
dix ans. Le trèfle ne dure tout au plus
que trois ans : auffi ne le feme-t-on
ordinairement qu'avec de la graine de
luzerne. Il donne de l'herbe pendant
que celle-ci croît en racines , & il meurt
lorfqu'elle devient en état de produire.
Le temps étant arrivé auquel ces plan-
tes commencent à languir , on défriche
la terre , & elle eff améliorée. Sa vigueur
eff telle qu'il faut prendre les mêmes pré-
cautions que pour une terre marnée , &
y faire deux ou trois récoltes d'avoine
confécutives , avant que d'y femer du:
blé.
Voilà tout ce qu'il eff elfentiel de la-
voir fur Y engrais des terres. Les prés mé-
ritent une attention particulière ; ils en ont
qui leur font fpécialement propres. Les
prés fur lefquels on peut détourner l'eau
des rivières , trouvent dans cette eau feule
un engrais plus fur & meilleur qu'aucun
autre. Il eff fur-tout excellent , fi cette eau-
eff un peu limoneufe. On la répand ordi-
nairement vers le 15 d'avril pour la pre-
mière fois, & dans les premiers jours de
mai pour la féconde. On ne fait alors qu'ar-
rofer les prés ; mais il n'eff pas inutile de
les noyer tout-à-fait pendant l'hiver , &c
d'y lailfer féjourner l'eau pendant quelques
jours. Cette précaution fait périr entière— -
ment les taupes , les mulots , & tous les
infectes qui- nuifent à la racine de l'herbe.
Il ne faut cependant jamais rifquer cette
inondation fans être fur de pouvoir retirer
l'eau dès qu'on le voudra. Loin de técon-,
der les prés ,- elle les détruiroit par un trop"
long fejour. Il eff fi peu difpendieux de
procurer cet engrais aux prés voifins des
rivières , que c'eff un foin rarement né-
gligé. - Arrofer les prés , . c eff les fertilifer
4So ENG
fûrement : retirer l'eau d'un grand nombre
de marais , ce feroit en faire Jurement des
prés fertiles ; mais cette opération exige
ordinairement beaucoup plus de dépenie
& d'induftrie que l'autre. Dans les lieux
où cela eft facile , on ne peut que con-
cilier aux particuliers de s'y prêter. Dans
ceux où l'objet feroit important & l'opéra-
tion trop difpendieufe, un a/antage auffi
fur mériteroit peut-être l'attention & le
concours du gouvernement. Nous avons
fait fentir l'influence que les pâturages ont
fer toute l'agriculture , par la multiplication
des troupeaux & des engrais. Souvent une
feule chauffée pourrait faire d'un marais
inutile & mal-fain , une prairie féconde
& un étang bien empoifibnné.
Les prés ont cet avantage fur les terres ,
que r engrais eft la feule culture qu'ils de-
mandent. Dans tous les lieux voifins des
grandes villes , où la confommation des.
fourrages eft fûre , on les regarde comme
précieux ; mais ils le font auflï dans les
endroits les plus reculés , par toutes les
reflburces que fournit le bétail qu'ils nour-
rifTent.
Les terres de toute efpece , excepté le
fable pur , font un très-bon engrais pour
les prés. Nous n'entendons parler ici que
des terres proprement dites ; il n'eft pas
d'ufage d'y répandre de la marne ni de la
craie. Nous croyons cependant que dans
les prés extrêmement froids , ces deux en-
grais mis en petite quantité pourraient
réuffir ; mais nous n'avons pas d'expérien-
ces là-deflus. Le parcage àes moutons eft
excellent dans les prés un peu froids, &
le fumier de vache dans ceux qu'on appelle
haut-prés. Le parcage qui , comme nous
l'avons dit , eft très-utile aux terres , nous
paraît avoir encore du côté de l'abondance
un meilleur effet pour les prés. Nous difons
du côté de l'abondance , parce que tous les
fumiers , & fur-tout celui des moutons ,
donnent la première année , au fourrage ,
une odeur & un goût qui rebute le bétail
au premier abord ; mais il s'y accoutume
peu à peu. L'abondance doit d'ailleurs être
le premier , & peut-être le feul objet des
cultivateurs. En voilà affez pour que l'on
foit inftruit de l'importance dont les engrais
font dans l'agriculture , 6c de la manière
ENG
dont ils doivent être employés. Les jardins
de fleurs , les potagers , les ferres où l'on
force un grand nombre de plantes à croître
(bus un ciel étranger , ont auffi des prépa-
rations Ôl engrais qui leur font propres ;
mais nous n'entrerons point ici dans les
détails de cette culture particulière. Cet ar-
ticle eft de M. lelloy, lieutenant des chajfes
de Ver failles.
ENGRAISSER un cheval. ( Manège ,
Maréchall. ) Voye\ NOURRITURE.
§, ENGRELE , ÉE , ( terme de Blafon. )
fe dit du chei" , du pal , de la bande , de la
croix y du fautoir, &c. bordés de petites
dents à intervalles creux & arrondis.
Ce terme vient du Latin gracilis , délié ,
mince , délicat , les pointes étant très-
petites en comparaifon de celles du den-
ché.
De Montjouvent , en Brefle ; de gueules
au fautoir engrêlé d'argent.
De la Queilie, en Anjou ; de fable à la
croix engrêlée d'or.
Ramade de Tranfet , en Auvergne ; de
jinople à lafafee engrêlée d'or. {G. D. L, T.)
ENGRELURE , C f. ( Blafon. ) petit
liftel de filet engrêlé qui fe poie au long d»
bord fupérieur de l'écu.
De Saint-Chamans du Pécher , en Li-
mofin ; de Jinople à trois fafees d'argent ;
en chef une engrêhtre de même.
Henri de Saint-Chamans , gouverneur de
Therouene , de Verdun & de Mariem-
bourg , lieutenant de roi en Limofin , a
porté le premier , au haut de l'écu de {es
armes cette engrelure , qu'il demanda à
Henri II , pour marque d'honneur , après
avoir défendu vaillamment cette place en
i$$3 , contre une armée formidable qui
fut obligée de fe retirer.
Ses defeendans ont depuis porté cette
engrelure , comme un trophée de la valeur
martiale de leur ancêtre. ( G. D. L. T. )
* Engrelure , f. f. ( Dentelle. ) C'efl
ainfi qu'on appelle le pie de la dentelle.
\] engrelure fe lait en même temps que la
dentelle. Voye\ Part. DENTELLE.
On donne le même nom à une efpece
d'ouvrage qui fe fait comme la dentelle
au fufeau , avec le fil de Malines & fur le
couffin , qui a depuis la largeur la plus pe-
tite juiqu'à la plus grande de la dentelle.
Oa
E N G
On fè fèrt à-, cette dernière engrelure ,
ibit pour redonner un pié à la dentelie
lorfqu elle pallè par cet endroit , f>ii pour
lui fervir de monture , foit pour uair deux
dentelles , &c.
ENGRENAGE , f. m. ( Horlogerie. ) M
générai , lignifie en méchanijuc la manière
dont les dents d'une roue entrent dans les
ailes d'un pignon , & dont elles agiftent fur
ces ailes pour le faire tourner. Voy. Dent ,
Roue , Pignon , Aile , &c
C'eft une chofe d'une grande importance
<lans les machines , que la perfection des
engrenages. Car s'ils ne font pas faits avec
précifion , il en réfulte de grands frotte-
mens , beaucoup d'ufure , &; quelquefois
même des arrêts. Comme ceci eft traité
plus au long à Y article Dent , nous y ren-
voyons.
Deux grands défauts qu'on doit éviter
dans un engrenage , c'eft qu'il foit trop fort
ou trop foible. Dans le premier cas, les
dents de la roue font fujettes à quoter ,
c'eft-à-dire , que les deux pointes de deux
dents voifines vont toucher les deux faces
oppofées des deux ailes du pignon \ de forte
que ni la roue , ni le pignon ne peuvent
fe mouvoir. Dans le fécond , les extrémités
des ailes du pignon font fujettes à toucher
& à arc-bouter lorfqu'elles fe préfeutent à
la dent qui les doit pouffer ; d'où il réfulte
très-fouvent des arrêts : il eft à propos
même de remarquer que c'eft le défaut le
plus ordinaire des engrenages. Ces deux
défauts ont encore un autre inconvénient j
c'eft qu'il eft impofïible que la roue mené
le pignon uniformément , avantage très-
important dans un engrenage ; car fans cela ,
dans une montre par exemple , les roues
agiifant fur les pignons , tantôt plus , tan-
tôt moins avantageufement , on eft forcé
d'employer une puiffance capable de vain-
cre les réftftances des frottemens , &c. dans
les cas les plus désavantageux de l'action
des roues fur les pignons , & par confé-
quent fupérieure , & quelquefois de beau-
coup , à celle que l'on auroit employée fi
cette action s'étoit faite uniformément.
Voye[ Chute , Engrener.
Les engrenages font fiijets à varier, &
fur-tout à devenir plus foibles , par l'ufure
des trous dans lefquels roulent les pivots
Tome XII.
E N G 481
des roues & des pignons j mais c'eft à quoi
m doit tâcher de remédier par la dilpofi-
don relpetHve de ces roues. Voye[ Ca-
libre. ( T )
* ENGRENAGE , {machine à Horloger.)
C'eft une machine à l'aide de laquelle ,
uns roue à dents étant donnée de pofi-
tion , 011 trouve tous les points fur lefquels
le centre d'une autre roue étant placé ,
elles feront l'une avec l'autre un engrenage
déterminé. Voyez-en la defeription à la tête
de la planche.
ENGRENER la pompe, ( Marine.) c'eft
faire monter dans la pompe l'eau qui refte
au fond du vahTeau , pour faire fortir de-
hors ce qui peut être refté. (Z)
Engrener , voye[ Eng rainer.
ENGRENER , v. neut. ( Horlogerie. ) fe
dit en méchanique , de la manière dont les
dents d'une roue entrent dans les ailes d'un
pignon , & de celles dont elles agiffent fur
ces ailes pour le faire tourner. V. Roue ,
Dent, Pignon , Aile, Encrenage,
Machine a engrenage , &c.
On dit qu'une roue engrené trop lorfque
la quantité dont {es dents entrent dans les
ailes de fbn pignon eft trop grande } 6c au
contraire qu'elle n engrené pas affez lorfque
cette quantité eft trop petite. Voye[ En-
grenage , Dent , &c. ( T )
ENGROSSIR, verbe aét. en terme de
Boyaudier. C'eft l'action d'aflèmbler les
cordes à boyau en paquets de douze douzai-
nes chacun.
ENGUAMBA , f. m. {Hijl. nat. botan.)
arbre qui croît dans l'Amérique feptentrio-
nale , dans la province de Mechoacan ,
dans un terrain pierreux : (es feuilles font
longues & découpées :, les fleurs en font
verdâtres & attachées les unes aux autres
en bouquets } le fruit eft noir & plein de
graines dont on tire une huile d'une cou-
leur jaune très-propre à la guérifon des
plaies. Hubner , diclionn. univerfel.
ENGUICHÉ , adje£t. terme de Blafon.
Il fe dit du col & des trompes dont l'em-
bouchure eft d'un émail différent.
Bafe en Danemarck, d'azur à la fafee
d'argent , chargée d'un cor de chaife de
tynople , lié , virole & enguiché d'or.
ENGUICHURE , f. f. ( Vénerie. ) c'eft
l'entrée de la trompe.
PPP
4Si E N H
ENGYSCOPE , f. in. ( optique. ) ma-
chine qui eft plus connue fous le nom de
microfcope. Ce mot vient des mots Grecs
a-Ki^To/jcctt , je vois , & îyyùt , proche ,
parce que Yengyfcope ou micro fcope fert à
faire diftinguer des objets fort petits qu'on
ne verroit pas à la vue fimple , & qu'on
approche de l'œil en mettant Yengyfcope
ou la loupe entre deux/
Il fembîe que le télefcope ou lunette
d'approche qui fert à rapprocher les objets ,
incriteroit encore mieux le nom iï en gy fcope
que le microfcope. Au refte ce mot n'eft
prèfque plus en ufige. Voyc^ Loupe ,
Microscope , Télescope. (0)
ENHARMONIE , figmfîe tutti , ou
tous , comme en mélodie , folo , ou feul.
ENHARMONIQUE , adj. pris fubft.
( Mufique. ) un des trois genres de la mu-
lique des Grecs , appelle aufîi très-fréquem-
ment harmonie par Ariftoxene & fes feâa-
teurs.
Il réfultoit d'une divifion particulière des
tétracordes , félon laquelle l'intervalle qui
fe trou voit entre le lichanos ou la troiiieme
corde , & la mefe ou la quatrième , étant
d'un diton ou d'une tierce majeure , il ne
reftoit pour achever le tétracorde qu'un
femi-ton à partager en deux intervalles j
fàvoir, de l'hypate à la parypate, & de la
parypate au lichanos. Nous expliquerons
au mot Genre , la manière dont fe faifoit
cette divifion.
Le genre enharmonique étoit le plus doux
des trois au rapport d'Ariftide Quintilien j
il paffoit pour très-ancien , & la plupart
<\es auteurs en attribuent l'invention à
Olympe. Mais Ton tétracorde , ou plutôt
ion diateffaron de ce genre , étoit compofé
feulement de trois cordes \ & ce ne fut
qu'après lui qu'on s'avifa d'en inférer une
quatrième entre les deux premières , pour
faire la divifion dont je viens de parler.
Ce genre fi merveilleux , fi loué des
anciens auteurs , ne demeura pas long-
temps en vigueur. Son extrême difficulté
le# fit bientôt abandonner des mufîciens ,
&: Plutarque témoigne que de fou temps
il étoit entièrement hors d'ufage.
Nous avons aujourd'hui une efpece de
genre enharmonique entièrement différent
de celui des Grecs. II coufifte comme les
E N H
deux autres , dans une progreflîon parti-
culiere- de l'harmonie qui engendre dans
les parties des intervalles enharmoniques en
employant à la fois , entre deux notes qui
font à un ton l'une de l'autre , le diefe de
l'inférieure & le bémol de la fupérieure.
Mais quoique félon la rigueur des rapports ,
ce diefè & ce bémol duffent former un in-
tervalle entre eux , cet intervalle fe trouve
nul, au moyen du tempérament , qui , dans
Je fyftême établi , fait fervir le même fon
à ces deux ufages : ce qui n'empêche pas
qu'un tel paffage ne produife , par la force
de la modulation & de l'harmonie , une
partie de l'effet qu'on cherche dans les
tranfitions enharmoniques.
Comme ce genre eft affez peu connu ,
& que nos auteurs fe font contentés d'en
donner quelques notions trop générales ,
nous croyons devoir l'expliquer ici un peu
plus clairement.
Il faut d'abord remarquer que l'accord
de feptieme diminuée , eft le feul fur le-
quel on puiffe pratiquer des partages en-
harmoniques , & cela , en vertu de cefte
propriété fînguliere qu'il a de divifer jufte
l'ocfave entière en quatre intervalles égaux.
Qu'on prenne dans les quatre fons qui
compofent cet accord ? celui qu'on voudra
pour fondamental , on trouvera toujours
également que les trois autres fons forment
fur celui-ci un accord de feptieme dimi-
nuée. Or , le fon fondamental de l'accord
de feptieme diminuée eft toujours une note
fenfible , de forte que fans rien changer à
cet accord , on pourroit le faire fervir fuc-
ceiTîvement fur quatre différentes fonda-
mentales, c'eft «à-dire , fur quatre différen-
tes notes fèiifiblcs.
Suppofbns l'accord fur ut diefe , dans le
ton naturel de ré : car cet accord ne peut
avoir lieu que dans le mode mineur :, fup-
pofons , dis-je , l'accord de feptieme dimi-
nuée fur ut diefe, note fenfible : fi je prends
la tierce mi pour fondamentale ? elle de-
viendra note fenfible à fon tour , & annon-
cera par conféquent le mode mineur de fa :
or , cet ut diefè refte bien dans l'accord
pris de cette manière ? mais c'eft en qua-
lité de ré bémol , c'eft-à-dire , de fîxieme
note du ton-, & de feptieme diminuée
de la note fenfible j ainfi cet ut diefe qui *
ËNH
Comme note fenfible , étoit obligé de mon-
ter dans le ton de ré , devenu ré bémol
dans le ton de fa , efl obligé de ciefcendre
comme fèptieme diminuée : voilà une tran-
fition enharmonique. Si au lieu de la tierce ,
ou prend la faufîe quinte /o/, dans le même
accord , pour nouvelle note fenfible , Y ut
diefe déviendra encore ré bémol en qualité
de quatrième note : autre paffage enharmo-
nique. Enfin , fi l'on prend pour note fenfi-
ble la feptieme diminuée elle-même au lieu
de fi bémol , il faudra néceffairement la
confidérer comme la diefe j ce qui fait un
troifîeme paffage enharmonique fur le même
accord.
A la faveur donc de ces deux différentes
manières d'envifager fucceffivemenfle même
"accord , on paffe d'un ton à un autre qui en
paroît fort éloigné , on donne aux par-
ties des progrès différens de celui qu'elles
auroieut dû avoir en premier lieu j & ces
paffages ménagés à propos font capables ,
non feulement de furprendre , mais de ra-
vir l'auditeur quand ils font bien rendus :
le mal eft qu'il faut changer fi brufquement
d'idées fur les mêmes notes , & les appli-
quer à des modulations fi différentes , à
des rapports fi éloignés , que ce genre paroît
abfolument impraticable pour les voix telles
qu'elles font drefîées par la mufique d'au-
jourd'hui. ,G*eft du moins de quoi l'on a
vu , il y a plufieurs années , un exemple
mémorable à l'opéra de Paris. (S)
Quart de ton enharmonique. On appelle
aiufi la différence du femi- ton majeur \\ au
fèmi-ton mineur || ^ ou pour parler plus
exactement, quoique d'une manière diffé-
rente des mufîciens ordinaires , c'eft le
rapport de \\ à \\ , c'eft- à- dire , de 125
à 128. Voici comment on forme ce quart
de ton. Soit la baffe fondamentale par tier-
ces majeures , ut , mi , fol M, ïk au deffus
d'elle ce chant ut , mi , fi u ? on trou-
vera que le fi diffère de 'Xut d'un quart
de ton enharmonique. Voye[ mes élémens de
mufique , p. 87.
M. Rameau obfèrve , i°. que le genre
diatonique , qui eft le plus fîmple & le plus
facile de tous , vient* de la progrefîion de
la baffe fondamentale par quintes :, pro-
grefîion qui eft en effet la plis fimple &
la plus immédiatement indiquée par la na-
E N H A%5
ture. Voyei Echelle , Diatonique &
Gamme.
2°. Que le genre chromatique ou le fèmi-
ton mineur qui eft le plus fimple après le
précédent , vient de la progreiîion de la
baffe fondamentale par tierces majeures }
progrefîion aufîi indiquée par la nature ,
mais moins naturelle néanmoins que lapro-
grefTion par quintes. Voye[ HARMONIE.
En effet , fi on forme cette baffe fonda-
mentale ut mi , on pourra mettre au deffus
ce chant fol fol % , qu'on trouvera former
un femi-ton mineur. 30. Enfin , le genre en-
harmonique le moins naturel des trois a
fbn origine dans une baffe ut mi fol |t , dont
les âdax extrêmes ut , fol ag, qui donnent
le quart de ton enharmonique , forment une
progrefîion non naturelle. (0)
Diatonique enharmonique. On appelle
ainfi un chant qui procède par une fiiite
de fèmi-tons tous majeurs , qui fe fucce-
dent immédiatement :, ce chant eft diato-
nique parce que chaque femi-ton y eft
majeur ( voye\ Diatonique & Chro-
matique ) \ & il eft enharmonique , parce
que deux femi-tons majeurs de fuite for-
ment un ton trop fort d'un quart de ton
enharmonique. Pour former cette efpece de
chant , il faut faire une baffe fondamentale
qui monte alternativement de quinte & de
tierce, comme fa ut mi fi , & cette baffe
donnera le chant fa mi mi ré yfc , où tous
les femi-tons font majeurs. Une partie du
trio des parques de Topera d'Hyppolite eft
dans ce genre} mais il n'a jamais pu être
exécuté à l'opéra \ il l'avoit été ailleurs par
des muficiens très-habiles & de bonne vo-
lonté , & M. Rameau affure que l'effet en
eft fiirprenant. (0)
Chromatique enharmonique. On appelle
ainfi un chant qui procède par une fuite de
femi-tons mineurs , qui fe fuccedent im-
médiatement. Ce chaut eft chromatique,
parce que chaque femi-ton y eft mineur
{roye{ CHROMATIQUE) } il eft enharmo-
nique, parce que les deaxfemi-tcns mineurs
confëcutifs forment un ton trop foible d'un
quart de ton enharmonique. Pour former
cette efpece de chant , il faut avoir une
baffe fondamentale compofëe de tierces
nineufes & majeures en cette forte , ut
ut la ut )$( ut , & mettre, au deifus ce
Ppp 2
4S4 E N H
chant mi b mi mi mi mi U j o° trouvera
par le calcul que mi b y mi , mi , mi , mi %■
forment des femi-tons mineurs. M. Rameau
nous apprend qu'il avoit fait dans ce genre
de mufique un tremblement de terre au
fécond acle des Indes galantes en 173 5, mais
qu'il fut fi mal fervi qu'il fut obligé de le
changer en une mufique commune. Voyei
mes é lé mens de Mufique , p. 91 , 92 , 93 ,
& 116. (0)
ENHARNACHER , HARNACHER ,
( Manège , Maréchal!. ) mettre les harnois
fur le corps d'un cheval ; exprefîions fyno-
» nymes. VoyefflL ARNACHER. {e)
ENHENDÉ , adj. terme de Blafon. On
appelle croix enhendée celle dont le pié eft
enhendé , c'eft- à-dire , refendu , du mot
Efpagnol enhendido , qui fignifie la même
chofe. Ces croix à refente font communes
en Allemagne.
ENHUCHE. (Marine.) Voyn Hu-
che.
ENHYDRUS, f. m. {Hijl. natur. Mi-
néralogie. ) Ce mot eft compofé de iv
in , & de vS'm , aqua : quelques natur.alift.es
désignent par ce mot une œtite ou pierre
d'aigle qui contient de l'eau.. \Jenhydrus
eft donc une pierre qui refîemble parfaite-
ment aux autres pierres d'aigle qui font
ferrugineufès : elle eft de différentes gran-
deurs & varie pour la figure , eft compofée
de plufieurs couches ou enveloppes appli-
quées les unes fur les autres \ les couches
extérieures font d'un jaune d'ocre } la
couche qui tapiffe l'intérieur eft prefque
toujours noirâtre , & plus compacte que
les couches extérieures. Lorfqu'on cafTe
cette pierre , on trouve qu'elle a une cavité
comme les autres aetites j avec cette diffé-
rence , qu'il en fort une liqueur qui eft or-
dinairement épahTe , & quelquefois blan-
châtre comme de la crème , dont elle a à-
peu-près la confiftance : mais ce cas eft
rare } elle eft plus communément d'un blanc
bleuâtre ou limpide, lorfqu'elle n'a point
été falie par la matière ocracée dont la
pierre eft compofée ; cette liqueur eft fou-
vent entièrement infipide , cependant elle
a quelquefois un goût ferrugineux & aftrin-
gent , & même nauféeux. Il y a de ces
pierres en Angleterre & ailleurs. ( — )
ENIF , ( AJlron. ) étoile de la troificme
E N I
grandeur , fituée à la bouche de Pégaze , que
l'on appelle auffi Enf & Afpheras. Elle eft
défignée par la lettre s dans nos catalogues ;
fon afcenfion droite , en 1750 , étoit 3i2d
58' 17" , 8c fa déclinaifon 8*44' 31" bo-
réal. ( M. de za Lande. )
ENJABLER, v. a&. terme de Tonnelier.
C'eft enfoncer les futailles ou y mettre des
fonds , en arrêtant les douves d'enfonçures
dans la rainure qui règne tout autour du
jable en dedans. Foy^JABLE.
ENJALER une ancre , ( Marine. ) c'eft
attacher à l'ancre deux pièces de bois qu'on
appelle jas , & les empâter enfèmble vers
l'organeau. Le jas fêr.t à contrebalancer dans
l'eau la patte de l'ancre pour la faire tom-
ber fur fon bon côté : quelques matelots
difèut enjauler une ancre. Voye\ Jas. (Z)
ENJAMBEMENT , f. m. ( Poéfie. )'
conftru&ion vicieufè , principalement dans
les vers alexandrins. On dit qu'un vers en-
jambe fur un autre , lorfque la penfée du
poète n'eft point achevée dans le même
vers, & ne finit qu'au commencement ou.
au milieu du vers fûivant. Ainfi ce défaut
exifte toutes les fois qu'on ne peut point
s'arrêter naturellement à la fin du vers alexan-
drin pour en faire fèntir la rime & la penfée ,
mais qu'on eft obligé de lire de fuite &
promptement l'autre vers , à caufe du fens
qui eft demeuré fùfpendu. Les exemples
n'en font pas rares : en voici un feul.
Craignons qu'un Dieu vengeur ne lance
fur nos têtes
La foudre inévitable.
Il y a ici un enjambement , parce que le
fens ne permet pas qu'on fe repofe à la fin
du premier vers.
Ce n'eft pas affez d'éviter ï enjambement
d'un vers à l'autre , il faut de plus éviter
$ enjamber du premier hémiftiche au fécond ;
c'eft-à-dire , que fi l'on porte un fens au
delà de la moitié du vers , il ne faut pas
l'interrompre avant la fin , parce qu'alors
le vers paroît avoir deux repos & deux cé-
fures } ce qui eft très-défagréable. Il eft
encore bien moinspermis ^enjamber, d'une
ftance. à l'autre. Voye% les auteurs fur la
verfification Françoife.
Mais fi X enjambement eft défendu dans les
E N I
vers alexandrins , comme nous venons de \
le dire , il cft autorifé dans les vers de dix
fyllabes , & il y produit même quelquefois
un agrément , parce que cette efpece de vers
faite pour la poéfie familière foufFre quel-
ques licences, & ne veut pas être alfujettie à
une trop grande gêne.
Les poètes du fiecle paffé ne s'embarraf-
fbient guère de laifler enjamber leurs vers les
uns fur les autres j c'eft à Malherbe le pre-
mier à qui l'on doit la correction de ce dé-
faut de la verfificntion. Parcefage écrivain ,
par ce guide fidèle , dit Defpréaux ,
Les fiances avec grâce apprirent a tomber,
Et le vers fur le vers nofia plus enjamber.
Article de M. le chevalier DE Javcourt.
ENIGME , f. m. & plus fouvent f. (Littér.
Poéfie.) c'étoit chez les anciens une fentence
myftérieufè , une proposition qu'on donnoit
à deviner , mais qu'on cachoit fous des
termes obfcurs , & le plus fouvent contra-
dictoires en apparence. \J énigme, parmi les
modernes , eft un petit ouvrage ordinaire-
ment en vers , où fans nommer une chofe ,
on la décrit par fês caufes , {es effets & Ces
propriétés , mais fous des termes & des idées
équivoques pour exciter l'elprit à la décou-
vrir.
Souvent V énigme eft une fuite de com-
paraifons qui cara&ériiènt une chofe , par
des noms tirés de plufieurs fujets différens
entr'eux qui -refîemblent à celui de Y énigme
chacun à fa manière , &c par des rapports
particuliers. Quelquefois pour la rendre plus
difficile à deviner , on Tembarraflè , en mê-
lant le ftyle (impie au ftyle figuré , en em-
pruntant des métaphores , ou en perfonni-
fiant exprès le fujet de V énigme afin de don-
ner le change.
En général , pour conftituer la bonté de
nos énigmes modernes , il faut que les traits
employés ne puiflènt s'appliquer tous enfêm-
ble qu'à une feule chofe , quoique féparé-
ment ils conviennent à plufieurs.
Je ne m'arrêterai pas à rapporter les au-
tres règles qu'on preferit dans ce jeu litté-
raire, parce que mon defTein eft bien moins
d'engager les gens de lettres à y donner
leurs veilles , qu'à les détourner de fem-
E N I 4$s
blables puérilités. Qu'on ne dife point , en
faveur des énigmes , que leur invention eft
des plus anciennes , & que les rois d'Orient
fe font fait très-long-temps un honneur d'en
compofer & d'en réfoudre ; je répondrois
que cette ancienneté même n'eft ni à la
gloire des énigmes , ni à celle des rois orien-
taux.
Dans la première origine des langues
les hommes furent obligés de joindre le
langage d'action à celui des fons articulés ,
& de ne parler qu'avec des images fenfi-
bles. Les connohTances , aujourd'hui les
plus communes , étoient fl fubtiles pour
eux , qu'elles ne pouvoient fe trouver à
leur portée qu'autant qu'elles fè rappro-
choient des fens: Enfiiite , quand on étudia
les propriétés des êtres pour en tirer des
allufions , on vit paroître les paraboles
& les énigmes , qui devinrent d'autant plus
à la mode , que les fages eu ceux qui le
donnoient pour tels , crurent devoir cacher
au vulgaire une partie de leurs connokTan-
ces. Par-là , le langage imaginé pour la
clarté fut changé en myftei es : le ftyle dans
lequel ces prétendus fages renfermoieat
leurs inftru&ions , étoit obfcur & énigma-
tique } peut-être par la difficulté de s'expri-
mer clairement , peut-être aufîî à deifein
de rendre les connoiflances d'autant plus
eftimables qu'elles feroient moins commu-
nes.
On vit donc les rois d'Orient mettre
leur gloire dans les propofitions obficures ,
& fè faire un mérite de compofer & de
réfoudre des énigmes. Leur fageffe confiftoit
en grande partie dans ce genre d'étude.
Un homme intelligent , dit Salomon, par-
viendra à comprendre un proverbe , à pé-
nétrer les paroles des fages & leurs fientences
obficures. C'étoit - chez eux l'ufage pour
éprouver leur fagacité , de fè préfenter ou
de s'envoyer les uns aux autres des énigmes,
& d'y attacher des peines & des récom-
penfès.
Ent^e plufieurs exemples que je pourrais
alléguer , je n'en rapporterai qu'un fèul tiré
de l'écriture fainte , tk je me fèrvirai de la
traduction des théologiens de Louvain r
quoiqu'en vieux langage , parce que je «'ai
préfèntemeut que cette traduction fous les
yeux. Voici les propres paroles du texte
kf* E N I
{'acte , c/iap. xjv du livre des juges , verf. 1 2
6» fuivans.
Samfôn dit : /e vtfz/s proposerai quelques
propofitions : que fi vous me baille[la folu-
tiôn dedans les fept jours dé convive , je vous
donnerai trente fines chemifes 6> autant de
robes.
Verf. 13. Mais fi vous ne pouve^me bailler
la folutiôn , Vous rué donnerez trente fines
chemifes & autant de robes. Le f quels lui ré-
pondirent i Propofie ta propofition , afin que
? ayons.
Verf 14. Et il leur dit : De celui qui man-
geoit efiforti la viande , & du fort ejl venu la
douceur. Et ne purent par trois jours donner
la folutiôn de la propofition.
Verf. 1 5. Et quand lé feptieme jour fut
venu , ils dirent à la femme de Samfon :
Flatte ton mari , & lui perfuade qu'il
te déclare quelle chofe fighifie la propofi-
tion.
Verf. 17. Et ainfi tous les jours de convive
elle*pleuroit devant lui ; & finalement au fep-
tieme jour , comme elle le molefioit , /'/ lui
expofa , laquelle incontinent le fit favoir à
ceux de fon peuple.
Verf. 18. Et iceux lui dirent au feptieme
jour devant le foleil couchant : Quelle chofe
efl plus douce que le miel , & quelle chofe
ejl plus forte que le lion ? Lors Samfon
leur dit : Si vous rieujfie'? labouré avec ma
génijfe , vous ri euffie\point trouvé ma propo-
fition.
Un fàvant jurifconfulte met cette énigme
au rang des gageures , en matière de jeux
d'efprit j & il pourroit bien avoir rai (on \
car il y a une ftipulation de part & 'd'au
tre de trente fines chemifes & autant de
robes. Cependant les Philiftins a»irent*de
mauvaife foi , en obligeant la femme de
Samfon de tirer de la bouche de fon mari
l'explication de Yénigme , & à la leur ap-
prendre , au lieu de la deviner par eux-
mêmes.
Au refte , dans notre fïecle , Yénigme
propofée par Samfon ne feroit point
dans les règles , parce qu'elle 11e rouloit
pas fur une chofe ordinaire ou un événe-
ment commun , mais fur un fait parti-
culier , c'eft- ' -dire , fur un de ces cas qu'il
eft ordinairement prefque impofîîble de de-
viner.
EN î
Quoiqu'il en foit , dans ce temps -la on
n'étoit pas fi fcrupuleux \, on ne cherchoit
gu a attraper ceux à qui ou préfèntoit des
énigmes à expliquer : & c'eft un fait fi
vrai , que l'intelligence des énigmes ou des
fcntences cbfcures , devint un proverbe
parmi les Hébreux pour fignifier Kadreflè
à tromper , comme on le peut conclure
du portrait que Daniel fait d'Antiochus
Epiphanés. « Lorfque les iniquités fè
» feront accrues , dit- il , il s'élèvera un
» roi qui aura l'impudence fur le front ,
» & qui comprendra les feutences obfcu-
» res. »
Le voile myftérieux de cette forte de
fageife la rendit , comme il arrivera tou-
jours , le plus eftimé de tous les talens :
c'eft pourquoi , dans un pfeaume où il
s'agit d'exciter fortement L'attention , le
pfalmifte débute en ces termes : « Vous ,
» peuples , écoutez ce que je vais dire.
P Que tous les habitans de la terre" ,
» grands & petits ? riches &* pauvres , prê-
» tent l'oreille 5 ma bouche publiera la fa-
» geffe je découvrirai fur la harpe mon
» énigme. »
Outre les caufes que nous avons rap-
portées , qui contribuèrent à conferver
long-temps les énigmes en vogue , je croi-
rois volontiers que l'ufage des hiéroglyphes
y concourut auffi pour beaucoup : en
effet, quand on vint à oublier la lignifi-
cation des hiéroglyphes , on perdit peu-à-
peu , quoique très-lentement , l'ufage des
énigmes.
Enfin ', elles reparurent lorfqu'on devoit
le moins s y attendre , je veux dire dans
le xvij fiecle j & ce n'eft pas , ce me fem-
ble , par cet endroit qu'il mérite le plus
qu'on le vante. U eft vrai qu'on habilla
pour lors en Europe les énigmes avec plus
d'art , de fineffe & de goût , qu'elles ne
l'avoient été dans l'Afie : on les fournit ?
comme tous les autres poè'mes , à des loix
& à des règles étroites , dont le père Menef-
trier même a publié un traité particulier.
Mais , quelque décoration qu'on ait donnée
aux énigmes , elles ne feront prefque jamais
que de folles dépenfes d'efprit , des jeux de
mots , des écarts dans le langage & dans les
idées.
Les gens de lettres un peu diftingués du
E N K
ïïecle païTé , qui ont eu la foijblefTe de
donner dans cette mode, & de le laiffer
entraîner au torrent , feroient bien hon-
teux aujourd'hui de lire leurs noms dans
la Jifte de toutes fortes de gens oififs , &
de voir qu'un temps a été qu'ils fë fai-
saient un honneur de deviner des énigmes ,
& plus encore d'annoncer à la France
qu'ils avoient eu allez d'efprit pour expri-
mer , fous un certain verbiage , fous un
jargon myftérieax & des termes équivo-
ques, une flûte , une flèche , un éventail,
une horloge.
Mais il faut bien fe garder de confondre
de telles inepties avec les énigmes d'un au-
tre genre 5 j'entends ces fameux problêmes
de la géométrie tranfcendante , qui , for la
fin du même fiecle , exercèrent des génies
d'un ordre Supérieur. La folution de ces
dernières fortes d'énigmes peut avoir de
grands ufages 5 elle demande du moins
beaucoup de fagacité , & prouve qu'on s eft
rendu familière la connonTance de cette
géométrie ûiblime , dont Newton a la
gloire d'être le premier inventeur. Article
de M. le chevalier de Jaucovrt.
ENJOLIVER, v. a&. {Ans méchaniq. )
c'eft répandre fur le fond d'un ouvrage de
perits ornemens qui lui ôtent fa lourdeur &
fà fimplicité.
ENJOUEMENT , f. m. ( Moral. )
c'eft la gaieté de l'efprit. Il naît d'une
imagination riante , qui badine &: plaifante
fur les objets qui l'exercent. Cette qualité
annonce ordinairement un homme qui a
beaucoup de connoilîance, & qui eft maître
de fa matière. Les hommes d'un efprit
enjoué font de bonne compagnie , & font
defîrés dans toutes les fociétés. Les per-
fonnes de ce caractère ont rarement des
chagrins , c'eft-à-dire , que ce qui eft
un fujet d'affliction pour les autres , les
affecte fort peu , ou du inoins pas long-
temps. (+) M
ENISKILLING, {Géogr. mod.) ville
de la province d'Ulfter en Irlande \ elle
appartient au comte de Fermanagh : elie
eft fîtuée fur le lac Earne. Long. 9 , 55 •■,
Lu. 54, 18.
ENKAFATRAHE , f. m. ( Ilift. nat.
bot. ) c'efl le nom d'un arbre qui fe trouve
daus lue de Madagafcar , dont le bois
E N K 4H7
eft verdâtre & rempli de veines ; on dit
qu'il répand une odeur fort agréable &
fèmblable à celle de la rofe. On prétend
qu'en l'écrafant fur une pierre avec de
l'eau , & appliquant ce mélange extérieu-
rement fur le cœur ou fur la poitrine ,
c'eft un remède fouverain contre les foi-
blefTes <k palpitations. Hubner , diclionn.
univerfel.
ENKELEUSTIQUE , (Mujtq. desanc.)
Maxime de Tyr rapporte qu'il y avoit un
mode enkéleujtique propre à ceux qui pour-
fuivoient l'ennemi. (F. D. C.)
ENKIOPING , ENECOPIA , (Géogr.)
ville du royaume de Suéde , dans i'Upland
& dans la capitainerie d'Upfal , for un ter-
rain fertile. Elle eft fort ancienne , ayant
été , fous le paganifme , le fiege ordinaire
des rois de Fierdhundra , . tributaires du
fouverain général du pays , qui réfidoit
dans Upfal. Divers défaftres , tels qu'incen-
dies , invafions d'ennemis , lui ont fait per-
dre beaucoup de la fplendeur qu'elle peut
avoir eue : elle étoit encore fous la papauté ,
ornée d'églifès & de fondations , dont elle
n'étale plus aujourd'hui que les ruines. Sa
place à la diète eft la quarante-neuvième
dans l'ordre des villes. Long. 34 , 5 j lau
59 , 5o. ( D. G. )
ENKISTÉ , ÉE , adj. terme de Chirur-
gie^ ce qui eft renfermé dans un kifte ,
c'eft-à-dire , dans une membraue ou iffue
en forme de poche. On appelle tumeurs
enkifiées , abcès enkiftés , des tumeurs. &
des abcès qui font enveloppés d'une mem-
brane ; tels fout l'athéome , le méliceris ,
le ftéatome , &c. Ce mot eft formé du
Grec «V -> in 1 en , dans j & de y\ s-is , cyjlis ,
foc , vefïïe.
La membrane qui fait cette poche n'eft pas
nouvellement formée dans la partie , comme
011 pourroit le déduire de la théorie de quel-
ques auteurs .fur cette maladie. On connoît
un tiiïu folléculeux qui fépare tGutes les
parties les unes des autres , & qui en eft
le lien. S'il fe fait un amas contre nature
d'une humeur quelconque daus une de
ces cellules , par fon accroiffement il éten-
dra les parois de cette cellule , & les collera
aux parois membraneufes des cellules cir-
convoifincs qu'il oblitérera. C'eft ainft que
commence le kifte y toujours formé par la
488 ENK
cohérence de plufieiirs feuillets de la mem-
brane cellulaire. A mefure que la tumeur
augmente , la poche membraneufe s'épaiflit
par la réunion d'un plus grand 'nombre de
feuillets. Le kifte eft formé de la fubftance
préexiftente de la partie. Ces connoiffances
juftifient le dogme pratique des anciens.
L'expérience , qui eft la même dans tous
les fiecles aux yeux des bons obfervateurs ,
leur avoit montré que pour la guérifoii de
ces fortes de tumeurs T il ne falloit pas
fe contenter de les ouvrir , mais qu'il fal-
loit extirper la poche ou fac qui renfermoit
la matière. Pour y parvenir , on fait com-
munément une incifion cruciale aux tégu-
mens de la tumeur \ on les diffeque fans
intéreffer le kifte , qu'on emporte en tota-
lité , s'il eft pofllble. Ses adhérences à quel-
ques parties qu'il feroit important de ména-
ger , eft une raifon pour s'abftenir d'une dif-
fèftion trop recherchée. Alors on attend de
la fuppuration , la chute ou plutôt le détache-
ment de la portion membraneufe qui refte du
kifte. Quand les humeurs enkiftées font d'un
volume confïdérable , l'extirpation , fuivant
la méthode décrite , feroit une plaie énorme.
Si le kifte n'eft pas trop épais , on peut , par
un procédé plus doux , fe contenter de fen-
dre la tumeur des deux côtés , bi. de pafler
une bandelette de lin^e effilé en forme de
féton , d'une ouverture à l'autre j pour con-
duire dans tout le trajet les médicamens né-
ceftaires pour faire fuppurer le kifte.
Il y a des pierres enkiftées dans la vefïîe.
M. Houftet , de l'académie royale de Chi-
rurgie , a donné , dans le premier volume
des mémoires de cette compagnie , des
obfervations particulières qu'il a jointes à
celles qui avoient été communiquées pré-
cédemment à l'académie , fur cette ma-
tière. L'exiftence de ces fortes de pierres
eft conftatée *, & fauteur rend fon mémoire
aufti utile qu'il eft curieux , en traitant des
opérations qu'on peut tenter , &: de celles
qui ont été pratiquées pour faire l'extraction
de ces pierres.
La fig. 4 de la planche V de Chirurgie, re-
préfente une veflie ouverte par fa partie
antérieure , derrière les os pubis qui font
renverfés en devant : on y voit une pierre
logée dans une cellule formée par la mem-
brane interne de la veflie. ( Y )
ENL
ENL ARMER, v. a&. ( Chaffe & Pêche )
On dit , enLrmer un filet ; c'eft un terme
dont fe fèivent ceux qui font des filets
propres pour la pèche ou pour la chaffe 5
& ce n'eft a;ur^ choie que pratiquer de
grandes mailies à côté du filet avec de la
ficelle.
ENLASSER % v. ad. ( Chargent. ) c'eft,
après que les tenons & mortonès font
faits , percer un trou au travers pour les
cheviller.
ENLASSURE , £ f. ( Charpent. ) c'eft le
trou percé avec le "laceret à travers des mor-
toifes &c des tenons , pour les cheviller en-
semble.
ENLAYER ou ENLOYER , déférer le
ferment , (Jurijpr.) Dans X article 153 de la
très- ancienne coutume de Bretagne , le fer-
ment eft appelle lai ou loi \ d'où font vernis
les termes enlayer & enloyer , pour dire
déférer le ferment ; termes qui étoient fort
ufités dans l'ancien ftyle judiciaire de la
province , & qui le font encore dans les
jurifdi&ions inférieures , même dans quel-
ques fieges royaux & préfidiaux. Voyc{ les
arrêts du parlement de Bretagne , par Frain,
tom. II , plaid. 112 , pag. 689. {A)
ENLEVÉ , adjeô. ( Blafon. ) Il fe dit
des pièces qui paroiftent enlevées , comme
aux armoiries d'Anglure en Champagne ,
qui font d'or à pièces enlevées à angles ou
croiftàns de gueules, foutenant des grelots
d'argent dont tout l'écu eft femé.
AngJure en Champagne , d'or à pièces
enlevées à angles ou en croiffans de gueules,
foutenant des grelots d'argent dont tout
l'écu eft femé.
ENLEVEMENT , f. m. (Jurifpr.) fe
dit d'une voie de fait dont on ufe pour
ravir quelqu'un ou s'emparer de quelque
chofe. Uenlévement des perfonnes eft plus
communément nommé rapt ou crime de
rapt. Voye\ Rapt.
Enlèvement fignifie aun^quelquefois tranf-
port : par exemple , les adjudicataires des
coupes de bois doivent enlever les bois
coupés dans le temps porté par le marché.
Une partie faille s'oppofe à ï enlèvement de
fes meubles , en donnant bon & folvable
gardien. (A)
ENLEVER les chaudrons , terme de
Chaudronniers ; c'eft en faire le fond avec
le
E N L
c marteau fond. On donne cette façon fur
a grande bigorne.
Enlever y fignifie auîîî redreffer un chau-
dron y en ôter les bojfès ; ce qu'on fait
avec le marteau de buis & l'enclumeau.
ENLEVER , en terme d'Éperonnier } fe
dit de l'action de féparer fur l'enclume , a
coup de marteau , la branche d'un mors ,
d'un barreau de fer de dix à onze lignes
d'épaiffeur. Cette branche s'appelle bran-
che d'enlevure , parce qu'elle eft effective-
ment enlevée de ce barreau : on enlevé
aulli du même barreau l'embouchure du
mors ; & cette embouchure s'appelle enle-
vure pour la même railon. On enlevé ces
parties d'un mors au moyen d'un cifeau
appelle tranche , que l'on frappe fur le
barreau à demi-chaud pour les en féparer.
Voye\ Tranche.
ENLEVER, terme de Serrurier & de
Taillandier ; c'eft d'une barre de fer en
faire la pièce commandée ; & au lieu de
dire forger une clef, une cognée, ils uifent
enlever une clef, une cognée.
Enlever la meute , ( Vénerie)
c'eft, iorlqu'au lieu de biffer châtier les
chiens , on les entraîne par le plus court
chemin au lieu où un chafieur a vu le cerf,
& où on retrouve la voie.
ENLEVURE ^C.f.i Ouvriers en fer. )
Tous les ouvriers en fer donnent ce nom à
toute pièce forgée , lorfqu'elle eft féparée
de la barre dont on l'a tirée.
ENLIER, v. act. en Architecture , c'eft
dans la conftruetion engager les pierres &
les briques enfemble en élevant les murs ;
en forte que les unes foienr pofées fur leur
largeur Comme les carreaux , & les autres
fur leur longueur ainfi que les boutifiès ,
pour faire liaifon avec le garni ou remplif-
fage. (P)
ÏNLIGNER , ( Charpent. ) c'eft donner
à une pièce de bois exactement la même
forme qu'à une autre; en forte que mifes
bouta bout, l'une ne paroifTe que la Con-
tinuation de l'autre : cela s'appelle e aligner 4
parce qu'on dirpofé les bois à cet ctat en
fè fervant de la règle ou du cordeau pour
tracer les lignes.
ENLISSERONNÉ , ( Rubannier. ) Voy.
Lisserons.
ENLOYEK, (Jàrifpt.) éft là ffiême-
Tome XII.
E N L 4R9
chofe qvLenlayer. Voye^, ci-devant, En-
LAYER. (A)
ENLUMINER , v. ad. c'eft l'art dé
mettre des couleurs à la gomme avec lé
pinceau , fur les eftampes & les papiers dé
tapifferie ; & par conféquent l'enlumineur
& l'enlumineufe eft celui & celle qui f
travaillent : ces ouvriers & ouvrières y appli-
quent aufîî quelquefois de l'or & de l'ar-
gent moulu ; c'eft ce qu'ils appellent re-
hauffer } & ils le brunifîènt avec la dent de
loup. L'enluminure eft libre , &: n'a point
de maîtrife ; c'eft en quelque façon une
dépendance de la gravure ; & l'enlumi-
neur peut tenir boutique ouverte , & vendre
des eftampes & des papiers de tapifterie.
Ces commerçans s'honorent du titre dé
graveurs en bois , ou en cuivre , ou d'i-
mages } quoique fouvent ils n'aient jamais
manié le burin , ni la pointe. Article de M.
Papillon.
ENMANCHE , adj. c'eft-A-dire, entre:
dans la Manche. ( Marine. ) Les naviga-
teurs fe fervent de ce terme , lorfqu'ils en-
trent dans ce canal qui fépare la France dé
l'Angleterre , que l'on appelle la Manche.
ENNEACORDE , inftfumcnt des an-
ciens , qui avoir neuf cordes.
ENNEADÉCATSRIDE , f. f. en
Chronologie , eft un cycle ou période de
dix-neuf années folaires. Voye^ CYCLE.
Ce mot eft Grec, formé â'evvttt , neuf y
Atjfp , dix , & W r , année. . .
.Tel eft le. cycle lunaire inventé par Mc-
thon , à la fin duquel la lune revient à-peu-
pres au même point d'où elle eft partie;
c'eft pour cette raifon que les Athéniens,
les Juifs , & dTaUtres peuples qui ont voulu
accommoder les mois lunaires avec l'année
fblairé , fè font fêrvis de ïennéadécàtéride ,
en faifant, pendant dix-neuf ans , lept ans
de treize mois lunaires , & les autres d$
douze.
Vennéadéaitéfide des Juifs eft propre-
ment un cycle de dix-neuf années lunaires ,
qui commencent à molad tohu , c'eft-à-dife ,
à la nouvelle lune que les juifs fuppofent
être arrivée un an avant la création. Cha-
cirrre des 3e , 6e , 8« j n% itf\ \^ 7 19c j
&£. années de ce cycle font emboiiimiquv'. ,
ou de 383 jours 2.1 heures , &c les autre*
Qqq
45)0 E N N
«ommunes, ou de 354 jours huit heures.
Voye\ An. \S ennéadécatéride des Juifs cft
donc de 6939 jours 16 heures. D'où il
s'enfuit que ïennéadécatéride des Juifs
diffère de Yennéadécatéride julienne, ou de
dix-neuf années juliennes d'environ deux
heures; car dix-neuf années juliennes font
6939 jours dix-huit heures. Wolf , élemen.
de Chronoî. & Chambers. Voye\ Embo-
IISMIQUE. ( O)
ENNÉAGONE, f. m. en Géométrie;
figure de neuf angles , & de neuf côtés.
Voye\ POLIGONE. Ce mot efr. formé de
hv:et , neuf, & ymia , angle.
Pour tracer dans un cercle Yennéagone
régulier , il ne s'agit que de divifer en trois
parties égales l'angle au centre du triangle
équilatéral :' ainfi ce problême fe réduit à
celui de la trifecHon de l'angle. Voye\
Trisection.
Un ennéagone , en Fortification , fignifie
une place qui a neuf bâfrions. Voye\ FOR-
TERESSE. (O)
ENNEEMIMERIS , ( Belles-Lettres. )
efl: une efpece de céfure d'un vers Latin ,
où après le quatrième pie il y a une fyl-
Iabe irréguliere qui finit le mot , &: qui aide
à former le pié qui fait dans le mot d'après ,
comme dans cet exemple :
Ule latus niveum molli fultus hyacinthe
qu'on feande ainfi:
Ule la\tus n'fve\um mol\li ful\tus hya\cinth\>.
où il faut remarquer que la fyllabe tus ,
brève de fa nature ,. devient longue en vertu
de la céfure. Voye% CÉSURE. Ce mot eff
très-peu en ufage. ( G )
ENNEMI , f. m. ( Droit des Gens. } ce-
lui qui nous fait la guerre , ou à qui nous
la faifons , en conféquence d'un ordre du
fouverain. Tous les autres contre qui on
prend les armes , font qualifiés de brigands ,
de voleurs ou de cerf aires. Au refte , on ne
regarde pas feulement comme ennemis ceux
qui nous attaquent actuellement fur mer
ou fur terre , mais encore ceux qui font
des préparatifs pour venir nous attaquer ,
& qui drefîènt des batteries contre nos
jports, nos villes & nos citadelles, quoi-
E N N
qu'ils ne foient pas encore aux mains avec
nous.
Il efl certain que l'on peut tuer inno-
cemment un ennemi ; je dis innocemment ,
tant félon la jufiiee extérieure de toutes les
nations , que ielon la jufiiee intérieure &
les loix de la confeience. En effet , le but
de la guerre veut de nécefllté que l'on ait
ce pouvoir ; autrement ce feroit en vain que
l'on prend roi t les armes , & que les loix
de la nature le permettroient.
Mais le pouvoir de tuer Yennemi s'étend-
il fur tous les fujets j)e cet ennemi , fur les
vieillards , les femmes , les enfans. . . . ?
Dans les cas où il eu permis d'ôter la vie
à un ennemi , peut-ron employer indiffé-
remment toutes fortes de moyens , le fer , le
feu , larufe, le poifon ... ? Peut-on pro-
fiter du miniftere d'un traître pour fe dé-
faire de notre ennemi , lorfque .... ?
Je frémis j & pour couper court à toutes
ces queffions , & à d'autres femblabîes , je.
répons en général & en particulier , que
l'on ne fauroit trop limiter , trop adoucir
les droits cruels de la guerre ; je répons y.
dis—je , que l'on ne fauroit trop infpirer , ni
étendre trop loin les principes de la mo-
dération ,; de l'honneur , de la générofité,.
& fi l'on peut parler ainfi , de l'humanité
même dans les propres actes d'hoflilité ,
que les ufages de la guerre les plus reçus
paroifîént autorifer.
A l'égard des vieillards ,. des femmes &
des enfans , loin que le droit de la guerre.
exige que l'on poufTe la barbarie jufqu'à
les tuer , c'efl une pure cruauté , une atro-
cité d'en ufer ainfi ; même lorfque le feu
de l'action emporte le foldat ,. pour ainfi
dire, malgré lui à commettre des aclions
d'inhumanité; comme, par exemple, dans
le dernier afîaut à la prife d'une ville ,
qui par fa réfifiance a extrêmement irrité
les troupes.
Je dis plus : le droit des gens efr fondé
fur ce principe , que les diverfes nations
doivent fe • faire dans la paix autant de
bien , & dans la guerre le moins de mal
qu'il eff poffible , fans nuire à leurs véri-
tables intérêts : c'eff pourquoi , tant qu'on
peut l'éviter , les loix même de la guerre
demandent que l'on s'abffienne du carnage ,
& que. l'on ne répande pas dufang fans une
EN N.
prenante aécefïité. L'on ne doit donc ja-
mais ôter la vie à ceux qui demandent quar-
tier , à ceux qui fe rendent , a ceux qui ne
font ni d'un âge ni d'une profcfîlon à porter
les armes , & qui n'ont d'autre part à la
guerre que de fe trouver dans le pays ou le
parti ennemi. En un mot , le droit de la
guerre ne va pas au delà de notre propre
confervation. Un état fait la guerre , parce
que fa confervation efl jufle ; mais nous
n'avons plus de droit de tuer , dès que
nous ne fommes plus dans le cas de la dé-
fenfe naturelle & de notre propre confer-
vation vis-à-vis de V ennemi.
L'on comprend , à plus forte raifon , que
les droits de la guerre ne s'étendent pas juf
qu'à autorifèr ni à fouffrir les outrages con-
tre l'honneur des femmes ; car outre qu'un
tel attentat ne fait rien ni à notre conferva-
tion , ni à notre défenfe , ni à notre fureté ,
ni au maintien de nos droits , il révolte la
nature , & ne peut fêrvir qu'à fatisfaire la
brutalité du foldat , qu'il faut au contraire
réprimer & punir très-févérement.
Qu'on ne s'imagine pas auffi que les
moyens d'ôter la vie à V ennemi foient indif-
Férens. Les coutumes reçues chez les peu-
ples civilifés , regardent comme une exécra-
ble lâcheté, non feulement de faire don-
ner à Y ennemi quelque breuvage mortel ,
mais d'empoifonner les fources , les fon-
taines , les puits , les flèches , les épées , les
dards , les balles , & toutes autres efpeces
d'armes. Les nations qui fe font piquées de
générofité, ne fe font point écartées de ces
iortes de maximes. On fait que les confuls
Romains , dans une lettre qu'ils écrivirent
à Pyrrhus , lui marquèrent qu'il étoit de
l'intérêt de tous les peuples qu'on ne donnât
point d'exemples , difFérens de ceux qu'ils
pratiquoient à fon égard.
C'efl une convention tacite dont l'intérêt
des deux partis exige également l'obferva-
tion; ce font de jufles aflurances que les
hommes fe doivent refpeftivement pour
leur propre intérêt ; & certainement il efl
de l'avantage commun du genre humain
que les périls ne s'augmentent pas à l'in-
fini.
Ainfi , pour ce qui regarde la voie de
l'afTaflinat , facile à exécuter par l'occafion
jl'ua traître , je ne dis pas qu'on fuborne-
ENN 4Pr
roit, mais qui viendroit s'offrir de lui-
même par haine , par efpérance de fa for-
tune , par fanatifme , ou par tout autre
motif poffible ; aucun homme , aucun
fouverain , qui aura la confeience un peu
I délicate , n'embraffera cette indigne ref-
i fource , quelque avantage qu'il puiffe s'en
promettre. L'état d'hoflilité qui difpenfe
du commerce des bons offices , & qui au-
torife à nuire , ne rompt pas pour cela
tout lien d'humanité , & n'empêche point
qu'on ne doive éviter de donner lieu à
quelque mauvaife adion de M ennemi , ou
de quelqu'un des fiens. Or , un traître
commet fans contredit une action égale-
ment honteufe & criminelle , à laquelle
il n'efl pas permis de condefeendre.
Il n'efl pas plus permis de manquer da
foi à un ennemi :
Optimus Me
Militii , cui poftremum efl , primumque tueri
Inter folU fidem. Punie, Ub. V1V \v. 169*
c'efl-à-dire , (< le guerrier qui efl homme
» de bien , n'a rien tant à cœur que de
» garder religieufement fa parole à Yenne-
>y mi. » Belle fentence de Sillius Italicus ,
écrivain de mérite , & digne conful de
Rome î
D'ailleurs , fuivant la remarque de Cicé-
ron , tout le monde chérit cette difpofi-
tion d'efprit qui porte à garder la foi , lors
même qu'on trouveroit fon avantage à y
manquer. N'y a-t-il pas entre les ennemis y
quels qu'ils foient , une fbciété établie par
la nature ? N'efl-ce pas de cette fociété
fondée fur la raifon & la faculté de parler
qui font communes à tous les humains ,
que réfulte l'obligation inaltérable de tenir
les promefîès qu'ils fe font faites ? C'efl la
foi publique , dit Quintilien , qui procure
à deux ennemis , pendant qu'ils ont encore
les armes à la main , le doux repos d'une
trêve : c'efl elle qui afTûre aux villes rendues
les droits qu'elles fè font réfervés : enfin ,
c'efl elle qui efl le lien le plus ferme & le
plus facré qui foit parmi les hommes.
Voilà ce que je crois d'efTêntiel à obfèr-
ver touchant les bornes qu'il faut mettre
aux droits de la guerre fur les perfonnes des
ennemis >* & quant à ce qui regarde leurs
Qqq2
49i E N N
biens , j'en ai parlé au mot DÉGÂT. Ce font
les mêmes principes d'humanité & de rai-
ions d'intérêt , qui doivent conduire les
hommes à ces deux égards ; s'ils violent ces
principes fans pudeur & fans remords , tout
eft perdu; les repréfailles feront affreufes ,
Jes cris & les gémiflemens fe perpétueront
de race en race , & des flots de fang inon-
deront la terre. Article de M. le Chevalier
DE J AU COURT.
ENNEMI ; en Peinture ; on appelle cou-
leurs ennemies y celles qui s'accordent
mal , & qui ne peuvent fubfifter enfemble
fans offenfér la vue , on fans fe détruire en
très-peu de temps. Le bleu & le vermil-
lon font des couleurs ennemies ; leur mé-
lange produit une couleur aigre , rude , &
défagréable.
Les habiles peintres fe font quelquefois
un jeu de vaincre les difficultés qu'on pré-
tend réfulter de l'affociarion des couleurs
ennemies : ce qui feroit , chez les ignorans ,
une témérité , qui ne produiroit que des
effets mauffades , devient , chez les habi-
les , une hardiefTe louable, qui n'enfante
que des prodiges. Diclionn. de Peint. (R)
ENNUI , f. m. ( Morale philofoph. ) ei-
pece de déplaifir qu'on ne fauroit définir :
ce n'eft ni chagrin , ni trifteffe ; c'eft une
privation de tout plaifir , caulée par je ne
fais quoi dans nos organes ou dans les ob-
jets du dehors , qui au lieu d'occuper notre
ame , produit un mal-ailé ou dégoût , au-
quel on ne peut s'accoutumer. Uennui eft
le plus dangereux ennemi de notre être, &
le tombeau des paffions ; la douleur a quel-
que chofe de moins accablant , parce que
dans les intervalles elle ramené le bonheur
& l'efperance d'un meilleur état : en un
mot , \'ennui eft un mal fi fingulier , fi
cruel , que l'homme entreprend fouvent
les travaux les plus pénibles , afin de s'épar-
gner la peine d'en être tourmenté.
L'origine de cette trifte & fâcheufe
fenfation vient de ce que l'ame n'efl ni afTez
agitée , ni affez remuée. Dévoilons ce
principe de V ennui avec M. l'abbé du Bos ,
qui l'a mis dans un très-beau jour, en inf-
îruifant les autres de ce qui fe parlé en eux ,
& qu'ils ne font pas en état de démêler ,
faute de favoir remonter à la, fource de leurs
propres aJffè&ions*
E N N
L'ame a (es befoins comme le corps , &
l'un de les plus grands befoins eft d'être
occupée. Elle l'eft par elle-même en deux
manières ; ou en fe livrant aux impreffions
que les objets extérieurs font fur elle , &
c'eft ce qu'on appelle fentir ; ou bien en
s'entretenant par des fpéculations fur des
matières , foit utiles , foit curieufes , foie
agréables , & c'eft ce qu'on appelle réflé-
chir & méditer.
La première manière de s'occuper efl
beaucoup plus facile que la féconde : c'eft
auflî l'unique reflburce de la plupart des
hommes contre V ennui ; & même les per-
fonnes qui favent s'occuper autrement font
obligées^ pour ne point tomber dans la
langueur qui fuit la durée de l'occupation ,
de iè prêter aux emplois & aux plaifirs du
commun des hommes. Le changement de
travail & de plaifir remet en mouvemenc
les efprits qui commencent à s'appefantir :
ce changement femble rendre à l'imagina-
tion épuifée une nouvelle vigueur.
Voilà pourquoi nous voyons les hommes
s'embarraffer de tant d'occupations frivoles
& d'affaires inutiles ; voilà ce qui les porte
à courir avec tant d'ardeur après ce qu'ils
appellent leur plaifir y comme à fe livrer
à des parlions dont ils connoiffent les fuites
fâcheufes , même par leur propre expé-
rience. L'inquiétude que les affaires cau-
fent , ni les mouvemens qu'elles deman-
dent , ne fauroient plaire aux hommes par
eux-mêmes. Les parlions qui leur donnent
les joies les plus vives , leur caufent auffî
des peines durables & douloureufes ; mais
les hommes craignent encore plus Yennui
qui fuit l'inaclion , & ils trouvent , dans les
mouvemens des affaires & dans Fivreffe des
paffions , une émotion qui les remue. Les
agitations qu'elles excitent , fe réveillent
encore durant la folitude ; elles empêchent
les hommes de fe rencontrer tête-à-tête,
pour ainfidire, avec eux-mêmes, fans être
occupés , c'eft-à-dire , de fe trouver dans
l'affiiclion ou dans Yennui,
Quand dégoûtés de ce qu'on appelle le
moncle , ils prennent la réfolution d?y re-
noncer , il eft rare qu'ils puiffent la tenir.
Dès qu'ils ont connu l'inaction , dès qu'ils
ont comparé ce qu'ils fouffroient par l'em-
i ! barras des affaires & par l'inquiétude ck&
ENN
panions arec Vennui de l'indolence , ils
viennent à regretter l'état tumultueux dont
ils éroient fi las. On les accule fouvent à
tort d'avoir fait parade d'une modération
feinte ; lorfqu'its ont pris le parti de la
retraite , ils étoient alors de bonne foi :
mais comme l'agitation exceffive leur a fait
fouhaiter une pleine tranquillité , un trop
grand loifir leur a fait regretter le temps
où ils étoient toujours occupés. Les hommes
font encore plus légers qu'ils ne font difiî-
mulés ; & fouvent ils ne font coupables
que d'incon fiance ., dans les occafions où on
les accufe d'artifice. " Je crois des hom-
t) mes plus mal aifément la confiance,
» que toute autre chofe , & rien plus ai-
» fément & plus communément que lin-
h confiance , » dit Montagne.
En effet , l'agitation où les parlions nous
tiennent, même durant la folitude , efl fi
vive , que tout autre état efl un état de
langueur auprès de cette agitation. Ainfi
nous courons , par infime! , après les
objets qui peuvent exciter nos pafîîons ,
quoique ces objets fanent fur nous des
impreflions qui nous coûtent fouvent
des nuits inquiètes & des journées plei-
nes d'amertume : mais les hommes , en
général , fouflfrent encore plus à vivre
fans pallions que les parlions ne les font
foufrrir.
L'ame trouve pénible , & même fouvent
impraticable la féconde manière de s'oc-
cuper , qui confifle à méditer & à réflé-
chir , principalement quand ce n'efl pas un
fèntiment actuel ou récent qui efl le fujet
des réflexions. Il faut alors que l'ame faffe
des efibrts continuels pour fuivre l'objet de
fon attention ; & ces efforts * rendus fou-
vent infructueux par la difpofition pré-
fente des organes du cerveau , n'aboutif-
fent qu'à une contention vaine & ftérile,
où l'imagination trop allumée ne préfente
plus diltin clément aucun objet; & une
infinité d'idées , fans liaifon & fans rap-
port , s'y fuccedent tumultueufement l'une
à l'autre. Alors l'efprit , las d'être tendu ,
le relâche ; & une rêverie morne & lan-
guiffante , durant laquelle il ne jouit pré-
cifément d'aucun objet , efl l'unique fruit
des efforts qu'il a faits pour s'occuper lui-
même-
ENN 495
Il n'efl perfonne qui n'ait éprouvé Ven-
nui de cet état , où l'on n'a pas la force
de penfer à rien ; & la peine de cet autre
état où, malgré foi , on penfe à trop de
chofes , fans pouvoir fe fixer à fon gré
fur aucune en particulier. Peu de perfon-
nes même fonr allez heureufes pour n'é-
prouver que rarement un de ces états ,
& pour être ordinairement à elles-mêmes
une bonne compagnie. Un petit nombre
peut apprendre cet art , qui , pour me fer-
vir de l'expreflion d'Horace , fait vivre en
amitié avec foi-même , quod te tibi reddat
amicum.
Il faut , pour en être capable , avoir un
certain tempérament qui rend ceux qui
l'apportent en naifiânt très-redevables à la
Providence ; il faut encore s'être adonné
dès la jeunefîe à des études & à des occu-
pations , dont les travaux demandent beau-
coup de méditation : il faut que l'efprit
ait contracté l'habitude de mettre en ordre
fes idées , & de penfer fur ce qu'il lit ;
car la lecture où l'efprit n'agit point , &
qu'il ne foutient pas en faifant des ré-
flexions fur ce qu'il lit , devient bientôt
fujette à Vennui. Mais à force d'exercer fon
imagination , on la domte , & cette faculté
rendue docile fait ce qu'on lui demande.
On acquiert , à force de méditer , l'habitude
de tranfporter à fon gré fa penfée d'un objet
fur un autre , ou de la fixer fur un certain
objet.
Cette converfation avec foi-même met
ceux qui la favent faire à l'abri de l'état
de langueur & de mifere dont nous ve-
nons de parler. Mais comme on l'a dit ,
les perfonnes qu'un fang fans aigreur &
des humeurs fans venin ont prédeflinées
à une vie intérieure fi douce , font biea
rares ; la fituation de leur efprit efl même
inconnue au commun des hommes ,
qui , jugeant de ce que les autres doivent
foufïrir de la folitude, par ce qu'ils en
fouffrent eux-mêmes , penfent que la foli-
tude efl un mal douloureux pour tout Im-
monde.
Puifqu'il efl fi rare & comme impofïible
de pouvoir toujours remplir l'ame par la-
feule méditation , & que la manière de l'oc-
cuper , qui eft celle de femir en fe livrant'
, aux pallions qui nous affectent j efl unie.
45>4 ENN
reflburce dangereufe & funefte , cherchons
contre Y ennui un remède praticable à por-
tée de tout le monde , & qui n'entraîne
aucun inconvénient ; ce fera celui des tra-
vaux du corps réunis A la culture de l'es-
prit , par l'exécution d'un plan bien con-
certé que chacun peut former & remplir
de bonne heure , fuivant Ton rang , fa pofi-
tion , fon âge , fon fexe , fon caradere &
Ces talens.
Il eft aifé de concevoir comment les
travaux du corps , même ceux qui fem-
blent demander la moindre application ,
occupent Pâme ; & quand on ne conce-
vroit pas ce phénomène , l'expérience ap-
prend qu'il exifte. L'on fait également que
les occupations de l'efprit produifent alter-
nativement le même effet. Le mélange de
ces deux efpeces d'occupations,, fournif-
fant un objet qu'on remplit avec foin cha-
que jour , mettra les hommes à couvert
jdes amertumes de l'ennui.
Il faut donc éviter l'inaction & I'oifiveté ,
tant par remède que pour fon propre bon-
heur. La Bruyère dit très-bien que ï ennui
/eft entré dans le monde par la parefïe , qui
a tant de part à la recherche que les hom-
mes font des plaifirs de la fociété , c'eft-
à-dire , des fpectacles , du jeu , de la table,
des vifites & de la converfation. Mais celui
qui s'eft fait un genre de vie dont le tra-
vail eft à la fois l'aliment & le foutien
a afîez de foi-même , & n'a pas befoin des
plaifirs dont je viens de parler pour chafîèr
X ennui , parce qu'alors il ne le connoît
point. Ainfi le travail de toute efpece eu
le vrai remède à ce mal. Quand même le
travail n'auroit point d'autre avantage ;
/quand il ne feroit pas le fonds qui manque
le moins , comme dit la Fontaine , il por-
teroit avec lui fa récompenfe dans tous les
états de la vie , autant chez le plus puifîànt
monarque que chez le plus pauvre labou-
reur.
Qu'on ne s'imagine point que la puif-
fance , la grandeur , la faveur , le crédit ,
le rang , les richefTes , ni toutes ces chofes
jointes enfèmble , puifïènt nous préferver
de Y ennui ,• on s'abuferoit groffiérement.
Pour convaincre tout le monde de cette
vérité , fins nous attache* à la prouver par
|Jês réflexions philofophiques qui nous mé-
ENN
neroient trop loin , il nous fuffira de parler
d'après les faits , & de tranferire ici , des
anecdotes dujieclede Louis XIV , un feul
trait d'une des lettres de madame de Main-
tenon à madame de la Maifonfort: il efl
trop inftruclif & trop frappant pour n'y pas
renvoyer le le&eur.
" Que ne puis-je , dit madame de Main-
» tenon , vous peindre l'ennui qui dévore
» les grands , & la peine qu'ils ont à rem-
» plir leurs journées ? Ne voyez-vous pas
» que je meurs de trifteffè dans une for-
» tune qu'on auroit eu peine à imaginer ?
» Je fuis venue à la plus haute faveur ,
» & je vous protelle , ma chère fille ,
f> que cet état me laifïe un vuide af-
» freux. » Elle dit un autre jour au comte
d'Aubigné fon frère : " Je ne peux plus
» tenir à la vie que je mené ; je voudrois
» être morte. » On fait quelle réponfe il
lui fit.
Je conclus que fi quelque chofè étoit
capable de détromper les hommes du
bonheur prétendu des grandeurs humai-
nes , & les convaincre de leur vain ap-
pareil contre X ennui ; ce feroit ces trois
mots de madame de Maintenon : Je
n'y peux plus tenir ; je voudrois être
morte. Article de M. le chevalier de
J AU COURT.
ENO , ENOS , jENOS , ( Ge'ogr.
mod. ) ville de la Romanie dans la Tur-
quie Européenne ; elle efl fituée proche du
golfe de même nom. Long. 43 > 5° i lat*
40 , 46.
ÉNONCÉ , f. m. {Logique & Géométrie. )
Ce mot s'applique aux propofitions & aux
termes dans lefquels elles font préfentées.
Ainfi on dit , cette propofition eft obfcure
dans fon énonce' y voici dénoncé de la pro-
pofition , &c. ( O )
ENONCIATION , f. £ . ( Logique. )
expreffion fimple d'une chofe en termes
d'affirmation ou de négation.
Les philofophes fcolaftiques diftinguent
ordinairement trois opérations de l'efprit ;
Pappréhenfion ou perception , dénonciation
ou jugement, & le raifonnement. Voye\
ces mots.
Enonciation 9 en Logique , lignifie la
même chofè que propofition. Voye\ PRO-
POSITION.
E N P
*ENOPTE , f. m. ( Hifl.anc.) c'étoit
dans les repas une efpece d'infpe&eur qui
veilloit à ce que chacun bût également ;
apparemment afin que le bon fens s'afFoi-
blifîant dans chacun en même propor-
tion , il n'y eût pas la moitié d'une
table enivrée qui fervît d'amufement & de
fpeclacle à l'autre moitié qui feroit refrée
fobre.
*ENOPTROMANTIE, {.{.{Divin.)
efpece de divination par le miroir. Ce miroir
magique montroit les événemens à venir ou
paflës , même à celui qui avoit les yeux
bandés. h'énoptromant étoit un jeune gar-
çon ou une Femme. Les Theflaliennes écri-
voient leurs réponles fur le miroir en ca-
ractères de fang ; & ceux qui les avoient
confultées , lifoient leurs de/lins , non fur
le miroir , mais dans la lune , qu'elles fe
vantoient de faire defcendre du ciel : ce
qu'il faut entendre apparemment , ou du
miroir même qu'elles faifoient prendre
pour la lune aux fuperftitieux qui recou-
roient à cette forte d'incantation , ou de
Fimage de la lune qu'elles leur montroient
dans ce miroir.
ENORCHIS, f. f. ( Hifi. nat. Minéra-
logie. ) Les naturalises ont donné ce nom
à une pierre dont la figure reflTemble aux
tefticules ; ordinairement ce n'eft autre
chofe que deux pyrites fphériques join-
tes enfemble par un de leurs cotés ; ce-
pendant il y en a qui font feules & déta-
chées: celles-là font communément de la
groflêur d'un œuf de pigeon , & contien-
nent intérieurement une autre pierre qui eu
adhérente à l'enveloppe intérieure , & dont
elle remplit la capacité. Cette efpece d'énor-
chis eu d'un gris de Gendre à l'extérieur ;
la pierre intérieure eft d'une couleur obf-
cure & foncée , & n'eft point luifante. Boëce
de Boot la regarde comme une efpece de
géode y & dit qu'il s'en trouve près de
Prague en Bohême. ( — )
ENPOINTER, v. aÔr en terme d*E-
pinglier y fe dit de l'action de faire la pointe
cFune épingle , fans avoir égard à fa finefîe ,
bl à Tébauchage. On fe fert, pour enpoin-
ter les épingles , d'une meule d'acier tail-
ladée fur toute fa furface. Voye\ MEULE
Cette meule eil plus ou moins grofîê , félon
q,u£ l'on fait defïus les pointes fines ou les
E N Q_ 49 j
grones. Voye\ Pointes Fines & Poin-
tes GROSSES. Voye\ V article EPINGLE.
ENQUERE , v, acl. ( terme de Blafon. )
On nomme armes en enquere celles dont
les pièces de métal font fur un champ
de métal , ou celles qui , étant de cou*
leur, fe trouvent fur un champ de cou-
leur.
Armes à enquere fe dit auili d'un chef
de métal chargé de pièces pareillement de
métal , ou de celui qui , étant de couleur ,
eil chargé de pièces de couleur.
Ce terme vient du vieux verbe Gau-
lois enquere , s'enquérir , s'informer ; parce
que les armoiries de métal fur métal i
ou de couleur fur couleur , étant contre
l'ufage de l'art héraldique , donnent occa~
fion de— demander pourquoi on les porte
ainfi.
Bourbon de Bu Met deChalus, à Paris;:
d'azur , à trois /leurs de lis d'or y un bâton
de gueules péri au centre de Vécu\ au chef
d' argent chargé d' une croix potencée d'or y.
cantonné de quatre croifettes de même. Ar-
mes à enquere. ( G. D. L. T. )
ENQUETE , f. fi inquijztio y ou fuivanr
l'ancien ftyle du palais inquiefia ( Jurifpr. )
efl un procès-verbal rédigé par ordre & en
préfence d'un juge ou commiffaire , con--
tenant des dépofitions de témoins fur des
faits dont quelqu'un veut avoir la preuve ,
foit par cette voie feule , foit pour faire
concourir cette preuve teftimoniale avec
quelque preuve par écrit.
Autrefois fous le terme d'enquête on<
comprenoit également les enquêtes propre--
ment dites , c'eft-à-dire , celles qui fe font
en matière civile , & les informations qui
font des efpeces d'enquêtes en matière cri-^
minelle; mais préfentement on ne donne
le nom d'enquête à ces fortes d'actes, qu'en
matière civile.
L'ufage des enquêtes y ou du moins de
la preuve par témoins , eft de tous les
temps & de tous les pays •;_ mais les forma-
lités des enquêtes ne font pas par-tout uni-^
formes , & elles ont foufïèrt plufieurs chan-~
gemens en France.
Les enquêtes font verbales ou par écrit t
les premières font la même chofe que ce^
qu'on appelle enquête fommaire. Voyez r
, ci-après , ENQUETE SOMMAIRE,-
4î)5 E N Q.
On appelle enquêtes par écrit , celles
qui ont été ordonnées par un jugement en
vertu duquel elles font rédigées avec toutes
les formalités ordinaires.
Ces formalités ont été réglées par l'or-
donnance de 1667, tit. xxij , fuivant le-
quel dans les matières où il échet de faire
enquête , le même jugement qui les ordonne
doit contenir lesfairs dont les parties pour-
ront refpedivemcnt informer (ans autres
interdits & réponfes , jugemens ni com-
mi liions. Voye\ INTERDITS.
Lorlque ['enquête efl taire au même lieu
où le jugement a été rendu , ou dans la
diliance de dix lieues , elle doit être com-
mencée dans la huitaine du jour de la
lignification du jugement faite à la partie
ou à fon procureur , & achevée dan? la
huitaine fuivante. Si la diflance efl plus
grande , le délai augmente d'un jour pour
dix lieues; le juge, peut néanmoins , fi le
cas le requiert , donner une autre huitaine
pour La confection de 1 'enquête , fans que
le délai puifïè être prorogé.
Après que les reproches ont été fournis
contre les témoins , ou que* le délai d'en
fournir efl paMé , on porte la cauiè à l'au-
dience , fans faire aucun ade ou procédure
pour la réception de Yenquête,
Il n'efl plus d'ufage comme autrefois de
faire la publication de V enquête , c'eft-à-
dire , d'en faire la ledure publique à l'au-
dieace ; la communication deVenqucte tient
lieu de cette publication ; on ne fournit
plus auflî de moyens de nullité par écrit
après les reproches , iauf à lespropofer en
l'audience ou par contredits , fi c'efl en
procès par écrit.
Si Y enquête d'une partie n'eft pas achevée
dans les délais de l'ordonnance , l'autre par-
tie peut pourfuivre l'audience fur ua fim-
ple ade , fans qu'il foit befoin de faire dé-
clarer l'autre partie forclofe de faire enquê-
te , comme cela fe pratiquoit autrefois; ce
qui efl abrogé par l'ordonnance.
Les témoins doivent être affignés à per-
fonnes ou domicile , pour dépofer , & les
parties au domicile de leur procureur , pour
voir prêter ferment aux témoins : cela fe
fait en vertu d'ordonnance du juge , fans
commiflion du greffa.
Le jour & l'heure four comparoir doivent
*t*d
E N Q^
être marqués dans les affignations données
aux témoins & aux parties ; & fi les affignés
ne comparent , on diffère d'une autre
heure , après laquelle les témoins préfens
prêtent ferment & font ouis; à moins que
les parties ne confentent la remife à un au-
tre jour.
**Les témoins doivent comparoir à l'heure
de l'aflignation , ou au plus tard dans l'heure
fuivante , à peine de dix livres , au paiement
de laquelle ils peuvent être contraints par
faifie & vente de leurs biens , mais non pas
par emprifonnement , à moins que cela
ne fût ainfi ordonné par le juge , en cas de
manifeffe défobéifîance. Les ordonnances
des juges font exécutoires contre les té-
moins , noriobflant oppofition ou appel-
lation ; celles des commilTaires-enquêteurs
le font aufii pour la peine de dix livres
feulement.
Soit que la partie compare , ou non ,
au jour indiqué , le juge ou commiMairc
prend le ferment des témoins qui font pré-
fens , & procède à la confedion de Y enquête y
nonobfrant & fans préjudice de toutes op-
pofitions ou appellations , fauf au défaillant
a ptopofer Ces reproches ou moyens après
Yenquête.
Si le juge fait Y enquête dans le lieu de fa
réfidence , & qu'il foit réeufé ou pris à
partie , il efl tenu de furfeoir jufqu'à ce que
les réeufations & prifes à parties aient été
jugées.
L'édit de novembre 1^78 , & une décla-
ration du 14 décembre 1580, avoienteréé
des adjoints aux enquêtes , dont la fonc-
tion étoit d'afîifter aux enquêtes : mais
l'ordonnance de 1667 a fupprimé la fonc-
tion de ce* adjoints; & la déclaration du
mois de novembre 1717 a pareillement
fupprimé les fubitituts-adjoints , qui avoient
été créés en 1696.
Le juge ou commifîaire , en quelque
cour ou jurifdidion que ce foit , doit re-
cevoir lui-même le ferment & la dépofition
d.e chaque témoin , fans que le greffier ni
autre puiffe les recevoir , ni les rédiger
par écrit hors la préfence du juge ou com-
mifîaire.
On doit faire mention au commence-
ment de la dépofition , du nom , furnom ,
âge , qualité , & demeure du témoin , dit
ferment
E N Q
ferment par lui prêté ; s'il eft fervireur , pa-
rent ou allié de l'une ou l'autre des par-
ties , & en quel degré.
Les témoins ne peuvent dépofer en la
préfence des parties; ni même en préfence
des autres ! témoins , excepté lorfque les
enquêtes fe font à l'audience; hors ce cas ,
ils doivent être ouis chacun féparémènt ,
uns qu'il y ait aufll perfonne que le juge
ou commiffaire ck le greffier qui écrit l'en-
quête.
La dépofition achevée , on la doit lire au
témoin, ck l'interpeller de déclarer fi elle
contient vérité ; s'il y pifrfifte , il doit ligner
fa déposition, ou s'il ne peut le faire, il
doit le déclarer, ck on en doit faire men-
tion fur la minute ck fur la groffe.
Le juge ou le commiffaire doit faire
écrire tout ce que le témoin veut dire tou-
chant le fait dont il s'agit entre lés parties
fans en rien retrancher.
Si le témoin augmente , diminue ou
change quelque chofe à fa dépofition, on
doit l'écrire par apoftilles ck renvois en
imrge , qui doivent être fignés par le juge
& le témoin s'il fait ligner. On n'ajoute point
foi aux interlignes , ni même aux renvois
qui ne font point fignés ; & fi le témoin
ne fait pas figner, on en doit faire men-
tion , comme il a déjà été dit.
Le juge doit demander au témoin s'il
requiert taxe ; èk fi elle eft requife , le juge
la doit faire eu égard à la qualité , voyage,,
& (éjour du témoin.
Tout ce qui a été dit jufqu'ici doit être
obfervé à peine de nullité.
L'ordonnance défend en outre aux parties
de faire ouir, en matière civile , plus de
dix témoins fur un même fait , ck aux juges
ou commiffaires d'en entendre un plus
grand nombre ; autrement la partie ne peut
prérendre le rembourfement des frais qu'elle
aura avancés pour les faire ouir, encore que
tous les dépens lui fuffent adjugés en fin
de caufe.
Le procès-verbal ^enquête doit être fom-
maire , ck ne contenir que le jour ck l'heure
des afiîgnations données aux témoins pour
dépofer, ck aux parties pour les voir jurer ;
le jour ck l'heure des afiîgnations échues ;
leur comparution ou défaut ; la preftation
de ferment des témoins, û c'eft en lapré-
Tome, XII*
E N Q 497
f fence ou abfence de la partie ; le jour de
chaque dépofition ; le nom , furnom, âge ,
qualité ck demeure des témoins ; les réqui-
sitions des parties , ck les a êtes qui en feront
accordés.
Les greffiers ou autres qui ont écrit l'en-
quête ck le procès-verbal , ne peuvent pren-
dre d'émolumens que pour l'expédition de
la grofle , félon le nombre de rôles , au
cas que Y enquête, ait été faite au lieu de leur
demeure, èk fi elle a été faite ailleurs, ils
ont le choix de prendre leurs journées, qui
font taxées aux deux tiers de celles du juge
ou commiffaire.
Les expéditions ck procès - verbaux des
enquêtes ne doivent être délivrés qu'aux
parties , à la requête defquelles ^enquête
a été faite. Voye^ ENQUÊTE D'OFFICE.
Ceux que l'on prend pour greffiers en
des commiffions particulières , n'ayant point
de dépôt, doivent remettre la minute des
enquêtes èk procès-verbaux aux greffes des
jurifdi&ions où le différend eft pendant,
trois mois après la commiffion achevée ;
autrement ils peuvent y être contraints ,
fauf à eux de prendre exécutoire de leur
falaire contre la partie. Voye\_ l'art. 25.
L'ufage qui s'obfervoit autrefois d'en-
voyer des expéditions des enquêtes dans un
fac clos èk fcellé , a été abrogé par l'ordon-
nance , de même que les publications èk
réceptions d'enquête , èk tous jugemens por-
tant que l'on donnera moyens de nullité
par rapport aux reproches que l'on peut
fournir contre les témoins. Voye\ RE-
PROCHES.
Si celui qui a fait X enquête refufe ou né-
glige d'en faire lignifier le procès- verbal èk
donner copie , l'autre partie pourra le fom-
mer par un fimple exploit de le faire dans
trois jours , après quoi il pourra lever le
procès-verbal ; 6k le greffier fera tenu de
lui en délivrer expédition , en lui repré-
fentant l'acte de fommation èk lui payant
fes falaires de la grolfe , dont il fera délivré
exécutoire contre la partie qui en devoit
donner copie.
La partie quia fourni des reproches , ou
renoncé à en fournir, peut demander copie
de X enquête ; èk en cas de refus , ['enquête
doit être rejetée, ÔC l'on procède au juge-
ment.
Rrr
498 ENQ
Si celui contre qui Yenquête a été faite en
veut prendre avantage , il peut la lever en
fatisfaifant à ce qui a été dit dans l'article
précédent.
Celui qui levé ainfî l' enquête au refus de
fon adverfaire d'en donner copie , a huitaine
pour lever procès-verbal , 6c autant pour
lever Yenquête ; & fi elle a été faite hors du
lieu où le différend eft pendant , on donne
un autre délai à raifon d'un jour pour dix
lieues.
Ces délais de huitaine ne font que pour
les cours & pour les bailliages , fénéchauf-
fées & préfidiaux -, dans les autres lièges ,
chaque délai n'eft que de trois jours.
Avant de pouvoir demander copie du
procès-verbal de fa partie , il faut donner
copie du fien ; il en eft de même pour
Yenquête.
Celui qui a eu copie du procès-verbal &
de X enquête , ne peut, en caufe principale
ou d'appel, faire ouir à fa requête aucun
témoin , ni fournir des reproches contre
ceux de fa partie.
Si Yenquête a été ordonnée à l'audience
fans appointer les parties, les enquêtes doi-
vent être rapportées à l'audience pour y
être jugées fur un fimple acle..
Lorfque Yenquête eft déclarée nulle par
la faute du juge ou commiffaire, on en
fait une nouvelle aux dépens du juge ou
commiffaire y dans laquelle la partie peut
faire ouir de nouveau les mêmes témoins.
Vcye^ Commissaire-Enquêteur, &
ci-après ENQUETEUR , PREUVE PAR TÉ-
MOINS , Reproches, Témoins ; Franc.
Marc, tome I , quefi. 901 ; le Traité de la
preuve par témoins , de Danty ; la Biblio-
thèque de Bouchel , au mot témoins ; le
Traité des enquêtes & témoins , de Guillaume
Jaudin , inférés, dans Bouchel , loc. cit. (A)
Enquête d'examen a futur , étoit
celle qui fe faifoit d'avance & avant la con-
teftation en caufe , même avant que le pro-
cès fût commencé , lorfqu'on craignoit le
dépériflement de la preuve, foit que les té-
moins fuffent vieux , ou valétudinaires, ou
fur le point de s'abfenter.
Cette forme de procéder avoit été îrrée
par les docteurs & praticiens , tant du droit
civil que du droit canonique, notamment
ENQ
de furtis , /. 3 , § duœ , ff. de Carboniano
ediclo , & des décrétales j iuivantle chapitre
quoniam 5 , in princip. extra ; ut lue non
contefl. & cap. cum dileclœ , 4 ext. de con~
Jirm. utilit.vel inutilit.
Elle fut auffi autorifée par les anciennes
ordonnances , comme il paroît par celle de
Charles VIII, de l'an 1493, art. 58 , qui
défend néanmoins d'en faire en matière de
récréance ; & la raifon eft que cette pro-
cédure n'avoit lieu qu'en matière civile t,
& non en matière bénéficiale ou crimi-
nelle.
Quand le procès étoit déjà commencé ,
il falloit affigner la partie pour voir prêter
ierment aux témoins.
Lorfqu'on vouloit faire enquête avant qu'il
y eût procès commencé , il falloit des lettres-
en chancellerie adrefTantes au juge pour
faire ouir témoins ; & dans ce cas le juge
tenoit fa procédure clofe ck fecrete julqu'à
ce qu'il fût néceftaire de la produire : mais
la partie qui avoit fait faire cette enquête
de voit former fa demande dans un an au
plus tard , à compter de la confection de
V enquête, autrement Yenquête étoit nulle;
à l'égard du défendeur qui avoit fait une
telle enquête pour appuyer fa .défenfe jl'e*r--
quête àuxoit trente ans.
Les inconvéniens qu'on a reconnus dans
cette procédure prématurée , qui excitoit.
fouvent une prévention dans l'efprit des
juges, ont été caufe qu'elle a été abrogée:
par l'ordonnance de 1667, tit. xiij.
Les auteurs qui en parlent, (om le flyle-
du parlement , à la fin ; Joannes Ferrarius s<
cap. quando teftes pred. ad atern. rei mem*.
Mafuer, inprax. tit. de teftibus ; Imbert,,
en/es infiit.Jor. liv. I,ck. xliv ; Papon , en:
fes notes, liv. X, titre def lettres incid»
RebufT. tract, de cauf. benef. art. 2 , glojf.-
unic. n. 8 \ Bornier, fur ^ordonnance de-
Enquête ou Information : ces ter-
mes étoient autrefois fouvent confondus ;iL
y a encore certaines enquêtes civiles que l'on:
qualifie ^information, telle que l'informa-
tion de vie & mœurs. (A)
Enquête justificative ; quelques
praticiens donnent ce nom à Yenquête que
i'accufé fait pour prouver fon innocence ,.
de la loi ^o,ff..ad. legt aquiliam 9J.;3 2 ,jf. lorfqu'oo l'a admis à la preuve de fes faits
E N Q
juftificatifs. Voyei la pratique de Mafuer ,
p. 292 , & Faits justificatifs. (A)
Enquête d'office eft une information
que le juge ordonne & fait de fon propre
mouvement & fans y être provoqué par
perfonne , pour inftruire fa religion fur
certains faits qui ont1 rapport à quelque
affaire dont la connoiffance lui appartient:
quoique ces fortes d'enquêtes fe fartent à la
xequête du miniftere public , on ne laiffe
pas de les appeller toujours enquêtes d'office ,
pour dire qu'il n'y a point de partie privée
qui les ait demandées.
Les avis de parens &c amis que le juge
ordonne à l'occafion des tu telles, curatelles,
émancipations , interdictions , font des
enquêtes d'office , lorfqu'il n'y a aucun pa-
rent qui les provoque.
C'eft aufîi une enquête d'office , lorfque
ie juge avant de procéder à l'enrégiftrement
de quelques ftatuts , privilèges , Se lettres-
patentes , ordonne qu'il fera informé de la
commodité ou incommodité de ce dont il
s'agit ; ce que l'on appelle vulgairement
Une enquête de commodo velincommodo.
Ces fortes ^enquêtes font quelquefois
qualifiées iï information , comme celle qui
fe fait de l'âge & des vie & mœurs d'une
perfonne qui fe préfente pour être reçue
dans quelque fonction publique ; ce que
l'on appelle communément une information
de vie & mœurs.
Il y a des formalités preferites pour les
enquêtes ordinaires , qui paroiffent inutiles
pour les enquêtes d'office , quoique l'ordon-
nance ne le dife point; par exemple, on ne
peut pas afligner la partie pour voir prêter
ferment aux témoins , n'y ayant point de
contradicteur dans ces fortes à! enquêtes.
Le terme à! enquête a" office n'eft guère
ufité qu'en matière civile : cependant quel-
ques auteurs l'appliquent aufli en matière
criminelle aux informations qui fe font à la
requête du miniftere public feul , fans qu'il
y ait de partie civile privée. Vbye£ lefiyle
de Cayron , pag. 221.
L'ordonnance de 1667 > tUre XXI) > arl*-~
de 24, fait mention de ces fortes d'enquêtes,
& ordonne qu'elles feront feulement déli-
vrées à la partie publique qui les aura fait
feire. Voyei auffi Loifeau , des offices ,
liv.I,ch. iv,n.s>.(A)
E N Q 499
Enquêtes du Parlement. Voyt^
Parlement à l'article Chambre des
Enquêtes.
Enquêtes ou Pièces. On comprenoit
anciennement fous le terme à? enquêtes,
non - feulement les enquêtes proprement
dites , mais généralement toutes fortes de
titres Se pièces qui fervoient à la prçuve
des faits. ÇA )
Enquêtes ou Procès ; ces termes
étoient autrefois fynonymes , fur-tout pour
les affaires de fait & procès par écrit , dont
la décifîon dépendoit des titres & pièces
que l'on comprenoit alors fous le terme
^enquêtes : il eft dit dans des lettres de
Philippe de Valois , du mois de juin 1338,
& dans d'autres du roi Jean , du mois de
janvier 1351 , qu'il ne fera point fait d'en-
quête en matière criminelle qu'après l'infor-
mation ; ce qui fe rrouve expliqué encore
plus clairement dans d'autres lettres du roi
Jean , du 12 janvier 1354, où il eft dit, non
obflante quodproceffus feu inquefioz inchoatœ
fuerint in nofira dicta curia parlamenti.
On trouve encore quelque chofe de fem-
blable dans des lettres du mois de mai 1358,
données par le dauphin, qui fut depuis le
roi Charles V. (A)
Enquêtes de sang , fignifioit autrefois
information en matière criminelle ; elles
étoient ainfî nommées à caufe que dans
ces matières elles tendent fouvent à faire
infliger à l'accufé quelque peine qui em-
porte effufton de iang. L'ordonnance de
Philippe V, dit le long, du mois de dé-
cembre 1320 , pour le parlement , porte
que les enquêtes feront remifes en trois hu-
ches ou coffres ; favoir , en l'une les en-
quêtes à juger, en l'autre les enquêtes ju-
gées, & en la troifieme les enquêtes de
fang. (A)
Enquête SECRETE;les informations en
matière criminelle étoient quelquefois ainfî
nommées, parce qu'une des principales
différences qu'il y a entre ces fortes de
preuves & les enquêtes civiles , c'eft que
les informations font pièces fecretes. (A )
Enquête sommaire eft celle qui fe
fait fommairement &fans beaucoup de for-
malité , lorfque le juge entend les témoins à
l'audience , comme il fe pratique dans les
matières fommaires.
Rrr 2
5oo ENQ
L'ordonnance de 1667, lit. xvij, art. 8,
dit que fi les parties Te trouvent contraires
en faits dans les matières fommaires , 6c
que la preuve par témoins en foit reçue,
les témoins feront ouis en la prochaine au-
dience , en la préfence des parties fi elles
comparent , finon en abfence des défail-
lans ; 6c que néanmoins , à l'égard des
cours , des requêtes de l'hôtel, 6c du palais
6c des préfidiaux , les témoins pourront
être ouis au greffe, par un confeiller , le
tout fommairement , fans frais , & fans
que le délai puifTe être prorogé.
L'article 9 ajoute que les reproches feront
propofés à l'audience avant que les témoins
foient entendus , fi la partie en préfente ;
qu'en cas d'abfence , il fera pafté outre à
l'audition , & qu'il fera fait mention fur le
plumitif ou par le procès - verbal , fi c'eft
au greffe , des reproches & de la dépofition
des témoins. Voyt^ aujji l'article 2J de
l'ordonnance. (A)
Enquêtes par turbes , éroit une ef-
pece d'acte de notoriété ou information
que les cours fouveraines ordonnoient quel
quefois , lorfqu'en jugeant un procès il fe
trouvoit de la difficulté, foit fur une cou
tume non écrite , foit fur la manière cfufer
pour celle qui étoit rédigée par écrit, ou
fur le ftyle d'une jurifdicYton , ou enfin
concernant des limites ou une longue pof-
feffion , ou fur quelqu'autre point de fait
important.
On les appelloit ainfi , parce que les. dé-
positions étoient données/7£r turbas , 6c non
l'une après l'autre , comme il fe pratique
dans les enquêtes ordinaires 6c dans les in-
formations.
Ces fortes ^enquêtes ne pou voient être
ordonnées que par les cours fouveraines ;
les préfidiaux même n'en pouvoient pas
ordonner.
La cour ordbnnoit qu'un confeiller fe
tranfporteroit dans la jurifdiétion principale
de la coutume ou du lieu.
Le commiftaire y faifoit affembler , en
vertu de l'arrêt, les avocats, procureurs
6c praticiens du bailliage ; il leur donnoit
les faits 6c articles ; 6c les turbiers après
être convenus de leurs faits , envoyaient
au commifTaire leur avis au déclaration par
un député d'entr'eux.
ENQ
Chaque turbe devoit être compofée stî
moins de dix témoins ; & il falloir du
moins deux turbes pour établir un fait,
chaque turbe n'étant comptée que pour un ,
fuivant les ordonnances de Charles VII,
en 1446, article 22; de Louis XII, en 1498,
article 1 3 ; de François I, en 1535, chap.
pij , articles 4 & y.
Ces enquêtes occafionoient de grands
frais; elles étoient fouvent inutiles à caufe
de la diverfité des opinions , 6c toujours
dangereufes à caufe des factions qui s'y
pratiquoient; c'eft pourquoi elles ont été
abrogées par l'ordonnance de 1667, th. xiij.
Il y en a cependant eu depuis une, con-
firmée par un arrêt du confeil , du 7 fep-
tembre 1669; mais elle avoit été ordonnée
dès 1666 , 6c il y avoit eu arrêt en I66S'-,
qui avoit permis de la continuer.
Préfentement lorfqu'il s'agit d'établir un.:
ufage ou un point de jurifprudence ; on.
ordonne des actes de notoriété , ou bien
on emploie des jugemens qui ont été ren-
dus dans des cas femblables à celui dont il
s'agit. Fbyet Notoriété. (-<4)
Enquête verbale. Voye\ Enquête
sommaire-
Enquête VIEILLE , c'eft-à-dire , une
enquête faite anciennement avec d'autres
parties : elle ne laiffe pas de faire preuve
quand elle eft en bonne forme; mais étant
res inter. alios acla , elle n'a pas la même
force que celle qui eft faite contre la même
partie. Voyeç Peleus , quefi. 46. (A)
ENQUÊTEURS , f. m. pi. (Jurifp.)
font des officiers établis pour faire les en-
quêtes 6c informations; on lés appelle au ffi
examinateurs , parce qu'ils font l*èxamen
des comptes , & ces deux titres font ordi-
nairement précédés de celui de commif-
faire , parce que ces offices ne font propre-
ment que des commuions particulières
établies pour décharger le juge d'une partie
de î'inftruction. Ce qui concerne ces offi-
ciers a déjà été expliqué aux mots COM-
MISSAIRE au Chatelet & Commis-
saires -Enquêteurs , auxquels nous
renvoyons. (A )
Enquêteurs des forets , inquifito"
resforejlarum , étoient des commiffaires en-
voyés par le roi dans les provinces, pour
, ccnnoirre des abus qui fe commettoient
ENR
«ferre ftifage ou exploitation des bois. Il y
a dans le tabulaire de S. Victor, à Paris,
(ckap.xii/.) un jugement fort ancien , dont
la date ne peut fe lire, rendu par Me. Phi-
lippe le Convers, tréforier de S. Etienne
de Troyes , clerc du roi , & Guillaume de
Saint-Michel , enquêteurs des forêts. ÇA)
ENQUIS , ad). ÇJurifprud.) Ce terme
qui vient & enquérir , fignifie à peu près la
même chofe qu'interrogé. Il eft ufité prin-
cipalement dans les enquêtes ; le procès-
verbal dit , en parlant d'un témoin , enquis
de fes nom , furnom , âge & qualités , a
répondu , &c. Voyt\ ENQUÊTE. ÇA)
ENRAYER, v. neut. ( Manège, Maré-
chal.) exprefîion en ufage , en parlant d'une
voiture quelconque à deux ou à quatre
roues , pour défigner l'action de fixer une
ou deux d'entr'elles , de manière que la voi-
ture étant mife en mouvement , elles de-
meurent immobiles, & gliflentfur leterrain
au lieu d'y rouler.
Cette précaution eft extrêmement pru-
dente , lorfqu'il eft queftion de defcendre
une montagne rapide. Par ce moyen , on
foulage considérablement les chevaux qui
pourroient fuccomber fous le poids du
fardeau qui les pouffe , & qu'ils font obligés
de retenir avec une force qui met à des
épreuves cruelles leurs reins & leurs jar-
rets. On conçoit, fans doute j les acci-
dens qui pourroient arriver, fi ce même
poids , à la chute duquel ils s'oppofent ,
î'emportoit fur leur réfiftance. Voye^ En-
RAYURE. (e)
ENRAYURE, f. f. (Manège, Maré-
chal.) On appelle de ce nom toute corde ,
toute longe , tout lien deftiné à enrayer une
voiture. Une fimple corde propre à tout
autre ufage, eft nommée ainfi, lorfquon
s'en fert à cet effet. Communément celles
qui y font confacrées , font repliées en
boucle à l'une de leurs extrémités ; on les
paiTe d'abord dans un des brancards , &c
on les y fixe, en introduifant l'extrémité,
ncoi repliée dans l'anneau fait à l'autre.
Après les y avoir fermement arrêtées', on
fait plufieurs tours, enembraffantdeux rais
de la roue ck le même brancard en avant
de la bande de cette même roue , & l'on
termine toutes ces circonvolutions par un
double noeud coulant. II. en eft d'autres
•ENR 501
que Ton pafTe de même dans le brancard;
mais l'extrémité qui répond aux roues eft
garnie d'un crochet de fer très-gros & très-
fort que Ton accroche à un rais feulement.
Celle-ci eft plus ordinairement faite d'un
cuir , ayant la même force que les traits des
harnois ; on arrête ce cuir par le moyen
d'une boucle* au brancard qu'il embraffe ,
tandis que le crochet attaché à ce cuir par
le moyen d'un anneau de fer , tient pareil-
lement à un des rais.
h'enrayure ordinaire des voituriers , des
charretiers & des rouliers , confifte dans une
grande perche qu'ils attachent par un bout
à l'extrémité poftérieure du brancard, en;
arrière de la bande de la roue , & à l'extré-
mité antérieure en avant de la même bande ,
pour que cette même perche , par fpn appui
force contre les jantes de la roue, occa-
fione un frottement qui tient lieu dé.
Yenrayure , & fatigue moins le rouage.
O)
ENRAYURES, f. f. Ipl. Ç Charpente.)
c'eft l'affemblage de toutes les pièces qui'<
compofent une ferme.
ENREGISTREMENT ,T. m. (Juri/p.)
fignifie en général la tranfcription d'un aclt-
dans un regiflre , foit en entier ou par"
extrait. Cette formalité a pour objet decon-r
ferver la teneur d'un afte dont il peut im-
porter au roi, ou au public, ou à quelque
particulier , d'avoir connoiflance.
Les marchans & négocians , banquiers &
agens de change, font obligé, fuivant l'or-
donnance du commerce , d'avoir des livres
ou regiftres ,.& d'y enregistrer • ( ou écrire )
tout leur négoce., leurs lettres de change,
dettes aftives &paffives.
On enregistre les baptêmes , mariages &
fépultures, vêtures, profeflions en religion,
en infcrivant les adtes fur des regiftres pur
blics deftinés à cet effet. .
Les a&es fujets au contrôle, infinuation,-
centième denier ou autre droit, font enrê~
giftrés , c!eft-à-dire , tranfcrits en entier ou
par extrait fur les regiftres deftinés pour ces
formalités.
On enrégifire aufli les faifies réelles , lés -
criées , les fubftitutions, des bulles & pro —
yifions, &c.ÇA)
ENREGISTREMENT des ordonnances,^
502 ENR
édits , déclarations ck autres lettres-paten-
tes , pris dans le fens littéral , n'eft autre
chofe que la tranfcription de ces nouveaux
xéglemens que le greffier des jurifdi&ions ,
foit fupérieures ou inférieures , fait fur les
regiftres du tribunal , en conféquence de la
vérification qui en a été faite précédemment
par les tribunaux fupérieurs qui ont le
droit ck le pouvoir de vérifier les nouvelles
loix.
Néanmoins , dans l'ufage , on entend
aufli par le terme tf enrégijlrement la véri-
fication que les cours font des nouvelles
ordonnances; l'arrêt ou jugement qui en
ordonne Y enrégijlrement ; l'admiflion qui
<eft faite en conféquence, par le greffier,
du nouveau règlement au nombre des
minutes du tribunal ; le procès - verbal
qu'il dreffe de cet enrégijlrement ; la men-
tion qu'il en fait par extrait fur le repli
des lettres : on confond fouvent dans le
difcours toutes ces opérations , quoiqu'elles
ibient fort diffc rentes les unes des autres.
La vérification eft un examen que les
cours font des lettres qui leur font adref-
fees par le roi , tant pour vérifier , par
les formules nationales , fi le projet de loi
qui eft préfenté eft émané du prince,
ou fi au contraire les lettres ne font point
iuppofées ou falfifiées , que pour déli-r
-bérer fur la publication ck enrégijlrement
d'icelles , ck confentir , au nom de la
nation , que le projet de loi foit regiftré ck
exécuté , au cas qu'il y ait lieu de l'approu-
ver.
L'arrêt 8 enrégijlrement eft le jugement
qui , en conféqaence de la vérification qui
a été faite , ck du confentement donné à
l'exécution de la loi, ordonne qu'elle fera
anife au nombre des minutes du tribunal , ck
tranfcrite dans {es regiftres.
L'admiflion du nouveau règlement au
nombre des minutes du tribunal , 6k qui eft
Je véritable enrégijlrement , a pour objet de
marquer que la loi a été vérifiée ck reçue ,
ck en même temps de conftater cette loi,
en la confervant dans un dépôt public où
.elle foit permanente, ck où l'on puifle re-
courir au befoin, ck vérifier fur l'original
la teneur de (qs difpofitions. Elle eft diffé-
rente de la tranfcription qui fe fait 4e ce
ENR
même règlement fur les regiftres en par-
chemin, pour mieux en aflurer la conser-
vation.
Le procès-verbal $ enrégijlrement eft la
relation que fait le greffier de ce qui s'eft
pafte à l'occafion de la vérification ck enré-
gijlrement , ck de l'admiflion qui en a été
faite en conféquence du nouveau règlement
entre les minutes du tribunal.
La mention de Y enrégijlrement que le
greffier met fur le repli des lettres , eft un
certificat fommaire par lequel il attefte
I qu'en conféquence de l'arrêt de vérifica-
tion ck enrégijlrement , il a mis le règlement
au nombre des minutes ck regiftres du tri-
bunal.
La tranfcription fur les regiftres en par-
chemin n'eft qu'une fuite de Yenrégijlrementy
ck une opération qui ne fe fait quelquefois
que long-temps après , pour la police du
greffe ck pour fuppléer au befoin la minute
du règlement.
On conçoit , par ce qui vient d'être dit ,
combien la vérification eft différenre de la
fimple tranfcription qui fe fait dans les
regiftres ; mais comme le ftyle des cours ,
lorfqu'elles ontlvérifié une loi , eft d'ordon-
ner qu'elle fera regiftrée dans leur greffe ,
il eft arrivé de là que , dans l'ufage , lorf-
qu'on veut exprimer qu'une loi a été vérifiée,
on dit communément quelle a été enrégif-
trée ; ce qui, dans cette occafion , ne figni-
fie pas Amplement que la loi a été inférée
dans les regiftres ; on entend principale-
ment par-là que la vérification qui pré-
cède néceflairement cet enrégijlrement a été
faite.
Toutes les différentes opérations dont
on vient de parler, fe rapportent à deux
objets principaux ; l'un eft la vérification
du nouveau règlement , l'autre eft fon
admiflion dans les regiftres du tribunal :
c'eft pourquoi l'on fe fixera ici à deux
objets , c'eft-à-dire , que l'on expliquera ,
d'abord ce qui concerne Y enrégijlrement ,
en tant qu'il eft pris pour la vérification ,
ck enfuite Y enrégijlrement en tant qu'il
fignifie l'admiflion ou tranfcription du ré-»
glement dans les minutes ck regiftres du
tribunal.
Avant d'expJiquer de quelle manière on
procède à la vérification ck enrégijlrement
EN R
<fune loi il eft à propos de remonter à
l'origine des vérifications & enrégiflremens ,
& de rappeller ce qui fe pratiquoit aupara-
vant pour donner aux nouvelles loix le
caractère d'autorité néceffaire pour leur exé-
cution.
On a toujours eu l'attention , chez tou-
tes les nations policées , de faire examiner
les nouvelles loix que le prince propofe ,
par ceux qu'il a lui-même chargés du
foin de les faire exécuter. La loi viij , au
code de legibus , fait mention que les nou-
velles loix doivent être propofées en pré-
fence de tous les grands officiers du pa-
lais & des fénateurs. Vopifcus dit de
l'empereur Probus qu'il permit aux féna-
teurs ut leges quas ipfe ederet fenatûs-con-
fulùs propriis confecrarent ; ce qui reffem-
ble parfaitement à nos arrêts tfenrégiftre-
ment.
En France , on a pareillement toujours
reconnu la néceflité de faire approuver
les nouvelles loix par la nation , ou par
les cours fouveraines qui la repréfentenr
en cette partie, & qui étant dépositai-
res de l'autorité royale , exercent à cet
égard un pouvoir naturel , émané du roi
même par la force de la loi", c'eft ainfi
que s'expliquoit le chancelier Olivier ,
dans un difeours fait au parlement en
rW- . -
Il eft vrai que jufquau treizième flecle
il n'eft point parlé de vérifications ni â'en-
régiftremens ; mais il y avoit alors d'autres
formes équipollenres.
Sous les deux premières races , lorfque
nos rois vouloient faire quelque loi nou-
velle , ils la propofoient ou faifoient pro-
poser par quelque perfonne de confidé-
ration , dans un de ces parlemens géné-
raux ou affemblées de la nation , qui fe
renoient tous les ansr d'abord au mois de
mars , & que Pépin transféra au mois de
mai.
Ces affemblées étoient d'abord compofées
de toute la nation , des grands & du peu-
ple ; mais fous ce nom de peuple on ne
comprenoit que les Francs , c'eft-à-dire ,
ceux qui compofoient originairement la na-
tion Françoife , ou qui étoient defeendus
d'eux, ck ceux qui étoient ingénus, c'eft-
à*-dire ,, libres,.
E N R 505
Chacun dans ces affemblées avoit droit
de fuffrage : on frappoit fur fes armes pour
marquer que l'on agréoit la loi qui étoit
propofée ; ou , s'il s'élevoit un murmure
général , elle étoit rejetée.
Lorfque l'on écrivit ck que l'on réforma
la loi falique fous Clovis, cette affaire fut
traitée dans un parlement, de concert avec
les Francs , comme le marque le préambule
de cette loi : Clodoveus unà cum Francis-
pertraclavit ut ad titulos aliquid amplihs
adderet ; c'eft aufli de-là qu'on lui donna
le nom de pacte de la loi falique. On voir j'-
en effet , que ce n'eft qu'un compote
d'arrêtés faits fucceflivement dans les dif*
férens parlemens : elle porte , entr'autres
chofes ,. que les Francs feroient juges les
uns des autres avec le prince , ck qu'ils
décerneroient enfemble les loix à l'avenir,
félon les occasions qui fe préfenteroient,
foit qu'il fallût garder en entier ou réfor-
mer les anciennes coutumes venues d'Alle-
magne.
Aufli Childebert en ufa-t-il de cette forte,
lorfqu'il fit de nouvelles additions à cette
loi : Childtbertus traclavit , eft-il dit , cum
Francis fuis. ■
Ce même prince , dans un décret qui
contient encore d'autres additions , déclare
•qu'elles font le réfultat d'un parlement com-
pofé des grands ck des personnes de toutes
conditions ; ce qui ne doit néanmoins être
entendu que de perfonnes franches cklibres:
Cum nos omnes , calendis Mardi , ( con-
gregatij de quibufeumque conditionibus ,
\ una cum noftris optimatibus pertrac7avimus0
Ces additions furent même faites endiffé-
•rens parlemens ; l'une eft datée du champ de
Mars d'Atigny , l'autre du champ de Mars
fuivant , une autre du champ de Mars tenu
à Maeftricht, &c.
Les autres loix anciennes furent faites de
la même manière : celle des Allemands,
par exemple , porte en titre, dans les an-
ciennes éditions , qu'elle a été établie par
fes princes ou juges, ck même par tout le'
peuple : Quœ temporibus Clotarii régis ,.
uriâ cum principibus fuis , idfunt 34 *pif~\
copis , & 3 4 ducibus , & y 2. comitibus ,pefc
cœtero populo conftituta eft.
Oh lit aufli dans la loi des Bavarois ,-
q&i fut dreffée par Thierry, ck revue
5^4 ENR
fuccefnVernent par Childeberf, Clotaire &
Dagobert , qu'elle fut réfolue par le roi
& Tes princes , & par tout le peuple :
Hoc decretum eft apud regcm & principes
ejus , & apud cunclum popuLum chrif-
tianum, qui intrà regnum Mervengorum
confiant.
Toutes les autres loix de ce temps font
mention du contentement général de la
nation , à peu près dans les mêmes ter-
mes : Placuit atquc convenu inter Francos
& eorum proceres ; ita convenu & placuit
leudis noftris. Ce terme leudis comprenoit
slors , non - feulement les grands , mais ,
en général , tous les Francs , comme il
eft dit dans Yappendix de Grégoire de
Tours , in univerjîs leudis , tam jublimi-
bus quàm pauperibus. Pour ce qui eft
de l'ancienne formule , ita placuit & con-
tenu nobis , il eft vifible que c'eft de là
qu'eft venue cette claufe de ftyle dans
les lettres-patentes , car tel efl notre plai-
fir , &c.
Les affemblées générales de la nation
«étant devenues trop nombreufes , on n'y
admit plus indiftincîement toutes les per-
fonnes franches : on aflembloit les Francs
'dans chaque province ou canton pour
avoir leur fuffrage , & le vœu de chaque
affemblée particulière étoit enfuite rap-
porté par des députés à l'afTemblée géné-
Tale , qui n'étoit plus compofée que des
•grands du royaume , & des autres per-
sonnes qui avoient caractère pour y aiîlf-
*er , tels que les premiers fénateurs ou
•confeillers.
C'eft ainft que Charlemagne , l'un de
nos plus grands & de nos plus puiftans
monarques , en ufa , lorfqu'il voulut faire
tune addition à la loi falique ; il ordonna
que Ton demanderoit l'avis du peuple ,
&c que s'il confentoit à l'addition nouvelle-
ment faite , chaque particulier y mît fon
-feing ou fon fceau : Ut populus interro-
gctur de capitulis quee in lege noviter addita
funt , & pofiquam omnes confenferint fuf-
£riptiones vel manu firmationes fuas in
ipjis capitulis faciant. Cette ordonnance
-frit inférée dans la loi falique , & autorifée
jde nouveau par Charles le Chauve , lequel
iaiit inférer dans îepitome qu'il donna de
ENR
Plufieurs des capitulâmes de Charles le
Chauve portent pareillement qu'ils ont été
faits ex confenfu populi & conftitutione ré-
gis , notamment ceux des années 844 & 864.
C'eft donc de ces affemblées générales de
la nation que fe font formés les anciens par-
lem ans tenus fous la féconde race , lefquels ,
d'ambulatoires qu'ils étoient d'abord , furent
rendus (ëdentaires à Pans fous la troifieme
race , du temps de Philippe-le-Bel.
Lorque les pademens généraux furent
réduirs aux feuls grands du royaume , &
autres perfonnes qui avoient caractère pour
y aflifter, tous les Francs étoient cenfés y
délibérer par l'organe de ceux qui les y re-
préfentoient.
Les nouvelles ordonnances étoient alors
délibérées en parlement, le roi y féant, ou
autre perfonne qualifiée de par lui , c'eft-
à-dire, qu'elles étoient dreftées dans le par-
lement même, au lieu que dans la fuite on
en a rédigé le projet dans le confeil du
roi.
La délibération en parlement tenoit lieu
de la vérification & enregistrement , dont
l'ufage a été introduit depuis. Cette déli-
bération étoit d'autant plus néceflaire pour
donner force aux nouvelles loix , que fui-
vant la police qui s'obfervoit alors pour les
fiefs > les barons ou grands vaffaux de la
couronne qui étoient tous membres du
parlement, étoient chacun maîtres de leurs
domaines , qui coinpofoient au moins les
deux tiers du royaume ; ils s'étoient même
arrogé le droit d'y faire des réglemens : ÔC
le roi n'y pouvoitrien ordonner que de ieur
confentement , c'eft pourquoi il en eft fait
mention dans plufieurs ordonnances qui
dévoient avoir lieu dans les terres de ces
barons.
Tels font deux établifTemens ou ordon-
nances faites par Philippe- Augufte; l'une
du premier mai 1209, touchant les fiefs du
royaume , où il eft dit que le roi , le duc de
Bou rgogne , les comtes de Nevtrs , de Bou-
logne & de Saint-Paul , le féigneur de Dom-
pierre , & plufieurs autres grands du royau-
me , convient unanimement de cet éta-
blifTement : convenerunt 6* ajfenfu publico
formaverunt ,ut à primo die maii in pofte-
rum itajît de feodqlibus tenementis. L autre
ordonnance, qui eft fans date , eft un
accord
ENîl
accord entre le roi , les clercs Se les ba-
rons.
On trouve auflî un ctablifTement de
Louis*"VIII , en 1223 , où il dit : Noveritis
quod per voluntatem & qffenfum archiepifeo-
porum , epifeoporum , comitum , baronum &
militum regni Franciœ.... fccimusjlabilimen-
tumper Judœos.
Joinville , en fbn hiftoire de S. Louis ,
fait mention des parlemens que tenoit ce
prince pour faire les nouveaux établijfemens.
Il fuffît d'eu donner quelques exemples ,
tels que fon ordonnance du mois de mai
1246 , où il dit : Hcec autem omnia... de
commuai confdio & ajfenfu diclorum baronum
& militum. , volumus & prœcipimus , &c...
& ce qu'il fit touchant le cours des efterlins,,-
à la fin de laquelle il eft dit ,facla fuit hœc
ordinatio in parlamento omnium Sanclorum ,
anno Dominimillefimo ducentejimofexagejimo
quinto.
Le règne de «-Philippe III, dit le Hardi,
nous offre une foule d'ordonnances faites
par ce prince en parlement , notamment
celles qu'il fit aux parlemens de l'Afceuiion
en 1272 , de l'oâave de la ToufTaint de la
même année , de la Pentecôte de l'année
£u i vante , de l'AfTomption eu 1274, de la
ToufTaint ou de Noël en 1275 , de l'Epipha-
nie en 1277 , & de la ToufTaint en 1283.
Les ordonnances , ainfi délibérées en parle-
ment , étoient regardées en quelque forte
comme fbn ouvrage, de même que fesarrêts;
c'eft pourquoi on les inferivoit au nombre
des arrêts de la cour, comme il eft dit à la
fin des ordonnances de 1283 : Hcec ordina-
tio regijlrata eft inter judicia , confdia & ar-
refta expedita in parlamento omnium Sanclo-
rum , anno Domini 1283. La même chofefe
trouve à la fin d'une ordonnance de 1287 ,
& aufîi de deux autres de 1327 & de 1331 ,
& de plufieurs autres. .
Pfiilippe-le-Bel fit aufîi plufieurs ordon-
nances en parlement dans les années 1287 ,
1288 , 1290 , 1291 , 1296. La première de
ces ordonnances , qui eft celle de 1287 ,
commence par ces mots , ceft t ordonnance
faite par la cour de notre feigneur le Roi &
de fon commandement ; & à la fin il eft dit
quelle fut faite au parlement, & qu'elle fe-
roit publiée en chaque baillie en la première
afîife, &c.
Tome XII.
ENR 5o5
A la fin de celle de 1288 , il eft dit qua
fi quelqu'un y trouve de la difficulté , ou
confultera la cour du roi & les maîtres ( du
parlement. )
Il s'en trouve aufîi plufieurs du même
prince, faites en parlement depuis qu'il eut
rendu cette cour fédentaire à Paris en 1302 \
entr'autres celle du 3 octobre 1303 , faite
avec une partie feulement des barons^
parce que , dit Philippe-le-Bel , il ne pou-
voit pas avoir à ce confeil & à cette délibé-
ration les autres prélats & barons fi-tôt que
la nécefîité lerequesroit j & les barons dans
leur fbufeription s'énoncent ainfi : nous, parce
que ladite ordonnance nous femble convenable
& profitable a la befogne , & ft peu greveufe...
q-ue-mdne~9fa doit refufir^-nousy c&nfcmmis^.
L'ordonnance de ce prince du 28 février
1308 , deux autres du jeudi avant les Ra-
meaux de la même année , & une autre du
premier mai 1 3 1 3 , font faites eu plein par-
lement.
Il s'en trouve de fèmblables de Philippe VI
dit de Valois , des 24 juillet 1333 , 10 juillet
1336, 17 mai 1345 , <k après la St. Martin
d'hiver en 1 347.
Il y a encore bien d'autres ordonnances du
temps de ces mêmes princes , lefquelles fu-
rent aufîi délibérées en parlement , quoique
cela n'y fbit pas dit précifément , mais il eft
aifé de le reconnoître a l'époque de ces or-
donnances , qui font prcfque toutes datées
des temps voifins des grandes fêtes auxquels
on tenoit alors Je parlement.
On trouve encore , du temps de Charles
VI, un exemple de lettres du 5 mars 1388 ,
qui furent données en parlement.
Quelques - uns croient que l'on en ufa
ainfi jufqu'au règne du roi Jean , par rap-
port à la manière de former les nouvelles
loix dans l'aftëmblée du parlement, & que
ce fut ce prince qui changea cet ufage par
une de Tes ordonnances , portant que les
loix ne fbroient plus délibérées au parle-
ment , lorfque l'on en formoit le projet.
Le chancelier Olivier , dans un difeours
qu'il prononça au parlement eu 1559 , cite
cette ordonnance fans la dater i il y a appa-
rence qu'il avoit en vue l'ordonnance faite
le 27 janvier 1359 , pendant la captivité du
roi , par Charles , régent du royaume , &
qui fut depuis le roi Charles V j il dit
S £C
5c£ E N R
( art. 29 ) que dorénavant il ne fera plus
aucune ordonnance, ni n'o&roiera aucun pri-
vilège, que ce ne foit par délibération de
CGiix de fon confeil.
Mais l'ufagc de former les nouvelles or-
donnances dans le confeil du roi eft beau-
coup plus ancien que celle de 1 3 59 ; il s'étoit
introduitpeu-à-peu dès le temps de Philippe
jyi , & de fes fucceifeurs. La plupart des
nouvelles ordonnances commencèrent à être
délibérées dans le confeil du roi , qui étoit
au fil appelle le grand confeil du roi , & On
les envoyoit enfùite au parlefnent pour les
vérifier & enrégiflrer , comme ilfe pratique
encore présentement.
Il faut néanmoins prendre garde que ,
dans les premiers temps où les ordonnances
commencèrent à être délibérées dans le con-
feil , plufieurs des ordonnances qui font dites
faites ainfï , par le roi ou fon confeil , ou par
le confeil le roi préfent , ne lailfoient pas
detre délibérées en parlement, attendu que
le roi tetioit fouvent fou confeil' en parle-
ment. C'eft ainfi que l'ordonnance de Phi-
lippe IJI, dit le Hardi , touchant "les amor-
tiffemens qui feroient accordés par les pairs,
commence par ces mots: ordinatum fuit per
confilium de régis, regeprœfente ; ce qui n'em-
pêche pas qu'elle n'ait été faite au parlement
de l'Epiphanie en 12^77.
On a déjà vu que dès l'année 1283 , il eft
fait mention d'cnrégiflrement au bas de quel-
ques ordonnances. Ii eft vrai que la plupart
de celles où cette mention fe trouve avoient
été délibérées en parlement •-, de forte que
cet enrégift rement exprimé parle mot regif
trata, fe rapportoit moins à une vérification
telle qu'on l'entend aujourd'hui par le terme
cenrégi/lrement , qu'à une fimple tranferip-
tion de la pièce fur les regiftres ; la délibé-
ration faite en parlement tenoit lieu de véri-
fication.
La plus ancienne ordonnance que j'aie
trouvée du nombre de celles qui n'avoient
pas été délibérées en parlement , & où il
foit fait mention d'un enrégift rement qui
emporte en même temps la vérification de
la pièce , c'eft l'ordonnance de Philippe de
Valois , du mois d'octobre 1 3 34 s touchant
la régale. Ce prince mande à fès amés &
féaux les gens qui tiendront le prochain
parlement j &. aux gens des comptes 3 que
ENR
à perpétuelle mémoire ils fafTent ces préfèn-
tes enrégiflrer es chambres du parlement &c
des comptes , tk garder pour original au
tréfor des chartres.
On lit aufîi au bas des lettres du même
prince , du 10 juillet 1336 , concernant
l'évêque d'Amiens , lecla per cameram , re-
gifîrata in curia parlamenti in libro ordinU-
tionum regiarum , fol. 50 , anno nono. Ce
mot lecla fait connoître qu'il étoit dès-lors
d'ufage de faire la lecture & publication des
lettres avant de les enrégiflrer : celles- ci à
la vérité , furent données en parlement. Et
les autres mots regiftrata.... in libro ordina-
tionum , juftifient qu'il y avoit déjà des re-
giftres particuliers deftinés à tranferire les
ordonnances.
L'ufage de la lecture & publication qui
précède Yenrégijïrement , continua de s'affer-
mir fous les règnes fuivans. Il paroît par
une ordonnance du roi Jean , du mois de
mai 1355, par laquelle il confirme , pour la
féconde fois , celle de Philippe-le-Bel , du
23 mars 1302 , pour la réformation du
royaume. Il eft fait mention au bas de ces
lettres , qu'elles ont été lues & publiées fo-
lemnellement en parlement , en préfènee
de l'archevêque de Rouen , chancelier , de
plufîeurs autres prélats , barons , préfidens ,
& confeillers du roi au parlement , & en
préfeuce de tous ceux qui voulurent s'y
trouver} ce qui juftifie que cette lecture fè
faifoit publiquement.
Charles V , dans une ordonnance du 14
août 1374 , mande aux gens de fon parle-
ment , afin que perfonne ne prétende caufè
d'ignorance de ladite ordonnance , de la faire
publier & regiflrer tant à ladite , cour , que
dans les lieux principaux & accoutumés des
fënéchauffées dont cette ordonnance fait
mention.
Dans le même mois fut enregistrée la fa-
meufè ordonnance qui fixe la majorité des
rois de France à l'âge de quatorze ans. Il
eft dit qu'elle fut lue & publiée en la
chambre du parlement , en préfence du
roi tenant fon lit de juftice , & en pré-
feuce de plufieurs notables perfonnages,
dont les principaux font dénommés; qu'elle
fat écrite & mife dans les regiftres du par-
lement , Se que l'original fut mis au tréfor
des chartres,
ENR
On trouve encore beaucoup d'autres
exemples ôHenrégijlremens du même règne :
mais nous nous contenterons d'en rap-
porter encore un du temps de Charles VI ,
dont il eft parlé dans fon ordonnance du 5
février 1388 , touchant le parlement } le roi
lui-même ordonne aux gens de fon parle-
ment que cette préiènte ordonnance ils faf-
feut lire & publier , & icelle enrégiftrer à
fin de perpétuelle mémoire.
Il feroit inutile de rapporter d'autres
exemples plus récens de femblables enré-
gijiremens , cette formalité étant devenue
dès-lors très-commune.
La forme des vérifications & enrégif-
tremens fut donc ainfi fubftituée au droit dont
le parlement avoit toujours joui , de con-
courir avec le fouverain à la formation de
la loi. Le parlement conferva pour les véri-
fications la même liberté de fufFrages qu'il
avoit , lorique les ordonnances étoient dé-
libérées en parlement 3 & fi le régent , dans
fon ordonnance du 27 janvier 1359, n'a
pas expliqué que cette liberté étoit confèr-
vée au parlement, c'eft que la chofe étoit
affez fènfîble d'elle-même , étant moins un
.droit nouveau qu'une fuite du premier droit
de cette compagnie. C'eût été d'ailleurs
une entreprife impraticable à ce prince,
fur-tout dans un temps de régence , d'abro-
ger entièrement des ufages aufll anciens que
précieux pour la nation &: pour les intérêts
même du roi } on ne peut préfumer une telle
idée dans un prince , encore entouré de
vafTairx , qui difputoient de puilfance avec
leur fouverain : ce fut afTez pour le régent
d'affranchir le roi de l'efpece d'efclavage où
étoient fes prédéceffeurs de ne pouvoir for-
mer le projet d'aucune loi fans le concours
du parlement \ il fe» contenta de recouvrer
la vraie ' prérogative du fceptre , & dont
nos premiers rois ufoient , en dirigeant
feuls ou avec leur confeil particulier , les
loix qu'ils propofoient enfuite aux champs
de mars & de mai.
Le roi Jean , & Charles fon fils, en
qualité de régent du royaume , envoyèrent
donc leurs loix toutes drefTées au parle-
ment , qui les vérifia & enrégiftra avec
toute liberté de fufFrages. On fit des re-
montrances félon l'exigence des cas , pour
juftifier les motifs de fon refus , ainfi que
E N K 5o7
cela s'eft toujours pratiqué depuis : en quoi
nos rois ont de leur part fuivi cette belle
parole que Cafiiodore rapporte de Thierri ,
roi d'Italie , pro œquitate fervanda etiam
nobis patimur contradici.
Uenrégijlrement des nouvelles ordonnan-
ces n'eft ptfs comme l'on voit un fimple
cérémonial ; & en inférant la loi dans les
regiftres, l'objet n'eft pas feulement d'en
donner connoilfance aux magiftrats & aux
peuples , mais de lui donner le caractère de
loi , qu'elle n'auroit point fans la vérifica-
tion & enrégijirement , lefqueîs fe font en
vertu de l'autorité que le roi lui-même a
confiée à fon parlement.
Pour être convaincu de cette vérité , il
fùffit de rapporter deux témoignages non
fufpe&s à ce fujet 5 l'un de Louis XI ,
lequel difoit que c'eft la coutume de pu-
blier au parlement tous accords \ qu'autre-
ment ils fèroient de nulle valeur" : l'autre
de Charles IX , lequel en 1561 faifoit dire
au pape par fon ambaffadeur , qu'aucun
édit , ordonnance , ou autres actes n'ont
force de loi publique dans le royaume ,
qu'il n'en ait été délibéré au parlement.
Nos rois en parlant de l'examen que les
cours font des nouveaux réglemens qui leur
font préfentés , l'ont eux-mêmes fouvent
qualifié de vérification ou enrégijirement
comme termes fynonymes.
C'eft ainfi que Charles régent du royaume,
& qui fut depuis le roi Charles V , s'expli-
que dans une ordonnance du dernier novem-
bre 1358 j il défend aux gens des comptes
qu'ils ne pafîènt , vérifient , ou enrégijlrent
en la chambre aucunes lettres contraires à
cette ordonnance.
L'ordonnance de Rouiîîllon , article 35,
porte que les vérifications des cours de
parlement fur les édits , ordonnances &
lettres-patentes , feront faites en François.
Celle qui fut faite au mois d'octobre
pour la Bretagne , porte que la cour pro-
cédera en toute diligence à la vérification
des édits & lettres-patentes.
L edit d'Henri IV , du mois de janvier
1 597 , art. 2 , veut que fi-tôt que les édits
& ordonnances ont été renvoyés aux cours
fbuveraines , il foit promptement* procédé
à la vérification , &c.
Il eft vrai que pour l'ordinaire , dan»
S f f 2
<o8 ENR
radreiTe qui eft faite des lettres aux cours ,
le roi" leur mande feulement qu'ils aient
à les faire lire , publier & enrégijirer : mais
cela eft très-naturel , parce que quand il
envoie une loi , il préfilme qu'elle eft
bonne, &£ que la vérification ne fera au-
cune difficulté : d'ailleurs , la lecture -même
qu'il ordonne être faite du règlement , efl
pour mettre les membres de la compagnie
en état de délibérer fur la vérification..
Les ordonnances , édits , déclarations ,
&. autres lettres- patentes contenant règle-
ment général j ne font point enrégifirées au
ccnfèil du roi , attendu que ce n'eft pas
une cour de juftice \ elles ne font adreflèes
par le roi qu'aux cours fouveraines & aux
eonfèils fupérieurs qui font les mêmes fonc-
tions.
Lorfqu'on les adreffe à différentes cours ,
elles font d'abord vérifiées & enrégifirées au
parlement de Paris 5 c'eft une des préroga-
tives de ce parlement : c'eft pourquoi
Charles IX , ayant été déclaré majeur à 13
ans & jour au parlement de Rouen en 1 563 ,
Je parlement de Paris nenrégifira cette dé-
claration qu'après d'itératives remontrances ,
fondées fur le droit qu'il a de vérifier les
édits avant tous les autres parlemens & au-
tres cours.
Les ordonnances &: les édits font enré-
gifîrcs toutes les chambres afîèmblées \ & fi
c'eft dans une compagnie fèmeftre , on
aflèmble pour cet effet les deux femeftres.
Les déclarations données en interprétation ]
de quelque édit, font ordinairement enrégif-
irées par la grand'chambre feule , apparem-
ment pour en faire plus prompte expédition ,
& lorfqueles déclarations font moins de nou-
velles loix , qu'une fuite néceffaire & une
fîmple explication de loix déjà enrégifirées.
Il y a quelquefois de nouveaux réglemens
qui ne font adreflès qu'à certaines cours ,
qu'ils concernent feules : mais quand il
«agit des réglemens généraux , ils doivent
être enrégiflrés dans tous les parlemens &
confeils feuverains.
On les fait aufli enrégijirer dans les autres
cours fouveraines , lorfqu'il s'agit de ma-
tières qui peuvent être de leur compétence.
C'eft aiiîfî que dans une ordonnance de
Charles V , du 24 juillet 1364, il eft dit
que ces lettres feront publiées par-tout où J
ENR
î il appartiendra, ck enrégifirées en h chnmbre
des comptes ot en celie du trèfor à Paris.
Quand on refufbit $ enrégijirer des lettres
à la chambre des comptes , on les mettoit
dans une armoire qui étoit derrière la porte
de la grand'chambre ( c'étoit apparemmert
le grand bureau.) , avec les autres chartes
refufées & non expédiées , & l'on en faifoit
mention en marge de? lettres. Il y en a un
exemple dans des lettres de Charles V , du
mois de mars 1372. La chambre ayant re-
fîne en 1595 ai enrégifîrer un édit portant
création de receveurs provinciaux des par-
ties cafuelles , ordonna qu'il feroit informé
contre ceux qui adminiftrent mémoires 6c
inventions dédits préjudiciables à la gran-
deur & autorité du roi \ elle fit le 21 juin
des remontrances à ce fujet , &: ledit fut
retiré.
Les généraux des aides , dès les premiers
temps de leur établiifement , enrégifiroient
au/fi les lettres qui leur éteient adreffées ^
tellement que Charles V , par une ordon-
nance du i3 novembre 1372, défend au
receveur- général de payer iur aucunes let-
tres ou mandemeus, s'ils ne font vérifiés en
la chambre ou ailleurs , où les généraux fe-
ront affemblés } & il eft dit que dorénavant
les notaires mettront es vérifications le lieu
où elle aura été faite j qu'en toutes lettres
& mandemens refufés en la chambre ( des
généraux ) , il fera écrit au dos figné des
notaires , que les lettres ont été refufées ,
& cela quand même les généraux au lieu
de les refufer abfoiument , prendront un
long délai pour faire réponfe j & il or-
donne , non pas que les lettres mêmes y
mais que la teneur (c'eft à-dire la fùbftance)
des lettres fera enregiflrée en la chambre ;
ce qui fignifie en cet endroit que l'on fera;
mention de ces lettres fur le legiftre , 8c
que l'on y expliquera au long les caufes du
refus.
La cour des aides qui tire fbn origine de
ces généraux des aides , eft pareillement en
polfefîion de vérifier èc enrégijirer toutes
les ordonnances , édits , déclarations , &
autres lettres qui lui font adreftées , Se
d'en envoyer des copies aux fîeges de fou
reflbrt , pour y être lues , publiées , &. ri~
gijirées.
L'ordounance de Moulins 3 & l'cdit du
ENR ENR. je?
mois de janvier 1 597 , enjoignent aux cours qu'elles ont été vues , corrigées & lues en
de procéder inceffamment à la vérification ' pcrïeminî. La porTefiien des cours à cet
des ordonnances ,
ceffantes. L'ordonnance
toutes autres affaires
de 160J njoute
même la vifite & jugement des procès cri-
minels , ou affaires particulières des com-
pagnies.
Mais comme il peut échapper à nos rois
de ligner des ordonnances dont ils n'au-
roient pas d'abord reconnu le défaut , ils
ont pluiïeurs fois défendu eux-mêmes aux
cours d'enrégifirer aucunes lettres qui fè-
roient fcellées contre la difpofition des or-
donnances. Il y a entre autres des lettres
de Charles VI, du 15 mai 1403 , pour la
révocation des dons faits fur le domaine ,
qui font défenfes aux gens des comptes &
tréfbriers à Paris, préfens & à venir , fup-
pofé qu'il fût fcellé quelques lettres con-
traires à celles-ci , d'en pqfjer ni vérifier
aucunes , quelques mandemens quils euffent
du roi , fait de bouche ou autrement. , fans
en avertir le roi ou la reine , lés oncles &
frères du roi , les autres princes du fang,
& gens du cenfeil.
Charles IX , par fou édit du mois d'oc-
tobre î 562 , pour la Bretagne , dit q*ue
fi la cour trouvoit quelque difficulté en la
vérification des 'édits , elle enverra prompte-
ment fes remontrances par écrit , ou députera
gens pour les faire,
La même choie eft encore portée dans
plufîeurs autres déclarations poftérieures.
Le parlement & les autres cours ont ,
dans tous les temps , donné au roi des
preuves de leur attachement, en s'oppo-
fant à la vérification des ordonnances , édits ,
& déclarations , qui étoient contraires aux
véritables intérêts de S. M. ou au bien pu-
blic } & pour donner une idée de la fer-
meté du parlement dans ces occauons , il
fïifrît de renvoyer à ce que le premier pré-
fident de la Vacquerie répondit à Louis XI,
comme on peut le voir dans Pafquier , en
f(s recherches , liv. VI , chap. xxxiv.
Lorfque les nouveaux réglcmens adref
£és aux cours font feulement fufceptibles
de quelque explication , les cours les enré-
gi firent avec des modifications. On en trouve
des exemples dès le temps du roi Jean ,
notamment à la fin de deux de £es ordon-
nances du mois d'avril 13 61 3 où il eft dit
égard eft confiante , & leur droit a été re-
connu en différentes occafions , notamment
• par un règlement duconfeil, du 16 juin
1644.
Les particuliers ne peuvent pas former
oppofition "à Xcnrégi fi rement des ordonnan-
ces , édits & déclarations , ni des lettres-
patentes portant règlement général , mais
feulement aux lettres qui ne concernent
que l'intérêt de quelques corps ou particu-
liers.
Le procureur-général du roi peut aufll
s'oppofer d'office à Yenrégifirement des let-
tres-patentes obtenues par des particuliers ,
ou par des corps & communautés , lorfque
l'intérêt du roi ou celui du public s'y trouve
compromis. On trouve dès 1390 une oppo-
iitiou de cette efpece formée à Yenrégifire-
ment de lettres-patentes , du mois de Juki
de ladite année , à la requête du procureur-
général du roi , lequel fit propofer fes rai-
fons à la cour par l'avccat dû roi ; il fut
plaidé fur fon oppofition , & l'affaire fut
appointée. Le chapitre de Paris qui avoit
obtenu ces lettres , fe retira pardevers le
roi , & en obtint d'autres , par lefquelles
le roi enjoignit au parlement d'enrégifirer
les premières. Le procureur-général du roi
s'oppofa encore à Yenrégifirement de ces
nouvelles lettres \ & lui & le chapitre ayant
fait un accord fous le bon plaiiir du par-
lement , & étant .convenus de certaines
modifications, le parlement enrégifira les
lettres à la charge des modifications.
Quoique les particuliers ne puiffent pas
former oppofition à Yenrégifirement des or-
donnances , édits , déclarations , cette voie
eft néanmoins permifè aux compagnies qui
ont une forme publique , lorfque la loi que
l'on propofe paroit bleffer leurs droits
ou privilèges. Cela s'eft vu plufîeurs fois
au parlement.
Pour ce qui eft de la forme en laquelle
fè fait dans les cours Yenrégifirement , c'eft-
à-dire , l'infcription des nouveaux réglcmens
fur les regiftres , c'eft une dernière opéra-
tion qui eft toujours précédée de la leclure
&: vérification des réglemens \ elle étoit auffi
autrefois précédée de leur publication 3 qui
fe faifoit à l'audience»
5io E N R
H paroît que dès le temps de la féconde
race , les comtes auxquels on envoyoit les
nouveaux réglemens pour les faire publier
dans leur fiege , en gardoient l'expédition
dans leur dépôt , pour y avoir recours au
befoin} mais il y avoit dès-lors un dépôt
en chef dont tous les autres n'étoient qu'une
émanation : ce dépôt étoit dans le palais
du roi.
En effet, Charles le Chauve ordonna en
803 que les capitulaires de fon père feroient
derechef publiés j que ceux qui n'en au-
roient pas de copie enverroient , félon
l'ufage , leur commiffaire & un greffier ,
avec du parchemin , au palais du roi ,
pour en prendre copie fur les originaux
qui feroient , dit- il , pour cet effet tirés de
armario noflro , c'eft-à-dire , du tréfor des
Chartres de la couronne : ce qui fait con-
noître que l'on y mettoit alors l'original
des ordonnances. C'eft ce dépôt que Saint
Louis fit placer à côté de la fainte chapelle,
où il eft préfentement , & dans lequel fe
trouve le regiftre de Philippe-Augufte , qui
remonte plus haut que les regiftres du par-
lement , & contient plusieurs anciennes
ordonnances de ce temps.
L'ancien mauufcrit de la vie de Saint
Louis , que l'on conferve à la bibliothèque
du roi , fait meutiôn que ce prince ayant
fait plufieurs ordonnances , les fit enregis-
trer ôt publier au châtelet. C'eft la première
fois que l'on trouve ce terme , enrégiftrer ,
pour exprimer l'infcription qui fe faifoit des
réglemens entre les a&es du tribunal } ce
qui vient de ce que jufqu'alors on n'ufoit
point en France de regiftres pour écrire les
a&es des tribunaux} on les écrivoit fur des
peaux , que l'on rouloit enfuite j & au lieu
de dire les minutes & regiftres du tribunal ,
on difoit les rouleaux , rotula ; & lorfque
l'on iufcrivoit quelque chofe fur ces rou-
leaux , cela s'appelloit inrotulare , comme
il eft dit dans deux ordonnances , l'une de
Philippe-Augufte , de l'an 12 18 , art. 6 j
l'autre de Louis VIII , du mois de novem-
bre 1223. On trouve cependant au troifîeme
regiftre des olim , fol. 151 & 152 , en fuite
de deux arrêts , ces termes , ita regiftratum
in rotulo iftius parlamenti. Ainfi la mention
que l'on faifoit d'un arrêt fur les rouleaux ,
s'appelloit aufîi enrégijlrement.
E N R
Etienne Boileau , prévôt de Paris fous
S. Louis , fut le premier qui fit écrire eu
cahiers ou regiftres , les a&es de fa jurif-
dicKon.
Jean de Montluc , greffier du parlement,
fit de même un regiftre des arrêts de cette
cour, qui commence en ii5<5: cet ufage
fut continué par les fucceffeurs.
Le plus ancien regiftre de la chambre
des comptes , appellç regiftre de S. Juft ,
du nom de celui qui l'a écrit, fait mention
qu'il a été copié par Jean de Saint- Juft ,
clerc des comptes , fur l'original à lui com-
muniqué par Robert d'Artois.
Cet établiftement de regiftres dans tous
les tribunaux a donné lieu d'appeller enré-
giftrement , l'infcription qui eft faite fur ces
regiftres , des réglemens qui ont été véri-
fiés par les cours : & dans la fuite on a auffi
compris , fous le terme d'enrégiftrement ,
la vérification qui précède l'infcription fur
les regiftres , parce que cette infcriptiou
fuppofe que la vérification a été faite.
Dans les premiers temps où le parlement
fut rendu fédentaire à Paris , il ne portoit
guère dans fes regiftres que fes arrêts , ou
les ordonnances qui avoient été délibérées ;
c'eft-à-dire , dreflées dans le parlement
même : c'eft de là qu'au bas de quelques-
unes il eft dit , regiftrata eft inter judicia ,
confilia & arrefta expedita in parlamento +
comme on l'a déjà remarqué , en parlant
d'une ordonnance de 1283. Le dauphin
Charles , qui fut depuis le roi Charles V ,
dans une ordonnance qu'il fit au mois de
mars 1356, en qualité de lieutenant- géné-
ral du royaume , pendant la captivité du
roi Jean, dit, art. 14, qu'il feroit fait
une ordonnance du nombre de gens qui
tiendroient la chambre du parlement , les
enquêtes & requêtes , 6-c. & que cent
ordonnance tiendroit , feroit publiée & re-
giftrée. Le parlement faifoit infèrire ces
ordonnances dans fes regiftres, comme
étant en quelque forte fon ouvrage , auiîi-
bien que fes arrêts.
Quoiqu'il y eût alors plufieurs ordon-
nances qui n'étoient pas infcrites dans fes
regiftres , il ne laiifoit pas de les vérifier
toutes , ou de les corriger , lorfqu'il y
avoit lieu de le faire. L'expédition originale
qui avoit été ainfi vérifiée, étoit inife au
ENR
Kombrc des acles du parlement ^ en fuite
il faifoit publier la nouvelle ordonnance à
la porte de la chambre , ou à la table de
marbre du palais : on en pubîioit auffi a la
fenêtre, qui eft apparemment le lieu où
Yon délivre encordes arrêts. Voye-^ Publi-
cation.
Lorfque l'ufage des vérifications com-
mença à s'établir , on ne faifoit pas re-
gistre de cet examen , ni de la publication
des ordonnances ^ de forte que l'on ne con-
noît guère fi celles de ces temps ont été
vérifiées , que par les corrections que le
parlement y faiibit , lorfqu'il y avoit lieu ,
ou par les notes que le fècretaire du roi ,
qui avoit expédié les lettres , y ajoutoit quel-
quefois.
Mais bientôt on fit regiftre exact de tout
ce qui fe pafToit à l'occafion de la vérifica-
tion & enrégifirement , comme cela fe prati-
que encore aujourd'hui.
Pour parvenir à la vérification d'une loi ,
on en remet d'abord l'original en parche-
min , & fcellé du grand fceau , entre les
mains du procureur-général , lequel donne
fes concluions par écrit :, la cour nomme
un confeiller , qui en fait le rapport en la
chambre du coufeil : fur quoi , s'il y a lieu
à ïenrégijfrement , il intervient arrêt , en
ces termes : « Vu par la cour 1 edit ou dé-
» claration du tel jour , figné , fcellé , &c.
» portant , &c. vu les conclurions du pro-
» cureur-général , &: oui ■ le rapport du
» confeiller pour ce commis } la matière
» imfe en délibération , la cour a ordonné
» & ordonne que 1 edit ou déclaration fera
» enrégifiré au greffe d'icelle , pour être
» exécuté félon fa forme & teneur, ou bien
» pour être exécuté fous telles & telles
» modifications. » Cet arrêt d'enrégifire-
ment renferme en fbi la vérification & appro-
bation de la loi , qu'il ordonne être re-
giftrée'} & c'eft fans doute la raifon pour
laquelle on confond la vérification avec Ycn-
régifirement.
Le grefiier fait mention de Yenrégifire-
ment fur le repli des lettres , en ces termes :
« Regiftre , oui le procureur-général du
» roi , pour être exécuté félon fa forme &
» teneur , ou bien fuivant les modifications
■» portées par l'arrêt de ce jour^JFaiten parle-
» meut le,,,, figné, tel, &c. b C'eft pro-i
ENR 5it
prement un certificat , ou atteftation , que
le greffier met fur le repli des lettres de
Y enrégifirement , qui a été ordonné par
l'arrêt.
Outre ce certificat , le greffier fait un
procès-verbal , foit de l'aflèmbléc des cham-
bres, fi c'eft un edit , ou ce l'alfemblée
de la grand'chambre feule , fi c'eft une dé-
claration dont elle faffe feule Yenrégifire-
ment : ce procès-verbal fait mention que
la cour a ordonné Y enrégifirement de tel
édit , pour être exécuté fèion fa forme &
teneur , ou avec certaines modifications.
Auffi-tôt que l'arrêt de vérification &
enrégifirement eft rendu , & que le proecs-
verbaï en eft drelî'é , le greffier fait tirer
une expédition en papier timbré , fur l'ori-
ginal en parchemin , de l'ordonaance , édit ,
déclaration , ou autres lettres que l'on a
enrégifiré s : au bas de cette expédition , il
fait mention de Y enrégifiré ment , de même
que fur l'original , & ajoute feulement ce
mot, collationné , c'eft- à-dire , comparé
avec l'original , &: il ligne. Cette expédi-
tion , qui doit fèrvir de minute , & l'arrêt
& le procès-verbal d 'enrégifirement font
placés par le greffier entre les minutes de
la cour } & Y enrégifirement eft cenfe^accom-
pli dès ce moment , quoique la traufeription
de ces mêmes pièces fur les regiftres eu
parchemin , défîmes à cet effet , ne fè
fafîe quelquefois que plufieurs années après :
car cette tranfcripîion fur les regiftres eu
parchemiu n'eft pas le véritable enrégifire-
ment y c'eft feulement une opération pref-
critc par la police du greffe j & les regiftres
des ordonnances ne font que des groffes ,
ou copies des minutes , un peu moins au-
thentiques que l'original , & faites pour
le fuppléer au befein : c'eft pourquoi , fans
attendre cette tranfcripîion , qui eft cenfee
faite dans le temps même de la vérification ,
le greffier met , comme on l'a dit , fur le
repli de l'original , & fur l'expédition des
lettres qui ont été vérifiées , fou certificat de
la vérification & enrégifirement.
Ces différentes opérations faites ; le gref-
fier remet l'original des lettres enrégiflrécs à
M. le procureur-général, lequel le renvoie à
M. le chancelier , ou au fècretaire d état
qui les lui a adrefîées \ & au bout de quel-
que temps , le fecretaire d'état qui a ce
5ii E N R.
département , envoie les ordonnances tnri-
giflrées dans le dépôt des minutes du con-
fèil , qui eft dans le monaftere des reli-
gieux Auguftins , près la place des Vic-
toires.
Autrefois les arrêts de vérifications & en-
régiftremens , & les certificats d'iceux fe
rédigeoient en Latin: cet uiage avoit même
continué depuis rordonnance de 1539 , qui
enjoint de rédiger en François tous les juge-
mens & actes publics : le certificat cXenré-
giflrement , qui fe met fur le repli des
pièces j étoit conçu en ces termes : Uclq ,
publicata & regiftrata , audito & requirente
procuratore gencrali régis , &c. Mais Char-
les IX , par fon ordonnance de Roufîillon ,
article 35 , ordonna que les vérifications
des édits & ordonnances fèroient faites en
François.
Depuis ce temps , le greffier mettoit ordi-
nairement fon certificat en ces termes : lu ,
publié & régi fl ré , &c. on difoit publié , parce
que c'étoit alors la coutume de publier tous
les arrêts à l'audience , comme cela fè pra-
tique encore dans quelques parlemens : mais
dans celui de Paris on ne fait plus cette
publication à l'audience , à moins que cela
ne foit porté par l'arrêt de vérification j au-
quel cas , le greffier met encore dans fon
certificat } lu * publié & regiftré : quand il n'y
a pas eu de publication à l'audience , le cer-
tificat du greffier porte feulement que le rè-
glement a été regiftré , oui , & ce requérant
le procureur-général du roi , &c.
Ces fortes de certificats du greffier , ou
mention qui eft faite fur le repli des lettres
de la vérification & enrégiftranent , ércient
cl'ufage dès le temps de Philippe de Valois ,
comme on le voit fur les lettres du 10 juillet
1336, dent on a déjà parlé , où on lit ces
mots : Iccla per cameram , regiftrata in curia
parlamenti , in libro ordinatior.um . fol. 50 ,
in anno no no. Ces termes , in anno no no ,
femblent annoncer que ce livre , eu regiftré
des ordonnances , étoit commencé depuis
neuf années \ ce qui rementeroit jufqu'en
132.8 , temps où Philippe de Valois monta
fur le trône. Ou ne connoît point cependant
de regiftré particulier des ordonnances qui
remonte fî haut.
Les plus anciens regiflres du parle-
ment , appelles les olim , contiennent , il
E N R
eCt vrai , des ordonnances depuis 1252.
jufqu'en 1273 : mais ces regiftres n'étoient
pa> deftiués uniquement pour les enré-
giflrermns ; ils contiennent aufîî de? arrêts
rendus entre particuliers , & des procé-
dures.
Mais , peu de temps après , on fit au
parlement des regiftres particuliers pour les
enté g ijî remens des ordonnances , édits , dé-
clarations & lettres-patentes , que l'on a ap-
pelles regijlres des ordonnances.
Le premier de ces regiftres , coté A , &
intitulé ordinationcs antiquœ , commence
en 1337 : il contient néanmoins quelques
ordonnances antérieures , dont la plus
ancienne , ce font des lettres-patentes de
St. Louis , du mois d'août 1229 , qui
confirment les privilèges de l'univerfité de
Paris.
Quand on tranferit une pièce dans les
regiflres du tribunal, en coniéquence du
jugement qui en a ordonné Venrégijîrement^
elle doit y être copiée toute au long , avec
le jugement qui en ordonne Yenrégiflrementy
& non pas par extrait feulement, ni avec des
& cœtera.
Ce fut fur ce fondement que le re&eur
& l'univerfité de Paris expoferent , par
requête au 'parlement en 1551 , que quel-
qu'un de leurs fuppôts ayant voulu lever
un extrait du privilège accordé en 1336
aux écoliers étudians en l'univerfité , il
s'éteit trouvé quelques omiffions faites fous
ces mots & cœtera , pour avoir plutôt fait ,
par celui qui fit le regiftré :, que ces omif-
fions étoient de conféquence } & que fl
l'original du privilège fe perdoit , le recours
au regiftré ne feroit pas fur j c'eft pourquoi
ils fupplierent la cour d'ordonner que ce
qui étoit ainfi imparfait fur ie regiftré, par
ces mots , & cœtera , fût rempli par colla-
tion qui fe feroit du regiftré à l'original.
Sur quoi la cour ayant ordonné que
l'original feroit mis pardevers deux con-
feillers de la cour , pour le collationner
avec le regiftré : oui le rapport defdits
confeillers , la cour, par arrêt du 18 août
1552 , ordonna que l'original du pri-
vilège feroit de nouveau en régi/tré dans
les regiftres d'icelle , pour être , par le
greffier , délivré aux parties qui le requer-
roicnt.
Les
E N R
Les arrêts de vérification ou enrégiflre-
ment , faits au parlement , portent ordinai-
rement > que copies collationnées du nou-
veau règlement 8c de Parrêt , feront en-
voyées aux bailliages ôc fénéchau fiées du
reiîbrt , pour y être lues , publiées 8c enré-
giftrées : l'arrêt enjoint au fubftitut du pro-
cureur-général du roi d'y tenir la main , 8c
d'en certifier la cour dans un mois , fuivant
ledit arrêt.
PLe procureur- général de chaque parle-
ment envoie des copies collationnées des
nouveaux réglemens à tous les bailliages ,
fénéchauftees 8c autres juftices royales ref-
fortiflàntes nuement au parlement.
A 1 égard des pairies du reftbrt , quoi-
que régulièrement elles duflènt tenir du
juge royal la connoiflance des nouveaux
réglemens , néanmoins , pour accélérer ,
M. le procureur-général leur en envoie
aufïî directement des copies collation-
nées.
Si Yenrégiflrement eft fait en la cour des
aides , l'arrêt de vérification porte que l'on
enverra des copies collationnées aux élec-
tions 8c autres Aeges du reflbrt.
Lorfque les nouveaux réglemens , qui
ont été vérifiés par les cours , font envoyés
dans les fieges de leur reflort pour y être
enrégiflrés , cet enrégiflrement s'y fait fur les
conclufions du miniitere public , de même
que dans les cours ; mais avec cette diffé-
rence , que les cours ont le droit de dé-
libérer fur la vérification , 8c peuvent ad-
mettre le projet de règlement , ou le refu-
ler , s'il ne paroît pas convenable aux in-
térêts du roi ou au bien public : au lieu
que les juges inférieurs font obligés de fe
conformer à l'arrêt de vérification , 8c en
conféquence de rendre un jugement por-
tant que la nouvelle loi fera infcrite dans
leurs regiftres , purement 8c fimplement ,
fans pouvoir ajouter aucunes modifica-
tions ; en forte que cet enregistrement
n'eu; proprement qu'une fîmple tranfcrip-
tion dans leurs regiftres , 8c non une véri-
fication.
Il faut néanmoins obferver que , dans
les provinces du refïort qui ont quelques
i privilèges particuliers , les juges inférieurs
i pourraient faire des repréfentations au par-
I lement avant d'enrégifirer , fi le nouveau
ENR ÎI3
T règlement etoit contraire à leurs privilèges.
Du refte , les juges inférieurs n'ont pas
droit de délibérer fur le fond de Yenrégif-
trement \ mais ils ont la liberté de délibérer
fur la forme en laquelle l'envoi des nou-
veaux réglemens leur eft fait , c'eft-à-dire ,
d'examiner ii cette forme eft légitime &
régulière. Ils peuvent auiïi , après avoir
procédé à Yenrégifh-ement de la nouvelle loi ,
faire fur cette loi ( s'il y a lieu pour ce qui
les concerne) , fiire des repréfentations au
parlement , ou autre cour dont ils relèvent ,
qu'ils adrefient au procureur-général.
Il paroît même , fuivant l'ordonnance
de Charles VII, de 1453 , art. 66 & 6j ,
8c l'ordonnance de Louis XII , du iz dé-
cembre 1499 , que les juges inférieurs
peuvent , en certains cas , fufpendre l'exé-
cution des loix qu'on leur envoie , en re-
préientant les inconvéniens qui peuvent en
rélulter , relativement à leurs provinces 8c
aux réglemens antérieurs. Ces cas, félon les
ordonnances de Charles VII 8c de Louis
XII , font lorfque les loix qui leur font en-
voyées peuvent être contraires aux ordon-
nances , 8c produire du trouble dans le royau-
me ; tel que feroit , par exemple , quelque
établiflement tendant à anéantir la forme
du gouvernement.
Au châtelet de Paris , les nouvelles or-
donnances font enrégiflrées fur un regiftre
particulier , appelle regiftre des bannières ; ce
qui lignifie la même choie que regiftre des
publications.
Tous les juges auxquels le procureur-
général envoie des copies collationnées des
nouveaux réglemens , font obligés d'envoyer
dans le mois un certificat de Y enregistrement.
Depuis environ 3 5 ans s il eft d'ufige de
garder tous ces certificats dans les minutes
du parlement , pour y avoir recours au be-
foin , 8c connoitre la date de Yenrégijtrement
dans chaque iiege.
Les nouvelles ordonnances doivent être
exécutées , à compter du jour de la vérifi-
cation qui en a été faite dans les cours fou-
veraines;ou après le délai qui eft fixé par
l'ordonnance ou par l'arrêt d'-'nrégijtrcment ,
comme cela fe fait quelquefois , afin que
chacun ait le temps de s'inftruire de la
loi.
Elle doit auiïî être exécutée à compter
Ttt
5i4 E N R
du même jour , pour les provinces du reflort ,
te non pas feulement du jour qu'elle y a été
enrégifiée par les juges inférieurs. Néan-
moins s'il s'agit de quelque difpoiition qui
doive être obfervée par les juges ,£ officiers
ou particuliers , la loi ne les ta que du jour
qu'ils ont pu en avoir connoiflance ; comme
on voit que la novelle 66 de Juftinien, iur
l'observation des conftitutions impériales ,
avoit ordonné que les nouvelles loix feroient
obfervées àConftantinjpledans deux mois,
à compter de leur date ; 6c à l'égard des
provinces , à deux mois après Pinfmuation
qui y feroit faite de la loi : ce temps étant
. iuffifant , dit la novelle, pour que la loi
fût connue des tabellions 6c de tous les
fujets.
Il n'eft pas d'ufage de faire enrégijïrer les
nouveaux régîemens dans les juftices fei-
gneuriales , ni de leur en envoyer des copies,
ces juftices étant en trop grand nombre ,
pour que 1 on puiffe entrer dans ce détail :
de forte que les orïiciers de ces juftices font
pi éfw mes inftruits des nouveaux régîemens
pan la notoriété publique , Se par Venrégif-
trement fait dans le iiege royal auquel elles
teflortiflènr.
Sur les enr-égiflremens des ordonnances,
vcyc7 Martianus Capella , lib. I, par:, xv ;
Cujas , lié. I , cbferv. cap. xix ; la Roche-
flavin , des parlernens ,liv. XIII \ch. xxyiij;
Pafquier , recherch. de la France , liv. VI ,
ck. xxxiv ; Papon , liv. IV , tit vj , n. %2 ;
Bouchel , bibliothèque du Droit François au
mot loix. {A)
Emb.Egistrem.ent des privilèges cuper-
mijftws pour Vimpreffion des livres. Les privi-
lèges que le roi accorde pour l'imprefik>n
des livres , Se les permiiïions (impies du
fceau ., doivent être enrégiflrés à là chambre
fyndicale de la librairie, par les fyndic
ôc adjoints , dans le terme de trois mois ,
à compter du jour de l'expédition. C'elt
une des conditions auxquelles ces lettres
font accordées i 6e faute de la remplir,
elles deviennent nulles. Ce règlement paraît
avoir- ïînguliérement pour objet de mettre
tous propriétaires d'ouvrages littéraires à
l'abri du préjudice auquel ils pourraient
erre expofés par les Hirprifes faites à la re-
ligion du roi , dans l'obtention des privi-
lèges ou permiiïions fîmples , en ce que ,
E N R
i°. il met les fyndic 6c adjoints de la librairie
en état d'arrêter ces lettres dXenrégifircment ,
s'ils jugent qu'elles (oient préjudiciables aux
intérêts de quelque tiers ; 2°. en ce qu'il
fournit aux particuliers auxquels elles font
préjudiciables , le moyen de s'bppofer judi-
ciairement à leur enrégijlrement , 6c d'en
demander le rapport. Pour entendre com-
ment &c dans quelles circonftances ces lettres
peuvent être préjudiciables à un tiers , il
faut néceflàirement lire dans le prêtent vo-
lume le mot Droit de copie \ nous y avons
expliqué dans un allez grand détail quels
font les droits des auteurs 6c des libraires
fur les ouvrages littéraires , 6c guel a été
l'efprit de la loi dans l'établilfement des
privilèges. Nous y renvoyons pour éviter
les longueurs 6c répétitions.
ENREGISTRER. Voye^ Enregistre-
ment.
ENRENER , v. a£fc. ( Maneg. Maréch.)
terme par lequel on exprime relativement
aux chevaux de carroflé , de chaife 6c de
charrette , l'action d'arrêter & de nouer les
rênes.
Elles font fixées , pour les chevaux de
carroftè , par le moyen de deux bouts de
cuir placés fur le milieu du coulîinet; pour
le cheval de brancard , par le moyen d'une
courroie, qu'on nomme la trou Hure , 6c
qui parlé dans un trou pratiqué à cet eftet
dans l'arçon de devant ; tandis qu'à l'égard
des chevaux de charrette elles montent par
deflus la. croifée du collier , 6c s'uniilent à
une longe de cuir garnie d'un culeron , 6c
qui fert de croupière.
Rien n'eft plus capable d'endurcir la
bouche des chevaux , de leur rendre l'ap-
pui lourd , 6c de leur endommager les
barres, que de les enrêner trop court. Ceft
fans doute par cette confidération , 6c pour
remédier aux inconvéniens qui naiflent de
la confiance avec laquelle les cochers gênent
6î contraignent leurs chevaux en les enré-
nant , que l'on a imaginé , depuis quelque
temps , de placer un anneau carré à chaque
arc du banquet. Les rênes paflent dans ces
anneaux; Se comme elles ne peuvent alors
tirer le bas des branches en arrière , lorfque
le cheval s'sppuie , ou badine avec (on
mors , le point de réfiftance de la gour-
mette n'a plus lieu , 6c les parties de la bou-
ENR
clie , fur lesquelles porte l'embouchure , font
extrêmement foulagées. Je préférerais néan-
moins un bridon à ces anneaux ; 8c je crois
qu'il feroit plus fur & plus avantageux de
débarraflèr entièrement l'embouchure , ou
le mors , de toute afeion des rênes.
Les cochers qui enr/neroient trop court
de jeunes chevaux , s'expo feraient à des
accidens qui les puniroient peut-être de
leur imprudence 8c de leur opiniâtreté.
On s'eft encore fervi de l'exprelïion d'e/z-
rener , en parlant de l'arrangement & de
la divifîon des guides , 8c pour diftinguer ,
à cet égard , notre manière de celle des
Italiens. Selon l'ufàge François , chaque
guide eft divifée en deux fur le dos de cha-
que cheval ; elle pafle par deux anneaux
unies fur le couflinet. Les branches , ou les
longes de dedans , font diftribuées de façon
quelles vont, en fe croifant , fe boucler;
lavoir , celle qui part du cheval hors la
main , à la branche de dedans du mors du
cheval qui eft fous la main ; 8c celle qui part
de celui-ci , à la branche de dedans du
mors de l'autre : par ce moyen le cocher ,
agilîant de la guide droite , opère fur le
cheval hors la main , qui fe trouve mu en
ce fens , parce qu'il y eft attiré , ainfî que
le cheval fous la main , par la branche de
dedans de cette guide : mais alors les im-
prelTions de la main du cocher fe manifef-
tent fur les deux boucles enfemble ; 8c s'il y
a en elles inégalité de légèreté, de fenfibilité
8c de force , celle en qui rélîde le bon tem-
pérament 8c la finefle , ne peut que iouffrir
des efforts que demande néceflairement
l'autre.
La méthode des Italiens obvie à cette
difficulté. Il n'eft parmi eux aucune com-
munication des branches des guides ; cha-
cune d'elles n'eft relative qu'à la bouche
d'un feul & même cheval : telle eft la pre-
mière différence que nous offre leur manière.
La (econde confîfte dans deux courroies qui
fe croifent d'un cheval à l'autre : chacune
de ces courroies eft arrêtée , par l'une de fes
extrémités , à la branche de dedans du mors
de chaque cheval , 8c va fe terminer , favoir ,
celle qui eft fixée à la branche du mors du
cheval hors la main , à un anneau placé à
côté du couffinet du cheval fous la main ,
& vice verfd ; en forte que l'un 8c l'autre
s'attirent réciproquement , félon les opéra-
tions du cocher, dont la main peut influer
fur ch?que bouche féparément.
Il faut convenir néanmoins que dans le
nombre prodigieux des cochers qui ont
adopté cette pratique , il en eft peu qui , vu
leur ignorance , ne nous y biffent apperce-
voir d'autres inconvéniens , qu'il feroit fans
cloute trop long de détailler ici , 8c parmi
lefqueîs les hommes les moins clairvoyans
ont dû remarquer ceux qui remirent d'un
écartement confidérable , qui mettant les
chevaux hors de la ligne fur laquelle ils
devraient tirer , augmente 8c multiplie lé
poids de la maflè qu'ils traînent; les oblige,
en leur demandant une force plus grande ,
de fe précipiter fur les épaules ; contraint
celle de dehors à pouffer beaucoup plus
que l'autre contre le poitrail ; place , pat
conféquent , chaque cheval de travers ,.
&c (E)
EN-REPOS S ( terme de Blàfon.) fe
dit du cerf, du lion 8c de quelques autres
animaux fauvages qui fe repofènt ayant le
ventre à terre : on excepte le lièvre qui , en
pareille fituation , eft dit en forme.
De Bertrand de Moleville , de Montef-
quieu , en Languedoc ; d'or au cerf en-repos
de gueules , au pié d'un arbre definople; au
chef d'azur chargé d'une étoile d'argent à
côté de deux befans du champ de Vécu. ( G.
D. L. T. )
ENRIMER , en terme d'Epinglier , ç'eft
pou fier le poinçon directement au deffus
de l'enclume , en approchant ou écartant
la boîte , plus ou moins , avec le pouffe -
broch'e. Voye^ Broche & Pousse-bro-
che.
ENROLEMENT, f. m. (Art.milit.).
action de lever , d'engager , de prendre
■^es hommes , pour fervir dans les troupes
de terre , ou dans les armées navales.
Les Romains faifoient leurs enrèlemens
avec beaucoup de précautions & de forma-
lités. Il n'étoit pas permis à tous les citoyens
de porter les armes ; 8c pour être enrôlé au
fervice de la république , il falloir avoir
certaines qualités dont on ne difpcnfoit que
dans des occafions importantes , 8c qui de-
mandoient des fecours prompts 8c extraor-
dinaires.
Les prépofés aux enrolemens faifoient uh
Ttti
5i6 ENR
éxaiiien rigoureux des perfonnes qui fe pré-
fentoient pour être enrôlées. (Liv. II \ §. z ,
jf. dere militari.). Ils s'informoient d'abord
de la naiifance de chacun \ car il n'y avoit
que des hommes libres à qui il fût permis
de porter les armes , & les efclaves en
étoient exclus. Il falloir donc prouver fa
liberté par des témoignages non fufpe&s ,
8c de plus il falloit établir le lieu de fa
naiflance.
On avoit auiïî beaucoup d'attention à la
taille ; 8c tous ceux à qui elle manquoit ,
étoient rejetés de l'honneur de fervir. De
là vient que lorfqu'on vouloit louer un
homme , on difoit qui! avoit une taille
militaire i.e'eft ce qui n'a pas échappé à
Lampride dans (on éloge de l'empereur Sé-
vère. Cette taille militaire eft marquée
par une loi qui eft dans le code théodo-
fien , au titre de tyronibus \ elle nous ap-
prend qu'alors un ioldat devoit avoir cinq
pies fept pouces , quinque psdibus & feptem
unciii. ujualibus.
Vegece a remarqué que du temps de
Marius on nenrôloit que des gens de cinq
pies dix pouces , parce que dans le grand
nombre qui fe préfentoit , on pouvoit choi-
fir ; mais depuis Ce temps-là il fallut rabat-
tre de cette mefure , les hommes étant de-
venus rares par les guerres civiles , le luxe ,
la débauche, 8c le changement de gouver-
nement.
Cependant l'on ne connoifloit point en-
core ce moyen nouveau , 8c contraire à
toutes les loix de l'humanité , d'enrôler par
la force , l'a fraude , le ftratagêrne , 8c pa-
reilles horreurs fur lefquelles , dans quel-
ques pays , lès princes 8c les miniftres fer-
ment les- yeux en temps de guerre. « Les
« hommes , dit la Bruyère , font au fou-
« verain comme une monnoie , dont il
» acheté une place , ou une victoire. S'il
» fait en forte qu'il lui en coûte moins ,
» s'il épargne les hommes , il reflemble à
a' celui qui marchande , 8c qui connoît
» mieux qu'un autre le prix de l'argent. »
Auffi tout profpere fous un tel fouve-
rain , 8c dans une monarchie où l'on con-
fond les intérêts de l'état avec ceux du
monarque. Or , j'ajoute ici que les intérêts
de l'état s'oppofent à la violence 8c à
l'artifice dans les enrôkmçns ; non-feule-
ENR
ment parce que de telles pratiques bîeflênt
les droits de l'humanité , mais de plus
parce que la peine capitale portée contre
les déferteurs , devient alors une injuftice
qui révolte la nature. Voye^ Déserteur.
Article de M. le chevalier DE JaucoURT.
^ ENROUEMEMT , f. m. ( Médecine. )
Ce terme eft ordinairement employé pour
lignifier la maladie même , dont il n'en:
proprement qu'un fymptome. Cette mala-
die eft une efpece de fluxion catarreufe ,
qui a fon fiege dans le larynx , la trachée-
artère , 8c principalement dans les parties
qui conftituent l'organe de la voix.
Ces parties étant engorgées ou enduites
d'une trop grande quantité d'humeurs pir
tuiteufes >, c'eft-à-dire , de la mucoiité na-
turelle trop épaifïie 5 ont leurs furfaces-
inégalement tuméfiées , mal unies , en forte
qu'elles rendent les collifions de l'air rudes ,
8c fur-tout les vibrations de la glotte lour-
des j lentes , très-peu 8c défagréablemcnt
fbnores , d'où réfulte le fymptome dont il
s'agit 3 l'enrouement , mot qui vient du
Latin ravis , dont on a formé raucitas x.
raucedo , voix rauque.
Ce défaut peut aufii être produit par le
relâchement des mufcles qui fervent à ten-
dre les cordes vocales qui forment les bords
de la glotte , 8c par le deïlechement ou Et
trop grande tenîion de ces mêmes cordes.
Vcye^ Voix.
Pour ce qui eft du traitement de cette
maladie , (î la caufe eft catarreufe , il eft:
le même que celui du cataire en général ,
de l'enchifrenement dont il a été fait mei>
fion ci-devant , 8c du rhume ? voye^ Ca-
TARRE , ENCHIFRENEMENT , RHUME..
; Si le relâchement des mufcles du larynx
qui caufe ['enrouement , dépend de la fibre-
lâche en général , les remèdes contre ce
vice univerfel conviennent aufii contre lé
particulier dont il eft ici queftion : voye^
Fibre > Leucophlegmatie. Si ce relâ-
chement eft un effet de la paralyiie , il:
n'eft pas fufceptible d'une cure particulière :
voye^ Paralysie. Le deftechement 8c là
roideur de la glotte n'ëft pas ordinairement
un vice propre a cette partie ; il tient a
celui des lolides en général , qui eft de là
même nature : on peut de plus employer
Ja vapeur de décodions des plantes émoi-
ENS
lientes , reçue dans la bouche ouverte , &
dirigée vers la trachée-artere par de fré-
quentes infpirations , par lefquelles l'air ,
chargé de cette humidité médicamenteufe,
eft lbuvent appliqué aux parties viciées.
Si la tendon Ipafmodique , hyftérique ou
mélancolique , ou de toute autre efpece ,
produit {'enrouement , il ne peut être traité
que par les remèdes propres contre les ma-
ladies dont il eft un fymptome > voye^
Spasme , Hystéricite , Mélancolie,
Manie, &c. La voix, devenue rauque
par un accès de colère , fe guérit par le
repos du corps 8c de l'elprit , ou par les
anodyns. ( d )
;' ENROUILLER,v.neut. (Jardinage.)
fè dit d'un pré où le torrent a pénétré 8c
a couvert l'herbe : ce qui s'appelle enrouiller
t herbe. ( K )
ENROULEMENT , f. m. (Jardinage.)
que quelques-uns appellent rouleau , eft
une plate-bande de buis ou de gazon con-
tournée en ligne fpirale. Cet ornement fe
confond avec les maflifs 8c les volutes des
parterres. (K)
ENS , ( Chymie. ) Paracelfe 8c fes^ dif-
ciples ont donné à ce mot différentes ligni-
fications ; ils l'ont employé fur-tout pour
exprimer la force , la puiflance d'un agent ,
&c. ou pour déligner les parties d'un corps
dans lefquelles réfident proprement leur
efficacité ou leur vertu médicinale. C'eft
dans le premier fens que Paracelfe emploie
ce mot dans les expreiTîons fuivantes , ens
Dei , ens ajlrorum , ens naturale , &c. qui
font familières à cet auteur ; ôc dans le lè-
cond, qu'il faut prendre l'ens primum des
minéraux , des animaux , des végétaux ,. 8c
l'ens appropriatum de ces derniers.
C'eft à cet ens primum des végétaux que
les difciples de Paracelfe , & fur-tout notre
célèbre le Febvre, ont attribué tant de vertus,
celle enrr 'autres de rajeunir , ou de renou-
veller le corps , auxquelles M. Boyle , tout
porté qu'il étoit à douter en chymie , paroît
avoir ajouté foi , mais fur lefquelles au con-
traire nous avons poufte aujourd'hui notre
incrédulité jufqu'à un point où elle eft peut-
être auftî peu (âge que la confiance aveugle
dtes philo fophes. (b)
Ens Veneris. Boyle a célébré fous
ce nom. un remède çhyrnique, qui n'eft autre
ENS- 517
chofe que la chaux douce du vitriol ( ou
le réildu de fa diftillation leffivé avec de
l'eau bouillante jufqu'à infipidité ) , fubli-
mée avec partie égale de fel ammoniac. Le
produit de cette fublimation eft un mélange
de fleurs de mars 8c de fleurs de cuivre > car
Boyle demande , pour cette opération , un
vitriol de mars très-cuivreux. Ce remède
n'eft abfolument d'aucun ufage parmi nous ?
8c c'eft avec raifon que nous l'avons rejeté ,
des expériences réitérées nous ayant démon-
tré que l'ufage intérieur du cuivre n'étoit j a-
mais exempt de danger. Voye^ Cuivre, (b)
Ens , ( Géogr. mod. ) ville de la haute
Autriche , en Allemagne 3 elle eft lîtuée
dans le pays 6c fur la rivière à* Ens. Long.
32, , %% ; lat. 48 , 1%.
* ENSABATÉS , adj. pris fubft. ( Hijf,
ecclefiajl. ) hérétiques Vaudois qui parurent
dans le treizième liecle. Ils prétendoient que1
le ferment étoit toujours illicite ; qu'on ne
devoit de l'obéi (îànce à aucun fupérieur Ce-
culier ou eccîefiaftique , 8c que tout châti-
ment infligé pour caufe de religion , étoit
un acte de tyrannie. On les appella Enfab'atésy
d'une marque que les plus parfaits portoient'
fur le haut de leurs fouliers , 8c qu'ils appel-
loient fabbatas.
ENSADA ou ENZADA , f. m. ( Hi(î.
nat. botan. ) nom qu'on donne aux Indes
à l'arbre des Banians. Voye^ cet article.
ENSAISïNEMENT, Cm.(Jurifprud.)
lignifie mife en pojfejj/on civile. Enfaifiner un
contrat , c'eft mettre l'acquéreur en failîne ,
c'eft-à-dire, enpoflelfion de • l'héritage fur
lequel le contrat lui accorde quelque droit.
La formalité de \'enf ai finement vient de'
ce que par. l'ancien ufage du chatelet de'
Paris 8c de toute la pré voté , 8c dans plu-
lieurs autres provinces coutumieres, aucune'
faifie ou pofleffion n'étoit acquife de droit
ni de fait fans qu'il y eût dëvejl 8c vejl ,.
.c'eft-à-dire , qu'il falloit que le vendeur
fe fut deflàifi entre les mains du feigneur-
cenfier, 8c que ce même feigneur eûrenfuite
invefti l'acquéreur , c'eft-à-dire , qu'il lui
eût donné la faifine ou poflelïîon , d'où eft
. venu le terme à'ènfaifinement , lequel néan-
moins ne s'applique qu'aux miles en polîèl--
llon des biens en roture ; car la même for-
malité à l'égard desfiefs s'appelle inféodation.-
Quoique l'enfaijineme/it ne foit en effet
p$ E N S
qu'une mi Te en poUefTion civile & flcUve,
il croit néanmoins autrefois coulioeré comme
une mife en pofleiïion réelle 8c de fait , ou
du moins on doit entendre par-là qu'il étoit
'nécefïaire pour autorifer le vendeur à le
deflàifir, 8c 1 acquéreur à prendre poiîef-
fion.
On étoit obligé de prendre du feigneur
{'enfaifinement du temps que les coutumes
notoires du châtelet furent rédigées , c 'eft-
à-dire , depuis l'an 13C0 iufqu'en 1387.
Suivant Y art. j% de ces coutumes , aucun
ne pouvoit être propriétaire s'il n'étoit en-
faifiné réellement & de fait par le feigneur
ou par Cqs gens. Cet article exceptoit néan-
moins le bail à cens , parce que ce bail étant
fait par le feigneur même , invertit fufïïfam-
ment le preneur , fans qu'il foit befoin de
prendre autre faifine.
On payoit dès-lors douze deniers parifis
pour la faifine ou enfaifinement , quel que
fût le prix de la vente; & ce droit étoit
appelle en Latin revefritura , comme on
voit dans des lettres de St. Louis , du mois
de mars 12.63.
Quelques feigneurs prétendoient avoir
droit de prendre cinq fous pour Yenfaifine-
ment , comme le dit l'auteur du grand cou-
tumier : le roi , 1 evêque de Paris , les abbés
de Sainte-Geneviève , de Saint-Magloire 8*
de Saint-Denis , prétendoient être en poflef-
ilon de recevoir cinq fous pour {a. faifine. M
y eut des oppofîtions faites à ce lujet, lors
des deux réda&ions de la coutume de Paris;
mais cette prétention n'a pas prévalu , & le
droit de faifine îfeft encore communément
que de douze deniers parifis.
L'obligation de prendre faifine tomba
bientôt en non-ufage du moins dans la
prévoté de Paris ; car l'auteur du grand
coutumier , qui écrivoit fous le règne de
Charles VI , en parlant des lettres de fai-
fine ou enfaifinement que l'on prenoit du
feigneur ou de fon bailli ou député , ajoute,
fi ainfi efi que le vendeur fe veuille faire en-
faifiner ; car par la coutume de la prévôté
de Paris il ne prend faifine qui ne veut ,
8c le feigneur ne reçoit que les ventes ; ce
qui fut adopté dans plufieurs coutumes , &c
notamment dans celle de Paris , rédigée d'à
en 15 10, réformée en 1580, dans celles
de Meaux , Sens , Auxerre , Étampes ,
E N S
Montfort , Dourdan , Mantes , Senlis &
Montargis.
^ La coutume de Clermont eft la feule qui
ait retenu l'ancien ufage d'obliger l'acqué-
reur de fe faire enfaifiner : l'art. 114 de
cette coutume porte que quand aucun a
acquis quelque héritage roturier , il ne fe
peut mettre audit héritage fans faifine du
feigneur , fur peine de foixante fous parifis
d'amende.
Dans les autres coutumes , qui n'ont au-
cune difpofïtion à ce fujet , l'acquéreur
eft réputé mis en poflèiTion civile par le
feul effet des claufes du contrat, par lefquelles
le vendeur fe deflàiiit au profit de l'acqué-
reur ; & ce dernier n'a pas befoin d'autre
titre pour prendre poilcflion réelle & de
fait ; il peut pareillement difpofer de l'hé-
ritage de le revendre , quoiqu'il n'ait point
fait enfaifiner fon contrat.
Le feigneur ne peut faifir pour être payé
du droit à' enfaifinement ; il a feulement
une action pour s'en faire payer, au cas
que l'acquéreur ait pris faifine , & non
autrement.
Il eft néanmoins avantageux à l'acquéreur
de faire enfaifiner fon contrat , parce que
Tannée du retrait lignager ne court que du
jour de {'enfaifinement ; 8c que Ci le contrat
n'eft pas enfaifiné , l'action en retrait dure
trente ans ; 8c comme le feigneur a une
action pour fe faire exhiber le contrat d'ac-
quiiition 8c pour être payé des lods Ôc ven-
tes , on ne manque guère de faire enfaifiner
le contrat , en payant les droits feigne u-
riaux.
U 'enfaifinement fe met en marge du con-
trat , 8c fe donne fous-feing privé. Il peut
être donné par le fermier ou receveur du
feigneur , ou autre ayant charge de lui.
Toute la formalité confifte en ces mots ,
enfaifiné l'acquéreur au préfent contrat , &c.
Le feigneur ne doit pas refufer Y enfai-
finement à l'acquéreur qui le demande , en
payant par celui-ci le droit de douze de-
niers pour h faifine , 8c tous les droits qui
font dus au feigneur, tant pour la dernière
acquifîtion que pour les précédentes : fi le
feigneur refufoit mal-à-propos {'enfaifine-
ment , l'acquéreur peut le pourfuivre de-
vant le juge fupérieur de celui du feigneur.
Voye^ Brodeau fur l'article 82. de la coutume
E N S
de Paris, Se les autres commentateurs des
coutumes au titre des cenjives. {A)
Ensaisinement de Rentes consti-
tuées eft une formalité qui fe pratique
dans quelques coutumes , comme Seniis ,
Clermont Se Valois , pour donner la pré-
férence aux contrats de rentes enfaifinés ,
fur ceux qui ne le font point : cet enfaifi-
nemznt eft différent du nauijfement. Voye-^
Coutumes de Saisine , Mise de Fait,
Nantissement , Rentes constituées ,
Saisine. ( A )
Ensaisinement des Actes d'aliéna-
tion des Biens domaniaux , eft une for-
malité établie par arrêt du conieil d'état ,
du 7 août 1703. , qui ordonne qu'a l'ave-
nir tous les contrats de vente , échanges ,
adjudications par décret , licitations , &
autres aétes rranilatifs de propriétés de terres
Se héritages tenus en fief ou en roture ,
tant des domaines qui (ont es mains de
S. M. que de ceux qui font engagés , fe-
ront enfizifinês par les receveurs généraux
des domaines Se bois ; Se que ceux qui pof-
fedent depuis 168 5 , feront tenus de faire
enfaifiner leurs titres de propriété dans
les temps prescrits , Se fous les peines por-
tées par les arrêts.
Ce même enfaifinement a été ordonné
par déclaration du 23 juin 170 y , foit que
Y enfaifinement ait lieu par la coutume ou
non.
La perception des droits pour cet enfai-
finement 'st été réglée par plu heurs arrêts du
confeil des 31 janvier 1708, & premier
novembre 1735. Voye^ au (fi les édits de
décembre 170 1 & 1727, fur la même ma-
tière. ( A )
ENSANGLANTÉ , adj. terme de Blafon ,
qui fe dit du pélican Se autres animaux
iànglans.
Du Coin en Bretagne , dJor au pélican
d'azur avec fa piété , le tout enfanglaméde
gueules.
ENbEïGNE , f. m, (Jîifl.anc. & mod. )
figne militaire fous lequel fe rangent les
foidars , félon les différens corps dont ils
font , ou les différens partis qu'ils fui-
\»enr.
©ans la> première antiquité, les en feignes
militaires furent' aufii fcnpîcs due l'éroient
les premières armes, <k" les diverfes nations
EN S
5i9
ou partis , pour fè reconnoître dans les
combats , employèrent pour fignal des
choies très-communes, comme des bran-
ches de verdure , des oifeaux en plume ,
des têtes d'animaux , des poignées de foin
mifes au haut d'une perche : mais àmefure
qu'on fe perfectionna dans la manière de
s'armer Se de combattre , on imagina des
enfhigrzcs ou plus folides ou plus riches , Se
chaque peuple voulut avoir les fiennes ca-
ractérifées par des fymboles qui lui fuirent
propres. Les Grecs , par les termes géné-
riques de ri'uÇihov Se de tgoKvjfAA , Se les
Latins par ceux de fignum Se de vexilîum ,
dé/ignaient toutes fortes à'enfeignes , foit
qu'elles fu lient en figure de relief, foit
qu'elles fufîent d'étoffe unie, peinte ou bro-
dée : néanmoins chaque enfeigne , d'une
forme particulière , avoit fon nom propre ,
tant pour la donner à connoitre fous fa
forme, que pour montrer à quelle efpece
de milice elle convenoit.
Le nom à3 enfeigne eft donc générique;
Se parmi nous ce genre fe fubdivife en deux
efpeces , drapeau pour l'infanterie , Se éten-
dard pour la cavalerie.
Les Juifs eurent des e nfe ignés , chacune
des douze tribus d'Iiraël , ayant une cou-
leur à elle affectée , avoit un drapeau de
cette couleur , fur lequel on voyoit , à ce
qu'on prérend , la figure ou le fymbole qui
déiîgnoir chaque tribu , félon la prophétie
de Jacob. L'hcriture parle fouvent du lion
de la tribu de Juda , du navire de Zabu-
lon , des étoiles Se du firmament d'IiLichar.
Mais quoique chaque tribu , eût (onen feigne ,
on prétend que fur les douze il y en
avoit quatre prédominantes ; favoir , celle
de Juda , où l'on voyoit un lion , celles de
Ruben , de Dan Se d'Ephraïm , fur les-
quelles on voyoit des figures d'hommes ,
d'aigles , d'animaux. L'exiftcnce des enfei-
gne* , chez les Hébreux , eft arteftée pir
l'Ecriture: finguli per turmas , Jigna atque
vexilla ca(lrametabuntur filii Ifra'èl , dit
Moyfe , enap. ij , des nombres. Mais la re-
préTenration d'hommes Se d'animaux fur
ces enfe'gnes , n'eft pas également prou-
vée , elle paraît même directement con-
traire à la défenfe que Dieu , dons les Écri-
tures", réitère fi fouvent aux ïiraélites da
faire des figures, Gn croit qu'après le
520 E N S
captivité de Babylone , leurs drapeaux ne
furent plus chargés que de quelques let-
tres qui formoient des fentences à la gloire
de Dieu.
Il n'en étoit pas de même des nations
idolâtres ; leurs enfeignes ou drapeaux por-
taient l'image de leurs dieux ou des fym-
boles de leurs princes. Ainfi les Egyptiens
eurent le taureau , le crocodile , &c. Les
Aflyriens avoient pour enfeignes, des co-
lombes ou pigeons ; parce que le nom de
leur farneufe reine Sémiramis , originaire-
ment Chemirmor , fignifie colombe. Jérémie ,
chap. xhj , pour détourner les Juifs d'entrer
en guerre avec les Aflyriens , leur confeille
de fuir devant l'épée de la colombe , à
facie gladïi coiumbœ fugiamus , ce que les
commentateurs ont entendu des drapeaux
des Chaldéens.
Chez les Grecs , dans les temps héroï-
ques , c'étoit un bouclier , un cafque ou
une cuira (Te au haut d une lance , qui fer-
voient à' enfeignes militaires. Cependant Ho-
mère nous apprend qu'au fiege de Troye ,
Agamemnon prit un voile de pourpre , ôc
î'éleva en haut avec la main , pour le faire
remarquer aux foldats , ôc les rallier à ce
lignai. Ce ne fut que peu à peu ques'in-
troduifit l'ufage des enfeignes avec les de-
vifes. Celles des Athéniens étoient Mi-
nerve , l'olivier Se la chouette ; les autres
peuples de la Grèce avoient au (fi pour en-
feignes , ou les figures de leurs dieux tuté-
laires , ou des fymboles particuliers élevés
au bout d'une pique. Les Corinthiens
portoient un pégafe ou cheval ailé , les
Mefleniens la lettre greque m , ôc les La-
cédémoniens le A, qui étoit la lettre ini-
tiales de leur nom.
Les Perfes avoient pour enfeigne princi-
pale une aigle d'or au bout d'une pique ,
placée fur un chariot , ôc la garde en
étoit confiée à deux officiers de la première
diftinction , comme on le voit à la bataille
de Thymbrée fous Cyrus ; Ôc Xénophon ,
dans la Cyropédie , dit que cette enfeigne
fut en ufage fous tous les rois de Perfe.
Les anciens Gaulois avoient auiTî leurs en-
feignes , ôc juroient par elles dans les
ligues Se les expéditions militaires : on croit
qu'elles repréfentoient des figures d'ani-
E N S
maux, 8c principalement le taureau , le
lion ôc l'ours.
Il n'en efl pas de même de celles des
Romains ; à ces premières enfeignes grof-
fïeres , ces manipules ou poignées de foiri ,
qu'ils portoient pour lîgnaux lorfqu'ils
n'étoient encore qu'une troupe de brgands,
ils fubftituerent , félon Pline , des figures
d'animaux ; comme de ' loup , de cheval ,
de fanglier , de minotaure ; mais Marius
les réduifit toutes à l'aigle , fi connue fous
le nom d'aigle Romaine.
Elles furent d'abord en relief , les unes
d'or , les autres d'argent , d'airain , ou de
bois. Une légion étoit divifée en cohortes,
la cohorte en manipules , Ôc le manipule en
centuries. Chaque cohorte étoit comman-
dée par un tribun ; il en étoit , pour ainfi
dire , le colonel. C étoient ces officiers qui
avoient feuls le droit d'avoir une aigle dans
la cohorte que chacun d'eux commandoir.
Il n'y avoit que deux aigles par légi\m , &
les enfeignes des autres cohortes étoient
d'une autre forme. Les aigles des légions
étoient d'argent , à l'exception de la pre-
mière aigle de la première légion , qui ,
dans une armée confulaire ou impériale ,
étoit d'or. Cette aigle d'or étoit regardée
comme {'enfeigne principale de la nation ,
ôc comme un fymbole de Jupiter qu'elle
reconnoiflbit pour protecteur. Les autres
enfeignes inférieures aux aigles , telles que
celles des manipules ôc des centuries , n'é-
toient que d'airain ou de bois.
Les enfeignes Romaines , inférieures aux
ailes, étoient compoféesdepluiieurs médail-
lons mis les uns fur les autres , attachés ou
cloués fur le bois d'une pique , ôc furmontés
par quelques fignessfoit d'une main, fymbole
de la juftice ; foit d'une couronne , de lau-
rier , fymbole de la vi&oire. Une enfeigne
à médailles en contenoit depuis une jufqu'à
cinq ou fîx , fur lefquelles fe voyoient le mo-
nogramme des quatre lettres majufcules S.
P. Q. R. ôc les portraits des empereurs ,
tant du prince régnant que de celui de fes
prédécefïeurs qui avoit créé le corps à qui
appartenoit \' enfeigne. Elles contenoient aufïî
l'emblème ou l'image du dieu que ce corps
avoit choiii pour fbn dieu tutélaire : mais
les enfeignes d'infanterie étoient chargées
de plus de médaillons que celles de la
cavalerie.
E N S
cavalerie. Voye^ nos Planches d'antiquités.
Dans toutes les enfeignes , au deflbus de
la partie en relief , étoit un petit morceau
d'étoffe appelle labarum , qui pendoit en
forme de bannière , 8c qui fervoit , foit par
fa couleur , foit par fon plus ou moins de
grandeur , à faire distinguer le manipule ou
la centurie à qui Yenfeigne appartenoit.
Quoique l'aigle d'or n'eut pas de laba-
rum du temps de la république , il paroît
qu'elle en a eu fous les empereurs , du
moins du temps de Conftantin ; car on
fait qu'après la converfîon de ce prince au
Chriftianifme , les enfeignes romaines chan-
gèrent de devifes ; au lieu des emblèmes
ou des figures des dieux empreintes fur les
médaillons, on grava des croix. Si la légion
eonferva une de les aigles , l'autre fut fup-
primée , & l'une des deux enfeignes fur-
montée d'une croix. De plus , le prince &
les fuccefleurs fe donnèrent une enfeigne de
corps ou d'accompagnement de leurs per-
fonnes dans les batailles ; on la nomma
labarum : elle étoit d'une riche étoffe , 8c
en forme d'une bannière , fur laquelle étoit
brodé en pierreries le monogramme de Jefus-
Chrift , ainfl figuré \c , 8c qu'on avoit
fubftitué à celui-ci S. P. Q. R. On ne
portoit le labarum à l'armée que quand
l'empereur y étoit en perfonne. Julien
l'apoftat rétablit le labarum dans fa pre-
mière forme , 8c mit dans tous les autres
drapeaux la figure de quelque divinité du
paganifme : mais cette innovation ne dura
pas plus long-temps que le règne de ce
prince , 8c le labarum de Conftantin fut re-
mis en honneur.
En temps de paix , les légions qui n'é-
toient point campées fur les frontières , dé-
pofbient leurs enfeignes au tréfor public ,
qui étoit dans le temple de Saturne , 8c
on les en tiroir quand il falloit ouvrir la
campagne. On ne pafîbit pas devant les
aigles fans les faluer , 8c on mettoit auprès ,
comme dans un afyle afluré , le butin 8c les
prifonniers de guerre ; les officiers 8c les
foldats y portoient leur argent en dépôt ,
8c le porte-aigle en étoit le gardien. Après
une victoire on les ornoit de fleurs 8c de
lauriers , & l'on brûloir devant elles des
parfums précieux.
Tome XI I.
E N S pi
A l'exemple des Grecs 8c des Romains ,
& pour la même fin ? les nations qui fe
font établies en Europe fur les débris de la
puiffance romaine , ont eu des enfeignes
dans leurs armées. Nous parlerons ici prin-
cipalement de celles des François , dont le
nombre , la couleur & la forme n'ont pas
toujours été les mêmes. Ce que nous en
dirons eft extrait du commentaire qu'a
donné fur cette matière M. Beneton.
En remontant jufqu'à l'établifTèment de
notre monarchie , on voit que les François
qui entrèrent dans les Gaules avoient des
enfeignes chargées de divers (ymboles. Les
Ripuairès avoient pour fymbole une épée
qui défi gnoit le dieu de la guerre , 8c les
Sicambres une tête de bœuf , qui , félon
cet auteur , défignoit Apis dieu de l'Egypte ,
parce que ces deux nations étoient originai-
rement defeendues des Egyptiens 8c des
Troyens, fî on l'en croit. Quoi qu'il en
foit , on convient affez communément que
nos premiers rois portoient des crapauds
dans leurs étendards.
Depuis la converfîon de Clovis au chrif-
tianifme 3 la nouvelle religion ne permet-
tant plus ces fymboles qui fe reffentoient
de l'idolâtrie, ce prince ne voulut plus que
fa nation fût défignée que par une livrée
prife de la religion qu'il fuivoit. Ainfi Yen-
feigne ou la bannière de faint Martin de
Tours , qui fut le premier patron de la Fran-
ce , 8c qui étoit d'un bleu uni , fut pour les
troupes le premier étendard , comme le
labarum l'avoit été pour les Romains depuis
la converfîon de Conftantin. Dans le même
efprit on avoit coutume de porter dans les
armées des châfïes 8c des reliquaires. Mais
outre ces enfeignes de dévotion deftinées à
exciter la piété , il y avoit encore des en-
feignes de politique faites pour exciter la
valeur , c'eft-à-dire , des enfeignes ordi-
naires.
Augufte Galland a cru que ce qui étoit
porté autrefois dans nos armées fous le nom
de chape de S. Martin , étoit effectivement le
manteau de ce faint attaché au haut d'une
pique pour fervir d'enfeigne. Mais par le
mot cappa , il faut entendre ce qui eft
lignifié par capfa , c'eft-à-dire , une châfîe ,
un coffret renfermant des reliques de faint
Vvv
5ii E N S
Martin , qu'on pouvoir porter à l'armée
fuivant l'uiage de ce temps-là. La véritable
enfeigne étoit une bannière bleue faite com-
me nos bannières d'églife. La cérémonie
d'aller lever la bannière de S. Martin de
deffus le tombeau du faint , où elle étoit
mife , quand il étoit queftion de la porter
à la guerre , étoit précédée d'un jeûne ôc
de prières. Les rois faifoient fouvent cette
levée eux-mêmes ; & comme il ne conve-
noit pas à un général de porter continuelle-
ment une enfeigne . ils la confioient à quel-
que grand feigneur , duc , comte , ou
' baron pour la porter pendant l'expédition
pour laquelle on la portoit. Les comtes
d'Anjou , comme advoués de l'églife de
S. Martin de Tours , avoient ordinaire-
ment cette commifïion. Voye[ Advoué.
La dévotion envers S. Martin ayant peu
à peu diminué , ôc les rois depuis Hugues
Capet , ayant fixé leur féjour à Paris ,
S. Denis , patron de leur capitale , devint
bientôt celui de tout le royaume ; ôc le
comté de Vexin , dont le comte étoit l'ad-
voué de l'abbaye de S. Denis , ayant été
léuni à la couronne par Louis le Gros, ce
prince mit la bannière de S. Denis au même
crédit & au même rang qu'avoit eu celle
de S. Martin fous fes prédécefleurs. On la
nomma V oriflamme ; elle étoit rouge , cou-
leur affectée aux martyrs : quelques-uns
ont prétendu qu'elle étoit chargée de flam-
mes d'or , 6c que de là étoit venu Ton nom ;
mais c'eft une tradition peu fondée. L'ori-
flamme coniîftoit en un morceau d'étoffe
de foie couleur de feu , monté fur un bâton
qui faifoit la croix au haut d'une lance ;
l'étoffe de l'oriflamme ie terminoit en pointe ,
ou , félon des auteurs , étoit fendue par le
bas comme pour former une flamme à
plufieurs pointes. En temps de guerre ,
avant que d'entrer en campagne , le roi
alloit en grande pompe à S. Denis lever
cet étendard , qu'il confioit à un guerrier
diftingué par fa naiflance & par fa valeur ,
chargé de garder cette enfeigne , & de la rap-
porter à l'abbaye à la fin de la guerre ; mais
les derniers porte-oriflammes négligèrent
cette dernière cérémonie , ôc la retinrent
chez eux. On croit communément que
l'oriflamme difparut à la bataille d'Azin-
coun 3 fous Charles YI > du moins depuis
E N S
cette époque il n'en eft plus mention dans
nos hiftoriens.
Mais dans le temps même que cette en-
feigne étoit le plus en honneur dans nos
armées, ôc qu'on la portoit à leur tête
gardée par une troupe de cavalerie d'élite ,
il y avok encore deux enfeignes principales j
(avoir , la Bannière ou l'étendard de France ,
qui étoit la première enfeigne féculiere de
la nation , ôc qui tenoit la tête du corps
de troupes le plus diftingué qu'il y eût alors
dans l'armée ; 2°. le pennon royal , qui étoit
une enfeigne faite pour être inféparable de
la perfonne du roi. SucceiTïvement les
différens corps de troupes , infanterie ôc
cavalerie , ôc leurs div liions ont eu leurs
enfeignes , qu'on a nommées bannières , p en-
nons , fanons , gonfanons , drapeaux , éten-
dards, guidons.
La bannière > qui vient du mot ban ou
pan , ôc celui-ci depannus en latin , drap ou
étoffe, étoit commune à la cavalerie ôc à
l'infanterie , ôc de la même forme que nos
bannières d'églife , avec cette différence
que celles des fantallins étoient plus gran-
des que celles des gens de cheval ; qu'elles
étoient tout unies , au lieu que celles de
la cavalerie étoient chargées de chiffres , de
devifes. La bannière de France étoit auiîî
plus remarquable que les autres par fa gran-
deur ; elle étoit d'abord d'une étoffe bleue
unie , qu'on chargea de fleurs de lis d'or ,
quand elles eurent été introduites dans les
armoiries de nos rois. On nomma les plus
grandes , bannières gonfanons. Depuis , le
morceau d'étoffe qui compofoit la bannière
fut attaché au bois de la pique par un de
fes côtés } fans traverfe , comme on le voit
aux drapeaux d'aujourd'hui qui ont fuc-
cédé aux bannières de l'infanterie , comme
l'étendard ôc le pennon aux bannières de
cavalerie. Le pennon ou fanon étoit un mor-
ceau d'étoffe attaché le long de la pique
aufîî-bien que l'étendard , mais avec cette
différence que celui-ci étoit carré, ôc l'autre
plus étroit , plus alongé , ôc terminé en
pointe. Il y avoit des pennons à plus de
pointes les uns que les autres. Le pennon
d'un banneret fuzerain , par exemple , n'a-
voit qu'une pointe, ôc les pennons des banne-
rets fes vaflàux en avoient deux. De plus >
parmi les chefs de pennonies rangées fous
E N S
une bannière , quelques-uns étaient cheva-
liers , d'autres n'étaient que bacheliers ou
écuyers , &c les pennons marquoient la dii-
rinction de tous ces grades ; ce qui mon-
troit des pennons à une , à deux , à trois
pointes.
Sous Charles VII , le changement arrivé
dans notre ancienne gendarmerie , dont on
forma des compagnies d'ordonnance , en
introduisit aufli dans toutes les enj~cign.es \
les bannières Se les pennons disparurent
pour faire place aux drapeaux de l'infan-
terie , aux étendards Se aux guidons de la
gendarmerie , tk aux cornettes de la cava-
lerie légère.
Le drapeau qui vient encore de pannus
ou pennus , d'où l'on a fait par corruption
pellus , pelletus , pellum , drappellum , Se nos
ancêtres drapel , eft un morceau d'étoffe
carré , cloué par un de fes côté$ fur le
bois d'une pique. L'ufage d'y mettre des
croix avoit commencé au temps des croi-
fàdes , Se ces croix furent rouges dans les
enfeignes de France jufqu'au teriîps de Char-
les VI. C'étoit alors la couleur de la nation :
mais les Anglois qui avoient juSqu'alors
porté dans leurs enfeignes la croix blanche
ayant pris la rouge à caufe des prétendus
droits qu'ils croyoient avoir au royaume de
France , Charles VII , qui n'était alors
que dauphin , changea la. croix rouge des
enfeignes de fa nation en une croix blanche ;
Se pour marquer plus intelligiblement qu'il
établifloit cette couleur pour être détbr-
mais celle de la nation , il Ce donna à lui-
même une enfeigne toute blanche qu'il
nomma cornette , Se la donna pour enfeigne
à la première des compagnies de gendar-
merie qu'il créa , Se c'eft ce qu'on nomma
la cornette blanche.
Depuis qu'il y a des croix fur les enfei-
gnes , la couleur dont eft cette croix mon-
tre la nation à qui appartient {'enfeigne \
pour le fond fur lequel eft placée la croix ,
il fait partie de l'uniforme de la troupe à
qui eft Y enfeigne. A mefure que les corps
militaires qui fubiiftent aujourd'hui ont été
créés , le premier commandant de chacun
de ces corps a eu occafion de leur commu-
niquer fa livrée dans fes enfeignes ; ce qui a
tenu lieu d'uniforme jufqu'à ce que l'on ait
imaginé l'uniforme des habits.
E N S yi5
Depuis Charles VII jufqu'à François I ,
il n'y eut en France que deux enfeignes
royales blanches ; lavoir , la cornette de
France ou la cornette blanche dont nous
venons de parler , Se la cornette royale q ui
étoit comme l'étendard de corps du prince ,
qu'on portoit auprès de lui , foit dans les
batailles , Se quelquefois en temps de paix
dans les grandes folemnités , comme aux
entrées publiques , &c. Mais depuis les
guerres du Calvinifme , outre les cornettes
blanches des généraux d'armée à qui le roi
accordoit cette prérogative par diftinétion ,
il y eut en France , fur-tout fous Char-
les IX , autant à! enfeignes blanches qu'il y
avoit de colonels-généraux des différentes
milices. En ce temps-là l'infanterie Fran-
çoife étoit partagée fous deux colonels ;
lavoir , celui de l'infanterie qui étoit dans
le royaume , Se celui de l'infanterie qui
étoit en Italie , qu'on appelloit colonel de
V infanterie de delà les monts. Chacun de ces
colonels avoit fon drapeau blanc : le colo-
nel des Suifles au fer vice de la France avoit
le lien , Se les colonels des Lanfquenets Se
des Corfes avoient aufïi les leurs. Chaque
colonel mit fon drapeau blanc dans (a
compagnie colonelle ; Se par la fuite lors-
que l'infanterie fut enrégimentée , le colo-
nel-général voulut avoir une compagnie
dans chaque régiment , Se que cette com-
pagnie eût un drapeau blanc ; ce qui le
pratique encore aujourd'hui pour toutes les
compagnies colonelles , quoique la charge
de colonel-général de l'infanterie ne fub-
lïfte plus ; le droit du drapeau blanc a pafle
de la compagnie colonelle générale à la
compagnie colonelle , la première ayant été
fupprimée , chaque meftre-de-camp ou
colonel d'un corps particulier s'étant à cet
égard arrogé les prérogatives du colonel-
général ; ulage qui a commencé fous Henri
III , vers l'an 158c.
Les enfeignes de la cavalerie ont été
nommées étendards Se guidons , au lieu de
bannière Se pension , en forte que l'étendard
eft au guidon ce que la bannière étoit au '
pennon ; cependant cette difti notion ne
fubfifte plus , parce que l'étendard eft com-
mun à tous les corps de cavalerie : ainfî
l'on dit un étendard de cavalerie Se un gui-
don de gendarmerie > mais dans cette der-
V v v 2
5i4 E N S
niere troupe , c'eft la charge qu'on nomme
guidon 8c non pas Venfeigne , on la nomme
étendard comme dans les autres corps : ces
deux enfeignes avoient tiré leur nom par
fîmilitude de l'action à laquelle elles font
propres. Le guidon eft propre à guider 8c
à conduire , l'étendard eft fait pour être
vu étendu \ car il eft attaché à fà lance de
foutien , de manière à paraître tel , foit au
moyen du vent , ou par le^moyen d'une
verge de fer à laquelle le chiffon qui fait
proprement l'étendard , peut être attaché
comme il l'étoit autrefois : un étendard
ainfi envergé reftoit bien étendu au haut
de fà pique , &c il tournoit tout d'une
pièce comme une girouette. Depuis l'intro-
duction de la cornette blanche royale 3 le
premier régiment de cavalerie a pris une
cornette blanche pour fa compagnie colo-
nelle , & outre cela il fe nomme la cornette
Manche } comme on a autrefois défïgné les
compagnies de cavalerie par le nom de
, cornettes ; ainfi l'on difoit qu'il y avoit dans
une armée ioo cornettes de cavalerie ,
pour figni fier ioo compagnies.
Les étendards des dragons ont quelque
reffemblance avec les anciens pennons 3 en
ce qu'ils font plus longs que ceux de la
cavalerie , & fe terminent en double
pointe. Les étendards font chargés d'armes
ou de devifes & de légendes en broderie.
Les enfeignes d'infanterie ne font qu'une
grande pièce de fort taffetas , avec une
croix dont les bras s'étendent jufqu'aux
bords ; le fond eft un champ peint de
couleurs différentes , avec des fleurs de lis
femées fans nombre dans quelques-uns ,
dans d'autres une couleur pleine , 8c dans
quelques autres encore des flammes de di-
verfes couleurs comme dans les drapeaux
des Suiifes.
Dans l'infanterie , l'officier qui porte le
drapeau s'appelle en feigne , 8c dans la cava-
lerie , celui qui porte l'étendard s'appelle
cornette. Chaque bataillon a trois drapeaux
dans l'infanterie , la cavalerie a deux éten-
dards par efeadron , 6c les dragons n'en
ont qu'un , il s'appelle drapeau lorfque les
dragons font en bataillon , 8c étendard
lorfqu'ils font en efeadron. Quand l'armée
eft rangée en bataille , tous les étendards
font à la première ligne , portés chacun fur
E N S
le front de leurs efeadrons ; 8c à droite Se
à gauche du porte-étendard font deux ca-
valiers qu'on choifit parmi les plus braves
pour le défendre , 8c empêcher que l'en-
nemi ne s'en faififïe. Chaque étendard
porte d'un côté un foleil d'or brodé , avec
la devife de Louis XIV , necpluribus impar s
en letrres d'or , 8c de l'autre la devife du
régiment.
Il y a à chaque drapeau 8c chaque éten-
dard un morceau de taffetas noué entre
l'étoffe de l'étendard ou drapeau 8c le bout
de la lance : on appelle ce morceau de taf-
fetas la cravate > fa couleur eft ordinaire-
ment celle de la nation à laquelle appartient
Venfeigne 8c la troupe ; comme la France ,
blanc ; l'Efpagne , rouge \ l'Empereur ,
verd ; Bavière , bleu -, Hollande , jaune, &c.
Chaque nation a aufïi fes enfeignes parti-
culières.
Les enfeignes des Turcs , comme celles
de toutes les autres nations , fout attachées
à une lance dont l'extrémité paflè au deiîus
de l'étendard même.
Leurs étendards , en général , font d'une
étoffe de foie de diverfes couleurs , chargée
d'une épée flamboyante , environnée de
caractères Arabes en broderie ; une grofle
pomme dorée , attachée au bout de la
lance , 8c furmontée d'un croifïànt d'ar-
gent , termine l'étendard ; ce qui , félon
eux , repréfente le Soleil 8c la Lune. Si au
defîous de la pomme dorée 8c autour de
la lance , il n'y a que de gros floccons de
queue de cheval à longs crins , teints de
diverfes couleurs , on appelle ces étendards
tongs. L'étendue du commandement règle
le nombre de ces queues \ plus on a droit
d'en faire porter devant foi, & plus on a
d'autorité. On dit , un bâcha a deux queues ,
un bâcha à trois queues , pour fignifier que
celui-ci a plus de pouvoir que le premier.
Le principal étendard des Turcs eft celui
qu'ils appellent l'étendard du prophète , (bit
que ce foit celui de Mahomet même , ou
quelque autre fait à fon imitation. Il eft
verd. Les Turcs fuppofent que le falavat
ou confeflîon de foi mahométane , y étoit
autrefois écrit en lettres noires ; mais il y a
long-temps que toute cette écriture eft
effacée : pour toute infeription on y voit le
mot akm au bout de la lance. Il paroît
E N S
déchiré en beaucoup d'endroits ; aufïi , pour^
le ménager , ne le déploie-t-on jamais. On
le porte roulé autour d'une lance devant
le grand -feigneur , ôc il demeure ainfiexpoié
jufqu'à ce que les troupes fe mettent en
marche. AufTi-tôt que l'armée eft arrivée
à ion premier campement , on met l'éten-
dard dans une caifle dorée , où fe conier-
vent aufïi l'alcoran 8c la robe de Mahomet ;
êc toutes ces chofes chargées fur un cha-
meau , précèdent le fultan ou le grand-vifir.
Autrefois cet étendard étoit en il grande
vénération , que lorfqu'il arrivoit quelque
iedirion à Conftantinople ou dans l'armée ,
il fuffiioit de l'expofer à la vue des rebelles
pour les faire rentrer dans le devoir.
Le chevalier d'Arvieux , tome IV, en
décrivant la marche dugrand-feigneur pour
fe rendre à l'armée , dit qu'entre deux tongs
qui le précédoient , étoit un autre cavalier
qui portoit un grand drapeau de toile ou
d'étoile de laine verte , fimple ôc ians or-
nement , que le haut de la pique où il étoit
attaché , étoit garni d'une boîte d'argent
doré en forme d'un as de pique , qui ren-
fermoit un alcoran ; ôc que ce drapeau uni
Ôc fans ornement , qui repréfentoit la pau-
vreté &c la iimplicité dont Mahomet faifoit
profeffion , étoit fuivi de deux autres fort
grands de damas rouge ornés de paflages
de l'alcoran dont les lettres étoient formées
de feuilles d'or appliquées à l'huile , après
lequel fuivoit un troifieme de toile ou d'é-
toffe de laine légère , tout rouge ôc fans
ornement , qui eft l'étendard de la maifon
impériale.
Sept grands étendards ou tongs précè-
dent le grand-feigneur lorfqu'il va en cam-
pagne. Tous les gouverneurs de provinces
ont auffi leurs étendards particuliers, comme
des fymboles de leur pouvoir , qui les ac-
compagnent dans toutes leurs cérémonies ,
qu'ils placent dans un lieu remarquable
de leur logis , ôc en guerre à la porte de
leur tente.
S'il eft queftion de lever une armée , tous
les particuliers fe rangent fous l'étendard
du fanjac , chaque fanjac fous celui du bâcha,
ôc chaque bâcha fous celui du beglerbeg.
On arbore aufîi à Conftantinople les queues
de cheval en différens endroits , pour mar-
que de déclaration de guerre. Les bâchas
E N S 515
ui ne font point d'un rang inférieur aux
viiîrs , quoiqu'ils ne foient pas honorés de
ce titre , ont deux queues de cheval , un
alem verd , ôc deux autres étendards, aufïi-
bien que les princes de Moldavie ôc de Va-
lachie ; un beg , ou fanjac a les mêmes mar-
ques d'honneur , excepté qu'il n'a qu'un
tong. L'alem ou grand étendard du grand-
vifir, quand il eft à la tête des troupes ,
eft beaucoup plus diftingué que ceux des
autres officiers-généraux. Celui qu'on trouva
devant la tenze du grand-vifir à la levée du
fiege de Vienne en 1683 , étoit de crin
de cheval marin travaillé à l'aiguille , brodé
de fieurs ôc de cara&eres Arabefques. La
pomme étoit de cuivre doré , ôc le bâton
couvert de feuilles d'or. Celui que le roi
de Pologne envoya à Rome pour marque
de cette victoire , étoit encore plus riche.
Le milieu de cet étendard étoit de brocard
d'or à fond rouge ; le tout de brocard ,
argent, ôc verd , Ôc les lambrequins de
brocard incarnat ôc argent. On y voit ces
paroles brodées en lettres Arabes , la illahe
Ma allah Mahamet refulalkh; ce qui fignifie,
/'/ n'y a point d'autre Dieu que le ÇeulDieu ,
& Mahomet envoyé de Dieu. On lifoit encore
dans les rebords d'autres caractères Arabes ,
qui iignifloient , plaife à Dieu nous cjjijler
avec un fecours puijfant ; c'efl lui qui a mis
un repos dans h coeur des fidèles pour fortifier
leur foi. Le bâton de l'étendard étoit fur-
monté d'une pomme de cuivre doré , avec
des houppes de foie verte.
Les étendards ou drapeaux desjanniiTaires
font fort petits , ôc mi-partis de rouge Ôc
de jaune , furchargés d'une épée flam-
boyante en forme d'un éclat de foudre ,
vis-à «'3 d'un croulant. Ceux des fpahis
font rouges, ôc ceux des felictarlis font jau-
nes. Tous les étendards des provinces font
à la garde d'un officier nommé émir alem >
c'eft-à-dire , chef des drapeaux. Il a aufïi
la garde de ceux du fultan , qu'il précède
immédiatement à l'armée , fiifant porter
devant lui une cornette mi -partie de
blanc ôc de verd , pour marque de fa
dignité.
Parmi les Tartares Mongouîs , ou orien-
taux , chaque tribu a ion ki ou étendard ,
qui confifte en un morceau d'étoffe appelle
kitaïka,- qui eft d'une aune en carré , atca-
5l6 E N S
ché à une lance de douze pies de haut.
Chez les Tartares Mahometans chaque
ki a une fentence particulière avec fon nom
écrit en Arabe fur cette enfeigne ; mais chez
les Tartares idolâtres , tels que les Kalmouts,
chaque horde ou tribu a un chameau, un
cheval , ou quelque autre animal , & encore
quelque autre marque diftindive , pour
reconnoître les ramilles d'une même tribu.
Les Tartares Européens ont auiTî des dra-
peaux 8c étendards , chargés de figures &c
de fymboles , tels que celui d'un kam des
Tartares de Crimée , pris par les Mofco-
vkes en 1738 , il étoit verd , portant une
main ouverte . deux cimeterres croifés , un
croiflànt , & quelques étoiles, &: le bouton
d'en haut étoit garni de plumes. Guer ,
Mœurs des Turcs , tome IL ; mémoire du
chevalier d'Arvieux , tome IV \ Beneton ,
comm. fur les enfeignes.
, Les Sauvages de l'Amérique ont aufTî des
efpeces & enfeignes. Ce font , dit le P. de
Charlevoix dans Ton journal d'un voyage
d'Amérique , de petits morceaux d'écorce
coupés en rond „ qu'ils mettent au bout
d une perche , 8c fur le (quels ils ont tracé
la marque de leur nation , ou de leur
village. Si le parti eft nombreux , chaque
famille ou tribu a fon enfeigne avec fa mar-
que diftinélïve , qui leur fert à fe recon-
noître 8c à fe rallier. ( G )
Enseigne de Vaisseau , ( Marine. )
c'eft un officier qui a rang après le lieute-
nant , 8c qui lui doit obéir ; mais en fon
ablènce , {'enfeigne fait les fonctions de
lieutenant. ( Z )
Enseigne de Poupe, ( Marine) c'eft
le pavillon qui fe met fur la poupe. Ven-
feigne de poupe dans les vailfeaux Fi* nçois
eft blanche pour les vaifleaux de guerre ,
8c bleue pour les vaiffeaux marchands. ( Z )
Enseigne , f. f. petit tableau pendu à
une boutique de marchand , ou à une
chambre d'ouvrier pour le déligner. L'on
appelle encore enfeigne , un tableau qu'on
met fous l'auvent d'une boutique , 8c qui
tient toute fa longueur.
ENSEIGNEMENT, f. m. (Jurifp.)
font les preuves que l'on donne de quelque
chofe , tant par titres & pièces que par
d'autres indications. Voy. Preuve. \A)
ENSELLÉ, adj. {Manège & Maréch.)
E N S
cheval enfellé : on défigne par ce mot un
cheval dont le dos au lieu d'être uni 8c
égal dans toute fon étendue ? creufe dans
fon milieu , 8c y eft , vu cette efpece de
concavité , infiniment plus bas que par- tout
ailleurs.
Les chevaux ainii conformés ont , il eft
vrai , l'encolure haute 8c relevée , la tête
bien placée , l'avant-main , tout le bout de
devant beau ; nombre d'entr'eux ont de la
légèreté : mais il en eft aufti beaucoup qui
font foibles 8c qui fe lalTent aifément.
Il eft extrêmement difficile d'ajufter la
felle qu'on leur deftine , 8c l'on eft contraint
de charpenter les arçons différemment ,
pour les approprier à leur tournure défec-
tueufe. Voye^ Selle, (e)
ENSEMBLE , ( Peint. ) Voici un mot
dont la lignification , vague en apparence ,
renferme une multitude de loix particulières
impofées aux artiftes , premièrement par
la nature , ou , ce qui revient au même ,
par la vérité ; 8c enfuite par le raifonne-
ment , qui doit être l'interprète de la nature
8c de la vérité.
\Jenfemble eft l'union des parties d'un
tout.
\Jenfemble de l'univers eft cette chaîne
prefque entièrement cachée à nos yeux ,
de laquelle réfulte Fexiftence harmonieufè
de tout ce dont nos fens jouifTent. Uenfem-
ble d'un tableau eft l'union de toutes les
parties de l'art d'imiter les objets; enchaîne-
ment connu des artiftes créateurs , qui le
font fevir de bafe à leurs productions; tiffu
myftérieux, -invifibleà laplupartdes fpec-
tateurs , deftinés à jouir feulement des
beautés qui en réfultent.
L'enfemble de la composition dans un
tableau d'hiftoire eft de deux efpeces ,
comme la compofition elle-même , 8c peur
fe divifer parconféquent en enfemble pittoref-
que , 8c en enfemble poétique.
Les acleurs d'une feene hiftorique peu-
vent , fans doute , être fixés dans les ou-
vrages des auteurs qui nous l'ont tranimife.
La forme du lieu où elle fe paftè , peut
aufîi fe trouver très-exaérement déterminée
par leur récit : mais il n'en reftera pas moins
au choix de l'artifte un nombre infini de
combinaifons que peuvent éprouver entre
eux les perfonnages elfentiels 8c les objets
E N S
décrits. Ceft au peintre à créer cet enfemble
pittcrefque ; Ôc je crois qu'on doit moins
craindre de voir s'épuifer la variété dans les
comportions , que le talent d'embraffer
toutes les combinaifons qui peuvent le pro-
duire.
Celle des combinaifons pofïibles à la-
quelle on s'arrête, eft donc dans un tableau
ion enfemble p. ttorefque ; il eft plus ou moins
parfait •> félon que l'on a plus ou moins réufîi
à rendre les grouppes vraifemblables , les
attitudes juftes , les fonds agréables , les dra-
peries naturelles , les acceffoires bien choifis
ôc bien difpofés.
L 'enfemble poétique exige à fon tour cet
intérêt général , mais nuancé , que doivent
prendre à un événement tous ceux qui y
participent. L/efprit , l'ame des fpeitateurs
veulent être fatisfaits , ainfi que leurs yeux ;
ils veulent que les fentimens dont l'artifte
a prétendu leur faire paffer l'idée , aient dans
les figures qu'il repréfente , une liaifon , une
conformité , une dépendance , enfin , un
enfemble qui exifte dans la nature. Car
dans un événement qui occafione un con-
cours de perlonnes de difFérens âges , de
différentes conditions , de difFérens fexes ,
le fentiment qui réfulte du fpectacle pré-
fent , femblable à un fluide qui tourbil-
lonne , perd de fon a&ion en s'étendant
loin de ion centre : outre cela , il emprunte
fes apparences différentes de la force , de la
foiblelîe , de la feniibiîité , de l'éducation ,
qui font comme différens milieux par lef-
quels il circule.
De cette multitude d'obligations qu'im-
potent les loix de Y enfemble , on juge bien
que la couleur revendique les droits.
Son union , fon accord , fa dégradation
ïnfenfible forment fon enfemble ; le clair-
obfcur compofe le dm des gouppes de
lumière ôc d'ombre , ôc de l'enchaînement
de (es mafîes : mais ce fujet mérite bien
que l'on confulte les articles qui font plus
particulièrement deftinés à les approfondir :
ainfî je renverrai entr'autres , pour l'expli-
cation plus étendue de ce genre à' enfemble ,
au mot Harmonie , qui l'exprime.
La couleur a des tons , des proportions ,
des intervalles ; il n'eft pas étonnant que la
peinture emprunte de la mufîque le mot
harmonie , qui exprime fi bien l'effet que
EN S 527
produifent ces. différens rapports : ôc la
mufîque , à fon tour , peut adopter le mot
coloris , en nommant ainfî cette variété de
ftyle qui peut l'affranchir d'une monotonie ,
à laquelle il femble qu'elle s'abandonne
parmi nous.
Si je ne me fuis arrêté qu'à des réflexions
générales fur le mot enfemble , on doit fentir
que je l'ai fait pour me conformer à l'idée
que préfente ce terme : cependant il devient
d'une lignification moins vague & plus
connue , lorfqu'il s'applique au deiïïn. Il
eft plus communément employé par les
artiftes : ôc de cet ufàge plus fréquent
doit naturellement réfulter une idée plus
nette ôc plus précife : aufïî n'eft-il pas d'é-
levé qui ne fâche ce qu'on entend par Yen -
femble d'une figure , tandis que peut-être
fe trouveroit-il des artiftes qui auraient
peine à rendre compte de ce que lignifie
enfemble poétique ÔC enfemble pittorefque.
Cet ufage plus ou moins fréquent des
termes de Sciences ôc d'Arts , eft un nés
obftacles les plus difficiles à vaincre pour
parvenir à fixer les idées des hommes fur
leurs différentes connoiffances. Les mots
font-ils peu ufîtés,onne connoît pas affezleur
lignification. Le deviennent - ils , bientôt ,
ils le font trop : on les détourne , on en
abufe au point qu'on ne fauroit plus en faire
l'ufage méthodique auquel ils font deftinés.
Mais fans m'arrêter à citer des exemples
trop faciles à rencontrer , je reviens au
mot enfemble. Lorfqu'il s'agit d'une figure ,
c'eft l'union des parties du corps ôc leur
correfpondance réciproque. On dit un bon
ou un mauvais enfemble j par conféquent le
mot enfemble ne fîgnifie pas précifément la
perfection dans le deflin d'une figure , mais
feulement l'affemblage vraifemblable des
parties qui la compofent.
Uenfemble d'une figure eft commun ÔC
à la figure, ôc à l'imitation qu'on 'en fait.
Il y a des hommes dont on peut dire qu'il
font mal enfemble ; parce que , difgraciés
dès leur naiilance, leurs membres font
effectivement mal affemblcs. Mais n'eft-il
pas étonnant que l'extravagance des modes
ôc l'aveuglement des prétentions aient fou-
vent engagé pluiîeurs de ces êtres indéfinif-
fables qu'on nomme petits-maîtres , à défi-
' gurer un enfemble quelquefois très-parfait ,
51^ E N S
ou au moins paffable , dont ils étalent doués ,
pour y fubltituer une figure décompofée
qui contredit défagréablement la nature ?
Les grâces font plus refoectées par la
peinture ; &c il on ne leur facrifie pas tou-
jours , au moins a-t-on toujours pour objet
d'obtenir leur aveu par la peift-ction de
Venfembh. Les Grecs qui , entr'autres avan-
tages , ont fur nous celui de nous avoir
précédés , ont fait une étude particulière
de ce qui doit conftituer la perfection de
Y enfemble d'une figure.
Ils ont trouvé dans leur goût pour les
arts , dans leur émulation , dans les ref-
lources de leur efprit , Se dans les ulages
qu'ils pratiquoient , des facilités &c des
moyens qui les ont menés à des fuccès
que nous admirons. Je reprendrai ce fil ,
qui me conduiroit infenfiblement à parler
des proportions , Se de la grâce , aux mots
Proportion, Grâce; voye^aufji Beau;
Se je .me contenterai de dire que la juftefle
de Y enfemble dépend beaucoup de la con-
noiflànce de l'anatomie , puifqu'il eft l'effet
extérieur des membres mis en mouvement
par' les mufcles Se les nerfs , 6c fou tenus,
dans ce mouvement , par les os qui font
la charpente du corps.
L'effet du tout enfemble eft , comme on
le fent bien , le réfultat des enfembles dont
je viens de parler , comme le mot cjfit
général eft le réfultat des effets particuliers
de chacune des parties de l'art de peindre ,
dont on fait ufage dans un tableau. Voye^
Effet , voye^ Tout-ensemble. Cet article
eft de M. IVatelet.
Ensemble , f. m. en Architecture , fe dit
de toutes les parties d'un bâtiment , qui ,
étant proportionnées les unes avec les au-
tres , forment un beau tout ; ce qu'on en-
tend quelquefois auifi par maffe : on dit ,
la matfe d'un tel édifice , ou bâtiment,
fait un bel enfemble. ( P)
Ensemble , ( Mufiq. ) Ce n'eft guère
qu'à l'exécution que ce terme s'applique
dans la mufique , lorfque les concertans
font fi parfaitement d'accord x (oit pour
l'intonation , foit pour la mefure , qu'ils
femblent être tous animés d'un même
efprit , & que l'exécution rend fidellement
à l'oreille tout ce que l'œil voit fur la par-
tition.
E N S
\J enfemble ne dépend pas feulement de
l'habileté avec laquelle chacun lit fa partie ,
mais de l'intelligence avec laquelle il en
fent le caractère particulier , & la liaifon
avec le tout ; foit £our phrafer avec exac-
titude , foit pour fuivre la précifion des
mouvemens , foit pour (aifir le mouvement
8c les nuances des forts & des doux ; foit
enfin pour ajouter aux ornemens marqués ,
ceux qui font fi nécefïairement fuppofés par
l'auteur , qu'il n'eft permis à perfonne de les
omettre. Les muficiens ont beau être ha-
biles , il n'y a cY enfemble qu'autant qu'ils
ont l'intelligence de la mufique qu'ils exé-
cutent , Se qu'ils s'entendent entr'eux :
car il feroit impofïible de mettre un par-
fait enfemble dans un concert de lourds ,
ni dans une mufique dont le ftyle feroit
parfaitement étranger à ceux qui l'exécutent.
Ce font fur-tout les maîtres de mufique
conducteurs Se chefs d'orcheftre , qui doi-
vent guider ou retenir ou prefïer les mu-
ficiens pour mettre par-tout Y enfemble ; &
c'eft ce que fait toujours un bon premier
violon par une certaine charge d'exécution
qui en imprime fortement le caractère
dans routes les oreilles. La voix récitante
eft aflujettie à la bafle & à la mefure; le
premier violon doit écouter Se fuivre la
voix : la fymphonie doit écouter &c fuivre
le premier violon : enfin , le clavecin , qu'on
fuppofe tenu par le compofiteur , doit être
le véritable Se premier guide de tour.
En général , plus le/ ftyle , les périodes,
les phrafes , la mélodie Se l'harmonie ont
de caractère , plus X'enfemble eft facile à
faifir ; parce que la même idée imprimée
vivement dans tous les efprits préfide à
toute l'exécution. Au contraire , quand la
mufique ne dit rien , Se qu'on n'y fent
qu'une fuite de notes fans liaifon , il n'y
a point de tout auquel chacun rapporte
fa partie , Se l'exécution va toujours mal.
Voilà pourquoi la mufique françoife n'eft
jamais enfemble. (S)
Ensemble , (Art militaire.) U enfemble
dans la tactique , c'eft l'exacte exécution des
mêmes mouvemens , de la même manière ,
Se dans le même temps.
Ainfi , X'enfemble dans la marche d'une
troupe , où d'un bataillon , c'eft l'union de
tous les hommes du bataillon , qui doivent
agir
E N S
agir comme s'ils étoient mus par une feule
Se même caufe qui agirait également fur
chacun d'eux. Une troupe dont tous les
foldats marchent bien enfemble , garde tou-
jours Ton même arrangement : Tes rangs Se
fes files font toujours en ligne droite , Se
aucune des parties ne va ni plus vite ni
plus lentement que l'autre.
Cer enfemble eft d'une grande utilité dans
les mouvemens des troupes ; mais les foldats
ne peuvent l'acquérir que par un exercice
fréquent. (Q)
Ensemble, (Manège.) Uenfemble n'eft
autre chofe que la fituation d'un cheval
exactement contre - balancé fur fes quatre
membres. Mettre un cheval enfemble , c'eft
l'obliger à rafïembler les parties de fbn corps
Se fes forces , en les distribuant également
fur fes quatre jambes , Se en les réunifiant
pour ainfi dire. On prononce fans celle
le mot à! enfemble dans nos manèges; peu
d'écuyers font en état de le définir. On
verra toute l'étendue de fa lignification à
Y article Union. («)
ENSEMENCER , v. a&. On die enfe-
mencer une terre, un potager, une pépi-
nière quand on la fait labourer, fumer,
Se qu'on y a femé les plantes convenables.
V. Semence. (R)
ENSINIER , v. act. c'eft chez les Ton-
deurs de draps un terme qui fîgnifie graijfer
légèrement une étoffe avec du fain-doux ,
pour la rendre plus aifée à être frifée.
ENSISHEIM , ( Géographie moderne. )
ville de la haute Alface, en France. Elle
eft fîtuée fur l'Ill. Long. 25 , 2, 15; lat.
47 > 5l . *.
ENSKIRKEN , ( Géographie moderne. )
ville de Weftphalie , en Allemagne. Elle
appartient au duché de Juliers. Long. 23 ,
£& ; lat. £o , $8.
ENSOÛ AILLE, f. f. terme de rivière,
petite corde fervant à retenir le bout
de la croflè du gouvernail d'un bateau
foncet.
* ENSOUFRER , v. ad. c'eft expofer
les laines au fbufre. L'endroit où on les
expofe s'appelle Venfoufroir. Cette prépara-
tion fe donne à tous les ouvrages en laine
blanche. Pour cet effet , on prend une ter-
rine bien verniflee; on en couvre le fond
de cendres; on forme fur ces cendres un
Tome XII.
EN S 5i9
I petit bûcher de bâtons de foufre. On prend
les ouvrages au fortir de la fouloire pour
les bonnetiers , les couverturiers , les dra-
piers, &c. en un mot, pour tous les ou-
vriers en laine. On palïe dans un des bouts
un petit bout de fil en boucle ; on palîè la
boucle dans des cordes tendues , auxquelles
les ouvrages relient fufpendus. On met le
feu au foufre : la vapeur du foufre leur
donne une blancheur éclatante , Se les rend
plus faciles à peigner. Mais il faut bien ob-
ferver que la terrine foit de terre vernillee ,
Se non pas de fer : le foufre détache , félon
toute apparence , des particules qui em-
pêchent le blanchiment; car il eft d'expé-
'rience que cet effet en produit.
ENSTHAL, (Géog.) quartier du duché
de Styrie, dans le cercle d'Autriche, en
Allemagne. C'eft un des plus montueux de
la contrée ; cependant on y trouve les villes1
de Bruck fur laMuerh, Se de Rotenmann,
avec treize bourgs tenant marché , une
abbaye Se trois couvens. (D. G.)
* ENSUPLE, ENSUBLE, ENSOU-
BLE , ENSOUPLE , f. f. terme général
d'Ourd/Jfage. Tous les métiers des manu-
facturiers en loie , en laine , en fil , &c. ont
des enfuples. Ce font deux rouleaux de
bois , dont l'un eft- placé au devant du
métier , & l'autre au derrière. La chaîne
eft portée fur ces rouleaux ; elle fe déroule
de deffus Venfuple de derrière , à mefure
que l'étoffe fe fabrique ; Se l'étoffe fabri-
quée s'enroule fur celle de devant.
Nous allons donner la defeription des-
enfuples du manufacturier en foie , du ru-
banier, du frifeur d'étoffe, du rapiflier Se
du tifïèrand ; celles du gazier , du drapier
Se des autres ouvriers ourdillèurs , en dif-
férent peu ; Se d'ailleurs nous en parlons
aux articles de leur métier. Voye^ Drap,
Gaze , &c.
Enfuple de devant , partie du métier de
l'étoffe de foie. \J enfuple de devant le mé-
tier eft un rouleau de 6 à 7 pouces de
diamètre , d'environ 3 pies de longueur.
Il a une chanée d'environ 2 pies , de ? de
pouce de large , fur autant de profondeur ,
dans laquelle entrent la verge Se le com-
pofteur. Il a à un bout un cercle de fer
qui eft coché , pour fervir à faire la chaîne
tuante , au moyen du chien de fer qui
X xx
550 E N S
mord dans les cochées dudit cercle, Il' eft
de plus , 8c du même côté, percé à double ;
8c au moyen de ces trous , dans lefquels
entre la cheville de fer , on tourne Yenfuple
avec la cheville, à force d'hommes, & on
dévide l'étoffe à mefure qu'elle fe fabrique.
Enfuple de derrière. U enfuple de derrière
eft un rouleau de bois de 7 pouces de
diamètre, 8c d'environ 4 pies de long. Il
eft percé à double d'un coté, 8c il avoit
jadis de l'autre un nerf de bceuf cloué
tout autour, pour fixer la corde du va--
let ; mais les enfuples d'aujourd'hui ont
des moulures qui tiennent lieu du nerf de
beeuf dont on parle.
Enfuple de velours uni. Uenfuple du ve-
lours uni eft foite comme celle des autres
étoffes; il n'y a de différence que dans la
ebanée, qui eft plus large à l'embouchure,
& qui perce Yenfuple d'outre en outre.
Enfuple de velours façonné. \Jenfuple de
velours façonné eft faire comme celles ci-
deiTus , avec cette différence , qu'il n'y a
point de chance ; 8c pour contenir l'étoffe
à mefure qu'elle fe fabrique , ces fortes
d'enfuples font garnies de petites pointes
de fer très-aiguës , qui entrent dans l'étoffe
à mefure qu'elle fe roule deiïus.
Enfuple 'de poil, h' enfuple de poil eft faite
comme Yenfuple de derrière , décrite ci-
deffus , avec la feule différence , qu'elle eft
de moitié plus petite , &c que les deux
bouts font proportionnés au rayon , dont
l'ouverture eft ordinairement très -petite.
L'enfuple de devant eft une pièce de bois
ronde , d'environ 4 ou 5 pouces de dia-
mètre, de toute la largeur du métier : elle
eft terminée à fes deux bouts par deux
petits tourillons qui entrent dans deux pe-
tites mortoifes pratiquées dans les deux
harres de long du métier. La même enfuple
« eft traverfée diamétralement du coté de la
main droite de Touvrier , à $ ou 6 pouces
de fon extrémité , par deux menus bâtons ,
dont les bouts faiilans fervent à faire rouler
ladite enfuple , k>rfque l'ouvrier tire fa tirée.
Il eft bon de dire que lorfque l'on fait
quelque ouvrage extrêmement lourd , ces
deux bâtons croifés fe trouvent répétés à
l'autre bout de Uenfuple ; ce qui fait que
l'ouvrier , par cette double force réunie ,
.vient plus aifément à bout de tirer fa tirée.
E N S
Cette enfuple a encore à fon bout à main
gauche , une roue dentelée : il y a un trou
carré pratiqué dans le centre de cette roue ,
& qui fert à la tenir fixée fur la pièce ,
aulTi carrée, de Yenfuple qui lui fert d'axe.
Cette roue ne doit pas être fixée à demeure
dans ce tenon , attendu que fi l'on vouloit
que Yenfuple enroulât en dellbus, au lieu
d'enrouler defllis, il n'y auroit qu'à retour-
ner cette roue, dont les dents, fe trouvant
en fens contraire , arrêteront Yenfuple du
coté que l'on jugera nécefïaire. Cette roue
eft rendue ftable , 8c fixe Yenfuple , au
moyen d'une petite pièce de bois , appellée
chien , attachée fur la barre de long , du
côté de la roue que l'on décrit , dont la
mâchoire engrenant dans les dents de la
roue , du fens oppofé à fon tirage , l'em-
pêche de dérouler. L'ufage de cette enfuple
eft de recevoir l'ouvrage fait , à mefure
que l'ouvrier tire ce que l'on appelle tirée.
Voy. Tire.
Ensuple, (Rubanier.) eft une pièce de
bois faite au tour : les bouts .qui la ter-
minent font menus, pour entrer dans les
échancrures des potenceaux : les moulures
fervent , par leur éminence , à retenir les
cordes des contre-poids, 8c les empêcher
de glifler. Il y a une entaille pratiquée
dans le corps de Yenfuple , pour recevoir
le vergeon , pafle lui-même dans les foies
de la pièce. Lorfque ce vergeon eft placé
dans cette entaille , on glifïe fur lui deux
ficelles , nommées bracelets , qui font entor-
tillées 8c nouées fur Yenfuple : ces ficelles
venant fur ce vergeon , le retiennent &
l'empêchent de fortir de fa place , confé-
qutmment les foies de la chaîne fe dé-
roulent de defllis les enfuples, jufqu'à ce
que le vergeon ainfi arrêté par les ficelles
ci-deflus dites , qui fervent à le retenir ,
Yenfuple ne pourra plus dérouler : pour
lors on fe fert de la corde à encorder ,
qu'il faut voir à fon lieu. L'ufage des en-
fuples eft de porter tout ce qu'on appelle
chaîne.
Ensuple, {Drapier.) eft une partie de
la machine -à frifer , fur laquelle tourne
l'étoffe en fortant de defîous les tables.
Elle eft garnie de cardes de fer , pour em-
pêcher l'étoffe de fe chiffonner fous les
tables , 8c foutenue par un châilis fur le
E N T
devant , dans deux petits collets à chaque
montant. L'enfuple le termine à droite par
un hériflbn , qui reçoit fon mouvement
d'une petite lanterne placée vis-à-vis. V.
HÉRISSON.
Ensuple , cfpece de gros 8c long cy-
lindre ou rouleau de bois, placé en large
fur le derrière du métier de ceux qui tra-
vaillent de la navette , tels que font les
tiflèrands , ti (leurs ou tiiliers , &c. On
l'appelle auffi rouleau. V. Basse-Lissé.
Ensuple, pièce du métier des tijferands;
c'eft un gros cylindre ou rouleau de bois
long , placé en large fur le derrière du
métier , fur lequel les fils qui compofent
la chaîne d'une toile font roulés, & d'où
on les déroule à meiure que la toile fe
fabrique. Cette enfuple eft percée , par les
deux bouts , de plufieurs trous , dans les-
quels on introduit un bâton , appelle le
bachelier , pour l'arrêter de l'empêcher de
fe dérouler.
ENTABLEMENT, f. m. du latin tabu-
latum y plancher , ( Architecture. ) Sous ce
mot on entend la partie qui couronne la
colonne ou le pilaftre. Il a , félon Vignole ,
le quart de l'ordre; félon Palladio, le cin-
quième ; 8c félon Scamozzi , entre le quart
& le cinquième. Les autres commentateurs
de Vitruve font aullî d'avis difFérens; mais
les trois que nous citons font le plus géné-
ralement approuvés, 8c peuvent être em-
ployés avec fuccès fuivant ces trois mefures,
félon qu'ils couronnent un édifice qui a
plus ou moins d'étendue, plus ou moins
d'élévation , ou qui doit être apperçu d'un
point de diftance plus ou moins éloigné.
\J entablement eft nommé improprement ,
par Vitruve & Vignole, ornement : il ne
faut pourtant pas confondre ces deux
mots; car Vtntablement , qui eft une partie
eftentielle de l'ordre , eft lui-même fufeep-
tible d'ornement , en plus ou moins grande
quantité, félon qu'il appartient à un ordre
viril ou délicat. On dit : cet entablement
couronne bien cet édifice ; les ornemens
qui y font appliqués font d'un beau choix :
les ornemens font donc les parties de dé-
tail de Y entablement ; celui-ci en eft la to-
talité.
U entablement en général eft compofé de
trois parties; favoir, de l'architrave., de la
E N T J3,
frife & de la corniche. ( Voye^ Archi-
trave, Frise & Corniche.) Le rapport
le plus parfait que l'on puifle donner à ces
trois membres, eft de faire en forte que
l'architrave foit à la frife ce que la frife
eft à la corniche. Les entablemens tofean
& ionique de Vignole font difpofés ainfi ;
dans le premier , l'architrave a 1 1 pouces ,
la frife 14, & la corniche 16; dans le
fécond , l'architrave 1 module 4 , la frife
1 module ?, ôc la corniche 1 module i ;
les autres entablemens de cet auteur font
moins réguliers. Plufieurs architectes font
leur corniche égale à leur architrave : Ser-
lio fait les trois membres de l'entablement
tofean égaux. (Voyelle Parallèle de M. de
Cambrai. ) Rien n eft plus propre à diriger
le goût que de conftater les rapports qu'on
doit obferver entre les parties ôc le tout ,
non-feulement dé l'entablement dont nous
parlons , mais auiîi de l'ordre en général ,
qui nécessairement doit donner le ton à
toute la décoration d'un édifice , foit
qu'on y emploie les ordres , foit qu'on
veuille feulement n'en emprunter que l'ex-
preflion. (P)
Pour remonter à la première origine
& à la nature de l'entablement , concevons
qu'un homme de bon fens ait entrepris
de fe faire un abri , un couvert , avant que
l'archite&ure fût réduite en art. Il aura
commencé par élever deux rangs de piliers
ou de colonnes d'égale hauteur, l'un fur
le devant , l'autre fur le derrière de fon
emplacement. Au defîus de chaque rarg^e
de colonnes il aura couché une poutre
horizontale , qui fèrve à lier les têtes des
colonnes, 8c à fouteninles poutres longi-
tudinales qui doivent aller. d'un rang à
l'autre; celles-ci forment la bafe de fon
couvert, 8c pour achever fon abri, il n'a
plus qu'à clouer fur ces poutres un plan-
cher bien ferré ; mais afin de mieux ga-
rantir la tête des poutres, il aura imaginé
de faire déborder les planches en dehors :
telle eft l'origine de l'entablement.
Ainfi l'entablement a trois parties indif-
penfables ou elfentielles : i°. l'architrave
ou la poutre principale qui porte immé-
diatement fur les chapiteaux des colonnes,
8c les lie enfemble ; 2.0. la frife qui re*
préfente l'efpace occupé par les têtes dei
Xxxi
53*
EN T
poutres longitudinales, portant fur l'ar-
chitrave , & l'intervalle que ces têtes de
poutres laiftent entre elles; 30. la corniche
qui , repréfentant la faillie des planches ,
forme le couronnement de l'édifice entier
pour le mettre à lJabri des eaux du toit.
Lorfque enfuite on ne fe borna plus
dans les bitimens au iïmple néceflàire ,
qu'on commença à y introduire le beau ,
on imagina divers ornemens pour chacune
de ces trois parties de l'entablement , ôc on
leur affigna des proportions & des déco-
rations différentes dans chaque ordre d'ar-
chitecture. L'entablement devint une partie
eifentielle de Tordre, il en fit le couron-
nement , comme le chapiteau fait celui de
la colonne ; en forte que lorfqu'on fubf-
titua la pierre au bois, ôc lors même que
les colonnes n'avoient ni poutres, ni pla-
fonds à foutenir, on a néanmoins toujours
repréfenté au dehors un entablement , pour
cbferver la régularité &c la beauté de Ten-
femble.
Mais dans ces cas-là même , où \ enta-
blement ôc les colonnes fur lefquelles il porte
ne font qu'un (impie ornement , comme
lorsque les pilaftres tiennent au mur , il ne
faut jamais perdre de vue l'origine de l'en-
tablement, pour ne pas tomber dans des
fautes abfurdes qui bleflent l'œil du con-
noiiTeur. Il eft clair , par la nature du lujet ,
que l'architrave doit régner en ligne droite
ôc horizontale, tout le long de la façade,
puifqu'elle repréfenté une poutre réellement
couchée fur les chapiteaux des colonnes.
Cependant des architectes , d'ailleurs cé-
lèbres , commettent fouvent la faute de
brifer l'architrave , ou même de l'inter-
rompre tout-à-fait, pour haufler davantage
une ou deux fenêtres; de forte qu'en ces
endroits , les têtes des poutres femblent ne
porter fur rien. C'eft un défaut qu'on ne
remarque dans aucun des édifices de la belle
antiquité : tous les entablemens des anciens
Grecs font entiers , ôc fuivant la droite
horizontale, fans coupure ni brifure. On
n'apperçoit ces brifures qu'aux édifices
conftruits fous les empereurs Romains des
iîecles poftérieurs au beau fiecle d' Augufte.
\J entablement eft néceflàire même dans
les bâtimens qui n'ont ni colonnes ni pi-
lâtes. Une bande tirée fous les poutres
E N T
de l'étage fupérieur tient lieu de l'archi-
trave ; ôc les têtes des poutres forment la
frife ; enfin , pour couronner le bâtiment
ôc le garantir des eaux du toit, on fait
une corniche faillante compoféc de diverles
moulures. Ainfi les mailons le plus fim-
plement bâties , ont un entablement ; mais
pour l'ordinaire , à caufe que les parties en
font peu diftinguées , ôc que la corniche
femble le confondre avec l'architrave , il
prend le nom de corniche ou de corniche
architravée.
Quoique l'entablement ne foit qu'une
bien petite partie du bâtiment, il ne con-
tribue cependant pas peu à l'embellir ou
à le défigurer. Un entablement écrafé , ÔC
dont la corniche a peu de faillie , donne
un air mefquin ôc chétif à une grande
façade. C'eft une petite tête fur une figure
colofiale. Si , d'un autre côté , l'entablement
eft trop grand ôc trop lourd, il menace
d'affaifTer le bâtiment. Il faut ici un œil
jufte qui fâche faifir la belle proportion;
elle eft différente dans les différens ordres
d'architecture , ôc les architectes ne font
pas non plus entièrement d'accord fur les
mefures des parties & de Tenfemble. Gold-
mann , dont nous adoptons ici les propor-
tions , donne dans les cinq ordres à l'en-
tablement la hauteur de quatre modules. Il
eft rare que de bons architectes réduifent
cette hauteur à trois modules ; quelques-uns
au contraire, comme Barozzi ôc Cataneo,
la portent jufqu'à cinq dans Tordre Co-
rinthien ôc dans le compofîte. On n'eft pas
plus d'accord fur la hauteur 6c la faillie
des membres que de Tenfemble.
Dans les ordres inférieurs , Goldmann
afîigne à chacune des trois parties de l'en-
tablement une même hauteur; favoir, 1 -j
du module. Dans les ordres fupérieurs ,
l'architrave a de hauteur 1 $ , la frife 1 t? ,
Se la corniche 1 j de module. Les faillies
de l'architrave &c de la frife n'égalent pas
la hauteur de ces parties. Mais la corniche,
deftinée à couronner & à garantir le bâti-
ment, a une faillie plus forte de 1 î jufqu'à
2 | de module.
Dans la plupart des ordres, l'architrave
eft divifée dans fa hauteur en deux ou trois
; bandes , dont la plus haute , ôc qui a, la
1 plus grande faillie , eft couronnée d'ua
E N T
filet ou de deux mowlures. La frife eft ou
plate , ou ornée de Sculpture en bas reliefs ,
ou de triglyphes qui repréfentent les têtes
des poutres, elle .1 aufïi un petit couronne-
rneni: à fa partie fupérieure. Quant à la
corniche , chaque architecte la décore à fa
xnanieie; & Ton ne finirait point fi on
vouloit décrire toutes les variétés dont
elle eft fufceptible. {Cet article ejî tiré de
la Théorie générale des Beaux-Arts de M.
SULZER.)
ENTAILLER, v. ad. {Manège.) Quel-
ques-uns ont très-mal-à-propos confondu ce
mot avec celui à' acculer , 8c ont employé
cette dernière expreffion dans le fèns qui na-
turellement ne convient qu'à la première.
Nous expliquerons ici la différence de la
fignification de l'une Se de l'autre.
Tout cheval tntablé eft celui dont les
hanches devancent les épaules , lorfqu'il
manie de deux piftes , tant fur les voltes
que fur les changemens de main , larges
ou étroits.
Cette faufïe pofition précipite le devant
8c le derrière dans une contrainte , qui
non - feulement s'oppofe à toute juftefïe ,
mais qui eft capable de eau fer de vérita-
bles défordres. Les épaules, d'une part,
trop en dehors , 8c de l'autre , les hanches
trop rapprochées du dedans ou du centre,
ne jouiflent plus de cette liberté mutuelle
& néceflàire qu elles fe communiquent ou
Ce ravifTent toujours réciproquement , at-
tendu l'intimité de leur rapport & de leur
correfpondance : dès-lors l'animal ne fau-
loit avancer, ainfi qu'il le doit, un pas à
chaque temps ; au contraire , il (è refterre ,
il fe rétrécit du derrière ; & fi on ne le tire
de cette fituation forcée, il eft impofïible
qu'enfin il ne s'accule.
Ce défaut , qui fe rencontre dans une
multitude étonnante de chevaux , eft na-
turel ou accidentel : naturel , quand on
peut en aceufer l'animal ; accidentel , quand
il a pour principe des leçons prématurées ,
peu réfléchies , administrées fans jugement,
ou quand il n'eft que momentané , & qu'il
ne peut être imputé qu'à une faute pafla-
gere du cavalier. On ne doit donc point
être furpris qu'un cheval foible de reins ,
dont les jarrets n'ont point de folidité &
E N T 53J
derrière eft en proie à quelque douleur ,
ainfi que celui qui eft hé avec une fi forte
lifpofition à s'unir , que la nature l'a en
quelque façon conftruit pour être ra-
mingue , rentable fouvent 8c facilement.
Nous devons l'être encore moins de le
voir tomber dans ce vice, lorfque, fans
avoir égard à fon peu de fouplefle , à la
nécefïité de le déterminer , de le réfoudre ,
de l'élargir avec foin fur les voltes fimples
8c par le droit ( voye^ Élargir ) , & fans
penfer à l'obligation de perfectionner fon
appui , 8c de parer à l'incertitude de fes
hanches faufles ou trop légères, on a cher-
ché à l'aflujettir pécipitamment 8c tout-
à-coup ainfi que le pratiquent encore au-
jourd'hui nombre de maîtres , qui fe per-
fuadent que les aides forcées des jambes ,
8c même les châtimens redoublés font
la feule voie &c l'unique moyen d'engager
le derrière à accompagner le devant de
l'animal , qu'ils mettent indiftinctement.
fur deux piftes. Dans le premier cas , le
cheval Rentable fans doute, à raifon de fà
foiblefîe ou des maux qu'il relient ; 8c fi
ion derrière fe refterre plutôt qu'il ne*
s'élargit , ce n'eft que parce que l'épaule
ne recevant pas de ce même derrière les
fecours dont elle auroit befoin pour em-
braffer beaucoup de terrain 5 8c étant trop
retenue fur le dehors , la hanche de ce
même côté eft furchargée , 8c par confé-
quent l'animal eft obligé de jeter fon extré-
mité poftérieure dans le fens contraire ;
c'eft-à-dire , dans celui où il eft plus libre
8c moins contraint. Dans le fécond cas, il
ne falfifie fa ligne que par la mauvaife ha-
bitude qu'on lui a fuggérée ; 8c l'on peut
dire qu'il ne rentable que pour avoir été
trop entablé.
Il fufrît de connoître la fource de ce
mouvement faux 8c défordonné , pour être
inftruit des moyens d'y remédier. Le der-
rière du cheval fe meut toujours dans le
fens oppofé à celui où fe meut le devant : ce
principe eft d'autant plus confiant, qu'il eft
tiré de la îtructure de l'animal. Or, lors-
qu'il s'agira de maintenir la croupe en li-
berté, ou de l'afïujettir proportionnément
à la capacité du cheval 8c au genre d'ac-
tion à laquelle je le follicite , je détermi-
nent atteints de divers maux, 8c dont le] nerai toujours plus ou moins l'épaule A
534 E N T
félon ce genre d'action Se fon pouvoir :
pour cet effet je croiferai plus ou moins
ma rêne de dehors , en la portant en de-
dans; Se l'épaule étant conftamment libre,
le derrière ne fera jamais trop allervi. De
plus , fi les hanches tendoient , attendu la
grande facilité que je leur conferve, à s'éloi-
gner du centre , plutôt qu'à s'en approcher,
c'eft-à-dire , à s élargir plutôt qu'à fe réter-
cir, je les foutiendrois , non d'abord avec
ma jambe de dehors , mais en croifant ma
rêne de dedans en dehors , & en mettant, en
fécond lieu, ma rêne de dehors à moi, & je
n approcherais ma jambe qu'autant que les
effets réfultans de ma main f eroient impuif-
fans.
Mais il n'eft pas queftion ici d'indiquer les
moyens de commencer à mettre un cheval
fur deux-piftes , ce détail appartient à l'article
qui concerne les voltes ou ieschangemensde
main : je ne dois donc me propofer dans ce-
lui-ci, que de rechercher les voies de corriger
l'animal qui rentable. De quelque caufe que
provienne le rétréci ffement defon derrière ,
on y obviera , i°. par le fecours de la rêne de
dehors, qui étant croifée, renverfèra l'épaule
en dedans ; i°. par celui delà rêne de dedans
à foi ; 3°. enfin par celui de la jambe de
ce même côté, appliquée avec plus ou
moins de ménagement au corps du che-
val. Ces trois aides feront employées dans
l'ordre où je les décris : elles ne doivent
être mifes en ufage que fucceiîîvement ;
car réunies & données enfemble, elles le
furprendroient inévitablement. Il eft néan-
moins des chevaux qui ne peuvent être
réduits à l'obéifîànce que par les châtimens
Se par le fer ; tels font les chevaux ramin-
gues , colères , obftinés , 6c dans lefquels
cette habitude eft invétérée. Il eft bon ,
après avoir laflë Se épuifé fa patience , d'en
venir prudemment aux actes de rigueur ;
mais on ne fauroit traiter avec trop de dou-
ceur Se trop d'égard , ceux qui ont une
débilité naturelle, puifque l'exécution leur
coûte plus qu'à d'autres, Se ceux qui
montrent beaucoup d'ardeur Se de viva-
cité, parce qu'on courroit rifque de les
gendarmer Se de les confirmer dans leur
vice , plutôt que de les en guérir. Durefte,
la méthode la plus afliirée , relativement
au cheval qui sentabk 3 conféquemment
E NT
aux faulTes leçons qu'il a reçues , eft de le re-
mettre aux premiers principes de l'école , Se
de les lui faire entendre. Lorfqu'on l'aura
conduit , &c qu'on l'aura fait palier avec or-
dre par tous ceux qui peuvent le préparer à
décrire des voltes ou des changemens de
main larges Se étroites , en obfervant les
hanches , on tentera de le faire palier fur
ces différentes formes de terrain : s'il perfé-
vere dans fon rétréci ilement , Se s'il fe relfent
toujours des anciennes imprefïîons , on le
châtiera félon fon naturel Se fon inclination :
on le foutiendra, on l'attaquera diferétement
avec la jambe de dedans, on le fera mar-
cher quelques pas par le droit ; Se lorf-
que les hanches leront élargies, on l'arron-
dira de nouveau , ou on le rappellera fur une
diagonale. J'obferverai encore que les che-
vaux sentablent plus fréquemment dans les
changemens de main , lorfqu'ils font larges ,
que lori qu'ils font étroits ; la longueur de la
ligne fatigue ceux qui (ontfoibles , Se révolte
les autres.
En coupant ou en interrompant fouvent
la marche du cheval qui travaille de deux
piftes , pour ne le faire cheminer que fur
une feule Se droit devant lui , Se en pafTant
alternativement de l'une à l'autre de ces
actions , on eft en quelque façon afluré de
l'empêcher enfin de s'entabler. Il eft même
à propos , lor (qu'il Rentable avec précipi-
tation, & qu'il jette violemment fon derrière
en dedans , de le pincer vivement du talon
du même côté , Se de profiter du port ou de
la fituation actuelle de fon épaule en dehors,
pour le contre-changer. Au bout de quelques
pas on le remet par le droit ; on le fait rentrer
enfuite fur la ligne oblique ; Se on le contre-
change de nouveau lorfqu'il commet la
même faute.
Si le terme à'entabler , de sentabler , eft
uniquement reftreint à la feule fignification
du rétrecijfement du derrière, quel fera le
fens dans lequel nous emploierons celui
à' acculer , de s'acculer ? Il me femble que
cette queftion eft facile à réfoudre , d'au-
tant plus que ce dernier mot préfente en
quelque forte à l'efprit l'idée de l'action
même qu'il défigne. Suppofons que par
une caufe quelconque les jambes antérieu-
res foient tellement rejetées en arrière , ou
les jambes poftérieures tellement rejetées
E N T
eti avant , que les pies de derrière outre-
paflènt le centre de gravité de l'animal , il
eft certain que dès-Tors les hanches étant
non-feulement furchargées, ain(i que les
jarrets , mais étant hors de leur point de
force 3c de foutien , elles fléchiront de
manière que le cheval s'accroupira , s'il
m'eft permis de rn exprimer ainfi ; & voilà
ce que nous appelions en général être acculé.
Que s'il demeurait un certain intervalle de
temps dans cette faufilé position , fa chute
en arrière ferait inévitable. Les chevaux
qui ont peu de reins, des jarrets foibles
8c mous, 8c dont le derrière pèche par
quelque maladie , font plus fujets à s'accu-
ler que les autres. Lortque pour élargir le
derrière du cheval qui s'entable , 8c pour
renverfer l'épaule en dedans , nous agitions
de la main , de manbre que Perret de notre
rêne de dehors qui ne croife point allez,
contraint la partie que nous voudrions dé-
gager, nous acculons l'animul. Nous Yen-
tablons 8c Y acculons encore en même temps,
quand nous le renfermons fi fort, que
aune part la fujécion dans laquelle il eft,
l'oblige de fe reflerrer du derrière , & de
l'autre de reculer du devant , ce même
derrière étant immobile 8c fixé en dedans.
Enfin, tout cheval peut être acculé dans
les piliers , au parer , au reculer , &c. Voyez
ces mots à leur place. On conçoit d'avance
qu'il ne peut être tiré de cet état chancelant
8c incertain , qu'autant que les pies anté-
rieurs acquerront la liberté de s'éloigner
de ceux de derrière ; ou qu'enfin ceux de
derrière , par un effort que n'accompagne
jamais la grâce, parviendront eux-mêmes à
fe dégager, (e)
*ENTACAGE , f. m. ( Manuf. en ve-
lours. ) c'eft un aftèmblage de différentes
baguettes, qui fe place en une chanée ou
logement pratiqué à l'enfuple de devant
des métiers à velours.
Cette enfuple étoit , avant l'invention de
cette machine ingénieufe , garnie de petites
pointes qui pafloient à travers le velours ,
8c qui le tenoient appliqué fur l'enfuple.
On étoit obligé d'employer ces pointes au
velours , parce que fi l'on eût enroulé cette
étoffe fur elle-même , comme les autres ,
foif poil fe ferait écrafé , n'aurait pu fe
redreflèr, 8c l'étoffe eût été gâtée ; mais
ENT ni
d'un autre côté les pointes Pérailloient , la
cribloient de petits trous , ôcnuifoient beau-
coup à fa qualité. Ce fut ce qui détermina
un ouvrier à chercher un remède à ces
inconvéniens ; de il trouva Yentacage , qui
confifte à faire faire plufieurs tours au ve-
loufs , fur des baguettes auxquelles fon
envers eft toujours appliqué , 8c contre
lefquelles il eft fi fortement retenu par le
feul frottement , qu'on déchirerait plutôt
l'étoffe- que de l'en féparer. Entre ces ba-
guettes il y en a à la vérité une de fer
allez large , 8c dont la furface eft toute
hachée , afin d'augmenter le frottement
par ces inégalités. On trouvera à Yarticle
Velours, une description plus détaillée
de cette invention. En attendant nous pro-
pofons à ceux qui voudront fentir tout le
mérite de cette invention , de réfoudre ce
problême de Méchanique : Subflituer aux
pointes de l'enfuple , une machine telle que
l'étoffe [oit tenue fortement & également ten-
due fur toute fa largeur , fans la p.rcer de
trous ni écrafer fon poil.
ENTAILLE, f. f. en Architecture ; c'eft
une ouverture qu'on fait pour joindre quel-
que chofe avec une autre. Les entailles fe
font carrément de la demi - épailleur du
bois , par embrévent a queue d'aronde , en
adenty Ôcc. ainti que les atlemblages. On
fait des entailles dans les incruftations de
pierre ou de marbre, pour y placer les
morceaux poftiches. On fait encore des en-
tailles à queue d'arotide, pour mettre un
tenon de nœud de bois de.chêne , ou un
crampon de fer ou de bronze incrufté de
ton épaiffeur , pour retenir un fil dans un
quartier de pierre , ou dans un bloc de
marbre. ( P )
Entailles, {Lutherie.) ce font dans
le fommier de l'orgue , ces vuides ou mor-
toifes que l'on fait aux longs ■cotés du
châfïis , pour recevoir les barres qui for-
ment les gravures. Voye^ Sommier de
grand Orgue.
Entailles, ce font aufïl les ouvertures
que l'on fait derrière les tuyaux de mon-
tre , pour les amener à leur ton. Ce font
de grands trous , dont l'ufage eft de déter-
miner la longueur du tuyau , lorfqu'on l'a
fait plus long qu'il ne faut pour remplir la
face du fuft d'orgue. XJentailk ou ouver-
lit E N T
ture inférieure , qui met le tuyau à Ton ton,
a plu fieurs fentes à fa parcie inférieure , qui
forment plufieurs lambeaux qu'on note pas
tout- à- fait , ôc avec lefquels , comme avec
les oreilles , on accorde les tuyaux. Voye{
Oreilles.
ENTAILLOIRS droits ôc courbes ,
(Luth. ) font des outils ou efpeces de petites
équoines , dont les fadeurs de mufettes fe
fervent pour féparer en deux les éminences
qu'ils ont réfervées au dehors des chalu-
meaux , pour fervir de tenons aux clefs.
Voye^ Musette.
ENTALINGUER, (Mar. ) voye^ Ta-
LINGUER.
* ENTAMER, v. act. au phyfique ,
c'eft féparer d'un corps qu'on confidere
comme un tout , une partie qu'on regarde
comme la première , qu'on appelle \' enta-
mur e. Au figuré, il eft fynonyme à commen-
cer ; ainfi entamer une négociation , c'eft la
commencer.
Entamer , (Manège.) terme que nous
employons en divers fens.
Entamer un cheval , ou commencer à lui
faire comprendre les premières leçons du ma-
nège , exprefïions fynonymes : ce cheval n'ejl
ûu'ejitatné.
Entamer une vclte , un changement de main,
fe dit pour défigner l'inftant où l'on com-
mence cette volte ou ce changement de main:
Vous naveipasfaifi les temps jufies par lef-
quels vous dévièrent amer votre changement de
main.
fc Entamer fe dit encore en parlant du ter-
rain que l'animal embrafle , ■ & de la jambe
qui précède , ou qui eft la première à l'em-
braûef. Au galop à droite la jambe de
devant du hors - montoir , & au galop la
jembe de devant du montoir , doivent
entamer. Vcye[ Galop. C'eft-à dire, qu'à
l'un la jambe droite doit précéder la gau-
che , Ôc qu'à l'autre la jambe gauche doit
devancer la droite, (e)
ENT AMURE , f. f . ( Chirurgie.) d< Vi-
llon de continuité qui fe fair avec les înftru-
mens tranchans , tant fur les parties dures
que fur les parties molles.
Les anciens ont diftingué cinq manières
de faire une entamure fur les parties dures y-
favoir , en trouant ou trépanant , en raclant,
en feiant , en limant & en coupant.
ENT
| On troue ou on trépane avec un initra-
I ment tranchant en forme de feie ronde ,
i appelle trépan. On racle avec un inltru-
I ment nommé rugine ; cette opération em-
\ porte la .luperficie des os corrompus; ce
j qui rend plus prompt l'effet des remèdes
| appliqués. On feie les os des membres
i qu'on doit amputer. On lime les dents
' pour les féparer , pour les rendre égales,
| Ôc pour en emporter la carie. On coupe ,
avec des tenailles incifives , les extrémités
des os caftes , dont les pointes peuvent
piquer certaines parties. On coupe les os ,
même dans leur continuité , lorrqu'on ne
peut les feier , ou les féparer dans leur
contiguïté. Voye^ Trépan , Rugine ,
Scie , Lime ù Tenailles incisives en
Chirurgie.
Les anciens ont aufïî diftingué douze
manières de faire une entamure aux partie
molles ; i'aplotomie , la phlf botomie , l'ar-
tériotomie , l'oncotomie , le catacafmos ,
le périérefe , l'hypo'patifme , le périfei-
thiline , l'encopé , l'acrotériafme , l'an-
géiotomie , ôc la lithotomie. La définition
de tous ces mots, que nous allons ajouter
ici contre notre coutume , ne tiendra guère
plus d'e'pace que la désignation des ren-
vois.
L'nplotomie eft une fïmple ouverture
faite à une partie molle ; la phlébotomie
eft l'ouverture d'une veine; l'artériotomie,
celle d'une artère ; ôc l'oncotomie , celle
d'un abcès. Le catacafmos eft ce qu'on
appelle en François feanfication ; il y en a
de trois fortes ; favoir , la moucheture , qui
ne va pas au delà de la peau ; l'inciiion ,
qui pénètre jusqu'aux mufcles; Ôc la tail-
lade , qui va jurqu'aux os. La périérefe eft
une espèce d'incifion que les anciens fai-
f oient autour des grands abcès; l'hypofpa-
tilme eft une incifion qu'ils pratiquoient
au devant de la tête , ôc qui pénétroit juf-
qu'à l'os ; le périfcithifme eft une incifion
circulaire qu'ils con^nuoient depuis une
tempe jufqu'à l'autre, & qui pénétroit jus-
qu'à l'os. La cruauté de ces trois efpeces
d'opérations , ôc leur peu de fuccès , les
ont prorcrires. L'encopé eft l'amputation
d'une petite partie , par exemple , d'un
doigt ; l'acrotériafme eft l'amputation d'un
membre confidérable , par exemple , d'une.
jambe j
ENT
jambes ; l'angéiotomic eft. l'ouverture d'un
vaiflèau ; la lichotomie eft une ouverture
qu'on fait à la veffie pour en tirer une pierre.
Principes de Chirurgie. Article de M. le Che-
valier DE JaUCOURT.
E nt amure , en Architecture : ce mot
fè dit des premières pierres d'une carrière
nouvellement découverte. ( P )
ENTE , ENTER K ENTURE , ( Jar-
dinage, ) eft la même chofe que greffer.
Voye^ Greffe. ( K)
§ ENTÉ en pointe , ( Blafon.) fè dit d'une
entaille au bas de l'écu ; elle eft tracée par
deux portions de cercle rentrantes, qui s'é-
tendent aux angles inférieurs , s'y joignent ,
s'élèvent fur la pointe du même écu 3 &
le terminent en angle aigu curviligne.
Maillé Brezé en Normandie , fafcé , enté ,
ondoyé d'or 8c de gueules.
• Poufïèmotthe de l'Etoile , de Thierfan-
ville de Montbrifeuil , à Paris ; d'azur à
trois lis au naturel ; enté en pointe de fable
à une étoile d'or. Cet enté en pointe eft une
fubftitution , depuis le 8 février 1651 ,
qu'un de cette famille devint héritier ( du
coté maternel ) de François de l'Etoile.
( G. D. L.T.)
ENTÉES , f. f. (F<We.)Cefontdes
fumées de cerf ou de biche , dont deux
ne font qu'une , 8c qui peuvent fe feparer
fans fe rompre.
ENTER , v. aét. en Architecture , fè dit
de deux pièces de bois afïèmblées bout à
bout , pofees perpendiculairement comme
des poteaux-corniers & autres. (P)
Enter
oifèau a une penne froiflée , rompue ,
albrenée , la rejoindre à une autre. H le
dit auffi de la penne qu'on racommode
à l'aiguille ou au tuyau.
ENTES , f. f . ( Chajfe ) peaux d'oifèaux
remplies de foin ou de paille , qu'on fiche
à un piquet planté en terre , pour fèrvir
d'appâts aux autres oifeaux , 8c les attirer
dans les rets qu'on leur a tendus.
ENTENDEMENT , f. m. * (Logique. )
n'eft autre chofe que notre ame même ,
en tant qu'elle conçoit ou reçoit des idées.
ENT 537
Quand je dis affirmation , négation , dejîr,
contentement , ennui , approuver , &c. je ne
prononce point des mots deftitués de lens ;
cependant je ne me repréfente point ce
dont je çarle fous aucune forme corporelle.
La puiflance que nous avons de penfèr
ainfî , s'appelle {'entendement , ou la faculté
intelleâuelle. A la vérité , dans le temps
même que l'entendement pur s'exerce ÔC
s'applique fur fes idées , l'imagination pré-
fente auffi fes images 8c fes fantômes :
mais bien-loin de nous aider par fes foins ,
elle ne fait que nous retarder 8c nous trou-
bler. Il faut donc mettre une grande diffé-
rence entre les idées de l'entendement , 8è
les fantômes de l'imagination. L'entende-
ment conçoit avec netteté j mais dans ce
que l'imagination préfente , il n'y a le plus
fbuvent que confufion. Je comprends fort
bien ce que c'eft qu'une figure formée
de no ou de 124 côtés égaux : j'en dé-
montrerai la génération 8c les propriétés :
mais la peinture que l'imagination s'en fait ,
n'eft point diftin&e. L'entendement déter-
mine tous ces côtés , & les compte nette -
ment ; l'imagination n'oferoit l'entrepren-
dre , elle n'en fauroit venir à bout. L'en-
tendement 8c l'imagination ont l'un 8c l'au-
tre des idées fort claires d'un triangle j
vmais celle de l'imagination eft plus vive
& plus frappante , parce qu'elle eft accom-
pagnée de feniations. Quant à une figure
de 120 côtés , celle que l'imagination pré-
fente eft confufè. Lorfque dans une hiftoire
l'on me parle de 50 bataillons 8c de
J3
( Fauconn. ) c'eft lorsqu'un 1 efeadrons , ces deux nombres font très-
précifement conçus par mon entendement,
mais l'imagination s'embrouille , & ce qu'elle
conçoit , elle fe le repréfenteroit de même ,
fî ce détail avoit été compofé d'autres nom-
bres.
Non- feulement l'entendement fe forme
des idées précifes de ce que l'imagination
ne préfente que très-confufément , il en
rectifie de /plus les contradictions. L'ima-
gination ne fe repréfentera jamais les Anti-
podes que renverfés ; mais ^entendement
fe convainc qu'un homme n'a point cette
(*) Defcartes, Arnauld , Pafcal, Mallebranche , érc. ont trouvé une différence effentielle entre
l'intelligence & l'imagination. Par la première , notre efprit conçoit un objet indépendamment de
"'image qu'il peut s'en former ; par la féconde , il fe repréfente cette image.
1 orne XII. Yyy
538 E N T
hcuation , dès que fes pies font plus près
que fa tête du centre de la terre. Voye{
Antipodes.
L'efprit a d'autant plus d'étendue , qu'il
peut penfer à un plus grand nombre de
ehofes à la fois , parler plus rapidement
d'une penfée à une autre , de en parcourir un
grand nombre comme d'un feul coup-
d'ceil ; de même qu'un bras eft plus ro-
bufte , lorfqu'il agit avec plus de prompti-
tude , ôc qu'il foutient une plus grande
quantité de poids en même temps. Or , il
en eft de la force de l'entendement , comme
de celle du corps , elles croi lient l'une &
l'autre par l'exercice , mais par un exercice
modéré , réglé , &dont les efforts s'augmen-
tent infenfîblement. Un efprit qui réitéra
dans l'inaction , demeurera toujours étroit ;
& celui qui entreprendra tout à la fois un
trop grand nombre de ehofes , & fe por-
tera d'abord aux plus difficiles , loin de
redoubler fes forces , les affoiblira ôc courra
rifque de les perdre entièrement. Il faut
donc aller par ordre , c'eft-à-dire , com-
mencer par le plus aifé , des connoiflànces
les plus (impies ne palier jamais tout d'un
coup aux plus difficiles ? mais s'avancer par
degrés des Amples à celles qui ne font que
tant foit peu compofées , ôc de-là s'élever
à d'autres un peu plus difficiles à démê-
ler , &c. Il n'en faut jamais quitter aucune
fans l'avoir distinctement comprife , ôc fe
l'être rendue familière. Quand on étudie
les Mathématiques avec cette précaution ,
les démonftrations les plus compliquées ne
font guère plus de peine que les plus /im-
pies n'en faifoient au commencement. Un
enfant n'attend pas fîx ans pour compter
jufqu'à trois ; qu'on lui apprenne à dire 3
ôc 1 c'eft 4 , 4 & 1 c'eft 5 ; qu'un quart-
d'heure après on le lui falfe répéter , il n'a
plus befoin d'effort pour compter jufqu'à
cinq. Qu'on mette toujours des intervalles
entre les progrès qu'on lui fera faire , la
féconde dizaine le fatiguera encore un peu;
dès qu'il fera venu à 20 , on lui rendra
familiers peu à peu les noms des dizaines
jufqu'à 100 ; & dès qu'il faura remplir
l'intervalle de 20 à 30 , il faura remplir les
autres jufqu'à cent. Voyelles articles Evi-
dence , Sensations , où l'on expofe ôc
Von déduit , par une méthode philofophi-
E N T
que , l'origine ôc le progrès de nos idées ,
c'eft-à-dire , des opérations de notre en-
tendement. Cet article ejl tiré des papiers de
M. FoRMEY.
ENTENDRE LE NUMERO, (Com-
merce. ) c'eft en terme de commerce , con-
noître le véritable prix d'une marchandife ,
caché fous la marque que le marchand a cou-
tume d'y mettre , ôc dont il n'y a que lui ôc
les garçons qui aient la clef. V. Numéro ,
Chiffre & Marque. Diâionn. de Com-
merce , de Trévoux , & Chambers. (G)
Entendre les Talons , ( Manège. )
Voye^ Fuir les Talons.
ENTENNES , f. f. (Marine.) Les c«-
tennes d'une machine à mater font trois
mâts plantés fur le côté de la machine , où
font frappées les caliournes qui fervent à
élever les mâts. (Z)
ENTENTE , f. f. On dit , en Peinture ,
ce tableau eft bien entendu , eft d'une belle
entente ; c'eft-à-dire , que l'ordonnance en
eft bien entendue , qu'il eft conduit avec
beaucoup d'entente , foit pour la difpofition
du fujet , foit pour les expre fiions , le con-
trarie , ou la diftribution de lumières. En-
tente fe dit aufïi d'une partie d'un tableau
feulement : ce grouppe , cette figure font
d'une belle entente de lumière , de contrarie,
Ùc. Diclionn. de Peint. (R)
ENTER , f. f. ( Bas au métier. ) c'eft dou-
bler le fil fur un certain nombre d'aiguilles
Voye-^ à l'article Bas au Métier ■> com-
ment Venture fe pratique. Les réglemens
veulent que les entures aient au moins
fîx mailles , & foient doubles ôc bien
nettes.
ENTÉRINEMENT , f. f. ( furifprud.)
fîgnifie la difpofition d'un jugement , qui
donne un plein ôc entier effet à quelque
a£te qui ne pouvoit valoir autrement. Ce
terme vient du mot Gaulois entérin , qui
fignifioit entier , & entérinement , qui figni-
fîoit entièrement. On difoit fief enter in , pour
fief entier. On demande en juflice l'entéri-
nement des lettres de refeifion , &c des let-
tres de requête civile ; 8>c lorfquelles pa-
roifïent bien fondées , le juge en ordonne
l'entérinement , c'eft-à-dire , la pleine ôc en-
tière exécution. Ce terme paroît propre pour
exprimer l'exécution qui eft ordonnée de
certaines lettres du prince ; pour lesftatutSj,
E N T
tranfactions , fcntences arbitrales , on fe fert
du terme A' homologation. {A)
ENTÉROCELE , f. f. en Chirurgie ,
hernie ou defcente des inteftins dans le pli
de laine. Le mot eft formé du Grec \v\ipov ,
intejîin , ÔC mm , tumeur.
C'eft ordinairement l'inteftin iléon qui
forme la tumeur herniaire dont il eft quef-
tion.
La caufe prochaine de X'entérocele eft la
relaxation ou l'extenlion de la partie infé-
rieure du péritoine , qui pafte alors à tra-
vers l'anneau du mufcle oblique externe.
Ses caufes éloignées font les grands efforts ,
les exercices trop rudes , la toux violente ,
le fréquent vomilîement , les cris , &c. ce
qui fait que les enfans y font plus fujets
que les autres. Voye^ Hernie. (Y)
ENTÉROÉPIPLOCELE , f. f. {Chirur-
gie. ) tumeur au pli de l'aine , formée par
l'inteftin & l'epiploon. Koye^ Hernie.
Ses caufes font les mêmes que celles de
l'cntérocele. Foye^ENTÉROCELE. {Y}
ENTÉROÉPIPLOMPHALE , f. fém.
( Chirurgie. ) efpece d'exomphale ou de
hernie , dans laquelle les inteftins ôc l'épi-
ploon forment une tumeur au nombril.
Voye[ Exomphale.
Ce mot eft compofe de ivjtfov , intejîin ,
Wittmov , épiploon , ÔC o^xhof 3 nombril.
ENTERO-HYDROMPHALE , f. fém.
en Chirurgie , efpece d'exomphale dans la-
quelle , outre le déplacement de l'inteftin
qui lui eft commun avec l'exomphale , il fe
ramafle encore une quantité d'humeur
aqueufe. Vbye[ Exomphale.
Ce mot eft formé du Grec selspoe , in-
tejîin y vJlap , aqua , eau , férofîté , ôc de
cy.<t>*K@- > nombril. {Y)
ENTEROLOGIE , f. fém. ( Anatomie.)
mot compofé de »1«pw , intejîin > vifçere 3
ôc hôy@- , fermo , difcours ; c'eft propre-
ment un traité des vifceres , quoique ce
mot s'entende généralement des vifceres
des trois cavités , de la tête , de la poitrine ,
ôc du bas-ventre. Voyer Viscère, (i)
ENTÉROMPHALE , f. f . ( Chirurgie.)
efpece d'exomphale , dans laquelle les in-
teftins fbrtent de leur place , ôc forment
une tumeur dans le nombril. Voy. Exom-
phale.
E N T 535»
Ce mot eft formé du Grec «pjg/w , Utejlia^
ÔC èf/.<p<tKoi , nombril. ( Y)
ENTÉROTOMIE , f. fém. opération de
Chirurgie , incifîon à Pinteftin pour en ti-
rer des corps étrangers. Cette opération
eft un remède extrême , qu'on ne doit em-
ployer que dans des cas où il pourroit en-
core donner quelque efpérance , & où ,
faute d'y recourir , la mort eft inévitable.
L'expérience nous fournit la preuve de
la poiîibilité de cette opération dans la
guérifon des plaies des inteftins. L'entérctc-
mie peut être très-néceflaire dans pîufieurs
circonftances , & principalement dans l'opé-
ration de la hernie , lorlque des corps étran-
gers fe feront glifles dans la portion étran-
glée de l'inteftin , & qu'ils en empêcheront
la réduction : dans ce cas , il faudra retenir
Pinteftin au bord de la plaie , pour éviter
l'épanchement qui pourroit arriver il on le
replaçoit dans le ventre après cette opéra-
tion.
M. Hevin a traité de la poiîibilité Se de
la néceflité de Y entérotomie , dans un mé-
moire fur les corps étrangers de l'cejîo-
phage , inféré dansle premier volume de ceux
de l'académie royale de Chirurgie. (Y)
ENTERRAGE , f. m. terme de Fonde-
rie , eft un maiïif de terre dont on remplit
régulièrement la folle autour du moule ,
pour le rendre plus folide ôc l'entretenir
de tous côtés. On remplit les galeries jus-
qu'à l'effleurement du deiTus des grais , au
deflbus de la grille , avec du moellon ma-
çonné avec du plâtre mêlé de terre cuite
pilée. On comble la foffe avec de la terre
mêlée de plâtre , qu'on bat avec des pi-
lons de cuivre pour la rendre plus ferme.
ENTERREMENT , f. m. (Jurifprud.)
Voye^ SÉPULTURE.
Enterrement , f. m. ( Police.) Le par-
lement de Paris a rendu , le 21 mai 1765 ,
un arrêt qui défend d'enterrer à l'avenir ,
non-feulement dans les églifes , mais dans
l'enceinte de la ville. Il eft bien furprenant
que cet arrêt, un des plus utiles que le
parlement ait jamais rendus , n'ait point
eu d'exécution : nous croyons devoir l'in-
férer ici , ne fût-ce que pour le conferrer ,
ôc pour engager , s'il eft poffible , les ma-
giftrats à foire ceftèr ce fléau de l'huma-
nité.
Yyy 1
540 E N T
il Vu par la cour la requête préfentée par
3, le procureur-général du roi , contenant
„ qu'en exécution de l'arrêt de la cour
,, du ix mars 17653 les différentes pa-
>} roifles de cette ville de Paris lui ont
j , envoyé leurs mémoires concernant les
3, fépultures, l'évaluation du nombre des
,, enterremens annuels , la nature du fol ,
Si l'étendue 8c l'ancienneté des cimetie-
3, res j les avis de diverfes fabriques , que
3, les commifTaires au. châtelet lui ont re-
„ mis , 8c leurs divers procès - verbaux ;
„ qu'enfin ,j les officiers du châtelet ont
„ donné leurs avis fur ces mêmes objets ;
3, que d'après l'examen de toutes ces
,, pièces , le procureur-général du roi fe
3, croit en état de propoier à la cour fes
,, réflexions, & le moyen de remédier aux
,, inconvéniens de tout genre, qui paroif-
,, fent réfulter de l'ufage actuel d'enter-
„ rer les corps des défunts dans i'inté-
3, rieur de la ville ; ufage qui ne doit Ion
„ origine qu'à l'agrandiiîement de cette ca-
,, pitale , qui, en s'étendant , a renfermé
j, la plupart des cimetières dans l'enceinte
,, de fes limites , que d'ailleurs le nombre
„ des habitans de chaque paroifle s'eft fi fort
,, augmenté par l'élévation des maifons,
,, que les lieux deftinés aux inhumations fe
,, font trouvés trop refièrrés , & par- là
„ font devenus fort à charge à tout leur
„ voifînage ; que c'eft ce qui eft établi
3, par le plus grand nombre des aétes
3, qui feront remis fous les yeux de la
3, cour*; qu'elle y verra que dans la plu-
3, part des grandes paroifles , & fur-tout
3, de celles qui font au centre de la ville ,
,, les plaintes font journalières fur l'infec-
3, tion que répandent aux environs les ci-
3, metieres de ces paroifles , principale-
3, ment lorfque les chaleurs de l'été aug-
3, mentent les exhalaifons; qu'alors la pu-
a, tréfaction eft telle , que les alimens les
3, plus néceflaires à la vie , ne peuvent fe
3, conferver quelques heures dans les mai-
,, fons voifines lans s'y corrompre ; ce
„ qui provient ou de la nature du fol
„ trop engraifié pour pouvoir confommer
,, les corps, ou du peu d'étendue du ter-
,, rain pour le nombre des enterremens
,3 annuels ; ce qui néceflite de revenir
„ trop fouvem au même endroit , 8c peut-
EN T
„ être aufïi du peu d'ordre de ceux qui,
„ prépofés au foin d'enterrer les morts,
,, n'ont ni l'attention ni l'exactitude né-
,, ceflaires pour ne pas rouvrir trop tôt
,, les mêmes fépultures : que la cour de-
,, meurera d'autant plus pénétrée de ces
„ inconvéniens , qu'elle remarquera , avec
„ fatisfaction , que plufieurs fabriques ,
„ fenfibles aux plaintes réitérées des pa-
„ roifïiens , s'étoient déjà déterminées à
,, fupprimer leurs cimetières actuels, 8c que
„ dès avant lbn premier arrêt , elles avoient
„ entr'elles pris des arrangemens pour ac-
„ quérir en commun , hors de la ville ,
,, un terrain propre à cet ufage , 8c allez
„ étendu pour le befoin de ces paroifles ,
„ eu égard au nombre de leurs habitans ;
„ que dans telles circonftances le procu-
„ reur-général du roi eftime qu'il ne s'a-
„ git que d'étendre un plan fî naturel 8c
„ ii facile à remplir -, qu'il propofera donc
„ à la cour , d'un côté , de fupprimer de
„ l'enceinte de la ville les cimetières ,
„ afin que la loi , étant générale , de-
,, vienne d'une exécution plus facile, 8c
,, de l'autre , de placer au dehors de la
,, ville fept ou huit cimetières communs
,- à plufïeurs paroifles d'un même arron-
„ diflèment , afin de diminuer le nombre
,, de ces établiflèmens , 8c de trouver plus
„ facilement des terrains qui y foient con-
„ venablès.
3, La cour ordonne, i°. qu'aucunes in-
„ humations ne feront plus faites , à l'ave-
„ nir , dans les cimetières actuellement
„ exiftans dans cette ville , ious aucun
„ prétexte que ce puiflè être , 8c fous telle
„ peine qu'il appartiendra, &ceàcomp-
,, ter du premier janvier prochain , fauf
„ néanmoins dans ceux qui feront excep-
„ tés par l'article 1 9 ci-après ; i°. que les
„ cimetières , actuellement exiftans , de-
,, meureront dans l'état où ils font, fans
„ que l'on puifle en faire aucun ufage
3, avant le temps 8c efpace de cinq an-
„ nées 3 à compter dudit jour premier jan-
„ vier prochain ; après lequel temps il fera
,, procédé à la vifite deidits terrains par les
„ officiers de police , 8c par les médecins
„ 8c chirurgiens du châtelet , pour leur
„ avis communiqué aux curés 8c marguil-
,3 liers de chaque paroifle ; 8c dans le cas
E N T
ï, où les officiers ôc médecins eftimeroient
qu'on pourroit faire ufage defdits ci-
}i metieres , fe pourvoir par lefdits curés
3, Ôc marguilliers vers le fupérieur ecclé-
9? fiaftique , pour obtenir de lui la per-
„ million d'exhumer les corps Ôc ofïe-
„ mens avant de remettre lefdits terrains
„ dans le commerce. 30. Qu'aucunes fé-
a, pultures ne feront faites à l'avenir ou
,, accordées dans les églifes , foit paroif-
„ fiales , foit régulières , fi ce n'eu, celles
,, des curés ou fupérieurs décédés en pla-
3, ce , à moins qu'il ne foit payé à la fa-
}j brique la fomme de deux mille livres
„ pour chaque ouverture en icelles ; ôc
,, que quant aux fépultures dans les cha-
,, pelles ôc caveaux , elles ne pourront
33 avoir lieu que pour les fondateurs ou
j, leurs repréfentans, &c pour ceux des fa-
„ milles qui en font propriétaires, ou font
„ dans une poffefïion longue ôc ancienne
33 d'y avoir leurs fépultures , &ce à la
,, charge d'y mettre les corps dans des
33 cercueils de plomb Se non autrement.
3, 40. Qu'il fera fait choix de fept à huit
3, terrains différens propres à recevoir ôc
33 confommer les corps, ôc fîtués hors de
,, la ville au fortir des fauxbourgs, aux
s, endroits les plus élevés ôc afïez étendus
„ pour l'ufage des paroifîes de chaque
,, arrondifîement , ainli qu'il fera 'fixé par
„ l'article 1 1 ci-après ; ôc à cet effet or-
,, donne que le roi fera très-humblement
,, fupplié de vouloir bien déroger à la dé-
33 claration du 31 janvier 1 690 , regiftrée
„ le 6 février audit an , ôc à l'édit du
„ mois d'août 1 749 , concernant les gens
3, de main-morte , regiftré le 2 feptem-
33 bre audit an. ye. Que chacun defdits
„ cimetières fera clos de murs de dix pies
„ d'élévation dans tout le pourtour ; ôc
33 que dans chacun d'iceux il y aura une
3, chapelle de dévotion , ôc un logement
,3 de concierge , fans qu'on y puifïè conf-
j, truire autres bâtimens , ni même met-
„ tre dans l'intérieur aucune épitaphe, fi
3, ce n'eft fur lefdits mûrs de clôture , ôc
,3 non fur aucunes fépultures. 6°. Que les
33 enterremens fe feront comme par le
„ paffé , mais qu'après les prières, finies dans
„ l'églifè , les corps feront portés dans le
„ lieu du dépôt y ou chapelle mortuaire 3
E N T 541
tel qu'il fera , ci-après , indiqué , article
1 o , pour un certain nombre de pa-
roifîes de chaque arrondifîement , fans
que fous aucun prétexte , l'on puiffe y
accorder de fépulture particulière , non
plus que dans le cimetière commun.
7°. Que les bières ou ferpillieres feront
marquées d'une lettre alphabétique indi-
cative de la paroiffe , ôc d'un numéro ,
qui porté également à la marge de l'ex-
trait mortuaire de chaque défunt , indi-
quera que le corps y eft renfermé ; ôc
les corps feront accompagnes lors du
tranfport au dépôt , d'un eccléfiaftique
de la paroiffe d'où le tranfport fera fait ,
ôc y demeureront jufqu'au lendemain
matin. 8°. Il reftera toujours audit lieu
de dépôt , l'un des eccléfîaftiques qui
y aura accompagné les corps, jufqu'au
moment où »l'on viendra les lever pour
les tranfporter au cimetière commun
de chaque arrondifîement , pour prier
Dieu pour les défunts ; à l'effet de quoi
il fera bâti dant le dépôt de chaque
arrondiffement une ou deux chambres
pour ledit eccléfiaftique ; ôc fera ledit
eccléfiaftique pris alternativement dans
chaque paroifle de l'arrondifïement ,
ôc nommé par le curé de la paroifle.
9°. Tous les jours à deux heures du
matin , depuis le premier avril jufqu'au
premier octobre , Ôc à quatre heures du
matin , depuis le premier octobre juf-
qu'au premier avril , on ira lever les
corps qui auront été portés audit dépôt ,
ôc ils feront tranfportés dans un ou plu-
fieurs chars couverts de draps mortuai-
res , attelés de deux chevaux , allant
toujours au pas , au cimetière commun
de l'arrondifïement. Le conducteur du-
dit chariot fe rendra d'abord au pre-
mier des dépôts de l'arrondifïement qui
fera fur la route , ôc ira fucceiïivement
à chacun des dépôts , ôc ledit chariot
fera toujours accompagné d'un ecclé-
fiaftique ou deux au plus , qui feront
choifis alternativement dans chaque pa-
roiffe de l'arrondifïement , ôc nommés
par les curés de chaque paroiffe de l'ar-
rondifïement ; le chariot fera précédé
d'autant de lanternes qu'il y aura de
dépôts dans l'arrondiflèment ; ôc les
54i E N T
„ porteurs d'icelles chargeront le chariot ,
,, Si aideront en roure en cas d'accident;
,, ils feront en même temps les fofToyeurs
,, du cimetière commun. io°. Quecha-
„ que entrepôt où feront dépofés les corps
,y en attendant qu'ils foient portés au ci-
„ metiere commun , fera un lieu fermé ,
„ à la hauteur de fix pies au moins ,
,, de murailles garnies au de (Tu s de bar-
,, reaux de fer de quatre pies de haut
„ dans tout le pourtour ; & terminé par
,, une voûte ouverte dans (on fommet.
,, n°. &iz°. Ces deux articles contiennent
„ des détails de règlement relatifs aux dif
„ fer entes paroijfes. i $°. Que la dépenfe
„ à faire pour l'acquifition des terrains
„ 8c bâtimens qui devront fervir aux
„ nouveaux cimetières , fera fupportée
,, par chaque paroifle du même arrondif-
,, fement , à proportion du nombre des
„ fépultures annuelles qu'elles peuvent
,, avoir , & au marc la livre de la fomme
„ totale qui aura été employée aux dé-
„ penfes fufdites du cimetière de leur
„ arrondiffement. 140. Que les paroiffèsde
,, chaque arrondifTement feront tenues de
„ contribuer , dans la même proportion de
,, l'article précèdent , à la dépenfe 8c en-
J3 tretien , gages 8c appointerons , (oit
„ des eccléfiaftiques 8c luminaires , foit
„ du char, des chevaux, du concierge &
„ des fofToyeurs , foit du cimetière com-
„ mun , foit du lieu du dépôt particulier
„ à aucune des paroiflès de chaque ar-
3) rondiifement , 8c généralement à toute
33 dépenfe commune, de quelque nature
,, qu'elle puifle être. 150. Que pour fup-
„ porter lefdites charges , il fera payé ,
„ par les héritiers ou les repréfentans les
„ défunts, à la fabrique 'de chaque pa-
„ roiife , un fupplément de fix livres par
„ chaque enterrement des grands orne-
33 mens , 8c de trois livres pour chacun
„ des autres, fiufceuxde charité 8c demi-
3, charité, peur raifon defquelsil ne fera
3, rien perçu , non plus que pour ceux
3J qui, en payant le double des frais or-
33 dinaires en tout genre , voudraient faire
„ porter directement les corps de leurs
J} parens au cimetière commun , (ans que
3} pour ce , l'on y puifle ouvrir aucune
)3 fbffe particulière , s'il n eft préalable -
E N T
„ ment payé la fomme de trois cents
„ livres qui fera employée aux dépenfes
,, communes des paroiffes de l'arrondif-
„ fement ; & qu'il fera réfervé à cet effet
„ un terrain de huit pies au pourtour
„ intérieur des murailles de chaque cime-
„ tiere , dans lequel efpace ne pourra
„ être ouverte aucune foffe commune.
„ 1 6°. Que la fofïe commune de chacun
„ des huit cimetières fera renouvellée au
„ plus tard trois fois dans l'année , 8c l'an-
„ cienne comblée ; quand même elle ne
„ feroit pas remplie ; favoir , une fois
,, depuis odobre jufqu'en avril , 8c deux
,, fois depuis le premier avril jufqu'au
„ premier odobre. 170. Que l'ouverture
,, de la fofïe générale fera couverte 8c fer-
„ mée par un affemblage de bois , fur
„ lequel fera attachée une grille de fer
„ fermant avec un cadenas. 1 8°. Défend
„ au concierge 8c à tous autres de planter
,, aucuns arbres ou arbrifîcaux dans lefdits
„ cimetières.» V. l'art. Cimetière. (A.A.)
ENTERRER LES FUTAILLES,
(Marine) , c'eft- à-dire, les mettre en partie,
ou les enfoncer un peu dans le left du vaif-
feau. (Z)
ENTETER , verb. ad. c'eft , en termes
d'Epinglier , attacher la tête à l'anfe , de
manière qu'elle paroifïe y avoir été foudée.
Cela fe fait dans le métier entre le poinçon
8c l'enclume. Voye^ Métier , Poinçon,
Enclume , Epingle.
ENTHLASIS, f.f. ( Chirurgie.) efpece
de fradure du crâne faite par l'inftrument
contondant , dans laquelle l'os eft brifé en
plufieurs pièces avec dépreilîon , 8c plu-
rieurs fentes qui fe croifent. Ce mot eft
Grec , ïv$KA7tt , collifio , infraclio , fradure
à plufieurs pièces , du verbe kvdhâa , in-
fringo , je brife. Voye-^ Trépaner. ( Y)
ENTHOUSIASME , f. mafe. ( Philof. ù
Belles-Lettres.) Nous n'avons point de dé-
finition de ce mot parfaitement fatisfaifante:
je crois cependant utileau progrès des beaux-
arts qu'on en cherche la véritable lignifica-
tion , 8c qu'on la fixe , s'il eft poflible.
Communément on entend par enthoujiafme,
une efpece de fureur qui s'empare de l'efprit
8c qui le maîtrife , qui enflamme l'imagi-
nation , l'élevé , 8c la rend féconde. C'eft
un tranfport , dit - on , qui fait dire ou
E NT
faire des ehofes extraordinaires & furpre-
nantes : mais quelle eft cette fureur &c d'où
paît-elle ? quel eft ce tranfport , & quelle
eft la caufe qui le produit ? C'eft là , ce
me femble , ce qu'il auroit été néceilaire
de nous apprendre , 8c dont on a cepen-
dant paru s'occuper le moins.
Je crois d'abord que ce mouvement qui
élevé l'efprit 8c qui échauffe l'imagination ,
n'eft rien moins qu'une fureur. Cette dé-
nomination impropre a été trouvée defang-
froid , pour exprimer une caufe dont les
effets ( quand on eft dans cet état paifible )
ne fàuroient manquer de paroïtre fort
extraordinaires. On a cru qu'un homme
devoit être tout- à- fait hors de lui-même ,
pour pouvoir produire des chofès qui met-
toient réellement hors d'eux-mêmes ceux
qui les voyoient ou qui les entendoient :
ajoutez à cette première idée Yenthoujiafme
feint où vrai des prêtres du paganifme , que
la charlatanerie les engageoit à charger de
grimaces 8c de contorfion , 8c vous trou-
verez l'origine de cette faufîè dénomination.
Le peuple avoit appelle ce dernier enthou-
fiafme , fureur prophétique ; 8c les pédans
de l'antiquité (autre partie du peuple peut-
être encore plus bornée que la première )
donnèrent à leur tour à la verve des poètes,
dont il n'eft pas donné aux efprits froids
de pénétrer la caufe , le nom fuperbe de
fureur poétique.
Les poètes flattés qu'on les crût des êtres
infpirés , n'eurent garde de détromper la
multitude ; ils afiurerent dans leurs vers ,
au contraire , qu'ils l'étoient en effet , Se
peut-être le crurent-ils de bonne foi eux-
mêmes.
Voilà donc la fureur poétique établie dans
le monde comme un rayon de lumière
tranfeendante , comme une émanation fu-
blime d'en haut , enfin comme une infpi-
ration divine. Toutes ces exprelïions en
Grèce 8c à Rome étoient fynonymes aux
mots dont nous avons formé en François
celui à'enthoufafme.
Mais la fureur n'eft qu'un accès violent
de folie , & la folie eft une abfence ou un
égarement de la raifon ; ainfi lorfqu'on a
défini l'enthoufiafme , une fureur , un tranf-
port , c'eft comme fi l'on avoit dit qu'il
eft un redoublement de folie 3 par conféquent
E N T î4}
incompatible pour jamais avec la raifon.
C'eft la raifon feule cependant qui le fait
naître ; il eft un feu pur qu'elle allume dans
les momens de fa plus grande fupériorité.
Il fut toujours de toutes fes opérations la
plus prompte , la plus animée. Il fuppofe
une multitude infinie de combinaifons pré-
cédentes , qui n'ont pu fe faire qu'avec
elle & p?r elle. Il eft , fi on ofe le dire ,
le chef-d'œuvre de la raifon. Comment
peut - on le définir comme on définiroit un
accès de folie ?
Je fuppofe que , fans vous y être attendu,
vous voyiez dans fbn plus beau jour un
excellent tableau. Une furprife fubitevous
arrête , vous éprouvez une émotion géné-
rale , vos regards comme abfbrbés reftent
dans une forte d'immobilité , votre ame
entière fe raflemble fur une foule d'objets
qui l'occupent à la fois ; mais bientôt
rendue à fbn activité , elle parcourt les
différentes parties du tout qui l'avoit frap-
pée , fa chaleur fe communique à vos fens,
vos yeux lui obéiffent 8c la préviennent :
un (ea vif les anime ; vous appercevez ,
vous détaillez, vous comparez les attitudes,
les contraries , les coups de lumière , les
traits des perfonnages , leurs pallions , le
choix de l'action repréfentée, l'adre fie , la
force , la hardiefle du pinceau ; 8c remar-
quez que votre attention , votre furprife ,
votre émotion , votre chaleur feront dans
cette circonftanceplus ou moins vives, félon
le différent degré de connoiflances anté-
rieures que vous aurez acquis , & le plus
ou le moins de goût , de délicatefïe , d'ef-
prit , de fenlîbilité, de jugement , que vous
aurez reçu de la nature.
Or , ce que vous éprouvez dans ce mo-
ment eft une image (imparfaire à la vérité,
mais fufïifante pour éclaircir mon idée,)
de ce qui fe patîè dans l'ame de l'homme
de génie , lorfque la raifon , par une opé-
ration rapide , lui préfente un tableau frap-
pant 8c nouveau qui l'arrête, l'émeut, le
ravit , 8c l'abforbe.
Obfervez que je parle ici de l'ame d'un
homme de génie ; parce que j'entends par
le mot génie , l'aptitude naturelle à rece-
voir , à fentir , à rendre les imprefïions
du tableau fuppofe. Je le regarde comme
le pinceau du pintre , qui trace.les figures
544 E N T
fur la toile , qui les crée en effet, mais qui
eft toujours guidé par des infpirations pré-
cédentes. Dans les livres , comme dans la
converfation , on commence à partir du
pinceau , comme s'il étoit le premier mo-
teur. Le ftyle figuré chez des peuples inf-
truits , tels que le nôtre , devient infènfi-
blement le ftyle ordinaire ; 3c c'eft par cette
raifon que le mot génie , qui ne déiigne que
l'inftrument indifpenfable pour produire ,
a été fucceffivement employé pour exprimer
la caufe qui produit.
Obfervez encore que je n'ai point em-
ployé le mot imagination , qu'on croit
communément la ïource unique de Ven-
thoufiafme ; parce que je ne la yois dans
mon hypothefe que comme une des caufes
fécondes , Ôc telle ( pour m'aider encore
d'une comparaifon prife de la peinture ) ,
telle , dis- je , qu eft la toile fous la main
du peintre. L'imagination reçoit le deflïn
rapide du tableau qui eft préfenté à l'ame ,
ôc c'eft fur cette première efquiflè que le
génie diftribue les couleurs.
Je parle enfin , dans la définition que je
propofe , d'un tableau nouveau ; car il ne
s'agit point ici d'une opération froide ôc
commune de la mémoire. Il n'eft point
d'homme à qui elle ne rappelle lbuvent
les différens objets qu'il a déjà vus: mais
cène font là que de foibles efquiflès qui
paftènt devant fon entendement , comme
des ombres légères , fans furprendre , affec-
ter , ou émouvoir fon ame , ne fuppo-
fent que quelques fènfations déjà éprou-
vées , & point de combinaifbns précédentes.
Ce n'eft là peut - être qu'un des apanages
de l'inftind ; j'entends développer ici un
des plus beaux privilèges de la raiibn.
Il s'agit donc d'un tableau qui n'a point
encore été vu , d'un tableau que la raifon
vient de créer , d'une image toute de feu
qu'elle préfente tout-à-coup à une ame vive,
exercée , ôc délicate ; l'émotion qui la îaifit
eft en proportion de fa vivacité , de Ces con-
noiflances , de fa délicateflè.
Or , il eft dans la nature que l'ame n'é-
prouve point de fentiment , fans former
le defir prompt ôc vif de l'exprimer ; tous
fes mouvemens ne font qu'une fucceflion
continue de fentimens ôc d'exprefïions ;
elle eft comme le cœur, dont le jeu ma-
E N T
chinai eft de s'ouvrir fans celte pour rece-
voir ôc pour rendre : il faut donc qu'à
l'afped fubit de ce tableau frappant qui
occupe l'ame , elle cherche à répandre au
dehors l'imprefllon vive qu'il fait fur elle.
L'impulfion qui l'a ébranlée , qui la rem-
plit , Ôc qui l'entraîne , eft telle que tout
lui cède , ôc qu'elle eft le fentiment prédo-
minant. Ainfi , fans que rien puiflè le dif-
traire ou l'arrêter , le peintre faifît fon
pinceau , ôc la toile fe colore , les figures
s'arrangent , les morts revivent ; le cifeau
eft déjà dans la main du fculpteur , ôc le
marbre s'anime ; les vers coulent de la plume
du poète , ôc le théâtre s'embellir de mille
acfjons nouvelles qui nous intérefïènt ôc
nous étonnent ; le muficien monte la lyre,
ôc l'orcheftre remplit les airs d'une harmo-
nie fublime ; un ipe&acle inconnu , que
le génie de Quinault a créé , Ôc qu'elle em-
bellit , ouvre une carrière brillante aux arts
divers qu'il raflèmble ; des mafures dé-
goûtantes difparoiftent , Ôc la fuperbe façade
du Louvre s'élève ; des jardins réguliers ôc
magnifiques prennent la place d'un terrain
aride , ou d'un marais empoifonné ; une
éloquence noble Ôc mâle , des accens dignes
de l'homme font retentir le barreau , nos
tribunes , nos chaires ; la face de la France
change ainfi rapidement comme une belle
décoration de théâtre ; les noms des Cor-
neille , des Molière , des Quinault , des
Lully , des Lebrun , des Bolfuet , des
Perrault , des le Nôtre , volent de bouche
en bouche , ôc l'Europe entière les répète
Ôc les admire : ils font déformais des mo-
numens immuables de la gloire de notre
nation ôc de l'humanité.
h'enthoujiafme eft donc ce mouvement
impétueux , dont l'ellbr donne la vie à
tous les chefs - d'œuvre des arts , ôc ce
mouvement eft toujours produit par une
opération de la raifon aufïi prompte que
fublime. En effet , que de connoiffances
précédentes ne fuppofe-t-il pas ! que de
combinaifons i'inftruc~t.ion ne doit-elle pas
avoir occafionées ! que d'études antérieu-
res n'eft-il pas nécellàire d'avoir faites !
de combien de manières ne faut-il pas que
la raifon fe foit exercée , pour pouvoir
créer tout-à-coup un grand tableau auquel
rien ne manque, ôc qui paroît toujours
à
E N T
à l'homme de génie , à qui il fêrt cîe mo-
dèle , bien fùpérieur à celui que fbn enthou-
fiafme lui fait produire ! D'après ces ré-
flexions puifées dans une métaphyftque
peu abftraite , & que je crois fort certaine ,
j'oferois définir l'enthouiîafme une émotion
vive de famé à tafpecl d'un tableau neuf
& bien ordonné qui la frappe , & que la
raifon lui préfente.
Cette émotion , moins vive à la vérité ,
mais du même caractère , fe fait fentir à
tous ceux qui font à portée de jouir des
diverfès productions des beaux - arts. On
ne voit point fans enthoufiafme une tragédie
intéreifante , un bel opéra , un excellent
morceau de peinture , un magnifique édi-
fice , &c. ainfi la définition que je pro-
pofe paroît convenir également , & à ïen-
thoujiafme qui produit , & à ïenthoufiafme
qui admire.
Je crains peu d'objections de la part de
ceux que l'expérience peut avoir éclairés ,
fur le point que je traite \ mais ce tableau
fpirituel , cette opération rapide de la
raifon , cet accord mutuel entre l'àme &
les fens , duquel naît l'exprefîion prompte
des impreffions qu'elle a reçues , paraîtront
chimériques peut-être à ces efprits froids ,
qui fe fou viennent toujours , & qui ne
créeront jamais.
Pourquoi , diront-ils , dénaturer les cho-
fes ? à quoi bon des fyftêmes nouveaux ?
On a cru jufqu'ici ïenthoufiafme une ef-
pece de fureur , l'idée reçue vaut bien
la nouvelle , & quand l'ancienne feroit une
erreur, quel défavantage en réfulteroit-il
pour les arts ? Les grands poètes , les bons
peintres , les muficiens excellens qu'on a
crus & qui fe font crus eux - mêmes des
gens iufpirés, ont étéauffi loin fans tant de
métaphysique : on refroidit l'efprit , on
sffoiblit le génie par ces recherches incer-
taines ou au moins inutiles des caufes j
contentons - nous des effets. Nous favons
que les gens de génie créent \ que nous
importe de lavoir comment ? Quand on
aura découvert que la raifon eft le premier
moteur àes opérations de leur ame , & non
l'imagination , qu'on en a crue chargée
jufqu'à préfent , penfè-t-on qu'on donnera
du génie ou du talent à ceux à qui la nature
aura refufé un don fi rare ?
Terne XII.
. ENT .* ■ M
A ces objections générales je répondrai ,
i°. qu'il n'eft point d'erreur dans les arts ,
de quelque nature qu'elle foit , qu'il ne
paroiife évidemment utile de détruire.
2°. Que celle dont il s'agit eft infiniment
préjudiciable aux artiftes 6c aux arts.
3°. Que c'eft applanir des routes qui font
encore allez difficiles , que de chercher ,
de trouver , d'établir les premiers principes.
Les règles n'ont été faites que fur le mé-
chanifme des arts j &. eu paroifTant les
gêner , elles les ont guidés juftru'au point
heureux où nous les voyons aujourd'hui.
Que s'il eft poffible de porter des lumiè-
res nouvelles fur leur partie purement Spiri-
tuelle , fur le principe moteur duquel dé-
rivent toutes leurs opérations, elles devien-
dront dès-lors auffi fûres que faciles. Il en
eft des arts comme de la navigation j on ne
courait les mers qu'en tâtonnant avant la
découverte de la bouffole.
4°. Ne craignons point d'affoiblir l'efprit,
ou de refroidir le génie en les éclairant. Si
tout ce que nous admirons dans les pro-
ductions des arts eft l'ouvrage de la raifon ,
cette découverte élèvera lame de l'artifte ,
en lui donnant une opinion plus glorieufe
encore de l'excellence de fon être } & de
cette élévation attendez de nouveaux mi-
racles , fans en craindre un plus grand or-
gueil. La vanité n'eft le grand reifort que
des petites âmes } le génie en fuppofe tou-
jours une fupérieure.
5°. Les mots d'imagination , de génie ,
d'efprit , de talent , ne font que des termes
trouvés pour exprimer les différentes opé-
rations de la raifon : il en eft d'eux à -peu-
près comme des divinités inférieures du
paganifme : elles n'étoient aux yeux des
fages, que des noms commodes pour expri-
mer les divers attributs d'un Dieu unique j
l'ignorance feule de la multitude leur fit par-
tager les honneurs de la divinité.
69. Si ïenthoufiafme , à qui feul nous
fbmmes redevables des belles productions
des arts , n'eft dû qu'à la raifon comme
caufe première } li c'eft à ce rayon de lu-
mière plus ou moins brillant , à cette éma-
nation plus ou moins grande d'un Etre
fùprême , qu'il faut rapporter conftamment
les prodiges qui forteut des mains de l'hu-
manité j dès-lors tous les préjugés nuifibles
Z z z
54* E N T
à la gloire des beaux-arts font pour jamais
détruits , & les nrtiftes triomphent. Ou
pourra déformais être poète excellent ,
fans ceffer de palier pour un homme
fage '■) un muficien fera fublime, fans qu'il
foit indifpenfablement réputé pour fou.
On ne regardera plus les nommes les plus
rares comme des individus prefqu'inutiles ,
peut-être même s'imaginera-t-on un jour
qu'ils peuvent penfer , vivre , agir comme
îe refte des hommes. Ils auront alors plus
d'encouragement à efpérer , & moins de
dégoûts à foutenir. Ces têtes légères , or-
gueilleufes & bruyantes , ces automates
lourds &: dédaigneux qui décident en maî-
tres dans la fociété , feront peut-être à la
fin perfuadés qu'un artifte , qu'un homme
de lettres tiennent dans l'ordre des chofes
un rang fupérieur à celui d'un intendant
qui les a fubjugués & qui les mine , d'un
vil complaifant qui les amrne & qui les
joue , d'un caifiier qui leur refufè leur ar-
gent pour le faire valoir à fon profit , même
d'un fècretaire qui fait mal leur befogne ,
& très-adroitement fa fortune.
Au refte , foit que la vérité triomphe
enfin de l'erreur , foit que le préjugé
plus puiffant demeure le tyran perpétuel
des opinions contemporaines , que nos
illuftres modernes fe confolent & fe raffu-
rent ; les ouvrages du dernier fiecle font
regardés maintenant fans contradiction ,
comme des chefs - d'œuvre de la raifon
humaine, & il n'eft pas à craindre qu'on
ofè prétendre qu'ils ont été faits fans en-
thoujiafme : tel fera le fort , dans le fiecle
prochain , de tors ces divers monumens
glorieux aux arts & à la patrie , qui s'élè-
vent feus uos yeux. La multitude en eft
frappée , il eft vrai , fans les apprécier ;
Jes demi-connoiffeurs les difeutent fans les
fèntir : on s'en occupe moins long-temps
aujourd'hui que d'une parodie fans efprit ,
dent on n'a pas honte de rire : qu'importe ,
en feront-ils moins un jour l'école &: l'ad-
miration de tous les efprits & de tous les
âges ?
Mais la définition que je propofe con-
vieiît-elle à toute forte à'enthoufiafme & à
toutes les efpeces de talens ? Quel eft le
tableau , dira-t-on peut-être , que la raifon
peut offrir à pejudre à l'art du mufiçieii l
EN T
Il ne s'agit là que d'un arrangement géo-
métrique de tons , &c. L'éloquence d'ail-
leurs eft fublime fans entkoujlafme , & il
faut fupprimer de cet article tout ce qui
a été dit des orateurs du fiecle dernier.
Je répons , i°. qu'il n'exifte point de
mufique digne de ce nom , qui n'ait peint
une ou plufieurs images : fon but eft
d'émouvoir par l'expreilion , & il n'y a
point d'expreiîion fans peinture. Voye\ la
queftion plus au long aux art. EXPRESSION ,
Musique , OpÉRA.
2°. Mettre en doute Yenthoufafme de
l'orateur , c'eft vouloir faire douter de
l'exiftence de l'éloquence même , dont
l'objet unique eft de l'infpirer. Ce difeours
qui vous émeut , qui vous intéreffe ou qui
vous révolte } ces détails , ces images fuc-
cefîives qui vous attachent , qui ouvrent
votre cœur d'une manière infenfible à celui
des fentimens que l'on veut vous infpirer ,
tout cela ifeft & ne peut être que l'effet
de l'émotion vive qui a précédé dans l'a me
de l'orateur celle qui fe glifle dans la vôtre.
On fait une déclamation , une harangue ,
peut - être même un difeours académique
fans enthoufiafme ; mais ce n'eft que de lui
qu'on peut attendre un bon fermon , un
plaidoyer tranfeendant , une oraifon funè-
bre qui arrache des larmes. Voye[ Elo-
CUTION.
Je finis cet article par quelques obfèr-
vations utiles aux vrais talens , & que je
fiipplie tous ceux qui s'érigent en juges
fouverains des arts de me permettre.
Sans enthoujiafme point de création , Se
fans création les artiftes & les arts rampent
dans la foule des choies communes. Ce
ne font plus que de froides copies retour-
nées de mille petites façons différentes :
les hommes difparoiflënt , on ne trouve
plus à leur place que des Anges & des
perroquets.
J'ai dit plus haut qu'il y a deux fortes
d'enthoujiajmes ; l'un qui produit , l'autre
qui admire ; celui-ci eft toujours la fuite
&: le falaire du premier , & la preuve cer-
taine qu'il a été un enthoufiafme véritable.
Il y a donc de faux enthoufajmes. Un
homme peut fe croire des talens , du gé-
nie , & n'avoir que des réminifeences ,,
une facilité maUieureufe % & un peuçMufc
ENT
ridicule 9 qui en eft prefque toujours la
fuite , pour tel genre ou tel art.
Il n'eft point à'enthoufiafme fans génie ,
c'eft le nom qu'on a donné à la raifon au
moment qu'elle le produit } ni fans talens ,
autre nom qu'on a donné à l'aptitude natu-
relle de l'ame à recevoir Xenthoufiafme & à
le rendre. Voye^ Génie , Talens.
Venthoufiafme plonge les hommes privi-
légiés qui en font fufceptibles , dans un
oubli prefque continuel de tout ce qui eft
étranger aux arts qu'ils profeffent. Toute
leur conduite eft en général fi peu reffem-
blaute avec ce que nous regardons comme
les manières d'être , adoptées dans la fb-
ciété , qu'on fe trouve porté , prefque fans
le vouloir , à les regarder comme des ef-
peces iingulieres \ ce n'eft rien moins qu'à
Ja raifon qu'on attribue ce qu'on appelle
leurs bizarreries ou leurs écarts \ de là tous
les préjugés établis , & que l'inftruétion a
bien de la peine à détruire. Mais a-t-on
vu encore quelque efpece d'hommes par-
faite ? en trouve-t-on beaucoup qui portent
une raifon fupérieure dans plufieurs genres ?
qu'il nous fuffile de dire qu'on rencontre
communément dans les vrais talens une
bonne foi comme naturelle , une franchise
de caradtere , & fur-tout l'antipathie la
plus décidée pour tout ce qui a l'air d'in-
trigue ? d'artifice , de cabale. Penfè-t-on
que ce foit là un des moindres ouvrages
de la raifon ? Aufti lorfque vous verrez un
homme de lettres , un peintre , un mufi-
cien fouple 7 rampant , fertile en détours ,
adroit courtifan , ne cherchez point chez
lui ce que nous appelions le vrai talent.
Peut-être aura-t-il des fuccès : il en eft de
paffagers que la cabale procure. Ne foyez
point iùrpris de le voir envahir toutes les
places de fon état , & celles même qui
paroifTent lui être le plus étrangères ^ il a
la forte de mérite qui les donne : mais un
nom illuftre , une gloire pure & durable ,
cette confédération flatteufe ? apanage ho-
norable des talens diftingués , ne feront
jamais fon partage. La charlatanerie trompe
les fots , entraîne la multitude , éblouit
les grands :, mais elle ne donne que des
îouillànces de peu de durée. Pour produire
des ouvrages qui relient , pour acquérir
une gloire que la poftérité confirme , il
ENT 547
faut des ouvrages 6c des fuccès qui réfîf-
teiit aux efforts du temps , & à l'examen
des fages ; il faut avoir fenti un enthow-
fiafme vrai , & l'avoir fait paffer dans tous
les efprits } il faut que le temps l'entre-
tienne , & que la réflexion , loin de l'étein-
dre , le juftifie.
Il eft de la nature de Xenthoufiafme de fè
communiquer & de fe reproduire } c'eft
une flamme vive qui gagne de proche eu
proche , qui fê nourrit de fon propre feu ,
& qui , loin de s'afïoiblir en s'étendant ,
prend de nouvelles forces à mefure qu'elle
fè répand & fe communique.
Je fuppofe le public affemblé pour voir
la repréfentation d'un excellent ouvrage ;
ia toile fe levé , les adfceurs paroifTent ,
l'action marche , un tranfport général in-
terrompt tout- à-coup le fpeclacle } c'efl
Xenthoufiafme qui fè fait fentir, il aug-
mente par degrés , il pafTe de l'ame des
acteurs dans celle des fpecfateurs j & re-
marquez qu'à mefure que ceux-ci s'échaufi-
fent , le jeu des premiers devient plus ani-
mé j leur feu mutuel eft comme une balle
de paume que l'adreflè vive & rapide des
joueurs fè renvoie \ c'eft là où nous devons
toujours être fûrs d'avoir du plaifir en pro-
portion de la fènfibilité que nous mon-
trons pour celui qu'on nous donne.
Dans ces fpeclacles magnifiques , au
contraire , que le zèle le plus ardent pré-
pare , mais où le refpedt, lie les mains ,
vous éprouvez une efpece de langueur à-
peu-près vers le milieu de la repréfenta-
tion \ elle augmente par degrés jufqu'à la
fin , & il eft rare que l'ouvrage le plus fait
pour émouvoir ne vous laiife pas dans un
état tranquille. La caufe de cette forte de
phénomène eft dans l'ame de l'adleur &
du fpedtateur. On ne verra jamais de re-
préfentation parfaite , fans cette chaleur
mutuelle qui entretient la vivacité de celui
qui repré fente , & le charme de ceux qui
l'écoutent } c'eft un méchanifme confiant
établi par la nature. Uenthoufiafme de ce
genre le plus vif s'éteint , s'il ne fe commu-
nique.
Il y a en nous une analogie fecrete entre
ce que nous pouvons produire & ce que
nous avons appris. La raifon d'un homme
de génie clécompofe les différentes idées
Zzz z
54» E N T
qu'elle a reçues , Se les rend propres , 5c
en forme un tout , qui , s'il eft permis de
s'exprimer ainfï , prend toujours une phy-
lîonomie qui lui eft propre : plus il acquiert
de connohTances , plus il a raffemblé d'i-
dées j & plus fes momens à'entàou/iafme
font fréquens , plus les tableaux que la rai-
fon préfente à foa ame font hardis , no-
bles , extraordinaires , &c.
Ce n'eft donc que par une étude aflldue
& profonde de la nature , des parlions ,
des chefs-d'œuvre des arts , qu'on peut dé-
velopper , nourrir , réchauffer , étendre le
génie. On pourroit le comparer à ces
grands fleuves , qui ne paroilfent à leur
fburce que de foibles ruiiîèaux : ils cou-
lent , Serpentent , s'étendent :, &. les torrens
des montagnes , les rivières des plaines fe
mêlent à leur cours , groftiffent leurs eaux ,
ne font qu'un feul tout avec elles : ce n'eft
plus alors un léger murmure , c'eft un bruit
impofant qu'ils excitent :, ils roulent ma-
jeftueufement leurs flots dans le fein de l'o-
céan , après avoir enrichi les terres heu-
reufès qui ont été arrofées. Voilà l'examen
philofophique de X enthoufiafme ; voyez à
ïarticle ECLECTISME un abrégé hiftorique
de quelques-uns de fes effets. (S)
ENTHOUSIASTE, f. m. ( Phihf. &
Seaux-Arts. ) perfonne qui eft dans J'en-
ihoufîafme. Voye\ ENTHOUSIASME.
Ce mot , féparé du Sens qu'on lui donne
dans les beaux-arts , fè prend Souvent en
mauvaiSè part pour défîgner un fanatique.
Voyei Fanatique. (G)
* ENTHOUSIASTES , f. m. pi. {Hijf.
eccl. ) nom d'anciens fe&aires , les mêmes
que ceux qui ont été appelles Majjalienk ,
Enchites. Ou leur avoit donné ce nom , à
ce que dit Théodoret , parce qu'étant agités
du démon , ils croyoient avoir de vérita
ibles inipirations. On donne encore aujour-
d'hui le nom REnthoufiajles aux Anabap-
tiftes , aux Quakers ou Trembleurs , qui
iè croient remplis d'une inspiration divine ,
& Soutiennent que la fainte Ecriture doit
£wc expliquée par les lumières de cette inS-
piration. Voye{ Quaker , ô>c. (G)
* ENTHRONISTIQUE , adjeft, pris
fiibft. ( Hiji. eccl. ) fomme d'argent déter-
E NT
minée que les eccléfiaftiques du premier
ordre étoient obligés de payer pour être
inftallés.
ENTHYMEME , f. m. {Logique.) eft
un argument qui ne comprend que deux
proportions , l'antécédent , & le confé-
quent qu'on en tire. Il faut cependant
obfcrver que c'eft un Syllogifme parfait
dans l'efprit > mais imparfait dans l'expref-
Sïon , parce qu'on y Supprime quelqu'une
des propositions , comme trop claire &: trop
connue , & comme étant facilement fup-
pléée par l'efprit de ceux à qui on parle.
Cette manière d'argument eft fi commune
dans les difcours & dans les écrits , qu'il
eft rare , au contraire , qu'on y exprime
toutes les proportions. L'efprit humain
eft flatté qu'on lui laiflë quelque chofe à
fuppléer } fa vanité eft fatisfaite qu'on Se
remette de quelque chofe à Son intelli-
gence : d'ailleurs , la fuppreiîion d'une pro-
position , affez claire pour être Suppoiée ,
en abrégeant le difcours ? le rend plus fort
& plus vif. Il eft certain , par exemple , que
Si de ce vers de la Médée d'Ovide , qui
contient un enthymeme très- élégant ,
Servare potui ? perde re an pojfim rogas ?
on en avoit fait un argument en forme ,
toute la grâce eu feroit ôtée : &: la raifon
en eft , que comme une des principales
beautés d'un difcours eft d'être plein de
feus , & de donner occafion à l'efprit de
former une penfée plus étendue que n'eft
l'expreffion , c'en eft au contraire un des
plus grands défauts d'être vuide de fens ,
& de renfermer peu de penfées , ce qui
eft prefque inévitable dans les Syllogifmes
philofophiques , où la même penfée eft
pefamment renfermée dans trois proposi-
tions. C'eft ce qui rend ces fortes d'argu-
meus Si rares dans le commerce des hom-
mes \ parce que , fans même y faire ré-
flexion , on s'éloigne de ce qui ennuie ,
& l'on fe réduit à ce qui eft précifément
néceffaire pour Se faire entendre.
II arrive aufli quelquefois que l'on ren-
ferme les deux proportions de ï enthymeme
dans une feule proposition , qu'Ariftote
appelle pour ce Sujet fentence enthyméma-
EN T
tique. Tel cft ce vers qu'il cite lui-même
d'Euripide , fi je ne me trompe :
Mortel , ne garde pas une haine immortelle.
Tel eft encore ce vers de Racine :
Mortelle ,fubijftl le fort d'une mortelle.
Voyei Logique, Syllogisme. Article de
M. FORMEY.
* ENTICHITES , f. m. pi. {WJl. eccl.)
eft le nom .qu'on a donné à certains lèc-
tateurs de Simon le Magicien , dans le
premier fiecle. Ils célébroient des facrifi-
ces abominables, dont la pudeur défend
de rapporter la matière 8c les circonftances.
(G)
ENTIENGIE , f. f. {Hijl. nat. Ornitho-
logie.) oifeau d'Afrique qui fe trouve dans
le royaume de Congo , 8c dont la peau
eft de différentes couleurs 8c mouchetée.
On raconte , entr'autres merveilles de cet
oifeau , que lorfqu'il pofe le pié a terre
il meurt auffi-tôt : ce qui fait qu'il vole
d'arbre en arbre , ou fe foutient dans l'air.
Il eft environné de petits animaux noirs ,
que les habitans du pays nomment embis^
ou embas , qui l'accompagnent comme des
fatellites quand il vole : on prétend qu'il
y en a dix qui le précèdent , 8c autant
qui le fùivent. Sa peau eft regardée comme
une chofè fi précieufe , qu'il n'eft permis
d'en porter qu'au roi , 8c aux princes à
qui il accorde cette prérogative. Les au-
tres rois du pays , tels que ceux de Loango ,
Cacongo 8c Goy , envoient des ambaiTades
folemnelles à celui de Congo , pour en ob-
tenir des peaux de cet oifeau. Hubner , Dicl.
.^univ.
ENTIER, adj. {Géométrie.) Nombre en-
tier. V. Nombre.
- Entier , adj. {Manège.) Un cheval eft
dit entier , lorfque , parfaitement réfolu &
déterminé en avant 8c par le droit , il
pèche par le défaut d'une franchife abso-
lue , en refufànt de tourner à l'une ou à
l'autre main, ou à toutes les deux enfemble.
Quelques auteurs ont cherché dans le
plus ou- le moins d'obftination de l'animal ,
les raifons d'une diftin£r.ion qu'ils ont faite ,
mais qui n'a pas été généralement adoptée :
ENT 54p
ils fondent en effet la différence qu'ils nous
propofent , fur la rélîftance que le cheval
oppofe au cavalier qui le follicite à l'action
dont il s'agit. Si l'animal obéit enfin , 8c
cède à la force , ils le nomment entier ;
mais s'il ne peut être vaincu , s'il perfifte
dans fa défobéiffance , s'il fe précipite en
avant , ou du côté oppofé à celui fur lequel
on veut le mouvoir , ils le déclarent rétif fur
les voltes.
Je ne prévois point les avantages que
nous pourrions tirer de la confidération
de ces dénominations diverfes \ 8c il fèroit
aifez fùperflu d'élever ici une difpute de
mots. Que l'opiniâtreté du cheval foit plus
ou moins invincible , le vice étant toujours
le même , il nous fera fans doute plus utile
d'en rechercher les caufês , 8c d'examiner
quels peuvent être les moyens de l'en cor-
riger.
En général , tous les chevaux fê por-
tent plus naturellement 8c plus volontiers
à la main gauche qu'à la main droite.
Les uns ont attribué cette inclination 8c
cette facilité , à la fituatiou du poulain
dans le ventre de la mère \ ils ont pré-
tendu qu'il y eft entièrement plié du côté
gauche : les autres ont foutenu que le
cheval , fe couchant le plus fouvent fur
le côté droit , contracte l'habitude de plier
le cou 8c la tête à la main oppofée. Il me
paroît plus fimple de rapporter la plus
grande liberté dont il eft queftion , à
l'habitude dans laquelle font les palefre-
niers d'aborder 8c d'approcher l'animal du
côté gauche dans toutes les cccafions ,
foit qu'il s'agiftè de l'attacher , de le bri-
der , de le feller , ou de lui diftribuer le
fourrage : ainfî toutes ces raifons font fuf-
fifantes pour nous autorifer à penfer que ,
s'il lui eft plus libre de tourner à cette
main , il ne doit la franchife qu'il témoi-
gne à cet égard , qu'aux foins que nous
avons de la favorifer nous-mêmes. Une
des plus fortes preuves qu'on en puifîe don-
ner encore , eft la rareté des chevaux qui
ont plus de pente à fè porter fur la main
droite : il en eft néanmoins , & l'expérience
nous a appris que ceux-ci font d'une nature
plus rebelle \ il faut beaucoup de temps 8c
de patience pour les réduire 8c pour les
fbumettre.
S^o E N T
Lorfque la réfiftance du cheval entier
provient d'une douleur où d'une foiblelfe
occafionée par quelques maux qui affec-
tent quelques parties , les reflources de
l'art font impuilfantes , à moins qu'on ne
puiiîè rendre à ces mêmes parties leur in-
tégrité & leur force : àinn dans un cas
où un accident à un pié , à une épaule ,
à une jambe , l'obligera à refufer de fe
prêter fur le côté fenfible , & où un effort
de reins , une courbe , des éparvins , &c.
l'empêchant de s'appuyer fans crainte fur
les jarrets , le porteront à redouter l'action
de tourner dans le fens où il ne pourroit
que foufTrir , il cft aifé de concevoir que
la première tentative à laquelle on doit fe
livrer , eft celle qui tendra à la cure &: à
la guérifbn des unes ou des autres de ces
maladies^ J'avoue qu'il eft cependant des
moyens de foulager les parties fouffrantes ,
& de diminuer le poids dont elles doivent
être chargées dans les mouvemens divers
qu'on imprime à l'animal \ mais tout che-
val , dans lequel de pareils défauts fubfif-
tent ', ne peut jamais jouir de cette facilité,
d'où dépendent & fou exacte obéifîance ,
& la grâce & la jufteffe de fon exécu-
tion.
Quoiqu'il foit certain que tous les che-
vaux ne naiffent pas avec une même dif-
pofition dans les membres , une même
ibupleftè, une même aptitude &une même
inclination , il en eft très-peu qui foient
naturellement entiers. Ils n'acquièrent ce
vice que conféquemment à de mauvaifes
leçons j & il fuffiroit d'envifager les actions
de la plupart de ceux qui les exercent ,
pour en dévoiler les caufes les plus ordi-
naires , & de pratiquer le contraire de
ces mêmes actions , pour en diftraire
l'animal.
Notre première attention , quand il s'agit
de commencer à gagner le confèutement
des poulains , ainfi que des chevaux faits ,
doit être de les déterminer en avant , in-
fenliblement & avec douceur : lorfqu'ils
feront habitués à fuivre les lignes droites ,
iùr lefquelles nous les faifons cheminer ,
&: qu'ils feront accoutumés aux objets
qu'ils peuvent rencontrer fur ces mêmes
lignes , nous pourrons les en détourner
E N T
légèrement ; c'eft-ù-dire , non en les por*
tant tout-à-coup far une autre ligne droite,
mais en attirant peu -à -peu leurs épau-
les , ou en dedans , ou en dehors , fi
rien ne nous gêne , de (.elles qu'ils décri-
voieut } de manière qu'ils en tracent une
diagonale , fur laquelle nous les maintien-
drons quelque temps , pour leur en faire
reprendre toujours de nouvelles. On doit
remarquer qu'en en ufant ainfi , nous leur
fuggérerons , fans les révolter par des mou-
vemens forcés , & fans qu'ils s'en apper-
çoivent , une action directement oppofée
à celle des chevaux entiers , qui ne fe
défendent & ne fe fouftraient aux effets
de notre main , qu'en refufant de s'élar-
gir du derrière , &: qu'en roidiflant &
en préfentant la croupe dans le fens où
nous voudrions mouvoir leur avant-main.
De cette leçon fur les diagonales , on
revient à celles par lefquelles nous avons
débuté : à celles-ci ou fubftitue d'autres
lignes droites , fur lefquelles on entre en
tournant à moitié l'animal : enfin , on le
j travaille fur les cercles larges , que l'on
refferre toujours par gradation , félon fon
plus ou moins de foupleffe & de volonté ,
& l'on parvient , par ce moyen , à le
rendre également libre & obéilFant à tou-
tes mains. Mais fi , d'une part , cette
diftributien variée du terrain dégage le
cheval de toute contrainte , & accroît
fans ceffe en lui la facilité d'exécuter , il
faut néceffairement que , de l'autre , le
cavalier , par la précipitation & la finefTe
avec laquelle il agira , obvie à la trop
grande fujétion & à la furprife , qui ne
naiffent que trop fouvent des aides fortes
& précipitées \ car l'action violente de la
main &: des jambes eft une des princi-
pales fburces de l'obftination de l'animal:
une impreffion fubite fur les barres l'étonné
& le blelfe } la tenfion forcée & conti-
nuée de la rêne , jufqu'au moment où il
devroit fè rendre , l'engage plutôt à fe
roidir contre la main , qu'à en reconnoî-
tre le pouvoir. Il eft donc de la dernière
importance que le cavalier, tenant les rê-
nes fëparées dans l'une & l'autre de fes
mains , attire la tête fur le côté où il fe
propofe de le tourner , non dans un fèul
&, même temps , 6c par un feul & même
E N T
mouvement, mais en l'y incitant imper-
ceptiblement & à diverfes reprifes \ c'eft-
à - dire , e;i diminuant ]e premier effort
fuivi & augmenté de la main , &. en re-
venant fucceffivemeiit à ce même point
d'effort , qui ne doit nullement être con-
tredit par aucun effet de la rêne oppofée ,
puifque cet effet ne tendroit qu'à dé-
truire celui de la rêne qui eft chargée
d'opérer.
Les actions des jambes ne contribuent
pas moins à lùfciter la révolte du cheval
& à le confirmer , quand elles font faites
mal-à-propos , fans befoin , ou avec trop
de dureté & de rigueur. i°. Bien - loin
d'aider l'animal , elles hâteront fes dé/or-
dres , & les lui fuggéreront , lorfqu'elles
s'effectueront fur l'arriere-main , de ma-
nière à le déterminer dans le fens où le
cavalier veut mouvoir l'épaule : ce qui
arriveroit , par exemple , fi la jambe gau-
che étoit approchée du corps , lorfque la
rêne droite eft tirée & éloignée du corps
du cheval , dans l'intention de le tourner
de ce même côté , &c. car , en ce cas , le
port de la croupe à droite feroit le réfultat
de l'appui de cette jambe \ & il eft incon-
teftable que l'animal ne peut obéir à la
main qui le tourne , que fon extrémité
poftérieure ne fbit follicitée du côté con-
traire. Si ,' en fécond lieu, quoique nous
trouvions dans la foumiiîion de l'animal
des raifons de ne point recourir à d'autre
puiffance que celle de notre main , nous
nous fervons indifféremment de la jambe :,
car , que ne peuvent pas la routine &
l'habitude ? ou fi l'aide qui en partira
eft violente & peu modérée , il n'eft pas
douteux que ces mouvemens inutiles &
iadiferets feront naître dans le cheval une
crainte capable de lui infpirer à la fin la
haine & l'averfion de la volte ; ainfi , en
réfumant en peu de mots tous les détails
dans lefquels je vieus d'entrer , pour in-
diquer les voies de réfoudre l'animal aux
deux mains , on verra que l'oii ne doit ,
dans prefque toutes les circonftances , ac-
eufèr de fon irréfolution , i°. que la force
& la dureté de la main du cavalier } z°. la
fauffe application ou la rigueur des aides
qu'il a employées j 30. le peu d'attention
«ju'ijl a eu de faire pafTer kfèniiblemeiit t
E N T î5i
le cheval d'une aétion aifée à une action
plus difficile , en diverflfîant fes leçons ,
& en lui faifant parcourir différentes li-
gnes } 40. l'ignorance avec laquelle il a
exigé de lui , en le rétrecifîant &. en le
tournant , pour ainfi dire , de côté &
d'autre fur lui - même , des mouvemens
dont il ne peut être vraiment & franche-
ment fufceptible , qu'autant qu'il a été en
quelque façon affoupi , &c.
Les mêmes règles preferites pour pré-
venir le défaut dont il s'agit , doivent
être mifes en ufage pour y remédier ,
eu égard aux chevaux qui l'ont con-
tracté : j'ajouterai néanmoins ici quelques
réflexions.
Il faut , lorfqu'on fe propofe de com-
battre ce vice , tâcher de reconnoître d'où
il procède , & étudier le caractère de l'ani-
mal : les meilleurs moyens de le vaincre ,
font ceux qui font les moins contraires à
fon naturel : on ne rifque rien de le ra-
mener par la douceur , on rifque tout lors-
qu'on tente de le fubjuguer par les châti-
mens : s'il eft mélancolique & flegmatique,
il perd le courage & la vigueur } s'il eft
colère , s'il eft aclif , il fe défefpere. Il
s'agit donc de réformer avec patience la
mauvaife habitude qu'il a prifè , & de fe
perfuader fur-tout que fon obftination aug-
mente toujours par la nôtre. On doit en-
core éviter de lui fuggérer le defir de fe
défendre : travaillons - le d'abord par le
droit , & fur le côté où il eft libre 3 la faci-
lite de cette main pourvoira à celle de
l'autre , & nous l'attirerons , avec le temps ,
fur celle à laquelle il refufe d'obéir : plions-
le dans une feule & même place à cette
même main ; tirons l'encolure de cet état
de roideur dans lequel elle peut être :, pré-
férons les leçons clu pas dans lefquelles il.
nous eft plus aifé de dominer le cheval &
de fortifier fa mémoire j contraignons-le ,
en un mot , de perdre jufqu'au moindre
fbuvenir de fes déréglemens , par la voie
des careffes j & enfin, fi nous, y femmes
forcés , par des moyens rigoureux , dont
l'ufage ne devroit néanmoins appartenir qu'à?
de véritables maîtres, (e)
ENTIERCEMENT , i. m. (Jwifpr.)-
terme de coutume qui fîgnifie enlèvement
d'une chofe mobilière & mife en main tierce-^
55* £ N T
ainfî que le dit Dumoulin -fur l'a/'/. 454 de
la coutume d'Orléans.
Cet ufage eft fort ancien *, car on trouve
dans les loix faliques & ripuaires , Ôc dans
les capitulaires de Charlemagne & de fes
enfans , intertiare & res intertiata , pris
dans le même fèns que l'on entcird ici Yen-
tiercement.
La coutume d'Orléans , art. 454 , dit
que la chofe mobilière étant vue à l'œil ,
c'eft-à-dire , reconnue dans un marché ,
foire ou place publique , peut être cn-
tiercée , fauf le droit d'autrui , c'eft-à-dire ,
que fans qu'il foit bcfoin de permiflion de
juftice , ei'e peut -être enlevée & mile eu
main tierce.
Ce droit de fuite s'exerce ordinaire-
ment par ceux auxquels on a volé ou
détourné quelque meuble , comme un
cheval qu'en auroit détourné d'une mé-
tairie , & que l'on retrouve expofé en vente
dans un marché ou foire publique.
Pour entiercer une chofe dérobée ou per-
due , il faut la faire voir à l'huiflier ou fer-
gent, lequel peut enfuite l'enlever , comme
le dit la coutume.
Lorfque des meubles ont été vendus en
juftice , ou dans une foire ou marché , il
n'y a plus lieu à \ entier cernent.
Celui fur qui la chofe eft entzerce'e , &
ceux qui peuvent y avoir intérêt , ont le
droit de s'oppofer à X entier cernent ; & fur
l'oppofition , c'eft à celui qui entierce, comme
étant demandeur, à prouver que la chofe
Jui appartient.
Lorfqu'un créancier , en faifant faifir &
arrêter les meubles & effets de fon débi-
teur, reconnoît parmi les meubles faifis
quelques effets appartenans à lui faififtant,
alors , fuivant le même article 454 , il
peut à cet égard convertir fa faille en tn-
tiercement , pourvu que la chofe ait été
vue à l'œil par le fèrgent qui a fait la
faifie.
Au furplus, X article 445 défend à tous
fergens & autres perfonnes d'entrer en la
maifon d'autrui pour faire entiercer & en-
lever les biens étant en icelle , fans autorité
de juftice : la préfence du juge eft même
quelquefois néceflàire. Voye-{ la coutume de
Dunois , art. 93 , & le glojf, de Lauriere au
mot EHtiercement, ( A )
ENTOILAGE , Ç m. ( Commerce.) On
donne en général ce nom dans tous les
ajuftemens en linge , en dentelle, &c. à
tout ce qui fert de foutien ou de monture à
quelque autre partie de rajuftemcnt d'un
travail plus fin , plus délicat , & plus pré-
cieux. L'entoilage a lieu dans les tours de
gorge , les garnitures , les manchettes , &c
C'eft ou de la mouflèîine qui foutient de
la dentelle , ou une dentelle moins belle qui
en foutient une plus belle , 6 c.
ENTOILER, v. au. c'eft coller fur
une toile une eftampe , une thefe , un
défini j pour cet effet , on palîè de la colle
faite avec de l'eau & de la farine bouillie
fur une toile tendue fur un châflîs , fur
laquelle on applique l'eftampe ou deflui
qu'on veut y coller , après quoi on met
un papier deffus , fur lequel on frotte
en appuyant , pour que la colle prenne
bien par-tout , & qu'il ne refte point de
vent. ( R )
ENTOIRS , ( Jardinage. ) Voye^ GREF-
FOIRS.
ENTOISER , v. a&. terme de Maçon.'
nerie , c'eft arranger carrément des maté-
riaux , comme moellons & plâtras , pour
enfuite en mefîirer le cube. ( P )
ENTONNER, v. aét. en Mufique, c'eft
former jufte avec la voix les fbns & les
intervalles que l'on s'eft propofés. Les con-
fonnances Amples & les petits intervalles
font faciles à entonner ; mais il y a plus de
difficulté à entonner de grands intervalles ,
fur-tout quand ils font diftonans , parce
qu'alors la glotte fe modifie fclon des rap-
ports plus grands & plus compofés.
Entonner eft encore commencer le chant
d'une hymne , d'un pfeaume , d'une an-
tienne , pour en donner le ton à tout le
chœur. ( S )
ENTONNER , terme d'économie rufti-
que , de marchand de vin & de brajfeur y
c'eft remplir les tonneaux de vin & de
bière.
ENTONNERIE , f. f. terme de Braf-
feur ; c'eft un lieu placé au defîbus des
cuves , où font rangés des tonneaux
qu'on remplit de bière à mefure qu'elle
fe fait.
ENTONNOIR , f. m. ( Anatomie. )
'. cavité ou fouette affez profonde , qu'on
découvre
E N T E N T 553
découvre dans la partie inférieure du troi- que ceux que les diffections démontrent
fieme ventricule du cerveau , & dont l'on
verture évafée , le retrécifîânt infcniible-
ment , aboutit à la glande pituitaire , qui
eft logée dans la cavité de la {elle turci-
que. L'entonnoir a , dit-on , deux ouver-
tures ; l'une , qu'on appelle aujourd'hui
ouverture antérieure commune , parce qu'elle
communique avec les ventricules latéraux ;
& l'autre , qu'on nomme ouverture com-
mune pofle'rieure , parce qu'elle communi-
que au cervelet , fuivant l'hypothelè géné-
ralement reçue.
Mais ces deux ouvertures de Y entonnoir ,
& les communications qu'on lui attribue ,
font-elles bien certaines? Du moins tout
le monde n'en convient pas. M. Lieutaud,
par exemple , croit s'être affuré du con-
traire par les adminiftrations multipliées ;
cet anatomifte , loin d'admettre aucune
cavité dans l' entonnoir , a trouvé que cette
partie du troifieme ventricule du cerveau
( qu'il nomme tige pituitaire , à caufe de
là folidité ) eft une elpece de cylindre de
deux à trois lignes de hnuteur , formé par
la fubftance cendrée , & recouvert de la
pie-mere. Il a encore obfervé que ce cy-
lindre eft nourri dans fon axe par de très-
petits vaiffeaux , lefquels communiquent
avec ceux de la glande pituitaire , qui
reçoit cette colonne ou qui la foutient. ( * )
Je ne prétends point ici que M. Lieu-
taud ait raifon , & que les autres anato-
raiftes foient dans l'erreur ; je ne décide
rien entre les maîtres de l'art , moi qui
ne fuis qu'un écolier. Je dis feulement
que tout ce qui regarde la ftrudure des
diverfes parties du cerveau , eft entière-
ment fujet à un nouvel examen , non
de découvrir quelque chofe de leurs fonc-
tions , puilque la nature a pris à tâche de
nous en voiler le myftere , mais parce
qu'il eft important de. n'établir pour faits
clairement à tout le monde , fans aucune
contradiction. Auflî nous garderons -nous
bien d'expofer dans ce livre des opinions
anatomiques, fans tracer en même temps
l'hiftoire des doutes & des incertitudes.
Article de M. le Chev. DE Ja uco ur t.
ENTONNOIR, inft rumen t de Chirurgie
dont on fe fert pour conduire le cautère
actuel fur l'os unguis dans l'opération de
la fiftule lacrymale , afin d'en détruire la
carie. Cet entonnoir eft d'acier , fon pavil-
lon a fept lignes de diamètre , fon extré-
mité inférieure deux & demie ; cette ex-
trémité eft taillée en talut pour s'accom-
moder au plan incliné de l'os. La. Ion-,
gueur de ï'inftrument eft d'environ un
pouce & demi ; on le tient avec un man-
che plat de la même matière , foudé fur
le côté du p'avillon. On ne fe fert plus
du cautère actuel , ni par conféquent de
Yentonnoir dans cette maladie , à caufe
de l'inflammation & d'autres accidens
fâcheux qui en réfultent. Voye\ FISTULE
LACRYMALE. ( Y)
ENTONNOIR, ( Pharmacie^ Chymie.)
Outre l'ufage ordinaire de Yentonnoir qui
eft connu de tout le monde , il y en a
encore plufieurs autres , foit en pharmacie ,
foit en chymie ; on s'en fert très-commo-
dément pour filtrer , ou , pour mieux dire,
pourfoutenir les filtres ( voye^FlLTRE , )
& pour féparer les huiles eiîentielles de
l'eau qui les a accompagnées dans la diftila-
tion , &c. Voye\ HUILE ESSENTIELLE.
Les entonnoirs dont on fe fert plus com-
munément dans les laboratoires , font de
verre, & ce font en- effet les meilleurs
pour la filtration des fels , des fucs de
parce qu'il faut efpérer , en s'y dévouant , plantes , de fruits , du petit lait , &c. Ceux
qui font faits d'étain ou de fer-blanc peu-
vent fervir en bien des cas , mais il taut
avoir foin de n'y point fihrer des liqueurs
qui pourroient les attaquer. Ceux de fer-
(*) C'eft Ridley, qui a découver: que Yentonnoir eft fol:de:la chofe eft allez difficile à mettre au
net. Nous nous ibmmes fervis du gel , & il nous a paru qu'il n'y a en efier aucune ca-vicé dans ce
prétendu entonnoir. L'anatomie nous fournit dans les poiilons de quoi appuyer une conjecture : ces
animaux ont une g'.an-.e pituitaire placée comme dans l'homme ; il en fort comme un filet nerveux
qui s'unit au nerf olfactif. Dans l'homme , la glande pituitaire a dans le pofîéneur cie fes lobes de la
fubftance coïticale , & dans l'antérieur , de la moelle ; cela promet bien la production d'un filée
nerveux. L'entonnoir ne feroic-il pas ce filet même recouvet de la pie-mere ,. que les deux fubitances
de la glande ont produit, & qui va s'unir au cerveau. La pie-mere qui accompagne le prétendit
entonnoir, s'épanouit, & recouvre la glande pituitaire. {H,D. Ç.J
Tome XII. Aaaa
554 ENT
blanc font les plus mauvais , ils font trop
fujets à la rouille , aufîi s'en fert-on fort
peu. On doit toujours leur préférer les
entonnoirs de verre : ces derniers , à la vé-
rité, font fortfyj^fs à fe cafler; & fouvent
même , fans qu'on les touche , ils fe fendent
d'eux-mêmes d'un bout à l'autre, quel-
quefois en ligne droite , quelquefois en fpi-
rale : ils ne Ibnt pas pour cela hors d'état de
fervir, on rapproche exactement leurs par-
ties , & avec du blanc d'œuf & de la
chaux éteinte à l'air , on fait une pâte li-
quide , qui , étendue fur du linge y & ap-
pliquée de diftance en diflance fur les fê-
lures , les contient , & met Yentonnoir
en- état de fervir comme auparavant. Voye\
.Vaisseaux chymiques.
\J entonnoir effaullî mis en ufage pour
porter la fumée de certains remèdes fur
les dents , dans l'anus & 'dans le vagin.
Voye\ SUFFUMIGATION. {b)
Entonnoir , ( An mil. ) dans l'artil-
lerie , efl Pincavation ou l'efpece de trou
que les mines font en fautant ou en jouant. On
l'appelle ainfi , à caufe de fa reffemblance
à un entonnoir renverfé. V. MlNE. (Q)
ENTONNOIR, en terme de Blanchijferie,
eff un pot de cuivre évafé , ayant un bec
& un manche : il n'eff guère d'ufage dans
les blanchiilerics.
ENTONNOIR , infiniment de Tonnelier,
c'cfl un vaiffeau fait ordinairement de
fer-blanc , en forme de cône , à la pointe
duquel efl un cou plus ou moins long ,
fuivant l'ufage auquel on le deftine : on
-s'en fert pour entonner du vin dans des
futailles.
Il y a deux fortes d'entonrïoirs : de pe-
tits , pour tirer le vin en bouteilles ; &
de grands , pour remplir les tonneaux de
vin fans le troubler. Ceux-ci ont un long
cou bouché par l'extrémité , mais garni
de petits trous dans fa longueur.
ENTORSE , f. f. terme de Chirargit ,
mouvement dans lequel une articulation
cil forcée , fans que les os fouffrent de
déplacement fenfible. Les mouvemens des
articulations ne peuvent être portes au
delà des bornes naturelles , fans que les
• ligamens , deftinés à borner ces mouve-
mens , ne foient forcément alongés^ ou
rompus. Ces extenfions violentes > & les
ENT
ruptures plus ou moins confidérables des
tendons & même des muicles , occafio-
nent plus ou moins d'accidens , parmi les-
quels la douleur & le gonflement fe ma-
nifestent d'abord. Les entorfes du pic font
les plus communes ; elles lbnt la fuite des
faux pas. Les douleurs font très-vives , &
l'inflammation proportionnée à la iènfïbi-
lité des parties affeclées & à l'effort qu'elles
ont fouffert. La rupture des ligamens &
des capfules articulaires occafione , afïez
fouvent , l'épanchement de la fynovie , dont
l'altération peut ulcérer les parties , carier
les os , & produire des maladies très-lon-
gues , fouvent incurables & même mortelles.
Pour prévenir ces fâcheux accidens , il
faut , s'il eil poflible , dans l'inflant que
Yentorfe efl arrivée , plonger la partie dans
un leau d'eau très - froide. Ce répercuilif
empêche l'épanchement de la fynovie ,
prévient l'inflammation , & appaife la dou-
leur.
Si l'on n'a pas employé ce moyen fur
le champ , il faut faigner copieufement ,
preferire une diète févere , tenir le ventre
libre , & appliquer fur la partie des linges
trempés dans des liqueurs fpiritueufes ,
coupées avec des décodions réfolutives.
On met enluite des cataplafmes fortihans
de mie de pain & de vin. Quand les ac-
cidens ibnt parlés , on met la partie , fi
c'efl la main ou le pié , dans le ventre
ou dans la gorge d'un boeuf ou autre
animal nouvellement tué. On fait des dou-
ches de différentes efpeces ; & s'il cil bc-
foin , on a recours aux eaux minérales de
Bourbon , Bourbonne , Barege , Aix-la-
Chapelle ^ Ù. Voye\ les Maladies des os
de M. Petit. ( Y)
ENTORSE , ( Manège > Maréchal/.)
maladie commune à l'homme & au che-
val, & qui quelquefois efl fi rebelle dans
l'un & dans l'autre , qu'elle efl en quelque
façon l'opprobre dç ceux à qui le traite-
ment efl confié.
On entend par le terme tfentorfe tout
mouvement dans lequei l'articulation efl
forcée , fans cependant que les os fouffrent
de déplacement fenfible.
Quoiqu'elle (bit infiniment moins dan-
gereufe que la luxation , elle peut être
accompagnée d'accidens très-graves. Le*
ENT
plus fâcheufes font celles des parties qui
ont un grand nombre de ligamens capa-
bles de s'oppofer au déplacement , d'au-
tant plus que ces ligamens doivent avoir
beaucoup (ourTert > & qu'il a fallu un grand
effort pour vaincre leur réfillance. Ajou-
tons que non-feulement elles font d'autant
plus funeftes , que les articles font munis
de ligamens plus multipliés ; mais que les
fuites en font terribles , fi ces articulations
font encore recouvertes de plufieurs ten-
dons > qui , de même que leur gaine , ne
peuvent être violemment diftendus qu'il
ne lurvienne de vives douleurs , & une
inflammation proportionnée à la fenfibi-
lité des parties affe&ées. La fynovie , cette
humeur dont l'ufage cft de lubréfier &
de faciliter le mouvement , s'amafïànt en-
fuite dans ces gaines , augmente beaucoup
les douleurs , tant par la diffenfion & l'é-
cartement de ces mêmes gaines , que par la
compreflion des tendons.
Les fymptomes de ïentorfe font la clau-
dication y l'action de traîner la partie fouf-
frante , la chaleur , la dureté & le gon-
flement caufés par l'inflammation de tou-
tes les parties diftendues , & fur -tout
conféquemmenr. à l'amas de la fynovie
qui , rompant auffi quelquefois les gaines ,
s'épanche dans tout le voifinage de l'ar-
ticle , & forme même des tumeurs dans
lefquelles on trouve une fluctuation fen-
fible.
Ses caufes font conftamment externes ,
& font renfermées dans le nom que nous
lui donnons relativement aux chevaux ,
c'efl-à-dire , dans celui de mémarchure ,
terme qui nous en offre fur le champ
une idée. En effet , un cheval fait un faux
pas , il pofe le pie à faux dans un lieu
raboteux , il le trouve pris dans une or-
nière , & l'arrache fur le champ avec
force , il fe le détourne entre des pavés ;
ce qui arrive fréquemment par la faute
des palefreniers , qui tournent l'animal
trop court ; & l'on conçoit que dès-lors
il pewt en réfulter une entorfe plus ou
moins formidable , félon le plus ou le
moins d'extenfion des tendons & des li-
gamens dans l'articulation du boulet ,
ou dans celle du paturon, ou dans celle
de la couronne. Je dois encore obferver
ENT 555
que celles dont font atteintes les unes &
les autres de ces parties dépendantes des
extrémités poflérieures , font toujours plus
à craindre que celks qui arrivent à ces
articles des colonnes qui foutiennent Pa-
vant-main , parce que les premières étant
extrêmement travaillées dans toutes les
différentes actions de l'animal , les hu-
meurs y affluent avec plus d'abondance ,
& en rendent toujours les maladies plus
compliquées & plus difficiles à vaincre.
En général , la marche du maréchal
dans le traitement de celle - ci doit être
différente félon le temps & fes degrés.
Les remèdes répercufîifs , reflrinctifs , con-
viennent dans ces commencemens , parce
qu'ils préviennent l'épanchement qui pour-
roit fe faire , & rendent aux parties leur
ton naturel ; ainfi on peut mener le che-
val à l'eau , appliquer , fur le lieu affecté ,
des linges trempés dans de l'eau & du ri-
naigre , &c.
Dans le cas où il y a des inflammation ,
douleur , épanchement , il faut nécefTàire-
ment faigner à la jugulaire , appliquer en
forme de cataplafmes des réfolutifs doux
& qui ne crifpent pas , tels que celui des
rofes de provins bouillies avec du gros
fon dans du gros vin , &c. & les réité-
rer foir & matin : j'ai été quelquefois
obligé de mêler , avec ces mêmes rôles ,
des plantes émollientes , & je ne fuis par-
venu fouvent à la guérilbn de ces maux,
fréquemment opiniâtres , que par les ap-
plications répétées de ces derniers médica-
mens employés lans mélange.
J'ai de plus eu à combattre des dépôts
enlùire de l'acrimonie 6k de la perverlion
des humeurs : j'ai été forcé d'en hâter la
fuppuration par les mêmes émolliens ,
ou par l'onguent fuppuratif y & de leur
frayer enfuite une iffue , en pratiquant
une ouverture avec le fer plutôt qu'avec
le feu , par la. raifon que la plaie en étoit
plus aifement guérie.
Enfin , les humeurs ayant acquis dans
d'autres cireonftances , & après des fautes
encore commifes par des maréchaux , un
caractère d'induration , j'ai eu recours
aux emplâtres tondans , tels que le dir—
chylon , celui de mercure , de mucilage ,
dont j'ai fait ufàge féparement , ou en les
Aaaai
556 E N T
mêlant les uns & les autres avec beau-
coup de iuccès.
., Dans tout le traitement de cette ma-
ladie , l'animal doit .jouir du repos ; cepen-
dant , dans ce dernier cas d'endurciffe-
ment , quelques mouvemens modérés fa-
voriferont l'atténuation & la réfolution de
l'humeur. ( e )
* ENTORTILLER , v. act. couvrir
en tout ou en partie une choie avec une
autre qui fait plufieurs tours fur celle-ci.
On prend ce mot au phyjique & au moral.
On dit un difcours entortillé ; le lierre
s'entortille fur toutes Les plantes qui lui
font poi/mes.
ENTOURER , v. aét en terme de Met-
teur en œuvre ; c'eft l'action d'environner
une pierre de plufieurs autres qui font
plus petites qu'elle. On dit entouré double ,
lorfque ce rang de petites pierres efl dou-
blé, jy entourer , on a fait le fubflantif
entourage.
ENTOURNURE , f. m. ( Couturière.)
Vove% Remonture.
§ ENTR' ACTE, f. m. (Belles-Lettres.)
On appelle ainft l'intervalle qui , dans la
repréiéntation d'une pièce de théâtre , en
fépare les actes , & donne du relâche à l'at-
tention des fpeclateurs-
Chez les Grecs , le théâtre n'étoit prefque
jamais vuide : l'intervalle d'un acte à l'autre
ctoit occupé par les chœurs.
Un des plus précieux avantages du théâtre
moderne , c'eft le repos abfolu de Yentr'acle.
De toutes les licences qu'on eft convenu
d'accorder aux arts,, pour leur faciliter les
moyens de plaire , c'eft peut-être la plus
heureufe , & celle dont on eft le mieux
dédommagé.
Obfervons d'abord que Yentr'acle n'eft
un repos que pour les fpectateurs , & n'en
efl pas un pour l'action. Les perfonnages font
cenfés agir dans l'intervalle d'un acte à
Pautrë ; & tandis qu'en effet l'acteur va
refpirer dans la couliilè , il faut qu'on le
croie occupe. Ainfi le poëte , dans le plan
de fa pièce , en divifant fon action , doit
la diflribuer de façon qu'elle continue d'un
acte à l'autre , &: que l'on fâche, ou que
l'on fùppofe ce qui fe pafîê dans l'inter-
valle ; à-peu-près comme un architecte
&lpoic. dans ion plaa les vuides & les |
E N T
pleins y ou plutôt comme un peintre ha-
bile deffme tout le corps qui doit être à
demi voilé.
Rien de plus fimple que cette règle ; &
on la néglige fouvent.
Il eft ailé de fentir à préfent quelle efl
la facilité que Yentr'aBe donne à l'action ,
foit du côté de la vraifemblance , foit du
côté de l'intérêt.
Il y a dans la nature une infinité de chofes
dont l'exécution eft impofïïble fur la feene ,
& dont l'imitation manquée détruiroit toute
illufion. C'eft dans Yentr'acîe qu'elles fè
paffent : le poëte le fuppofe , le Ipectateur
le croit.
L'action théâtrale a fouvent des longueurs
inévitables , des détails froids & languifîans ,
dont on ne peut la dégager ; & le fpecta-
teur qui veut être continuellement ému ou
agréablement occupé , ne redoute rien tant
que ces. feenes ftériles. Il veut pourtant que
tout arrive comme dans la nature , & que
la vraiiemblance amené l'intérêt ; or , le
poëte les concilie en n'expoiant aux yeux:
que les icenes intérefîantes , & en déro-
bant dans Yentr'acie toutes celles qui lan-
guiroient.
Enfin , par la même raifon que l'on doit
préfenter aux yeux tout ce qui peut con-
tribuer à l'effet que l'on veut produire,
lequel, foit dans le pathétique , foit dans
le ridicule , efl toujours le plaifir d'être
ému ou d'être amufé , on doit dérober à
la vue tout ce qui nous déplaît , ou ce qui
nous répugne ; car l'impreflion du tableau
étant beaucoup plus forte que celle du
récit, nous rend plus cher ce qui nous
flatte , mais auffi plus odieux ce qui nous
bleffe. Or , le poëte qui doit prévoir &
l'un & l'autre effets , jettera dans ï 'entr 'ac7è
ce qui a befoin d'être affoibli ou voilé par
l'expreffion , &t préfentera fur la feene ce
qui doit frapper vivement.
Un avantage encore attaché à Yentr'acïe ,
c'eft de donner aux événemens qui fe paffent
hors du théâtre un temps idéal , un peu
plus long que le temps réel du fpectacle.
Comme le mouvement mefure la durée ,.
celle d'une action préfente aux yeux ne peut
nous échapper 'y au lieu que d'une action
abfente , & dont nous ne fommes plus oc-
cupés , nous, ne comptons point les momeas»
E N T
Voilà pourquoi nous pouvons accorder à ce
qui fe pafTe hors de la icene un temps moral
beaucoup plus long que l'intervalle d'un
acte à l'autre. Mais cette licence fuppofe
ce que nous avons dit ailleurs , que l'on
regardera Yentr'acîe comme une abfence
totale de l'action , &: même, du lieu de
l'action.
La première convention faite en faveur
de l'art dramatique a été , que le fpectateur
feroit cenfé abfènt ; car imaginer que le
public eft aflemblé dans une place , & qu'il
voit de là ce qui fe pafle dans le cabinet
d'Augufte ou dans le ferrail du fultan , c'eft
une abfurdité puérile : il faut pour cela
fuppofer un des quatre murs abattus ; &
alors même , le moyen de concevoir que
1 acteur étant vu , ne verrait pas de même ,
& agiroit comme s'il étoit fèul ?
Le fpectateur n'en1 donc préfent à l'ac-
tion que par la penfée , & le {pectacle n'en1
fuppofé fe pafler que dans fon efprit. Cette
hypothefe étoit (ans doute une chofè hardie
à propofer , fi on l'eût propofée. Mais comme
elle éroit indifpenfable , on en efl convenu
fnême fans le lavoir.
Ce n'eft donc rien propofer de nouveau ,
que de vouloir qu'à la fin de chaque acte
l'idée du lieu difparoirTè , & que notre
illufion détruite nous rende à nous-mêmes
en un lieu totalement diftinct de celui de
l'action ; en forte , par exemple , qu'au
fpe&acle de Cinna , quand les acteurs font
fur la feene , nous foyons en efprit à Rome ,
& que l'acte fini , l'illufion cefTant , nous
nous retrouvions ^ Paris. Ces mouvemens
de la penfée font aufll ailes que rapides ; &
l'inftant de lever & de baifîer la toile les
produit naturellement.
Cela pofé , la conféquence immédiate &
néceifaire qu'on en doit tirer , c'eft que la
toile , qui détruit l'enchantement du (pec-
tacle , devrait tomber toutes les fois
que le charme efl interrompu. Ne fût-
•ce même que pour pacher le befoin qu'on
a quelquefois de baîfTer la toile , il feroit à
fouhaiter qu'on la baifiat toujours , dès
qu'un acte feroit fini : l'iîlufion y gagne-
-roit , les moyens de la produire* feroient
plus fimples & en plus grand nombre; on
ne verrait plus ce jeu des machines qui-
n'eft plus étonnant, & qui devient rifible
E N'T 557
quand le .mouvement eft manqué ; on ne
verrait plus des valets de théâtre venir
ranger ou déranger les lièges du lenat
Romain ; l'œil & l'oreille ne feroient pas
en contradiction , comme lorfqu'on entend
des violons jouer un menuet près des tentes
d'Agamemnon , ou à la porte du capitolc ;
& le coup-dlceil d'un changement fubit de
décoration feroit réfervé pour le fpectacle
du merveilleux. Voye\ ACTE , UNITÉS ,
POEME DRAMATIQUE , ( M. MAR-
MONTEL. )
§ENTR'ACTE, ( Mufiq.) Ventr'actt
eft manifestement deftiné non-feulement
au repos des acteurs , mais encore à celui
des fpectateurs & à fournir au poëte un
temps pendant lequel il puifîe fuppofer
qu'il s'ell paifé quelque chofè , qui n'auroit
pu , fans inconvénient , fe palier fur la feene ,
ou qui aurait alongé inutilement le fpectacle.
C'en1 ainii que dans ¥ Alexandre de Racine ,
Porus eft battu dans l'intervalle du qua-
trième acte au cinquième. Si le principe
qu'on vient d'avancer eft jufte , il eft clair
que le théâtre doit refter abfolument vuide
pendant Ventr'acle ; car il eft fait pour r«-
pofèr , non -pour diftraire l'attention du
fpectateur , que rien ne doit détourner de
la fituation où l'a laifté la fin de l'acte pré-
cédent. ( f. p. c.y
Mais quoique le théâtre refte vuide dans
Yentr'acle , ce n'eft pas à dire que la mufî-
que doive être interrompue ; car à l'opéra
où elle fait une partie de l'exiftence des
chofès , le (ens de l'ouie doit avoir une
telle liaifon avec celui de la vue , que tant
qu'on voit le lieu de la lcene , on entende
l'harmonie qui en eft fuppofée inféparable ,
afin que fon* concours ne paroifîè enfuite
étranger ni nouveau fous le chant des
acteurs.
La difficulté qui fe préfente à ce fujet
eft de favoir ce que le muficien doit dicter
à i'orcheftre quand il ne fe paffe plus rien
fur la feene ; car fi la fymphonie , ainfi
que toute la mufique dramatique , n'eft
qu'une imitation continuelle , que doit-elle
dire quand perfonne ne parle ? Que doit-
elle faire quand il n'y a plus d'action ï
Je répons à cela, que, quoique le théâtre
{oit vuide , le eccur des fpectateurs ne l'eft
pas ; il a dû leur reiier une forte impreiiiua
5 5 S ENT
de ce qu'ils viennent de voir 6c d'en-
tendre. C'eit à l'orcheftre à nourrir & «à
foufenir cette impreflion durant Yentr'acîe ,
afin que le fpectateur ne fe trouve pas
au début de l'acte fuivant , aufll froid
qu'il l'étoit au commencement de la pièce ,
6 que l'intérêt l'oit, pour ainli dire, lié
dans fon ame comme les événemens le
font dans l'action repréfentée. Voilà com-
ment le muficien ne ceffe jamais d'avoir
un objet d'imitation , ou dans la fituation
des perfonnages , ou dans celle des fpec-
tateurs. Ceux-ci n'entendant jamais fbrtir
de l'orcheftre que l'exprefTion desfentimens
qu'ils éprouvent , s'identifient , pour ainfi
dire , avec ce qu'ils entendent , & leur
état eft d'autant plus délicieux , qu'il
règne un accord plus parfait entre ce
qui trappe leurs fens & ce qui touche leur
cœur.
L'habile muficien tire de fon orcheftre
un autre avantage pour donner à la repré-
fentation tout l'effet qu'elle peut avoir , en
amenant par degrés le fpectateur oifif à la
fituation d'ame la plus favorable à l'effet
des feenes qu'il va voir dans l'acte fuivant.
La durée de Yentr'ac7e n'a .pas de mefure
fixe ; mais elle eft fuppofée plus ou moins
grande , à proportion du .temps qu'exige la
partie de l'action qui fe pafîe derrière le
théâtre. Cependant cette durée doit avoir
des bornes de fuppofition , relativement à
la durée hypothétique de l'action totale ,
& des bornes réelles, relatives à la durée
de la repréfentarion.
Ce n'eft pas ici le lieu d'examiner fi la
règle des vingt-quatre heures a un fonde-
ment luffifant, & s'il n'eft jamais permis
de l'enfreindre. Mais fi l'on veut donner
à la durée fuppofée d'un entr'acîe , des
bornes tirées de la nature des choies , je
ne vois point qu'on en puifTe trouver d'au-
tres que celles du temps durant lequel il
ne fè fait aucun changement fenfible &
régulier dans la nature , comme il ne s'en
lait point d'apparent fur la feene durant
Yentiacle. Or , ce temps eft , dans fa plus
grande étendue , à peu près de douze
heures , qui font la durée moyenne d'un
jour ou d'une nuit. Pafîe cet efpace , il
n'y a plus de poffibilité ni d'illufion dans
la durée fuppofée de Ycntr'aâfe.
ENT
Quant à la durée réelle, elle doit être*
comme je l'ai dit, proportionnée, & à la
durée totale de la repréfentation , & à la
durée partielle & relative de ce qui fe pafîe
derrière le théâtre. Mais il y a d'autres
bornes tirées de la fin générale qu'on fe
propofe ; lavoir , la mefure de l'attention :
car on doit bien fe garder de faire durée
Yentiacle jufqu'à laiffer ie fpectateur tom-
ber dans l'engourdiflcment & approcher
de l'ennui. Cette mefure n'a pas, au refte ,
une telle préafion par elle-même , que ie
muficien qui a du feu , du génie & de
I'ame , ne puiile , à l'aide de Ion orcheftre ,
l'étendre beaucoup plus qu'un autre.
Je ne doute pas même qu'il n'y ait des
moyens d'abufer le fpectateur fur la durée
effective de Yentr'acle , en la lui faifant
eftimer plus ou moins grande par la ma-
nière d'entrelacer les caractères de la fim-
phonie : mais, il eft temps de finir cet
article qui n'eft déjà- que trop long. (S)
ENTRAGE , f. m. ( JuriJ "prudence. )
lignifie quelquefois entrée ou commence-
ment de pojjejjion & jouijjance ; plus fou-
vent il fignifie un droit en argent que le
nouveau pofTeiïeur eft obligé de payer au
ieigneur ; il en eft parlé dans la coutume
de Nivernois, titre xxij y art. 8 ; Bour-
bonnois, art. 2.7/}, & 44'Z. Voye\ ISSUE.
(*)
ENTR AIGUËS, {Géographie mod.)
ville du comté du Rouergue en France ;
elle eft fituée à l'endroit où la Truyere fe
jette dans le Lot.
ENTRAILLES, f. f. plur. (Anatom.)
intefiins , boyaux. Avoir les entrailles
échauffées y rafraîchir les entrailles. Il fè
prend quelquefois dans un lèns plus gé-
néral , pour tous les vilceres , toutes les
parties renfermées dans le corps des nom-»
mes & des animaux. L' infpection des en-
trailles des victimes a aidé à connoître la
jtruclure du corps fain.
L'obligation des victimes étoit une cérjé-
monie religieufe de nos premiers parens ,
comme on le voit par l'hiftoire d'Abel
dans la Genefe , & par les plus anciennes
fables de l'âge d'or. On auroit cru dé»-
plaire à la divinité , & ne pouvoir appaifer
fa colère , fi la victime eût été fouillée de
la moindre maladie ; c'eft pourquoi nous
E N T
lifons dans le Lévitique , qu'on n^immoloit
que les animaux les plus fains & les plus
purs , & c'eft ainli que les prêtres com-
mencèrent à s'appliquer à connoître les
marques diftinctives de la fànté & de
la maladie. Voye\ ANATOMIE. Charn-
iers. (L)
* Entrailles , ( Myth&l. ) c'étoient
les parties des animaux que les arufpïces
coniùltoient particulièrement. Il faut voir
avec quelle impiété Cicéron parle de cette
pratique de fa religion. Il fuit de fon dis-
cours que l'infpedion ejes entrailles efï la
dernière des extravagances ; & que ceux
qui en font chargés , font aûez commu-
nément des impofteurs. C'eft à cette oc-
•cafion qu'il rapporte un mot de Caton ,
■qui auroit pu avoir lieu dans une infinité
•d'autres cas , fi la prévention n'eût point
fafeiné les yeux & les efprits. Caton difoit
" qu'il étoit toujours étonné qu'un arufpice
ti qui en. rencontroit un autre , ne fe mît
w pas à rire.
ENTRAIT, f.m. (Charpenterie.) efï
une poutre fur laquelle portent les folives
des galetas , & les arbaleflriers.
Entrait ( double) , il fe dit de ceux
qui font dans les enrayures.
§ ENTRAVAILLÉ, ée , (terme Je
Blafon. ) fe dit du dauphin , de la bille ,
de l'aigle , du îion & des autres animaux
qui fe trouvent entrelacés dans des cotices ,
:bureles & autres pièces de longueur.
De Quenazret , en Bretagne ; burelé
d'argent & de gueules à deux biffes d'azur
affrontées, entrav aillée s dans les bure les ,
de manière que la deuxième & la quatrième
du fécond émail brochent fur les bijfes. ( G.
D. L. T.)
ENTRAVER un Cheval , (Manège,
Maréch. ) lui mettre des entraves ; expref-
fions également ufitées dans un feul &
même fens. Voye\ ENTRAVES.
• ENTRAVER, v. neut. (Faucon.) c'eft
raccommoder les jets de l'oifeau, de forte
qu'il ne peut fe déchapero mer.
ENTRAVES , f. f. ( Manège , Miréch. )
efpece de liens par le fecours defquels
nous pouvons nous aflurer & nous rendre
maîtres des chevaux , foit qu'il s'agiiïe
de les retenir dans les pâturages, ou de
,ieur ycer la liberté , dans l'écurie ,
E N T 5^9
d'élever leurs pies de devant fur l'auge
ou contre les râteliers ; foit que nous
foyons dans l'obligation de les afTujettir
ou de les abattre pour leur faire quelque
opération.
Les entraves dont nous faifons ufage
dans le premier cas , font compofées de
deux entravons qui font unis par des an-
neaux ou par une chaîne de frr , ou quel-
quefois par une lanière non moins forte
que celles qui forment les entravons. Voy.
ÊNTRAVON. On doit avoir la précaution
d'en délivrer l'animal , pour lui lailfer plus
de liberté lorfqu'il veut fe coucher. Il efi
bon aufli de faire attention que les jam-
bes du cheval entravé très-long-temps ,
peuvent infenfiblement s'arquer , & que
fouvent par cette même raifon l'animai
devient panard.
Dans le fécond cas , nous n'employons
que des entravons non unis , mais fépa-
rés ; nous les fixons , ainfi que les premiè-
res entraves , dans le pli des paturons des
quatre jambes enfemble , ou d'une ou de
deux feulement , félon le befoin , en ob-
fervant de les boucler de façon que les
boucles foient en dehors. Lorlque notre
intention eft d'empêcher uniquement le
cheval de ru^r , nous ne mettons nos en-
travons qu'aux extrémités poflérieures ,
& nous pafTons une corde de chaque coté ,
dans l'anneau dont doit être pourvu cha-
cun d'eux. Nous croifons enfuite chacune
de ces cordes ou de ces longes fous le
ventre de l'animal , & nous les arrêtons
fermement par une feule boucle coulante,
qu'il nous eft facile de défaire prompte-
ment , aux deux côtés de l'encolure , &
à des anneaux de fer dont eft garni un.
collier de cuir que nous avons paffé
fur la tèît & fur l'encolure du che-
val. Ell-il queftion de l'abattre & de le
renverfer , les quatre paturons feront faifis-
àes entravons; nous attacherons une longe
à l'anneau de l'un de ceux de devant ,
nous en ferons paffer l'autre extrémité dans
celui de l'autre entravon de ce même de-
vant , & eniuîte dans les deux anneaux
de ceux de derrière : nous repaierons une
féconde fois dans le premier anneau au-
quel la longe eft attachée ; après quoi
plulieurs hommes réunifiant leurs forces ,
5<To Ê N T
tireront cette longe , & rapprocheront
ainfi. les pies de l'animal , qui ne pourra
s'oppofer à fa chute. C'eft ainfi que nous
devons nous précautionner contre les efforts
qu'il feroit pour nous réfifter , & nous
mettre en garde contre les coups dont il
pourroit nous atteindre.
L'animal étant renverfé, nous le pla-
çons dans la iituation la plus convenable
à l'opération que nous avons deffein de
pratiquer. Au furplus , en indiquant les
moyens de le foumettre en conléquence
des liens dont il s'agit, je n'ai pas décrit
ce que font la plupart des maréchaux
dans ces fortes de cas : j'en ai dit affez
pour inffruire fur ce qu'ils devroient
faire. ( e )
ENTRAVESTISSEMENT DE
SANG , ( Jurif prudence. ) ou RAVES -
TISSEMENT DE SANG, dans
les coutumes de Cambrai , Bethune , Arras
& Bapaume , eff la fuccefiîon qui a lieu au
profit du furvivant des conjoints.
Entraveflifjement par lettres , eff la fuc-
ceffion qui a lieu en vertu d'une fentence
du juge. Il en eff fait mention dans la
coutume particulière de Collœue , fous
Artois. (A)
ENTRAvON, f. m. (Manège, Ma-
réchall. ) n'eff autre chofe que la partie de
l'entrave qui entoure précifément le patu-
ron du cheval. Voye\ ENTRAVER. Il eft
fait d'un cuir fort & épais , d'une lar-
geur proportionnée à fon ufage , & muni
d'une, boucle fervant à l'attacher & à le
fixer , ainfi que d'un anneau de fer , lorf-
qu'il n'eff point dcltiné à compléter des
entraves. On a de plus l'attention de le
rembourrer dans fa furface intérieure ,
afin qu'il ne puiffe caufèr aucune exco-
riation, (e)
ENTREBAS ou DEMI -CLAIRES
VOIES , ( Manufacture en Drap. ) défaut
du drap , qui vient de ce que la chaîne
n'eff pas au fli ferrée dans un endroit qu'elle
le doit être , foit parce qu'elle a été mal
diffribuée , ou qu'il y manque un fil , ou
que le fil eff trop foible.
ENTREBATTES, f. f. (Manufacture
en Drap. ) c'eft dans les étoffes de fayette-
rie , qui fè fabriquent à. Beauvais , une
des marques du maître, fans laquelle il
E N T
eft défendu de vendre l'étoffé. Ce terme
fè dit auffi de deux barres ou bandés
qu'on fait à chaque bout de la pièce , avec
une trame de couleur différente de celle
de l'étoffé.
ENTRECHAT , f. m. ( Danfe. ) c'eft
un faut léger & brillant , pendant lequel
les deux pies du danfeur fe croifent rapi-
dement , pour retomber à la troifieme pofi-
tion. Voyei POSITION.
JJ entrechat fe prend en marchant , ou
avec un coupé. Le corps s'élance en l'air ,
& les jambes paflent également à la troi-
fieme pofition.
Il n'eff jamais entrechat qu'il ne foit
formé à quatre ; on le paffe à lix , à huit ,
à dix , & on a vu des danfeurs allez vigou-
reux pour le palier à douze.
Ce dernier n'eff point & ne fauroit
jamais être théâtral ; on n'ufe pas même
au théâtre de celui à dix. Quelque vi-
gueur qu'on puiffe fùppofer au danfeur ,
les pafïages alors font trop rapides pour,
qu'ils puilént être apperçus par les fpe&a-
teurs.
Les excellens danfeurs fe bornent pour
l'ordinaire à fix , & le pafTent rarement
à huit. Dupré fe bornoit à fix.
\J entrechat emploie deux mefures ; la
première fert au coupé ; la féconde à
l'élancement du corps, au battement &
au tomber.
Il fe fait de face , en tournant , & de
côté ; & on lui donne alors ces noms
differens.
Deruel , danfeur de l'opéra du dernier
fiecle , faifoit la cabriole en montant , &
V entrechat en tombant.
Peu de danfeurs , même fameux alors ,
faifoient V entrechat , pas même celui à
quatre , qu'on appelle improprement demi-
entrechat.
J'ai vu naître les entrechats des danfeu-
fes ; mademoifelle Salley ne l'a jamais fait*
fur le théâtre ; mademoifelle Camargo le
faifoit d'une manière fort brillante à qua-
tre ; mademoifelle Lany eff la première
danfeufe en France qui l'ait pafïé au théâtre^
a fix.
J'ai entendu dans les commencemens de
grands murmures fur l'agilité de la danfè
moderne: Ce ne fi pas ainfi , difoit-on,
que
ENT
que tes femmes derroiem clanfcr. Que de-
vient la décence ? O temps ! à mœurs ! Ah,
la Prévôt ! la Prévôt . . . ! Elle avoit les
pies en dedans & âes jupes longues,
que nous trouverions encore aujourd'hui
trop courtes. (B)
* ENTRE-COLONNE, (Architec-
ture. ) On appelle entre-colonne la diilance
d'une colonne à l'autre dans les colonnades
ou périftiles. Cette diilance n'cft point
arbitraire ; mais les artiftes ne font pas
d'accord fur la quantité qu'elle doit avoir.
Vitruve diiïingue cinq efpeces Centre-
colonnes , qu'il nomme pycnoftile , fyflile ,
eujlile , diafhle & arœoftile , le pycnoftile
eft le plus petit des entre-colonnes ; Vitruve
ne lui donne que trois modules. Comme
lesentre-cclonnes des ordres légers doivent
être moins grands que ceux des ordres
maflirs, celui-ci convient aux ordres co-
rinthien & compofite ; c'eft fur cette pro-
portion qu'eft fait le périilile de l'églife
de (aint Pierre à Rome , & on l'a remar-
quée dans les ruines de quelques édifices
de Palmyre. Le fyflile a quatre modules ,
fuivant Vitruve , ou feulement trois mo-
dules & demi , fuivant d'autres qui lui
ont donné cette proportion pour l'accom-
moder à l'ordre corinthien. L'euihle a
quatre modules & -demi. Vitruve regarde
cette proportion , qui tient le milieu entre
le pycnoftile & l'arasoftile , comme la plus
convenab'e à la folidité & à la beauté de
l'architecture. Le même auteur donne fix
modules au diafhle , & huit modules à
I'araeoftile: quelques-uns môme ont donné
jufqu'à dix modules à ce dernier ; dis-
tance excefllve qui ne convient à aucune
efpece d'ordre , quelque maffif qu'il puiflé
être.
Vignole & Scamozzy , s' éloignant des
proportions données par Vitruve , ont
établi d'autres règles qu'ils ont cru plus
propres aux difFérens ordres. Voici le fyf-
tême de Vignole.
Il veut que dans l'ordre tofcan il y ait
quatre modules deux tiers d'intervalle entre
le fût d'une colonne & celui de l'autre ,
cinq modules & demi dans l'ordre dorique
quatre modules & demi dans l'ionique ;
& quatre modules deux tiers dans le corin-
thien & le compofite, comme dans le
Tome XIL
ENT 56c
tofcan. On voit que cet architecte n'a au-
cun égard au plus ou moins de légèreté de
l'ordre , puiiqu'il donne des intervalles
égaux aux ordres les plus éloignés les
uns des autres , tels que le corinthien ôc
le tofcan.
Scamozzy donne fix modules aux entre-
colonnes de r 'ordre tofcan: c'eft le diafhle
de Vitruve ; cinq modules & demi pour
les entre-colonnes doriques; cinq pour les
ioniques ; quatre Se demi pour les com-
pofites : proportion de l'euftiledeVitruve ;
& quatre modules aux corinthiens , ce
qui eft encore le lyftiîe des anciens. Ces
proportions font préférables à celles dp
Vignole ; elles conviennent mieux à la na-
ture des ordres. Scamozzy établit une autre
règle particulière qui regarde les façades:
il veut que Y entre-colonne du milieu d'une
façade loit plus grand que ceux qui font à
droite & à gauche ; par exemple , dans
l'ordre dorique , Ventre-colonne du milieu
doit avoir , félon lui , un frigliphe & un
métope de plus que lés autres , & un
mutule dans les ordres ionique , compofite
& corinthien.
Quelle que foit la proportion que l'ar-
chitecte adopte pour les entre-colonnes ,
il doit avoir égard à l'entablement des
ordres qui preferit certaines lujétions dont
il n'eft pas permis de s'écarter en aucune
circonftance. L'ordre tofcan efl le feul qui
s'exécute (ans difficulté , parce qu'on n'y
efl gêné par aucun ornement : il furEt que
l'entablement foit folidement établi , c'eft-
à-dire , qu'il n'ait pas trop de portée. Dans
les ordres ionique , compofite & corin-
thien, on doit, en réglant les entre-colonnes,
faire une jufte diftribution des modillons
& des denticules ; mais principalement
des modillons , obfervant comme une
règle indifpenfable qu'il y en ait un qui
réponde à plomb au milieu de chaque
colonne. Comme du relie l' architecte efl
maître de placer tant les modillons que les
denticules à la diftance qu'il veut les uns âes
autres , c'eft à fon goût à proportionner
fi-bien la grandeur , la faillie & l'elpace de
ces ornemens , qu'ils cadrent avec les entre-
colonnes , & avec le tout enfemble de
l'ordre , fans qu'il y ait rien de con-
traint.
Bbbfe
56i E N T
Toute la difficulté femble donc réfervée
pour l'ordre dorique : d'abord les entre-
colonnes ne doivent avoir ni moins d'un
-triglyphe, ni plus de cinq , en ne comp-
tant que ceux qui font fur le vuide , &
non ceux qui portent à plomb fur les
colonnes ; enfuite cet ordre demande que
les métopes foient carrés. Tout artifle
qui s'écartera de ces deux règles , fera
juflement blâmé. Il feroit bien plus blâma-
ble encore de fupprimer ces ornemens qui
caraclerifent l'ordre dorique.
Outre les entre-colonnes dont on vient
de parler , les modernes en ont inventé un
fixieme qu'on nomme colonnes couplées ,
parce qu'elles font deux à deux fort près
l'une de l'autre ; mais on obferve les
règles précédentes entre chaque couple.
Telle efl la belle colonnade du Louvre.
Les colonnes ainfi couplées n'ont qu'un
piédeftal commun , parce que ces deux
colonnes devant être aufli près l'une de
l'autre qu'il fe peut , les bafes & les cor-
niches de leurs piédeflaux , fi elles en
avoient chacune un , le confondaient en-
semble ; ce qui leroit choquant à la vue.
Quelquefois encore toutes les colonnes d'un
périfHie , foit couplées ou non couplées ,
ont un piédeftal commun qui règne fur
toute la longueur du périflile, & qui n'eit
ordinairement qu'à hauteur d'appui : alors
on a coutume de remplir l'intervalle d'une
colonne à l'autre , par urebaluftrade qui lie
en femble toutes les parties qui fervent de
fbubafTement.
Enfin , il y a une autre maniéré de cou-
pler les colonnes qui donne beaucoup de
légèreté à l'ordonnance ; c'efl de ne les
l éloigner l'une de l'autre qu'autant qu'il
efl néceffaire pour leur donner à chacune
un piédeftal particulier dont les bafes &
les corniches s'approchent (ans (e confon-
dre. Cette manière efl même preferite pour
deux colonnes élevées fur deux autres , car
autrement chaque colonne fupérieure ne
feroit plus à plomb fur chaque coionne
inférieure, fi les plus élevéesétoient couplées
comme les plus baflès.
• ENTRE-COUPE, f. f. {Coupe clés
pierres.) intervalle vuide entre deux voûtes
qui font Tune fur l'autre , en forte que la
douille de la fupérieure enveloppe l'extrados.
E N T
de l'inférieure , laquelle efl quelquefois
ouverte , comme au dôme des Invalides à
Paris.
On fait fouvent des entre-coupes pour
fuppléer à la charpente d'un dôme , en
élevant une voûte pour la décoration exté-
rieure au defïùs de la première , qui pa-
roîtroit trop écrafée au dehors , comme
à S. Pierre de Rome & en plulieurs autres
églifes d'Italie. (D)
ENTRE-COUPER (S'),SE COUPER,
S'ENTRE-TAILLER , v. pail". Manège,
Maréchall. exprefïions qui ne fignilient
qu'une feule & même chofe , & par le
moyen defquelles nous defignons Paétiorï
du cheval qui en cheminant s'atteint à la
partie latérale interne du boulet , & quel-
quefois à fa portion poftérieure.
Les caufes de ce vice font , i°. la foi-
blefle naturelle: l'animal dont les reins
feront foibles & les membres peu propor-
tionnés , s' entre-coupe ra infailliblement.
2.0. Un vice de formation : tout cheval mal
planté & défe&ueufement fitué fur les
jambes , foit qu'il fbit ferré , foit qu'il foie,
cagneux ou panard [voye\ JAMBES) , ioic
enfin qu'il foit crochu en dedans ou en,
dehors {voye\ Jarrets) , ne pourra que
fe couper. 30. La laflitude: aufli voyons-
nous que nombre de chevaux s'entre-tail-
lent à la fuite d'un long voyage. 40. La.
parefïè : ainfi les barbes , dont l'allure efl
communément froide, sy entre - coupent
quand on les mené en main. 50. Le dé-
faut d'habitude de cheminer : car des pou-
lains qui n'ont pas été exercés , fe coupent
& même s'attrapent dans les commence-
mens qu'on les travaille. 6°. Enfin , une
vieille , une mauvaife ferrure , ou des
rivets qui débordent , puilqu'il efl incon-
teftable que la fource la -plus ordinaire de
Yeiuie-taillure , efl dans l'impéritie ou dans .
la négligence du maréchal.
Il faut au iurplus confidérer qu'il y. a
une très-grande différence entre un cheval
qui s* entre-taille, & un cheval qui s'attrape: .
celui qui s'entre-taille y fe rrappe toujours
au même lieu ; il y a communément eiv-
tamure ou plaie , & le poil s'y montre
toujours hériité : celui qui s'attrape .s'at-
teint au contraire & fe heurte en différens
endroits ;& comme la partie contufe n' efl
E N T
pas toujours la même , le heurt n'y fait pas
■■d'impreflion vifible & apparente. Selon le
plus ouïe moins de fenfibilité dans la partie
fur laquelle a porté le coup , l'animal boite
le pas qui fuit, & ne boite plus après en
avoir cheminé quelques autres. Quand il
eft las , il bronche en s'attrapant ; il tombe
même , fi fon allure eft preffée , ou s'il
galope. Ce défaut doit faire rejeter un
cheval ; il eft d'autant plus efîèntiel , qu'il
eft comme impoffible d'y remédier. Il pro-
vient de l'action des jambes qui fe croifènt
fans cefîe ; & il eft certain que fi la bonne
école n'a pu rien opérer ; il n'eft produit
que par une grande foiblefle, contre laquelle
tous les fecours de l'art feront toujours
impuiffans.
Il n'en eft pas ainfi de V entre-taillure ;
on peut y obvier par la voie de la fer-
rure , foit que l'animal s'entre-taille d'un
pié , de deux , ou de tous les quatre en-
semble. Voye\ Ferrure, (e)
f ENTRE-COURS, f. m. (Jurifprud.)
étoit anciennement une fociété contrac-
tée entre g deux feigneurs, au moyen de
laquelle les fujets d'un feigneur , qui al-
loient demeurer ou fè marier dans la terre
d'un autre feigneur , devenoient , eux &
leurs enfans , fujets de ce dernier feigneur.
C'eft ainfi que le terme $ entre-cours eft
entendu dans quelques anciennes charrres,
<lont le glojfaire de Ducange fait mention
au mot inter-curfus : à quoi fe rapporte
encore le chap. 45 des coutumes de
Beauvoifis , par Beaumanoir.
Il arrivoit fouvent par-là qu'un rotu-
rier qui étoit franc dans un lieu , deve-
noit ferf dans un autre , parce qu'en tranf-
férant fon domicile dans un lieu où les
fujets du feigneur étoient ferfs , & y de-
meurant par an & jour , le feigneur du
lieu en acqueroit la laifine , & l'homme
franc devenoit de même condition que
les autres fujets ferfs. Pour parer à cet
inconvénient , quelques feigneurs faifoient
entr'eux des fociétés par rapport à leurs
fujets , fuivant lefquelles les fujets de l'un
pouvoient librement , & fans danger de
perdre leur franchise , aller demeurer dans
la feigneude de l'autre feigneur , & même
s'y marier avec une perfonne ferve ou
iùjette de ce feigneur. Ces fociétés furent
E N T 563
aufîz nommées entre-cours , & le droit qui
en réfultoit en faveur des fujets , fut
appelle droit d'entre-cours.
Au moyen de cet entre-cours y l'homme
franc ou bourgeois qui pafToit d'une fei-
gneurie dans une autre , devenoit bien
l'homme ou fujet du dernier feigneur ;
mais il confervoit fa franchife.
II y avoit pareil entre-cours entre les
comtes de Champagne & les comtes de
Bar , comme il fe voit dans les articles j8
6" 7,9 de la coutume de Vitry.
Le premier de ces articles porte que
par Y entre-cours gardé & obfervé entre
les pays de Champagne & Barrois, quand
aucun homme ou femme , né du Bar-
rois, vient demeurer au bailliage de Vi-
try , il eft acquis de ce même fait au roi ,
& lui doit fa jurée , comme les autres
hommes & femmes de jurée demeurant
audit bailliage; que le roi eft en pofTef-
fion & faifine de la lever ainfi fur eux ;
& que quand tels hommes ou femmes
nés en Barrois , & demeurant au bailliage
de Vitry , vont de vie à trépas fans héri-
tier légitime demeurant avec eux audit
pays , & qui foit régnicole à l'heure de
leur trépas , le roi repréfente l'héritier
abfent , leur fuccede , & prend leurs
biens au moyen dudit entre-cours.
U article fuivant porte que pareillement
fi quelqu'un du comté de Champagne
va demeurer au duché de Bar , il eft ac-
quis au feigneur duc , au moyen dudit
entre-cours ; que s'il y décède , Ces enfans
nés avec lui audit pays & duché au jour
de fon trépas, ne fuccedent en fes biens
afiis & fkués audit bailliage , mais qu'ils
appartiennent au roi par droit d'attrayere ,
qui repréfente lefdits enfans abfens; mais
s'il y avoit des héritiers prochains , de- •
meurant au bailliage de Vermandois , tels
héritiers lui fùccéderoient.
Les feigneurs dérogeoient aufiî au droit
de main-morte > par rapport au mariage
de leurs ferfs ; & par ics traités d'entre-
cours qu'ils faifoient entr'eux à ce fujet ,
le fèrf de l'un pouvoit librement , & fans
peine de for-mariage , fe marier avec
une perfonne ferve d'un autre feigneur.
Voye\ le glojfaire de Lauriere , au mot
entre-cours,
Bbbb 1
564 ENT
On trouve des exemples de ces entre-
cours } tant par rapport au domicile que
pour les mariages , dans l'hiftoire de
Verdun , aux preuves } pag. i 5 & 1$.
Le droit d'entre-cours eft quelquefois
appelle parcours y quoique ce dernier terme
s'applique plus ordinairement aux conven-
tfons qui ont trait à la réciprocité du pâ-
turage entre deux feigneuries. Voye\ PAR-
COURS. (A)
ENTRE-DUERO-E-MINHO, (Ge'og.
mod.) c'eft une des provinces du Portu-
gal ; elle a environ dix-huit lieues de lon-
gueur fur autant de largeur. Brague en
tft la capitale.
ENTRE-DEUX , f. m. (Drap.) il fe '
dit de quelques endroits d'une étoffe ,
où elle n'a pas été tondue aflez ras. On
ne répare ce défaut qu'en y repartant la
force.
ENTRÉE , f. f. (Grammaire.) fe dit
généralement au fimple, de toute ouver-
ture qui conduit du dehors d'un lieu au
dedans de ce lieu. Ce mot fe prend au
figuré , pour le commencement , le début.
EtrÉE , fedit, en Aftronomie , du
moment auquel le foleil ou la lune com-
mence à parcourir un des fignes du zodia-
que. Ainû on dit Ventrée du Soleil ou de
la Lune dans le Bélier, dans le Taureau,
&c. Voye\ Signe , Soleil , &c.
On fe fert auilî du mot entrée dans ces
phrafes : Ventrée de la Lune dans V ombre ,
dans la pénombre , &c. Voye\ ECLIPSE.
ENTRÉES , f. f. pi. (ffifi. anc.) privilège
accordé à des particuliers d'être admis
auprès des rois & des princes , dans certains
temps & à certaines heures.
La coutume des rois , des princes , &
des grands feigneurs , de distinguer leurs
courtifans & les perfonnes qui leur font atta-
chées par les différentes entrées qu'ils feur
donnent chez eux , eft une coutume fort
ancienne. Séneque , dans fon livre IV, des
bienfaits, chap. xxiv. nous inllruit que
C. Gracchus & Livius Drufus } tribuns du
peuple , en furent les auteurs à Rome.
« Parmi nous , dit-il , Gracchus & après
» lui Livius Drufus , ont commencé à fé-
w parer la foule de leurs amis & de leurs
» courtifans , en recevant les uns en parti-
ENT
» culier , les autres avec plusieurs , & les
» autres avec tout le monde. »
Les premiers étoient appelles propiores y
ou primi amici , ou primai admijjionis ; les
amis de la première entrée : les féconds ,
fecundi amici , ou fecundee admijjionis , les
amis de la féconde ; & les derniers , infe-
riores amici 3 ou ultimœ admijjionis ; les
amis qui n'avoient que les dernières en-
trées.
Cet ufage qui avoit été long-temps in-
terrompu , & qui ne fubfiftoit point à la
cour d'Augufte , fut rétabli par Tibère ,
qui, comme Suétone nous l'apprend, par-
tagea fa cour en ces trois claiTes , & appella
la dernière la clajje des Grecs ,* parce que
les Grecs étoient des gens dont on faiibic
alors peu de cas , & qui n'entroient que
les derniers chez cet empereur.
La coutume dont je parle fe perdit
encore après Tibère ; elle fut renou-
vellée par d'autres empereurs , & elle prit
enfin de fi fortes racines fous Conftantin ,
qu'elle s' eft toujours conlervée depuis , &
qu'il n'y a pas d'apparence qu'on la laide
tomber : au fond , il eft bien jufte que
les princes aient la même prérogative &
la même liberté que fe donnent les parti-
culiers , de recevoir différentes perfonnes
chez eux à différentes heures , les unes
plutôt , les autres plus tard , félon qu'elles
leur font ou agréables , ou néceffaires. Ce-
pendant aujourd'hui ce qu'on appelle en-
trées dans les cours de l'Europe , eft u»
privilège Spécialement attaché à certains
emplois & à certaines charges , d'entrer à
certaines heures dans la chambre des rois ,
quand les autres n'y entrent pas. C'eft
donc un droit que donne la charge , &
non la perlonne ; c'eft une pure étiquette
qui ne prouve point de confiance particu-
lière du prince dans ceux: qui jouiffenf,
de ce droit. Voye\ V article ÉTIQUETTE.
(de Jaucovrt)
ENTRÉE, (Hifl. mod.) réception folem-
neîîe qu'on fait aux rois & aux reines
lorfqu'iis entrent la première fois dans les
villes , ou qu'ils viennent triomphans de
quelque grande expédition.
Ces fortes de cérémonies varient fui van t
le temps , les lieux , les nations ; mais
elles font toujours un monument des ufages
E N T
des difïerens peuples, & de la diverfité
de ces ulages dans une même nation ,
lefquels font communément un excellent
tableau de caractère : c'étoit , par exem-
ple , un ipeclacle fîngulier que l'appareil
de décorations profanes & de mafearades
de dévotion qui le voyoit en France aux
entrées des rois & des reines , dans le xv
fiecle. L'auteur des effai s fur Paris, qui
parurent dans l'année (1754, in-iz.)
en donne une efquiffe tirée d'après l'hii-
toire , qu'il fuffira de rapporter pour
exemple : il feroit trop long de tranlcrire
ici , même par extrait , ce que j'ai
recueilli fur cette matière avant & depuis
Charles VIL
Comme les rois & les reines ( dit l'au-
teur dont je viens de parler ) failoient leurs
entrées par la porte Saint-Denis , on
tapifleit toutes les rues fur leur palTage , &
on les couvroit en haut avec des étoffes de
/oie & des dr?ps camelotés ; des jets d'eaux
cle lenteurs parfumoient l'air , le lait & le
vin coûtaient de piuiieurs fontaines. Les
députés des fix corps de marchands por-
toient le dais. Les corps de métiers (ùivoient
à cheval, repréfentant en habits de caradere
les fept péchés mortels; lesfept vertus , foi ,
■cfpérance , charité , juitice , prudence ,
force , & tempérance ; la mort , le purga-
toire , Tenter & le paradis.
Il y avoir de diftance en dillance des
théâtres où des acteurs pantomimes , mêlés
avec des chœurs de mufique , repréien-
foient des hiftoires de l'ancien & du nou-
veau teftament, le facrifice d'Abraham ,
le combat de David contre Goliath , l'â-
neffe de Balaam prenant la parole pour la
porter à ce prophète , des bergers avec
leurs troupeaux dans un bocage , à qui
l'ange annonçoit la naifïance de Notre-
Seigncur , & qui chantoient le Gloria in
exceljis Deo } &c. & pour lors le cri de
joie étoit Noël y Noël. Voye\ Comédie
SAINTE.
A Y entrée de Louis XI, en 146 1 , on
imagina un nouveau fpectacle : Devant la
fontaine du Ponceau, dit Malingre, p. 2.08
de/es antiquités & annales de Paris (ou-
vrage plus pafTable que ceux qu'il a publiés
depuis) étoient plujieurs belles filles en
fy renés toutes nuesjlefquclles en f ai/ara voir
E N T 565
leur beaufein , chantoient de petits motets
de bergerettes > fort doux & charmans.
Il paroît qu'à Ventrée de la reine Anne
de Bretagne , on poufla l'attention jufqu'à
placer de dillance en diibnce , de petites
troupes de dix ou douze perfonnes, avec
des pots-de-chambre pour les dames &
demoiiéiies du cortège qui en auroient
befoin.
Ajoutez fur-tout à ces détails , la des-
cription curieufe que le P. Daniel a donnée
dans Ion hiiloire de France , de Ventrée de
Charles Vil, & vous conviendrez en raf-
lemblant tous les faits , que quoique ces
fortes de réjouifiànces ne ibient plus du
goût , de la politefîe , & des mœurs de
notre fiecle , cependant elles nous prouvent
en général deux chofes qui fubiiiîent tou-
jours les mêmes; je veux dire i°. la paf-
fion du peuple François pour les fpedacles
quels qu'ils foient , 1°. Ton amour & fbn
attachement inviolable pour nos rois & pour
nos reines.
Je ne parle pas ici des cérémonies d'entrées
de princes étrangers , légats , ambafTadeurs,
miniitres , Ùc. ce n'eil qu'une vaine éti-
quette de cérémonial dont toutes les cours
paroifîènt laffes , & qui finira quand la
principale de l'Europe jugera de fon in-
térêt de montrer l'exemple, {de Jau-
COURT.)
ENTRÉE , (Jurifp.) lignifie , dans cette
matière , acquijition , prife depojpj/ion. On
appelle deniers d'entrée ', ceux qui (ont payés
par le nouveau propriétaire au précédent ,
pour entrer en jouiiiance. V. DENIERS.
Entrage cil ce qui fe paie au feigneur pour
le droit d'entrée , c'ell-à-dire , pour la mu-
tation. (A)
Entrée, (Comm.)dro\t ou impôt qu'on
levé au nom du fouverain fur les marchan-
difes qui entrent dans un état, loit par terre>
foit par mer , fuivant le tarif qui en ell
drefle , & qui doit être affiché en lieu
apparent dans les bureaux où l'on exige ces
droits.
Les droits d'entrée le paient auili enFrance
fur les marchandifes qui entrent dans les
provinces qui font réputées étrangères , &
il y en a d'autres encore qui fe lèvent à
l'entrée de quelques villes.
Lorfque le droit d'entrée de quelque mar-
1&6 E 'N T
chandife n'eft pas réglé par le tarif , on le
rpaie par efhmation , c'efl-à-dire , à propor-
tion de ce qu'une autre marchandife , a
peu près de même qualité , a coutume de
payer.
Les droits d'entrée fe paient, y compris les
caifïès , tonneaux , ferpilieres , cartons ,
pailles , toiles & autres emballages , à la
réferve des drogueries & épiceries , fur
ielquelles les emballages font déduits.
Tous fortes de marchandiies ne peu-
vent entrer en France par toutes fortes de
villes & de ports , même en payant les
droits , mais lèulement pour certaines mar-
chandiies par les lieux qui leur (ont mar-
qués, ou par les ordonnances , ou par les
arrêts du confeil , comme les drogueries &
-épiceries par la Rochelle , Rouen & Calais ,
Bordeaux , Lyon & Marfeilïe; les chevaux,
par Dourlens , Peronne , Amiens , &c. les
manufactures étrangères, par Saint-Valéry,
Calais , Ùc. & ainfi de quelques autres.
Les peines contre ceux qui veulent faire
entrer des marchandifes en fraude , font la
confifeation de ces marchandiies , & des
équipages & harnois, & une amende flatuée
par les arrêts & ordonnances. Voye\ Con-
TREBANDE, DROIT & TARIF. Dicl. de
Corn m. de Trév. & Chamb. (G)
ENTRÉE , {Comm.) terme de teneur de
livres en parties doubles. L' 'entrée du grand
livre, c'en1 l'état des débiteurs & créditeurs
portés par la balance ou le bilan du livre
précédent. Voye\ LIVRES. (G)
ENTRÉE , (Danfe.) air de violon fur
lequel -les divertifîêmens d'un aé'te d'opéra
entrent fur le théâtre. On donne aufli ce
nom à la danfe même qu'on exécute. Ce
font ordinairement les chœurs de danfe qui
paroiflènt fur cet air ; c'eft pour cette raifon
.-qu'on les nomme corps d'entrée. Ils en
danfent un commencement ; un danfeur
eu une danfeufè danfe un commencement
& une fin , & les chœurs reprennent la
dernière fin. Chaque danfe qu'un danfeur
•ou une danfèufe exécute , s'appelle auffi
entrée. On lui donne encore le nom de pas.
Voye\ Pas. Un maître fort fupérieur, avec
qui j'ai conféré fouvent fur cette matière,
rn'a confié un réfultat de fes obfer-yations,
^qui peut être fort utile à l'art. Le voici.
vDgnsxoiue entrée -de danfe ,, le danfeur ,
E N T
a qui on fuppofe de la vigueur & de l'ha-
bileté , a trois objets principaux & indif-
penfables à remplir. Le premier , les con-
traries perpétuels de la force & de la grâce,
en oblervant que la grâce fuive toujours
les coups de vigueur. Le lecond , l'efprit de
l'air que les pas doivent rendre ; car il n'efl
point d'air de danlè, quelque plat que le
mufîcien puiffe le faire , qui ne préfente
une forte d'cfprit particulier au danfeur
qui a de l'oreille & du goût. Le froifieme ,
de former toujours fa danfe dé pas , & de
ne les facrifier jamais aux fàuts : ceux-ci
font plus ailes à faire que les autres. Le
mélange fage de tous les deux forme la
danfe agréable & brillante.
Chaque partie féparée des ballets an-
ciens étoit nommée entrée. Dans les mo-
dernes , on a conlèrvé ce nom à chacune
des actions féparées de ces poèmes. Ainfî
on dit : l'entrée de Tibulle dans les fêtes
Greques & Romaines eff. fort ingénieu-
fe , c'eff. une des meilleures entrées de
ballet que nous ayions à l'opéra. Vroye\
Ballet.
Ce nom qu'on donne encore aux di-
verfes parties de ces fortes d'ouvrages ,
doit faire connoître aux commençans , &
quelle eft l'origine de ce genre difficile,
tk quelle doit être leur coupe pour qu'ils
foient agréables au public; c'eft lur-tout
cette méchantque très-peu connue qui
paroît fort aifee , & qui fourmille de
difficultés qu'il faut qu'ils étudient Voyei^
Coupe.
Il feroit ridicule que l'on y fît com-
mencer l'action dans un lieu , & qu'on la
dénouât dans un autre. Le temps d'une
entrée de ballet doit être celui de l'action
même. On ne fuppofe point des inter-
valles ; il faut que l'action qu'on veut '
repréfenter fe patte aux yeux du fpecla-
teur, comme fi elle étoit véritable. Quant à
fa durée , on juge bien que puilque le ballet
exige ces deux unités , il exige à plus
forte raifon l'unité d'action : c'eff la feule
qu'on regarde comme indifpenfable dans
le grand opéra ; on le diipenie de deux
autres. Uentrée de ballet y au contraire ,
eu aftreinte à toutes les trois. Voye\
Ballet, Opéra, Poème lyri-*
que. (B)
E NT
ENTRÉE , {Serrurerie) c'eft l'ouver-
ture par laquelle la clef entre dans la
ferrure.
ENTRE -FERS ou ENTRE DEUX
.FERS, {Commerce.) il fe dit, dans le poids
des marchandifes , de l'arrêt ou du repos
de la lance ou du fléau"* exactement au
milieu de la chape ; fi la lance ou le fléau
incline un peu de l'un ou de l'autre côté
des deux plats de la balance , on dit aiors ,
que le trait eft forcé. Il faut que le trait
fort ou forcé loir du côté de la mar-
chandife , c'eft-à-dire , que h màrchan-
difei'emporte un peu en pefanteur fur fon
ENTRE-FESSON, voye^ PÉRINÉE.
ENTRE-H1VERNER , {Agriculture.)
c'en1 donner un labour aux champs pen-
dant l'hiver. Comme ce travail eit fait
entre les temps de gelée qui le luccedent
dans cette faifon , le mot entre -hiverner
peut avoir été deftiné à exprimer qu'on
laboure entre les difFérens hivers qui fe
fùivent de la forte. ( Hr )
ENTREJÛU, f. m. ( Jurif prudence.)
terme ulité dans quelques coutumes &
anciens titres , pour exprimer un certain
efpace néceflaire pour donner cours à l'eau.
Suivant la coutume de Berri , tom. xvjy
article z , chacun peut en fon héritage ,
par lequel pafle aucun fleuve ou rivière
non navigable ni publique , faire édifier
moulin, pourvu que le lieu foit difpofë
pour ce faire ; à favoir qu'il y ait faut &
entre j ou , c'eft-à-dire , qu'il y ait de l'es-
pace pour faire une abée ou lanciere par
où l'eau puhTe avoir cours quand le mou-
lin ne va pas. Vqye^ÇujaSyObferpat. 2.4,
chap. xx'w. & le gloJJ'aire <& Lauriere ,
au mot Entre jou. Voyez ju/TTLanciERE.
(A)
ENTRELAS, f. m. en Architecture ,
ornement compote de iifteaux & de fleu-
rons liés & croifés les uns avec les autres,
qui fe taille fur les moulures &. dans les
frifes, (P)
Entrelas d'appui , {Sculpture. )
ornemens à jour , de pierre ou de marbre ,
qui fervent quelquefois au lieu de baluP
.très pour' remplir les appuis évuidés des
tribunes , balcons , & rampes d'efcalier.
&.1
ENT 567
ENTRELACÉ , adj. en terme de Bla-
fon , fe dit de trois croiflans , de trois an-
neaux, & autres chofes femblables , pafïees
les unes dans les autres.
Bourgeois en Bourgogne, d'azur à trois
annelets entrelacés l'un dans l'autre en
triangle d'or.
ENTRE-LIGNE , f. f. ou , comme on
dit ordinairement , INTERLIGNE , c'eft
l'efpace qui eft entre deux lignes d'ecricure.
On ne doit rien ajouter dans les acles
entre-lignes; il eft plus convenable de faire
des renvois & apoftilles en mar^e : en tout
cas, les entre-lignes ou interligne- . .-.e font
valables qu'autant qu'ils font approuvés
parles parties, notaires & témoins. (A)
ENTREMETS, f m.{HiJl. moderne.)
Le mot entremets s'eft dit pendant long-
temps au lieu de celui à' intermède , dans
nos pièces de théâtre ; entremets de la tra-
gédie de Sophonisbe dans les œuvres de
Baïf ; il fignifioit une efpece de fpeclacle
muet , accompagné de machines ; une re-
préfentation comme théâtrale où l'on voyoit
des hommes &" des bêtes exprimer une
action ;. quelquefois des bateleurs & au-
tres gens de cette efpece y faifoient leurs
tours.
Ces ^divertiiffemens avoient été imaginés
pour occuper les convives dans l'intervalle
des fervices d'un grand feftin , dans l'entre-
deux d'un mets ou fervice à un autre mets \ .
d'ouïe vaot entremets a pafle dans nos ta-
bles pour défigner iimplemenr le fervice
particulier qui eft entre le rot & le fruit,,
& les divertifïemens fe font évanouis.
Ces divertifïemens anciens , qui méri-
toient bien mieux le nom d'entremets que
le fervice de nos tables honoré aujourd'hui ■
de cette qualification , éroient des ipeéta-
cles fort finguliers qu'on donnoit du temps
de l'ancienne chevalerie , le jou^d'tin ban-
quet, pour rendre, la fête plus magnifique
&: plus iolemnelle. Il laut lire tout ce qui
concerne ces fêtes dans Yhiftoire de la che-
valerie de M. de Saint-Palaye ; il en parle
avec autant de connoifïànce que s'il eût '
vécu dans ces temps-là , & qu'il eût écrit
fon ouvrage en ailiftant aux banquets des ■
preux chevaliers.
On voyoit paronre dans la falle divérfès -
décorations , des machines ., des figures •
$£8 E N T
d'hommes & cPanimaux extraordinaires ,
des arbres , des montagnes y des rivières ,
une mer , des vaiflêaux ; tous ces objets
entremêlés de perfonnages , d'oifeaux , &
d'autres animaux vivans , ctoient en mou-
vement dans la falle ou fur la table , &
repréfentoient des actions relatives à des
entreprifes de guerre & de chevalerie , fur-
tout à celles des croifades.
Il eft vraifemblable que/ufage des en-
tremets dans les banquets , V étoit introduit
avant le règne de fàint Louis : suffi furent-
ils employés aux noces de fon frère Ro-
bert, à Compiegne , en 12.37. Une chroni-
que manuferite de S. Germain fait une
ample defeription des entremets qui fe vi-
rent au feflin que Charles V donna, en
1378, au roi des Romains, fils de l'empe-
reur Charles de Luxembourg , que les
indhpofïtions empêchèrent de s'y trouver.
Mais rien n'efï plus curieux que le détail
que Matthieu de Couci , & Olivier de la
Marche nous ontlahTé delà fête donnée
à Lille , en 1453 ? Par Philippe le Bon ,
duc de Bourgogne , à 'toute là cour & à
toute la noblelfc de (es états , pour la croi-
fade contre les Turcs qui venoient d'ache-
ver la conquête de l'empire d'Orient par
la prife de Conitantinople. Je pourrois
citer un grand nombre d'autres repréfen-
tations femblables , qui furent long-temps
à la mode dans nos cours , mais ces cita-
tions feroient inutiles après les exemples
que nous venons de rapporter.
On vit encore les relies de cette an-
cienne magnificence au mariage du prince
de Navarre , en 1572. , avec la fœur du roi;
de même qu'à la fuite d'un autre teftin ,
que la reine donna l'année fuivante au duc
d'Anjou , roi de Pologne. Le goût de ces
plaifirs s'eft confervé à Florence jufqu'en
1600 , fuMmt la defeription du banquet
donné dans cette ville pour le mariage de
Marie de Médicis avec Henri IV.
Enfin la mode des entremets s'évanouit
entièrement au commencement du xvij
fiecle. Louis XIV fit fuccéder d'autres
magnificences , mieux entendues , dignes
de lui , & qui ont auffi ceffé. Elles ont
été remplacées par un genre de luxe plus
général , plus voluptueux , qui fe répète
journellement , & qui préfente à nos yeux
E N T
' toute la moîlefle ou l'ennui des Si Santés. Ar-
ticle de M. le chevalier n e Ja uco ur t.
ENTREMETTEUR , f. m. dans le
Commerce , elf un médiateur qui intervient
entre deux marchands, pour faciliter quel-
que marché ou négociation.
Les commerçans fe fervent plus ordi-
nairement du terme d'agent de change , fi
c'efî pour des remifes d'argent ou autres
affaires de banque ; & de celui de courtier
lorfqu'il s'agit d'achat ou de vente de mar-
chandifes. Voye\ AGENT DE CHANGE &
COURTIER. Dictionnaire du Commerce,
de Trévoux y & de Charniers. (G)
ENTREMISES , f. f. (Manne) ce font
de petites pièces de bois , qui étant pofées
dans un vaiilèau entre les autres , les tien-
nent fujettes & fervent auffi à les renfor-
cer. Voye\9PL iV^fig. 1 , n. zzy,\cs
entremifes du lecond pont au milieu enrre
les caillebotis ; n. z 48 , entremifes du
gaillard derrière au milieu entre les caille-
botis.
Entremifes emmorto: fées dans les équil-
letes , & régnant le long des ferre - bou-
quieres.
Entremifes Ce dit auffi de certaines pie-
ces de bois qui font pofées entre les ta-
quets ou fuleaux du cabeflan , pour [es
tenir. (Z)
ENTRE-NERF, f, m. pi. {Reliure.)
ce font les efpaces que laiflênt entr'eux ,
fur le dos, les ficelles auxquelles les livres
font coufus. On remplit les entre-nerfs de
dorure. Voye\ DORER.
ENTRE-PLANTER , v. aâ. (Agri-
culture.) c'eft planter du cherclu à la place
des ieps qui ont manqué.
ENTRE-POINTILLÉ, adj. il fe dit,
che\ les Graveurs en bois , des tailles entre
leiquelle.s il y a du pointillé. Tailles entre-
pointillés. (Papillon.)
ENTREVAUX , (Géographie.) ville
de Provence , en France ; elle efl fituée
fur le Var. Long. £.4 y 4.6 , lat. 44. z.
ENTR'OUVERT , adj. (Manege^Ù
Maréchallerie.) cheval qui a fait un eiFort
violent. Voye\ ECART.
ENTR'OUVERTURE , f. f. (Manège
^Maréchallerie.) terme par lequ el on dé-
fignela maladie qui réfulte d'un violent
écart. Voyez ECART, (e)
ENTRE-PAS,.
E NT
ENTRE-PAS , f. m. (Manège.) allure |
défe&ueufè , train rompu du cheval. Voye\
Manège, (e)
ENTRE-PILASTRE, f. m. en Archi-
tecture , c'eft l'efpace qui eft entre deux
pilaftres. (P)
ENTREPOSER , v. ad. (Commerce.)
mettre des marchandifes dans un magafin
d'entreDÔt. Voye^ ENTREPÔT. (P)
-ENf REPOSEUR , f. m. (Commerce)
commis qui a foin d'un magafin ou d'un
bureau d'entrepôt.
L'auteur du dictionnaire de commerce
obferve que ce terme eft nouveau , & ne
le trouve dans aucun ade public avant la
déclaration du roi, du 10 octobre 1723 ,
qui accordant à la compagnie des Indes
l'exploitation de la vente exclufive du
café , porte qu'elle pourra établir des ma-
gafins , bureaux & entrepôts , & y pré-
pofer tels receveurs , gardes-magafins , &
entrepofeurs , en tel nombre & dans telles
villes & lieux qu'elle jugera "néceffaire.
Dicl. de Comm. de Tre'v.&Chambers. (G)
ENTREPOT, f. m. (Commerce) lieu
de réferve où l'on dépofe quelque chofe
qui vient du dehors , & où on le garde
pendant quelque temps pour l'en tirer &
pour l'envoyer ailleurs.
Villes d'entrepôt , font des villes dans
lesquelles arrivent des marchandifes pour
y être déchargées , mais non pas vendues ,
& d'où elles paffent aux lieux de leur def-
tination , en les chargeant fur d'autres voi-
tures , foit par terre , foit par eau. Srnyrne
eft la principale ville du Levant où les
François , les Anglois , les Hollandois , &
les autres nations font t entrepôt de leurs
magafins pour la Perfe & Les états du
grand-feigneur. Batavia eft V entrepôt de la
compagnie de Hollande, pour le com-
merce des Indes orientales. Nous avons
en France plufieurs villes d'entrepôt, tant
pour les marchandifes qui viennent de l'é-
tranger , que pour celles du royaume qui
doivent palier dans les états voiflns.
CommiJJîonnaires d'entrepôt; ce font des
fadeurs qui rélident dans les villes d'entre-
pôt , où ils ont foin de retirer les marchan-
difes qui arrivent pour leurs commettans,
& de les leur faire tenir. Voye\ COMMIS-
SIONNAIRE.
Tome XII.
ENT 5£<>
Magafin d'entrepôt , eft un magafin établi
dans quelques bureaux des cinq greffes
fermes , en conféquenc% de l'ordonnance
de 1664 & de celle de 1684. , pour y rece-
voir les marchandifes deftinées pour les-
pays étrangers. Les villes où il y a de ces
fortes de magafins , font la Rochelle , In-
grande, Rouen, le Havre -de- Grâce ,
Dieppe, Calais, Abbeville , Guiie , Troyes,
&c Saint-Jean de Lofne. Les étrangers & les
François ont également droit d'y interpofer
leurs marchandifes , qui rie font fujettes à
aucun droit d'entrée & de fortie , pourvu
qu'elles (oient transportées hors du royaume
dans fix mois , par les mêmes lieux par les-
quels elles font entrées.
Ces magafins font fermés à deux clefs ,
dont une refte entre les mains du fermier,
l'autre en celles d'un député des marchands.
Pour y interpofer des marchandifes, les
négocians ou voituriers doivent repréfenter
leurs lettres de voiture ou connoiflemens
au commis, avec la déclaration en détail
de ce qui eft contenu dans les ballots &
paquets , pour en être fait la vérification &
être enfuite (celles & plombés. Aucune
marchandée ne peut ètreinterpofée, à moins
que la deftination n'en foit faite par lefdites
lettres de voiture & connoiflemens , &
elle ne peur être enfuite vendue dans le
royaume , à peine de confifeation & de cinq
cents livres d'amende.
Tout autre magafin d'entrepôt , hors ceux
qui font marqués ci-defîùs , font défendus
dans les quatre lieues proche les frontières
de la ferme , & dans les huit lieues près de
la ville de Paris, à peine de confifeation
& de trois cents livres d'amende.
Entrepôt, fe prend auili pour une per-
fonne interpofe'e. Ecrire par entrepôt , c'eft
écrire par le moyen d'une perlonne dont
on eft convenu avec fon correfpondant.
Dictionnaire de commerce, de Trévoux & de
Chambers. (G)
Entrepôt de Tabac. C'eftle lieu où
l'on vend le tabac. Le tabac eft une herbe
originaire des pays chauds , ammoniacale ,
acre, cauftique , narcotique venéneufe ,
laquelle cependant , préparée par l'art , eft
devenue dans le cours d'un fiecle , par la
bizarrerie de la mode & de l'habitude , la
plante la plus cultivée , la plus recherchée,
Cccc
57o E N T
& l'objet des délices de prefque tout le
monde qui en fait ufage , foit par le nez ,
en poudre ; Toit en fumée , avec des pipes ;
foit en machicatoife , foit autrement.
On ne la connoît en Europe , que depuis
la découverte de l'Amérique , par les Efpa-
gnols ; & en France , depuis Tan 1560. On
dit qu'Hermandès de Tolède eft un des
premiers qui l'aient envoyée en Efpagne &
en Portugal. Les auteurs la nomment en
latin nicotiana, petun^m, tabacum, &c. Les
Américains qui habitent le continent , l'ap-
pellent petun , & ceux des îles , y oit.
Les François lui ont suffi donné fucce-
livement diflérens noms. Premièrement , ils
l'appellerent nicotiane , de Jeai>Nicot , am-
bafîàdeur de François II , auprès de Sébas-
tien , roi de Portugal, en 1 5 59 , 1560 &
1^61 ; miniftre connu des favans par divers
ouvrages , & principalement par fon dic-
tionnaire François-Latin , in- fol. dont notre
langue ne peut fe palier. Il envoya cette
plante de Portugal en France , avec de la
graine pour en fèmer , dont il fit prêtent à
Catherine de Médicis , d'où vient qu'on la
nomma herbe à la reine. Cette princefie 'ne
put cependant jamais la faire appeller mé-
dicée. Enfuite on nomma le tabac , herbe
du grand-prieur , à caufe du grand-prieur
de France de la maifon de Lorraine , qui
en ufoit beaucoup ; puis V herbe de fainte-
croixy & X herbe de tournabon y du nom des
deux cardinaux , dont le dernier étoit nonce
en France , & l'autre en Portugal ; mais
enfin , on s'eft réduit à ne plus l'appeller
que tabac , à l'exemple des Efpagnols , qui
nommo;ent tabaco l'inftrument dont ils fe
fervoierft pour former leur petun.
Sa racine eft annuelle ; fon calice eft ou
long , tubuleux , & partagé en cinq quar-
tiers longs & aigus ; ou ce calice eft court,
large, & partagé en cinq quartiers obtus.
Sa fleur eft monopétale , en entonnoir , dé-
coupée en cinq fegmens aigus & profonds,
étendus en étoile ; elle a cinq étamines ; fon
fruit eft membraneux , oblong , ron-
delet , & divifé par une cloifan en deux cel-
lules.
On compte quatre efpeces principales de
tabac ; [avoir , i°. nicotiana major , lati-
folia , C. B. P. en François grand tabac,
grand pîtun \ 2/°, nicotiana major 3 augufti
E N T
folia, I.R.B. C.B. P. 30. nicotiana minor,
C. B. P. 40. minor yfoliis rugojioribus .
La première efpece poufïê une tige à la
hauteur de cinq ou fix pies , grolïê comme
le pouce , ronde , velue , remplie de moelle
blanche. Ses feuilles font très-larges épaiflès,
moliaiiès , d'un verd fàle , d'environ un
pié de long , fans queue , velues , un peu
pointues , nerveufes , glutineufes au tou-
cher , d'un goût acre & brûlant. Ses fleurs
croiflènt au iommet des tiges ; elles font
d'un rouge pâle, divifées par les bords en
cinq fegmens , & reflèmblant à de longs
tubes creux. Ses vaiflèaux féminaux font
longs , pointus par le bout, divifés en deux
loges, & pleins d'un grand nombre de
petites femences brunes. Sa racine eu
fibreufe , blanche, d'un goût fort âcie.
Toute la plante a une odeur fort nauiëa-
bonde. Cette efpece diminue confiderable-
ment en léchant, & comme on dit aux
iles , à la pente ; cette diminution cil caufe
que les Anglois en font moins de cas que
de la féconde efpece. En échange , c'eft
celle qu'on préfère pour la culture en Alle-
magne, du coté d'Hanovre & de Stras-
bourg , parce qu'elle eft moins délicate.
La féconde efpece diffère de la précé-
dente , en ce que fes feifilles -font plus
étroites , plus pointues , & attachées à leur
tige par des queues afiez longues ; fon odeur
eft moins forte , fa fumée plus douce &
plus agréable au fumeur. On cultive beau-
coup cette efpece dans le Bréfd , à Cuba,
en Virginie & en d'autres lieux de l'Amé-
rique , où les Anglcis ont des établi fïèmens.
La troifieme efpece vient des colonies
Françoifes , dans les Indes occidentales , &
elle réuflit fort bien dans nos climats.
La quatrième efpece , nommée petit
tabac Anglois , eft plus baffe & plus petite
que les précédentes. Ses tiges , rondes &
velues , s'élèvent à deux ou trois pies de
hauteur. Ses feuilles inférieures font affez
larges, ovales, émoufîees par la pointe,
& gluantes au toucher ; elles font plus pe-
tites que les feuilles des autres efpeces de
tabacs ; celles qui croiffent fur les tiges ,
font auiïï plus petites que les inférieures,
& font rangées alternativement. Ses fleurs
font creufes* & en entonnoir ; leurs feuilles
font divifées par le bord en cinq fegmens j
E N T
elles font d'un verd jaunâtre, & placées
dans des calices velus. Ce tabac a la femence
plus grofle que la première efpece ; cette
îemence fe forme dans des vaiifeaux fémi-
naux ; on la feme dans des jardins , & elle
.fleurit en juillet & en août.
Toutes les nicotianes dont on vient de
parler, font cultivées dans les jardins bo-
taniques par curiofité ; mais le tabac fe
cultive pour Pillage en grande quantité
dans plufieurs endroits de l'Amérique , lur-
rout dans les îles Antilles , en Virginie , à
la Havane , au Bréiil , auprès de la ville de
Comana , & c'efl ce dernier qu'on nomme
tabac de Verine.
Le tabac croît auffi par-tout en Perfe ,
particulièrement dans la Sufiane , à Hama-
dan , dans la Caramanie déferte > & vers le
fem Perfique; ce dernier cil le meilleur.
On ne fait point fi cette plante efl origi-
naire du pays , ou fi elle y a été tranfportée.
On croit communément qu'elle y a paffé
d'Egypte , & non pas des Indes orientales.
II nous vient du tabac , du levant , des
côtes de Grèce & l'Archipel , par feuilles
attachées enfemble. Il s'en cultive auffi beau-
coup en Allemagne & en Hollande. Avant
que fa culture fut prohibée en France , elle
y étoit très-commune , & il réuffifïbit à
merveille , particulièrement en Guienne ,
du côté de Bordeaux & de Clerac , en
Bearn , vers^ Pau ; en Normandie , aux en-
virons de Léry ; & en Artois , près Saint-
Paul.
On ne peut voir, fans furprife, que la
poudre ou la fumée d'une herbe vené-
neufe , foit devenue l'objet d'une fenfation
délicate prefque univerfelle : l'habitude y
changée en pafïîon , a promptement excité
un zèle d'intérêt pour perfectionner la cul-
ture & la fabrique d'une chofe fi recher-
chée ; & la nicotiane efl devenue, par un
goût général, une branche très-étendue du
commerce de l'Europe , & de celui d'Amé-
rique.
A peine fut-elle connue dans les jardins
des curieux, que divers médecins, ama-
teurs des nouveautés , l'employèrent inté-
rieurement & extérieurement à la guérifon
des maladies. Ils en tirèrent des eaux dif-
îilées , & de l'huile par infufion ou par
délation ; ils en prép.îfërcnt ac's lirons &
ENT J7l
des onguens, qui fubfifîent encore au-
jourd'hui.
Ils la recommandèrent en poudre , en
fumée, en machicatoire, en errhine,pour
purger , difoient-ils , le cerveau , & le dé-
charger de fa pituite furabondante. Ils
louèrent fes feuilles appliquées chaudes
pour les tumeurs œdémateufes y les dou-
leurs de jointures , la paralyfie , les furon-
cles , la morfure des animaux venimeux ;
ils recommandèrent auffi ces mêmes feuilles
broyées avec du vinaigre , ou incorporées
avec des graines en onguent , & appliquées
à l'extérieur pour les maladies cutanées ;
ils en ordonnèrent la fumée , dirigée dans
la matrice , pour les fufFocations utérines ;
ils vantèrent la fumée , le fuc & l'huile de
cette herbe , comme un remède odontal-
gique ; ils en prefcrivirent le firop dans les
toux invétérées , l'allume , & autres mala-
dies de la poitrine. Enfin , ils inondèrent le
public d'ouvrages compofés à la louange
de cette plante ; tels font ceux de Monardes,
d'Everhartus , de Néander, &c.
Mais plufieurs autres médecins , éclairés
par une théorie & une pratique plus fa-
vante , penferent bien différemment des
propriétés du tabac pour la guérifon des
maladies; ils jugèrent, avec raifon, qu'il
n'y avoit prefque point de cas où fon ufage
dût être admis. Son âcreté , fa cauflicité ,
fa qualité narcotique le prouvent d'abord .
Sa laveur nauféabonde efl un figne de fa
vertu émétique & cathartique ; cette faveur,
qui efl encore brûlante & d'une acrimonie
qui s'attache fortement à la gorge, montre
une vertu purgative très-irritante. Mais en
même temps que la nicotiane a ces quali-
tés,, fon odeur fétide indique qu'elle agit
par flupéfa&ion furies efprits animaux, de
même que le flramonium , quoiqu'on ne
puifïê expliquer comment elle poflède à la
fois une vertu flimulante & fomnifere ;
peut-être que fa narcoticite dépend de la
vapeur huileufe & fubtile dans laquelle fon
odeur confifle.
.Sa poudre forme, par la feule habitude,
une titillation agréable fur les nerfs delà
membrane pituitaire. Elle y excite , dans le
commencement , des mouvemens convul-
fifs , cnfuiteune fenfation plus dôu'e, &
m-eat
H Ê
pot
c
572 E N T
touillement, que cette poudre {bit plus
aiguifée & plus pénétrante. C'eft ce qui a
engagé des détailleurs, pour débiter leur
tabac aux gens qui en ont fait un long ufage ,
de le fufpendre dans des retraits, afin de
le rendre plus acre > plus piquant , plus
fort ; & il faut avouer que l'analogie eft
bien trouvée. D'autres le mettent au ka-
rabé pour l'imbiber tout d'un coup d'une
odeur ammoniacale , capable d'affecîer l'or-
gane ufé de l'odorat.
La fumée du tabac ne devient un plaifir
à la longue , que par le même méchanifme ;
mais cette habitude eft plus nuifible qu'utile.
Elle prive l'eftomac du fuc falivaire qui lui
eft le plus néceuaire pour la digeftion ; aufli
les fumeurs font-ils obligés de boire beau-
coup pour y remédier , & c'eft par cette
raifon que le tabac fupplée dans les camps
à la modicité des vivres du malheureux
foldat.
La m&chication du tabac à les mêmes in-
convéniens , outre qu'elle gâte l'haleine ,
les dents , & qu'elle corrode les genci-
ves.
Ceux qui fe font avifés d'employer pour
remède le tabac en petits cornets dans les
narines , & de l'y laifîèr pendant le fommeil ,
ont bientôt éprouvé le mauvais effet de
cette herbe ; car fcs parties huileufes & fub-
tiles , tombant dans la gorge & dans la
trachée-artere , caufent au réveil , des toux
feches & des vomiffemens violens.
Quant à l'application extérieure des
feuilles du tabac , on a des remèdes beau-
coup meilleurs dans toutes les maladies ,
pour lefquelles on vante l'efficace de ce to-
pique. Sa fumigation eft très-rarement
convenable dans les fufTocations de la ma-
trice.
L'huile du tabac irrite fouvent le mal
des dents ; & quand elle le diflïpe, cen'eft
qu'après avoir brûlé le nerf par {a caufticité.
Si quelques pcrfonnes ont appaifé leurs
douleurs de dents , en fumant la nico-
tiane , ce font des gens qui ont avalé de la
fumée , & qui s'en font enivrés. On ne per-
fuadera jamais aux Phyficiens qui con-
noiffent la fabrique délicate des poumons ,
que le firop d'une plante acre & caufti-
que fbit recommandable dans les maladies
de la poitrine.
ENT
La décoction des feuilles de tabac eft ua
vomitif, qu'il n'eft guère permis d'em-
ployer , foit de cette manière , foit en
remède , que dans les cas les plus pref-
fàns , comme dans l'apoplexie &: la lé-
thargie.
L'huile diftilée de cette plante eft un fi
puiffant émétique , qu'elle excite quelque-
fois le vomiilement , en mettant pendant
quelque temps le nez fur la fiole dans
laquelle on la garde. Un petit nombre de
gouttes de cette huile injedées dans une
plaie , caufe des accidens mortels , comme
l'ont prouvé des expériences faites fur
divers animaux , par Harderus & Redi.
Si quelque recueil académique contient
des obièrvations ridicules à la louange du
tabac , ce font aflurément les mémoires des
curieux de la nature ; mais on n'eft pas plus
fàtisfait de celles qu'on trouve dans la
plupart des auteurs contre l'ufage de cette
plante. Un Pauli , par exemple , nous allure
que le tabac qu'on prend en fumée , rend
le crâne tout noir. Un Borrhy } dans une
lettre à Bartholin , lui mande qu'une
ptrfonne s'étoit 'tellement defïéchée le cer-
veau à force de prendre du tabac , qu'après
« fa mort on ne lui trouva dans la tête qu'un
grumeau noir , compofé de membranes.
Il eft vrai que dans le temps de tous ces
écrits, le tabac avoit allumé une guerre
civile entre les médecins, pour ou contre
(on ufage , & qu'ils employèrent fans fcru-
pule, le vrai & le f;ux pour faire triom-
pher leur parti. Le roi Jacques lui-même ,
fe mêla de la querelle ; mais fi Ion règne
ne fut qu'incapacité , fon érudition n'étoit
que pédanterie. (D. J.)
Culture du tabac. Ce fut vers l'an iÇio
que les Eîpagnols trouvèrent cette plante
dans le Jucatan , province de la Terre-
Ferme \ & c'eft de là que fa culture a
paffé à Saint - Domingue , à Mariland ,
& à la Virginie..
Vers l'an 1560, Jean Nicot , à fon
retour de Portugal, préfenta cette plante
à Catherine de Médicis ; ce qui fit qu'on
I'appella la nicotiane. Le cardinal de Sainte-
Croix & Nicolas Tornaboni la vantèrent
en Italie fous le nom iïherbe fainte , que
les Efpagnols lui avoient donné à caufe de
les vertus. Cependant l'herbe fainte , loin
E N T
d'être également accueillie de tout le monde*,*
alluma la guerre entre les favans ; les igno-
rans en grand nombre y prirent parti , & les*
femmes même fe déclarèrent pour ou con-
tre une choie qu'elles ne connoirîoient pas
mieux que les affaires férieufes qui fe pal-
foient alors en Europe , & qui en changè-
rent toute la face.
On fit plus de cent volumes à la louange
ou au blâme du tabac, un Allemand nous
en a confervé les titres. Mais malgré les
adverlaires qui attaquèrent l'ufàge de cette
plante , fon luxe feduifît toutes les nations ,
& fe répandit de l'Amérique jufqu'au
Japon.
Il ne faut pas croire qu'on le combattit
feulement avec la plume ; les plus puiffans
monarques le profcrivirent très-févércment.
Le grand duc de Mofcovie , Michel Féde-
rowits , voyant que la capitale - de les
états , bâtie de maiions de bois , avoit été
prefque entièrement confumée par un in-
cendie , dont l'imprudence des fumeurs
qui s'endormoient la pipe à la bouche ,
fut la caufe , défendit l'entrée & l'ufage
du tabac dans Ces états ; premièrement fous
peine de la baflonade, qui efl un châ-
timent très-cruel en ce pays-là; enfuite
fous peine d'avoir le nez coupé ; & enfin ,
de perdre la vie. Amurath IV , empereur
des Turcs , & le roi de Perfe Scach-Sophi
firent les mêmes défenfes dans leurs em-
pires & fous les mêmes peines. Nos mo-
narques d'occident , plus rufés politiques ,
chargèrent de droits exorbitans l'entrée du
tabac dans leurs royaumes, & laifïèrent
établir un ufage qui s'ef^ à la fin changé
en nécefllté. On mit en France en 1629
trente fous par livre d'impôt fur le pétun ,
car alors le tabac s'appelloit ainfi ; mais
comme la confommation de ce nouveau
luxe efl devenue de plus en plus confidé-
rable, on en a multiplié proportionnelle-
ment les plantations dans tous les pays du
monde. On peut voir la manière dont
elles fe font à Ceylan , dans les Tranfacl.
philof. n°. zy$ , p. z 14$ & fuiv. Nous
avons fur- tout des ouvrages précieux écrits
en Anglois , fur la culture du tabac en
Mariland & en Virginie ; en voici le précis
fort abrégé.
On ne'connoû en Amérique que quatre
r i . E N T '7Î
fortes de tabacs ; le pétun , le tabac à lan-
gue , le tabac d'amazone , & le tabac de
Verine ; ces quatre elpeces fleurirent &
portent toutes de la graine bonne pour fe
reproduire , toutes les quatre peuvent croître
à la hauteur de 5 ou 6 pies de haut , &
durer plufieurs années, mais ordinairement
on les arrête à la hauteur de deux pies , &
on les coupe tous les ans.
Le tabac demande une terre gralîe ,
médiocrement forte , unie , profonde , &
qui ne foit pas fujette aux inondations ; les
terres neuves lui font infiniment plus pro-
pres que celles qui ont déjà fervi.
Après avoir choifi fon terrain , on mêle
la graine du tabac avec fix fois autant de
cendre ou de fable , parce que fi on la fe-
moit feule , fa petiteife la feroit pouffer
trop épais , & il feroit impoflible de tranf-
planter la plante fans l'endommager. Quand
la plante a deux pouces d'élévation hors
de terre , elle efl bonne «à être tranfplantée.
On a grand foin de farder les couches , &
de n'y laifler aucunes mauvaifes herbes ,
dès que l'on peut diflinguer le tabac ; il doit
toujours être feul & bien net.
Le terrain étant nettoyé , on le partage
en allées diflantes de trois pies les unes des
autres , & parallèles , fur lefquelles on
plante en quinconce des piquets éloignés
les uns âes autres de trois pies. Pour cet
effet, on étend un cordeau divifé de trois
en trois pies par des nœuds , ou quelques
autres marques apparentes , & l'on plante
un piquet en terre à chaque nœud ou
marque.
Après qu'on a achevé de marquer les
nœuds du cordeau , on le levé , on l'étend
trois pies plus loin , obfervânt que le
premier nœud ou marque ne correfponde
pas vis-à-vis d'un des piquets plantés , mais
au milieu de l'efpace qui fe trouve entre
deux piquets , & on continue de marquer
ainfi tout le terrain avec des piquets , afin
de mettre les plantes au lieu des piquers ,
qui , de cette manière , fe trouvent plus
en ordre , plus ailées à farder , & éloignées
les unes des autres fuffifamment pour pren-
dre la nourriture qui leur efl nécefîaire.
L'expérience* fait connoître qu'il efl plus 4
propos de planter en quinconce , qu'en,
carré , & que les plantes ont plus d'elpacs
574 ENT
pour étendre leurs racines , & pouffer
les feuilles , que fi elles faifoient des carrés
parfaits.
II faut que la plante ait au moins fix
feuilles pour pouvoir être tranfplantée. Il
faut encore que le temps fort pluvieux ou
tellement couvert, que Ton ne doute point
•que la pluie ne (bit prochaine ; car de
tranfplanter en temps fec , c'eft rifquer de
perdre tout fon travail & (es plantes. On
levé les plantes doucement , & fans en-
dommager les racines. On les couche pro-
prement dans des paniers , & on les porte
à ceux qui doivent les mettre en terre. Ceux-
<\ font munis d'un piquet d'un pouce de
diamètre , & d'environ quinze pouces de
longueur , dont un bout eft pointu, &
l'autre arrondi.
Ils font avec cette efpece de poinçon un
trou à la place de chaque piquet qu'ils
lèvent , & y mettent une plante bien droite ,
les racines bien étendues : ils l'enfoncent
jufqu'à l'oeil , c'eïl-à-dire , jufqu'à la naif-
fance des feuilles les plus baffes , & pref-
fent mollement la terre autour de la racine,
afin qu'elle foutienne la plante droite fans
îa comprimer. Les plantes ainfi miles en
ferre, & dans un temps de pluie, ne s'ar-
rêtent point , leurs feuilles ne fouffrent pas
la moindre altération , elles reprennent
en 24 heures , & profitent à merveille.
Un champ de cent pas en carré contient
environ dix mille plantes : on compte qu'il
faut quatre perfonnes pour les entretenir ,
& qu'elles peuvent rendre quatre mille
livres pefant de tabac , félon la bonté de
la terre , le temps qu'on a planté , & le foin
qu'on en a pris ; car H ne faut pas s'imaginer
qu'il n'y a plus rienàfaire, quand la plante
eft une fois en terre. Il faut travailler fans
celTe à farder les mauvaifes herbes , qui
confbmmeroient la plus grande partie de
fa nourriture. Il faut l'arrêter , la rejeton-
ner , ôter les feuilles piquées de vers , de
chenilles , & autres infectes ; en un mot
avoir toujours les yeux & les mains defîùs
jufqu'à ce qu'elle foit coupée.
Lorfque les plantes font arrivées à la
hauteur de deux pies & demi, ou environ ,
& avant qu'elles fieuriiTent , on les arrête ,
c'eft-à-dire , qu'on coupe le fommet de
chaque rke-, pour IVnpecljer de croître
ENT
* de fleurir ; & en même temps on arrache
les feuilles les plus baffes , comme plus dif-
T^ofées à toucher la terre , & à fe remplir
d'ordures. On ôte aufli toutes celles qui
font viciées , piquées de vers , ou qui ont
quelque difpofition à la pourriture , & on
fè contente de laifîer huit ou dix feuilles
tout au plus fur chaque tige , parce que ce
petit nombre bien entretenu rend beau-
coup plus de tabac > & d'une' qualité infi-
niment meilleure , que fi on laifîoit croître
toutes celles que la peinte pourroit produire.
On a encore un foin particulier d'ôter tous
les bourgeons ou rejetons que la force de
la fève fait pouffer entre les feuilles & la
tige ; car outre que ces rejetons ou feuilles
avortées ne viendroient jamais bien , elles
artireroient une partie de la nourriture des
véritables feuilles qui n'en peuvent trop
avoir. *
Depuis que les plantes font arrêtées juf-
qu'à leur parfaite maturité, il faut cinq à
fix femaines , félon que la faifon eu chaude ,
que le terrain eft expofé , qu'il efî fec ou
humide. On vifite pendant ce temps-là ,
au moins deux ou trois fois la femaine ,
les plantes pour les rejetoner^, c'eft-à-dire ,
en arracher tous les rejetons , fauffes tiges
ou feuilles , ' qui naiffent tant fur la tige
qu'à fon extrémité , ou auprès des feuilles. •
Le tabac eu ordinairement quatre mois
ou environ en terre , avant d'être en état
d'être coupé. On connoît qu'il approche
de fa maturité , quand fes feuilles com-
mencent à changer de couleur , & que
leur verdeur vive & agréable , devient peu
à peu plus obfcmre : elles penchent alors
vers la terre , comme fi la queue qui les
attache à la tige , avoit peine à foutenir
le poids du fuc dont elles font remplies :
l'odeur doute qu'elles avoient , fe fortifie ,
s'augmente , & fe répand plus au loin.
Enfin , quand on s'apperçoit que les feuilles
caffent .plus facilement lorfqu'on les ploie ,
c'eft un ligne certain que la plante a toute
la maturité dont elle a bèfqin , & qu'il eu
temps de la couper.
On attend pour cela que la rofée foit
tombée , & que le foleil ait defîeché toute
l'humidité qu'elle avoit répandue fur les
feuilles : alors on coupe les plantes par le
nié, Quelques-uns les coupent entre deux
EN T
terres , c'efl-à-dire , environ un pouce au
défions de la fuperficie de la terre ; les au-
tres à un pouce ou deux au defTûs ; cette
dernière manière eft la plus ufitée. On
laiffe les plantes ainfi coupées auprès de
leurs fiauches le relie- du jour , & on a
foin de les retourner trois ou quatre fois,
afin que le foleil les échauffe également
de tous les côtés., qu'il confomme une par-
tie de leur humidité , & qu'il commence,
à exciter une fermentation néceffaire. pour
mettre leur fûc en mouvement.
Avant que le foleil fe couche , on les
tranfporte dans la café qu'on a préparée pour
les recevoir , fans jamais laiffer paffer la nuit
à découvert aux plantes coupées , parce que
la rofée qui eft très-abondante dans ces cli-
mats chauds , rempliroit leurs pores ou-
verts par la chaleur du jour précédent ,
& en arrêtant le mouvement de la fermen-
tation déjà commencée , elle difpoferoit
la plante à la corruption & à la pourri-
ture.
C'efl pour augmenter cette fermenta-
tion que les plantes coupées & apportées
dans la café , font étendues les unes fur
les autres , & couvertes de feuilles de ba-
lifier amorties, ou de quelques nattes,
avec des planches par-deflus , & des pierres
pour les tenir en iujétion : c'eft ainfi qu'on
les laiffe trois ou quatre jours , pendant
lelquels elles fermentent, ou pour parler
comme aux îles Françoiies, elles reffuent;
après quoi on les fait lécher dans les cafés
ou fueries.
On y conflruit toujours ces maifons à
portée des plantations ; elles font de différ-
rentes grandeurs , à proportion de l'éten-
due des plantations ; on les bâtit avec de
bons piliers de bois fichés en terre & bien
traverfcs par des poutres & poutrelles , pour
fou tenir le corps du bâtiment. Cette car-
cafîe faite , on la garnit de planches , en
les pofant l'une fur l'autre , comme l'on
borde un navire , fans néanmoins que
ces planches foient bien jointes ; elles ne
font attachées que par des chevilles, de
bois.
La couverture de la mai (on eft aufiî
couverte de planches , attachées l'une fur
l'autre fur les chevrons , de manière que
la pluie ne puiffe entrer dans la maifon . :
E N T 575
& cependant on obferve de laiffer une ou-
verture entre le toit & le corps du bâti-
ment , en forte que l'air y parte fans que
la pluie y entre , parce qu'on entend bien
que le toit doit déborder le corps du bâ-
timent. On n'y fait point de fenêtres , on
y voit affez clair, le jour y entrant futli-'
iàmment par les portes & parles ouver-
tures pratiquées entre le toit & le corps
du bâtiment.
Le fol ordinaire de ces maifons eft la
terre même; mais comme on y pofe les
tabacs , & que dans des temps humides îa
fraîcheur peut les humecter & ks corrom-
pre, il efl plus prudent de faire des plan-
chers , que l'on forme avec des poutrelles
& des planches chevillées par-defïï:s. La
hauteur du corps du bâtiment efl de quinze
à feize pies , celle du toit juiqu'au faîte
de dix à douze pies.
En dedans du bâtiment , on y place en
travers de petits chevrons qui font chacun
de deux pouces & demi en carré ; le pre-
mier rang efl pofé à un pie & demi , ou'
deux pies au deffous du faîte , le deuxième
rang à quatre pies & demi au deffous ,
le troifieme de même, &c. jufqu'à la hau-
teur de l'homme : les chevrons font ranges
à cinq pies de diltance l'un de l'autre
ils fervent à pofer les gaulettes auxquelles;
on pend les plantes de tabac.
Dès que le tabac a été apporté dans des -
civières à la fuerie; on le fait rafraîchir
en étendant fur le plancher des lits de trois
plantes* couchées l'une fur l'autre. Quand
il s'eff rafraîchi environ douze heures , on
paffe dans le pie de chaque plante une
brochette de bois , d'une façon à pouvoir
être accrochée & tenir aux gaulettes , &
tout de fuite on les met ainfi à la pente
en obfervant de ne les point prefîêr l'une
contre l'autre. On laiffe les plantes à la
pente jufqu'à ce que les feuilles foient bien
lèches; alors on profite du premier temps
humide qui arrive , & qui permet de les
manier fans les brifer. Dans ce temps fa<-
vorable on détache les plantes de la pente ,
& à mefure on arrache les feuilles de la
tige , pour en former des manoques ; cha-
que manoque efl compofée de dix à douze '
feuilles , &' elle fe lie avec une feuille»
Quand la manoque n'a point d'humidité^ ,
V* ENT
& qu'elle peut être preflee , on la met en
boucaux.
Le tabac fort de Virginie fe cultive en-
core avec plus de foin que le tabac ordi-
naire , & chaque manoque de ce tabac fort
n'eft compofee que de quatre à fix feuilles ,
fortes , grandes , & qui doivent être d'une
couleur de marron foncé; on voit par là,
qu'on fait en Virginie deux fortes de raa-
noques de tabac , qu'on nomme première
& féconde forte.
Quant au merrain des boucaux , on fè
fert pour le faire du chêne blanc, qui eft
un bois fans odeur ; d'autres fortes de bois
font également bons , pourvu qu'ils n'aient
point d'odeur. On diftribue le bois en mer-
rain , au moins fix mois avant que d'être
• employé. Les boucaux fe font tous d'une
même grandeur ; ils ont 4 pies de haut
fur 31 pouces d« diamètre dans leur mi-
lieu ; ils contiennent <> ou 600 liv. de tabac
feulement preffés par l'homme, & jufqu'à
ioco livres lorfqu'ils font preffës à lapreffe ;
les boucaux du tabac fort pefent encore
davantage.
Telle eft la culture du tabac que les
fermiers de France achètent des Anglois
pour environ quatre millions chaque année.
Il eft vrai cependant que quand le revenu
du tabac feroit , comme on l'a dit . pour
eux de quarante millions par an , il ne fur-
pafTeroit pas encore ce que la Louifiàne
mife en valeur pour cette denrée , produi-
roit annuellement à l'état au bout de quinze
ans ; mais Jamais les tabacs de la Louifiane
ne feront cultivés & achetés fans la liberté
du commerce. ( Le chevalier de Jau-
COVRT. )
f ENTREPRENDRE , v. ad. ( Gramm.)
c'eft en général fe charger de la réuffite
d'une affaire , d'un négoce , d'une manu-
facture , d'un bâtiment , &c. La compagnie
de l'Aflicnte a entrepris la fourniture des
nègres pour l'Amérique Efpagnole. Le fieur
Cadeau eft le premier qui ait entrepris en
France la manufacture des draps façon de
Hollande. Ce maître maçon a entrepris ce
bâtiment , & doit le rendre la clef à la main.
Voye\ Entrepreneur. ( G )
ENTREPRENEUR , f. m. ( Gramm. )
il fe dit en général de celui qui le charge
d'un ouvrage ; on dit un entrepreneur de
ENT
manufactures , un entrepreneur deMtimensT'
pour un manufacturier , un maçon. Voye\
Manufacturier, Maçon.
Entrepreneur en 'Bâtiment,
eft celui qui fe charge, qui entreprend , &
qui conduit un bâtiment pour certaine
fomme , dont il eft convenu avec le pro-
priétaire , foit en bloc ou à la toifè. ( P )
Entrepreneur , ( Manne. ) c'eft ce-
lui qui s'engage à faire fabriquer & fournir
un vahTeau tout conftruir, aux termes d'un
certain devis qui fe fait entre lui & l'ache-
teur , pour le prix dont ils font conve-
nus. ( Z )
* ENTREPRISE, f. f. ( Gramm. )
c'eft en général , ou le deffein d'exécuter
quelque chofe , ou l'exécution même de
ce deffein. On dit d'un homme , qu'il ne
voit pas tous les dangers de fon entreprife ;
que [on entreprife lui a réujfi; qu'il y agagne'
cent mille e'cus. Entreprife , dans un autre
fèns , eft fynonyme à ufurpation , comme
dans ces phrafes : la puiffance civile peut
former des entreprifes fur la puiffance eccle'-
fiaflrque ; la puiffance ecclefiaflique peut for-
mer des entreprifes fur la puiffance fouve-
raine. Le même terme a lieu , félon la même
lignification , dans les arts & métiers. Si les
maîtres de quelque communauté s'immif-
çoient de faire des ouvrages qui fufïênt du
reffort d'une autre communauté; comme fi
les orfèvres vouloient débiter des pincettes de
fer j ce qui appartient auxferruriers ; ces for-
tes iï entreprife s occafioneroient infaillible-
ment de grandes conteftations.
Entreprise , ( An. Milit. ) c'eft , à
la guerre , la réfolution que l'on prend
d'exécuter quelque opération , comme de
combattre , de faire un fiege , &c.
11 Quand une entreprife a été une fois
» réfolue dans un confeil de guerre , il eft
yy d'une extrême conféquence que les
» officiers & les fbldats même ignorent
» le pour & le contre ; car il y en a tou-
» jours un fort grand nombre qui comptent
a les avis plutôt qu'ils ne les pefent. Sou-
» vent dans les confeil s ce ne font pas
» les plus fages qui font les plus écoutés
» & qui décident, mais ceux qui font à
» la tête , à qui il eft permis de faire & de
» dire tout ce qui leur plaît : outre que
M l'on a de l'éloignement dans ces fortes
» d'affemblées
E N T
w d'afîembîées pour tout . ce qui tend à
?> éviter ou retarder le combat , 7de peur
w qu'on ne doute de, leur courage. Il ira-
m porte donc que ceux qui ont été d'un
» fentiment contraire , paroifTent approu-
« ver ce qui s'y eft déterminé , quelque
» mauvais qu'il puiffe être ; il faut qu'ils le
» maintiennent publiquement ; ce qui fait
»» que le général , ou celui qui en eft l'au-
« teur , perd cette crainte que caufe ordi-
» nairement le doute où l'on eft de ne pas
« réunir. » Comment, fur Polybe y de M.
le chevalier Folard , tom. IV y pag. i 6 'z.
L'objet de l'auteur dans ces réflexions
efl d'empêcher , loriqu'un général a une
fois pris un parti qu'on croit dangereux ,
& dont on ne peut pas le diftraire , de lui
donner , ainfi qu'aux officiers & aux foldats
de l'armée , aucune inquiétude fur l'événe-
ment ; parce que , comme il l'obferve avec
beaucoup de raifon, la vérité qui frappe ,
& à laquelle on fe refufe, nous laijfe fouvent
dans une fufpenjion d'efprit & une efpece
de crainte de ne pas réujjir 9 qui efl toujours
dangereufe. (O) '
ENTRER DANS LES COINS , en teK
me de Manège y ledit du cavalier lorfqu' il
tourne fon cheval dans les quatre coins du
manège , en fuivant exactement la muraille.
ENTRE-SABORS, f. m. {Marine.)
bordages qui font entre les ouvertures des
fabors , ou dans la diftance des fabors.
Voye\ Bordages. (Z)
ENTRE -SOL , f. m. petites pièces
pratiquées au deflus d'un petit appartement
à rez-de-chauflee , ou au premier étage
d'un bâtiment , pour fe procurer quelques
gardes-robes ou cabinets de plus dans un
château ou maifon de plaifance. Ces entre-
fols (ont quelquefois deftinés aufti à faire de
petits appartenons d'hiver pour les maîtres ,
lorfque la cage du bâtiment eft peu fpa-
cieufè , tels que font ceux que l'on a prati-
qués au château de Marly pour Mefdames
& madame la Dauphine; quelquefois aufll
on y pratique des bains , des cabinets de
toilette , Ùc. Les entre-fols doivent être
dégagés par des efcaliers qui rendent leur
communication facile avec les appartemens
d'en bas & avec ceux d'en haut , en obfer-
vant qu'ils foient éclairés , foit en lanternes ,
foit en abat-jours ou autrement.
Tome XII,
ENT m
Quelquefois âuffi on pratique des entre-
fols fans néceffité de logement , mais feule-
ment pour corriger la trop grande élévation
des planchers , qui , dans une pièce d'un
petit diamètre , deviendront délagréables ;
ce qu'on ne peut fouvent éviter à caufe
de la grandeur des pièces de fociété , de
parade , Ùc. Voyez FAUX-PLANCHER.
ENTRE-TAILLES , fubft. f- mot ima-
giné dans les principes de la Gravure en.
bois y pour déiigner des tailles plus nour-
ries à certains endroits que dans le refte
de leur longueur ; c'eft ce que les graveurs;
au burin ^appellent tailles rentrées celles fe
font ordinairement à deux fois , c'eft-à-
dire , que l'on repafîe un burin plus gros
dans chaque taille pour la rendre plus épaifïc
où il eft nécefTaire , tandis que celle de bois
entre-taillé doit être gravée du premier
coup comme il faut qu'elle refte , étant
pour ainfi dire par endroit une taille entée
fur une autre. Voy. à V article GRAVURE
EN BOIS la façon de pratiquer les entre-
tailles. Mellan , très-habile graveur au bu-
rin , & qu'aucun autre n'a ofé imiter dans
fà manière de graver , ne formoit tes om-
bres que par des tailles rentrées ; ce qu'il
faifoit d'un même coup de burin , tant il
pofTédoit parfaitement le deflin : ainfi les
graveurs en bois trouveront dans fes ou-
vrages des entre-tailles de toutes façons:
la fainte Face couronnée d'épines , de
grandeur naturelle , eft un de {es morceaux
les plus admirables. La taille commençant
au bout du nez , allant toujours en, tour-
nant fans difeontinuer , & embraffant toute
la grandeur de l'eftampe , forme les yeux ,
la bouche , les cheveux , la couronne , le
linge , & jufqu'aux gouttes de fang , parles
feules forces ou gras de cette taille rentrée
à propos aux endroits néceflaires : c'eft un
miracle de l'art. François Chauveau , aufS
célèbre graveur en cuivre , eft celui qui a le
mieux approché de la manière de Mellan ;
on le peut voir dans les planches du carrou-
fel , & dans celles qu'il a faites pour plu-
fieurs romans & poèmes , tels que le*Cyrus,
la Cléopatre , la Clélie, S. Louis ou la
fainte couronne recpnquife , Alaric , Clovis
I & autres. (Papillon. )
* ENTRE-TAILLES,feditdanslaGra^wrc
Dddd
J7S ENT
en bois } des tailles ménagées & faites entre
d'autres tailles , & ordinairement plus fines
& plus courtes que les autres ; c'efl ce que
les graveurs en cuivre appellent entre-deux ,
ou également entre-tailles : elles fervent ,
tant dans l'une que dans l'autre gravure ,
à donner du brillant aux étoffes , à l'eau ,
aux métaux , &c. Voye\ à V article GRA-
VURE EN BQIS , la manière de les exé-
cuter. ( Papillon. )
ENTRETAILLER ( S' ) , S'ENTRE^
COUPER , SE COUPER ( Man&e ,
Maréchall. ) termes fynonymes, V, s'En*-
TRE-COlfPER.
ENTRETAILLURE , f. f. (Manège,
Maréchall. ) c'efl* ainfi que quelques per-
sonnes appellent les écorchures , ou les
éroiiôns & les plaies , qui font une fuite
des heurts & des frottemens du fer , ou
du pié de l'animal contre le boulet de la
jambe voifine de celle qui efl en action ,
lorfqu'il chemine & qu'il s'entaille ( voye \
s'EnTRE-COUPER ).Ces bleffures deman-
dent à-peu-près le même traitement que
celles qui naifïent de l'enchevêtrure (voye^
Enchevêtrure ). Mais on doit avoir
attention d'entourer & de garnir la partie
Méfiée , d'un cuir capable de la défendre
de rimpreffion des nouveaux coups que le
cheval pourroir fè donner en travaillant ;
il efl même nombre de gens qui pour pré-
venir Ventretaillure y ont à cet effet la pré-
caution d'employer une efpece de botte
allez défagréable à la vue , incommode
pour les chevaux dans les commencemens ,
mais- qui néanmoins efl d'une réelle uti-
lité, (e)
ENTRETENU, adj. terme de Blafon ,
il fe dit de plufieurs clefs & autres chofes
liées enfetnble par leurs anneaux.
Clugny , en Bourgogne , d'azur à deux
clefs d'or , adoffées en pals , & entretenues
par le bas.
ENTRETOÏSE, {.{.(Charpent.) il fe
dit en général d'une pièce de bois placée
entre deux autres , & afïemblée avec elles
à renon & mortoife.
U entre toi fe forme chaflis , & produit le
même effet dans les ouvrages de charpente ,
que ce qu'on appelle traverfe dans les ou-
vrages de menuifçrie. V&jre\ l'article Tra-
verse,
E N V
ENTRETOÏSE , terme de Charron; c'eft
un morceau de bois 'qui furmonte les deux
moutons de derrière) & qui y efl enchâffë
par des mortoifès , & qui les tient en
état.
ENTREVAL , f. m. ( Jurifp. ) quafi in-
terrallum 9 terme ancien qui fè trouve dans
quelques coutumes pour exprimer l'efpace
qui efl entre deux maiibns. Voye\ la cou-
tume de S. Sever y tit, 4- bâtir mai fons >
article z. (A)
ENTURE , f. f. Voyei les articles,
Enter & Bas au métier.
ENTURES , ( Carrier. ) c'efl ainfl qu'on,
appelle les différentes pièces de bois don*
l'échelle des carriers efl compofée. Le nom-»
bre des entures efl d'autant plus grand , que-
la carrière efl plus profonde ; la première
des entures efl la plus grande, elle a dix
pies ; les autres font moins hautes.
ENVELOPPE, f.f. (Gram.) fediten
général de tout ce qui fërt de couverture
artificielle à quelque chofe ; ainfi le papier
ou la toile qui fert à empaqueter & à cou--
vrir des marchand ifes , en efl une enve-
loppe. On appelle même, papier d 'enveloppe
& toile d'enveloppe , certaines fortes de
papier & de toile qui fervent A cet ufage.
ENVELOPPE : les arbres , les graines ont
plufieurs enveloppes qui changent de déno-«.
mination.
Enveloppe , parmi les Bourjiers , eu
le morceau de cuir qui couvre le bois d'une
cartouche.
ENVELOPPÉE , f. f. ou Sillon,;
terme de fortification , par lequel on ex-
prime une efpece d'ouvrage conflruit dans
le fofTé , pour en diminuer la largeur,.
Voyt\ Villon. ( Q) •
ENVELOPPEMENT, (Co/n/ra.)aôion
d'envelopper. Ce terme n'efl guère en ufage,
* ENVELOPPER , v. aft. c'efl couvrir
une chofe d'une autre qui s'applique exac-
tement fur la première , en conféquence
de fa flexibilité. Il fe dit au fimple & au.
figuré»
Envelopper , (Gramm.) c'efl couvrir
d'une enveloppe de papier , de toile ou
de carton , pour conièrver ou mettre en
paquet.
•EN VERGER , v. ad. che\ les B oise-
liers ; c'efl garnir les foufflets de plufieurs
E N V
verge* ou baguettes de bois , qui font ©our- '
bées félon la forme des foufflets , & fur
lefquelles s'applique le cuir qui les couvre.
ÉNVERGER , dans les Manufactures de
foie ; c'efl faire croifer les fils de foie fur
fes doigts , de manière que l'un ne puiflfe
pas paîfer devant l'autre , pour les difpofer
enfuite fur des chevilles.
On enverge auffi les femples , le rame ,
le corps , &e. & le terme enverge r n'a pas
une acception autre , que quand il s'agit
des fils de foie.
ENVERGER UNE CORDE , terme de
rivière ; c'eft la porter au deifus d'un pont ,
pour le pafîage d'un bateau. Il y a un offi-
cier envergeur de corde au pont-royal.
ENVERGEURE dun oifeau , (Hifl.
nat. ) c'eft la longueur qu'occupent tes
ailes déployées.
ENVERGEURE , terme de la Fabrique
des étoffes de foie. Les envergeures font de
petits bouts de ficelle très-fine & très-dou-
ce , qui fervent à enverger les chaînes avant
de les lever de deffus l'ourdiffoir.
Le même mot fe dit aufîï des ficelles de
foie ou de fil qu'on pafle dans les deux
féparations des fils de foie , &c. quand on
les a envergés.
ENVERGUER UNE VOILE oaEN-
VERGUER LES VOILES, (Marine.)
c'efl attacher & placer les voiles. Envergue*
tout proche de la vergue y fans laiffer de
jour entre deux. (Z)
ENVERGURE, f.ri. (Marine.) c'eft
la pofition ou Fanprtiment des vergues
avec les mâts & les voiles. Ce mot fe dit
auffi de la largeur des voiles ; ce qui s'en-
tend par navire qui a beaucoup d'envergure ,
& navire qui a peu $ envergure. (Z)
* ENVERS , f. m. (Gramm.) On donne
généralement ce. nom à la face la moins
belle ou la moins commode dans tout ou-
vrage où l'on diftingue deux faces , dont
l'une efl ou plus belle ou plus commode
que l'autre ; ainfi le drap a fon envers y
dont le côté oppofé s'appelle Y endroit. S'il
•arrive que l'ouvrage foit auffi beau ou auffi
commode à Y envers qu'à l'endroit , alors
on dit qu'il a deux envers-, On. diroit plus
exactement qu'il efl fan» envers , ou qu'il a
deux endroits.
ENVERSAIN , f. m. ( Mfinufacl. en
E N V 579
drap. ) étoffés qu'on nomme autrement
cordillats de Crefl. Voye^ CORDILLA.TS.
• ENVIE , f. f . ( Morale. ) inquiétude
de l'ame , caufée par la confidération d'un
bien que nous defirons , & dont jouit une
autre perfonne.
1 II réfulte de cette définition de M. Xocke ,
que Y envie peut avoir plufieurs degrés ;
qu'elle peut être plus ou moins malheu-
reufe , & plus ou moins blâmable. En gé-
néral elle a quelque choie de bas , car d'or-
dinaire cette fombre rivale du mérite ne
cherche qu'à le rabaifîer , au lieu de tâcher
de s'élever jufqu'à lui : froide & lèche fur
les vertus d'autrui , elle les nie , ou leur
refufe les louanges qui leur font dues.
Si elle fe joint à la haine , toutes deux
fe fortifient l'une l'autre , & ne font re~
oonnoiffables entr'elles , qu'en ce que la
dernière s'attache à la perfonne , & la pre-
mière à l'état , à la condition , à la for-
tune , aux lumières ou au génie. Toutes
deux multiplient les objets , & le« rendent
plus grands qu'ils ne font ; mais Y envie eif.
en outre un vice pufillanime , plus digne de
mépris que de reffentiment.
Sans rafïèmbler ici ce que les auteurs ont
dit d'excellent fur cette paillon , il fuffiroit,
pour fe préferver de fa violence , de confi-
dérer l'envieux dans fes chagrins , ùs ref-
fources & Ces délices. •
Les objets qui donnent le plus de fatif-
fa&ion aux âmes bien nées , lui caufent
les plus vifs déplaifirs , & les bonnes qua-
lités de ceux de fon cfpece lui deviennent
ameres : le jeunefle , la beauté , la valeur ,
les talens , le favoir , &c. excitent fa dou-
leur. Trifie état , d'être bleffé de ce que l'on
ne peut s'empêcher de goûter & d'eftimer
intérieurement !
Les reffources de Y envie fe bornent à ces
petites taches & à ces légers défauts qui fe
découvrent dans les perfonnes les plus
illuftres.
Sa joie & fes délices font à-peu-près
femblâbles à celles d'un géant de roman ,
qui met fa gloire à tuer des hommes , pour
orner de leurs membres les murailles de
fon palais.
On ne fauroit trop préfenter les malheu-
reux effets de Y envie y lorfqu'elle porte les
gens en place à regarder comme leurs
Dddd 1
ffo E N V
rivaux & comme leurs ennemis , ceux dont
les confeils pourraient les aider à remplir
leur ambition. Agéfilas , en mettant Lylàn-
dre à la tète de Tes amis , fournit un exemple
f enfible de fa fageffe.
U'envie eft particulièrement la ruine des
républiques. Tandis que les Achéens ne*<
portèrent point d'envie à celui qui étoit
le premier en mérite-, & qu'ils lui obéi-
rent , non-feulement ils le maintinrent
libres au rnilieu de tant de grandes villes ,
de tant de grandes puiffances , & de teint
de tyrans , mais de plus , par cette fage
conduite , ils affranchirent & fauverent la
plupart des villes greques.
Quoi qu'il en foit des efFets de l'envie
contre les gens vertueux dans toutes iortes
de gouvernemens , Pindare dit avec rai-
fon que pour Pappailrr il ne faut pas
abandonner la vertu ; ce feroit acheter
trop cher la paix avec cette paffion lâ-
che & maligne , d'autant plus qu'elle il-
luflre fon objet , lorsqu'elle travaille à
Pobfcurcir : car à mefure qu'elle s'acharne
iur le mérite fupérieur qui la blefTe , elle
rehaufîe l'éclat de l'hommage involontaire
qu'elle lui rend , & manifefte davantage
la balTèlTe de Famé qu'elle domine. C'eit
ce qui faifoit dire à • Thémifîocle , qu'il
n'envioit point le fort de qui ne fait
point d'envieux ; & a Cicéron , qu'il
«voit toujours été dans ce fentiment , que
Y envie 'acquife par la vertu , étoit de la
gloire. Article de. M. le chevalier de
J AU COURT.
Envie, (Médec.) çS'ovfy. Cette affec-
tion de l'ame , qui confifte dans une
maligne trilteiTe que l'on reffent en con-
sidérant les avantages d'autrui , foit par
rapport aux qualités de Fefprit , foit par
rapport à la fortune ; cette baffe & vile
paffion, qui rend l'humeur chagrine , &
n'ocupe que des chofes qui paroifïènt
très-défagréables & très-fâcheufes , relati-
vement à fon objet , peut être tellement
exceilive , qu'elle eonftitue une forte de
délire mélancolique , & qu'elle peut- pro-
duire les mêmes effets que cette maladie,
& fur-tout la maigreur , l'atrophie ; parce
que les envieux iont rêveurs , éprouvent»
àes ennuis mortels, des agitations conti-
nuelles, des infomnies j perdent l'appétit,
E N V
& tombent dans un état de langueur qui
eft le plus fouvent accompagné de fièvre
lente , &c. C'eft ce que donne à entendre
fort judicieufement la defeription que, font
les poètes de V envie. Entr'autres traits qui la
caraclérifent , félon eux , c'eft un ferpene
qui lui ronge le fein. Ils donnent à entendre-
par-là que fi elle fait du mal , elle n'en
reifent pas moins , & qu'elle porte ren-
fermé en elle-même le fùpplice de fa mé-
chanceté.
Lorfque Y envie eft pouffée à ce degré qui
la rend ii nuifible à l'économie animale ,.
qu'elle peut être regardée comme une vraie
maladie , il faut la traiter comme l'affection
hypocondriaque. Les bains domeftiques, les
eaux minérales , le laitage, les anodyns peu-
vent produire de bons effets ; mais à ces
remèdes phyfiques , il convient de joindre
les remèdes moraux , que la philoibphie &
la religion fourniffent , pour tacher de gué-
rir Tel prit en même temps que Fon travaille
à changer la dnfpofition du corps : fans
ceux-ci , ceux-là font ordinairement ineffi-
caces. Voye\ Mélancolie , Manie ,
& autres aftèdions fpirituelles.
Envie , en fbus-entendant déréglée , eff
suffi le nom que l'on donne communément
à la dépravation du fentiment, qui porte
naturellement l'homme à manger, à ufer
des chofes qui doivent fervir à fa nourri-
ture. Cette dépravation confifte dans un
defir immodéré de prendre des alimens fo-
lides ou fluides d'une efpece particulière ,
de bonne ou de mauvaifè qualité , qui ne
font pas d'ufage ou de failon , préférable-
ment à tous autres, ou d'employer comme
alimens , des matières ablurdes , niîifibles
par elles-mêmes , par la difpofition des per-
sonnes qui en ufent. Cet appétit dépravé a
reçu indiflindement de quelques auteurs,
tels que Rivière, le nom depica, 6c celui
de malaria.
Les affections désignées par ces différens
termes, ne différent, félon eux, que par
Pintenfité & la durée. D'autres font d'avis ,
avec Sennert , qu'il convient de diftinguer
deux efpeces de dépravations de l'appétit ;
d'appeller pica celle qui excite ceux qui en
font- affectés , tantèiommes que femmes , à
manger des chofes d'une nature abfolument
différente , & contraire même à celle des
E N V
alimens , comme de la craie , des charbons ,
des excrémens , &c. & de donner le nom de
malaria à celle qui affecte plus particulière-
ment les femmes groffes , & ne leur fait fou-
haiter de manger que des chofes ordinaires
& de bonne qualité , mais avec une ardeur
& une impatience à fe les procurer , qui
tiennent de la paffion , & qui font quelque-
fois fi démefurées , que celles qui éprouvent
ces fentimens , tombent dans la iangueur
& dans l'abattemenf de corps & d'elprit,
qui dégénère en une vraie mélancolie ; ou
qu'elles (ont agitées par ce violent defir , au
point de faire une fauife couche fi elles ne
font pas iarisfaires.
La dépravation d'appétit de la première
efpece , eft commune parmi les filles & les
femmes ; les enfans des deux fexes y font
fort lùjets : les hommes en font très-rare-
ment afkctés. Il ne confie prefque par aucun
exemple que les vieillards aient éprouvé
cette forte d'indifpofition. On ne voit guère
que les femmes greffes qui aient des envies
paffionnées pour certains alimens plutôt
que pour d'autres , ce qui leur arrive ordi-
nairement pendant les premiers mois de la
groifefTe ; mais elles ne font pas moins fu-
jettes au vice d'appétk de la première ef-
pece , pour lequel elles ont une diipofition
cfui leur eft commune avec toutes les per-
fonnes de leur fexe.
Le fentiment naturel qui nous porte à
prendre la nourriture convenable pour cor-
riger le vice que contractent nos humeurs ,
lorfqu'elles ne £>nt pas renouvellées , &
pour réparer les §ertes qui fe font par l'ac-
tion de la vie , tant des parties folides que
des parties fluides de notre corps ; ce fen-
timent qui fert le plus à exciter nos fens
pour la confervation de notre individu ,
nous fait avoir naturellement en horreur
tout ce qui eft connu de nature à pouvoir
nuire à l'économie animale , étant pris en
forme d'alimens* & il nous fait aufîi ré-
pugner à manger des chofes qui ne font
pas d'ufage , dans la crainte qu'elles ne
foient pas fàlutaire^ : ainfi le fentiment con-
traire , qui porte à faire ufage des chofes-
abfurdes, de mauvaife qualité, ou de celles
que l'on n'emploie, pas ordinairement pour
fé nourrir , ne peut pas être produit par
une diipofition naturelle des organes , dont
E N V i8r
la fonction eft d'exciter à manger. On ne
peut pas même attribuer la caufé prochaine
de la dépravation de l'appétit , au vice des
humeurs falivaires , ftomacales , & autres
de telle ou de telle nature , parce qu'il eft
certain que ce vice fuppofé , de quelque
nature qu'il puiflè être , ne peut fuffire
pour déterminer par lui-même cette dépra-
vation., telle que l'obfervation l'a fait con-
noitre , fans qu'il s'y joigne une autre con-
dition efTentielle pour l'établir.
Lorfqu'il s'eft pafTé un certain temps
depuis que l'on a pris de la nourriture , on
fe fent porté à en prendre de nouveau.
L'homme le plus appliqué à l'étude , occupé
des plus profondes méditations , peut , à
la vérité , s'abftenir de manger pendant un-
temps confidérable ; mais il éprouve enfin y
même contre fon gré , & quelque réfblu-
tion qu'il ait formée de prolonger encore
l'abftinence , l'aiguillon de la faim qui le
preffe , l'inquiète , l'importune par quelque
caufe que ce foit , jufqu'à ce qu'il ait pris
des alimens. Le" corps , la machine ont des
droits dont il n'eft pas au pouvoir de la-
volonté de les fruftrer. Voye^ Faim.
Cependant , quel que puiife être le vice
des organes ou des fucs digeftifs , foit dans
la bouche, foit dans l'eftomac , qui con-
courent à exciter ce fentiment falutaire , il
pourra bien former une caufe déterminante
de la dépravation de l'appétit ; mais il ne
fera pas fuffifant pour la produire immé-
diatement. Il n'y a vraifemblabiement que
la léfion de l'imagination ( d'où naît un
defir ardent de telle ou telle chofè , ab- ■
furde , nuifible, ou de quelque aliment de
bonne qualité , mais qui n'eft pas de faifôn
qu'il eft fouvent impofiible de trouver ).
que l'on puifTe regarder comme la caufe
prochaine de ce vice dans la, faculté conçu--
pifcible. L'expérience des perfonnes qui ont
été affectées de cette indifpofition , l'obfer-
vation que l'on a faite de ce qui peut la pro-
duire, prouvent conitamment que l'on ne
peut en imputer la: caufe efficiente qu'à la
léfion de l'imagination.
Il eft fouvent arrivé à des perfonnes fu£-
ceptibles de la dépravation d'appétit , â^eri'
contracter le vice & l'habitude même,,
d'après une trop forte application à confi-
dérer dans un tableau quelque chofe qy.ï
58i E N V
pût être l'objet de cette dépravation. On ne
peut pas dire avec fondement , que dans
ce cas l'humeur viciée reflue dans la bouche
ou dans l'eftomac , précifément à caufe de
l'attention que l'on donne à regarder -une
peinture. On ne peut pas dire non plus que
la caufe de cette afTèéfion efr engendrée
fubitement à cette occafion , fi on la tait
confiffer dans le vice de quelque humeur
ou de quelque organe que ce puiffe être;
l'imagination ne s'ell tournée à defirer ar-
demment telle ou telle chofe , que confé-
quemment à ce que cette chofe lui a été
préfentée dans ce tableau : il ne paroît pas
que l'on puilTe rendre autrement raifon de
ce phénomène , d'autant plus que ce defir
immodéré des chofes abfurdes ou autres ,
qui conftitue la dépravation de l'appétit ,
fubfifte quelquefois pendant long-temps ,
comme un objet fixe de délire , qui dé-
tourne l'efprit de toute autre peniée , qui
ne l'occupe que de la chofe defirée , foit
pour fe la procurer , foit pour s'en fournir
& en continuer l'ufage ; en forte que cette
affection peut fe faire lentir prefque fans
relâche , ou au moins par des retours très-
fréquens.
Elle eff tellement de la nature des ma-
ladies qui dépendent principalement du vice
•de l'imagination , que l'on a lbuvent guéri
des perfonnes qui avoient l'appétit dépravé ,
•en éloignant foigneulement tout ce quipou-
voit rappeller ou fixer l'idée de l'objet de
cet appétit , en évitant même d'en faire
mention , & en ne préfentant que de bons
alimens , qui puffent effacer l'idée des mau-
vais dont on étoit occupé.
On ne doit pas être furpris de voir les
femmes , fur-tout , très-fujettes à cette efpece
de maladie fpirituelle , fi l'on fait attention à
ce qu'elles ont des organes beaucoup plus
délicats & plus fenfibles que les hommes ;
qu'elles mènent ordinairement une vie plus
fédentai e ; qu'elles ont l'imagination plus
vive ; qu'elles éprouvent , pour la plupart ,
de fréquens dérangemens dans leurs fonc-
tions , à caufe du flux menftruel , dont la
diminution & la fiippreffion , foit à l'égard
d^6 filles par maladie , foit à l'égard des
femmes par la grofTefTe , font des change-
mens dans ïa circulation du fang , qui ,
après avoir croupi dans les -vaiflèaux uté-
E N V
rins , reflue dans la maffe des humeurs >"
s'y mêle , & la corrompt de manière qu'il
s'enfuit bien des troubles dans l'économie
animale , que l'on ne fauroit attribuer à la
feule quantité du fang excédante par le
défaut d'évacuation périodique , puifque
les taignées répétées , qui en enlèvent plus
qu'il n'en efr. retenu de trop , ne font pas
le plus fouvent ceffer ces defordres. Voye\
Opilation , Grossesse.
Il réfulte par confequent de toutes ces
difpofitions , que les perfonnes du fexe lont
plus fulceptibles d'engendrer de mauvaiies
humeurs , & de fournir matières aux caufes
déterminantes & prochaines qui peuvent
produire la dépravation de l'appétit. C'efl
dans cette idée que Rivière dit que les
humeurs dominantes peuvent être de na-
ture à déterminer la fantaiiie à defirer des
chofes abfurdes, &c. ainfi il femble par-M
reconnoitre les mêmes cauies des envies ,
que celles qui viennent d'être établies.
Si quelques hommes fe trouvent avoir
des difpofitions approchantes de celles que
l'on obferve dans les femmes , ils font auffi
fujets qu'elles à l'affection dont il s'agit ;
c'eft pourquoi on en a vu d'un tempéra-
ment délicat reffentir comme elles tous les
effets de la depravation.de l'appétit. C'eft
par k même raifon que quelques jeunes
garçons ont aufli des envies > des fantaifies
de manger certains alimens , ou autres
chofes qu'ils prennent comme alimentaires.:
mais il n'efr pas aufli ailé de rendre railbn
d'un pareil vice dans le» vieillards , qui
n'efr. pas fans exemple* on en trouve un
entr'autresdansManget , Bibl. méd.pract.
tome III y à l'égard d'un artifan d'un âge
afïez avancé, à qui il étoit arrivé plufieurs
fois d'éprouver une dépravation d'appétit
bien marquée , & des vomiifemens très-
fréquens & très-farigans , toutes les fois
que fa femme devenoit enceinte. Ces
fymptomes nepouvoientetre vraifemblable-
roent qu'une fuite de la lefi-on de l'ima-
gination de cet homme , dont la fènfibilité
lur l'état de là tanme , qui étoit fans doute
la première affectée , changeoit la difpofi-
tion des fibres de fon cerveau , & érablif-
foit la caufe prochaine d'une forte de dé-
lire mélancolique concernant les alimens ,
i tel que celui' de fa femme. Il n'eif. pAs
E N V E N V 5g5
d'ailleurs rare , quant au vomifTem^nt de | blés ', telles que du poivre en grande quan-
tité. Nicolas Florentin , fermon V , tract.
IV y cap. xxxvj y dit en avoir vu une qui
en avoit mangé près de vingt livres , fans
cet homme , que des perfonnes fe Tentent
des naufées & vomiffent même en voyant
vomir quelqu'un.
La dépravation de l'appétit peut être
facilement diftinguée de toute autre ma-
ladie , par les lignes caractériftiques , men-
■ tionnés dans la définition de cette maladie ,
fous le nom d'envie. La différence des ei-
peces de cette affection a auffi été fuffi-
famment établie au commencement de cet
article : ainfi lorfque des femmes greffes
n'ont des envies que pour des alimens
d'ufage ordinaire , cette dépravation d'ap-
pétit, qui ne confifte que dans le defir
immodéré , &: fouvent- hors de iaifon , de
ces alimens , doit être diftinguée par le
nom de maucia , du vioUnt defir des
chofes abfurdes , qui conftitue la maladie
appellee pica : celle-là fe change fouvent
en celle-ci. En effet , on voit journelle-
ment des fçmmes enceintes qui ont les
fantaifies les plus fîngulieres : plufieurs fou-
haitent de mordre des animaux, d'étrangler
des oifeaux avec les dents ; quelques-unes
mangent même des animaux vrvans. Drin-
cavel rapporte de fa mère , qu'elle avoit
mangé des écreviffes crues. Foreftus , liv.
VIII , obfervation 7 , fait mention de
plufieurs femmes enceintes , qui avoient
dévoré des anguilles vivantes : il parle auffi
d'une qui avoit mangé toute la peau d'une
brebis avec fa laine. Il eft même arrivé ,
ièlon Langius, lib. II, epift. IZ, qu'une
femme grofTe avoit eu une forte envie de
mordre le bras d'un jeune boulanger , &
qu'il avoit fallu la fatisfaire , à quelque
Enx que ce fût , pour éviter qu'elle ne fe
leifât. Une autre , félon le même auteur ,
avoit eu une fantailie de cette efpece , bien
plus violente encore ; c'étoit de fe nourrir
de la chair de fon mari : quoiqu'elle l'ai-
mât tendrement , elle- ne laiffa pas de le
tuer, pour affouvir fon cruel appétit; &
après avoir mangé une partie de fon corps ,
elle fala le refte , pour le conferver & s'en
raffafier à plufieurs repfifes. Ce font là des
exemples très.-rares , au moins s'ils font
bien certains.
Mais ce qui arrive plus communément ,
c'eft que les femmes groffes aient des envies
de manger des choies abfurdes & nuiii-
que cet excès la fît . avorter : d'autres
mangent du linge, de la chaux , du cuir,
des excrémens même , félon fobfervation
de Borelli , cent. III, obferv. z ; d'autres ,
des cendres, du charbon , de la craie, du
fel , du vinaigre , &c. & ne prennent
aucun bon aliment avec goût , pendant
qu'elles ufent avec avidité de ces différentes
ordures.
La plupart de ces chofes font auffi l'ob-
jet de l'appétit dépravé des filles ; mais il
eft rare qu'elles fment auffi exceffives dans:
leurs deiirs déréglés que les femmes grof-
fes : la dépravation de l'appétit dans les
filles eft- toujours accompagnée d'un vice
ds humeurs , qui pèche par fa quantité
ou par fa . qualité , qui difpofe le plus fou-
vent à la fuppreûion des règles , ou en
eft une fuite. Ce vice eft différent , félon
la différence des objets abfurdes de l'ap-
pétit dépravé : ce vice dominant fe fait
connoître par les naufées , les vomifîê-
mens , les douleurs que les perfonnes af-
fe&ées rapportent à feftomac , la pâleu*
du vifage , & autres lymptomes qui dé-
pendent de ce vice , dont il n'eft d'ailleurs
pas poilible de déterminer précifément la
nature particulière , qui fait varier le goût
| pour l<°s différentes matières qui font l'objet
de l'appétit dépravé.
II. eft plus aifé de juger des fuites que
peut avoir cette biïcà'ion , & de prévoir
fi elle fe terminera par le rérablifïèment de
la fanté , ou par la mort ; ou fi elle dégéné-
rera en quelque autre maladie. Lorfqu'elle
eft fimple , il n'y a rien à en craindre ,
quand même elle auroit duré depuis long-
temps. Les obftruâions , la cachexie , les
pâles couleurs , l'hydropifie , ■ la fièvre
lente , &c. font les maladies auxquelles
elle fç trouve fouvent jointe , & qu'elle
peut auffi produire par les effets de la
mauvaife nourriture. Les femmes encein-
tes font ordinairement délivrées du mala*
cia y & même du pica , environ le qu;>.
trieme mois de leur groffeffe , parce qu$
l'enfant qu'elles portent dans leur fein , a
alors acquis allez d'aecroiffement pou^
4^4
E N V
confumer toute la partie furabondante des |
humeurs qui ie portent à la matrice ; par
conféquent elle n'eft plus dans le cas d'y
engorger les vaiflêaux , d'y croupir , de
refluer dans la mafTe & d'y produire les
-mauvais effets mentionnés. Si la déprava-
tion de l'appétit fubfifte au delà du qua-
trième mois , elle / devient dangereufe ,
parce qu'elle dépend d'une autre caufe que
la fîmple grofîefle , & qu'elle prive le
fœtus de la nourriture ; alors elle ne peut
qu'être extrêmement nuifible à la mère &
 l'enfant. On a vu différentes fortes d'en-
vies terminées par la mort : mais , dans
ces cas , elles n'étoient pas {impies ; elles
ji'étoient que des fymptomes de maladies
plus confidérables , qui font devenues mor-
telles , fans qu'on pût en accufer les envies
dont elles étoient accompagnées.
On doit en général fe propofer deux
objets dans la curation de l'appétit dépra-
vé ; lavoir , de corriger l'erreur de l'ima-
gination , & le vice dominant du corps :
ii c'eft l'eiprit qui eff le plus affeclé , le
médecin doit y faire beaucoup d'atten-
tion , & s'appliquer particulièrement à le
remettre en bon état , par des remèdes
moraux : s'il y a indice de mauvais lues
abondans dans les premières ou dans les
iecondes voies , on doit faire en forte qu'ils
foient évacués , ou qu'ils changent de qua-
lité & s'améliorent : il faut prefque tou-
jours- , dans cette affection , traiter en
même temps le corps & Tefprit. Après
avoir employé les remèdes généraux , félon
qu'ils font indiqués , on doit enfuite avoir
recours aux altérans appropriés au vice
dominant des humeurs ; & comme elles
(ont le plus fouvent épaiffes , groffieres &
difpofées à former des obftru&ions , on
fait ufage avec fuccès de légers apéritifs,
rendus plus actifs par degpé , fous diffé-
rentes formes. Les eaux minérales , celles
de Balaruc , fur-tout , comme purgatives ,
& celles de Vais comme altérantes , ou
toutes autres de nature approchante , font
très-recommandées dans ce cas. Si le fang
pèche par acrimonie , comme lorfqu'il a
contracté ce vice par l'ufage exceflif , qui
a précédé , du poivre , du fel , de la chaux ,
&: autres choies femblables, après avoir
rempli les préalables convenables , on doit
E N V
employer les humedans, les rafraîchifîans
& les adouciffans , auxquels on pourra
affocier efficacement les légers apéritifs ,
les laitages , & les eaux minérales aci-
dulés.
On appelle aufli envie des taches ou
autres chofes contre nature , qui paroi£-
fent fur le corps des enfans nouveau-
nés , que l'on attribue au pouvoir de
l'imagination des femmes enceintes , d'im-
primer fur le corps des enfans renfermés
dans leur fein , les figures des objets qui
les ont frappées particulièrement , enfuite
des fantaifies qu'elles ont eues pour cer-
taines chofes , fans pouvoir fe fatisfaire ;
ce qui a fait donner proprement le nom
d'envie à ces défeduofités. C'eft mal-à-
propos qu'elles font nommées ainfi , lors-
qu'elles font réputées une fuite de la
crainte , de la frayeur , ou de tout autre
fentiment de l'ame , qui n'eff point agréa-
ble : ces marques font appellées des
Latins d'une manière plus générique »
noevi y & des Grecs (tt'ikoi , arnihoyctTA,
Voye\ Fœtus , Grossesse , Imagi-
nation, (d)
* Envie , ( Mythologie. ) Les poètes
Grecs ou Romains en ont fait une divi-
nité infernale : ils ont dit qu'elle a*oit
les yeux louches , le corps décharné , le
front pâle , l'air inquiet , la tète coëffée
de ferpens , &c.
ENVIEUX, JALOUX, fynonymes.
Voici les nuances par lefquelles ces mots
différent. i°. On eft jaloux de ce qu'on
pofîede, & envieux de ce que poiTedent
les autres : c'eff ainfi qu'un amant eff ja-
loux de fa maîtrette , un prince jaloux de
fon autorité. 2.°. Quand ces deux mots
font relatifs à ce que poffedent les autres ,
envieux dit plus que jaloux : le premier
marque une difpofition habituelle & de
caradere ; l'autre peut défigner un fenti-
ment pafTager : le premier défigne aufli un
fentiment aduel plus fort que le iècond.
On peut être quelquefois jaloux fans être;
naturellement envieux y la jaloujie y fur-
tout au premier mouvement , eff un fen-
timent dont on a quelquefois peine à fc
défendre : Y envie eft un lentement bas ,
qui ronge & tourmente celui qui en eff
pénétré. (O)
ÉNUMÉRATION.
ENU
ENUMÉRATION. ( Art poétique. )
Cette figure de rhétorique eft admirable
en poéfie , parce qu'elle raffembîe , dans
un langage harmonieux , les traits les plus
frappans d'un objet qu'on veut dépeindre ,
afin de perfuader , d'émouvoir & d'entraî-
ner l'efprit , fans lui-donner le temps de fe
reconnoitre. Je n'en citerai qu'un feul
exemple , tiré de la tragédie d'Athalie.
Jehu , qu avoit choififa fagejft profonde ;
Jehu , fur qui je vois que votre efpoir je
fonde.
D'un oubli trop ingrat a payêfes bienfaits.
Jehu laiffe d'Achab Vaffreufe fille en paix ;
Suit des roisd'Ifraël les prophanes exemples,
Du vildieu de f Egypte a confervé les temples.
Jehu , fur les hauts lieux , ofant enfin off'iir
Un téméraire encens que Dieu ne peut
foufrir ,
N*a , pour fer vir fa caufe & venger fe s in~
JUres> -
Ni lecteur ajje{ droit , ni les mains affe-^
pures*
Article de M. le Chevalier de Jau court.
ENUMÉRATION , DÉNOMBREMENT ,
(Hift. a ne. )l'action décompter ou de marquer
le nombre des chofes. Voy. Numération.
Au temps de la naiflance de Notre-
Seigneur , Céfar-Augufte avoit ordonné
qu'on fit le dénombrement du monde , ou
E NV s$S
millions foixante- trois mille. Pan 746 on
fit encore le dénombrement des citoyens
romains , qui fe trouva monter à quatre
millions deux cens trente-trois mil'e. L'an
766 , qui fut le dernier de la vie d'Au-
gufte , ce prince fit avec Tibère un autre
dénombrement des citoyens romains , donc
le nombre fe trouva monter à quatre mil-
lions cent trente-fept mille perfonnes. Clau-
de fit un nouveau dénombrement l'an 48
de Jefus-Chrift ; & fuivant le rapport de
Tacite , les citoyens romains répandus
dans tout l'empire, fe trouvoient monter
alors à fix millions foixante- quatre mille ,
quoique d'autres repréfentent ce nombre
comme beaucoup plus grand. Une mé-
daille de Claude très-rare marque plus
précifément le dénombrement fait par Clau-
de , qu'elle appelle ojlenfio , & qu'elle fait
monter à fept millions de perfonnes en état
de porter les armes . fans parler des armées
qui étoient fur pie , & qui montoient à
cinquante légions , cinquante fept cohor-
tes & foixante foldats. Après cette é numé-
ration , nous n'en trouvons plus jufqu'à
celle de Vefpafien , qui a été la der-
nière. Voye{ (article DÉNOMBREMENT-
Chambers. (G)
* ENVOI , f. m. ( Gramm. ) adion
par laquelle on fait transporter une chofe
(d'un lieu à un autre. On dit faire un envoi
de marchandifes par terre ou par eau ,
faire un envoi de lettres de change par un
plutôt du peuple de fon empire ; quoique courier ou par un exprès. (G)
d'habiles auteurs croient que ce cenfus ou
dénombrement , dont parle S. Luc, ne s'é-
tendit pas fur tout l'empire , mais qu'il
fut particulier à la Judée. Voye^ Perizo-
nius , de cenfu judaïco , & Berger ; de viis
militaribus.
On étoit à Rome dans Pufage de faire
le dénombrement de toutes les familles. Ce
fut Servius Tullius qui fit le premier, le-
quel ne fe trouva comprendre que 80 mille
hommes : Pompée & Craffus en firent un
fécond , qui fut de 400 mille hommes:
celui de Céfar ne fut que de 100 mille
hommes ; ainfi la guerre civile avoit fait
périr 300 mille citoyens romains.
Sous Augufte , en l'an 715 , les ci-
toyens romains , dans toute l'étendue de
l'empire , fe trouvèrent monter à quatre
Tome XI h
ENVOIE , ( Marine. ) terme de com-
mandement que l'on fait au timonnier de-
pouffer la barre du gouvernail , pour met-
tre le'vaifleau vent devant. (Z)
* EN VOILER , (s') v. paiT. ( Art.
méchan. ) il fe dit de tout corps qui venant
à fe tourmenter , fe fléchit & dont les
parties qui étoient auparavant dans un
même plan , fe trouvent dans des plans
difFérens. S'envoiler eft fynonyme à fe dé-
jeter ; les planches senvoilent par l'action
de l'humidité , les lames fe dé jettent à la
trempe.
^ ENVOYÉ , adj. pris fubft. (H//?, mod. )
fe dit d'une perfonne députée ou envoyée
exprès pour négocier quelque affaire avec*
un prince étranger ou quelque république».
Voye{ Ministre.
Eeee-
s%6 EN Y
Les miniftres qui vont de la cour de
France ou de celle d'Angleterre , à Gènes ,
vers les princes d'Allemagne , & autres
petits princes & états , n'ont point la qua-
lité d: ' ambaffadeurs , mais de (impies envoyés.
Joignez à cela que ceux que quelques grands
princes envoient à d'autres de même rang,
par exemple! l'Angleterre à l'empereur ,
n'ont fouvent que le titre d'envoyé , lorfque
le fujet de leur commifïion n'eft pas fort
important. Voyez AMBASSADEUR.
Les envoyés font ou ordinaires ou extra-
ordinaires. Voye{ Ordinaire & Extra-
ordinaire.
Les uns & les autres jouiiTent de toutes
les prérogatives du droit des gens aufli- bien
que les ambafladeurs , mais on ne leur rend
pas les mêmes honneurs. La qualité d'en-
voyé extraordinaire , fuivant l'obfervation
de Wiquefort , eft très-moderne, & même
beaucoup moins ancienne que celle de réfi-
dent. Les miniftres qui en ont été revêtus ,
ont voulu d'abord fe faire confidérer pref-
que comme des ambaffadeurs , mais on les
a mis depuis fur un autre pie.
La cour de France en particulier déclara
en 1654 , qu'on ne feroit plus à ces minif-
tres l'honneur de leur donner les carroffes
du roi & de la reine pour les conduire à
l'audience, & qu'on ne leur accorderoit
plus divers autres honneurs.
Juftiniani , le premier envoyé extraordi
naire de la république de Venife à la cour
de France, depuis que les honneurs y ont
été réglés , prétendit' fe couvrir en parlant
au roi , & cela lui fut refufé. Le roi déclara
même à cette occafion qu'il n'entendoit
point que Y envoyé extraordinaire qui eft de
fa part à Vienne , fût regadé autrement
qu'un réfident ordinaire. Depuis ce temps ,
on a traité de la même manière ces deux
efpeces de miniftres. Voyc^ Wiquefort ,
Champ. & leDiâionn. de Trévoux. (G)
ENVOYER , v. ad. ( Gramm. ) faire
l'envoi d'une chofe. La campagnie des In-
des envoie tous les ans un certain nombre
de vaiffeaux aPondichery.
*ENYALIUS,( Mnhol.) furnom
qu'on donnoit à Mars , fils de Bellonne ,
qu'on apoeloit aufti Nia.
■ ENYÈD , ( Géogr. ) ville d'Hongrie ,
dans la Tïanfylvanie , au diftrict de Weif-
ENZ
fenbourg. Elle eft peuplée de ré'formé's en
tr'autres qui y jouiiTent d'un collège pour
l'éducation de la jeunefle , & l'on trouve
fréquemment dans fes environs des mé-
dailles romaines. {D.G.)
ENYO , ( Mythol.) Quelques auteurs;
difent que le dieu Mars portoit Je nom
d'Enyalius , parce qu'il étoit fils de Jupiter
& d'Enyo , dédie de la guerre. Stace dit
qu'£/2jopréparoit les armes, les chevaux
& le char de fon fils , lorfqu'il alloit au
combat. Phurnutus , dans fon traité De
natura Deorum , rapporte que les auteurs
varient fur l'origine & les fondions d'Enyo :
les uns difant qu'elle étoit mère , les au-
tres foutiennent qu'elle étoit fille , dautres
enfin attellent qu'elle étoit fimple nourrice
du dieu Mars ; mais il ajoute que tous les
mythologiftes s'accordent à dire qu'Enyo
en grec lignifie qui donne , qui excite le
courage , la valeur & la fureur dans le
cœur des combattans. L'interprète de Ly-
cophron dit qu'Enyo , fœur de Gorgones ,
étoit une épithete que l'on donnoit à Ju-
non. Héfiode, dans fa Théogonie , attefte
quEnyo étoit fille dePhorcynos &de Ceto
& par conféquent qu'elle étoit fœur des
Phorcynides. On lit dans Paufanias
qu'Enyo ainfi que Paîlas préfidoient à la
guerre , & la dirigeoient. ( V. A. L. )
ENZ , ( Géogr. ) rivière du duché de
Wirtemberg , dans le cercle de Souabe ,
en Allemagne. Elle naît au pié des mon-
tagnes de la Forêt Noire, reçoit le Nngold ,
& tombe dans le Necker : fon cours eft na-
vigable jufqu'affezprès de fa fource. (D.G )
ENZERSDORF , (Géograp. ) ville
d'Allemagne, dans la baffe- Autriche , dans
le quartier inférieur du Manharfberg , au
bord du Danube : elle a un château d'une
certaine importance , & elle appartient
aux évêques de Freyfingue. ( D. G. )
* ENZINA , nom Efpagnol qui ligni-
fie chêne. Ainfi l'ordre d'en^ina ou l'ordre
du chêne , eft le même. La marque dif-
tinclive de cet ordre étoit une croix rouge
fur un chêne.
E O
EOLE, (MyiKd.) C'eft le roi ,ou
pour mieux dire, le dieu des vents ; car ,Yui-
E O L
vant la remarque du P. Sanadon , les vents
paroiflenc dans la Mythologie comme des
efpeces des petits génies , volages , inquiets
& mutins , qui femblent prendre plaifir à
bouîeverfer l'univers. Ce font eux qui ont
donné entrée à la mer au milieu des terres ,
qui ont détaché quantité d'illes du conti-
nent , & qui ont caufé une infinité d'autres
ravages dans la nature.
Pour prévenir de pareilles fentreprifes
dans la fuite, la fable les reflerra dans de
certains pays , particulièrement dans les ifles
éoliennes , aujourd'hui les ifles de Lipari , en-
tre l'Italie & la Sicile ; & en conféquence
la même fable leur donna un roi nommé
Eole.
Ce nouveau monarque , ou plutôt ce
nouveau dieu , a joué un grand rôle dans
la Poéfîe , pour élever les tempêtes , ou pour
les calmer. UlyfTe s'adreffe à lui dans Ho-
mère , pour en obtenir une heureufe navi-
gation : mais dans Virgile , la reine même
des dieux ne dédaigne pas d'implorer fon
fecours,pour traverfer l'érablifTementde la
colonie troyenne en Italie , & l'on peut
dire que le roi des vents a la gloire de com-
mencer le nœud de cette grande adion
dans l'Enéïde.
C'eft lui qui , dans un antre vafte &
profond , tient tous les vents enchaînés ;il
les gouverne par fa puifTance ; & fe tenant
aflls fur la montagne la plus haute , il ap-
paife à fa volonté leur fuire , s'oppofe à
leurs efforts , les arrête dans leurs prifons ,
ou les met en liberté : s'il ceflbit un mo-
ment de veiller fur eux , le ciel , la terre ,
la mer , tous les élémens feroient con-
fondus.
Celfafedet (Eolus arce
SceptfW tenens , mollitque animos , & tem-
pérât iras ;
Ni faciat , maria , ac terras , ccelumque
profundum
Quippe feront rapidi fecum , vert^ntqueper
auras.
^Eneïd. lib. I. v. $x. & feqit..
Junon , pour l'engager à fervir fa colère ,
lui offre en mariage une des quatorze nym-
phes de fa fuite , & la plus belle de toutes ,
en un mot Déjopée :
E O L 5S7
Sunt mihi bis feptem prceftandi cor pore
nymphce :
Quarum , quac forma pulcherrima , Dejo-
peiam.
Connubio jungam ftabili , propriamque
dicabo :
Omnes ut tecum meritis pro talibus annos
Exigat , & pulchrâ faciat te proie parentem.
A ces mots , Eole enfonce fa lance dans
le flanc de la montagne, & Pentr'ouvre :
tous les vents à l'inftant fortent impétueu-
fement de leurs cavernes, & fe répandent
fur la terre & fur la mer.
Hcec ubi diâa , cavum converfâ cufpide
montem
Impulit in latus. At venu , velut agrnine
fado ,
Quâ data porta , ruunt , & terras turbine
perflant.
Alors s'élève une tempête afTreufe , donc
il faut lire la peinture admirable dans le
poème même , car elle n'a point de rapport
direct à cet article. Voye^ encore fur Eole t
Diodore de Sicile , lib. V. Strabon , lib I.
Ovide , Mêtamorph. lib. XI. Pline , lib. HT.
c. jx. Bochard , l'abbé Banier , les DiSionn.
de Mythologie. ( De JaucouRT.)
EOLIE ou EOLIDE , f. f. ( Géogr. )
contrée de l'Aile mineure , qui s'appela
Myfie , avant que les Eoliens yinfTent l'ha-
biter & lui donner leur nom. Elle eft fituée
fur la mer Egée , au midi de la Troade ,
& au feptentrionde l'Ionie, entre ces deux
pays.
. EOLIEN ou EOLIQUE , adj. ( terme
2s Gramm. ) nom d'un des cinq dialectes
de la langue grecque. Voye^ Grec & Dia-
lecte.
Il fut d'abord en ufage dans la Béotie ,
d'où il pafTa en Eolie. C'eft dans ce dialecte
que Sapho & Alcée ont écrit.
Le dialeâe éolien rejette fur-tout l'accent
rude ou âpre. Du refte il s'accorde en tanc
de chofes avec le dorique , qu'on ne fait
ordinairement de ces deux qu'un feul dia-
lede. C'eft pourquoi la plupart des gram-
mairiens ne comptent que quatre différens
dialectes grecs , quoiqu'il y en ait réelle-
ment cinq , en en faifant deux de \éolittt
Eeee 2.
588 EOL
& du dorique. Toy^DORIQUE & DIALEC-
TE. (G)
EOLIEN , en Mufique , eft le nom que les
anciens donnoient à un de leurs modes ou
tons , duquel la corde fondamentale étoit
immédiatement au-deffus de celle du mode
phrygien. Voyt^ MODES & Ton.
Le mode éolien e'toit grave, au repport de
Laïus. " Je chante , dit-il , Cérès& fa fille
» Mélibée époufe de Pluton , fur le mode
éolien , rempli de gravité. » {s)
* EOLIENS , f. m. pi. {Géogr. Hift. anc.)
peuplesde Grèce , ainfi appelés d'Eole fils
d'Helien. Ils pafterent dans l1 Afie mineure , {
& s'établirent dans la Myfie , dont ils chan- [
gèrent le nom en celui d'Eolie. Voye[\
Eolie.
*EOLIENNES , adj.pris fubft.( Géogr.
anc. Mythol. ) ce font aujourd'hui les ijles
de Lipari. Les volcans répandus dans la
principale , avoient donné lieu aux prêtres
d'en faire l'antre de Vulcain , & d'y placer
fes forges ; ce fut de-là qu'elle s'appella ;
Vulcanie.
ENVOYER, Voyez Avoyer.
E O L I PYL E , f. m. ( Phyf. ) inftru-
ment hydraulique qui confifte dans une
boule de métal creufe , ayant un cou ou un
tuyau. Cette boule étant remplie d'eau &
expofée au feu , il fort par le tuyau un vent
violent. Defcartes & d'autres fe font fervis
de cet inftrument pour expliquer la caufe
& la génération du vent ; c'eft pourquoi il
eft appelé éolipyle , comme qui diroit pila
JEoli, boule d;Eo!e ; parce queEole étoit
le dieu des vents. On voit la forme de cet
inftrument ( PL de Phifiq. fig. z8 ) A eft
la boule pofée fur des charbons ardens B ,
& C eft fon cou , par lequel fort le vent ou
la vapeur. On écrit ordinairement éolipyle ,
comme on prononce ; on devoit écrire
ceolipyle , fuivant l'étymologie : mais il
vaut encore mieux fe conformer à la pro-
nonciation.
Quelquefois le cou de Yéolipyle eft joint
à la boule par une vis ; ce qui elt plus com-
mode , parce qu'alors on a plus de facilité
à remplir d'eau la cavité. S'il n'y a pas de
vis , on peut la remplir de la manière fui-
vante : faites chauffer la boule jufqu'à ce
qu'elle foit rouge , & jettez-la dans un vaif-
feau plein d'eau ; l'eau entrera par le tuyau,
EOL
& remplira environ les deux tiers de la
cavité.
Si on .met enfuite Yéolipyle fur le feu , ou
devant le feu , enforte que l'eau & le vaif-
feau s'échauffent beaucoup; l'eau étantalorç
raréfiée & convertie en vapeur, s'échappera
avec beacoup de bruit & de violence j mais
par bonds , Se non pas d'une manière égale
& uniforme.
" En mettant Yéolipyle fur un brafier
bien allumé , » dit M. Formey , d'après la
plupart des phyftciens , dans un article qu'il
nous a communiqué fur ce fujet ; » le feu y
» dilate l'air , allant & venant au- travers
» des pores de la boule , fans aucun acci-
» dent fenfible ; parce que l'air qu'il chaffe
» trouve à s'échapper par la fortie du gou-
» lot. Si cette boule rougie par le feu eft
» plongée dans l'eau , l'air dilaté qui y de-
»> meure fe refterre aux approches de celle-
» ci. Le vafe fe trouve peu à-peu rempli
« d'eau & d'air , par portions à-peu-près
« égales. Remettez pour lors Yéolipyle fur
» les charbons en y enfonçant un peu le
» petit bout , & en tournant à l'air I'ou-
y> verture du goulot , que l'eau remplit par
» ce moyen fans s'écouler ; dès que le bra-
» fier fera vivement allumé, lefeuquifem-
w bloit ne pas agir fur l'intérieur de cette
» poire quand elle étoit fans eau , & que
n rien ne le retenoit, commence par y dila-
» ter l'air.L'air débande tous fes refTorts con-
» tre l'eau qui l'enveloppe ; celle-ci , quoi-
» que naturellement fans activité , étant
» fortement pouffée en tout fens & en mê-
;> me temps reflerrée de toutes parts par les
t} parois du vaiffeau , ne trouve que l'iffue
» du goulot vers laquelle fe tourne toute la
n furie du feu & de l'air, & par conféquenc
» de l'eau. L'eau en fort malj^ré la peti-
» tefte de l'iffue, & malgré la rCTiftance de
« l'air extérieur , en s'éiançant à quinze &
» à vingt pies de diftance. Ainfi le feu qui
» s'entretient paisiblement fous une marte
« de cendre par la liberté que mille petits
n fentiers lui laiffent de s'échapper à l'air
» & d'en tirer quelque fecours, vient-il à
» recevoir autour de lui quelques gouttes
w d'eau , il les étend , il les foùleve ,
» & fouleve avec elles la braife & la
« cendre. C'eft par cette raifon que le feu
n fouttrrain qui étant fculrouleroit autour
EOL
'y? ou au travers d'un petit caillou fans le dé-
g» placer , fe joignant à l'air & à l'eau, fou-
n levé des malles énormes , ébranle les ré-
y> gions , perce les terres , & fait voler les
n rochers. Quand le feu fécondé de l'air ,
7> pouffe devant lui des furfaces d'élémens
y/durs & maflifs , comme le fel & l'eau ,
•» qui ne peuvent être reçus par les ouver-
v tures qui livreroient paffage au fer , il fait
pi alors des ravages épouvantables & il
7> renverfe , brife , ou diffipe parce fecours
7) ce qu'il auroit traverfé par un écoulement
7) continuel étant feul. Ainfi quoique l'élaf-
7) ticité du feu ne foit pas toujours fenfible ,
7f elle eft toujours réelle , & c'eft de cette
7> élafticité modifiée ou fécondée par les
7> autres élémens , qu'on peut déduire les
9) différentes actions du feu. » M. Formey
»> cite ici le fpeâacle de la nature , tome IV.
Cette expérience de Yéolipyle eft une des
plus fortes preuves quepuiffent alléguer en
faveur de leur fentiment , ceux qui croient
que l'air eft la principale caufe de l'ébulii-
tion des fluides. Il paroît vraifemblable au
premier coup-dœil , que le vent de Yéoli-
pyle eft produit par l'air renfermé dans l'eau.
Mais lorfqu'on remplit d'eau Yéolipyle , il
n'y avoit prefque point d'air , & l'eau qu'on
a fait entrer ne contient qu'une dixième
partie d'air ; une fi petite quantité d'air peut-
elle être la matière de ce fouffle impétueux ?
De plus, lorfque le vent eft dans fa plus
grande force , plongez le cou de Yéolipyle
dans un vaiffeau plein d'eau froide , on ne
voit point paroître à la furfaceles bulles que
ce vent devroit produire , s'il étoit produit
lui-même par l'air. Donc , conclut-on , la
caufe du vent de Yéolipyle eft la même que
celle de l'ébullition , la vapeur de l'eau di-
latée 13 ou 14000 fois au delà de fon état
naturel. Cette dernière raifon eft-el!ebien
convaincante ? car quand ce feroit la vapeur
de l'eau qui produiroit le fouffle de Yéoli-
pyle , pourquoi cettevapeur expofée dans
l'eau froide ne produiroit- elle pas des bulles
d'air à !a furface , comme on prétend qu'elle
en produit dans l'ébullition ? Fbye^EBU LO-
TION , & les mém. acad. zj^.M.Muffchen-
brock , ejfais de Phyf. art. 8jo , paroît
aufîi attribuer le fouffle àeYéolipyleï lava-
peur de l'eau. Quoi qu'il en foit , voilà les
raifons de part & d'autre , fur lefquelles
EOL 5S$
on peut juger , & fur lefquelles on fera
peut-être encore mieux de fufpendre fon
jugement.
La vapeur ou l'air qui fort de Yéolipyle
a une chaleur fenfible près dé l'orifice ; mais
à quelque diftance delà elle eft froide ,
comme nous l'obfervons dans notre halaine.
On ne convient pas de la caufe de ce phé-
nomène. Les partifans des corpufcules l'ex-
pliquent en difant, que le feu qui eft con-
tenu dans la vapeur raréfiée , quoique fuffi-
fant pour fe faire fentir près de l'orifice , s'en
débarrafle enfuite , & devient infenfibîe
avant que d'être arrivé à l'extrémité de la
vapeur. Voye% Feu.
Les philofophes méchaniciens d'un autre
côté prétendent que la vapeur en fortant de
la boule , a une forte de mouvement circu-
laire en quoi confifte proprement la chaleur;
& qu'à mefure qu'elle s'éloigne de la boule ,
ce mouvememt diminue de plus en plus par
la réaction de l'air contigu , jufqu'à ce qu'en-
fin la chaleur devient infenfibîe. Voye^
Chaleur. Pouf nous, qui ne nous flattons
pas de favoir en quoi confifte la chaleur &
le froid, &qui croyons tous Iesphyficiens
aufh* peu avancés que nous fur ce point , nous
avouons fans peine que la caufe de ce phé-
nomène nous eft inconnue , ainfi que bien
d'autres.
Quelques auteurs ont propofé différens
ufages de Yéolipyle. i°. Ils croient qu'on
pourroit l'employer au lieu de foufflet pour
fouffler le feu , lorfqu'on a befoin d'une
très-grande chaleur. zQ. Si on ajuftoit une
trompette , un cor , ou quelqu'autre inf-
trument fonore au cou de Yéolipyle , il pour-
roit les faire fonner. $°. Si le cou étoit tour-
né perpendiculairement en-haut , & pro-
longé par le moyen d'un tube ou cylindre
creux qu'on y adapteroit , & qu'on mît une
boule creufe fur l'orifice du tube,cette boule
feroit élevée en l'air & y feroit foutenue
en voltigeant, tantôt plus haut, tantôt plus
bas , comme dans un jet d'eau. Voye[ FON-
TAINE. 40. L'éolipyle étant rempli d'une eau
de fenteur , au lieu d'eau fimple , pourroit
fervir à parfumer une chambre. Tous ces
ufages , comme l'on voit , ne font pas fort
importans ; quelques-uns feroient tout aa
plus curieux. (0)
EONES , Foyei Eons.
j-$a E O N
EONIKNTS , f. m. p!. ( JE/?, 'eccl )
on appela ainfi dans le xij fiecle les fecta-
teurs d'Eon de l'Etoile , gentilhomme bre-
ton , qui abufant de la manière dont on
prononçoit alors ces paroles , per. eum ( on
prononçoit eon ) qui venturus e(l judicare
vivos ù mortuos , &c. prétendoit qu'il étoit
le Fils de Dieu , devant juger un jour les
vivans & les mors. Cette héréfie , ou plu-
tôt cette ridicule extravagance , ne mérite
de place dans l'hiftoire que par le trouble
qu'elle caufa. Plufieurs fectateurs de cet
Êon fe îâifTerent brûler vifs , plutôt que
de renoncer à une fi étrange folie. O mife-
rashominum mentes ! Mais notre liecîe que
nous croyons fi éclairé , eft-il plus fage ?
Voye{ CONVULSIONN AIRES. (O)
EONS ou EONES , ( Théologie. )
mot tiré du grec «** , qui &r\gmÇ\.Q Jiecle ,
éternité. Voye[ SlECLE.
Quelques anciens hérétiques ont attaché
une autre idée au mot aon ; & partant des
principes da la philofophie de Planton ,
qu'ils entendoient mal , ils donnèrent de
la réalité aux idées que ce piîofophe avoit
imaginées en Dieu ; c'eft-à-dire , qu'ils les
perfonnifierent , & les diftinguerent de
Dieu même , prétendant qu'il les avoit
produites les unes mâles & les autres fe-
melles Voye{ Idée & Platonisme.
Ils appeloient ces idées éons ou éones ;
& de leuraflemblage complet ilsformoient
la Divinité , qu'ils nommoient wA^a^* ;
c'eft-à-dire , plénitude»
A commencer dès Simon le Magicien ,
tous les hérétiques des premiers fiecles trou-
vant la doctrine de l'Eglife trop fimple , &
à force de vouloir relever plus haut le Dieu
qu'ils reconnohToient pour fouverain ,
avoient ainft confondu les idées corporelles
avec les fpirituelles , & formé une fcien-
ce myftérieufe quTs appeloient Gnofe ,
qui leur fit donner à tous en général le nom
de Gnofliques , c'eft-à-dire , plus parfaits ou
plus éclairés que le commun des hommes.
u L'hiréfiarque Valentin qui parut vers
« l'an 134 de J.C. rafinant , dit M. Fleury ,
t> fur ceux qui l'avoient précédé , déduifoit
« une longue généalogie de plufieurs Eones
v> ou Aiones \ il en faifoit des perfonnes.
» Le premier & les plus parfait étoit dans
» une profondeur in vifible& inexplicable,
E O R
»3 &îlîe nom moit Proon , préexiflant J
» & de plufieurs autres noms; mais plus
» ordinairement Bythos , c'eft-à-dire pro-
n fondeur. Il étoit demuré plufieurs iiecles
n inconnu en filence & en repos , ayant
» avec lui feulement Enoïa , c'eft-à-dire
?> la penfée , que Valentin nommoit auftï
» Charis , grâce , ou Sigé , filence , &
» dont il faifoit la femme. Enfin Bythos
» avoit voulu produire le principe de tou-
yy tes chofes,.&avec Sigé il avoit engen-
» dré Nous , fon fils unique , femblable
n & égal à lui , feul capable de le com-
» prendre. Ce fils étoit le père & le prin-
» cipe des toutes chofes.N«~yj en grec intel-
» ligence , mais il eft du genre mafculin „
» c'eft pourquoi les Valentiniens en fai-
» foient un fils ; & quoiqu'il fût unique ,
» ils lui donnoient une fœur Aletheïa ,
» c'eft-à-dire , la vérité. Ces deux premiers
» couples Bythos &C Sigé , Nous & Ale-
t> theïa , formoient un quarré qui étoit
m comme la racine & le fondement de
n tout le fyftême : car Nous avoit engen-
» dré deux autres perfonnages ou Eones ,
>y Logos & Zoé , le verbe & la vie , & ces
» deux en avoient encore produit deux
» autres , Anthropos & Ecclefia , l'homme
» &Péglife.
» Le Verbe & la Vie , continue le me.
» me auteur , voulant glorifier le père >
» avoient encore produit dix autres , éones y
» c'eft-à-dire cinq couples ; car ilsétoient
» toujours deux à deux. L'Homme & I'E-
» glife avoient produit douze autres éones,.
» entre lefquelles étoit le paraclet , la foi >
» l'efpérance , la charité. Les deux der-
>j niers étoient Tdetos , le parfait , &
» Sophia y la fagelTe. Voilà les trente éones ,
» qui tous enfemble faifoient le pleroma.
y> ou plénitude invifible & fpirituelle. »
H:ft. eccléf.tom. I.liv. III. pag. 443. &444»
Ces hérétiques croyoient trouver claire-
ment tout cela dans quelques pafTages de
l'Ecriture, auxquels ils donnoient des ex-
plications allégoriques & forcées. En voilà
plus qu'il n'en faut fur ces extravagances»
(G).
* EORIES , adj. pris fubft. ( Myth. )
fêtes que les Athéniens céîébroient en
l'honneur d'Erigone, qui avoit attiré par
fes prières une fâcheufe malédiction fur Us
EPA
filles des Athéniens ; parce qu'ils avoïent
néglige de venger la mort d'Icare fonpere.
te ciel permit que les filles des Athéniens
devinrent amoureufes d'hommes qui ne
répondirent point à leur pafïion , & qu'el-
les s'en pendifTent de défefpoir. On con-
fultalà-deflus l'oracle d'Apollon , qui or-
donna les fêtes éories aux mânes d'Erigo-
ne ; & les filles des Athéniens continuèrent
apparemment d'aimer , & quequefois de
n'être point aimées , mais ne s'en pendi-
rent plus.
E P
^* EPACHTES, f. f. (JE/?, anc. )
fêtes que les Athéniens célébroient en
l'honneur de Cérès, & en commémoration
de la douleur qu'elle refTentit de l'enlève-
ment de Proferpine fa fille. Le mot èpachtes
«ft compofé de eV« ,fur , & *%toç , douleur.
EP AC T E , f. f. en Chronologie , eft
proprement l'excès du mois folaire fur le
mois fynodique lunaire , ou de l'année fo-
laire fur l'année lunaire de douze mois Yy-
nodiques , ou de piu (leurs mois folaires fur
autant de mois fynodiques , & de plufieurs
années folaires fur autant de douzaines de
mois fynodiques.
Les épaâes font donc ou annuelles , ou
menftruelles. Les épaâes menjlruelles font
ies excès du mois civil , ou du mois du ca-
lendrier furie mois lunaire. Voye{ Mois.
Suppofons par exemple qu'il y ait nou-
velle Lune le premier de Janvier ; puifque
le mois lunaire efl de 29J 1 ih 44 ' 3 ", & que
ïe mois de Janvier contient 3 ù , Yépaâe
menfiruelle eft donc de 1 j 1 ih 1 j ' 57".
Les épaâes annuelles font l'excès de l'an-
née folaire fur la lunaire. Voye[ An.
Ainfi comme l'année julienne eft de 36 f j
6h , & que l'année lunaire eft de 354) Sh
48' 38'' , Yépaâe annuelle eft de loi 2ih 1 1 '
21", c'eft-à-dire , de près de 1 îi ; & par
conféquent lV/w<?e de deux ans fera de 2aj ;
celle de trois ans de 3 31 , ou plutôt de trois,
puifque trente jours font un mois embolif-
mique ou intercalaire. Voye[ EMBOLISMI-
QUE. Parla même raifon Yépaâe de qua-
tre ans fera de 14J , & ainfl des autres ; &
par conféquent Yépjâe de chaque dix-neu-
vieme année deviendra trente ou zéro.
D'où il s'enfuit que la vingtième épaâcYeta
E P A m
encore 1 1 , & qu'ainfi le cycle des épaâes
expire avec le nombre d'or , ou le cycle
lunaire de dix-neuf ans ; & recommence
encore dans le même temps , comme on le
voit dans la table fuivante.
Nomb.
d'or.
Epacies,
Nombr
d'or.
Epaâes,
Nombr
d'or.
Epacies.
I
xj.
7
xvij .
13
xxiij
2
XX1J.
8
XXV11J.
14
JV.
3
11J.
9
jx.
M
XV.
4
xjv.
10
XX.
16
XXV).
5
XXV.
il
1.
17
Vllj.
6
vj.
il
XI).
18
XJX.
19
XXX.
De plus, comme les mois lunaires revien-
nent les mêmes tous les 1 9 ans , c'eft-à-dire,
qu'après cette période ifs recommencent
aux mêmes jours ; de même la différence
entre l'année lunaire & l'année folaire , re-
vient la même après dix-neuf ans ; & com-
me il faut toujours ajouter cette différence
à l'année lunaire , pour la concilier avec
l'année folaire , ou la rendre égale à l'an-
née folaire on appelle ces différences , qui
appartiennent refpectivement à chaque
année du cycle lunaire , épaâe annuelle ,
ou Hmplement épaâe. Ainfi le mot épaât
lignifie , dans i'ufage ordinaire^ le nom-
bre qu'il faut ajoutera l'année lunaire, pour
la faire correfpondre à la folaire.
C'eft fur ce rapport mutuel entre le
cycle de la Lune & le cycle des épaâes ,
qu'eft fondée la règle qui enfeigne à trou-
ver Yépaâe convenable à une année quel-
conque du cycle lunaire ; elle confifte à
multiplier l'année donnée du cycle lunaire
par onze ; & fl le produit eft moindre que
30 , il indique lui-même Yépaâe cherchée ;
s'il eft plus grand que trente , il faudra le
divifer par 30 , & ce qui refte après la
diviflon fera Yépaâe. Par exemple je veux
connoître Yépaâe de l'année 171 1 : comme
c'eft la troifleme année du cycle lunaire ,
il s'enfuit de-là que 3 eft Yépaâe de cette
même année 171 2 ; car 11 X 3 = 33 ; &
3 3 étant divifé par 30 , on trouve 3 pour
refte de la diviflon , c'eft-a-dire , pour
Yépaâe, Il faut remarquer qu'il s'agit ici
S9* E P A
de Vépaâe julienne ; le nombre 3 , qui mul-
tiplie 11 dans le calcul précédent , indique
que Tannée 17 12 eft la troifieme du cycle
lunaire : or nous avons vu ci deffus que la
première année du cycle lunaire a 1 1 d'é-
paâe , la féconde 22 ou 2 fois 1 1 , la troi-
fieme 33 ou 3 fois 11 , & ainfi de fuite.
Nous enfeignerons plus bas à trouver Vépaâe
grégorienne. Voye^ CYCLE.
On peut trouver par le moyen de Vépaâe
à quel jour d'un mois & d'une année don-
née , doit tomber la nouvelle lune ; on
en vient à bout en cette forte. On ajoute
Vépaâe de l'année donnée au nombre de
mois , à compter depuis mars inclufive-
ment ; fi la fomme eft moindre que 30 , il
faudra la fouftraire de $0 ; fi elle eft plus
grande , il la faudra fouftraire de 60 , & le
refte marquera dans les deux cas le jour de
la nouvelle lune.
Si on cherche la nouvelle lune pour les
mois de janvier & de mars , alors il ne
faudra rien ajouter à Vépaâe ; fi c'eft pour
février ou avril , il ne faudra ajouter que
l'unité.
Par exemple , je veux connoître à quel
jour de décembre eft tombée la nouvelle
lune en l'année 171 1 , dont Vépaâe étoit
q.2 ; je trouve par les règles précédentes
que ce doit avoir été le 18 décembre ; car
22+ 10 = 52, & 60 — 32 = 28. Voy.
Lune.
La railbn de cette pratique eft évidente.
Uépaâe étant 2z par Thypothefe , la lune
a 22 jours au premier de mars , à peu près
23 au premier d'avril , 24 au premier de
mai , &c. car puifque Vépaâe croît de 1 1
jours par an , on peut fuppofer qu'elle
croît à peu près d'un jour chaque mois ,
depuis mars jufqu'en décembre. Donc au
premier décembre la lune 331 jours , c'eft-à-
dire, la nouvelle lune a 2 jours. Donc pour
avoir la nouvelle lune de décembre , il faut
de 30 ôter 2 , ou ce qui eft la même chofe ,
32 de 60.
Ayant ainfi trouvé le jour auquel tombe
îa nouvelle lune , il eft aifé de conclure de
là quel eft l'âge de la lune pour un jour
donné. Voy. LUNE & AGE.
Il y a d'ailleurs pour cela une autre règle
particulière, & que voici.
Il faut ajouter enfemble Vépaâe de Pan-
E P A
T née , le nombre de mois depuis mars îrr-
clufivement , & le jour donné dans le mois.
Si le total eft moins que 3o , il marquera
l'âge de la lune ; s'il eft plus grand que
30 , il faudra le divifer par 30 , & le refte
de la divifion montrera l'âge de la lune 9
c'eft-à-dire , combien il s'eft écoulé de
jours depuis la nouvelle lune. Cette méthode
ne peut jamais être fujette à un feul jour
d'erreur.
Par exemple, fi l'on demande quel étoit
l'âge de la lune le 31 décembre de l'année
171 1 , on trouvera par cette règle que la
lune avoit trois jours , c'eft-à-dire , qu'il
s'étoit écoulé trois jours depuis la nouvelle
lune ; car iz+ 10+ 31 = 63 , & 63 étant
divifépar30, il refte 3; ce qui convient
exactement avec la règle précédente , pan
laquelle on a trouvé que la nouvelle lune
étoit arrivée la même année le 28 dé.-
cembre.
On peut encore abréger cette pratiqua
par le moyen d'une table , où Ton marque-
ra les épaâes , & qui fera voir tout d'un
coup le jour de la nouvelle lune. Voici
comment cette table eft formée. On écrit
de fuite tous les mois , chacun avec le
nombre des jours qu'il contient ; on met
au premier janvier le nombre 30 ou * 9
au fécond du même mois le nombre 29 ,
au troifieme le nombre 28 , & ainfi de
fuite jufqu'à 1 inclufivement : après quoi
on recommence le même ordre , & on
forme de cette manière une fuite de douze
mois lunaires & de quelques jours», avec
cette précaution qu'on met les nombres
25 & 24 au même jour dans les mois pairs
lunaires.
La raifon de cette pratique eft que les
mois lunaires font alternativement de 30
6k de 29 jours. Par le moyen de cette ta-
ble , on trouvera facilement la nouvelle
lune de chaque mois ; car il n'y aura
qu'à chercher le jour du mois auquel efl
jointe Vépaâe de l'année propofée. Cepen-
dant il y a encore une précaution à pren-
dre ; car il faut distinguer entre Vépaâe
julienne & la grégorienne : la différence
de ces deux épaâes vient de ce que l'an-
née julienne commence plus tard que l'an-
née grégorienne de 1 1 jours ; c'eft pour-
quoi après avoir trouvé , comme nous
l'avons»
E P A
l'avons enfeigné , Yépacle julienne , onôtera
il de cette épacle , qu'on augmentera de
30 jours s'il eft néceifaire , & on aura
Yépacle grégorienne. Ainfi on trouvera que
Yépacle grégorienne de 1712 eft 22} &cles
nouvelles Lunes dans l'année 171 2 , nou-
veau ftyle , fe trouveront 11 jours plus tard
dans chaque mois , que dans l'année ju-
lienne, comme cela doit être en effet. Nous
ne mettrons point ici cette table , qu'on peut
voir dans un grand nombre d'ouvrages , en-
tr'autres dans les élémens de Chronologie de
Wolf, dans le traité du calendrier de M.
Rivard, &c.
Il fè trouve par un hafard heureux , que
le nombre des jours dont l'année grégo-
rienne diffère de l'année julienne , eft préci-
fément le même que le nombre des jours
dont l'année folaire furpaffe l'année lunai-
re : car il arrive par-là que Yépacle grégo-
rienne pour une année , eft la même
que Yépacle julienne de l'année précé-
dente.
Il faut obferver que comme le cycle de
dix-neuf années anticipe fur les nouvelles
Lunes d'un jour en 312 ans , de même
auffi le cycle des épacles n'a pas toujours
lieu , la proemptofè diminuant les différen-
tes épacles d'un jour en 3 12 ans. ^.Proemp-
TOSE.
Il faut donc pour avoir les épacles , dimi-
nuer alors d'une unité celles qu'on devroit
avoir par la règle ci-deffus. Ainfi Yépacle
que donne alors le calendrier n'eft pas
exacte \ de forte que fî elle eft 22 fuivant le
calendrier, il faudra prendre 21 , parce
«Tue la nouvelle Lune au lieu de tomber au
jour du mois où eft marqué 22 , tombe au
jour précédent : c'eft pourquoi au bout de
ce temps l'ordre des épacles change , & au
bout de 312 autres années il change encore,
& ainfî de fuite. Une autre raifon qui fait
changer le cycle des épacles dans le calen-
drier grégorien , c'eft que fur quatre an-
nées fëculaires , il y en a trois qui ne font
point biffextiles \ de forte que ces années-
là les nouvelles Lunes au lieu de tomber
au jour marqué dans le calendrier , tom-
bent le jour d'après : car fi le 10 de Mars ,
par exemple , il doit y avoir nouvelle
.Lune , en fuppofant l'année augmentée
Tome XII,
E P A J9,
a un jour , cette nouvelle Lune ne tom-
bera que le 11 , en fuppofant que cette
année ne foit point ainli augmentée. Voye{
Métemptose. On a donc été obligé de
former deux autres tables pour les épacles ,
dont nous allons tâcher de donner une
idée.
Voici comment on conftruit la première.
On écrit d'abord horizontalement , les uns
à côté des autres , tous les nombres d'or fuc-
cetfifs, 3,4, 5, 6, 7, 8,9, 10, 11, 12,
*3 ? I4)i5 ?j6,. 17 1 i8j *9r**.*5 enfuite
fous le premier chiffre 3 , on écrit dans une
colonne verticale les chiffres 30 ou * , 29 ,
28,27, ^c* jusqu'à 1 inclufivement j puis
à côté de chacun de ces chiffres on écrit
horizontalement , fous les chiffres des nom-
bres d'or , les chiffres des épacles , en fuppo-
fant que la première épacle foit le nombre
qui eft le plus à gauche dans chaque rangée
horizontale : ainfi à côté de 30 , ou de * ,
on écrit les épacles 11, 22, 3, 14, &c. à
côté de 29 on écrit les épacles 10 , 21 , 2 ,
13 , &c. & ainfi de fuite. On peut voir cette
table dans les élémens de Chronologie de Wolf
déjà cités.
Outre cette table , on en forme une fé-
conde par le moyen de laquelle on voit quel
doit être le cycle des épacles pour chaque
fiecle :> Se cette table fe voit encore dans les
élémens de Chronologie de Wolf : ainfî 011
voit que le cycle des épacles pour le fiecle
où nous fommes eft 22 , 3 , 14 , &c. c'eft-à-
dire que l'année dont le nombre d'or eft 3 ,
a pour épacle grégorienne 22, que l'année
fuivante a pour épacle grégorienne , 3 , &c.
Ce même ordre durera dans le fiecle qui
fuivra celui-ci :, mais en 1900 il changera 7
êc l'ordre des épacles dans ce fiecle & dans
les trois autres confécutifs , fera 21, 2 , 13,
24 , &c. & ainfi de fuite. V. auffi, fur cette
matière, Y abrégé du calendrierpat M. Rivard,
Ôc le grand ouvrage que prépare M. Couci-
cault ancien échevin , 8c que nous croyons
fous preffe. Ce dernier ouvrage nous a paru
fait avec beaucoup d'intelligence , de foin ,
&c de détail»
Par l'ordre des cycles des épacles , il pa-
raît que le même cycle peut avoir à la fois
les épacles 24 8c 25 :, comme on le verra fa-
cilement dans le cycle qui commence par
lç nombre 24 , dans celui qui commença
Ffff
594 E P A
par Je nombre 10 , &c. Or nous avons dit
ci-deffus que dans le calendrier des épaâes
on met les nombres 24 & 25 au même jour ,
& cependant les nouvelles lunes ne peu-
ve it tomber au même jour dans le cours
de dix-neuf ans. Pour obvier à l'erreur qui
pourroit réfulter de-là , on écrit dans tous
les mois pairs lunaires les nombres 26 8*25
à côté l'un de l'autre , mais le dernier en
plus petit caractère \ & toutes les fois que
les épaâes 24 Se 25 fe trouvent enfèmble
dans le même cycle , alors il faut fe fervir
de Xépaâe 25 , écrite en petit caractère 5 &
on ne doit point craindre de confufion de
la combinaifon des évades 24, 25 , 26,
parce que ces trois épaâes ne peuvent ja-
mais fe trouver enfèmble dans un même
cycle. A l'égard des épaâes 26 & 25 , lorf
qu'elles fe rencontrent dans un même cy-
cle, il faut fe fervir de Xépaâe 25 , qui eft
jointe au même jour avec 24. Enfin dans
ce même calendrier on met Xépaâe 19 au
dernier Décembre , avec Xépaâe 20 *, parce
que la nouvelle Lune tombe au dernier Dé-
cembre toutes les fois que Yépacle 19 répond
au nombre d'or 19. De plus , les épaâes font
difpofées de manière qu'elles donnent la
nouvelle Lune environ un jour trop tard \
la raifon que Clavius apporte de cette dif
position , c'eft qu'il vaut mieux que les épac-
zes donnent les nouvelles lunes , & par con-
féquent les pleines Lunes , trop tard , que
trop tôt , afin qu'on ne foit point en rifque
de célébrer la fête de Pâque avant la pleine
Lune , ce qui feroit contraire au décret du
concile de Nicée.
Cependant quelque foin que le pape Gré-
goire XIII , & les aftronomes dont il s'eft
fèrvi , aient employé pour la détermination
des nouvelles Lunes par les épaâes , & pour
fixer la Pâque , il faut avouer que la mé-
thode de trouver ainfi les nouvelles Lunes
n'a pas toute l'exactitude qu'on pourroit
defîrer. En premier lieu , la fixation de l'é-
quinoxe du printemps au 2 1 de Mars , eft
fautive , puifque cet équinoxe peut arriver
quelquefois le 19 , & quelquefois le 23 ,
comme nous l'avons remarqué dans Yarticle
Calendrier. On trouve de plus dans le
tome IV des œuvres de M. Jean Bernoul-
li ? imprimées à Laufanne en 1743 ', une
pièce curieufe fur ce fujet , ou l'on voit I
E P A
l'erreur dans laquelle Xépaâe peut induire
quelquefois. En 1724 , fuivant le calcul de
ce favant géomètre , la vraie pleine Lune
pafchale a dû tomber le fàmedi 8 avril à
4I1 n' du foir , l'équinoxe étant arrivé le 20
Mars. Or fuivant le calcul par Xépaâe , on
trouve que la pleine Lune pafchale de 1724
a dû tomber le 9 Avril , qui étoit un diman-
che } de forte que par la règle établie , Pâ-
que n'a été que le 16 avril , au lieu qu'il
auroit dû être le 9. La même chofe eft ar-
rivée en 1744, où Pâque s'eft trouvé 8 jours
plus tard qu'il n'auroit dû être : car on verra
dans les almanachs de cette année-là , que
la pleine Lune pafchale eft arrivée le famedi
28 Mars , ainfi Pâque devoit être le len-
demain 29 \ au lieu que par le calcul de
Xépaâe , la pleine Lune n'a dû être que le
29 , qui étoit un dimanche , ce qui a fait
remettre Pâque au 5 Avril fuivant. Il en
arrivera autant , félon M. Bernoulli , en
1778 & 1798 , par l'erreur d^Xépaâe. Voy*
Paque.
Dans la préface de Y art de vérifier les da-
tes , p. 38 & f. on trouvera des obfervations
utiles fur l'ufage du calcul des épaâes pour la
chronologie , & pour les dates des ancienï
titres. (O)
Addition à l'article précédent,
ÉPACTES , ( Ajlronom. ) nombres de
jours , d'heures , de minutes & de fécondes
dont les aftronomes font des tables , & qui
fervent à préparer les calculs des éclipfes.
On en trouve les tables dans le P. Riccioli,
Afiron. reform. page 60 j dans M. de la
Hire , dans M. Cafîini , Tables Afiron. p*
58 j dans les Ephémérides du P. Hell ,
pour 1764 j & dans nos Tables de la lune y
imprimées en 1771 à la fuite de notre Af-
tronomie.
Les épaâes aftronomiques dont nous nous
fervons pour trouver les nouvelles Lunes
moyennes ? ne font autre chofe que l'âge de
la Lune au commencement de l'année , ou le
nombre de jours qui reftoit depuis la dernière
conjonction moyenne de l'année précé-
dente jufqu'au commencement de l'année
actuelle \ fi elle eft biffextile , ou à la veille ,
fi c'eft une année commune. Par exemple >
EP A
il y a «u conjon&ion moyenne le 16 Dé-
cembre 1761 , à ih 14' 14" , temps moyen ,
la longitude moyenne du foleil étant alors
égale à celle de la Lune : depuis ce moment-
là jufqu'au 3 1 Décembre à midi , pour le-
quel font calculées les époques des années
communes , il y a quatre jours , 22k 45'
46" j c'eft-là ce qu'on appelle Xépacle aftro-
nomique de 1762. Cette épacle étant retran-
chée de 29 jours I2h 44' 3", révolution
moyenne de la Lune au foleil , nous apprend
que la première conjonction moyenne de
1761, arriva le 24 Janvier à 13*» 58' 17"
de temps moyen , puifque 4 jours 22^ qui
reftent de l'année précédente avec 24 jours
13(1 du mois de Janvier , font l'intervalle
de 29 jours I2*1 qu'il doit y avoir d'une
conjonction à l'autre.
Pour calculer Y épacle d'une année , il
ftiffit donc de retrancher la longitude
moyenne du foleil de celle de la Lune , &
de convertir le refte en temps lunaire à
raifon de 120 u' 17" par jour, qui eft la
différence des mouvemens diurnes du fo-
leil & de la Lune. Ainfi l'époque du foleil
pour 1762 , eft 9J 100 6' 14" j & celle de 1
la Lune nj 100 25' 45", fuivant les pre-
mières Tables de Mayer : celle du foleil
étant retranchée de cette dernière , il refte
2j 00 19' 31" , qui répondent à 4 jours
2 2 li 45' 46" de temps : ces 4 jours font Xé-
pacle de 1762 , parce qu'il a fallu 4 jours à
la Lune pour s'éloigner du foleil de 2 lignes ,
& qu'au moment de l'époque de 1762 , il
y avoit quatre jours que la conjonction
étoit palfée.
Epaâes de mois. 1J épacle du mois de Jan-
vier eft zéro ; car puifque Xépacle de l'an-
née marque l'âge de la Lune le 3 1 Décem-
bre , &que nous appelions \éro le 3 1 Décem-
bre, il n'y a rien à ajouter pour le mois de
Janvier. \J épacle de Février fera l'âge de la
Lune au commencement de Février, en fup-
pofaut que la Lune ait commencé le 3 1 Dé-
cembre \ c'eft donc l'excès de 3 1 jours fur
une lunaifon entière, ou un jour iih 15'
58" , & ainfi des autres mois.
Exemple. On demande la conjonction
moyenne du mois d'Avril 1764 j on ajou-
tera enfcmble les nombres tirés de la table
des épacles aftronomiques.
E P A
Epacle de l'année 1700 ,
Changement pour 60 ans ,
Pour 4 ans ,
Pour le mois d'avril ,
92 lK$o'53"
3 7 16 9
14 o 1 38
1 9 47 5r
Somme à ôter , 28 14 56 31
Révolution entière , 29 12 44 3
Conjonction moyenne , c'eft-
à-dire , le 31 Mars à 2ih. o 2ih47'32"
L'orfque le jour de la conjonction moyenne
fè trouve zéro , comme dans l'exemple pré-
cédent , il faut prendre le dernier jour du
mois précédent \ car tant qu'il n'y a que
zéro de jours pour le mois d'Avril , on ne
peut pas dire que nous foyons en Avril ,
car on compte 1 aufii-tôt que le mois com-
mence.
M. Halley avoit donné une fuite d'éclip-
Ces , depuis 1701 jufqu'à 1718 , pour fer-
vir à trouver les autres éclipfes par la pé-
riode de 1 8 ans } mais les éditeurs y ajou-
tèrent une table des conjonctions moyen-
nes , que M. Pound avoit conftruite , &c
que l'on peut voir dans le premier volume
des Tables de Halley, à Paris, chez Bailly ,
//z-8°. en 1754 : elle revient à-peu-près au
môme que celle des épacles ; mais on y
a joint des tables d'équations , pour trou-
ver à-peu-près les conjonctions vraies. Il y
en a de femblables dans le Calendarium im-
primé à Berlin pour 1749. ( M. de la
Lande. )
* EPACTROCELE , f. m. (Hijf.anc.)
bâtiment léger à l'ufage des pirates anciens.
Ce mot , compofé du grec , fignifie bâti-
ment chargé de butin.
% EPAGNEULS , f. m. pi. ( Vénerie. )
Voye^t article Chiens. Les chiens épagneuls
ou efpagnols font plus chargés de poil que
les braques , & conviennent mieux dans les
pays couverts '-, ils chaffent de gueule , ôc
forcent le lapin dans les brouftailles : quel-
quefois ils rident , & fùivent la pifte de la
bête fans crier. Ils font bons aufîi pour la
plume , & chaffent le nez bas.
* EPAGOGES , f. m. ( Hift. anç.) ma-
giftrats d'Athènes , inftitués pour juger les
différends qui furveuojent entre les mar-
chands.
EPAGOxMENES , adj. pi. ( Hift. anc. &
Ckronol. ) On appelloit ainfi les cinq jours
qu'on ajoutoitàla fin de l'année égyptienne t
Ffff 2
596 E P A
dont chaque tnois avoît trente jours : ces
cinq jours ajoutés faifoient 365. Voye\ An.
{0)
EP AILLER, v. adt. (Bijoutier, Metteur
en œuvre , Orfèvre , &c. ) c'eft avec l'échope
à épailler ( dont nous avons décrit la forme ) ,
enlever de l'or toutes les faletés , doublu-
res &: porures qui proviennent de la fonte
ou du mal-forgé. Quand l'or eft à une cer-
taine épaifTeur , on enlevé à l'échope plate
toute la fuperficie \ enfuite on le ploie &
reploie avec un marteau de bois. Cette
courbure découvre toutes les cavités qui
ibnt dans l'or , & on les enlevé avec l'é-
chope à épailler. L'or étant plus fujet aux
faletés que l'argent , à caufe de fon alliage ,
cette opération eft de plus grande confé-
quenec pour le Bijoutier que pour tout au-
tre artifte , d'autant plus que le poli de
l'or demande une grande netteté dans le
métal.
* EPAIS , adj. C Gramm. ) Il fe prend ou
relativement à la dimenfion , ou relative-
ment au nombre , ou relativement à la con-
fîftance. Dans le premier cas on dit un livre
épais , un bloc épais ; dans le fécond on dit
des bataillons épais ; dans le troifîeme on
dit une encre épaijfe , un vin épais , &c. Il
fe prend a'ufli au figuré , & l'on dit un homme
épais , une mâchoire épaijfe.
Un livre épais eft celui qui contient un
trop grand nombre de feuillets , eu égard
à fon format } car un. in-folio pourroit être
trop mince avec le même nombre de feuil-
lets qu'un in- 11 trop épais : d'où l'on voit
que le mot épais eft un terme relatif. Le
fubftantif d'épais eft épaijfeur. Si la dimen-
fion d'un corps qu'on aura appellée fa lar-
geur , eft parallèle à l'horizon , fon épaif
leur fera perpendiculaire à fa largeur.
Epais , adje£f. en Mujique : genre épais
ou denje , ttvkvk j eft , félon la définition
d'Ariftoxene , celui où dans chaque tétra-
corde la fomme des deux premiers interval-
les eft toujours moindre que le troifîeme:
ainfi le genre enharmonique eft épais j parce
que les deux premiers intervalles , qui
font d'un quart de ton chacun , ne for-
ment enfembîe qu'un femi-ton '■, fomme
beaucoup moindre que le troifîeme inter-
valle , qui eft une tierce majeure. Le genre
chromatique eft aufîi un genre épais ; 'car
EP A
fes deux premiers intervalles ne forment
qu'un ton , moindre encore que la tierce
mineure qui fuit. Mais le genre diatonique
n'eft point épais , car fès deux premiers in-
tervalles forment un ton & demi 5 fomme
plus grande que le ton qui fuit. Voy. Té-
TRACORDE , GENRE, &c. {S)
EPAISSISSANT , ( Thérapeutique. )
Vovei Incrassant.
^ ÈPAISSISSEMENT , f. m. ( Médec. )
fe dit ordinairement des humeurs du corps
humain qui ont trop de coufiftance.
Toutes les parties élémentaires qui conf-
tituent le compofé des corps fluides , ont
une certaine force de cohéfion entr'elles 5
il en eft par conféquent de même de ceux
qui fe trouvent dans les animaux : & peur
que ceux-ci puilfent couler dans la cavité
des plus petits conduits , il eft néceffaire
que les molécules qui y font portées fous
une forme t plus ou moins volumiueufe ,
fe fépareut les unes des autres , pour pou-
voir palier chacune en particulier avec un
diamètre proportionné à celui du caual \
il faut par conféquent que les puiffances
qui font mouvoir ces malles fluides , & les
pouffent vers, les dernières filières des vaif-
feaux ? aient une force fupérieure à celle
de la cohéiîon des molécules , qui les tient
unies entr'elles jufqu'à un certain point r
& leur donne le degré de confiftance con-
venable à leur nature & à leurs ufages.
S'il arrive donc par quelque caufe que
ce foit , que la cohéfion des parties élé-
mentaires qui compofent les humeurs du
corps humain , foit augmentée , de ma-
nière que ne pouvant pas être féparées les
unes des autres par l'action du cœur Se
des vaiifeaux , ces particules reftent unies ;
& que confervant un volume trop confî-
dérable , refpeéfivement à la capacité des
vaiifeaux dans lefquels elles doivent être
diftribuées , elles trouvent de la réfiftance
à couler dans leurs extrémités , elles y
caufènt des engorgemens . des obftru&ions,
de différente nature , félon la différence
des humeurs épaifîîes. La plupart d'entr'el-
les , comme le fang , la lymphe , n'étant
fluides que par accident , c'eft-à-dire , à
caufe des parties aqueufès qui entrent dans:
leur composition , qui leur fervent de-
véhicule , & du mouvement de la via
E P A
faifte , qui s'oppofe continuellement à leur
concrétion , fout par conféquent naturelle-
ment très-dtfpofées à contracter ce vice , &
à devc.ur par-là moins propres à circuler , à
être diftribuées dans leurs vaiffeaux refpec-
tifs. Le mouvement & le repos , la chaleur
&: le froid , lu force tk la foiblefle du corps,
favonfe.it également cette difpofition , &
prodft ifeat ïépaiffîjfment de ces différens
Suides : comme au;îi bien d'autres cauiès ,
telles que les coagulans acides , fpiritueux :.
les vifqueux , les huileux mêlés avec la malle
des humeurs.
Ainfi ou doit employer pour corriger
Ce vice , des moyens aulfi différens que les
caufes. Si le fan g trop épais occafione des
engorgemens inflammatoires dans le pou-
mon , dans le foie , la faignée &. lés dé-
layans font les remèdes que l'on met en
ufage avec fuccès dans ce cas : ce même
traitement ne ponrroit que produire de
très-mauvais effets , fi on l'employoit pour
combattre lavifeofité pituiteufe. F. Sang, &
fes vices; OBSTRUCTION, INFLAMMATION.
w
EPANADIPLOSE , f. î. figure de dic-
tion | ÏTruvetii-TKaTtu Ce mot eft compofé
de la prépofïtion M , & de avet£i-r\aTi< ,
redupticatio. R. JVtaoo? , duplex. Il y a ana-
diplofe & épanadiplofe ; ce font deux efpeces
de répétitions du même mot* Dans J'anadi-
plofe , le mot qui finit une propofition , eft
répété pour commencer la propofition fui-
vante ;
. . . Sequitur pulcherrimus Afîûr ,
Ajlur equo fidens. /Eueid. I. X. v. 180.
&: dans Ovide , au fécond livre des Métam.
v. 106.
.... Silvce cum montibus ardent j
Ardet Athos , Taurufque , &c.
& en françois , Henriade , liv. I.
Il apperçoit de loin le jeune Teligny;
Teligny^ dont f amour a mérité fa file»
au lieu que dans Y épanadiplofe le même mot
qui commence une propofition, eft répété
pour finir le fens total :
Ambo florentes œtatibus , Arcades ambo.
' Yirg. ég. 7.
E P A 597
& Ovide , au liv. 11. desFajtes^v. 135. dit :
Una dies Fabios ad bellum miferat omnes j
Ad bellum miffos perdidit una dies.
On trouve le dyftique fnivant dans deux an-
ciennes inferiptions rapportées par Gruter j
l'une au r. /. p. 615 , & l'autre au t. II. p*
912.
Balnea , vina , Venus , corrumpunt cor*
pora noflra ;
Sed vitamfaciunt balnea , vina , Venus.
]~? épanadiplofe eftauffi nommée épanaplefe
par Donat ôl par quelques autres grammai-
riens.
Pour moi je trouve qu'il fùfîît d'obfèr-
ver qu'il y a répétition , & de fentir la
grâce que la répétition apporte au dis-
cours , ou le dérangement qu'elle caufe.
Il eft d'ailleurs bien inutile d'appeller la
répétition , ou anadiplofe , ou épanadiplofe,
félon les diveries combiuaifons des mots
répétés. Ceux qui fe fout donné la peine
d'inventer ces fortes de noms fur de pa-
reils fondemens , ne font pas ceux qui ont
le plus enrichi la. république des lettres.
(G)
EPANCHEMENT , f. m. {Médec.) Ce
terme eft employé à-peu-près dans le même
fèns quejfu/ion , extravafation ; il femble ce-
pendant plus particulièrement affecté pour
exprimer l'écoulement confidérable d'un
fluide dans quelque efpace du corps humain
qui n eft pas deftiné à en contenir , comme
lorique la fé/ofité du fang fort de fes vai£
féaux , & fe répand dans la cavité du bas-
ventre : d'où réfulte une hydropifie afeite y
&c V. Effusion , Extra vasation , Hy-
dropisie , &c. {d)
EPANNtLEK, v. a£t. terme de Sculptu-
re; c'eft couper à pans. Le fculpteur-ftatuai-
re , après avoir déterminé la baie du bloc
de marbre qu'il veut employer , & avoir faiç
faire le lit pour la plinthe , épannele le bloc j
c'eft-à-dire qu'après avoir définie avec le
crayon fur ce bloc , & arrêté les mafiês
principales de fon lu jet , il fait donner plu-
iïeurs traits de feie ou de cifeau pour jeter
en bas les fuperfluités , & dégager de fa
maffe la tête , les bras & autres parties, fui-
vant fon modèle , & les traits qu'il a formés
fui le marbre. Cette opération 3 qui rend le
pS E P A
bloc plus maniable &plus aifé à manœuvrer,
fe fait alternativement fur fes quatre faces.
Voyei Lit, Plinthe, Bloc , & Sculp-
ture.
EPANORTHOSE, f. f. {Belles-Leur.)
figure de Rhétorique , par laquelle l'orateur
rérracle ou corrige quelque chofe de ce qu'il
a déjà avancé , tk qui lui paroît trop foible:
il y ajoute quelque chofe de plus énergi-
que , & de plus conforme à la pafîion qui
l'occupe ou le tranfporte. Voye\ CORREC-
TION.
Cicéron emploie cette figure dans fon
Oraifon pour Caelius , lorfqu'il dit : Oftul-
titiam ! ftultitiamne dicam ? an impudentiam
fingularem ? tk dans fa première catilinaire :
Quanquam quid loquor? te ut ulla res /ran-
ge t ? tu ut unquam te corrigas ? tu ut ullam
fugam me dit ère ? tu ut ullum exiliumcogitesl
utinam tibi illam mentem dii immor taies do-
utaient !
Ainfi Térence , dans fon heautontimoru-
menos , fait dire au vieiilard Mcnedeme :
Filium unicum adolefcentulum
Habeo. Ah ! quid dixi habere me ? imb
habui , Chrême ;
Nunc habeam , nec-ne , incertum eft. (G)
EPANOUIE, IE , adj. (terme de Blafon.)
fè dit des lis , des rofes , des tulipes , & au-
tres fleurs fur leurs tiges , qui paroiflent en-
tièrement ouverts tk dans une parfaite croif
fànce.
Epanouie , fe dit aufll d'une fleur de lis ,
dont le fleuron fupérieur eft ouvert , tk qui a
des boutons entre les fleurons des côtés :
telle que la. fleur de lis de Florence , qui eft
de gueules en un champ d 'argent.
Veraiiy de Varenne à Paris ^d'argent à la
rofe épanouie de gueules ; la tige , les feuilles
& les épines de f/nople.t{ G^D. L. T.)
EPANOUIR (s') , Gram. il fe dit de l'ac-
croifîémentqui fuit lafortie du bouton d'une
fleur \ ce bouton forti , la fleur commence
à fe former parl'épanouiflèment du bouton.
Il fe dit aufïî de la fleur , lorlqu'dle a pris
toute fa beauté tk toute fon étendue : cette
fleur eft entièrement épanouie. Il fè prend
quelquefois a&ivement tk paiîivement , &
l'on dit : vous vous épanouijfe^ épanouijfe^
yotre cœur.
JEPARCHA , ( Mufiq. des anc. ) Pol-
E P A
lux , Onomaft. liv. IV. chap. 9 , nous ap*
prend que Xéparcha étoit une des parties du
mode des cithares , fuivant la divifion de
Terpandre : c'étoit apparemment le pré-
lude , car c'eft: ce que fîgnifie le mot éparcha,
(F.D.C.)
EPARCHEIA, {Mufiq. des anc.) c'étoit
la féconde partie du monde des cithares,
fuivant la divifion de Terpandre , Pollux ,
Onomaft. liv. IV, chap. 9. Ueparcheia , com-
mencement , étoit probablement le commen-
cement même du mode , puifqu'il fuivoit
Xéparcha ou prélude. V. EPARCHA. ( Mufiq.
des anc. ) {F.D.C.)
EPARER , v. neut. {Manège.) terme par
lequel nous défignons l'action d'un cheval
qui détache fes ruades avec une telle force r
que fes jarrets parfaitement tk vigoureufe-
ment étendus, font fouvent entendre un bruit
à- peu-près femblable à celui d'un léger coup
de fouet.
Cette action eft principalement requifè
dans l'air des caprioles , tk le diftingue des.
airs relevés que nous nommons croupades
& ballotades. V. RELEVÉS {airs.) {e)
EPARGNE , f. f. {Morale) fîgnifie quel-
quefois le tréfor du prince , tréforierde l 'épar-
gne , les deniers de f épargne , &c.
Epargne en ce fens n'eft plus 'guère
d'ufàge j on dit plutôt aujourd'hui tréfor,
royal.
Epargne , la loi de t'épargne , expreftion
employée par quelques phyficiens moder-
nes , pour exprimer le décret par . lequel
Dieu. règle de la manière la plus fimple tk
la plus confiante tous les mouvemens , toutes
les altérations , tk les autres changemens
delà nature. V. Action, Cosmologie ,
&c.
Epargne , dans le fens le plus vulgaire ,
eft une dépendance de l'économie ; c'eft
proprement le foin & l'habileté néceflaires
pour éviter les dépenfes fuperflues , tk pour
faire à peu de frais celles qui font indifpen-
fabjes. Les réflexions que l'on va lire ici ,
auroient pu entrer au mot Economie ,
qui a un fens plus étendu , tk qui embraffe
tous les moyens légitimes , tous les foins
néceflaires pour confèrver tk pour accroî-
tre un bien quelconque , tk fur- tout pour
le difpeufèr à propos. C'eft en ce fens que
l'on 4^ économie d'une famille , économie
E P A
des abeilles , économie nationale. Au refte
les termes d'épargne & d'économie énon-
cent à-peu-près la même idée } & on les
emploiera indifféremment dans ce cl if
cours , fuivant qu'ils paroîtront plus con-
venables pour la jufteffe de l'expreffion.
L'épargne économique a toujours été
regardée comme une vertu , & dans le
Paganifme , & parmi les Chrétiens j il
s'eft même vu des héros qui l'ont constam-
ment pratiquée : cependant , il faut l'a-
vouer , cette vertu eft trop niodefte , ou ,
fi l'on veut , trop obfcure pour être effen-
tielle à l'héroïfme j peu de héros font ca-
pables d'atteindre jufque-là. L'économie
s'accorde beaucoup mieux avec la politi-
que j eile en eft la bafe , l'appui , & l'on
peut dire en un mot qu'elle en eft infé-
parable. En effet, le miniftere eft pro-
prement le foin de l'économie publique :
aufli M. de Sully, ce grand miniftre,
cet économe fi fage & fi zélé , a-t-il
intitulé {es mémoires , Economies royales ,
&c.
L 'épargne économique s'allie encore par-
faitement avec la piété , elle en eft la com-
pagne fidèle } c'eft-là qu'une ame chré-
tienne trouve des relfources affurées pour
tant de boanes œuvres que la charité
prefcrit.
Quoi qu'il en foit , il n'eft peut-être pas
de peuple aujourd'hui moins amateur ni
moins au fait de l'épargne , que les Fran-
çois } & en conféquence il n'en eft guère
de plus agité , de plus expofé aux chagrins
& aux miferes de la vie. Au refte , l'indif-
férence ou plutôt le mépris que nous avons
pour cette vertu , nous eft infpiré dès l'en-
fance par une mauvaife éducation , & fur-
tout par les mauvais exemples que nous
voyons fans ceflè. On entend louer per-
pétuellement la fomptuofité des repas &
des fêtes , la magnificence des habits ,
des appartenons , des meubles , &c. Tout
cela eft repréfenté , non feulement comme
le but & la récompenfe du travail & des
talens , mais fur-tout comme le fruit du
goût & du génie , comme la marque d'une
ame noble & d'un efprit élevé.
D'ailleurs , quiconque a un certain air
d'élégance & de propreté dans tout ce qui
l'environne j quiconque fait faire les hoa-
E P A x 5cr9
neurs de fa table & de fa maifon , paffe à
coup sûr pour homme de mérite & pour
galant homme , quand même il manque-
rait effentiellement dans le refte.
Au milieu de ces éloges prodigués au
luxe & à la dépenfe , comment plaider la
caufe de l'épargne ? Aufli ne s'avifè-t-on
pas aujourd'hui dans un difeours étudié y
clans une inftruétion , dans un prône , de
recommander le travail , l'épargne , la fruga-
lité , comme des qualités eftimables & utiles.
Il eft inoui qu'on exhorte les jeunes gens à
renoncer au vin , à la bonne-chere , à la paru-
re , à favoir fe priver des vaines fuperfluités,
à s'accoutumer de bonne heure au fimple
néceflaire. De telles exhortations paraî-
traient baffes & mal-fbnnantes } elles font
néanmoins bien conformes aux maximes
de la fageffe , & peut-être fèroient-elles
plus efficaces que toute autre morale , pour
rendre les hommes réglés & vertueux.
Malheureufèment elles ne font point à la
mode permi nous , on s'en éloigne même
tous les jours de plus en plus j par-tout on
infinue le contraire , la molleffe & les
commodités de la vie. Je me fouviens
que dans ma jeuneffe on remarquoit avec
une forte de mépris les jeunes gens trop
occupés de leur parure \ aujourd'hui on
regarderoit avec mépris ceux qui auraient
un air fimple & négligé. L'éducation de-
vrait nous apprendre à devenir des ci-
toyens utiles , fobres , défintéreffés , bien-
faifans : qu'elle nous éloigne aujourd'hui
de ce grand but ! elle nous apprend à mul-
tiplier nos befoins , & par-là elle nous
rend plus avides , plus à charge à nous-
mêmes , plus durs & plus inutiles aux
autres.
Qu'un jeune homme ait plus de talent
que de fortune , on lui dira tout au plus
d'une manière vague , qu'il doit fbnger
tout de bon à fon avancement j qu'il doit
être fidèle à fès devoirs , éviter les mau-
vaifes compagnies, la débauche , &c. mais
on ne lui dira pas , ce qu'il faudrait pour-
tant lui dire & lui répéter fans ceflè , que
pour s'affurer le néceifaire & pour s'avan-
cer par des voies légitimes , pour devenir
honnête homme & citoyen vertueux , utiles,
à foi & à fa patrie , il faut être courageux;
& patient % travailler fans relâche % éviter
£oo E P A
la dépenfe , méprifer également la peine &
le plaifîr , & fe mettre enfin au deifus des
préjugés qui favorifent le luxe , la difîipa-
tion & la mollefïë.
On connoît aflèz l'efficacité de ces
moyens : cependant comme on attache
m al- à-propos certaine idée de bafleffe à
tout ce qui fent Yépargne &. l'économie ,
on n'oferoit donner de femblabks confeils ,
on croiroit prêcher l'avarice j for quoi je
remarque en parlant , que de tous les vices
combattus dans la morale , il n'en eft pas
de moins déterminé que celui-ci.
On nous dépeint fouvent les avares comme
des gens fans honneur & fans humanité ,
gens qui ne vivent que pour s'enrichir ,
& qui facrifient tout à la paiîion d'accu-
muler 5 enfin comme des infenfés , qui,
au milieu de l'abondance , écartent loin
d'eux toutes les douceurs de la vie , &
qui fe refufent jufqu'au rigide néceffaire.
Mais peu de gens fè reconnoiffent à cette
peinture affreufe } & s'il falîoit toutes ces
circonftances pour conftituer l'homme ava-
re , il n'en feroit preique point fur la terre.
Il fùffit pour mériter cette odieufe qualifi-
cation , d'avoir un violent defir des ri-
chefTes , & d'être peu fcrupuleux fur les
moyens d'en acquérir. L'avarice n'eft point
effentiellement unie à la léfine , peut-être
même n'eft-elle pas incompatible avec le
fafte & la prodigalité.
Cependant , par un défaut de jufteffe ,
qui n'eft que trop ordinaire , on traite
communément à' avare l'homme fobre, 'at-
tentif & laborieux , qui , par fon travail
& fes épargnes , s'élève infenfiblement au
deffus de fes femblablesç, mais plût au ciel
que nous enflions bien des avares de cette
efpece ! la fociété s'en trouveroit beaucoup
mieux , & l'on n'elfuieroit pas tant d'in*
juftice de la part des hommes. En géné-
ral , ces hommes relTerrés , fi l'on veut ,
mais plutôt ménagers qu'avares , font pref-
que toujours d'un bon commerce } ils de-
viennent même quelquefois compatiflàns ;
& fi on ne les trouve pas généreux , on les
trouve au moins allez équitables. Avec
eux enfin on ne perd prefque jamais , an
lieu qu'on perd le plus fouvent avec les
difîipateurs. Ces ménagers en un mot font
dans le fyftême d'une honnête épargne , à
ep A
laquelle nous vrodiguons mal-à-propoa le
nom d'avance.
Les anciens Romains plus éclairés que
nous fur cette matière , étoient bien éloi-
gnés d'en ufer de la forte } loin de regar-
der lu parcimonie comme une pratique baflc
ou vicieufe , erreur trop commune parmi
les François , ils l'identifioient , au contrai-
re , avec la probité la plus entière } ils ju-
geoient ces vertueufes habitudes tellement
inféparables , que l'exprefïion connue de
vir frugi , fignifioit tout-à-la -fois , chez
eux , ? homme fobre & ménager , l honnête
homme & /' homme de bien.
L'Efprit-Saint nous prélente la même
idée } il fait en mille endroits l'éloge de
l'économie , & par-tout il la diftingue de
l'avarice. Il en marque la différence bien
fenfïble , quand il dit d'un côté qu'il n'eft
rien de plus méchant que l'avarice , ni rien
de plus criminel que d'aimer l'argent ,
( Eccléfîaji. x. 9. 10. ) & que de l'autre il
nous exhorte au travail , à Y épargne , à la
fobriété , comme aux feuls moyens d'en •
richiffement } lorfqu'il nous repréfente l'ai-
fance & la richeflè comme des biens de-
firables , comme les heureux fruits d'une
vie fobre & laborieufe. #
Allez , dit-il au pareffeux , allez à la
fourmi , & voyez comme elle ramaffe dans
l'été de quoi fubfifter dans les autres fai-
fons. Prov. vj. 6.
Celui , dit-il encore , qui eft lâche &
négligent dans fon travail , ne vaut guère
mieux que le diiîlpateur. Prov. xviij. 9.
Il nous allure de même , que le paref-
feux qui ne veut pas labourer pendant la
froidure , fera réduit à mendier pendant
l'été. Prov. xx. 4.
Il nous dit dans un autre endroit : pour
peu que vous cédiez aux douceurs du re-
pos , à l'indolence , à la parefîe , la pauvreté
viendra s'établir chez vous & s'y rendra la
plus forte : mais , continue-t- il , fi vous
êtes a&if & laborieux , votre moiffou fera
comme une fource abondante , 8c la di-
fette fuira loin devons. Prov. vj. 10. ir.
Il rappelle une féconde fois la même
leçon , en difant que celui qui laboure fon
champ fera rafîàfié } mais que celui qui
aime l'oifiveté fera furpris par l'indigence.
Prov, xxviij. 19.
I)
E l'A
II nous avertit en même temps ^ que
l'ouvrier fujet à l'ivrognerie ne deviendra
jamais riche. Eccléjîajliq. xjx. z .
Que quiconque aime le vin & la bonne
chère , non-feulement ne s'enrichira point ,
mais qu'il tombera même dans la mifere.
Prov. xx j. 1 7.
Il nous dérend de regarder le vin lors-
qu'il brille dans un verre , de peur que
cette liqueur ne fafîè fur nous des impref-
fions agréables mais dangereufes ; & qu'en-
fuite femblable à unTerpent & à un bafilic,
elle ne nous tue de fon poifon. Prov. xxiij.
3*. 3Z-
Retranchez , dit-il , ailleurs , retranchez
le vin à ceux qui font chargés du miniftere
public , de peur qu'enivrés de cette boif-
fon traîtreflê , ils ne viennent à oublier la
juftice , & qu'ils n'altèrent le bon droit du.
pauvre. Prov. xxxj. 4. $.
Contentez-vous , dit-il encore , du lait
de vos chèvres pour votre nourriture , &
qu'il fourniffe aux autres befoins de votre
maifon , &c. Prov. xxvij. zj.
Que d'inftrucHon & d'encouragement à
Y épargne & aux travaux économiques , ne
trouve-t-on pas dans l'éloge qu'il fait de
la femme forte ! il nous la dépeint comme
une mère de famille attentive & ména-
gère , qui rend la vie douce à fon mari &
lui épargne mille follicitudes ; qui forme
des entreprifes importantes , & qui met
elle-même la main à l'œuvre ; qui fe levé
avant le jour pour diftribuer l'ouvrage & la
nourriture à fes domeftiques ; qui augmente
fon domaine par de nouvelles acquittions ;
qui plante des vignes ; qui fabrique des
étoffes pour fournir fa maifon "Se pour
commercer au-dehors ; qui n'a d'autre pa-
rure qu'une beauté fimple & naturelle ;
qui met néanmoins dans l'occafion les ha-
bits les plus riches ; qui ne profère que des
paroles de douceur & de fagefïè ; qui eft
enfin compatiffante & fecourable pour les
malheureux. Prov. xxxj. zo. z z. z z. z%.
24. z 5. &c.
A ces préceptes , à ces exemples d'éco-
nomie fi bien tracés dans les livres de la
Sagefîè , joignons un mot de S. Paul , &
confirmons le tout par un trait d'épargne
que J. C. nous a laifle. L'apôtre écrivant à
Thimothée , veut entr'autres qualités , dans
Tome XII.
E P A Goi
les évêques , qu'ils foient capables d'élever
leurs enfans & de régler leurs affaires do-
meftiques , en un mot qu'ils foient de bons
économes ; en effet , dit-il , s'ils ne favent
pas conduire leur maifon , comment con-
duiront-ils les affaires de l'Eglife ? Si quis
autem domui fuce prceejfe nefeity quomodd
Ecclejice Dei diligentiam habebit .? I. épître
à Timothée , ch. iij. f. 4. £.
Le Sauveur nous donne aufli lui-même une
excellente leçon d'économie, lorfqu'ayant
multiplié cinq pains & deux poifTons au point
de rafTafier une foule de peuple qui le fui-
voit , il fait ramaffer enfuite les morceaux
qui reffent & qui remplifTent douze corbeil-
les , & cela , comme il le dit , pour ne rien
laiûer perdre : colligite quœ fuperaverunc
fragmenta ne pereant. Jean , vj. z z.
Malgré ces autorités fi refpeâables &
fi facrées , le goût des vains plaifirs &
des folles dépenfes eff chez nous la paffion
dominante , ou plutôt c'eft une efpece de
manie qui poflêde les grands & les petits ,
les riches & les pauvres , & à laquelle
nous facrifions fouvent une bonne partie du
nécefîaire.
Au refte ilfaudroit n'avoir aucune expé-
rience du monde , pour propofer férieufe-
ment l'abolition totale du luxe & des fuper-
fluités ; auffi n'eff-ce pas là mon intention.
Le commun des hommes eff trop foible ,
trop efclave de la coutume & de l'opinion %
pour réfiffer au torrent du mauvais exem-
ple ; mais s'il eff impoffible de convertir la
multitude , il n'eft peut-être pas difficile de
perfuader les gens en place , gens éclairés &
judicieux , à qui l'on peut repréfenter l'abus
de mille dépenfes inutiles au fond , & dont
la fuppreffion ne gêneroit point la liberté
publique ; dépenfes qui d'ailleurs n'ont pro-
prement aucun but vertueux , & qu'on
pourrait employer avec plus de fagefïè &
d'utilité : feux d'artifice & autres feux de
joie , bals & feffins publics , entrées d'am-
baffadeurs , &c. que de momeries , que d'à-
mufèmens puériles , que de millions prodi-
gués en Europe , pour payertribut à la cou-
tume ! tandis qu'on eft preffé de befoins
réels , auxquels on ne fàuroit fàtisfaire ,
parce qu'on n'eft pas fidèle à l'économie
nationale.
Mais que dis-je ! on commence à fè^tii*
Gggg
£oi E P A E P A
la futilité de ces dépenfes , & notre minif- | » dres ; ce qui eft , dit- on , le préfent ordî-
tere l'a déjà bien reconnue , lorfque le ciel
ayant comblé nos vœux par la nahTance du
duc de Bourgogne , ce jeune prince fi cher
à la France & à l'Europe entière, on a mi eux
aimé pour exprimer la joie commune dans
cet heureux événement , on a mieux aimé ,-
. dis-je , allumer de toutes parts le flambeau
de l'hymenée, & préfenter aux peuples fes
,ris & fes jeux pour favorifer la population
par de nouveaux mariages , que de faire ,
Suivant la coutume , des prodigalités mal
entendues , que d'allumer des feux inutiles
& difpendieux qu'un inftant voit briller &
s'éteindre.
Cette pratique fi raifonnsble rentre par-
faitement dans la penfée d'un fage fuédois ,
qui donnant une fomme , il y a deux ans ,
.pour commencer un établifïêment utile à fa
ccrivoit à ce fujet : " Plût au ciel que la
9> mode pût s'établir parmi nous , que dans
?> tous les événemens qui caufent PalégrefTe
9> publique , on ne fît éclater fa joie que
9> par des a&es utiles à lafociéré! on ver-
*> roit bientôt nombre de monumens hono-
*> râbles de notre raifbn , qui perpétueraient
9> bien mieux la mémoire des faits dignes
py de paffer à la poflérité , & feroient plus
9> glorieux peur l'humanité que tout cet
9) appareil tumultueux de fêtes , de repas ,
9) de bals , & d'autres divertifTemens ufités
9) en pareilles occafions. » Galette de
France , 8 Décembre ZJS3- Suéde.
La même propofition eft bien confirmée
par l'exemple d'un empereur de la Chine
qui vivoit au dernier fiecle , & qui dans l'un
des grands événemens de fon règne, défen-
dit à l'es fujets de faire les réjouifîances or-
dinaires & confacrées par l'ufage , foit pour
leur épargner des frais inutiles & mal pla-
cés , foit pour les engager vraifemblable-
jnent à opérer quelque bien durable , plus
glorieux pour lui-même , plus avantageux
à tout fon peuple , que des amufemens fri-
voles & paffagers , dont il ne refte aucune
utilité fenfible»
Voici encore un trait que je ne dois pas
oublier : " Le miniftere d'Angleterre , dit
v une gazette. . . .de l'année 1754 , a fait
f> compter mille guinées à M. Wal , ci-
» deyant ambafiadeur d'Efpagne à Lon-
» naire que l'état fait aux miniftres étran-
» gers en quittant la Grande-Bretagne. »
Qui ne voit que mille guinées ou mille louis
forment un préfent plus utile & plus raifon-
nable que ne feroit un bijou , uniquement
deftiné à l'ornement d'un cabinet ?
Après ces grands exemples d'épargne po-
litique , oferoit-on blâmer cet ambaffadeur
hollandois , qui recevant à fon départ d'une
cour étrangère le portrait du prince enrichi
de diamans , mais qui trouvant bien du
vuide dans ce préfent magnifiqqe , demanda
bonnement ce que cela pouvoit valoir.
Comme on l'eut afîuré que le tout coûtoit
quarante mille écus : que ne me donnoit-
on , dit-il , une lettre-de-change de pareille
fomme à prendre fur un banquier d'Amfter-
dam? Cetti naïveté hollandoife nous "fait
patrie, s'exprimoit ainfi dans une lettre qu'il" rire d'abord; mais en examinant la choie
de près , les gens fenfés jugeront apparem-
ment qu'il avoit raiion , & qu'une bonne
lettre de quarante mille écus eft bien plus
de fervice qu'un portrait.
En fuivant le même goût d'épargne y que
de retranchemens , que d'inftitutions utiles
& praticables en plufieurs genres difFércns !
Que d'épargnes poflibles dans l'adminiftra-
tion delà juftice, police & finances, puis-
qu'il feroit aiié , en Amplifiant les régies &
les autres affaires , d'employer, à- tout cela
bien moins du monde qu'on ne fait à pré-
fent ! Cet article eft afTez important pour
mériter des traité» particuliers ; nous en
avons fur cela plufieurs qu'on peut lire avec
beaucoup de fruit.
Que d'épargnes poflibles dans la cîifci-
plinedenos troupes , & que d'avantages on
en pourroit tirer pour le roi & pour l'état ,
fi l'on s'attachoit comme les anciens à les
occuper utilement ! J'en parlerai dans quel-
qu'autre occafion.
Que d'épargnes poffibles dans la police
des Arts & du Commerce, en levant les
obftacles qu'on trouve à chaque pas fur le
tranfport & le débit des marchandifes &
denrées , mais fur-tout en rétabliflant peur-
à-peu la liberté générale des métiers & né-
goces , telle qu'elle étoit jadis en France ,
& telle qu'elle eft encore aujourd'hui en plu-
fieurs états voifins ; fupprimant par confé-
quent les formalités onéreufes des brevets
E P A
d'apprentifîâge , maîtrifes & réceptions , &
autres femblables pratiques , qui arrêtent
l'activité des travailleurs , fouvent même qui
les éloignent tout-à-fait des occupations
utiles , & qui les jettent eniuite en des ex-
trémités funeftes ; pratiques enfin que l'ef-
prit de monopole a introduites en Europe ,
& qui ne le maintiennent dans ces temps
éclairés que par le peu d'attention des légii-
lateurs. Nous n'avons déjà , tous tant que
nous fommes , que trop de répugnance pour
les travaux pénibles ; il ne faudroit pas en
augmenter les difficultés , ni taire naître des
occaiions ou des prétextes à notre pareflê.
De plus, indépendamment des maîtriies,
il y a parmi les ouvriers mille ufages abu-
fifs & ruineux qu'il faudroit abolir impi-
toyablement ; tels font , par exemple , tous
droits de compagnonage , toutes fêtes de
communauté , tous irais d'afîemblée , je-
tons , bougies , repas & buvettes : occa-
lions perpétuelles de fainéantife , d'excès &
de pertes , qui retombent nécefTairement fur
le public , & qui ne s'accordent point avec
l'économie nationale. •
Que <S! épargnes poflibles enfin dans l'exer-
cice de la religion , en lupprimant les trois
quarts de nos têtes , comme on l'a fait en
Italie , dans l'Autriche, dans les Pays-Bas ,
& ailleurs : la France y gagneroit des mil-
lions tous les ans ; outre que l'on épargne-
rait bien des trais qui le font ces jours-là
dans nos églifes. Qu'on pardonne iur cela
les détails fuivans , à un citoyen que l'amour
du bien public anime.
Quel foulagement & quelle épargne pour
le public , fï l'on retranchoit la diftribution
du pain-bénit ! C'cll une dépenfe des plus
inutiles , dépenfe néanmoins confidérable
& qui fait crier bien des gens. On dit que
certains officiers des paroi fies font fur cela
de petites concuflions , ignorées fans doute
de la police , & que la loi n'ayant rien fixé
là-defîùs, ils rançonnent les citoyens impu-
nément félon qu'ils les trouvent plus ou
moins faciles. Quoi qu'il en foit , il efl dé-
montré par un calcul exact. , que le pain-
bénit coûte en France plulieurs millions par
an ; il n'eft cependant d'aucune néceiltté ,
il y a même des contrées dans le royaume
où l'on n'en donne point du tout : en un
mot, il ne porte pas plus de bénédiction
E P A £03
que l'eau qu'on emploie pour le bénir; &c
par conféquent on pourroit s'en tenir à
l'eau qui ne coûte rien , & fupprimer la
dépenfe du pain - bénit comme onéreufe à
bien du monde.
Après avoir indiqué la fuppreffion du
pain-bénit , je ne crois pas devoir épargner
davantage la plupart des quêtes ufitées parmi
nous , & fur-tout la location des chaifès.
Tous négoces font défendus dans le temple
du feigneur ; lui - même les a proferits
hautement , & je ne vois rien dans l'é-
vangile fur quoi il ait parlé avec tant de
force. Domus mea domus orationis ejî y
vos autem feciflis illam fpeluncam latro-
num. Luc , xjx. 46°. lime femble que c'eff
une leçon & pour les pafteurs & pour les
magifîrats.
Rien de plus indécent que de vendre la
place à l'égîife ; MM. les eccléfiaffiques ont
grand foin de s'y mettre à l'aife & propre-
ment , afîis & à genoux : il conviendrait
que tous les fidèles y fufTent de même com-
modément , &: fans jamais financer. Pour
cela il y faudroit mettre des bans appro-
priés à cette fin , bans qui rempliraient la
nef & \ts côtés , & n'y iaifTeroient que de
fimples pafïàges. J'ai vu quelque chofe d'ap-
prochant dans une province du royaume ,
mais beaucoup mieux en Angleterre &c en
Hollande , où l'on efl afîis dans les tem-
ples fans ayeuns frais , & faos être inter-
rompus par des mendians , par des quê-
teurs , ni par des loueurs de chaifes. En quoi
les Proteflans nous donnent un bel exemple
à fuivre , fi nous étions allez raifonnablcs ,
aflèz défintéreflés pour cela.
Mais , dira-t-on fans doute , cette re-
cette retranchée , comment fournir aux dé-
pendes ordinaires ? en voici le moyen sûr
& facile , c'eft de retrancher tout-à-fait une
bonne^partie de ces dépenfes , & de modé-
rer , comme il efl pofhble , celles que l'on
croit les plus indifpenfables. Quelle nécef-
fité d'avoir tant de chantres & autres offi»
ciers dans les paroifïes ? A quoi bon tant de
luminaire , tant d'ornemens , tant de clo-
ches , Ùc. Si l'on étoit un peu raifonnable ,
faudroit-il tant d'étalage , tant de cire & de
fbnnerie pour enterrer les morts ? On en
peut dire autant de mille autres fuperfluités
onéreufes , & qui dénotent.plus dans les uns
604 E P A
l'amour du lucre , dans les autres l'amour
du faite , que le zèle de la religion & de la
vraie piété.
Au furpius il n'eft pas pofTible que de
{impies particuliers remédient jamais à de
pareils abus , chacun fent la tyrannie de la
coutume , chacun même en gémit dans
fon particulier ; cependant tout le monde
porte le joug. L'homme enîant craint la
cenlùre & le qu'en dira-t-on , & perfonne
n'oie réfifter au torrent. C'efr. donc au
gouvernement à déterminer une bonne fois,
fùivant la différence des conditions , tous
frais funéraires , frais de mariage & de
baptême , Ùc. & je crois qu'on pourroit ,
au grand bien du public , les réduire à-peu-
près au tiers de ce qu'il en coûte aujour-
d'hui ; enforte que ce fût une règle conf-
iante pour toutes les familles , & qu'il fût
abfolument défendu aux particuliers & aux
curés de faire ou de fouffrir aucune dépenfe
au-delà.
Quelques politiques modernes ont fage-
ment obfervé que le nombre iurabondant
des gens d'églife étoit vifiblement contraire
à l'opulence nationale , ce qui eft principa-
lement vrai des réguliers de l'un & de l'au-
tre fexe. En effet , excepté ceux qui ont un
miniftere utile & connu , tous les autres
vivent aux dépens des vrais travailleurs ,
fans rien produire de profitable à la iociété ;
ils ne contribuent pas même à leur propre
fubfiftance , f rages confumere nati ; Hor.
/. /. ep. ij. v. &$. & bien qu'iflus la plupart
des conditions les plus médiocres , bien
qu'aflîijettis par état aux rigueurs de la péni-
tence , ils trouvent moyen d'éluder l'anti-
que loi du travail , & de mener une vie
douce & tranquille fans être obligés d'efïuyer
la fueur de leur vifage.
Pour arrêter un fi grand mal politique ,
il ne faudroit admettre aux ordres gjue le
nombre de fujets nécefïaires pour le fervice
de l'égliie. A l'égard des reclus qui ont un
miniftere public , on ne peut que louer leur
zèle à remplir leurs fondions pénibles , &
on doit les regarder comme des fujets pré-
cieux à l'état. Pour les autres qui n'ont pas
d'occupations importantes , il paroîtroit à-
propos d'en diminuer le nombre à l'avenir ,
& de chercher des moyens pour les rendre
plus utJes.
E P A
Voilà plufieurs moyens & épargne que les
politiques ont déjà touchés ; mais en voici
un autre qu'ils n'ont pas encore effleuré , &:
qui eft néanmoins des plus inréreflans : je
parle des académies de jeu , qui font vifi-
blement contraires au bien national ; mais
je parle fur-tout des cabarets fi multipliés ,
fi nuifibles parmi nous , que c'eii pour le
peuple la caufe la plus commune de ia mi-
fere & de fes défordres.
Les cabarets , à le bien prendre, font une
occafion perpétuelle d'excès & de pertes ; &
il feroit très-utile , dans les vues de la reli-
gion & de la politique, d'en fupprimer la
meilleure partie à mefure qu'ils viendroient
à vaquer. Il ne feroit pas moins important
de les interdire pendant les jours ouvrables à
tous les gens établis & connus en chaque
paroifle'; de les fermer févérement à neuf
heures du foir dans toutes les faifons , & de
mettre enfin les contrevenans à une bonne
amende , dont moitié aux dénonciateurs ,
moitié aux infpe&eurs de police.
Ces réglemens , dira-t-on , bien qu'utiles
& raifonnabées , diminueroient le produit
des aides ; mais premièrement le royaume
n'eft pas fait pour les. aides , les aides au
contraire font faites pour le royaume ; elles
font proprement une reffource pour fubve-
nir à fes beibins : fi cependant par quelque
occafion que ce puiflè être , elles devenoient
nuifibles à l'état , il n'eft pas douteux qu'il
ne fallût les rectifier ou chercher des moyens
moins ruineux, à-peu-près comme on change
ou qu'on cette un remède loriqu'il devient
contraire.
D'ailleurs les réglemens propofés- ne doi-
vent point alarmer les financiers , par la
grande raifon que ce qui ne fè confomme-
roit pas dans les cabarets , fe confommeroit
encore mieux & plus univerfellement, dans
les maifons particulières , mais pour l'or-
dinaire fans excès -& fans perte de temps ;
au lieu que les cabarets , toujours ouverts ,
dérangent fi bien nos ouvriers , qu'on ne
peut d'ordinaire compter fur eux , ni voir
la fin d'un ouvrage commencé. Nous nous
plaignons fans ceffe de la dureté des temps ;
que ne nous plaignons-nous plutôt de notre
imprudence , qui nous porte à faire & à
tolérer des dépenfes & des pertes fans
nombre.
E ? A
Autre propofition qui tient à Vepargne
publique , ce feroit de fonder des monts de
piété dans toutes nos bonnes villes , pour
faire trouver de l'argent fur gage & fans in-
térêt ; fi ce n'eft peut-être qu'on pourroit
tirer deux pour cent par année , pour four-
nir aux frais de la régie. On fait que les
prêteurs-ufuraires font très-nuifibles au pu-
blic , & qu'ainfi l'on éviteroit bien des per-
tes fi l'on pouvoit fe pafTer de leur miniftere.
Il feroit donc à fouhaiter que les âmes pieu-
lés & les" cœurs bienfaifans fongeafTent fé-
rieufement à effectuer les fondations favora-
bles dont nous parlons. •
Outre la commodité générale d'un em-
prunt gratuit & facile pour les peuples , je
regarde comme l'un des avantages de ces
établiflemens , que ce feroient autant de bu-
reaux connus où l'on pourroit dépofer avec
confiance des fommes qu'on n'eft pas tou-
jours à portée de placer utilement , & dont
on eft quelquefois embarrafle. Combien
d'avares qui , craignant pour l'avenir , n'o-
fent fe défaire de leur argent; & qui mal-
gré leurs précautions , ont toujours à redou-
ter les vols , les incendies^, les pillages , &c.
Combien d'ouvriers , combien de domefti-
ques & d'autres gens ifolés , qui ayant épar-
gné une petite fomme , dix piftoles , cent
écus , plus ou moins , ne favent actuelle-
ment qu'en faire , & appréhendent avec rai-
fon de les dîffiper ou de les perdre? Je trouve
donc qu'il feroit avantageux dans tous ces
cas de pouvoir dépofer sûrement une fomme
quelconque , avec liberté de la retirer à fon
gré. Par-là on feroit circuler dans le public
une infinité de fommes petites ou grandes
qui demeurent aujourd'hui dans l'inaction.
D'un autre côté , les particuliers dépofans
éviteroient bien des inquiétudes & des filou-
teries ; outre qu'ils feroient moins expofés à
prêter leur argent mal-à-propos , ou à le
dépenfer follement. Ainfi chacun retrouve-
roit fes fonds ou fes épargnes y lorfqu'il fe
préfenteroit de bonnes affaires , & la plu-
part des ouvriers & des domeftiques devien-
droient plus économes & plus rangés.
Cette habitude d'économie dans les moin-
dres fujets eft plus importante qu'on ne croit
au bien général ; & c'eft en quoi nous fom-
mes fort au-defîous des nations voifines ,
qui prefque toutes font plus accoutumées
E P A £0y
que nous à V épargne & aux attentions éco-
nomiques. Voici fur cela un trait qui eft
particulier aux Anglois , & qui mérite d'ê-
tre rapporté. On afTure donc qu'il y«a
chez eux , dans la plupart des grandes mai-
fons , ce qu'ils appellent afaving-man y
c'efl-à-dire un domel^que attentif & ména-
ger qui veille perpétuellement à ce que rien
ne traîne , à ce que rien ne fe perdre ou
ne s'égare. Son unique emploi eft de roder
à toute heure dans tous les recoins d'une
grande maifon , depuis la cave jufqu'au gre-
nier , dans les cours , écuries , jardins , &
autres dépendances , de remettre en fon lieu
tout ce qu'il trouve déplacé , & d'emporter
dans fon magafin tout ce qu'il rencontre
épars & à l'abandon , de la ferraille de toute
efpece , des bouts de planche & autres bois ,
des cordes , du cuir , de la chandelle , toute
forte de hardes , meubles , ufteniiles , ou-
tils , &c.
Outre une infinité de cho fes , chacune
de peu de valeur , mais dont l'enfemble eft
important , & dont cette économie prévient
la perte , il conferve aufli bien fou vent des
chofes de prix , que des maîtres , des do-
meftiques ou des ouvriers laiflènt traîne?
par oubli , ou par quelque autre raifon q;;e
ce puifTe être. Sa vigilance réveille l'atten-
tion des autres , & il devient par état l'an-
tagonifte de la fripponnerie & le réparateur
de la négligence. ',
J'ai déjà marqué ci-devant qu'il n'étorc
ici queftion que d'épargne publique , & que
je ne touchois prefque point à la conduite
des particuliers. Plufieurs néanmoins ne
m'ont oppofé que de prétendus inconvé-
niens contre la fupprefiion totale de notre
luxe , ce qui n'attaque point ma thefe , &
porte par confequent à faux : cependant
je tacherai de répondre à l'objection ,
comme fi je lui trouvois quelque fondement
folide.
Si l'on fuivoit , dîf-on y tant de projets
de perfection & de réfermes ; que d'un côté
l'on fupprimât les dépenfes inutiles ; que de
l'autre , on fe livrât de toutes parts à des
entreprifes fructueufes ; en un mot , que
l'économie devînt à la mode parmi les
François , on verroit bientôt , à la vérité ,
notre opulence fenfiblement accrue ; mais
que fercit-on de tant de richefies accumu-
6o6
E P A
lées ? D'ailleurs la plupart des fujets , moins
employés aux arts de fomptuofité , n'au-
roient guère de part à tant d'opulence , &
languiraient apparemment au milieu de
l'abondance générale.
Il eft aile de répondre à cette difficulté.
En effet , fi l'épargne économique s'établif-
fbit parmi nous ; qu'on donnât plus au né-
ce flaire & moins au fuperflu ; il fe feroit ,
j'en conviens , moins de dépenfes frivoles
& mal - placées , mais aufli s'en feroit -il
beaucoup plus de raifonnables & de ver-
tueufes. Les riches & les grands , moins
obérés , paieraient mieux leurs créanciers ;
d'ailleurs plus puiflans & plus pécunieux ,
ils auroient plus de facilité à marier leurs
enfans ; au lieu d'un mariage , ils en fe-
raient deux , au lieu de deux , ils en feroient
quatre , & l'on verroit ainfi moins de ren-
verfement & moins d' extinctions dans les
familles. On donnerait moins au faite , au
caprice , à la vanité ; mais on donneroit plus
à la juftice , à la bienfaifance , à la véritable
gloire ; en un mot , on emploierait beau-
coup moins de fujets à des arts ftériles ,
arts d'amufement & de frivolités , mais
beaucoup plus à des arts avantageux & né-
cessaires ; & pour lors , s'il y avoit moins
d'artifans du luxe & des plaifirs , moins de
domeftiques inutiles & défœuvrés , il y au-
rait en récompenfe plus de cultivateurs , &
d'autres précieux inltrumens de la véritable
richefle.
Il eft démontré , pour quiconque réflé-
chit , que la différence d'occupation dans
les fujets produit l'opulence ou la difètte
nationale , en un mot le bien ou le mal de
la fbciété. On lent parfaitement que li quel-
qu'un peut tenir un homme à les gages , il
lui fera plus avantageux d'avoir un bon jar-
dinier que d'entretenir un domeftique de
parade. Il y a donc des emplois infiniment
plus utiles les uns que^s autres ; & fi l'on
occupoit la plupart des hommes avec plus
d'intelligence & d'utilité , la nation en fe-
roit plus puiflante , & les particuliers plus
a leur aiiè.
D'ailleurs la pratique habituelle de IV-
pargnc produifant , au moins chez les ri-
ches , une lurabondance de biens qui ne s'y
trouve prefque jamais , il en réfulteroit pour
les peuples un foulagement fenfible , en ce
E P A
que les petits alors feroient moins inquiétés
& moins foulés par les grands. Que le loup
ceffe d'avoir faim , il ne défblera pas les
bergeries.
Quoi qu'il en foit , les proportions & les
pratiques énoncées ci-deflus nous paraî-
traient plus intérefîantes , li une mauvaife
coutume , fi l'ignorance & la molleffe ne
nous avoient rendus indifférais fur les avan-
tages de Y épargne , & fur-tout fi cette habi-
tude précieufe n'étoit confondue le plus
fouvent avec la fordide avarice. Erreur
dont nous avons un exemple connu dans le
jugement peu "favorable qu'on a porté de
nos jours d'un citoyen vertueux & déiin-
térefle , feu M. Godinot , chanoine de
Rheims.
Amateur paffionné de l'agriculture , il
confacroit à l'étude de la Phyfique & aux
occupations champêtres tout le loifir que
lui laifToit le devoir de fa place. Il s'attacha
fpécialement à perfectionner la culture des
vignes , & plus encore la façon des vins ,
& bientôt il trouva l'art de les rendre û iii-
périeurs & fi parfaits , qu'il en fournit dans
la fuite à tous les potentas de l'Europe ; ce
qui lui donna moyen , dans le cours d'une
longue vie , d'accumuler des fommes pro-
digieufès , fommes dont ce philofophe
chrétien méditoit de longue -main l'uiage
le plus noble & le plus digne de fa bien-
faifance.
Du refte , il vivoit dans la plus grande
fimplicité , dans la pratique fidèle & cons-
tante d'une épargne vifible , & qui fembloit
même outrée. Aufli les efprits vulgaires
qui ne jugent que fur les apparences , &
qui ne connoifloient pas (es grands- defleins ,
ne le regardèrent pendant bien des années
qu'avec une forte de mépris ; & ils conti-
nuèrent toujours fur le même ton , jufqu'à
ce que plus inflruits & tout-à-fait fubjugués
par les établiflèmens & les conftructions
utiles dont il décora la ville de Rheims , &
fur-tout par les travaux immenfes qu'il en-
treprit à les frais pour y conduire des eaux
abondantes & falubres qui manquoient au-
paravant , ils lui prodiguèrent enfin avec le
refre de la France le tribut d'éloges &
d'admiration qu'ils ne pouvoient" refufer à
ion généreux patriotifme.
Un fi beau modèle touchera fans doute
E P A
le cœur des François , encouragés d'ailleurs
par l'exemple de plufieurs fociétés établies
en Angleterre , en Ecofîe & en Irlande ,
fociétés uniquement occupées de vues éco-
nomiques , & qui de leurs propres deniers
font tous les ans des largeffes confidérables
aux laboureurs & aux artiftes qui le diflin-
guent par la fupériorité de leurs travaux &
de leurs découvertes. Le même goût s'efl
répandu jufqu'en Italie. On apprit l'an parlé
le nouvel établiffement d'une académie
d'Agriculture à Florence.
Mais c'efl principalement en Suéde que
la fcience économique femble avoir fixé le
liège de Ton empire. Dans les autres con-
trées elle n'eft cultivée que par quelques
amateurs , ou par de foibles compagnies
encore peu accréditées & peu connues : en
Suéde , elle trouve une académie royale
qui lui efl uniquement dévouée ; qui efl
formée d'ailleurs & foutenue par tout ce
qu'il y a de plus favant & de plus diflingué
dans l'état ; académie qui écartant tous ce
qui n'eft que d'érudition , d'agrément &
de curiofité , n'admet que des obfervations
& des recherches tendantes à l'utilité phy-
lîque & fenfible.
C'eft de ce fonds abondant que s'enrichit
le plus fouvent notre journal économique ,
production nouvelle, digne parfon objet de
toute l'attention du miniftere , & qui l'em-
porteroit par Ion utilité fur tous nos recueils
d'académies , fi le gouvernement commet-
toit à la direction de cet ouvrage des hom-
mes parfaitement au fait des feiences & des
arts économiques , & que ces hommes pré-
cieux , animés & conduits par un fupérieur
éclairé , ne fuflent jamais à la merci des
entrepreneurs , jamais fruilrés par confé-
quent des jufles honoraires fi bien dûs à leur
travail.
Ce feroit en effet une vue bien conforme
à la juftiee & à l'économie publique , de
ne pas abandonner le plus grand nombre
des fujets à la rapacité de ceux qui les em-
ploient , & dont le but principal , ou pour
mieux dire unique , efl de profiter du labeur
d'autrui fans égard au bien des travailleurs.
Sur quoi j'obferve que dans ce conflit d'in-
térêts le gouvernement devroit abroger toute
conceffionde droits privatifs, fermer l'oreille
à toute repréfentation , qui colorée du bien
E P A 607
public , eft au fond fuggérée par l'efprit de
monopole , & qu'il devroit opérer fans
ménagement ce qui efl équitable en foi ,
& favorable à la franchife des arts & du
commerce.
Quoi qu'il en foit , nous pouvons féliciter
la France de ce que parmi tant d'académi-
ciens livrés à la manie du bel efprit , mais
peu touchés des recherches utiles , elle
compte des génies fupérieurs , des hommes
confommés en tout genre de feiences , les-
quels ont toujours allié la beauté du flyle ,
les grâces même de l'éloquence avec les
études les plus folides , & qui s'étant con-
facrés depuis bien des années à des travaux
& à des eiiâis économiques , nous ont en-
richis , comme on fait y des découvertes les
plus intéreffantes. #
Il paroît enfin que depuis la paix de
1748 , le goût de Y économie publique gagne
infenfiblement l'Europe entière. Les princes
aujourd'hui , plus éclairés qu'autrefois y
ambitionnent beaucoup moins de s'agran-
dir par la guerre. L'hifloire & l'expérience
leur ont également appris que c'efl une voie
incertaine & deflruélive. L'amélioration de
leurs états leur en préfente une autre plus
courte & plus affurée ; auffi tous s'y li-
vrent comme à l'envi , & ils paroifîènt
plus difpofés que jamais à profiter de tant
d'ouvrages publiés de nos jours fur le com-
merce , la navigation , & la finance , fur
l'exploitation des terres , fur l'établifièment
& le progrès des arts les plus utiles ;.dif-
pofitions favorables , qui contribueront à
rendre les fujets plus économes , plus fains ,
plus fortunés , & je crois même plus
vertueux.
En effet , la véritable économie égale-
ment inconnue à l'avare & au prodigue ,
tient un jufle milieu entre les extrêmes op-
pofés ; & c'efl au défaut de cette vertu fi
déprimée , qu'on doit attribuer la plupart
des maux qui couvrent la ime de la terre.
Le goût trop ordinaire des amulemens ,
des fuperfluités & des délices entraîne la
mollefîe , Foiliveté , la dépenfe , & fou-
vent la difette , mais toujours au moins
la foif des richeffes , qui deviennent d'au-
tant plus néceflaires qu'on s'affujettit à
plus de befoins ; ce qui produit enfuite les
artifices & les détours , la rapacité > la
€c* E P A
violence , & tant d'autres excès qui vien-
nent de la même fource.
Je prêche donc hautement Yépargne
publique & particulière ; mais c'eft une
épargne fage & défintéreflee , qui donne
du courage contre la peine , de la fermeté
contre le plailir , & qui cil enfin la meil-
leure refîburce de la bienfaifance & de la
générofité ; c'efi cette honnête parcimonie
ii chère autrefois à Pline le jeune , & qui
le mettoit en état , comme il le dit lui-
même , de faire dans une fortune médio-
cre , de grandes libéralités publiques &
particulières. Quidquid mihi pâte r tuus de-
huit y acceptum tibi ferri jubeo; neceftquod
verearis ne fit mihi ifia onerofa donatio.
Sunt quidem omninb nobis modicae facilitâ-
tes y dignitas fumptuofa , reditus pr opter
conditionem agellorum nefcio minor an in-
certior; fed quod ceffat ex reditu, frugalitate
fuppletur , ex quâ v élut à fonte liber alitas
nojlra decurrit. Lettres de Pline , livre II.
lettre jv. On trouve dans toutes ces lettres
mille traits de bienfaifance. Voye\ fur-tout
liv. III. lett. xj. liv. IV. lett. xiij. &c.
Rien ne devroit être plus recommandé
aux jeunes gens que cette habitude ver-
tueufe , laquelle deviendrait pour eux un
préfervatif contre les vices. C'eft en quoi
l'éducation des anciens étoit plus conlé-
quente & plus raifonnable que la nôtre. Ils
accoutumoient les enfans de bonne heure
aux pratiques du [ménage , tant par leur
propre exemple que par le pécule qu'ils leur
accordoient , & que ceux-ci , quoique jeu-
nes & dépendans , faifoient valoir à leur
profit. Cette légère adminiftration leur don-
noit un commencement d'application & de
follieitude , qui devenoit utile pour le refte
de la vie.
Que nous penfons là-defïus différem-
ment des anciens ! on n'oferoit aujourd'hui
tourner les jeunes gens à l'économie ; & ce
fèroit , comm# l'on penfe , n'avoir pas de
fentiment que de leur en infpirer l'eftime &
le goût. Erreur bien commune dans notre
fiecle , mais erreur funeffe qui nuit infini-
ment à nos mœurs. On a fondé en mille
endroits àcs prix d'éloquence & de poéfie ;
qui fondera parmi nous des prix d'épargne
& de frugalité ?
Au refte ; ces proportions n'ont d'autre
E P A
but que d'éclairer les hommes fur leurs
intérêts , de les rendre plus attentifs fur le
nécefiaire , moins ardens fur le fuperflu ,
en un mot d'appliquer leur induftrie à des
objets plus fructueux , &. d'employer un
plus grand nombre de fujets pour le bien
moral , phylïque & fenfible de la fociété.
Piût au ciel que de telles mœurs priffent
chez nous la place de l'intérêt , du luxe &
des plaifirs ; que d'ailance , que de bonheur
& de. paix il en réfulteroit pour tous les ci-
toyens ! Cet article eftde M. Fa iguet.
EPARGNE, (Hydr.) Voye^ Aju-
tage.
EPARGNE , {Gravure en bois. ) Ou-
vrage fait à taille d'épargne : c'eft une ma-
nière de graver ou entailler le bois , les
pierres , les métaux , Ùc. qui fe dit lors-
qu'on taille & qu'on enlevé le fonds de
la matière , & qu'on n épargne & qu'on ne
lailTe en relief que les parties qu'on veut
faire paroitre à la vue , ou qui doivent
marquer & imprimer : anaglyphum fcul-
pere y incidere : ainli les gravures en bois
font taillées ou* gravées en épargne. Car
au lieu que dans la gravure en cuivre ou
taille douce , les traits ou lignes qui doivent
paroître , font gravées en creux dans le
métal , & que les blancs relient relevés fur
la planche : au contraire , dans les tailles
ou gravures en bois , les blancs font en-
foncés , creufés & vuidés , & les traits &
lignes qui doivent paroître , font élevés &
épargnés : d'où l'on doit concevoir la lon-
gueur &. la précifion que demande cette
efpece de gravure.
* ÉPARS. ( Gram. ) Il fe dit en gé-
nérai d'un grand nombre d'objets de la
même efpece , diftribués fur un efpace
beaucoup plus grand que celui qu'ils de-
vroient naturellement occuper : ainfi épars
elf encore .un terme relatif ; & les deux
termes de la comparaifon font le nombre &:
le lieu , ou les diilances des objets les uns
à l'égard des autres.
EPARTS , f. m. pi. terme de Charron 9
font des morceaux de bois plat , de l'épaif-
feur d'un bon pouce , longs environ de cinq
pies , qui joignent les deux limons & les
afluiettilTent à pareille diffance : c'eft deflûs
les éparts que l'on afïujettit les planches du
fond.
EPARVIN
E P A
EPARVIN ou EPERVIN -, f. m.
( Manège. Maréchal. ) rumeur qui affecte les
jarrets , ôc qui ne doit être regardée que
comme un gonflement de Péminence ofleu-
fe qui eft à la partie latérale interne & fu-
périeure de l'os du canon : les anciens ont
donné à cette éminence le nom d'éparv/n
ou d'épervin ; ôc c'eft en conféquence de
cette dénomination que l'on a appelle ainii
la tumeur dont il s'agit , ôc fur laquelle je
ne peux me dilpenfer de m'étendre dans
cet article.
Prefque tous les auteurs ont diftingué
trois fortes à'éparvins ; Véparvinfec , Vépar-
vin de bœuf \ ôc Yéparvin calleux.
Par Véparvinfec ils ont prétendu défîgner
une maladie qui confifte dans une flexion
convulfive ôc précipitée de la jambe qui en
eft attaquée lorfque l'animal marche. Ce
mouvement irrégulier que nous exprimons,
d'un commun accord , par le terme harper ,
eft très-vifible dès les premiers pas que fait
le cheval , ôc continue jufqu'à ce qu'il foit
échauffé ; après quoi on ne l'apperçoit
plus : iî néanmoins la maladie eft à un cer-
tain période , l'animal harpe toujours. Un
cheval crochu avec ce défaut doit être ab-
folument rejeté : ceux dans les deux jam-
bes defquels il fe rencontre , n'ont pas été
rebutés ôc proferits des manèges , quand
ils ont eu des qualités d'ailleurs ; parce
qu'au moyen de ces deux prétendus épar-
vins , leurs courbettes ont paru plus trides ,
ôc leurs battues plus fbnores. On doit en-
core obferver que ce mal ne fufeite aucune
claudication ; ôc s'il arrive que l'animal
boice au bout d'ua certain temps , c'eft
en conféquence de quelqu'autre maladie
qui furvient au jarret , fatigué par la con-
tinuité de l'action forcée qui réfulte delà
flexion convulfive dont j'ai parlé.
On ne doit chercher la raifon de cette
flexion que dans les mufcles mêmes qui
fervent à ce mouvement ; c'eft-à-dire ,
dans les mufcles fléchifleurs , ou dans les
nerfs qui y aboutifïent ; car les nerfs font
les rênes , par le moyen defquelles les corps
font mus , tournés ôc agités en divers fens ,
& ce n'eft qu'à eux que les parties doivent
véritablement leur action ôc leur jeu.
C'eft aufïi dans leurtenfion irréguliere , &
dans la circulation précipitée des efprits
Tome XII.
E P A 6o$
animaux , que nous découvrons le princi-
pe ôc la fource des convuliions ôc des mou-
vemens convullifs : mais alors ces mouve-
mens fe remarquent indiftinctement dans
plufieurs parties , & ont lieu de différentes
manières ôc en toutes fortes de temps ;
tandis qu'ici ils fe manifeftent conftam-
ment , ôc toujours dans les leuls mufcles
fléchifleurs de la jambe , & qu'ils.ne font
fenfibles qu'autant que l'animal chemine.
Or pour déterminer quelque chofe dans
une matière auffi abftraite ôc aufïi embar-
raflànte , je dirai que cette maladie arri-
vera , lorfqu'en conféquence d'un exercice
violent ôc réitéré , ces mufcles, & même
le tiflu des fibres nerveufes qui en font
partie , auront fouffert une diftention telle
qu'il en réfulteraune douleur plus ou moins
vive , au moindre mouvement de con-
traction qu'ils feront follicités de faire j
ôc c'eft précifément cette douleur que l'a-
nimal reflènt dans le moment qui l'obligé
à hâter , à précipiter ion mouvement , à
harper : que fi la maladie n'eft pas parve-
nue à un degré confidérable , cette fen-
lation douloureufè n'exiftera que pendant
les premiers mouvemens , c'eft-à-dire dans
les premiers inftans où ces muicles entre-
ront en contraction , après lefquels elle
cédera , ôc l'action de la partie s'opérera
dans l'ordre naturel , comme fî l'on pou-
voit dire que les fibres fouffrantes s'accou-
tument ôc fe font à ce mouvement. Nous
avons un exemple de cette diminution ôc
de cette ceffation de fenlibilité ôc de dou-
leur dans certains chevaux qui boitent de
l'épaule , ôc qui "font droits après un cer-
tain temps de travail , c'eft-à-dire lorfque
cette partie eft échauffée.
Il eft donc de toute impoffibilité d'afïï-
gner raifonnablement à cette maladie une
place dans le jarret ou dans les parties qui
l'environnent. 1 °. Son fiege n'eft point ap-
parent , ôc elle ne s'annonce par aucun
ligne extérieur. i°. J'ai vu trois chevaux har-
per du devant , au moment où ils fléchiC-
fent le genou. $°. Dans ce cas l'animal
boiteroit infailliblement , ôc retarderoit
fon action , loin de la hâter. Que le jeu
d'une articulation quelconque foit en effet
traverfé par quelque obftacle d'où puiflè
réiulter une impreiïion doulourenfe ; qu'il
Hhhh
6io E P A
y ait dans le jarret une courbe accrue à
un certain point ; qu'un oflelet ou bou-
let gêne ôc contraigne les tendons dans
leur parTage , le cheval , pour échapper à
la douleur , ôc pour diminuer la longueur
du moment où il la relient , ne précipitera
point Ion mouvement , ou s'il le précipite ,
ce ne fera qu'en fe rejetant prompte -
ment fur la partie qui n'eft point affectée ,
pour foulager celle qui fouffre , ôc non en
hâtant ôc en forçant l'action à laquelle il
é;oit déterminé. C'eft aufîi ce qui me con-
firme dans l'idée que je me fuis formée des
caufes de la flexion convullîve dont il eft
queftion. Le premier moment de la con-
traction des mufcles eft l'inftant de la dou-
leur , & la preuve en eft palpable , fi l'on
fait attention qu'avant l'influx des efprits
animaux qui produifent la contraction ,
les fibres dans une fltuation ordinaire n'é-
toient point agitées , ôc l'animal ne fouf-
froit point : or iï le premier moment de la
contraction eft celui de la douleur , il faut
donc conclure que le fiege du mal eft dans
la partie qui fe contracte , c'eft-à-dire dans
la portion charnue des mufcles , & non
dans les tendons qui font fimplement tirés
par le moyen de la contraction , ainfi que
les autres parties auxquelles ces mufcles
ont leurs attaches ; ôc conféquemment cette
flexion convullîve , ce mouvement irrégu-
lier & extraordinaire ne peut être imputé
à un vice dans les jarrets.
Les deux autres efpeces d'éparvin peu-
vent véritablement affecter cette partie ,
mais les idées que l'on a conçues jufqu'ici
ne font pas exactement diftinctes.
Le premier eft appelle éparvin de bœuf y
parce que les bœufs d'un certain âge , ôc
après un certain temps de travail , y font
extrêmement fujets. Dans ces animaux ,
félon la direction que j'en ai faite moi-
même , on apperçoit une tumeur humorale
d'un volume extraordinaire , fituée à la
yartie latérale interne du jarret , &c qui oc-
cupe preique toute cette portion : elle eft
produite par des humeurs lymphatiques
arrêtées dans les ligamens de l'articulation ,
&c notamment dans le ligament capfulaire.
Cette humeur molle dans fon origine , mais
s'endurcifïant par fon féjour , devient pîa-
treufe > de manière que la tumeur qu'elle
E P A
forme efl extrêmement dure. Il s'agiroit
donc de favoir fi dans le cheval c'eft cette
même tumeur que l'on appelle éparvin :
pour cet effet confidérons-en la fltuation ,
le volume ôc la coniiftance , foit dans fon
principe , foit dans fes progrès. Quant à fa
fltuation, elle occupe , ainfi que je viens de
le remarquer , toute la partie latérale in-
terne du jarret : fon volume eft donc plus
confîdérable dans le bœuf que dans le che-
val , ôc fon fiege n'eft pas précifément le
même , puifque nous ne lui en afTignons
d'autre dans celui-ci que l'éminence qui
eft à la partie latérale interne &c fupérieure
du canon. Quant à fa confîftance , j'avoue
ingénuement que jamais Y éparvin ne m'a
paru mol dans fon commencement ôc lors
de fa naiflance : ainfi , fans prétendre nier
la pofïibilité de l'exiftence de cette tumeur
humorale dans le jarret du cheval , fi elle
s'y rencontre , je l'envifagerai comme une
tumeur d'une nature qui n'a rien de par-
ticulier, &qui peut arriver indiftinctement
à d'autres parties.
Je nommerai par conféquent feulement
éparvin la tumeur ou le gonflement de l'é-
minence ofleufe même dont j'ai parlé ; ôc
dans le cas où le jarret fesa affecté d'une
tumeur pareille à celle qui fe montre quel-
quefois furlejarretdu bœuf, jelaconfidére-
rai comme une maladie totalement diffé-
rente de Yéparviny foit qu'elle foit molle, foit
qu'elle foit endurcie ; parce que ce qui ca-
ractérife Y éparvin eft fa fltuation , ôc que
dans la maladie que je reconnois pour
telle , je ne vois de gonflement qu'à la por-
tion de l'os du canon , -que l'on a nommée
ainfi ; ôc c'eft un mal dont le fiege , ainfi
que celui de la courbe , eft dans l'os même.
La courbe n'eft en effet autre chofe
qu'une tumeur ou un gonflement du tibia :
elle eft fituée fupérieurement à Y éparvin , à
la partie interne inférieure de cet os ; c'eft-
à-dire , qu'elle en occupe le condile de ce
même côté , ôc elle en fuit la forme , puif-
qu'elle eft oblongue ôc plus étroite à fa par-
tie fupérieure ôc à fon origine qu'à fa par-
tie inférieure. Le gonflement , en augmen-
tant , ne peut que gêner l'articulation ; ce
qui produit infenfiblement ôc peu-à-peu
la difficulté du mouvement : il contraint
l aulïi les tendons ôc les ligamens qui l'en-
E P A
vironnent ; ce qui , outre la difficulté du
mouvement , excitera 8c occaiionera la
douleur. Aufïî voyons-nous que l'animal
qui eft attaqué de cette maladie boite plus
ou moins , félon les degrés 8c les progrès
du mal : la jambe eft roide , la flexion du
jarret n'eft point racile , &c il fouffre , de
manière enfin qu'elle eft prefque entière-
ment interrompue ; cette indifpoficion dé-
génère alors en faufle anchylofe. Il faut en-
core obferver qu'elle paroît fou vent accom-
pagnée d'un gonflement au pli du jarret ,
à l'endroit où furviennent les varices : mais ,
en premier lieu , ce gonflement peut n'ê-
tre qu'une tenfion plus grande de la peau;
tenlion quiréfulte de l'élévation formée par
la courbe ou par la tumeur de l'os : en fé-
cond lieu , il peut être une fuite du gêne-
ment de la circulation.
Le véritable éparvin 8c la courbe ont un
même principe ; les caufes en font com-
munément externes , 8c peuvent en être in-
ternes , quelquefois les unes 8c les autres fe
réunifient.
Les premières feront des coups , un tra-
vail violent 8c forcé ; 8c les fécondes feront
produites par le vice de la ma (le.
Les coups donneront lieu à ces tumeurs
ou à ces gonflemens , parce qu'ils occafio-
neront une dépreffion , qui fera fuivie de
l'extravafion des fucs & de la perte de la
folidité des fibres offeufes : -ces fucs répan-
dus , non-feulement la partie déprimée fe
relèvera , mais elle augmentera en volume ,
félon l'abord des liqueurs.
Le trop grand exercice , un travail vio-
lent 8c forcé contribueront aufTi à leur ar-
rêt 8c à leur ftagnation : i°. pa rie frotte-
ment fréquent de ces os , avec lesquels ils
font articulés ; frottement fuffifant pour
produire le gonflement : i°. par la difpofi-
tion que des humeurs éloignées du centre
de la circulation , 8c obligées de remonter
contre leur propre poids , ont à féjourner ,
fur-tout celles qui font contenues dans des
veines 8c dans des canaux qui ne font point
expofés à l'action des mufcles; action ca-
pable d'en accélérer le mouvement progref-
Iif 8c le cours , 8c telles font celles qui font
dans les os 8c dans les extrémités inférieu-
res de l'animal.
Enfin iî à défaut des caufes externes nous
E P A 6u
croyons ne devoir accufer que le vice du
fang , nous trouverons que des fucs épaiilis
ne pourront que s'arrêter dans les petites
cellules qui compofent les têtes ou le riflu
fpongieux des os , qu'ils écarteront les fibres
oiïeufes à^nefure qu'ils s'y accumuleront ,
qu'ils s'y durciront par leur féjour; &de-là
l'origine 8c l'accroiflèment de la courbe 8c
de \' éparvin , lorfque ces tumeurs ne re-
connoiflènt qne des caufes internes.
L'une 8c l'autre cèdent à l'efficacité des
mêmes médicamens. Si elles font le réful-
tat de ces dernières causes , on débutera
par les remèdes généraux , c'eft-à-dire par
la faignée , le breuvage purgatif , dans le-
quel on fera entrer X'aquila alka : on mettra
enluite l'animal à l'ufagedu crccus métallo-
rum , à la dofè d'une once , dans laquelle
on jettera quarante grains d'éthiops miné-
ral , que l'on augmentera chaque jour de
cinq grains , jufqu'à la dofe de fbixante.
A l'égard du traitement extérieur , bor-
né jufqu'à préient à l'application inutile
du cautère actuel , application qui n'outre-
paflant pas le tégument , ne peut rien con-
tre une tumeur réfïdente dans l'os ; on
aura foin d'exercer fur le gonflement un
frottement continué s par le moyen d'un
corps quelconque dur , mais îilîe 8c poli ,
afin de commencer à divifer l'humeur re-
tenue. Auffi-tot après on y appliquera ua
emplâtre d'onguent de vigo , au triple de
mercure , & on y maintiendra cet emplâ-
tre avec une plaque^de plomb très-mince ,
qui fera elle-même maintenue par une li-
gature , ou plutôt par un bandage fait avec
un large ruban de fil : on renouvellera cet
emplâtre tous les trois jours , 8c ces tumeurs
s'évanouiront 8c fe réfoudront incontefta-
blement. Il eft bon de rafer le poil qui les
recouvre , avant d'y fixer le réiblutif que
je preferis , & dont j'ai conftamment éprou-
vé les admirables [effets.
Le même topique doit être employé dans
le cas où ces gonflemens devroient leur
naiflànce aux caufes externes ; la faignée
néanmoins fera convenable ; mais on pour-
ra Ce difpenfer d'ordonner la purgation ,
le crocus metallorum , 8c l'éthiops minéral.
La cure de la tumeur humorale , en fup-
pofant qu'elle fe montre dans le cheval ,
n'aura rien de différent de celle de toutes
Hhhhz
*n EPA
les autres tumeurs : ainfi , enfuite des remè-
des généraux , & après avoir , lelon l'in-
flammation Se la douleur , eu recours aux
anodyns , aux émolliens , on tentera les
réfolutifs. Si néanmoins la tumeur fedil-
pofe à la fuppurarion , 8c parent fuir la
voie première que nous avons voulu lui
indiquer , on appliquera des fuppurans ,
après quoi on procédera à fon ouverture :
8c Ci elle incline à fe terminer par indura-
tion , on ufera des émolliens , qui feront
fuivis par degrés des médicamens deltinés
à réfoudre , lorfqu'on s'appercevra de leurs
effets , &c. On ne doit point auffi oublier
le régime que nous avons preferit en parlant
des maladies qui demandent un traitement
intérieur 8c méthodique.
Celui du prétendu éparvin fec , que
jJai démontré n'exifter en aucune façon
dans le jarret , n'eft: pas encore véritable-
ment connu. J'ai vainement eu recours à
tous les remèdes innombrables que j'ai
trouvés décrits dans les ouvrages des au-
teurs anciens 8c modernes de toutes les
nations , & qu'ils conseillent dans cette
circonftance , aucun d'eux ne m'a réufli :
j'y ai lubftitué , conformément à la laine
pratique s les topiques , les médicamens
gras , adouciffans 3 émolliens : j'ai employé
enfuite la graille de cheval, la graillé hu-
maine , la graiffe de blaireau , de caftor ,
de vipères , auxquelles j'ai ajouté les hui-
les diîfcilées de rbue , de lavande , de mar-
jolaine , de mufeade , de romarin , 8c que
j'ai cherché à rendre plus pénétrantes ,
en les aiguifant avec quelques gouttes de
fel volatil armoniac y tous mes efforts n'ont
eu aucun fuccès. Quelquefois cette mala-
die , qui d'ailleurs n'influe en aucune façon
fur le fond de la lanté de l'animal , a paru
céder à ces remèdes j mais leur efficacité
n'a été qu'apparente ) 8c l'aétion de harper
n'a celle que pour quelque temps. Je ne
peux donc point encore indiquer des mo-
yens sûrs pour la vaincre ; mais j'efpere que
les expériences auxquelles je me livre (ans
ceiîe , aux dépens de tout , 8ç fans efpoir
d'autre récompenfe que celle d'être utile ,
m'en fuggéreront d'autres , que je publie-
rai dans mes Elémens d'Hippiatrique : ce
n'eft que du travail 8c du temps que nous
devons attendre les découvertes, (e)
EPA
L'objet de V Hippiatrique ejf maintenant
d'une telle importance , qu'après avoir vu ce
que M. Bour gelât penfe de /'éparvin , on ne
fera pas fâché de trouver a la fuite defes idées
celles qui nous ont été communiquées par M.
Genfon,
Cefl un avantage bien précieux pour V En-
cyclopédie y d'avoir pu fe procurer en même
temps fur cette matière les fecours & les lumiè-
res des deux hommes de France qui la connoif-
fent le mieux.
Ceux pour qui l'objet de f Hippiatrique efl
intéreffant , trouveront ici de quoi fefatisf aire ;
& les hommes qui courent la même carrière
remarqueront , dans ce que nous allons ajou-
ter de M. Genfon , un exemple de cette équité ,
avec laquelle il feroit toujours à fouhaiter
qu'on fe traitât réciproquement , autant pour
l'intérêt de tart que pour l'honneur de l'hu-
manité.
Les différens fymptomes de V éparvin ont
fait divifer cette maladie en plusieurs efpe-
ces : les uns prétendent en diltinguer trois ,
X éparvin de bœuf , \' éparvin fec , 8c {'éparvin
calkux : les autres n'en admettent que de
deux ; Y éparvin fec , 8c \' éparvin calleux. Les
plus expérimentés n'en reconnoiflent qu'un
proprement dit , qui eft le calleux. C'cft ,
comme on l'a vu par ce qui précède , le
fentiment de M. Eourgelat , que l'expérien-
ce nous a confirmé. On entend par X épar-
vin de bœuf y une tumeur offeufe , fembia-
ble à celle qui fe trouve au jarr<-t de cet ani-
mal \ mais nous pouvons attefter avec M.
Bourgelat , que nous n'avons jamais rien
trouvé de la nature de cet éparvin dans le
jarret du cheval. On entend par éparvin fec ,
un mouvement convulfif que le jarret du
cheval éprouve , mais qu'il faut diftinguer
de X éparvin , comme ayant des caufes , des
accidens , 8c un liège différent.
Quoique V éparvin calleux ou la tumeur
ofTeuie contre nature , qu'on déligne par ce
nom , tire fa caufè principale des violentes
extenlïons que le jarret du cheval a {buffertes,
dont nous parlerons dans la fuite , elle en
reconnoit encore d'autres qui font internes
ou héréditaires , comme une mauvaife con-
formation des os , des ligamens , des muf-
cles ;. d'où rélultent des jarrets étroits 3 mal-
fa"its , crochus , trop ou trop peu arqués.
Cette difformité dans le cheval vient le
E P A
plus fouvent de l'étalon ou de la jument qui
l'ont produit , 8c Y éparvin eft prefqu inié-
parable de ce vice de conformai? ion ; les par-
ties qui en font affe&ées n'ayant point leur
jufte proportion ni le degré de foîidité ,
font peu propres à fbutenir le poids énorme
du cheval, encore moins à rélifter aux dif-
férens mouvemens que Ton lui fait fiire
dans de certains cas ; d'où s'enfuit que le
fuc nourricier des os prelTé par ia tenfion
& la colliiion des parties encore tendres ,
s'épanche fur la furface fup-rieure latérale
8c interne du canon. Ce fuc ie durcit , 8c
gêne plus ou moins le mouvement du jar-
ret , félon qu'il eft plus ou moins proche de
l'articulation. Tantôt cette concrétion of-
fèule ioude ie canon avec quelques-uns des
os voiiins ; pour lors elle fait boiter l'animal
dès le commencement de la formation de
la tumeur, 8c de tous les temps. Tantôt
cette tumeur nefait que pincer l'.-rticulation:
dans ce cas l'animal boite jusqu'à ce que
la furface intérieure de la tumeur étant ufée
par le frottement de l'os voifîn , laiflè un
mouvement libre à l'articulation ; & c'eft
alors qu'on dit improprement que Y éparvin
eft forti.
Ce qu'on appelle proprement éparvin fec,
eft comme nous l'avons dit, un mouve-
ment convulfif dans les jarrets du cheval.
M. Eourgelar en fixe le liège dans les muf-
cles fléchiiTeurs , propres aux jarrets de cet
animal , 8c la caufe dans la diftenfion de
ces parties organiques , 8c des nerfs qui en-
trent dans leur compoiition : mais nous
croyons que le iiege en eft aum* dans les li-
gamens du jarret , car ces parties qui atta-
chent les os enfemble, ne font pas fimples ,
& deftiuées feulement à les aflujettir , com-
me l'ont imaginé les anciens. Ces ligamens
font des parties compofées , qui par leur
vertu élaftique contribuent bien plus au
mouvement des membres, que lesmufcles :
or les petits tuyaux qui les compofent étant
fort ferrés 8c fort étroits, pour peu que leur
calibre vienne à changer dans les mouve-
mens violens que l'animal éprouve , les ef-
prits animaux qui patient dans les pores de
ces tuyaux rétrécis , font effort pour chan-
ger 8c redrefîer ces petits tubes , 8c les re-
mettre dans l'état où ils étoient ; ce qui ne
peut s'exécuter ians caufer à cette partie un
E P A 61$
mouvement convulfif que nous appelions
liarptr ou troujfer.
Il eft inutile de propofer des remèdes pour
ces genres de maladies , puifque la cure en
eft jufqu'a préfent inconnue. Ceux qui fe
flattent d'avoir guéri les éparvins , s'appro-
prient mal-à -propos les effets de la nature ,
qui feule , pendant leurs trairemens inutiles,
travaille par le frottement à lever l'obftacle
que la tumeur oppofe à l'articulation ; aufîî
ces cures prétendues, n'arrivent - elles que
dans les cas où V éparvin eft fuperflciel , c'eft-
à-diredans le cas où le frottement fufîît pour
rendre aux parties voilines la liberté de leur
mouvement. Mais le vrai remède pour IV-
parvin , eft d'en connoître , d'en prévenir
8c éviter les caufes primitives. Ces caufes
font , i°; dans la génération du poulain. 20.
dans l'éducation,3°.dansle maquignonage,
4°. dans l'ufage que l'on fait des chevaux.
EfLyons de combattre tous ces abus , de
faire fentir pourquoi les éparvins font plus
communs aux chevaux en ce temps - ci ,
qu'ils ne l'étoient autrefois, Ôc d'où vient
que les beaux 8c bons chevaux font fî rares
de nos jours. i°. De l'abondance des bons
chevaux avant que les abus en euflent altéré
l'efpece , réfultcir que l'on pouvoit faire fa-
cilement choix des bons étalons 8c jumens
propres à multiplier : on ne les employoit
point à la .propagation qu'ils n'eufîent at-
teint l'âge de fixou fept ans , 8c par-làpref-
que tous les poulains étoient bien confor-
més. 2°. Le particulier qui avoit des pou-
lains , ne trouvant à les vendre qu'à un cer-
tain âge , ne s'emprefïbit point de les dref-
fer : ces jeunes fojetsainfl ménagés , acqué-
roient clans toutes leurs parties , 8c nommé-
ment au jarret , un parfait degré de foîidité,
qui les garantifloit des éparvins. $°. Les
maquignons du temps paffé ignoroient la
méthode de mettre continuellement leurs
chevaux fur les hanches ; ignorance avanta-
geufe pour la confervation des jarrets de
ces animaux, qui fembîent aujourd'hui n'ê-
tre faits que pour fervir de victime à ces
pernicieux écuyers , qui les îacrifient à leur
cupidité. 40. Anciennement le travail que
l'on failoit faire aux chevaux , étoit des plus
modérés ; ceux de earroilè étoient menés
tranquillement , & ceux de [die avaient dans
toutes leur 's parties la banne conformation &la
tfi4 E P A
foUdité nécejfairepour foutenir les courfcs aux-
quelles en lesdeftinoit. Il réfultoit de cette
propagation , de cette éducation , de cette
ignorance des maquignons , '& de cet em-
ploi opportun , que l'elpece s'en conlervoit
dans la beauté ôc la bonté.
i°. Aujourd'hui les propriétaires des pou-
lains , pour peu qu'ils î oient beaux & bien
faits , avant l'âge de trois ans en veulent
tirer de la race avant de les vendre , & les
emploient non-feulement à la propagation ,
mais encore au travail. Cette avare écono-
mie les ruine , rant mâles que femelles ; &
les parties qui fourFrent le plus dans ces jeu-
nes chevaux , font les jarrets , où il fe forme
des éparvins , comme il eft aifé de le com-
prendre en fe rappellant les caufes immé-
diates de cette maladie. 2°. Avant de les
vendre on veut les rétablir 3 ou , pourmieux
dire , continuer de les ufer , en les montant
& les raiîemblant pour leur donner plus de
grâce , & pour féduire les demi - connoif-
léurs. 3°. les marchands qui les achètent,
contribuent encore à leur ruiner les jarrets,
en les mettant continuellement fur la mon-
tre , un énorme fouet à la main. Un garçon
qui les tient vigoureufementaflujettis, ar-
mé d'un bridon long de branche de plus
d'un pié , enlevé le cheval pardevant , tan-
dis que le maître qui eft pt?.r derrière , le
fuftige fans pitié. L'animai ne fait à qui ré-
pondre ; on diroit , à voir ces réformateurs
de la nature , qu'ils veulent accoutumer ces
animaux à marcher lurles deux pies de der-
rière , comme les linges : or eft-il pofïîble
que les chevaux qui ont tout au plus qua-
tre ans , comme prefque tous ceux que les
marchands vendent aujourd'hui , (oient en
état de fupporter jufqu'à vingt fois par jour
ces cruels exercices , fans que leurs jarrets
foient affe&és & éparvins ? 40. Enfin , au-
trefois les chevaux mouroient fans être
ulés , ils le font aujourd'hui avant d'être
formés. On fait à quels exercices ils font
deftinés , fur-tout les plus fringans & les
plus beaux : autrefois le maître étoit efclave
de fon cheval , aujourd'hui le cheval eft ef-
clave du maître ; ufage plus raifonnable ,
mais plus pernicieux aux chevaux. De ces
différences réfulte la raifon pour laquelle
les chevaux finiflbient autrefois leur car-
rière fans éparvins , au lieu qu'ils en ont fou-
E P A
vent aujourd'hui avant même de la com-
mencer. Ce font les éparvins qui font la di-
letce des bons chevaux , & cette difètte à
fon tour occaiîone les éparvins. Cet article
eft de M. G en s on.
^ EPAUFRURE , f. f. en Architeclure ;
c'eft l'éclat du bord du parement d'une
pierre , emporté par un coup de têtu mal
donné : ôc encornure , c'eft un autre éclat
qui fe fait à l'arrête de la pierre lorfqu'on
la taille , qu'on la conduit , qu'on la monte,
on qu'on la pôle. ( P )
* ÉPATÉ , adj. ( Gramm.) fedit en gé-
néral de toute partie d'un corps qui a moins
de faillie qu'elle n'en doit avoir , en forte
que fon aplatifîement lui donne alors la
hgure d'un pié de pot qui a peu de hauteur,
eu égard à ià baie. On dit que le nez des
Nègres eft épaté. Voyc^ Nègre.
Epate , ( Metteur en œuvre.) On appelle
fertiffure épatée , celle dont la circonférence
eft plus large d'en-basque d'en-haut. On
emploie ces fortes de fertiffures aux pierres
roboles & inégales , pour mafquer leurs
inégalités & groftir leur étendue.
EPAVES , f f. pi. ( Jurifp. ) font les cho-
fes mobiliaires égarées ou perdues, dont on
ignore le légitime propriétaire.
Quelques-uns tirent l'origine de ce terme
du grec «Havo ta , qui lignifie chofes éga-
rées & perdues.
Mais il paroît que ce mot vient plutôt
du latin expavefeere , parce que les premiè-
res chofes que l'on a conlidérées comme
épaves , étoient des animaux effarouchés
qui s'enfuyoient au loin , expavefacla ani-
malia.
On a depuis compris fous le terme d' épa-
ves , toutes les chofes mobiliaires perdues,
& dont on ne connoît point le véritable
propriétaire.
Il y a même des perfonnes qu'on appelle
épaves , & épaves foncières Ù immobiliaires ,
comme on le dira dans les fubdivifïons fui-
vantes ; mais communément le terme d'é-
paves ne s'entend que de chofes mobiliaires,
telles qu'animaux égarés , ou autres chofes
perdues.
En Normandie on les appelle chofes gay*
ves. Voyc^ Gayves.
Les biens vacans font difFérens des épa-
ves 3 en ce que ces fortes de biens font
EP A
ordinairement des immeubles , ou une uni-
versalité de meubles, & que d'ailleurs on en
connoît l'origine , & le dernier proprié-
taire qui n'a point d'héritier connu ; au lieu
que les épaves font des choies dont on ignore
le propriétaire.
Il y a auflTi beaucoup de différence entre
un tréfor 8c une épave. Le tréfor eft vêtus
pecunice depojitio , cujus mcmoria non ex ta t.
L'épave efl: toute chofè mobiliaire qui fe
trouve égarée 8c perdue : l'un 8c l'autre fe
règlent par des principes différens. Voye^
Trésor.
Les loix romaines veulent que ceux qui
trouvent quelques beftiaux égarés* les raflent
publier par affiches , afin de les rendre à
ceux qui les réclameront juftemenr.
Dans notre ufage les épaves appartiennent
au feigneur haut-jufticier, 8c non au pro-
priétaire du fonds où elles font trouvées ,
ni même au feigneur féodal , ni au feigneur
moyen-jufticier.
Celui qui trouve une épave , efl obligé
d'en faire la déclaration au feigneur haut-
jufticier dans les vingt - quatre heures : la
coutume de Nivernois l'ordonne ainfi.
Après la déclaration de celui qui a trou-
vé l'épave y le feigneur doit la faire publier
par trois dimanches confécutifs, afin qu'elle
puifîe être réclamée. Ces publications fe
raifoient autrefois au prône ; mais depuis
1 edit de 1695 , toutes publications pour ces
fortes d'affaires temporelles doivent être fai-
tes par un huifïîer à la porte de l'églife.
La plupart des coutumes donnent au pro-
priétaire de S épave quarante jours pour la
réclamer , à compter du jour de la pre-
mière publication, en juftifiant par lui de
Ion droit , 8c en payant les frais de garde
8c autres.
Les publications faites 8c les quarante
jours expirés, le feigneur haut-jufticier ne
devient pas encore de plein droit proprié-
taire de Y épave 3 il faut qu'elle lui foit adju-
gée en juftice , comme l'ordonne la coutu-
me d'Orléans , article 156.
Après l'expiration des quarante jours , 8c
l'adjudication faite en bonne forme au fei-
gneur , le propriétaire de l'épave n'eft plus
recevable à la réclamer.
On n'exige pas tant de formalités , ni de
délais , quand l'épave eft de peu de valeur > )
E P A 615
ou qu'il s'agit de quelque animal dont la
nourriture abforberoit le prix. La coutume
de Sens , article z 1 , permet en ce cas de
la faire vendre après la première quinzaine,
& après deux criées ou proclamations, à la
charge de garder l'argent pour le rendre au
propriétaire.
On diftingue plusieurs fortes d'épaves ,
dont il fera parlé dans les fubdivi fions fui-
vantes.
. Les coutumes qui contiennent quelques
difpofitions fur cette matière , fontMeaux,
Melun, Sens, Montfort, Mantes, Senlis,
Troyes , Chaumont , Châlons , Chauny ,
Boulonois , Artois , les deux Bourgognes ,
Nivernois, Monrargis , Orléans, Lodunois,
Dunois , Amiens, Auxerre , Grand-Perche,
Bourbonnois , Auvergne , la Marche , Poi-
tou , Bordeaux , Montreuil , Beauquefne ,
Peronne , Berry, Cambray , S. Pol fous Ar-
tois , Bar , Lille , Hefdin , Lorraine.
Les auteurs qui traitent des épaves , font
Bouthillier , en fa fomme rurale ; Conan ,
en les commentaires de droit civil , lib. III.
cap. de thefauris & rébus adefpotis ; Bacquet,
des droits dejujlice , ch. xxxiij. le glojf. de M.
de Lauriere ; 5c les commentateurs des coutu-
mes dont on a parlé. ( A )
Epaves d'Abeilles ou Avettes, font
des eflàims de mouches à miel qui viennent
fe pofer dans le fonds de quelqu'un , & ne
font pourfuivies par perfonne. Ces épaves
appartiennent au feigneur haut-jufticier du
fonds où les mouches font venues fe pofer,
8c non pas au premier occupant , ni même
au propriétaire du fonds. Voye^ la coutume
de Tours , art. ij & A4, la coutume locale
de Preully , reffort de Tours ; celle de Lo-
dunois , ch.j. art 13. 8c ch. iij. art. 3, An-
jou , art. îz. Maine , art. 23. Ce dernier
article porte que les épaves des avettes , non-
obftant qu'elles foient mouvantes, tenant
8c étant en aucun arbre , ou autrement affi-
les au fief d'aucun , appartiennent pour le
tout au feigneur du fonds où elles font afïï-
fes , fi ledit feigneur du fonds y a juftice fon-
cière en nuejfe ; 8c s'il n'a juftice en fon
fonds, elles lui appartiennent pour la moi-
tié , 8c au jufticier en nuejfe pour l'autre
moitié. Mais fi lëfdites avettes font pourfui-
vies avant qu'elles foient encore logées 8c
pris leur nourriffement audit lieu où elks
6i€ E P A
font aiîîfes , celui à qui elles appartiennent
les peut pourfuivre , & les doit avoir com-
me lîennes. {A)
Epaves d'Aubains. En quelques coutu-
mes , comme Vermandois 8c autres , on
appelle épaves les hommes 8c femmes nés
hors le royaume en pays fi lointain , que
Ton ne peut avoir connoifïance du lieu de
leur naifîance ; à la différence de ceux dont
le lieu de la naifïance'eft connu , que Ton
appelle fimplement aubains ou étrangers.
Fbye^Bacquet, du droit d'aubaine , première
partie , ch. jv. n° . zo. (A)
Epaves d'Avettes ou Abeilles , voye^
ci-devant Epaves d'Abeilles.
Epave eu destrier , qu'on devroit
écrire dextrier , efl le droit qui appartient
au feigneur baron , d'avoir à titre d'épave le
dejirier ou grand cheval de guerre , appelle
auffi courfier ou cheval de lance , qui fe trou-
ve égaré fur fa terre , fans être réclamé par
celui auquel il appartenoit : les coutumes
d'Anjou, art. 47. 8c Maine art. 55. lui
attribuent ce droit. Voye^ la note de Bo-
dreau/i/r les articles de la coutume du Maine.
(A)
Epave du Faucon, efl le droit qui ap-
partient au feigneur baron dans les coutu-
mes d'Anjou 8c du Maine , de prendre à
titre d'épave tout faucon ou autre oifeau de
leurre ou de proie qui fe trouve égaré dans
fa terre , fans être réclamé par celui auquel
il appartenoit. Voye^ la coutume d'Anjou ,
art. 47 '. 8c celle du. Maine art. 55. 8c Bo-
dreau/i/r cet article. {A)
Epaves foncierfs , (ont les immeubles
qui échéent au feigneur à titre d'épave , pour
droit de bâtardife ou de déshérence. Quel-
ques coutumes y comprennent aufïi les im-
meubles délaifles par les aubains; mais dans
l'ufage ces fortes d'épaves aubaniales appar-
tiennent au roi , 8c non au feigneur , quoi
qu'en difent au contraire la coutume d'An-
jou , art. 10.8c celle du Maine , art. 1 1 .
U)
Epaves marines ou maritimes , lont
tous les effets que la merpoufTe 8c jette à
terre , qui fe trouvent fur les bords , 8c ne
font réclamés par aucun légitime proprié-
taire.
On les nommoit en vieux langage harpes
E P A
prendre. Ce nom leur fut donné , parce que
ces fortes d'épaves appartiennent au roi ou
aux feigneurs des lieux , félon les différentes
coutumes; 8c que les officiers des juflices
royales ou feigneuriales les peuvent faire
prendre 8c enlever.
Les poifïbns qui viennent échouer , ou
qui font pou (les par la violence des flots fur
les bords de la mer 3 font du nombre des
épaves maritimes ; perfonne ne peut les ré-
clamer , fi ce n'efl le roi ou le feigneur ,
félon la coutume du lieu. Le droit naturel
qui donne au premier occupant les poiiîons
qui font péchés 8c pris dans les eaux , cefïe
à l'égard de ceux-ci , attendu que ce n'efl:
point par l'effet d'aucune induflrie que le
premier occupant les peut avoir en fa pof-
fefïion.
Les jugemens d'Oleron , qui font partie
des anciennes coutumes de la mer , ne com-
prennent au nombre des épaves maritimes
que les poifïbns à lard , tels que les balei-
nes , veaux marins , &c. Il efl dit que le fei-
gneur en doit avoir fa part , fuivant la cou-
tume du pays , 8c non en autre poiflbn ; que
fi un navire trouve en pleine mer un poiflbn
à lard , il fera totalement à ceux qui l'ont
trouvé, s'il n'y a pourfuite ; 8c que nul fei-
gneur n'y doit prendre part , encore qu'on
l'apporte à fa terre : qu'en toutes chofes
trouvées à la cote de la mer , lefquelles au-
trefois ont été poUedées , comme vin , huile
8c autres marchandifes , quoiqu'elles aient
été jetées 8c délaiflees des marchands , 8c
qu'elles doivent être au premier occupant ;
toutefois la coutume du pays doit être gar-
dée , comme des poifTons; que s'il y a pré-
fbmption qu'ils foient d'un navire qui ait
péri , en ce cas le feigneur ou l'inventeur ne
doivent rien prendre pour les retenir , mais
en doivent faire du bien aux pauvres nécef-
fkeux ; qu'autrement ils encourent le juge-
ment de Dieu. Foye^ Clairac fur les juge-
mens d'Oleron , ch. xxxvj.
La coutume de Normandie, chap. xxiij.
appelle varech ce que l'on appelle ailleurs
épaves maritimes. Voye^ Varech.
L'ordonnance de la Marine du mois
d'Août j 68 1 , ch. vij. déclare les dauphins ,
eflurgeons , faumons& truites être poifïbns
royaux , 8c en cette qualité appartenir au
marines , du gaulois harpir , qui fignifioit roi , quand ils font trouvés échoués fur le
bord
EP A
bord de la mer , en payant les falaires de
ceux qui les auront rencontrés Semis en lieu
de fureté.
Les baleines , marfouins , veaux de mer,
thons, fouffleurs & autres poiffons à lard,
échoués & trouvés fur les grèves de la mer,
doivent , fuiyant la même ordonnance ,
être partagés comme épaves , de même que
les effets échoués.
Mais lorfque les poifTons royaux & à lard
ont été pris en pleine mer , ils appartien-
nent à ceux qui les ont péchés ; fans que
les receveurs du roi , ni les feigneurs parti-
culiers, & leurs fermiers y puifTent pré-
tendre aucun droit , fous quelque prétexte
que ce foit. (A)
Epave mobiliaire , eft celle qui con-
fiée dans quelque effet mobiliaire , comme
un animal ,un poiiïon , &c. Ces fortes d'é-
paves font furnommées mobiliaires , pour
les diftinguer des épaves foncières , qui con-
fiaient en immeubles. Il en eft parlé dans la
coutume de Tours, art. 47 & 52; & en la
coutume locale de Maizieres , reffort de
Tours ; Lodunois, ch. ij , art. 9, ch. iij ,aft.
1 ; Anjou , art. 40 , 41 , 1 50 ; le Maine , art.
46, 48, 183 ; Blois, art. 26 & 32. (A)
Epaves de Personne, eft la même
chofe qu'épaves dy aubains ^ ce qui ne s'en-
tend que de ceux dont le lieu de la naif-
fance n'eft point connu. Voye\ ci-devant
Epave d'Aubain. Voye^ aujji ci-devant
Enfans exposés. ÇA)
Epave de Rivière : on appelle ainfi
tout ce qui eft trouvé abandonné fur les
rivières , foit par naufrage, débordement ,
inondation , chute de pont , ou autres acci-
dens , & qui n'eft point réclamé par le
légitime propriétaire.
L'ordonnance des eaux & forêts, tit.
xxxj de la pêche, art. 16, veut que toutes
les epav.es qui feront pêchées fur les fleuves
ck rivières navigables , foient garrées fur
terre , & que les pêcheurs en donnent avis
aux fergens & gardes-pêche , qui feront
tenus d'en donner procès-verbal, & de les
donner en garde à des perfonnes folvables,
qui s 'en «chargeront, dont le procureur du
roi prendra communication au greffe ,
aufli-tôt qu'il y aura été porté par le fergent
ou garde-pêche , & qu'il en foit fait lecture
i la première audience : fur quoi le maître
Tome XII,
E P A £i7
particulier, ou fon lieutenant , doit ordonner
que fî dans un mois les épaves ne font de-
mandées & réclamées , elles feront vendues
au profit du roi , au plus offrant &c dernier
enchériffeur , & les deniers en provenant
mis es mains des receveurs de S. M. fauf
à les délivrer à celui qui les réclamera , un
mois après la vente , s'il eft ainft ordonné
en connoiffance de caufe.
L'article fuivant défend de prendre &
enlever les épaves fans la permiiîion des
officiers des maîtrifes", après la reconnoif-
fance qui en aura été faite ; &: qu'elles
auront été adjugées à celui qui les aura
réclamées. (AJ
EPAVITÉ , f. f. {Jurifpr.) fe dit en
quelques coutumes , pour aubaine ; de mê-
me que les aubains ou étrangers y font
appelles épaves. La coutume de V\uy,art.
72 , dit qu'épavité ne gît en noblefte , d'au-
tant que , fuivant cette coutume , les nobles
nés Se demeurant hors le royaume, doivent
fuccéder à leurs parens décédés dans le
royaume, ou ailleurs, en tous leurs biens
meubles ou immeubles , nobles ou roturiers.
Mais Bacquet , en fon traité du droit d'au'
baine, ck. xxx , dit que cette coutume ne
préjudicie point aux droits que le roi a fur
la fuccefîion des aubains. Suivant les ordon-
nances du duc de Bouillon , art. 617 , le
droit d'épavité appartient audit fleur duc ,
par le décès d'un étranger qui n'eft point
fon fujet , & a délaiffé des biens meubles
ou immeubles, en fes terres & feigneuries,
& il eft dit qu'il a quitté & remis ce droit
aux bourgeois de Sedan. Voye^ EPAVES
& Aubaine. (A)
EPAULARD, f. m. orca , (Hift. nat.
Ichthiol.) poiffon cétacée, que l'on appelle
dorgue en Languedoc. Il eft prefque rond.
Il a, comme le dauphin, un conduit pour
tirer l'air , & il lui reftemble par le mufeau ,
les nageoires & la queue : mais il eft
vingt fois plus gros. Ses dents font lar-
ges &c pointues ; il mord la baleine , &
la fait mugir comme un taureau & fuir fur
les côtes , ce qui eft très-favorable aux pê-
cheurs : auffi empêchent-ils autant qu'ils
peuvent qu'on ne bleffe les épaulards. Ron-
delet , hifioire des poiffons , Liv. XVI. ch.
ix. Voye^ POISSON. (7)
EPAULE, f. f. (Anat.) partie double
Iiii
618 .EPA,
au corps humain , fituée à l'extrémité fupé-
rieure, & qui eft compofée de deux pièces
ofleufes; l'une antérieure appellée clavicule,
& l'autre poftérieure dite omoplate. Voye\
Clavicule, Omoplate.
On fait que c'eft principalement de l'o-
moplate que dépendent les différentes atti-
tudes de Y épaule; car la clavicule ne fait que
fuivre les mouvemens de l'omoplate, en
bornant néanmoins ces mouvemens dans
certaines attitudes : aiuTi la clavicule n'a
d'autre mufcle que le fouclavier , tandis que
l'omoplate en a cinq considérables qui fer-
vent à la lever , à fabaiffer , à la porter en-
arriere , à la ramener en devant , en un mot
à tous les mouvemens de Yépaule.
Les épaules font plus hautes ou plus baf-
fes , plus larges ou plus étroites dans diffé-
rentes perfonnes , ce qui dépend des deux
pièces qui forment cette partie : mais par
leur fubftance cartilagineufe Se flexible
dans la première enfance , elles font fufeep-
tibîes de prendre de mauvaifes conforma-
tions , comme de s'arrondir ou de fe voû-
ter , de pro'duire Xengon cernent , & même
de contracter une inégalité de hauteur ;
trois difformités principales qui gâtent entiè-
rement la beauté de la taille. Indiquons
donc les moyens de prévenir ou de corriger
ces fortes de défauts, d'après les bons au-
teurs d'Orthopédie.
Les épaules s'arrondiffent ck fe voûtent
en les ferrant pardevant , en creufant la
poitrine, ou amenant les bras fur l'eftomac,
comme font quelques perfonnes dans leurs
prières , s'imaginant que cette pofture eft
elTentielle à la dévotion : il faut au con-
traire , pour éviter une vouifure , qui ne
croît que trop avec l'âge, engager les en-
fans à avancer* la poitrine en devant , à
retirer les épaules en arrière , à porter leurs
coudes fur les hanches.
Une féconde précaution néceffaire pour
conferver aux enfans le dos plat, c'eft de
les empêcher, quand ils font affis , qu'ils
ne fe renverfent fur leur fiege , & les obli-
ger de fe tenir à plomb fur leur féant : en
effet , quand on eft affis renverfé, le dos
prend néceffairement une courbure creufe
en dedans.
Une troifleme précaution , c'eft de faire
enforte que la tablette du fiege fur laquelle
E P A
les enfans s'afTeient , au lieu d'être enfon-
cée dans le milieu, foit abfolument plate;
parce que quand on eft aflis dans un enfon-
cement, l'effort que l'on fait naturellement
ck. fans deffein pour ramener le corps à l'é-
quilibre , oblige la taille à fe voûter encore
davantage : c'eft cependant dans des fieges
enfoncés que l'on afîîed les enfans dès leurs
plus tendres années , au lieu de leur donner
des fauteuils ou des chaifes dont le fiege
foit d'une planche de bois bien unie. On
peut remédier à l'enfoncement des chaifes
ou fauteuils de paille dans lefquels on aflied
les enfans, en mettant fous cet enfonce-
ment une vis de bois qui monte & defeende,
fur laquelle fera pofée une petite planche ;
enforte qu'en tournant lavis félon un certain
fens, elle pouffe la planche, & élevé en
haut la paille qui eft fous la chaife. Com-
me cette vis doit porter fur quelque chofe
qui lui ferve d'appui , on la pofe fur le
milieu d'une petite traverfe de bois , dont
on cloue en - bas les deux bouts à deux
bâtons de la chaife.
Enfin , une quatrième précaution eft de
coucher l'enfant pendant la nuit le plus à
plat qu'il fera poftible ; & fi une de fes épau-
les ie trouve plus groffe que l'autre , on le
fera coucher fur le côté oppofé à cette épau-
le, parce que Yépaule fur laquelle on fe cou-
che s'élève toujours fur la furface du dos.
Paifons à la féconde difformité , qui
confifte dans l'engoncement , c'eft-à-dire ,
dans le cou enfoncé dans les épaules.
Les nourrices , les fevreufes, les gouver-
nantes , qui fufpendent fans cefte un en-
fant par la lifiere en le foulevant en l'air,
l'expofent à avoir le cou enfoncé dans
les épaules. Les maîtres ou les maîtreffes
à lire èk à écrire , qui font manger , lire ,
ou écrire , dans leurs penfions , un enfant
fur une table trop haute , & qui monte au
deffus des coudes de l'enfant ("au lieu qu'elle
doit être deux doigts plus baffe ,J l'expo-
fent pareillement à avoir le cou enfoncé
dans les épaules.
Cet inconvénient eft difficile à éviter
dans les écoles publiques, où il n'y a d'or-
dinaire qu'une même table pour tous les
enfans de quelque taille qu'ils foient : ainfî
cette table proportionnée feulement pour
quelques-uns, fe trouve trop haute ou trop
E P A
baffe pour un grand nombre d'autres ; alors
ceux pour qui la table eft trop haute , font
obligés d'élever les épaules plus qu'il ne
faut , ce qui à la longue les rend engon-
cés ; &C ceux pour qui la table eft trop baffe,
font obligés de fe voûter & d'avancer les
épaules en arrière , ce qui ne peut que con-
tribuer à les leur arrondir. Mais dans les
maifons domeftiques , les enfans qui man-
gent à la même table que leurs pères &
neres , ne feront point expofés aux incon-
véniens dont on vient de parler , dès qu'on
leur donnera des fieges proportionnés à la
hauteur de la table , avec un marche-pié
pour appuyer les jambes. #
Un autre moyen feroit de ne point affeoir
les enfans dans des fieges , ou dans des rou-
lettes qui ont des accoudoirs un peu hauts-;
parce que de pareils accoudoirs fur lefquels
les enfans s'appuient toujours , leur font
néceffairement lever les épaules. Le remè-
de , fi le défaut eft contracté , confifte à fe
fervir des avis que nous venons de donner,
& à y joindre tous les moyens qui peuvent
tendre à mettre les deux épaules au niveau,
où elles doivent être à l'égard de la partie
inférieure du cou.
Parlons à préfent du furjettement d'une
épaule au deffus de l'autre, ou de l'inégalité
de leur hauteur , qui fait que l'une s'élève
trop , ou que l'autre baiffe trop.
Un bon moyen pour corriger un enfant
qui levé ou qui baiffe trop une épaule , c'en1
de lui mettre quelque choie d'un peu loud
fur ? épaule qui baiffe, & de ne point tou-
cher à celle qui levé ; car le poids qui fera
fur Yépaule qui baiffe , la fera lever , &
obligera en même temps celle qui levé à
baiffer.
Uépaule qui porte un fardeau , monte
toujours plus haut que celle qui n'eft pas
chargée ; ôc alors la ligne centrale de toute
la pefanteur du corps &: du fardeau , paffe
par la jambe qui foutient le poids : fi cela
n'étoit pas , le corps tomberoit ; mais la
nature y pourvoit, en faifant qu'une égale
partie de la pefanteur du corps fe jette du
côté oppoféàcelui qui porte le fardeau, &
produit ainfi l'équilibre ; car alors le corps
eft obligé de fe pancher du côté qui n'eft
pas chargé , & de s'y pancher jufqu'à ce que
ce côté non chargé participe au poids du
EPA 6i9
fardeau qui fe trouve de l'autre côté : d'où
il réfulte que Vépaule chargée fe hauffe,
Sc.que celle qui ne l'eft pas fe baiffe. Cette
méchanique de la nature démontre l'erreur
de ceux qui , pour obliger un enfant à baif-
fer Vépaule qui levé trop , lui mettent un
plomb fur cette épaule, s'imaginant que ce
poids la lui fera baiffer; c'eft au contraire le
vrai moyen de la lui faire lever davantage.
On peut fe contenter , au lieu de lui
mettre un poids fur ['épaule qu'on veut faire
lever , de faire porter par l'enfant, avec la
main qui eft du côté de cette épaule , quel-
que chofe d'un peu pefant; il ne manquera
point alors de lever Vépaule de ce côté-là,
& de baiffer l'autre : ce dernier expédient
eft fur-tout d'une grande utilité , quand un
enfant a la taille considérablement plus tour-
née d'un côté que de l'autre ; car dans ce
cas , foit qu'on lui faffe porter quelque poids
fous le bras , ou qu'on lui faffe lever par
exemple une chaife , un tabouret , avec la
main qui eft du côté vers lequel fa taille
penche , il ne manquera point de fe pen-
cher du côté oppofé. Un autre moyen, c'eft
d'amufer l'enfant , en l'exerçant à porter
une petite échelle faite exprès; enforte qu'il
la foutienne d'une épaule qu'il pofera fous
un échelon ; Vépaule fur laquelle fera l'é-
chelon , lèvera , ôt l'autre baillera.
Nous venons de dire que lorfqu'on fou-
leve d'un bras une chaife ou un tabouret,.
Vépaule de ce côté-là hauffe, & l'autre baiffe.
Mais il faut obferver que fi l'on porte avec
la main pendante un vafe qui ait une anfe
pofée de niveau avec le bord du vafe , &
que l'on porte ce vafe par l'anfe , enforte
i°. que le fécond doigt entre dans l'anfe &C
la foutienne par le haut , i9. que le doigt
du milieu aille fous l'anfe & en foutienne le
bas, 30. que le pouce paffe fur l'anfe, ÔC
que le pouce appuyant en cet endroit fur le
bord du vafe même , entre un peu dans le
vafe; alors Vépaule du bras qui porte le vafe
ne fe hauffe pas comme dans les cas précé-
dens, mus fe baiffe au contraire : ainfi c'eft
un autre moyen dont on peut facilement
fe fe vir à l'égard d'une jeune perfonne qui
levé trop une épaule*
Voici deux autres expédiens très-fîmples
6k très-ailés. Premier expédient. Si l'enîant
levé trop une épaule , faites-le marcher
liii 2 ;
6io EP A
appuyé de ce côté-là fur une canne fort
baffe; 6k fi au contraire il la baiffe trop, don-^
nez-lui une canne un peu haute ; enfuite
lorfqu'il voudra. fe repofer, faites-le affeoir
dans une chaife à deux bras , dont l'un (bit
plus haut que l'autre, enforte que le bras haut
frit du côté del' épaule qui baille , 6k l'autre
du côté de celle qui levé. Deuxième expé-
dient. Comme perfonne n'ignore que lors-
qu'on fe carre d'un bras , c'eft-à-dire qu'on
plie le bras en forme d'anfe , en appuyant
le poing fur la hanche du même zoiè^V épaule
de ce côté-là levé, & l'autre baiffe , 6k que
fi l'on couche alors l'autre bras le long du
corps, enforte qu'il pende jufqu'à l'endroit
de la cuiffe auquel ii peut atteindre, Vépaule
de ce côté-là baiffera encore davantage :
fervez-vous de ce moyen fimple , 6k répé-
tez-le, pour rectifier dans un enfant le dé-
faut de X épaule qui levé ou qui baiffe trop.
' Enfin, quelquefois un enfant panche trop
X épaule fur un des côtés , foit le gauche ,
foit le droit ; s'il penche trop Vépaule du
côté gauche , faites-le foutenir iur le pié
droit ; car fe foutenant alors fur ce pié à
l'exclufion de l'autre, qui dans ce temps-
la demeure oifif, il arrivera néceffairement
que l'épaule droite qui ie voit trop , baiffera,
ck que ï'épaule gauche qui baifToit trop,
lèvera: cela fe fait naturellement en vertu
de l'équilibre , fans quoi le corps feroit en
rilque de tomber , parce que quand on fe
Soutient fur un leul pié , la jambe oppofée,
qui alors eft un peu pliée , ne foutient point
le corps , elle demeure fans action ck com-
me morte » ainfi qu'on le voit dans les en-
fans qui jouent à cloche-pié ; de forte qu'il
faut néceffairement que le poids d'en-haut
qui por:e fur cette jambe , renvoie le cen-
tre de fa pefanteur iur la jointure de l'autre
jambe qui foutient» le corps. Si donc l'en-
fant penche trop Vépaule fur le côté droit ,
dites-lui de fe. foutenir fur le pié gauche ;
s'il la p'enche trop fur le côté gauche, dites-
lui de fe foutenir fur le pié droit.
Je laiffe à imaginer d'autres moyens ana-
logues à ceux- ci , ck de meilleurs encore ;
je remarquerai feulement que tous ceux
que nous avons indiqués demandent pour
le fuccès une longue continuation , guidée
par des regards attentifs de la part des pe-
ies ck des mères fur leurs enfans , ck ce n'eft
E P A
pas communément la branche de l'éduca--
tion dont ils font le moins occupés; il eft
vrai cependant que malgré Fintérêt qu'ils y
prennent , l'art orthopédique le plus favant
ne corrige les difformités des épaules que
dans ces premières années de l'enfance, où
les pièces cartilagineufes qui cempofent les
épaules , font encore tendres ck flexibles.
Au refte , l'Anatomie, la Chirurgie, ck la
Méchanique , fe prêtent de mutuels fecours
pour guérir les graves accidens auxquels
cette partie du corps humain fe trouve ex-
pofée. D'un autre côté la phyfiologie, Tan-
tîim feientiarum cognatio ,juncluraquepol-
letl tâche d'expliquer les caufes de quelques
fymptomes fînguliers, que le hazard offre
quelquefois à nos regards furpris , ck pour
en citer un feul exemple , c'eft par les lu-
mières de cette feience qu'on peut com-
prendre pourquoi l'on a vu des perfonnes
qui , après avoir été bleiTées à Vépaule, ont
perdu tout-à-coup l'ufage de la parole , ck
ne l'ont recouvert que par la guérifon de la
plaie. Ce phénomène dépend de la com-
munication d'un des mufcles de l'os hyroïde-
avec l'épaule ; ce mufcle quia deux ventres
ck un tendon au milieu eft le coracohyoï-
dien , qu'on pourroit nommer à plus jufte
titre omoplato-hyoîdien , parce qu'il a fort
atache fixe à la côte fupérieure de l'omo-
plate, ck finit à la corne de l'os hyoïde*.
:(de J AU COURT.)
Epaule , ( Manège.) partie de l'avant-
main du cheval.
Accoutumés à n'envifâger cet animal que
par le dehors ck par la fuperficie, nous avons
jufqu'à préfent compris dans la dénomina-
tion de Vépaule, toute l'étendue qui fe
trouve depuis la fommité du garrot jufqu'à
la portion fupérieure de la jambe. On a
donc indiftincîement confondu cette partie,,
qui n'eft proprement compofée'que de l'o-
moplate , avec le bras qui eft formé par
l'humérus ; ck par une fuite de cette erreur ,,
on a donné à la partie réfultante du cubi-
tus , le nom de bras , tandis qu'elle devoit
être appelle V avant bras..
11 importoit cependant effentiellement à,
ceux qui s'érigent en connoiffeurs , 6k qui;
font profefîion de dreffer des chevaux,
ainfi qu'aux perfonnes qui fe livrent au trai-
tement de leurs maladies, de fe former une.
EP A
idée jufte de la ftru&ure de cet animal.
Comment en effet décider de la franc hife
& de la beauté de fes mouvemens, fi on
ignore d'où ils doivent partir? comment
juger de la pofïibilité des actions qu'on lui
demande , 6k mettre enjeu fes reiïbrts, fi
l'on n'a acquis la connoiûance du lieu 6k de
l'efpece des articulations , à la faveur def-
quelles fes parties doivent fe mouvoir : d'ail-
leurs, s'il arrive fréquemment des écarts,
des entre-ouvertures , &c. comment y re-
médier dès qu'on fera hors d'état de s'orien-
ter en quelque façon , relativement aux diffé-
rens articles, 6k de parlerdesligamens , des
mufcles , des cartilages , de la fynovie , ck
des vaiffeaux des parties qui fouffrent?
Ces confédérations m'ont fuggéré la di-
vifion que j'ai faite , ck dont je m'écarte-
rois indifcrétement , fi je ne rapportois
aux bras toutes les obfervations qui ont été
adoptées ck qui ont paru me concerner que
X épaule : ainfi je dirai que le bras ne doit
point être recouvert par des mufcles trop
épais 6k trop charnus , ck que cette partie
doit conféquemment être petite, plate, li-
bre , mouvante. Pour diftinguer fi elle eft
douée des deux premières qualités, il furfit
de confidérer iç. cette faillie vifib'e formée
par l'articulation de l'humérus avec l'omo-
plate , faillie que l'on appelle encore la
pointe de l'épaule ; le mufcle commun re-
couvre cette articulation : or fi ce mufcle eft
d'une épaiffeurconfîdérable, cette partie au
lieu d'être plate fera groffe, ronde , ck char-
nue , ck dès-lors le cheval ferapefant, il fe
laflera aifément, il bronchera , les jambes
de devant étant en quelque façon furchar-
gées, ne pourront être que bientôt ruinées;
la groffeur démefurée des os articulés , peut
encore occafioner ce défaut. On examine-
ra , en fécond lie», le vuide ou l'interfection
qui eft entre le mufcle commun ck le grand
pectoral. Cette interfection marque la
féparation du bras ck du poitrail , 6k le
grand pectoral forme cette élévation qui
eft à la partie antérieure de la poitrine
de l'animal : or fi le repli ou ph que nous
appercevons ordinairement , 6k que je
nomme interfection , n'eft point diftinct , s'il
n'eft point apparent , attendu le trop de
chair ou l'épaiffeur des mufcles , il en réful-
tera que le cheval fera chargé ck ne- fera
E P k 6n
propre qu'au tirage. Enfin , en fuppofant
de la contrainte dans le mouvement de
cette partie , l'animal ne marchera jamais
agréablement 6k fûrement ; parce que fon
action ne partant en quelque forte que de
la jambe , elle fera hors de la nature de celle
à laquelle le membre mu étoit deftiné ,
6k fera inévitablement privée de fermeté,
de folidité 6k de grâce. Aufîi voyons-nous
que tels chevaux fe fatiguent aifément , pe-
fent à la main , 6k rafent continuellement le
tapis.
Ce défaut de liberté peut fe réparer par
l'art 6k par l'exercice , pourvu que cette par-
tie ne foit que nouée 6k entreprife ; mais fi
elle fe trouve chevillée , ou froide , oudeffér
chée , ce feroi't une. témérité que de former
une pareille efpérance.
On reconnoîtra qu'elle eft chevillée , à
un défaut de jeu que les meilleures leçons
ne fauroient lui rendre. J'entends par défaut
de jeu, une inaction véritable , qui n'a fa
fource que dans la conformation défectueufe
de l'animal , dont les bras font tellement
ferrés , qu'ils femblent attachés l'un à l'autre
par une cheville.
Nous difons qu'elle eft froide, Iorfqu'e'le
eft dépourvue de fentiment 6k de mouvez
ment. Il eft rare qu'on y remédie avec erri*
cacité , à moins qu'on ne tente cette cure
dès le commencement 6k dès l'origine du
mal. Il provient de pîufieurs caufes. Pre-
mièrement, de la ftructure naturelle du
cheval ; ainfi celui dans lequel cette partie
fera trop décharnée , fera plus fujer à cette
froideur , que celui dans lequel elle fera
exactement proportionnée. Que l'on con-
fidere , en effet , que les mufcles font les or-
ganes du mouvement, & que de leur feule
petitefie naît le décharnement dont il s'a-
git ; comme ils ne peuvent être plus petits,
qu'autant que leur tifTu eft compofé d'une
moins grande quantité de fibres , ou que ces
fibres font plus minces, dès-lors la force ne
peut être que moins grande dans la partie ,
qui deviendra néceffairement débile après
un certain temps de travail. On obfervera
néanmoins que dans ce cas il n'y a que dif-
culté de mouvement , fans douleur.
Une féconde caufe , eft que le paffage fubit
de la chaleur au froid. Un cheval fue; loin
de lui abattre la fueur , on lelaiffe refroidir,-
6u E P A
Dès-lors les pores fe refferrent, 5c en con-
féquence de ce refferrement ck de cette
conftri&ion , la tranfpiration eft intercep-
tée. Cette humeur arrêtée ne peut que con-
tra£ter de mauvaifes qualités ck un caractère
d'acrimonie , par le moyen duquel elle picote
les membranes de l'articulation ck des muf-
cles ; ce qui donne lieu à la douleur , à la
roideur, ck à la difficulté du mouvement
dans cette partie.
Une troifieme caufe fera encore le féjour
de l'animal dans un lieu trop humide. En ce
cas les vaiiTeaux fe relâcheront infenfible-
ment , principalement les vaiffeaux lym-
phatiques , dans lefquels le cours des li-
queurs eft toujours plus lent. Ce relâche-
ment produira un engorgement qui fera
dans les ligamens de l'article , où ces vaif-
feaux lymphatiques font en plus grand
nombre. De là la douleur ck la difficulté dans
le mouvement , comme nous le voyons dans
les rhumatifmes ; que fi quelquefois nous
appercevons de l'enflure, c'eft que l'engor-
gement eft plus confidérable , ck qu'il oc-
cupe le tiffu cellulaire ou les membranes des
mufcles.
Enfin , une quatrième caufe que l'on
peut admettre ck reconnoître,eft unobftacle
quelconque dans la circulation des efprits
animaux. Leur cours étant intercepté, la
diaftole ck la fyftole des artères , ainfi que
la conftru&ion des mufcles , ne peuvent que
diminuer : ce font néanmoins autant d'a-
gens nécelTaires pour aider au fuc nour-
ricier à fe porter dans les parties les plus
intimes; aura* l'expérience démontre-t-elle
que ces mouvemens étant diminués ck abolis
par la continuation de l'interception , cette
partie tombe bientôt dans l'atrophie 6k dans
le defféchement.
Ce defféchement peut provenir du défaut
d'exercice. Ainfi , par exemple , fi nous
fuppofons un effort , ou un écart , ou quel-
que mal confidérable à un pié , il eft conf-
tant que l'animal , tant que la maladie fub-
fiftera dans toute fa force, ne fauroit mou-
voir la partie affectée. Or s'il ne peut la
mouvoir , ck que la maladie foit longue , la
circulation ne s'y fera jamais parfaitement ;
parce que les liqueurs ne pénétreront plus
dans les dernières ck dans les plus petites
ramifications des vaiffeaux , ck que c'eft pré-
ET A
cifément dans ces mouvemens les plus ténus
que s'exécure la nutrition.
Les fignes auxquels on reconnoîtra que
la partie dont il s'agit eft froide ou prife ,
font le défaut ou la difficulté du mouve-
ment; quelquefois la douleur que l'animal
refTenr, ck la difficulté du mouvement tout
enfemble, félon la différence des caufes de
la froideur. Les fymptomes du defféchement
font une inégalité manifefte, ck qui frappe
dès qu'on examine les deux bras en même
temps; leur diminution apparence ck (en"
fîble , ainfi que l'impoffibilité de les mou-
voir, lorfque l'une ck l'autre s'atrophient,
ce qui n'arrive que rarement.
Il eft certain que fi Ton prévient les pro-
grès de ces maladies par des réfolutifs fpi-
ritueux ck aromatiques , ck par un exercice
modéré , on pourra attirer dans ces parties
les fucs qui les entretiennent ck qui les
nourriffent , ck elles feront bientôt rani-
mées; mais dès que le mal eft ancien rnos
tentatives font infruétueufes. On ne peut
en effet , fe livrer raifonnablement à l'elpoir
de faire circuler des liqueurs dans des vaif-
feaux totalement obftrués & oblitérés. J'ai
dit que la nutrition s'exécute dans les der-
nières ck dans les plus petites ramifications.
Imaginons donc une partie privée depuis
long-temps de la faculté d'agir , la circu-
lation s'y rallentira; ck les liqueurs ne par-
venant plus dès - lors dans les dernières
fériés des canaux, ces mêmes canaux , na-
turellement élaftiques ck difpofés par con-
féquent à la contraction , fe refierreront
infenfiblement ck s'oblitéreront à la fin. Or
par quel moyen rouvrira-t-on aux fluides
cette voie, qui , une fois fermée, leur eft à
jamais interdite ? C'eft affurément tenter
l'impoffible ck faire profeffion d'ignorance ,
que de l'entreprendre.
L'epaute ou l'omoplate peut être portée
en avant, en arrière, en haut; elle peut
être encore rapprochée de^ côtes. A l'égard
du bras ou de l'humérus joint avec l'omo-
plate par une articulation très-libre, c'eft-
à-dire, par genou, il peut fe mouvoir en
tout fens,en avant, en arrière, en de-
dans , en dehors , ck en rond , en manière
de pivot , ck en manière de fronde. La libre
exécution de tous les mouvemens permis
à Tune ck à l'autre de ces parties , eft
E P A
fans doute ce que tous les auteurs qui ont
écrit fur le manège, &t principalement le
duc de Newkaftle , ont appelle lafouplejje
des épaules.
La néceflité de les faciliter à l'animal a
été regardée , avec raifon , par cet écrivain
illuftre , comme la bafe de toutes les actions
auxquelles nous pouvons folliciter l'animal ;
& ce n'eft fans doute qu'à la force & à la
folidité de cette maxime , toujours préfente
à fon efprit , que nous devons une toule de
répétitions fur ce point , qui rendent fon
ouvrage prolixe fans le rendre plus inftruc-
tif. Je tâcherai d'éviter ce défaut, & de ne
pas mériter ce reproche.
Dès que nous connoiiïbns les mouve-
mens àorxtY épaule &. le bras font capables,
& dès que nous fommes convaincus ,
qu'affouplir les parties d'un cheval quel-
conque , n'eft autre chofe que leur faire ac-
Suérir par l'habitude la liberté de fe mouvoir
ans tous les fens qui leur font pofïibles, il eft
aifé de juger par les effets qui peuvent réful-
ter des leçons que nous donnons à l'animal ,
de celles qui font les plus propres Scies plus
convenables à notre objet.
Toute action en-avant, en-arriere ck par
le droit, opère nécessairement la flexion,
l'élévation , l'extenfion , l'abaiffement , &
le port en-arriere des omoplates ck des
humérus , qui font les principaux ck les
uniques agens d'où dépend réellement la
translation de l'animal d'un lieu à un autre.
ÇVoye\ MANEGE. ) Ainfi le pas , le recu-
ler , èk principalement le trot déterminé
ck délié , qui excite fes parties à de grands
mouvemens , font des moyens très-effica-
ces pour les dénouer ck pour en faciliter
le jeu dans les uns ck dans les autres de
ces fens; ces allures fur des cercles, ou
qrjoi qu'il en foit en tournant pour repren-
dre d'autres lignes droites , influent encore
fur elles relativement au mouvement cir-
culaire dont le bras eft doué , mais elles
ne fufcitent pas ce même mouvement dans
toute fon étendue ; ck leur impreffion n'é-
tant que foible ck légère, ck ne pouvant
animer tous les relions qui l'effectuent , l'a-
nimal ne fauroit acquérir l'entière facilité
par cette voie.
Le duc de Newkaftle eft le premier qui
E P A 623
diverfes leçons à donner fur les cercles lar-
ges ck d'une pifte; je ne me propofe ici j
ni de les extraire , ni d'apprécier fa méthode.
M. de la Gueriniere , à l'imitation de la,
Broue, a préléré les leçons données fur les
quarrés, ck admet celles des voltes, qu'il
blâme d'ailleurs, parce qu'il croit qu'elles
mettent le cheval fur le devant , dans
la circonftance où. pour éviter la trop
grande fujétion de ce qu'il nomme Yépaule
en - dedans , l'animal y porte trop cette
même épaule ou y jette la croupe; ainfi,
d'un côté il improuve la pratique des cer-
cles ; ck de l'autre , il la préfente comme une
reffource dans le cas où la pratique des
quarrés porte l'animal à fe défendre. C'eft:
fans doute d'après fa propre expérience,
que M. de la Gueriniere a connu que la
tête dedans, la croupe dehors, contraint
ck aiTe.rvit beaucoup moins le cheval qui
trace une figure ronde , que la tête dedans
ck la croupe dehors fur des lignes droites ;
ck c'eft apparemment auffi d'après cette
vérité dont il s'eft convaincu , qu'il veut
bien permettre de recourir au cercle pour
procurer aux chevaux la première fouplefle.
Sans m'abandonner à l'examen de tous les
raifonnemens auxquels il fe livre , 6k fans
perdre un temps précieux à marquer les
contradictions qui en réfultent , il me fuffit
que l'action fur la volte foit moins pénible,
moins difficile à l'animal , pour que je lui
donne la préférence fur toute autre.
On ne doit point oublier que mon unique
intention eft d'aflbuplir l'omoplate & l'hu-
mérus , 6k que je ne dois avoir à préfent
d'autre but que de folliciter le mouvement
en rond, dont le bras principalement, ou
fon articulation fphéroïde , eft fufceptible;
pénétré de l'importance dont il eft de ne
travailler d'abord toutes les proportions dont
la machine entière eft formée, que féparé-
ment 6k non enfemble , (voye\ ENCOLU-
RE , ) mon premier foin fera de divifer er>
quelque façon celles que j'ai déjà mifes
en jeu , 6k celles que je me propofe de
dénouer ici, des côtes de la croupe, fur
lefquelies je ne dois encore rien entrepren-_
dre directement, 6k que je ne contraindrai
dans mtt opérations , qu'autant que leur
connexion avec la tête , l'encolure, & les
sous en a ouvert une, en nous indiquant [épaules pourra m'y obliger.
614 E P A
Les leçons parlefquelles j'ai provoqué les
flexions latérales du cou & le port de la tête
de côté & d'autre , m'offrent tous les
moyens de parvenir à mes vues. Je trouve
en elles non -feulement l'avantage que je
defire, eu égard à l'action circulaire, mais
celui d'augmenter la facilité du pli , dont
ces deux premières parties ont déjà con-
tracté l'habitude ; & c'eft ainfi qu'une feule
route me conduit à. tout , affure toujours
de plus en plus mes fuccès , & que j'ôte,
en un mot , tout prétexte & toute idée de
défenfe à l'animal, puifque je ne le foumets
à l'obéiflance que par la liberté que je lui
donne d'obéir.
Détournez légèrement , au moyen du
port de la rêne de dehors en-dedans, &cde
l'approche de la jambe de ce même dedans ,
fi la rêne déterminante a befoin de ce Ce-
cours , le cheval dont l'encolure eft pliée ,
& qui par le droit ck au pas regarde dans
le centre, (voyq; ENCOLURE,) à l'effet
de lui faire décrire des cercles d'une étendue
proportionnée à fon plus ou moins de dif-
pofition ck de volonté. Auflî-tôt qu'il a
quitté la ligne droite fur laquelle il che-
minoit, augmentez fubitement l'aftion de
la rêne de dedans à vous, & maintenant
la rêne de dehors dans un degré de ten-
don , non auffi fort , mais feulement en
raifon du foutien qui doit en réfulter; croi-
fez-îa imperceptiblement & pour féconder
amplement celle qui plie, Dans cet état Ci
vous parccairez la ligne de la volte , en
élargiffant infenfiblement le cheval, il eft.
certain que fa jambe de dedans dans cha-
cune de fes foulées fe trouvera précifément
au-devant de la pifte de la jambe de dehors
fa voifine ; or elle ne peut s'y placer qu'au-
tant que les parties fupérieures dont elle eft
une dépendance, & auxquelles elle doit
{es mouvemens , font rapprochées du corps
de l'animal , & mues dans un fens oblique ;
d'où nous devons conclure que cette leçon
convient parfaitement à notre projet ,
puifqu'elle fufcite d'ans l'humérus & dans
l'omoplate une partie de l'action que nous
nous proposons de leur imprimer , & que
cette même action n'apportant aucun chan-
gement dans la pifte du derrière, -ne trou-
ble en aucune manière l'ordre des jam-
bss poftérieures, dont la marche s'erfec-
E P A
tue fans qu'elles fe refferrent ou fe retré-
ciffent.
Le cheval habitué à cheminer aux deux
mains , librement & dans cette pofition où
il aura été entretenu par la puiiTance conf-
tamment combinée des deux rênes confiées
à une main habile , & par des aides mo-
dérées de la jambe de dedans , fi elles ont
été néceffaires , le cavalier pourra tenter
de porter les parties qu'il doit dénouer à
faire un plus grand effort. Il croifera donc
la rêne de dehors , dont il cherchera à
aiïurer par l'approche de fa jambe de de-
dans , de façon que la jambe de dehors
du cheval avoifine davantage le centre , &C
foit dans une oppofition plus ou moins
forte, félon les progrès de l'animal, avec
l'extrémité antérieure de dedans; alors,
& dans chacun des inftans où la jambe
dirigée vers la volte fera pofée ou dans fon
appui , & où l'autre extrémité fera élevée
ou dans fon foutien, (voyq; Manège. )
il croifera la rêne de dedans qui opère
principalement le pli par fa tendon, & qui
opérera encore, par fon obliquité, le port
de cette même extrémité vers le dehors Se
au-delà de la pifte qu'elle marquoit , lorf-
que l'une 8>t l'autre étoient moins affujet-
ties ; ainfi au lieu de fe placer fimplement
dans fa battue au-devant de la jambe de
dehors , elle chevalera &c parfera fur cette
même jambe. Or fi dans la première ac-
tion nous avons obfervé que l'omoplate &c
l'humérus accompîiiToient une partie du
mouvement que notre unique deifein eft
de folliciter , il eft vifible que, dans celle-
ci , qui demande de la part du maître qui
travaille une précifion , une jufteffe & une
attention finguliere , nous obtenons de l'a-
nimal tout ce qu'il peut nous accorder ,
& tout ce que nous devons en attendre,
dès qu'en nous conformant fcrupuleufe-
ment à cette fage maxime qui nous aftreint
à détacher , pour ainfi dire , du corps du
cheval les parties que nous voulons aflbu-
plir , avant d'entreprendre de les mettre
toutes enfemble & d'accord , nous nous
bornons à n'exercer ici que le bras & IV-
paulc , indépendamment des côtés & <\es
hanches , de la fouplefie defquelles nous
ne fommes point encore occupés.
J'avoue que les extrémités poftérieures
reçoivent
E P A
reçoivent néanmoins dans ce dernier cas
une impreflion dont je ne peux douter ,
puifque je vois que la jambe de derrière de
dedans eft preffée & rapprochée de la jam-
be de derrière de dehors , & que leur pifte
eft à-peu-près marquée comme celle des
jambes antérieures , fur les premiers cer-
cles que j'ai aflignés ; mais ce rétrecifîe-
ment eft inévitable , puifqu'il n'eft pas
poflible de défunir abfolument le derrière
du devant , & d'interdire entr'eux une re-
lation qui ne pourroit ceffer qu'enfuite d'une
• disjonction entière & réelle ; la croupe n'é-
prouve qu'une légère contrainte , & non
une gêne dont l'animal puiflè foufFrir & fe
gendarmer.»
Tel eft aurïï le point auquel nous de-
vons nous arrêter. Engager lùr ces mêmes
cercles le devant, & chaffer les hanches ,
ainfi que le prefcrit le duc de Newkaftle
dans fa leçon de la tête de dedans , de la
croupe de dehors , ou exécuter cette même
leçon fur les quarrés , félon le vœu de M.
la Gueriniere , (qui , s'il n'avoit pas jugé à
propos de couper une phrafe du premier
par un &c. n'auroit pu déguifer que les
cercles ne mettent un cheval fur le devant
que par la faire du cavalier qui néglige de
le foutenir , ) ce feroit travailler à la fois ,
de l'aveu même de l'un & de l'autre, non-
feulement les épaules , mais les côtés & la
croupe , (ans parler de la tête & de l'enco-
lure , pour l'arlbuplhTement defqueiles nous
ne trouvons dans leur ouvrage aucune le-
çon particulière.
Que l'on réfléchifïe fans partialité fur
l'entreprife de faire mouvoir enfemble &
tout-à-coup une foule de reflbrts , dont la
force naturelle prouve la difficulté de vain-
cre la roideur , tandis que tous nos efforts ,
pour les mettre en jeu, ne peuvent s'im-
primer directement que fur une partie foi-
ble , délicate , & auffi fenfible que la bou-
che ; & l'on jugera dès-lors fainement du
mérite d'une méthode que j'admirerois , fi
je ne confultois que le préjugé , le nombre
de fedateurs qu'elle a eus , & la multitude
de partiians qu'elle a encore, (e)
EPAULE , {Maréchallerie.) Cette partie
du cheval eft fu jette à beaucoup d'infirmités,
comme entre-ouverture , écart , ou effort
d'épaule, &c.
Tome XIL
E P A €i5
Pour mieux expliquer la caufe , les effets
de ces genres de maladies , il eft impor-
tant de développer la compofition anato-
mique de la partie qui en eft le fiege.
lfépaule du cheval renferme dans fa
compofition des os , des cartilages , des li-
gamens , des mulcles , des vaifîêaux fan-
guins , lymphatiques & herveux ; la peau
fert d'enveloppe à toutes ces parties orga-
niques.
Le premier des os eft l'omoplate , qui a
prefque la figure triangulaire , dont deux
angles font fupérieurs , l'un antérieur , &:
le iècond poftérieuf, qui eft plus obtus:
le troifteme eft antérieur-inférieur. Cet os
a deux fortes de connexions ; la première
fe tait par fyfarcofe , avec les vertèbres du
garrot , au moyen d'une forte membrane
ligamenteufe qui attache & aflujettit à cette
partie les deux angles fupérieurs de cet os ,
qu'on nomme paleron ; ce ligament & les
mufcles qui lui font propres , l'attachent
aux os voifins : l'autre articulation fe fait
par artrodie avec l'humérus , l'omoplate
aylnt à fon angle antérieur-inférieur une
cavité glenoïde qui reçoit la tête de l'hu-
mérus. Cette cavité eft induite d'un carti-
lage qui facilite le mouvement : elle a un
bord ligamenteux qui la rend plus profon-
de & plus capable d'embraffer la tête de
l'humérus , & en fortifie l'articulation.
Le dernier des os eft l'humérus ; il eft
articulé par fes deux extrémités , par celle
d'en-haut avec l'omoplate par artrodie ,
( on appelle vulgairement cette articula-
tion la pointe de Y épaule > ) & par celle
d'en-bas doublement , favoir par ginglime
avec le cubitus , & par artrodie avec le ra-
dius. Le cubitus eft adhérent au radius au-
deftbus de l'apophyfe olecrane, partie où
le cheval fe blefîe , quand il fe couche en
vache.
Ces articulations font recouvertes de
forts ligamens membraneux , qui pren-
nent leur attache aux extrémités des os ar-
ticulés , qu'ils tiennent fortement jointes
enfemble , afin qu'ils ne puifîênt fortir dé
leur place : ils ont feulement la liberté
d'exécuter leurs divers mouvemens.
L'omoplate fait fes différens mouve-
mens , au moyen de cinq mufcles qui
font le trapèze , le rhomboïde , le rele-
Kkkk
éi6 E P A
veur propre , le petit pecloral , & le grand
dentelé , qui prend ion origine de la bafe
de l'omoplate.
L'humérus efl la partie de l'épaule du
cheval qui exécute les plus forts mouve-
mens : ces mouveœens font faits par le
moyen de plufieurs mufcles , qui font le
deltoïde , le (us-épineux , le latiilimus , le
grand rond , le grand pectoral , le coracoï-
dien , le fous-épineux , le petit rond , & le
fous-fcapulaire.
On lait que les mufcles ont deux fortes de
mouvemens , celui de contraction , & ce-
lui d'extenfion , d'où fuivent tous les di-
vers mouvemens que nous voyons faire à
l'animal. On peut y en ajouter un troifie-
me , qu'on appelle mouvement tonique ,
qui fe fait lorfque plufieurs mufcles agiiîent
de concert , & tiennent une partie ferme
& bandée.
Or la caufe principale de l'effort 8 épaule
vient de ce que l'un de ces mouvemens a
été exécuté avec violence par cet organe ,
foit antérieurement , foit pofférieurement ,
foit latéralement , ou dans un fens oblique :
les fibres nerveufes , les tendineufes , les
petits tuyaux fanguins & lymphatiques qui
entrent dans la compofition des mufcles , &
qui fe font trouvés les uns . en contraction ,
& les autres en extenfion dans ces mouve-
mens forcés, en font plus ou moins affec-
tés ; ce qui produit un effort d'épaule , ou
entre-ouverture , ou disjonction de cette
partie , plus ou moins difficile à guérir ,
félon le cas. Si les parties qui compofent
ces mufcles n'ont fubi que de légers tirail-
îemens , & qu'on y apporte un prompt fe-
cours , quoique le cheval en boite , on le
guérit facilement ; on appelle cette mala-
die faux écart } ou effort a' épaule Jimple :
fi au contraire la fecouffe a été affez tumui-
tueule pour déranger le tiffu cellulaire des
mufcles , rompre & déchirer fes parties or-
ganiques , les liquides ne pouvant circuler
que difficilement , fi on n'y apporte un
prompt fecours , la partie s'obfhue , la ma-
ladie devient fouvent incurable, & pour-
iors on l'appelle disjonction d'épaule ou en-
tre-ouverture ; fauffe dénomination qu'on a
donnée ù beaucoup de maladies qui font
boiter le cheval , & dont on ne .connoît
point la caufè. Ce n'eil pas que l'éloigné-
E P A
ment de l'épaule foit impoŒible ; maïs
cet accident conflitue un autre genre de
maladie que celle que l'on a entendue
fous le nom Centre-ouverture ou disjonction
d'épaule.
L'entre-ouverture ou disjon#ion des os
de l'épaule proprement dite , efl un des plus
hineftes accidens qui puiilènt arriver au
cheval ; voici les lignes fymptomatiques
qui le caradérilent : i°. une grande dou-
leur qui fait boiter cet animal à ne pouvoir
pofer le pié à terre : 2°. une tumeur qui
s'étend quelquefois fur toute cette extré-
mité , & qui empêche le cheval de fe cou-
cher : 3°. la perte du boire & du manger :
4°- un grand battement de flancs qui iùp-
pofe toujours la fièvre : enfin quelquefois
la fourbure , d'où fuit affez communément
la néceflité de faire tuer le cheval.
Cure pour l'écart ou effort d'épaule Jimple.
On faigne le cheval à la veine céphalique ,
qu'on appelle communément l'ars 3 & l'on
fait une charge de ion iang fur toute la
partie aiîligée : • cinq ou fix heures après la
iaignée , on emploie des médicamens ré-
folutifs , pour difliper les obftruCtions , &
donner aux liqueurs nourricières du mou-
vement , & les volatilifcr. Ces médicamens
font l'efprit de térébenthine , d'afpic ou la-
vande , l'huile de pétrole , le baume de fio-
ravanti ou de Pérou , le tout mêlé avec
l'eiprit-de-vin camfré & appliqué fur la
partie : on a foin de les faire pénétrer par
des frictions avec la main , d'expofer le
cheval , fi c'eft en été , au grand foîeil ;
en hiver on préfente une pelle de fer bien
chaude auprès de la partie , dans la même
intention : on attache le cheval à deux lon-
ges , l'une au râtelier, & l'autre à la man-
geoire, afin qu'il ne puifliç point fe cou-
cher de neuf jours , pendant leiquels on le
laijfe à la diète , favoir à la paille , au fon
mouillé donné en petite quantité , & à l'eau
blanche.
Si le cheval n'eft point guéri au bout de
ce temps , ou qu'il lui reffe quelque foi-
blefié à cette partie , on fe fert d'un bain ,
pour y faire deux fois par jour des fomen-
tations un peu chaudes. Ce bain doit être
compofé avec les herbes aromatiques &
émollientes ; favoir , le feordium , l'ab-
fynthe , la fauge , le romarin , la graine de
E P A
genièvre piîée , les fommités de milleper-
tuis , de camomille , de bouillon blanc , du
thym & du pouillot , &c, on fait bouillir
pendant une heure le tout dans de la lie
de vin , & dans du vin , au défaut de la
lie.
Si l'effort d'épaule eu ancien , il demande
des remèdes plus forts , qui foient ca-
pables de réfoudre les liqueurs arrêtées
dans le tiffu cellulaire des mufcles. Ces
médicamens font les baumes du Pérou ,
mêlés avec l'eiprit-de-vin camfré , l'efprit
de genièvre , l'efprit de ver de terre , de fel
ammoniac ou d'urine ; ou , à la place de
cette compofition , on fe'fervira de l'em-
plâtre de gomme diiTous dans l'huile de
tartre , appliqué un peu chaud fur la par-
tie affligée. Si ces médicamens ne réuffif-
(ent point , on fait au cheval un cautère
entre ["épaule & le fternum , qu'on laiffe
couler pendant l'efpace de dix à douze
jours , & plus , li le cas l'exige : on (e fert
auffi du féron , qu'on lui applique tantôt à
une partie de V épaule } tantôt à une autre.
Pour dernier remede on y met le feu en
baies ou en pointes ; on y applique uty fi-
roëne pardeffus le feu , qu'on laifîê juf-
qu'à ce qu'il tombe : enfin on fait prome-
ner le cheval en main pendant un certain
temps, pour donner la facilité à la nature
de rétablir les forces dans cette partie : car
l'effort d'épaule , quoique fimple , devient
fouvent incurable par l'empreffement que
l'on a de vouloir fe lervir trop tôtde l'animal,
& de l'erreur où l'on eff. en le croyant guéri:
il peut l'être en effet pour de certains petits
ufages ; car tel cheval eff droit d'un écart
pour rouler doucement, qui ne le feroit
pas pour pouffer un relai de quatre ou fix
lieues fur le pavé, mené vivement: de mê-
me fi c'efi un cheval de felle , il peut être
droit pour un voyageur qui ne va qu'au
pas , & il ne le feroit pas fi on le menoit à
la chaffe ou à quelqu'autre exercice fembla-
ble. On peut conclure de-là que la guérifon
de cet accident dépend autant du ménage-
ment que l'on doit avoir pour le cheval ,
que des remèdes qu'on lui adminiftre.
Les épaules des chevaux font fujettes à un
autre genre de maladie , que nous allons
divifer en trois eipeces différentes , qui ont
chacune leur caufe particulière , & quel-
E P A 6ij
quefois plufieurs enfemble : on les a fouvent
confondues fous une même dénomination.
On appelle cette forte de maladie tantôt
épaule s froide s ou emreprifes , tantôt épaules
chevillées ^ tantôt épaules étroites ou ferrées.
i°. On doit entendre d'un cheval qu'il a
les épaules froides , lorfque Ces parties étant
bien conformées , fans aucune apparence
d'accident , il ne laiffe pas de boiter , au
fbrtir de l'écurie , des deux jambes de de-
vant , comme s'il étoit fourbu , jufqu'à ce
qu'il foit échauffé par le travail , du moins
quand ces parties font engourdies à un cer-
tain degré. 2°. On doit dire que cet animal a
les épaules chevillées , lorfqu'il a ces parties
fort grofîès , fort larges & fort charnues ,
ainfi que le garrot. 3°- Un cheval a les épau-
les étroites ou ferrées , lorfqu'il a ces parties
fi près l'une de l'autre , qu'à peine peut-il
marcher fans croifer les jambes.
Ces deux derniers défauts font des vices
de conformation , oppofés l'un à l'autre :
ils caufent pour l'ordinaire au cheval la
même infirmité que l'accident que nout
venons de défigner fous le nom d'épaules
froides ou entrepnfes.
En remontant à la première caufe de cet
accident , nous allons faire fentir pourquoi
les chevaux anglois, & fur-tout les che-
vaux de felle , font plus fujets à cette ma-
ladie que ceux des autres nations.
Dans les courfes violentes qu'on fait faire
à un cheval, avant qu'il ait atteint l'âge &
les forces propres à réliffer à ces fatigues ,
telles que les Anglois en fontfoutenir à leurs
chevaux , les mufcles & les ligamens n'ayant
peint encore acquis la confiflance néceiiai-
re pour fupporrerles extenfions que ces par-
ties éprouvent dans ces mouvemens forcés ,
il arrive que ces ligamens &: ces mufcles fe
relâchent ; la fynoyie perd fa fluidité ; les
petits vaiffeaux lymphatiques & les petits
cordons nerveux fe diftendent ; la lymphe
ne pouvant plus circuler dans (es petits
tuyaux, non plus que les efprits, (s'il en
exifie réellement , ) les fibres perdent de
leur mouvement & de leur reflort , faute
d'être tenus bandés & raccourcis par l'élaf-
ticité des nerfs ; & l'animal cfl perclus. Cet
accident augmente encore par lepafïage du
chaud au froid , après ces violens exercices ;
alors les corpufcules de l'air s'infinuant dans
Kkkk 2
4z8 E P A
les pores de la peau , que la chaleur a dila-
tés , coagulent la lymphe , & caiifent des
obftrudions dans toute la fubftance des
mufcles & des ligamens de l'épaule : d'où
fuit que la férofité ne pouvant plus être
contenue dans (es petits tuyaux y s'épan-
che , ne circule que difficilement & ac-
quiert cette acidité qui caufe une éré-
thifme aux fibres membraneuies , ce qui
gêne le mouvement.
Mais comme l'obirruâion ne fè fait que
par' degrés, l'afFoibliffement & l'engourdif-
fement qu'elle caufe ne font pas tout-à-
coup fienfibles : quelque palliatif même , &
un travail modéré , fait difparoître pour un
temps cette léfion dans les épaules des che-
vaux ; de forte que celui qui a envie de les
acheter n'en peut rien appercevoir. En effet
quel eft le connoiffeur qui peut deviner
qu'un cheval périra par les épaules , lorfqu'il
voit ces parties bien conformées & libres
en apparence-, & que l'animal eff d'ailleurs
gai , vigoureux , potelé ? car malheureufe-
ment l'acquéreur n'a point la liberté de le
travailler affez pour le tâter à fond ,■ & de
le voir le lendemain troter après qu'il efi
pefroidk II ne peut donc que l'acheter au
hafard , à moins qu'il n'oblige le marchand
à lui donner le temps de l'éprouver & de le
connoître ; précaution que celui-ci a inté-
rêt d'éluder , mais qu'on a encore plus d'in-
térêt à prendre. Au défaut dé cet examen ,
quand on vient , après l'avoir acquis, à le-
faire travailler un peu fort , on commence
par degrés à s'appercevoir de la foibleffe
des épaules, tantôt d'un côté , tantôt de
l'autre, & quelquefois des deux en même
temps : enfin le cheval s'engourdit telle-r
ment , & va fi près du tapin , qu'il bronche
à chaque infiant , & devient par fucceflion
des temps fi perclus, qu'il paroît comme
fourbu au fortir de l'écurie.
On voit par cet expofé , i°. pourquoi lès
chevaux anglois font plus fujets que d'au-
tres à avoir les épaules froidesou entreprifes:
2, . quel danger on court en les achetant,
puifque l'on n'a pas le temps de les éprou-
ver à fond. Pour être convaincu de ce dan-_
ger , il- fuffit de voir qu'entre ceux que. l'on
acheté pour les remontes des écuries- roya-
les , qui font fans contredit choifis-, foignés
& montés par d'exçellens écuy.ers, cepen-
E P A
dant iî en çû beaucoup qui périffent par ces
parties , fans que tout l'art & toute l'expé-
rience poffible ait pu les faire prévoir dans
les achats.
Cette maladie reconnoît encore pour
caufe féconde , le trop de repos donné au
cheval , nommément au cheval anglois ,
qui a prefque toujours fubi ces violens exer-
cices dès fa tendre jeuneffe : car les muf-
cles & les ligamens reflanf long-temps dans
l'inaction , après ces courfes outrées , de—
viennent roides & inflexibles; parce que le'
fuc nourricier que leurs fibres fatiguées &
difîendues reçoivent en cet état , remplit
leurs petires cellules, s'y épaiflit, s'y con-
denfe , & comprime les petits cordons ner-
veux , ce qui prive ces parties organiques
de leur foupleffe naturelle , ainfi que de-
leur élafhcité ; d'où réfulte cet engour-.
diffement qu'on appelle épaule froide ou
cntreprife.
Le défaut des épaules chevillées eft , corn--
me nous l'avons dit , un vice de conforma-.
Bon de ces parties :.car il réfulte néceflàire-.
ment qu'un cheval qui a les épaules & le.
garrot fort gros & fort charnus , doit avoir-
le mouvement moins libre que celui qui a*
ces parties bien faites & bien conformées ;
car les mufcles & les ligamens propres ;i
mouvoir ces parties étant enveloppées de-
chair & de graiffe , n'exécutent qu'avec peine-
leurs divers mouvemens.
Les épaules ferrées & étroites font de me--
me un vice de conformation , car un che--
val qui eft fort ferré & fort étroit des épau-.
les a par. conféquent le flernum très-étroit :
les omoplates & les humérus appliqués Se
collés fur le fiernum laiffent fi peu de dis-
tance d'un avant-bras à l'autre , qu'àpcine:
l'animal peut troter ou galoper fans fe étof-
fer les jambes & fe couper ; ce vice fait-
tomber les épaules du cheval dans un amai-.
grifîement total. Cette efpece d'atrophie
influe non feulement fur les graiffes , mais-
encore fur les mufcles, furies ligamens &
furies articulations ; ces parties n'étant pas.
affez enduites par un nouveau fuc nour-.
cier , deviennent fi feches & fi arides , qu'el-u
les ne peuvent que difficilement agir.
On voit, par ce que nous venons de dire:
de ces maladies, que celles qui font pro-*
duitçs par vice de. conformation font incu-*.
E P A
rablcs-'; elles ont feulement feryi , & fer-
vent encore de règle prefque générale , pour
prédire ce qui doit réfulter de l'un ou l'au-
tre. Quoique cette règle fouffre des excep-
tions , il eft toujours très-prudent de ne
point s'en écarter , fur-tout dans l'achat
des chevaux de (elle , & encore plus de ceux
qu'on deftine à la chalfe & à des exercices
violens.
Nous finiffons à regret l'article de ces
maladies particulièrement de celle des épau-
les froides ou entreprifes ,. fans pouvoir
indiquer aucun fpécifique propre à la vain-
cre: on a fait mille tentatives infru&ueuf es
qui n'annoncent que trop notre infuffi-
fance à la guérir : on y a eflayé quantité de
remèdes internes & externes ; les internes
font les fondans , les fudorifiques , les diuré-
tiques, les panacées mercurielles & anti-
moniales ; & pour remèdes externes , les
fomentations , les frictions , les emplâtres.,
les onguens , les fêtons , les cautères poten-
tiels & actuels , & tout cela fort inutile-
ment ; car fi quelques chevaux entrepris
des épaules fe font trouvés guéris , on doit
plutôt l'attribuer au repos modéré- qu'on
leur a donné , qu'aux remèdes ; mais nous
dirons de cette maladie ce que nous avons
dit de l'éparvin , que le bon moyen de la
guérir c'eft de ne pas la.caufer. Cet article
efi de M. G EN S ON.
Epaule , en terme de Fortification-, eft
la partie du baftion où la face & le flanc
fe joignent enfemble , & où ils font un an-,
gle qu'on appelle Y angle de. l'épaule. . Voye\
Bastion. (Q)
Epaule de Mouton , ( Chargent. )
la plus grande des coignées dont fe fervent
ces ouvrier* pour drefler &. équarrir leurs
bois.
Epaule d'un Vaisseau , (Marine. )
virures de l'avant: ce font les: parties du
bordage qui viennent de l'éperon vers les
hauts bans de mifene ,. où il fe forme une
rondeur qui foutient le. vaifTeau fur l'eau.
ÉPAULÉE, fi f. en Maçonnerie. Ce
terme a- lieu ; lorfqu'un , bâtiment , au lieu
d'être levé de luite & de niveau , eft repris
par redens , c*eft-à-dire à diverfes reprifes
ou à divers temps , comme cela fe pratique
quand, on travaille par fous-œuvre. (P)
E P A 6i9
EPAULEMENT, f. m. en terme de
Fortification y eft un ouvrage ou une élé-
vation de terre qui fert à couvrir du canon
de l'ennemi. Ainfi on appelle épaulement
tout parapet à l'abri duquel on peut faire
le fervice ; c'eft pourquoi , dans l'artille-
rie , le parapet des batteries eft appelle
épaulement. Voye\ BATTERIE.
C'eft encore la partie avancée d'un flanc
couvert , non arrondi. Voyei^ ORILLON-
Il étoit autrefois d'ufage de faire des épau~ .
lemens dans les fieges pour couvrir la cava-
lerie du canon de l'affiégé : mais cette cou*
tume ne fubfifte plus. ( Q )
EPAULEMEMT , ( Charpente. ) fert à
couvrir un des côtés de la mortoife , & il
fe lait en recran d'un côté , d'environ ur>
pouce , de la largeur du tenon.
EPAULER un Cheval , ( Manège „
Maréchall. ) c'eft occafioner dans l'une ou*
l'autre de fes épaules un mal qui le rend in-
capable de fervice. Ce mot pris néanmoins»
dans fon véritable fens , ne. doit être appli-
qué que dans le cas où ce mal eft incurable ,
(bit par fa propre nature , foit par fes pro-
grès communément favorifés par ceux à>
qui le traitement en- eft dévolu. Ainii un.
cheval épaulé eft véritablement un chevaL
inutile , qui ne fera jamais d'aucun ufage*.
(0
SPAULIERES, f. f. pi. {Basaumé--
tier. ) parties du métier à faire des. bas*.
Voye\ V article BAS AU MÉTIER. .
* EPAULIES , f, m. pi. c'eft ainfi que;
les Grecs appelloient le lendemain des no— ■
ces. Ce jour les parens & les conviés fai--
foient des préfens aux nouveaux mariés^
On Tappelloit épaulie , de ce que lepoufe-
n'habitoit la maifon de fon époux.que de ce*
jour. On donnoit le même nom aux pré*-
fens , fur-tout aux meubles que le* mari re— -
cevoit de fon. beau-pere.. Ces préfens fe?
tranfportoient publiquement & en cérémo--
nie ; un jeune homme , vêtu de blanc &:
portant à la main un flambeau allumé , ,
précédoit la marche» .
• *EPEAUTRE, f..m. (Agriculture.)
efpece de froment dont le grain eft petitj
& plus brun qu'au froment ordinaire. Om
en diftingue de deux fortes-; le fimple , &:
celui qui a double bourre & toujours deux:
grains dans chaque gouiTe* Oa. en, hic.
6$o EPE
du pain qui n'eft pas défâgréabic au goût,
mais qui eft lourd à l'eftomac. Les anciens
en compofoient leur jromentée , efpece de
bouillie qu'ils ont beaucoup vantée ; &
l'on en fait aujourd'hui en quelques endroits
de la bière. Vépeautre eft un grain moyen
entre le froment & l'orge. La plante
refTemble beaucoup à celle du froment ;
elle a le tuyau plus mince , l'épi plat &
uni , le grain jeté feulement de deux côtés,
& une barbe longue & déliée. On donne
le nom çYépeautre à une efpece de feigle
blanc.
* EPECHER|POILE , ( Fontainesfalan-
tes. ) c'eft à la fin d'une remandure ,
( Voye\ Remandure , ) puifèr le refte
de la muire, ( Voye\ MuiRE,) qui fè
trouve au fond de la poîle , & la porter aux
cuves ou réfervoirs , pour y fortifier les
eaux foibles. Voye\ SALINE.
EPÉE 7[.f. ( Efcrime. ) arme ofFenfive
qu'on porte au côté , enfermée dans un four-
reau , qui perce , pique & coupe , & qui eft
en ufage chez prefque toutes les nations.
Elle eft compofee d'une lame , d'une garde ,
d'une poignée & d'un pommeau : à quoi
l'on peut ajouter la tranche de la garde ,
le fourreau , le crochet & le bout. Voye\
Garde , Fourreau.
La lame eft un morceau de fer ou d'acier
qui a deux tranchans , deux plats , une
pointe , & la foie. «
Le tranchant ( en terme d'efcrime le
vrai tranchant y) eft la partie delà lame
avec laquelle on fe défend ; c'eft celui qui
eft du côté gauche de la lame , quand on
a Yépée plachée dans la main.
Le faux tranchant , eft celui dont on fait
rarement ufàge, & qui eft du côté droit de
la lame.
Le tranchant fe divife en trois parties ,
qu'on appelle le talon , lef&ible , & le fort.
Le talon , eft le tiers du tranchant le plus
près de la garde.
Le foible , eft le tiers du tranchant qui
fait l'extrémité de la lame.
Le fort , eft le tiers du tranchant qui eft
entre le foible & le talon.
Le plat , eft la partie de la lame qui eft
entre les deux tranchans.
La pointe , eft la partie de la lame avec
laquelle on perce l'ennemi.
EPE
La foie , eft la partie de la lame qui en-
file la garde , la poignée , & le pommeau.
La garde , eft la partie de ïe'pe'e qui ga-
rantit la main.
La poignée , eft la partie de Yépée avec
laquelle on la tient.
Le pommeau , eft la partie de Yépe'e à
l'extrémité de laquelle on rive la foie , &
où elle eft attachée.
Les maîtres en fait d'armes divifent en-
core , Yépée en trois parties , la haute , la
moyenne & la baffe , & en fort , mi-fort
& foible. Le fort de Yépée eft la partie la
plus proche de la garde. Le mi-fort gît au
milieu & aux environs de la lame, & le
foible eft le refte qui va julqu'à la pointe.
Ils divifent de même le corps en trois ,
dont la partie haute comprend la tête , la
gorge & les épaules ; la moyenne , la poi-
trine , l'eftomac & le ventre fupérieur ; &
la baffe , le ventre inférieur & au défaut
jufque vers le milieu des cuiffes. Voye%
Escrime.
Ëpée a deux mains ou efpadon , eft une
large épe'e qu'on tient à deux mains , &
qu'on tourne 11 vite & li adroitement , qu'on
en demeure toujours couvert.
Il y a des épées quarrées , il y en a de
plates , de longues & de courtes.
Lesfauvages du Mexique , dans le temps
que les Efpagnols y abordèrent pour la pre-
mière fois , n'avoient que des épc'es de bois ,
dont ils fe fervoient avec autant d'avan-
tage que nous des nôtres.
En Efpagne , la longueur des épées eft
fixée par autorité publique. Les anciens
chevaliers donnoient des noms à leurs
épées : celle de Charlemagne s'appelloit
joyeufe , celle de Roland durandal , &c.
Les épées dans les premiers temps de la
troifieme race de nos rois dévoient erre
larges , fortes , & d'une bonne trempe ,
pour ne point fe cafTer fur les cafques & fin-
ies cuiraffes , quifaifoient tant de réfiftance ;
& telle fut celle de Godefroy de Bouillon ,
dont quelques hiftoires de croifades difenr ,
qu'il fendoit un homme en deux. La même
chofe eft racontée de l'empereur Conrad au
fiege de Damas.
M. Ducange dit que ces faits, tout in-
croyables qu'ils paroiftènt , ne lui femble-
rent plus tout-à-fait hors de vraifèmblance
E P E
depuis qu'il eut vu à Saint Faron de Meaux
une épée antique que l'on dit avoir été celle
d'Ogier le Danois , lî fameux du temps de
Charlémagne , au moins dans les romans ,
tant cette épée cil pelante , & tant par can-
ïequent elle fuppolbit de force dans celui
qui la manioit. Le P. Daniel qui l'a taire
peler , dit qu'elle pefe cinq livres & un
quarteron. Hïftoire de la milice francoife.
M. le maréchal de Puyfegur prétend que
Y épée efl une arme inutile & embarralfante
au foldat. Voye\ ARMES. (Q)
ÉPÉE , (Art militaire.) On ne s'arrê-
tera point ici à parcourir toutes les nations
de l'antiquité qui fe fervoient de Y e'pee ,
ni à décrire les différentes formes qu'elles
lui donnoient. On fe contentera de remar -
quer, comme l'ont déjà fait plufieurs au-
teurs , qu'il y avoit des épies courtes , for-
tes , qui frappoient d'eftoc & de taille ,
telles quetoient celles des Efpagnols , que
les Romains empruntèrent d'eux , & avec
lefquelles , dit Tite-Live , ils coupoient
des bras entiers , enlevoient des têtes , &
failoient des bleflùres terribles (a). Il y
en avoit de longues & fans pointe , qui ne
fervoient qu'à frapper de taille , comme
étoient celles des Gaulois , qui , quoique
plus braves que les Romains , ne les défi-
rent prefque jamais^ parce que leur igno-
rance & leur aveuglement ne leur per-
mirent pas de reconnoître le défaut de
leurs armes , & de prendre celles de leurs
ennemis.
Les François fous la première race , dès-
lors comme aujourd'hui pleins de vigueur
& d'impétuofité , portoient , outre leurs
francifques (b) & leurs javelots , des e'pe'es
courtes & tranchantes qui les rendoient
très-redoutables dans toutes (ortes d'atta-
ques. Il y eut quelques changemens dans
leurs armes fous la féconde race , du moins
on leur donna des arcs & des flèches , mais
pour cela on ne leur ôta pas Yépée. On
E P E 6$x
remarque feulement que depuis il y eut
quelques variations dans la forme & les
dimenfions de cette arme.
Il cil certain que tant qu'on ne quitta
pas 4'armure complète , 1 es épées dévoient
être larges , fortes , & d'une excellente
trempe , pour ne point fe cafîer fur les
calques , les cuiraifes , &c. qui faifoient
tant de refiflance ; & telle fans doute fut
celle de Godefroy de Bouillon , dont les
hiffo'res des croifades nous difent qu'il
fendoit un homme en deux. Le P. Daniel ,
( Hïftoire de la Milice franpoife y tome I y
liv. VI y chip. 4. ) qui cite les merveilles
de cette épée , rapporte que la même chofè
efl racontée de l'empereur Conrad au fiege
de Damas. Il ajoute que ces fairs , tout
incroyables j qu'ils paroifîent , ne femble-
rent plus fi fort hors de vraifemblance à
Ducange , depuis qu'il eut vu à Saint
Faron de Meaux une épe'e antique , qu'on
dit avoir été celle d'Ogier le Danois, fi
fameux du temps de Charlémagne ; tant
il la trouva pelante ; & tant par confé-
quent il fuppofoit de force dans celui qui
la manioit. Il efl probable que ces fortes
d' épée s étoient plus longues que celles qui
étoient le plus généralement en ufage dans
ce temps-là , afin d'avoir plus de coups &:
faire de telles exécutions. En effet, félon
le même auteur , celle d'Ogier a trois pies
un pouce de lame , trois pouces de lar-
geur vers la garde , & un pouce & demi
vers la pointe ; la garde efï de fept pouces
de longueur , & elle pefe cinq livres un
quart. ( Hïftoire de la Milice francoife y
tome I } liv. VI , chap. 4. )
Les épées du temps de S. Louis étoient ,
comme celles des Francs , courtes & tran-
chantes des deux côtés : c'eft ce que nous
apprenons par la relation de la bataille de
Benevent , où Charles d'Anjou , frère de
S. Louis , défit Mainfroi fon compétiteur
pour le royaume de Sicile , rapportée
( a ) Gludio lliftanienfi detruncata. corpor.% brachtis abfcijfis , aut totâ cervice deje&â , divtfa *
eorpore capita , patentia.jue vifeera , & fœditatem œliam vulnerum viderunt ; Liv. lib. XXXI n. 34.
(è) C'étoit une hache d'arme , nommée Frttncifque , du nom de la nation. Le fer de cette hache f .
félon Procope, étoit gros & à deux tranchans ; le manche étoit de bois , & fort court. «Au moment,
>j dit cet auteur , en parlant de l'expédition que les François tirent en Italie fous Theodebert I , roi
oj de la France Auftrafienne , qu'ils entendent le lignai, ils s'avancent ,& au premier afïaut, dès
» qu'ils fon: à portée , ils lancent leur hache contre les boucliers de l'ennemi , les cafTent , & puis
fautant Véfée à la maiu fur leur homme ils le tuent. Hift- de lu mil.franf. par Daniel , xom. 1. chap. 1.
6ht E P E E P E
par ie Père Daniel. Sous le rcgne de ' les premiers François s'en fervoient très-
François I , félon du Bellai , Langey &
Montluc, elles étoient plus longues que
celles des anciens François. En un "mot, il
femble qu'on peut dire que dans ces temps
déjà reculés , comme dans ceux cAui les
précédèrent , il y eut des épées de toutes
les formes & de différentes longueurs. Il y
en avoit de courtes nommées bracquemart }
qui avoient de la pointe 6c étoient à double
tranchant ; il y en avoit de larges , nom-
mées fiocades ; il y en avoit d'autres qui
étoient fans pointe , & taillantes feule-
ment d'un côté. Il y en avoit enfin des unes
&c des autres , dont on ne pouvoit fe fervir
qu'avec les deux mains , & qu'on nom-
moit efpadons ; telle eft celle de Henri IV ,
qui eft au tréfor des médailles du roi.
Les gendarmes portoient auili quelquefois
de grands coutelas tranchans pour couper
les bras maillés & trancher les morillons.
Ibul
Du temps de Louis XIII , les moufquetai-
res & les piquiers avoient des épées d'une
moyenne grandeur. Une ordonnance de
Louis XIV , du 16 mars 1676 , dit qu'ou-
tre les piques , fufils & moufquets , les fol-
dats feront armés chacun d'une bonne épe'e ,
mais elle n'en détermine pas les dimen-
lions. Les dernières épées qu'on donna à
notre infanterie avoient vingt-fix pouces
de lame avec un talon de deux pouces ;
croient à deux tranchans jufqu'à la pointe ,
terminées en langue de carpe , ( règlement
du 1 <) janvier 1 j^j ) & avoient une mon-
ture de cuivre ; mais elles étoient d'une
mauvaife trempe. Ce n'eft que depuis, le
commencement de la guerre dernière qu'on
a négligé de les porter, & qu'infenfiblement
elles ont été fupprimées.
Uepe'e , comme on en peut juger par le
précis hiftorique qu'on vient d'en faire , eft
une arme fort ancienne , & dont toutes les
nations ont connu l'ufage ( a ). Cette
arme , plus fimple , plus maniable & plus
forte qu'aucune autre , fut en quelque forte
le principal infiniment de la grandeur des
Romains. On a déjà fait remarquer que
avantageufement : & nous favons que ceux
de la troilieme race , notamment fous les
règnes de faint Louis , de François I , de
Henri IV , de Louis XIII , en faifoient tout
autant. On pourroit citer différens exemples
tirés de l'hifbire de ces temps-là ; mais
nous en avons de bien plus récentes , qui
prouvent que la nation , toutes les fois
qu'on lui en a fourni l'occafion , a fu faire
uf âge de Y épe'e avec la même vigueur , la
même vivacité & le même fuccès.
A la bataille de Caflèl , en 1677 ( Victoi-
res mémorables des François ) , deux corn*
pagnies de moufquetaires , ayant à leur tête
MM. de Forbin & de Jauvelle , mirent pié
à terre & attaquèrent, Y épe'e à la main,
deux bataillons des gardes du prince d'O-
range , qui étoient environnés de haies ,
ayant un large fofTé devant eux. Ces com-
pagnies franchirent le foffé malgré le feu
des ennemis , taillèrent en pièces tout ce
qui leur fit réfiftance , ék prirent le refte
prifonnier avec le commandant.
A la bataille de StafFarde , en 1690 ,
quatre régimens de la féconde ligne que le
marquis deFeuquieres fit avancer pour fou-
tenir la première , attaquèrent , Yépée à la
main , des caflines couvertes de haies , de
fofTés & de chevaux de frife , & les em-
portèrent malgré le feu des ennemis. " La
» vigueur avec laquelle ces régimens don-
nèrent , dit Moreau de Brafêy , qui étoit
à cette action , & dont nous en avons un
détail très-circonftancié , ranima les ren-
tes des régimens de la première ligne ,
& tous enfêmble ils ébranlèrent l'armée
ennemie , l'attaquèrent de toutes parts ,
& enfin la mirent en fuite, (b) »
La brigade des gardes , au combat de
Steinkerque , en 1692 , fit une charge ,
Yépée à la main , qui ne fut pas moins dé-
crive que celles qu'on vient de citer. Voici
comment le maréchal de Luxembourg ra-
conte cette glorieufe action. « Les enne-
» mis étant lords des bois , & étant venus
» fort près de nous pofer les chevaux de
» frife , derrière lefquels ils faifoient un
( a ) On en attribue l'invention à Tubalcain , fils de Lamech , qui commença le premier à forger
l'airain & le fer ,1'an du monde 130.
(£) Journal de la campagne de Piedmont fous le commandement de M. Catinxt , en I690. Par M.
Moreau de Brafey, Capitaine au régiment de la Sarre , Paris 169t.
m feu
E P E
» feu très-confidérable , tout le monde d'u-
>» ne commune voix , propofa de mettre
w nos meilleures pièces en œuvre 8c de fai-
»> re avancer la brigade des gardes. L'or-
» dre ne lui fut pas plutôt donné qu'elle
» marcha avec une fierté qui n'étoit inter-
» rompue que par la gaieté des officiers 8c
» des foldats ; eux-mêmes , aufïi-bicn que
» tous les généraux , furent d'avis de n'al-
» 1er que l'épée à la main , 8c c'eft comme
» cela qu'ils marchèrent. Les gardes-Suil-
» les, imitateurs des François, marchèrent
» avec la même gaieté 8c la même har-
» diefle. Reinold vint propofer de n'aller
« que l'épée à la main 5 8c Vaguenair dit
j» que c'étoit la meilleure manière. Tout
» auilî-tôt il vola au centre de fon ba-
» taillon , 8c le mena à la même hau-
» teur que les gardes , droit aux ennemis ,
» qui ne purent tenir contre la conte-
»» nance auilî hardie qu'avoit cette bri-
» gade ; je dis contenance , parce qu'elle
» ne tira pis un feul coup ; mais la vigueur
3> avec laquelle elle alla aux ennemis , les
« furprit afTez pour qu'ils ne-filîent qu'au-
» tant de réfiftance qu'il en falloir pour
» être joints , 8c en morne temps tués de
» coups d'épée 8c de pique , tous les gar-
» des étant entrés dans les bataillons en-
** nemis ( a) »
S'il eft vrai , comme on le penfé géné-
ralement , que les armes blanches font plus
propres qu'aucune autre à l'humeur im-
pétueufe des François : s'il eft reconnu
qu'on ne peut fe pafler de la p:que , ou à
fa place du fu fil -pique , ni du fufil , il
n'y a perlonne qui ne doive admettre avec
ces armes la néceffité de l'épée , d'autant ,
qu'outre les occasions générales qu'on
peut avoir de s'en fervir , il en eft de
particulières où elle eft préférable au fufil
avec fa bayonnette ; telles font les attaques
de poftes , les efealades , les furprifes de
E P E 653
nuit , 8c toutes les actions où l'on peut
faire porter le fufil en bandoulière, (b)
A la défenfe de Luzerne , en 1690 ,
par le marquis de Feuquieres , contre un
détachement de l'armée du duc de Savoie ,
le régiment de Quinfon , qui gardoit un
pofte hors de la ville , ayant été attaqué
8c vivement pouffé par les Barbets , celui
de Poudins , placé pour le (butenir , s'avança
l'épée à la main , fonça fur les ennemis , les
tailla en pièces , & reprit le pofte d'où
Quinibn avoit été chafte. Journal de la cam-
pagne de Piedmont,
M. de Maizeroy dit qu'il a vu un jour
un capitaine de grenadiers charge de l'at-
taque d'un pofte dans les montagnes de
Gênes , faire mettre le fufil en bandoulière
à fa troupe , la mener le fabre à la main ,
8c réuffir à fouhait. Traité de tactique , T.
I y chap, I , art. IV.
En fe décidant à rendre l'épée à l'infan-
terie , on ne croit pas qu'on puifle donner
une forme plus avantageufe à cette arme ,
que celle dont on fait mention à la fin de
l'article Fusil-Pique. On en fait fabriquer
une fuivant les dimenfions propofées qu'on
a trouvée ttès-maniable 8c d'un très-grand
efter.
On fe difpenfe de rapporter ici les rai-
fons qui ont fait fupprimer l'épée dans
l'infanterie , parce qu'en totalité elles ne
valent pas mieux que celles qu'on a eues
pour quitter la pique , 8c qu'il eft aifé de
ïentir qu'elles n'ont rien de fblide. ( M. D.
L.R.)
Epee , ( Art milit. Antiq. ) Plufieurs ha-
biles généraux ont regardé l'épée ÔC le labre
que portent les ioldats comme inutiles 8c
incommodes , depuis l'ufage de la bayo-
nette. Car , dit M. le maréchal de Pu/lc-
gur , dans fon Art de la guerre , " comme
» on les porte en travers , dès que les fol-
» dats touchent à ceux qui font à leur
(a) Lettre du Maréchal de Luxembourg au Roi fur ce qui s'efl pajfé au combat de Steenkerque.
H'iftoire milit. de Flandre.
( b ) Tout le monde convient que les François font plus redoutables dans toutes efpeces d'attaques
qu'aucune des nations contre Jefquelles ils font ordinairement la guerre. Mais comme il n'eft pas fans
exemple que cette impétuofité, qui leur eft naturelle, n'ait été ralentie & rebutée par quelque obf-
tacle , ou par quelque incident inopiné ; je crois que le mélange des armes leur eft abfolument né-
.ceffaire. Rien ne feroit plus propre à fortifier leur audace, afïurer leur choc , à le rendre même
encore plus terrible : avec la confiance qu'ils auroient dans leurs armes , lorfque la fortune ne
leur feroit pas favorable , on auroit bîen moins de peine à les ranimer & à en tirer parti.
Tome XII. LUI
^34 E P E
>•> droite de à leur gauche , en fe remuant
» & en fe tournant , ils s'accrochent tou-
» jours. » Un homme feul même ne peut
aller un peu vite , qu'il ne porte la main
à la poignée de Ton épée , de peur qu'elle
ne palle dans Tes jambes , Se ne le fafTè
tomber ; à plus forte raifon dans les com-
bats , fur-tout dans des bois , haies ou re-
tranchemens, les foldats pour tirer étant
obligés de tenir leurs fufils des deux mains.
Mais ces raifons font-elles folides ? Voyez
l'article précédent. (-+-)
La plupart des armes & des épées ro-
maines que l'on a découvertes dans les an~
ciens monumens , font faites avec environ
cinq parties de cuivre de une partie de fer
fondues enfemble. M. le comte de Cay-
lus , dans le premier volume //z-40. de [es
Jlecueils des antiquités égyptiennes , étruf-
ques , greques & romaines , dit qu'il pré-
fume que les armes des anciens étoient faites
avec de la mauvaife mine de fer qui étoit
mêlée de cuivre , &que les romains préfé-
raient cette matière , parce que les armes fe
rouilloient moins facilement , & parce que
le cuivre étoit plus commun que le fer. Ce
/avant prouve par des expériences , qu'il
eft poiïible de donner au cuivre , par le
moyen de la trempe , un degré de dureté
à-peu-près égale à celle de l'acier.
Dans le 6 1 e. Tableau de la colleclion des
pitture antiche d'Ercolano , on voit que Per-
fée , qui va pour délivrer Andromède , a
une épée, recourbée , qui relîemble à une
faux , conformément à la defeription que
donne le poë'te Ovide , dans le IVe. livre des
Métamorphoses. Quelques auteurs anciens
appelloient cette épée ielum uncum , dard
crochu. Tfetfées , iùr Licophron, v. 836 ,
dit que Perfée préfenta la tête de la Gor-
gone au monftre marin , & le frappa d'une
arme tranchante tk crochue : il fépara
une partie de fon corps 3 tandis que l'au-
tre partie fut pétrifiée. Les Turcs fe fer-
vent encore aujourd'hui de fibres un peu
courbés , dont la partie tranchante eft dans
la partie concave. Il eft évident que des
êpées ou des fabres de cette efpece ont de
grands inconvéniens. L'épée des anciens
étoit ordinairement courte , à-peu-près
comme nos couteaux de chafie. L'on en a
trouvé plufeurs dans Herculane : l'on
E P E
en voit la repréfentation fur quantité de
médailles , de bas-reliefs , &c. La forme des
épies a beaucoup varié depuis huit fiecles.
M. le comte d'Olan dans Avignon , &
quantité de perfonnes dans Paris tk dans
Rome , ont formé des cabinets de curio-
lité , compofés d'armes anciennes. La for-
me des épées 8c des fabres a moins varié
dans la Chine 8c dans le Japon : on peut ,
à ce fujet , confulter les ouvrages qui con-
cernent l'art militaire des Chinois. Le peu-
ple terrible nommé Macaffar , qui habite
près de Siam , a en ufage depuis plufieurs
iiecles , de ne porter pour toute arme
qu'une épée très-courte , ou plutôt un long
poignard qu'ils nomment cric. La ceinture
à laquelle ils attachent ce poignard , (èrt à
envelopper le bras gauche , qui devient par
ce moyen un boucher. ( V. A. L. )
EpÉe , f. f. enfis , is ; gladius , ii : ( ter-
me de Blafon. ) arme offeniive , meuble qui
fe trouve en beaucoup d'armoiries.
L'épée paroît dans l'écu avec une lame ,
une garde , une poignée 8c un pommuau ;
tk n'a point ordinairement de branche à la
poignée.
L'épée eft le plus fouvent la pointe en-
haut lorfqu'elle eft feule.
Une épée peut être pofée en bande , eîi
fafee , &c.
Deux épées fe pofent en fautoir , les
pointes en haut , quelquefois en bas.
L'épée dont la lame eft d'un émail , la
garde , la poignée 8c le pommeau d'un au-
tre émail , eft dite garnie.
Les anciens chevaliers donnoient des
noms à leurs épées : celle de Roland s'ap-
pelloit durandale ; celle d'Olivier , haute-
clerc ; celle d'Ogier , courtin , 8c celle de
Renaut flamberge.
L'épée j la principale arme de la guerre ,
eft le fymbolede la noblefle, du courage,
de l'intrépidité 8c de la victoire.
De Villeneuve de la Crofille , de Lan-
rafous , Diocefe de Lavaur , du Croufillat
ôc de Beauville à Touloufe ; de gueules à
une épée d'argent pofée en bande la pointe
en bas.
D'Aguilhac de Soulages de Malmont y
en Gevaudan ; de gueules a deux épées d'ar-
gent en fautoir , au chefeoufu d'agir charge
de trois étoiles d'or*
E P E
De Ravignan en Champagne ; d'azur à
deux épées d'argent garnies d'or 3 pajjees en
fautoir.
Épée , ( Hijf. mod.) ordre de chevalerie ,
autrefois en honneur dans l'île de Chypre ,
où il fut inftitué par Guy de Lufignan ,
qui eut cette île en échange du Royaume
de Jérufalem , qu'il céda à Richard , roi
d'Angleterre , en 1191. Les chevaliers de
cet ordre portoient un collier compolé de
cordons ronds de foie blanche , liés en lacs
d'amour , entremêlés de lettres S formées
d'or. Au bout du collier pendoit un ovale
où étoit une épée ayant la lame émaillée
d'argent , la garde croifetée &c fleurdelifée
d'or , &c pour devife ces mots , fecuritas
regni. La première cérémonie s'en fît en
1195, par le roi Guy de Lufignan , qui con-
féra cet ordre à lbn frère Amaury , conné-
table de Chypre , de à trois cents barons
qu'il établit dans fon nouveau royaume.
Favin , théat. d'honn. & de chevalerie. ( G )
* Epées. ( Hiji. mod. ) L'ordre des deux
épées de J. Ç. ou les chevaliers du Chrift
des deux épées ; ordre militaire de Livonie
ck de Pologne en 1 1 97. Dans ces temps où
l'on croyoit fuivre l'efprit de l'Evangile ôc
fe fanctifier , en forçant les hommes d'em-
brafler le Chriftianifme , Bertold , fécond
évêque de Riga , engagea quelques gentils-
hommes qui revenoient de la croîfade , de
parler en Livonie , Se d'employer leurs ar-
mes à l'avancement de la religion ; mais ce
projet ne fut exécuté que par Albert fon
frère , chanoine de Rheims 3 & fon CucœC-
ieur. La troupe de nos foldats convertifleurs
fut érigée en ordre militaire. Vinnus en fut
le premier grand-maître en 1103. Ils por-
toient dans leurs bannières deux épées en
fautoir. Ils s'oppoferent avec fuccès aux en-
treprifes des idolâtres.
Epee romaine , ( Manège , Maréchal!. )
On nomme ainfi un épi , qui dans quelques
chevaux règne tout le long de l'encolure ,
près de la crinière , tantôt de deux côtés ,
tantôt d'un feul. Je ne rechercherai point
les raifbns qui lui ont mérité cette dénomi-
nation , &par lefquelles il a pu fe rendre
digne de l'eftime & du cas infini qu'on en
fait. Il feroit à fouhaiter que les préjugés
qui nous maîtrifent dans notre art , ne nous
euifent pas aveuglés jufqu'au point de ne
E P E 6ÎV
nous foire envifager que certains jeux de la
nature , & de nous donner de l'éloignement
pour tous les travaux qui pouvoient nous
faire connoître , ôc admirer les opérations
qu'elle veut bien ne pas dérober à notre
foible vue. (e )
Epees , ( Marine. ) Voye^ Barres de
Virevaut.
Epee , terme de Cordier ; c'eft un inftru-
ment de buis , long d'un pié Se large de
deux pouces , dont cet ouvrier fe fert pour
battre la (angle qu'il fabrique. C'eft pro-
prement le battant du métier à fangle. On
l'appelle épée , parce qu'il a la forme d'un
coutelas.
Epee , en terme de Diamantaire , eft le
lien de fer qui unit le bras avec le coude de
l'arbre de la grande roue. Ce lien eft com-
pofé de plufieurs pièces de fer , dont deux
s'aflemblent à charnière , elles entourent le
coude de l'arbre de la grande roue j elles
font alfujetties l'une contre l'autre par le
moyen d'un anneau dans lequel palle un
coin qui ferre les platines l'une contre l'au-
tre. Enre les deux platines on en introduit
une troilleme , que l'on aiïujettit entre les
deux premières par le moyen de deux an-
neaux ferrés avec des coins. Cette troilieme
barre eft percée d'un trou , dans lequel paflè
un boulon qui traverfe le bras de bas en
haut , où il eft retenu par une cheville ou
clavette qui l'empêche de reflortir. Ce
mouvement imprimé au "bras ,• fe commu-
nique par le moyen de Y épée au coude qui
fait mouvoir l'arbre & la roue qui eft mon-
tée deftus.
Epee , ( Manufacl. en foie. ) c'eft une des
parties du chevalet à tirer les foies. Voye^
l'art. Soie.
EPEICHE , f. f. ( Hifi. nat. Ornith ) cul-
rouge ,picus varias major , oifeau de la grof-
feur du merle , ou un peu plus gros. La fe-
melle pefoit trois onces ; elle avoit neuf pou-
ces de longueur depuis la pointe du bec juf-
qu'à l'extrémité de la queue > & feulement
huit jufqu'au bout des ongles : l'envergeure
étoit d'un pié. Le bec a un pouce 8e plus de
longueur ; il eft droit , de couleur noire ,
épais à fa racine , &c pointu à. l'extrémité.
Les ouvertures des narines font recouvertes
par des poils noirâtres ; l'iris des yeux eft
rouge , fa langue reflemble à celle du
Llllz
6$<$ EPE
pic-verd. Le mâle a au-deflous du fommet
de la tête une belle bande rouge 8c tranf-
verfale. La gorge 8c la poitrine de la femelle
font d'un blanc-fale ou jaunâtre ; les plumes
du bas-ventre , qui fe trouvent fous La queue ,
font d'une belle couleur rouge , ce qui fait
donner à cetoifeau le nom de cul-rouge. Les
plumes qui entourent la bafe de la pièce fu-
périeure du bec , les yeux 8c les oreilles font
blanches : la couleur de la tête 8c du dos eft
noire. Il y a fur les épaules une tache blan-
che , 8c on voit une large bande noire qui
s'étend depuis les coins de la bouche jus-
qu'au dos , &c qui eft coupée au deflous de
la tète par une autre ligne tranfveriale.
Chaque aile a vingt grandes plumes ; la
première eft très-courte : elles font routes
de couleur noire , & elles ont des taches
figurées en demi-cercle. Les plumes inté-
rieures des ailes forment une partie de la
tache blanche des épaules , dont il vient
d'être fait mention. Les plumes qui recou-
vrent les ailes à l'extérieur , ont une ou deux
taches en demi-cercle , la bafe de l'aile eft
blanche : la queue a trois pouces 8c demi
de longueur : elle eft compofée de douze
plumes ; les deux du milieu font fort roi-
des , pointues , recourbées , &c plus longues
que les autres. Toutes les plumes paroiflent
fourchues à l'extrémité } parce que le tuyau
ne s'étend pas jufqu'au bout : la plume ex-
térieure de chique côté eft noire , à l'excep-
tion d'une tache blanche qui fe trouve fur
les bords extérieurs : les deux fuivantes font
noires par le bas , 8c le refte eft blanc , avec
deux taches noires ; celle du deflus coupe
tranfverfalement toute la plume , 8c l'autre
ne s'étend que fur les barbes intérieures : la
couleur noire monte plus haut dans la qua-
trième plume que dans la troifieme -, 8c la
partie fupérieure , qui eft blanche , n'a
qu'une tache noire : la cinquième eft noire
prefqu'en entier ; elle n'a qu'une tache blan-
che faite en demi-cercle vers la pointe , qui
eft d'un blanc roufïatre : les deux plumes du
milieu font entièrement noires. Mais ces
couleurs varient fouvent. Les doigts font
de couleur plombée : il y en a deux en-
arriere , comme dans les autres pics : ceux
de devant font joints enfemble jufqu'à la
première articulation. Ces oifeaux vivent
d'infe&es. Wil^igh, 0/7w'M,F,Oiseàv.( JJ
EPE
* EPÈLER,/. a&.( Gramm. ) k kconâ
pas de l'art de lire. Le premier eft de con-
noitre les lettres ; le fécond , d'en former
des fyllabes , ou d'épeler ; le troifieme , d'af-
fembler des fyllabes , 8c de lire. Ce fécond
pas eft très-difficile , grâce au défordre de
notre orthographe. Voye^ Alphabet.
EPENTHESE , f. f. terme de Gram. RR.
*« y îv , in , ii^fJLi , peno. C'eft une figure
de diction qui fe fait lorfqu'on infère une
lettre ou même une fyllabe au milieu d'un
mot : c'eft une liberté que la langue latine
accordoit à fes poètes , foit pour alonger
une voyelle , foir pour donner une fyllabe
de plus à un mot. Notre langue eft plus
difficile. Ainfi Lucrèce ayant befoin de ren-
dre longue la première fyllabe de religio a
a redoublé 17 :.
Tantùm relit gio potuit fuadere malorum.
Lucrèce , lib. I.
Virgile ayant befoin de trouver un dac-
tyle dans alitum 3 au lieu de dire régulière-
ment aies , alitis , & au génitif pluriel ali-
tum 3 a dit alnuum :
Alituum y pecudumque genus fopor altus
habzbat. j£neïd. lib. VII, v. xj.
AiiTUUMpro ALITUM , metri caufd ,
addidu fyllabam } dit Servius fur ce vers de
Virgile.
Juvenal a dit induperator pour imperator :
Homanus , Graïufque , ac barbarus in~
duperator. Juven; fat. x. v. îj8%
8c au vers %y de la quatrième fatire , il dit :
Quales tune epulas ipfum glutéjfe putemus
Induper atorem ,
On trouve auffi relliquias pour reliquias.
Ce font autant d'exemples de Vépenthefe. (F)
EPERIES , ( Géogr. mod. ) ville de la
haute Hongrie \ c'eft la capitale du comté
de Saros : elle eft fituée fur la Tarza,
Long. :?# , 36 , lat. 48. 50.
EPÈRLÀN , f. m. eperlanus , ( Hijl. nat.
Iclyol, ) poiftbn ajnii# nommé , parce qu'il
E P E
a une belle couleur de perle. Il fe trouve
aux embouchures des rivières qui fe jet-
tent dans l'Océan. Il y en a de deux for-
tes , Tune eft dans la mer , fur les rivages ;
l'autre dans les rivières. Uéperlan reflèm-
ble aux petits merlans : fa longueur ne va
guère au-delà d'un demi-pié : il a le corps
mince &z rond , tk la bouche grande &
garnie de dents. Ses nageoires fontfem-
blables à celles des faumons ; la dernière
du dos eft ronde & épailfe. La chair de
Yéperlan eft tranfparente , & a une odeur
de violette : on le pêche à la fin de Tété
&au commencement de l'automne. Rond,
hijl. des poijfons. Voye^ Poisson. ( I)
Eperlan , ( Diète. ) Il nourrit médio-
crement , tk. fe digère facilement ; il eft
eftimé apéritif, 6c propre pour la pierre
&: pour la gravelle.
On ne remarque point qu'il produifè
de mauvais effets , il contient beaucoup
d'huile & de fel volatil.
Il convient en tout temps , à toute forte
d'âge & de tempérament.
* EPERLIN , f. m. {Fontaines falantes. )
C'eft ainfi qu'on appelle dans les fontaines
falantes , des rouleaux de bois d'un pouce
& demi de diamètre ou environ , qu'on
établit entre les bourbons & la poile , pour
la contenir , & réfifter autant qu'il eft po£-
fible aux efforts du feu,
EPERON , f. m. ( Manège. ) \J éperon
eft une pièce de fer , ou une forte d'ai-
guillon , quelquefois à une feule pointe ,
communément à plufieurs , dont chaque
talon du cavalier eft armé , & dont il fe
fert comme d'un inftru ment très-propre à
aider le cheval dans de certains cas , &c
le plus fouvent à le châtier dans d'autres.
Il n'eft pas douteux que les anciens i
avoient des éperons , &c qu'ils en faifbient
ufage. Les Grecs les appelloient KÎvrçov *
t» Kivrça i%\u&Tffiiv , calcari cruentare* !
Virgile , ainfi que Silius Italicus , nous les I
désignent par cette exprefïion 3ferraid cake :
Quadrupedemque citum ferratâ çalcefatigat -
dit le premier i
& le fécond :
Ferratâ calce , atqut effusâ largus fiabenâ
Çunclantem impetkbc: equum%
E P E 637
Térence en fait aufli mention , contra
jiimulum ut cakes. Cicéron encore caracté-
rife cet inftrument par le mot de calcar ,
il l'emploie même dans un fens métapho-
rique , tel que celui dans lequel Ariftote
parloit de Callifthene »Sc de Theophrafte ,
lorfqu'il difoit que le premier avoit befoin
d'aiguillon pour être excité , & l'aune d'un
frein pour le retenir. Il paroit donc que
l'ufage des éperons pris dans le fens natu-
rel , étoit anciennement très-fréquent :
nous n'en voyons cependant aucune trace
dans les monumens qui nous reftent , &
fur lefquels le temps n'a point eu de prife \
mais on doit croire , après les autorités
que nous venons de rapporter , que cette
armure ne confiftant alors que dans une
petite pointe de fer fortant en-arriere du
talon, on a négligé de la marquer &c de
la repréfenter fur les marbres &c fur les
bronzes.
Le père de Montraucon eft de ce îenti-
ment : nous trouvons dans (on ouvrage
une gravure qui nous offre l'image d'un
ancien éperon. Ce n'eft autre chofe qu'une
pointe attachée à un. demi-cercle de fer
qui s'ajuftoit dans la caliga , ou dans le
campagus , ou dans Yocrea , chauflures en
ufage dans ces temps, & qui tantôt étoient
fermées & tantôt ouvertes. A une des ex-
trémités du demi-cercle étoit une forte de
crochet qui s'inféroit d'un côté. Le moyen
de cette infertion ne nous eft pas néan-
moins connu. L'aurre bouc étoit terminé
par une tête d'homme-
Autrefois les éperons étoient une mar-
que de diftinétion dont les gens de la
cour étoient même jaloux. Plufieurs ecclé-
fiaftiques , peu empreffés d'édifier le peuple
parleur modeftie, en portoient,à leur imita-
tion , fans doute pour s'attirer des homma-
ges que les perfonnes fenfées leur refui-
foient , & qu'elles leur auroient plutôt,
rendus en faveur du foin avec lequel ils
fe feroient tenus dans les bornes de leur
état , qu'eu égard à ces vains ornemens
dont ils fe paroient. Louis le Débonnaire
crut devoir réprimer en eux cette vanité
puérile , qui cherche toujours à fe faire
valoir & à fe faire remarquer par de pe-
tites choies. Des évêques afïèmblés qui
penfoierit , comme Fléchier 3 que tout ce
638 E P E
qui n'a que le monde pour fondement , fe
diffipe & s'évanouit avec le monde, condam-
nèrent &c réprouvèrent hautement ces té-
moignagnes d'orgueil dans des hommes
deftinés à prêcher l'humilité , non -feule-
ment par leurs difcours , mais par leur
exemple.
Ce qui fait le plus de honte à l'huma-
nité , eft l'attention de le befoin que l'on
eut dans tous les fiecles de s'annoncer
plutôt par fes titres que par fon mérite.
L'éperon doté établifloit la différence qui
règne entre le chevalier ôz l'écuyer , celui-
ci ne pouvoir le porter qu'argenté. Je
ne fais (i la grofleur de ce fer , Ôc l'énor-
me longueur du collet, étoit encore une
preuve de bravoure Se une marque d'hon-
neur accordée aux grands hommes de
guerre *, en ce cas , à en juger par les épe-
rons dont-on a décoré les talons de Gatta
Mêla général Vénitien , dans fa ftatue
élevée vis-à-vis la porte de l'églife de S.
Antoine] de Padoue , on devroit le regar-
der comme infiniment fupérieur en ce
genre aux grand Condé , aux Luxem-
bourg , aux Eugène , aux maréchaux de
Turenne & de Saxe. Fbyeç Eperonnier.
ÉPERON , f. m. ( terme de Blafon. )
meuble qui repréfente X éperon de l'ancien
chevalier.
De Rofîeres en Franche-Comté ; de fable
a trois éperons d'or.
Gautier d'Ortigues de Valabre , en Pro-
vence \ d'azur à deux éperons d 'or , au chef
d'argent chargé de trois étoiles de gueules.
(G.D.L.T.)
Eperon , (Hijt. mod.) nom d'un ordre
de chevalerie établi par le pape Pie IV , l'an
i féo. Les chevaliers portent une croix tif-
fue de filets d'or. Le pape Innocent XI le
conféra à Pambalïadeur de Venife , le 3 Mai
1677-
Autrefois lorfqu'on dégradoit un che-
valier de Yéperon , ou autre , on le faifoit
botter & prendre fes éperons dorés , Se on
les lui brifbit fur les talons à coups de hache.
Voye{ le roman de Garin , manuferit.
Li éperon li foit copé parmi
Près del talon , au franc acier ferbi.
V°yel Chevalier.
E P E
Eperons, dans la Fortification , (ont des
folides de maçonnerie joints au revêtement ,
qui le mettent plus en état de réfifter à la
pouflée des terres du rempart. Koje^CoN-
tre-forts. ( q )
Eperon , Poulaine, Cap, Avantage,
( Mar. ) ces noms ont la même lignifica-
tion -, mais les deux derniers ne font guère
en ufage.
L'éperon ou la poulaine eft un allemblage
de plu fieurs pièces de bois , qu'on pofe
en faillie au-devant du vaifleau , qui fert
à ouvrir les eaux de la mer , 8c à aflujettir
le mât de beaupré par des cordages , qu'on
nomme des Heures. On y place plu fieurs
poulies , pour palier des manœuvres. Voye^
Marine , Plane. I. l'éperon côté N.
L'éperon fait une (aillie en-avant du corps
du vaifleau , à prendre de l'étrave , que les
conftrucreurs règlent fur la nature du bâti-
ment. Pour les vaifleaux , ils prennent la
douzième partie de l'étrave à Fétambord ,
qui leur fert à fixer la fortie de Yéperon
au-dehors de l'étrave : pour les frégates ,
la treizième partie ; pour les corvettes , la qua-
torzième. Par exemple , un vaifleau de
quatre-vingt-dix canons, de 168 pies de
longueur, aura 14 pies pour la fortie de
l'éperon ; une frégate de 28 canons, de iji
pies 3 pouces de longueur , aura 7 pies 9
pouces 2 lignes de fortie de Yéperon.
Il eft bon de raccourcir Yéperon & de di-
minuer fa pefanteur le plus qu'il eft poiTible.
Les conftrucreurs d'aujourd'hui le font
beaucoup plus court que les anciens ; ils le
reftreignent à ce qui eft néceffaire pour
aflujettir le beaupré, .& pour placer les pou-
lies qui fervent à orienter la mifaine , ainfî
que toutes les autres voiles d'avant qui font
de grand ufàge , fur-tout pour faire arriver
les vaifleaux : car c'eft l'opération à laquelle
la plupart fe refufent le plus.
L'éperon eft compofé d'un grand nombre
de pièces , dont la fîtuation fe verra beau-
coup plus aifément en renvoyant aux figu-
res. Voye^ Planches IV > figure 1. Les prin-
cipales font la gorgere ou taillemer , cotée
1 03 ; les aiguilles cY éperon , n°. 1 84 ; la frife ,
185- ; la courbe capucine du gibelot , i S 6 ',
alonge de gibelot , 1 87 ; les porte-vergues ,
188; les courbâtons de portes-vergues >
185 ; vaigre'de caillebotis d'éperon , 190»
E P E E P E 659
caillobotis d'éperon , 189; traverfms à'é- } énorme , placée au bout d'un manche de
peron , 192. i courbe de la poulame ,15)4;
herpès , 195.
On pourroit entrer dans le dérail parti-
culier de la grandeur &c des proportions de
chacune de ces pièces ; mais cela feroit très-
long , & ici de peu d'utilité : on peut en
cas de befoin avoir recours à l'excellent traité
de la conjiruâion des vaijf^aux de M.
Duhamel. (Zj
Eperon, (Hydraulique.) eft le même
que arc-boutant. On s'en fert pour foutenir
les murs des terralles contre la pouilée des
terres , ou quand on conftruk un bailin ou
un aqueduc dans des terres rapportées.
Voye^ Arc-boutant. (K)
EPERONNÉ , ad). ( Manège. ) ne fe dit
plus qu'avec le mot botté. Je luis botté &c
éperenné ; ce qui lignifie, il y a des éperons
aux bottes que je viens de mettre. V. Botte.
ÉPERONNIER , f. m. (Art. Méchaniq.)
artifan qui forge , qui conftruit &c qui vend
des éperons , des mors de toute eipece , des
maftigadours , des filets ; des bridons , des
caveçons , des étriers , des étrilles , des bou-
cles de harnois, &c. Les éperonniers peu-
vent dorer , argenter , étamer , vernir ,
mettre en violet ou en couleur d'eau leurs
ouvrages. Ils ont encore le droit de faire
toutes fortes de boucles d'acier poli poar
ceintures , porte-manchons , jarretières ,
iouliers , ùc. mais communément ils ne le
livrent pas à ce genre de travail.
L'art de l'éperonnier , prefque auffi an-
cien que l'ufage de monter à cheval , ne
fut pas auiïi compote dans l'ancien temps
qu'il l'eft aujourd'hui. Les anciens fe conten-
toient d'armer leur talon d'une petite pointe
de fer pour hâter la marche des «chevaux
paretfeux ; tels étoient ceux dont font men-
tion les auteurs de la plus haute antiquité.
On voit même dans une gravure de l'anti-
quité expliquée du père Montfaucon , que
les éperons des anciens n'étoient qu'une
pointe attachée à un demi-cercle de fer qui
s'ajuftoit dans les chauilures qui étoient pour
lors en ufage. Dans nos anciens manèges
on fe fer voit autrefois d'un aiguillon pour
faire hauflér le derrière du cheval dans les
fauts , mais comme cette méthode décou-
ir.geoit certains chevaux , les rendoit rétif-
bois , qu'on abandonna encore pour la rem-
placer par les éperons que nous connoif-
fons.
Les éperonniers ont droit de dorer , ar-
genter . étamer , vernir , mettre en violet
ou en couleur d'eau leurs ouvrages. Ils peu-
vent auffi faire toutes fortes de boucles
d'acier ; mais ordinairement ils ne fe livrent
pas à ce genre de travail.
L'éperon eft une pièce de fer , ou une
forte d'aiguillon , quelquefois à une feule
pointe , communément à plufieurs , dont
chaque talon du cavalier eft armé , & dont il
fe fert comme d'un inftrument propre à
aider le cheval dans de certains cas, & le plus
fouvent à le châtier dans d'autres.
L'éperon «peut être fait dans toute forte
de métal. Il doit erre ébauché à la forge : fini
à la lime douce y s'il eft de fer , ôc enfuite
doré , argenté ou étamé , & bruni ; s'il eft:
d'autre métal , on le mettra en couleur Se
on le brunira de même : c'eft le moyen
de le défendre plus long-temps contre les
impreiïïons qui peuvent en ternir l'éclat ,
&c hâter fa deftrudion.
On fait des éperons de différentes fa-
çons ; mais les plus commodes & les plus
en ufàge font ceux qu'on appelle éperons
brijés , & dans lefquels on diftingue le
collier , les branches , le collet & la molette.
Le collier eft cette efpece de cerceau
qui embrafte le talon. Il y a des éperon-
niers qui l'appellent le corps de l'éperon»
Les branches qu'ils nomment alors les
bras , font les parties de ce même collier ,
qui s'étendent des deux cotés du pié jufquer
fous la cheville. Le collet eft la tige qui
femble fortir du collier , & qui fe pro-
longe en arrière. Enfin la molette n'eft autre
choie que cette forte de roue qui eft en-
gagée comme une poulie dans le collet
refendu en chappe , & qui eft refendue
elle-même en plufieurs dents pointues.
Le collier & le collet , de quelquefois les
branches , font tirés de la même pièce de
métal , par la forge ou par le même jet de
fonte. Ce collier &: ces branches doivent
être plats en dedans , les arrêtes doivent
en être exactement abattues & arrondies.
Quant à la furface extérieure elle peut être
eu vicieux , on lui fubftitua une molette » à cotes a à filets i ou ornée d'autres, mou.-
640 E P E
lures. La largeur du collier doit être de
cinq ou fix lignes à Ton appui fur le talon ,
& doit diminuer infenfîblement , de ma-
nière qu'elle fok réduite à deux ou trois
lignes à l'extrémité de chaque branche. Cet
appui doit être fixé à l'origine du talon ,
directement au - deifous de la faillie du
tendon d'Achille.
Du refte , il eft néceffaire que le col-
lier 8c les branches foient fur deux plans
ditférens ? c'eft-à-dire que le collier em-
brafle parfaitement le talon ; 8c que les
branches foient légèrement rabaiflees , au-
deflbus de la cheville , fans qu'elles s'écar-
tent néanmoins de leur parallélifme avec la
plante du pie ; parallélifme qui fait une
partie de la grâce de l'éperon. Elles doi-
vent de plus être égales , dans leurs plis
& en toutes chofes , dans la même paire
d'éperons ; mais elles font fouvent terminées
diversement dans différentes parties. Dans
les unes , elles finiffent par une platine
quarréede dix lignes ; cette platine efl: verti-
cale , & refendue en une , 8c plus fréquem-
ment en deux claffes longues , égales,
parallèles 8c horizontales , au travers def-
quelles , dans ce cas , une feule courroie
paffe de dedans en dehors , 8c de dehors
en dedans pour ceindre enfuite le pié &
pour y affujettir l'éperon. Dans les autres ,
chaque carne de leurs extrémités donne
naifîançe à un petit œil de perdrix qui eft
plat. Le fupérieur eft plus éloigné de l'ap-
pui que l'inférieur , quoiqu'ils fe touchent
en un point de leur circonférence extérieure.
Dans chaque œil de la branche intérieure
eft affemblé mobilement , par S fermée ,
ou par bouton rivé , un membret à
crochet , ou à bouton. Dans l'œil infé-
rieur de la branche extérieure eft aflem-
blé de même un autre membret femblable
aux deux premiers : l'œil fupérieur de cette
même branche porte , par la chappe à S
fermée ou à bouton rivé , une boucle à
ardillon. Les deux membrets inférieurs fai-
iifTent une petite courroie qui palfe fous
le pié , 8c que , par cette raifon , on ap-
pelle le fous - pié : ces deux membrets
faififlent cette courroie par ces bouts qui font
jefendus en boutonnières , tandis que le
membret fupérieur 8c la boucle en faififlent
:jne autre fort large dans fbn milieu, qui;
E P E
pafTant fur le coup-de-pié , doit être ap^
pellée le fus-pié. En engageant le bout plus
ou moins avant dans la boucle , on affu-
jettit plus ou moins fermement l'éperon.
Le membret à S eft le plus commun ;
il eft banni des ouvrages de prix. Ce n'eft
autre chofe qu'un morceau de fer long
d'environ vingt lignes contourné en S.
Le membret à bouton eft plus recher-
ché ; c'eft une petite lame de métal arron-
die par plan à fes deux extrémités ; elle eft
ébauchée du double , plus épaiffe qu'elle
ne doit refter.
Dans la conftruction de l'éperon en gé-
néral , la forme de la molette eft ce qui
mérite le plus d'attention. Il ne s'agit pas
d'eftropier , de faire des claies au cheval ,
d'en enlever le poil; il îuffit qu'il puiilè
être fenfîble à l'aide 8c au châtiment , 8c
que l'inftrument deftiné à cet ufage foit tel
que , par (on moyen , on puiile remplir
cet objet. Une molette refendue en un
grand nombre de petites dents devient une
feie. Une molette à quatre pointes eft dé^
fectueufe , en ce que l'une de ces pointes
peut entrer jufqu'à ce que les côtés des deux
autres , en portant fur la peau , l'arrêter t ;
fî elle eft longue , elle atteindra jufqu'au
vif; fi elle eft courte , il faut que les trois
autres le foient auili ; 8c dès lors fi elles fe
préfentent deux enfemble , elles ne font
qu'une imprefïion qui eft trop légère. La
molette à cinq pointes n'excède pas deux
lignes.
Les"eperons étoient autrefois une marque
de diftinction , dont les gens de la cour
étoient même jaloux. Plufieurs eccléfîafti-
ques , peu empreffés à édifier le peuple par
leur modeftie , en portaient à leur imita-
tion. En 8 1 6 , Louis le Débonnaire crut
devoir réprimer cette vanité puérile , qui
cherche toujours à fe faire valoir 8c à fe
faire remarquer par de petites chofes.
Au polijjoir , ou brunijfoir près , dont les
éperonniers fe fervent pour polir 8c brunir
leurs ouvrages étamés , leurs outils font
les mêmes que ceux des ferruriers. Le polif-
foir eft compofé de deux pièces principales ,
de l'archet 8c de celle qu'on nomme le polif-
foir. L'archet eft de fer , il eft long d'un pié 8c
demi , eft recourbé par les deux bouts f
dont l'un eft emmanché dans du bois pour
EPE
lui fervir de poignée, & l'autre eft fait en
"crochet pour y recevoir un piton à queue ;
au milieu de l'archet eft le pohffoir qui eft
une petite pièce d'acier ou de ter bien acé-
rée , large par en bas de deux pouces , 5c
longue de trois , qui eft rivée à l'archet ,
ck qui le traverfe.
Lorfqu'on veut fe fervir de cet outil, on
enfonce la queue du piton de l'archet dans
,un trou d'un morceau de bois , qu'on ap-
pelle bois à polir , 6k qui eft engagé dans
un étau : alors l'ouvrier prend de la main
droite le manche de l'archet , & de la gau-
che l'ouvrage qu'il veut polir, 6k qui eft
appuyé fur l'extrémité arrondie du bois ,
6k ne ceffe d'y paffer le poliffoir qui tient
à l'archet, jufqu'à ce que l'ouvrage étamé
ait ce brillant qu'on appelle poli ou bru-
niffure.
La communauté des maîtres éperonniers
de la ville 6k fauxbourgs de Paris eft fort
ancienne. Quoiqu'il n'y ait pas long-temps
qu'elle y foit cQnnue fous ce nouveau nom;
elle eft la même que celle des fell;ers-lor-
miers, qui anciennement étoit compofée
de lormiers-éperonniers , dont 1 etab'uffe-
ment de la maîtrife remonte au douzième
Éecle.
Pour être reçu maître dans cette com-
munauté , qui eft aujourd'hui compofée à
Paris de vingt -trois maîtres, il faut faire
apprentiffage pendant quatre années , ck
fervir cinq autres années chez les maîtres
■en qualité de compagnon.
EPERVIER , f. m. (Hift. nat. Ornith.)
tûccipiter , fringillarius , feu recentiorum
ni fus ; oifeau de proie , gros comme un
pigeon. Il a près de treize pouces de lon-
gueur depuis la pointe du bec jufqu'à l'ex-
trérrité de la queue , ck Tenvergeure eft de
deux pies. Le bec eft court , crochu , 6k
<le couleur bleue , excepté la pointe qui eft
noire. La mâchoire fupérieure a fur fa bafe
une membrane de couleur livide , ck de
;chaque côté une forte d'appendice pointu
-qui iè îrouve au-deffous des narines; elles
font oblongues : le palais eft bieu, la lan-
gue épaifté ck noirâtre : les yeux font de
médiocre grandeur; Piris eft jaune , ck les
.fourciis font fort avancés. Le fommet de
la tête eft brun ; le derrière de la tête , ck
la partie qui eft au-deffus des yeux , font
. Tome XII,
EPE f4Y
tachés de blanc : le dos, les épaules , les
ailes 6k le deffous du cou font bruns, excepté
quelques plumes des ailes les plu* proches
du dos , qui ont des taches blanches. Le
deffous du cou , la poitrine , le ventre , les
côtés, le deffous des ailes font colorés de
blanc 6k de brun par bandes tranfverfafes,
6k alternativement b'anches 6k brunes : les
blanches font les plus larges. Les ailes
pliées font bien moins longues que la queue ;
elles ont vingt-quatre grandes plumes. L'a
queue a près de deux palmes de longueur;
elle eft compofée de douze plumes, 6k
traverfée par cinq ou fix bandes noirâtres :
la pointe de fes plumes eft blanche. Les
cuiffes font groffes , les jambes minces 6k
jaunâtres , 6k les doigts également longs ;
l'extérieur eft attaché à celui du milieu par
une membrane jufqu'à la première articula-
tion. Les ongles font noires. La femelle pond
cinq œufs qui font blancs; il y a vers le
gros bout une efpece de couronne formée
par des taches rouges. Cet oifeau, quoique
de groffeur médiocre , eft très-fort 6k très-
courageux ; on le dreffe pour la chaffe.
Willugh. Ornith. Voye\ OlSEAU. (I)
EPERVIER , f. m. ( terme de blafon.)
oifeau de proie affez commun dans les
armoiries. Il eft l'hiéroglyphe de la chaffe
au vol.
Chaperonné fe dit du chaperon qu'il a
fur la tête ; longé, des liens de fes jambes ;
grilleté, des grillets qui y font attachés ,
lorfqu'ils font d'émail différent.
Perché fe dit de Yéperi'ier fur un bâton.
Fleuriau de Frefne , à Paris; d'azur à
V épervier -d' argent chaperonné de gueules ,
longé , gri/Jqfé & perché d'or.
Autric de Beaumettes, de Sainte-Croix ,
en Provence ; de gueules à cinq éperviers
d'or, longés de fable , grille tés d'argent.
De Kergu , en Bretagne ; d'argent à
V épervier de fable , longé & grilleté d'or.
( H. D. L. T. )
* EPERVIER DU FURET, terme de Pêche;
forte de filet avec lequel on prend le poif-
fon dans les rivières. C'eft un grand fac
de rets dont la forme eft conique , 6k dont
les mailles ont onze lignes en quarté. Le
bord inférieur de ce filet eft garni de
plomb : le tout eft retenu par une corde
i fixée au fommet du cône. On pofe ce fi.et
M m mm
64i E P H
fur l'épaule, comme un manteau à l'efpa-
gnole , ck de l'autre bras on le jette à l'eau,
enforte qu'il fe développe, ck que les plom-
mées forment un cercle qui fait couler le
fileta fond,'ck le difpofent en tombant
en une efpece de voûte fous laquelle le
poiffon fe trouve renfermé fans en pouvoir
fortir. On retire enfuite le filet par fon cor-
don , ôk les plombs dont l'extrémité infé-
rieure eft. garnie , fe réunifient ck empê-
chent le poiffon de fortir pendant qu'on
retire le filet.
La pêche avec Yépervier eft défendue par
l'ordonnance de 1669.
EPETER , v. act. (Jurifpr.J quajîap-
petere , eft un ancien terme de coutumes
quifignifie empiéter fur l'héritage d' autrui.
Voyez la coutume de Troyes , art. /j o ;
Pithou y«r cet article. (A)
EPHA, f. m. {Hift. anc.) mefure gre-
que qui étoit en ufage parmi les Hébreux.
Voye\ Mesure.
L'epha étoit la mefure la plus commune
parmi les anciens Juifs , par laquelle fe
régloient les autres. On croit que cette
mefure réduite à celle des Romains , con-
tenoit quatre boiffeaux ck demi : chaque
boiffeau de grain ou de farine pefoit vingt
livres : ainfi Yepha pefoit quatre-vingt-dix
livres. Le docteur Arbuthnot réduit Yepha
à trois picotins ou pintes d'Angleterre.
L'Ecriture vante l'hofpitalité de Gédéon,
pour avoir fait cuire un epha de farine
pour un ange feul ; ce qui auroit pu fuffire
à la nourriture de quarante-cinq hommes
pendant un jour. Chambers. (G)
EPHEBEUM, f. m. (Littéral.) LV
phebeum étoit une pièce pfjFticuliere du
gymnafe où les jeunes gens qui n'avoient
pas atteint leur feizieme année, ck qu'on
nommoit éphebes par cette raifon, s'aftem-
bloient de grand matin pour y prendre les
exercices dans le particulier ck fans avoir
de fpectateurs. Rien ne manquoit parmi
les Grecs, èk les Romains pour procurer
tous les fecours nécefiaires à la jeuneffe qui
vouloir s'inftruire ck fe perfectionner dans
les exercices. Nous pourrions prendre dans
Vitruve une idée de la grandeur des édi-
fices publics deftinés à cette branche de
l'éducation , de leur nombre , de leurs di-
Yeifes parues ck de leur diftribution ; mais J s'élèvent fur un angle fort ouvert: on ne
E P H
nous ne lifons ni Vitruve y ni les auteurs
d'antiquités. Nous croyons en voyant nos
collèges ck nos académies , que nous avons
des merveilles inconnues aux fiecles parlés.
Combien fouvent ck à combien d'égards
peut-on nous dire : « ô Athéniens ! vous
» n'êtes que des enfans , vous penfez com-
» me des enfans. article de M. le Che-
valier DE JAUCOURT.
EPHEDRA , ( Botan. ) en Anglois ,
horfe-tail ; en Allemand , fceroffchwant^.
Caractère générique.
Il fe trouve des fleurs mâles 6k des fleurs
femelles fur des individus différens : les
premières font raffemblées en chatons
écailleux , ck fous chaque écaille eft une
fleur apétale , pourvue de fept étamines
qui font jointes fous la forme d'une co-
lonne. Les fleurs femelles ont un périan-
'he compofé de cinq rangs de feuilles cou-
chées alternativement fur .les divifions de
la rangée inférieure ; elles n'ont point de
pétales , ck renferment deux embryons
ovoïdes, qui deviennent enfuite des baies
de même figure , contenant chacune deux
femences.
Efpeces.
Ephedra à pédicules oppofés ck à cha-
tons doubles.
Ephedra pedunculis oppojîtis , amentis
geminis. Hort. ClifF.
Shrubby horfe-tail with oppojite foot t
(lalks and the twin katkins.
Nous cultivons deux elpeces à'ephedra 9
qui ne différent que par leur (rature ck
par leur couleur-, l'une étant bien plus
baffe que l'autre , ck d'un verd plus pâle.
Du moins n'avons-nous pas eu lieu de dis-
tinguer entre elles jufqu'à préfent des dif-
férences plus importantes.
Ces arbriffeaux font très-finguliers ; ils
pouffent de leur pié nombre de jets filifor-
mes femblables au fcirpe , ck recouverts
d'une écorce verte : environ de deux eri
deux pouces il fe trouve fur ces jets une
articulation ou genou de couleur rouiilée,
d'où partent un , deux ou trois filets qui
E P H E P H 643
voit fur cet arbriffeau rien qui reiîemble à f de lentigines , que leur donnent les Latins.
des feuilles ; ce qui fait foupçonner que
les bourgeons en font l'office, c'eft-à-dire,
qu'ils font pourvus d'organes d'imbibition
& de tranfpiration. Vephedra croît de lui-
même fur les rochers , au bord de la mer,
au midi de la France 6k en Efpagne : il
réfifte très-bien au froid des climats fepten-
trionaux delà France; on peut le planter,
pour fa fingularité , fur les devants des
bofquets d'hiver : on le multiplie au prin-
temps par les furgeons qu'il pouffe à quel-
que diftance de fon pie : il aime une ferre
un peu fraîche, qui ait de la confiftance.
Il reffemble infiniment à la prêle : fon fruit,
lorfqu'il eft mûr , a un goût aigrelet, fucré
ck agréable ; on le confeille pour tempérer
l'ardeur de la bile.
Comme nous ne connoiffons pas du tout
les autres efpeces tranfcrites'par M. Duha-
mel du Monceau , nous nous contenterons
de les copier : les deux efpeces que nous
poffédons , font fes numéros 2 & 3.
On trouve de plus dans cet auteur, n°.
I , ephedra five anabajis. Bellon. Infi. mas
& fœmina.
N°. 4. Ephedra Hifpanica arbore/cens ,
tenuijjimis & denfïjjimis foliis. Infi. mas
& fœmina.
N°. 5. Ephedra Cretica tenuioribus &
Tarioribus Jlagcllis. Cor. Infi.
N°. 6. Ephedra petiolis fcepe pluribus,
amends folitariis. Gmel. Flor. Sib.
Cette dernière eft fort baffe , 6k forme
une forte de gazon. M. Duhamel dit que
les autres peuvent être tondues au cifeau,
& qu'on en fait de belles boules. (M. le
Baron DE TsCHOUDl.)
EPHELIDE, f. f. (Médecine.) i;mt ,
mot compofé de la prépofîtion gVi , qui
dans ce cas a la lignification de par , 6k
d'wAio* , foleil. C'eft le nom que les Grecs
ont donné aux taches rouffes, noires , fans
élévation, qui furviennent à la peau des
parties qui retient habituellement décou-
vertes , fur-tout au vifage.
Ces taches font ordinairement l'effet
du foleil , à l'ardeur duquel on a refté ex-
po fé ; elles font quelquefois accompagnées
d'àpreté , de rudeffe dans 1 epiderme ; quel-
ques-unes ont la figure 6k l'étendue d'une
lentille ; elles font diftinguées par le nom
Celles de cette efpece peuvent être produi-
tes par la feule application de l'air chaud ,
ou par la réverbération des rayons du fo-
leil : (Voyei Lentille.) d'autres font
étendues fur toute la furface des parties
qui ont été expofées à l'acYion immédiate
de cet aftre ; elles forment ce qif on appelle
le hâte , morphxa folaris. Voye^ Hale.
On comprend encore parmi les èphéli-
des , mais improprement , certaines taches
brunes , quelquefois rougeâtres, qui affec-
tent le vifage 6k le front , fur- tout des
femmes groffes, & même des filles. On
n'a pu être autorifé à les nommer ainfi ,
que par la reffemblance qu'on a cru leur
trouver avec les véritables èphèlides\ les
fauffes dont il s'agit proviennent de caufe
interne , 6k principalement de la fuppref-
fion des règles , par la groffeffe , ou par
maladie : le fang qui fe porte à la matrice
ayant croupi dans les finus, 6k étant reporté
dans la maffe des humeurs avec les mau-
vaifes qualités qu'il y a contractées , caufe
beaucoup de trouble dans l'économie ani-
male , 6k fournit qulquefois aux colatoi-
res de la peau des fucs viciés qui les engor-
gent , 6k occafionent ces changemens de
couleur qui la tachent. Hippocrate regar-
doit ces fortes âièphilides comme des fignes
de groffeffe : mais ils font très-équivoques ;
elles fe diflipent quelquefois vers le quatriè-
me mois avec les autres fymptomes qu'elle s
produit ; d'autres fois elles paroiffent &
difparoiffent à diverfes reprifes pendant le
cours de neuf mois , ck ne font entièrement
détruites que par l'accouchement : il en eft
même qui fubfiftent après l'accouchement,
ck deviennent ineffaçables. Dans les filles
elles ne font parfaitement emportées que
par la ceffation de la fuppreffion dés règles
qui les a fait naître.
Pour ce qui eft de la manière de trai-
ter les fauffes éphélides ; elle doit être bor«-
née aux topiques pour les femmes encein-
tes : on confeiile l'ufage des graines de lau-
rier réduites en poudre , après en avoir ôté
l'écorce , 6k mêlées avec du miel en forme
d'onguent , dont on oint le vifage : l'émul-
fion des graines de chanvre , dont on' lave
la partie affeclée , eft auftî employée avec
fuccès dans ce cas. On recommande , pour
Mm mm 2.
644 E P H
les filles , de frotter les taches avec un îinge
imbu du fuc qui découle d'une racine de
buglofe coupée 6k exprimée, dans le temps
du flux menftruel ; car il faut, avant tout ,
qu'il foit rétabli, pour que ce remède puiiTe
être de quelque utilité." Voyt\ Tache.
(d)
EPHEMERE, f. f. (Hift.nat. Tnfectolog.)
mufca ephemera , infecte qui meurt pref-
qu'auflitôt qu'il eft transformé en mouche;
la plupart vivent à peine une demi-heure
ou une heure dans cet état : celles qui y
reftent depuis le coucher du foîeil jufqu'à
l'aurore du lendemain , parlent pour avoir
vécu long ^temps. On en diftingue grand
nombre cï'efpeces , elles reffemblent beau-
coup à des papillons ; mais il n'y a point
de poufliere fur leurs ailes comme fur celles
des papillons ; e!les font fort tranfparentes
ck très-minces. Les éphémères ont quatre
ailes , deux en dtflus 6k deux en deflous ,
les ailes iupérieures font de beaucoup plus
grandes que les inférieures. Le corps eft
alongé , 6k compofé de dix anneaux : il
fort du dernier une queue beaucoup plus
longue que tout le refte de l'animal , 6k
formée par deux ou trois filets extrême-
ment fragiles.
Ces infectes vivent dans l'eau pendant
un , deux ou trois ans fous la forme de
ver, 6k enfuite de nymphe , avant que de
fe transformer en mouche. En les confidé-
rant dans ces différens états , leur vie eft
longue relativement à celle des infectes;
STmême on a donné le nom à' éphémère
à des mouches qui vivent pendant quelques
jours après leur métamorphofe. Le ver ne
diffère de la nymphe qu'en ce que celle-ci
a feulement de plus que le ver, des four-
reaux d'aile fur le corcelet. L'un 6k l'autre
«on fix jambes écaiileufès attachées au cor-
celet. La tête eft triangulaire 6k un peu
applat;e;.il y a deux gros yeux ordinaire-
ment bruns , 6k un filet graine au côté
intérieur de chaque œil. La bouche eft gar-
nie de dînts , 6k le corps compofé de dix
anneaux, dont les premiers font plus gros
que les derniers. La partie poftérieure du
corps eft terminée par trois filets qui for-
ment une longue queue : ces filets font
écartés les uns des autres , 6k bordés des
deux côtés par une frange de poils. Ces
infectes ont une teinte plus ou moins (e>A~
cée de couleur brune , jaunâtre ou blan-
châtre. Ils reftent dans des trous creufés en
terre au deflous de la furface de l'eau d'une
rivière , ou d'une autre eau moins cou-
rante ; les uns n'en fortent que très-rare-
ment, d'autres plus fouvent : ceux-ci na-
gent dans l'eau , 6k marchent fur les corps
qu'ils y rencontrent, ou fe tiennent cachés
fous des pierres, &c. Lorfqu'onlesobferve
de près , on voit le long du corps , de cha-
que côté , des fortes de petites houppes qui
ont un mouvement fort rapide , & qui
tient lieu d'ouies à ces animaux.
Comme les infectes qui doivent fe trans-
former en mouches éphémères , ne nagent
que très - rarement dans l'eau , il faut ,
quand on les veut voir, les chercher dans
une terre compacte, où ils font les trous :
la confiftance de cette terre approche de
celle de la glaife. Lor.que les eaux de la
Seine 6k de la Marne ne font pas hautes y.
on voit fur les bords de ces rivières , juf-
qu'à deux ou trois pies au deflus du niveau
de l'eau , la terre criblée de ces trous ,.
dont les ouvertures ont deux ou trois lignes
de diamètre ; ils font vuides, les infectes
les ont abandonnés lorfqu'ils fe font trou-*-
vés à fec, 6k ont fait d'autres trous plus bas
dans la terre que l'eau baigne; il y en a
jufqu'à plufîeurs pies au deflous de la fur-
face de l'eau. Ces trous font dirigés hori-
zontalement; ils ont deux ouvertures plar
cées l'une à côté de l'autre , de forte que
! la cavité du trou eft femblable à celle d'un
tuyau coudé. L'infecte entre par l'une des
ouvertures , 6k fort par l'autre : la capacité
du trou eft proportionnée au volume de
foncorps dans les différens degrésd'accrpif-
fement. La transformation de la nymphes
en mouche eft très-prompte; celle-ci quitte
fon fourreau avec beaucoup de facilité :
quelques-unes prennent leur efîbr avant que
de s'en être entièrement dégagées, 6k em-
portent leur dépouille qui tient encore à
leur queue.
Lé temps de l'apparition des mouches
éphémères n'eft pas toujours le même pous
toutes les efpeces de ces mouches. C'eft
vers la fêfe de faint Jean qu'elles paroiflenr,
dans des pays plus froids que le nôtre. A
Paris on les voit vers la mi-Août > quel-
E P H
quefois plutôt , & d'autres fois plus tard, j
Sur le Rhin , la Meufe , &c. les éphémères j
commencent à voler environ deux heures j
avant le coucher du foleil. Sur la Seine &
la Marne on n'en voit que dans le temps
où le foleil eft prêt à fe coucher; elles ne
viennent en grand nombre que lorfqu'il a
difparu : alors il s'élève en l'air une prodi-
gieufe multitude de ces infectes; ils vo-
lent fi près les uns des autres , que Ton ne
voit que des éphémères autour de foi , fur-
tout fi l'on tient une lumière. Elles s'y por-
tent de toutes parts ; elles décrivent des
cercles tout autour & en tout fens ; elles
fe répandent par-tout en un inftant ; elles
tombent comme les flocons de la neige la
plus abondante , la furface de l'eau en eft
couverte ; la terre en eft jonchée fur les
bords de la rivière , où elles s'amoncelent ,
& forment une couche d'une épaiffeur
conficlérable.
En 17 î8, le 19 Août, cette grande af-
fluence d éphémères ne dura fur la Marne à
Charenton, que depuis neuf heures jufqu'à
neuf heures ck demie; leur nombre dimi-
nua peu-à-peu, &r_ fur les dix heures on
n'en appercevoit plus que quelques-unes qui
voloient fur la rivière : on en avoit déjà vu
le jour précédent. Le 20, ces infectes pa-
rurent en auflî grand nombre que le 19 ;
le 21 il y en eut à peine le tiers ; le 22 on
en vit moins : mais quoiqu'il fît moins
chaud que les jours précédens, & qu'il tom-
bât de la pluie , elles parurent à la même
heure. Les quatre ou cinq jours fuivans en
en vit encore, mais leur nombre diminuoit
de jour en jour : les premières s'étoient
montrées chaque jour entre huit heures &c
un quart Se huit heures & demie. En 1739 ,
les éphémères vinrent dès le 6 Août; mais
elles ne parurent que vers les neuf heures
ÔC demie , ou les neuf heures trois quarts.
Il y en eut beaucoup moins cette année que
la précédente. Les Pêcheurs regardent les
(éphémères comme une manne qui iert de
nourriture aux poilTons , Se ils prétendent
que cette manne ne tombe que pendant
trois jours. En effet ces infectes ne paroi f-
ient que pendant trois jours en grand;
abondance. La plupart fe noyèrent dans la
liviere, 6>c les autres relièrent furies bords
prefque fans mouvement, entaffées lesunes
E^H 645
fur les autres, ck moururent bientôt; à
peine s'en trouva-t-il qui vécufient jufqu'au
lever du foleil. Elles avoient plus de deux
pouces de longueur , en y comprenant les
filets de la queue. Les ailes étoient bl niches
lorfqu'elles ne fe touchoient pas , & d'un
blanc-fale ou rougeâtre lorfqu'elles étoient
appliquées l'une fur l'autre. Les mâles ont
un des filets de la queue plus court que les-
deux autres.
Dès que les femelles ont quitté leur dé-
pouille , elles font prêtes à pondre ; après
avoir pris leur vol, elles dépofent leurs œufs
dans le premier endroit où elles fe trouvent
en tombant , ou en fe pofant foit fur la fur-
face de l'eau, foit fur la terre. La ponte eft
raite en un moment , quoique le nombre
des œufs foit très-grand. Ils étoient arran-
gés dans chaque femelle de façon qu'ils
formoient deux grappes compofées de
grains qui fe touchoient ; la longueur de
chacune étoit de trois lignes & demie ou
quatre lignes , êf le diamètre d'environ
une demi-ligne ou urie ligne : il y avoit
fept ou huit cents œufs dans les deux grap-
pes. Y! éphémère vole à fleur d'eau, & s'ap-
puie fur l'eau par le moyen des filets de la
queue; lorfqu'elle pond, les grappes fortent
de l'infecte toutes les deux à la fois, &C
tombent au fond de l'eau qui les diflout ,
de façon que les œufs fe féparent ck'fe
difperfent fur le fond de la rivière. On n*
fait pas combien de temps ils y reftent
avant que les vers en fortent : on ne fait pas
bien non plus fi les éphémères s'accouplent,
ou fi le mate féconde les œufs après la
ponte.- Mém. pour fervir à l'iiifloire des
Infçiles, tome FI. Voyti INSECTE. (I)
ÉPHÉMÈRE, adj. (Médecine.) ce terme
eft grec, £<pi>.?f&v, compofé de la prépofi-
tion brfc, auns , & vft.fa, , jour; ainfi il eft
employé pour fignifier ce qui fe pafte dans
un jour, dans l'efpace de 24 heures ; c'eft
aufîi l'étjrmologie du mot éphémeride , qui
a la même lignification , & qui eft quelque-
fois employé en Médecine au lieu de calen-
drier. Voy. ÉPHÉMÉRIDES.
Ephémère eft une épithete que les Méde-
cins donnent à une foi te de fièvre, qui fait,
ion cours dans l'efpace d'un jour; c'eft celle
que Gahen appelle tf$4«(«f «ruftTo? , & les
Latins jebris diaria ; quelques-uns ont
é46 E P H
improprement étendu la fignification àz fiè-
vre éphémère à celle donr le cours eft pro-
longé jufqu'au troifieme jour inclusivement,
qu'il eft plus convenable de ranger Ample-
ment parmi les fièvres continues non putri-
des. Voye\ Fièvre putride.
La fièvre éphémère doit aufli être regar-
dée comme continue , puifqiùi eft de ion
caractère que l'agitation fébriie qui la conf-
titue , étant commencée , ne celle pas que
la maladie ne Toit terminée ; enforte que
dans l'efpace de temps qu'elle dure , elle
parcourt les quatre degrés que l'on obferve
dans toute forte de fièvre ; favoir , le prin-
cipe , l'accroiflement , l'état , la déclinai-
son : mais celle - ci n'eft pas une maladie
aiguë, parce qu'elle n'eft pas accompagnée
d'un grand changement , foit dans les par-
ties foîides , foit dans les fluides, ck qu'elle
ne produit pas par conféquent un grand
dérangement dans les fondions ; ainfi la
fièvre éphémère proprement dite eft dif-
tinguée de la fuece ou fueur angloife , qui eft
le nom que l'on donne à une forte de fièvre
qui a régné en Angleterre à différentes re-
paies , pendant les deux derniers fiecles ,
dont le principal fymptome étoit une fueur
fi abondante , qu'elle -faifoit périr la plupart
de ceux qui en étoient attaqués en moins
d'un jour , ck quelquefois en peu d'heures ;
celle-ci eft de {'efpece des fièvres malignes
très-aiguës : (i on lui donne le nom ^éphé-
mère , on doit lui joindre 1 epiîhete àepefii-
itnt'ullty (voye^ Suete ou Sueur AN-
gloise , Fièvre maligne, Peste.)
La fièvre éphémère diffère de toute autre
fièvre continue, par le peu de trouble qu'elle
caiife dans l'économie animale , ck par fa
courte durée : le défaut de retour la diftin-
gue des fièvres intermittentes.
Elle eft le plus fouvent caufée par quel-
que abus des chofes qu'on appelle dans les
écoles non-naturelles , comme lorfque la
perfonne qui en eft affeétée s'eft expofée
à l'ardeur du foîeil , ou a fait un exercice
violent , ou a trop bu ou trop mangé , ou
qu'elle a fait des veilles exceftives , ou s'eft
livrée à un trop grand travail d'efprit , à
quelque accès de coiere , &c. Quelqu'une
de ces caufes étant récente , ck n'ayant
pas vicié notamment la ma fTe des hu-
meurs , ck n'y ayant produit qu'un épaif- ,
EPH
fiiïement , ou une raréfaction , ou une
conftri&ion des vaiffeaux plus confidéra-
bles ; le iang trouvant coniëquemment un
peu de réfiftance à parcourir les extrémi-
tés artérielles , il. s'excite par la caufe géné-
rale , qui détermine toutes les fièvres de
quelque efpece qu'elles foient , un mouve-
ment fébrile , qui tend à faire cefler l'obf-
tacle , à détruire le vice dominant ; 6k
attendu qu'il n'eft pas de nature à réfifter
beaucoup , il cède bientôt , ck la fièvre fe
termine.
^ Cette fièvre éphémère n'eft point précé-
dée par le dégoût des alimens , ni par la
laftitude fpontanée , ni par aucun friffon
ou tout autre avant-coureur des fièvres de
toute efpece ; elle furvient prefque fubite-
ment fans aucun fâcheux fymptome , &c.
il ne fe fait aucun changement dans les
urines , ck elle finit fouvent fans aucune
évacuation fenfible , ck quelquefois par de
fortes moiteurs ou des fueurs légères fans
mauvaife odeur, ou par quelque douce éva-
cuation , par le vomifTement ou par la voie
des felles ; tel eft le caractère confiant de
cette fièvre : cependant il n'eft pas facile
de la connoître dans fon principe , & de
s'afTurer qu'elle n'eft quéphémere , parce
qu'il arrive fouvent que les fièvres continues
fimples de plusieurs jours , 6k même les pu-
trides , commencent de la même manière
6k ne fe montrent qu'imparfaitement, at-
tendu que la matière morbifique eft d'abord
trop tenace , ne fe développe dans les pre-
mières voies ou dans le fangque peu-à-peu,
ck n'occafione quelquefois, qu'après quel-
ques jours , les fymptomes qui caraciéri-
fent la maladie; par conféquent les fièvres
de cette efpece en impofent fouvent dans
leur commencement, ck paroiffent être ou
une fièvre éphémère , ou une fièvre continue
fimple. On eft cependant fondé à regarder
une fièvre commençante , comme étant de
I'efpece de ces dernières , lorfqu'el'e eft
produite dans une perfonne qui étoit bien
laine auparavant, par une caufe légère ;lor£»
que les fymptomes n'ont rien de violent, ck
que les évacuations critiques, s'il s'en faitde
fenfibles , fuivent de près; ck enfin lorfque
le pouls redevient naturel ck abfolument
tranquille d'abord après la fin de la fièvre :
toutes ces conditions étant réunies, on ne
ÊPH
rîfque guère de fe tromper dans le juge-
ment que l'on porte fur la nature de la
maladie.
La fièvre éphémère , telle qu'elle vient
d'être décrite , n'eft jamais accompagnée
d'aucun danger : cependant le médecin doit
prudemment attendre que la fièvre tende à
fa fin , avant de dire Ton fentiment fur la
nature de l'événement, puifqu'il peut être
trompé dans la connoiflance de la maladie ,
comme il a été dit ci-deflus ; & s'il y a le
moindre foupçon de fièvre intermittente, il
faut encore plus fufpendre fon jugement,
pour ne pas compromettre fa réputation &
l'honneur de l'art.M.Wanfwietem dit qu'il a
vu des perfonnes qui étoient fujettes à avoir
deux ou trois fois l'année un accès de fièvre
éphémère , fans y donner occafion , mais
vraifemblablement par un amas de bile ,
dont l'évacuation étant faite par un doux
vomiiïement , tout mouvement &£ tout
fymptome fébrile ceffoient , ils recouvroienr
la fanté.
Il fuit de ce qui a été dit jufqu'ici de la
fièvre éphémère , qu'elle peut être regardée
comme falutaire, Se que la curation en efl
facile : elle fe diflipe mêmefouvent fans au-
cun fecours, 6k elle fe termine promptement
de fa nature, pourvu qu'elle n'en change
pas par un mauvais traitement, & qu'on ne
la rafle pas dégénérer en une autre efpece
de fièvre de mauvaife qualité.
Il fuffit donc, pour la cure de cette fiè-
vre, que le malade s'abflienne absolument
de manger, qu'il ne prenne, pour toute
nourriture pendant vingt- quatre heures,
que du bouillon de viande, très -léger, en
petite quantité, & même qu'il fe borne à
boire beaucoup de tifanne d'orge ou de pe-
tit-lait , pour délayer &: détremper la mafTe
des humeurs ; qu'il obferve de fe livrer au
repos du corps & de l'efprit. La faignée eft
très-rarement employée dans cette efpece
de fièvre , & ce n'eft que dans le cas où les
fymptomes font violens , où le malade fe
plaint beaucoup de douleur de tête; mais
alors il y a lieu de craindre que ia fièvre ne
devienne aiguë , & ne fe termine pas auffi-
tôt que la nature de 1' 'éphémère le comporte :
c'eft ce dont on ne tarde pas à être inftruit
par la continuation de la fièvre & les nou-
veaux fymptomes qui fur viennent , ou par]
EPH 647
' une forte de ce nation qui annonce d'avance
le retour de la fièvre par un accès prochain.
Voye^ Fièvre continue, intermit-
tente. Çd)
EPHÉMÉREUTE, f. m. ÇHift. anc.J
prêtredesThéraDeutes. ^.Thérapeutes.
§ ÉPHÉMÉR1DE , f. f . ( Aftron. ) en
grec ieny.tfi\ , livre qui contient pour cha-
que jour les lieux des planètes fk les cir-
conftances des mouvemenscélelles. Voye^
Tables astronomiques.
Les plus anciennes éphémérides dont il
foit parlé dans l'hiftoire de l'aflxonomie ,
font celles qui furent calculées par Regio-
montanus , & qui s'étendent depuis l'année
1475 jufqu'à IS05; on y trouve les lieux
des planètes, les afpe&s, les latitudes &
éclipfes : elles fureut dédiées à Mathias , roi
de Hongrie , qui fit préfent à l'auteur de huit
cents écus d'or : elles furent reçues par les
favans avec tant d'ernpreffement , que
chaque exemplaire fe vencloit douze écus
d'or , duodecim aurds : toutes les nations
de l'Europe s'empreiïbient de les faire ve-
nir , fuivant le témoignage de Ramus ,
SchoL mathem. liv. II , p. 65 : elles furent
imprimées à Nuremberg en 1474, & ceft le
fécond ouvrage d'aftxonomie, du moins que
je fâche , qui ait été imprimé : le Poème de
Manilius l'avoit été l'année précédente au
même endroit. S'il y a eu des éphémérides
plus anciennes que celles de Régiomonta-
nus , elles étoient fi informes & font fi peu
connues , qu'il eft inutile d'en faire ici men-
tion. On conferve à la bibliothèque du roi
de France des éphémérides de l'an 1441 ,
Journal des favans , i~ji,page 347. On
imprima en 1 494 , à Vienne , des éphémérides
pour les années 1494 & 1 500 , d'Augelus :
en 1499 , on imprima celles de Stofîer, qui
vont jufqu'à l«J$i; en 1532, celles de
Schoner ; en 1 «5 3 3 , celles de Gauricus, qui
vont jufqu'à l'année 155 1 ; en 1^57, celles
deLeovitius, qui vont jufqu'à l'année 1606,
ck qui forment un très - grand & gros vo-
lume in-folio ; en 1580, celles de Magini,
qui vont jufqu'à l'année 1610, & eniùite
jufqu'à l'année 1630; en 1580, celles de
Msftlinus, qui vont jufqu'à l'année 1 590; en
1581, celles de Stadius, qui vont jufqu'à
l'année 1606 ; en 159^ , celles d'Origan ,
qui vont jufqu'à Tannée 1630, ck qu'il pro-
6*4S EPH
longea jufqu'à l'année 1655. ^n *fc*ïi
Argoli fît imprimer à Rome des êphémérides
qui s étendent jufqu'à l'année 1640 , &
qu'il prolongea enfuite jufqu'à l'année
1700; en 1634, on publia celles d'Eufta-
•chius , qui ont été prolongées jufqu'en
1665.
Je ne parle pas de beaucoup d'autres êphé-
mérides qui renfermoient moins d'années ,
&r qui iont par conféquent moins remarqua-
bles , comme celles de Hecker , Kirch ,
Montanari , "Wlng, Gadburi , Mezavachi ,
Pirati , Smi , Carelli , Ulac , Duliris , &c.
mais je ne puis pafTer fous (ilence celles de
Kepler, depuis 16 17 jufqu'en 1630 , q-ii
étant calculées fur des tables beaucoup plus
exactes que celles dont on avoit fait ufage
jufqu'alors , tont une époque dans l'aftro-
jiomie.
Celles de Malvafia , imprimées à Modene
en 1662I, s'étendent de 1661 à 1666 : elles
«voient auffi le mérite d'être faites avec un
loin tout particulier, & le célèbre Caflini
ies enrichit de (es oblërvations &c de fes
tables.
Noël Duret de Montbrifon fut le pre-
mier François qui calcula des êphémérides ,
& publia en 1641 les années 1637— 1700 ,
fous ce titre : Novce motuum cœlefiium
£phemerides Richelianae.
Lorfque l'académie des feiences de Paris
vit, en 1700, que les êphémérides d'Ar-
goli finiiïoieiit, eile chargea M. de la Hire
le fik de les continuer; mais il ne calcula
<me les années 1701- — 1703. Dans le même
temps M. de Beaulieu en calcula d'autres ,
qui s'étendent de 1700 à 171 5. MM. Lieu-
taud , Defplaces & Bomie firent, par ordre
de l'académie , celles de 1704 ck de 1705 ,
auxquelles cependant M. Lieutaud mit
ion nom ; M. Defplaces fit les années 1706
**~ijo8, & M. Bomie les années 1709. —
•171 1; mais il copia entièrement, ôt jufqu'aux
fau.es, celles de Beaul;eu.
Les êphémérides de Beaulieu furent con-
tinuées par Defplaces , qui commença par
1715 , & continua jufqu'en 1744, en don-
nant chaque fois un volume pour dix ans,
M. l'abbé de la Caille continua les êphémé-
rides de Defplaces , & donna le quatrième
volume pour 1745-^-4754 : il a été fuivi
$p d.eux autres , qui vont julqu'en 1774.
E P H
Le feptieme , dont je me fuis chargé à la
mort de M. l'abbé de la Caille , eft actuel-
lement fous prefiTe ; mais j'ai employé pour
cet ouvrage le fecours de plufieurs calcu-
lateurs.
Cette fuite $ êphémérides françoifesa été
imitée p^r l'académie de l'mftitut de Bo-
logne. M. Manf. edi , aidé de quelques
autres calculateurs, commença en 1726,
& continua jufqu'en 1750 : M. Zanotti
en a donné la Alité julqu'en 1774, & il tra-
vaille à la continuation. J'ai voulu diflua-
der ce célèbre agronome d'un travail in-
grat, & qui fe faifoit déjà en France; il
m'a répondu que c'étoit une fondation de
l'infti tut, qu'on ne pouvoit fe difpenfer de
remplir.
La ConnoiJfan.ee des temps eft un livre
analogue aux êphémérides , ck que l'acadé-
mie fait calculer chaque année depuis 1679»
pour I'ufage des aftronomes & des naviga-
teurs , avec beaucoup plus de détail ôcplus
d'exactitude que les êphémérides : nous en
avons parlé ailleurs. L'année 1774 eft ac-
tuellement fous prefTe ; j'y ai mis les diftan-
ces de la lune aux étoiles, pour i'ufage de
la marine.
Les Ephémérides agronomiques du père
Hell , publiées à Vienne chaque année de-
puis 1757 , font un ouvrage du même genre
que la ConnoiJJance des temps , dans lequel
il y a même plus de détail. J'ai repréfenté
quelquefois à l'auteur combien je regrettois
le temps qu'il employoit à ces fortes de
calculs , inutiles pour la plupart pendant
l'année , & qui ne font plus rien firôt qu'elle
eft parlée , tandis qu'il refte un ii grand
nombre d'observations anVonomiques à cal-
culer, d'elémens à déterminer ou à perfec-
tionner, pour occuper le lotfîr de ce grand
aftronome.
)c ne dirai pas la même chofe du Nauti-
cal Almanach qui fe puolie à Londies de-
puis 1767 , pour I'ufage de la marine ;
tout ce qui inté;efie cet article important
de l'adminiftration, mérite tous nos foins,
& ce n'eft p'us un temps perdu pour les
aftronomes qui s'en occupent :-mais pour
rendre ce livre véritablement utile à la ma-
rine , il falloit p.endre , comme on l'a fait,
des moyens qui ne font point au pouvoir
] des particuliers , 6c qui exigeoient les
fecours
E P H
fecours de l'Etat. Quatre calculateurs répan-
dus dans différents endroits de l'Angleterre ,
envoient leurs calculs à un cinquième ,
pour les comparer & les vérifier : ils ont
chacun foixante & quinze guinées; & tous
les calculs importans de la lune font faits
deux fois avec la précifion des fécondes
pbur midi & pour minuit, avec les diitan-
ces de la lune au foleil & aux étoiles de
trois en trois heures pour tous les jours ,
foit à l'orient foit à l'occident de la lune.
Avec cette immenfe quantité de calculs ,
on peut efpérer d'avoir la longitude fur mer ,
â un demi-dégré près , toutes les fois qu'on
aura obfervé avec l'odant de réflexion la
diftance de la lune au foleil ou à une étoi-
le: M. Maskelyne, aftronome royal d'An-
gleterre , eft chargé de la direction de ce
travail.
Cette forte àtéphémérides pour Tufage de
la marine, avoit été projettée en France
par Morin, fous le cardinal de Richelieu.
Le P. Léonard Duliris , recollet , publia
une éphéméride maritime , en 1655 } en un
volume in-folio , qui s'étendoit à vingt
ans. M. Pingre , en 1754, entreprit de cal-
culer l'état du ciel , dans lequel il donna y
pour l'ufage de la marine , les longitudes
& les latitudes de la lune pour midi & pour
minuit , les afcenfions droites , les paflà-
ges au méridien , les mouvemens horaires ,
&c. il a continué jufqu'en 1757 ces calculs
qui font immenfes pour un ieul aftrono-
me , & dont on paroiffoit dans la marine
ne pas faire afïez d'ufage pour dédommager
raftronome du facrifice de fon temps ; mais
le gouvernement d'Angleterre a compris
qu'il falloit commencer par offrir ce fe-
cours aux navigateurs d'une manière con-
tinue & non interrompue , quoiqu'il dût
en coûter , fi l'on vouloit efpérer de les
déterminer à en faire ufage. On ne s'eft
point laffé de faire cette dépenfe , & déjà
on en recueille les fruits : l'académie royale
de marine de Breft a fait réimprimer les
calculs du Nautical Almo-nach , & je les ai
moi-même inférés dans la ConnoiJJance des
temps pour 1774- ( M. delà Lande. )
* ÉPHÉMÉRIES , f. f. pi. ( Hift. anc. )
Les prêtres des Juifs étoient diftribués en
éphéméries : il y en avoit huit , quatre des
defcendans d'Eleazar , quatre de ceux d'I-
Tomt XII
. E P H 6*49
thamar.CettedivifionétoitcelledeMoyfe,
félon quelques auteurs ; d'autres prétendent
qu'il en avoit inftitué feize , auxquelles Da-
vid en avoit ajouté huit. Ce qu'il y a de
certain , c'eft qu'il y avoit fous ce roi vingt-
quatre éphéméries de prêtres , feize de la pot
térité d'Eleazar, huit de celle d'Ithamar :
chaque éphémérie vaquoit au fervice divin
pendant une femaine. \] éphémérie étoic
fous-divifée en fix familles ou maifons , qui
avoient chacune leur jour & leur rang , ex-
cepté le jour du fabbat, qui occupoit Yéphé-
mérie entière. Un prêtre , pendant fa fe-
maine de fervice , ne pouvoit coucher avec
fa femme , boire du vin , ou fe faire rafer ,
&c. la famille ou maifon de fervice ne bu-
voit point de vin , pas même pendant la
nuit. Comme les prêtres étoient répandus
dans toute la contrée , ceux dont la femai-
ne approchoit fe mettoient en chemin pour
Jérufalem ; ils fe faifoient rafer en arrivant,
ils fe baignoient enfuite : ceux qui demeu-
raient trop loin reftoient chez eux , où ils
s'occupoient à lire l'écriture dans les fyna-
gogues , à prier , à jeûner : leur abfence ne
caufoit aucun trouble dans le fervice divin ,
| parce qu'une ephe'me'rie étoit fouventde plus
de cinq mille hommes ; d'où l'on voit que
fous David le temple étoit deflèrvi par cent
vingt mille hommes & davantage. Ceux
qui fe rendoient à Jérufalem entroient dans
le temple le foir que leur fervice commen-
çoit : lorfque Pholocaufte du foir étoit of-
fert , & que tout étoit difpofé pour le fer-
vice du lendemain , Y ephe'me'rie en exercice
fortoit & faifoit place à la fuivante. Tout
le corps des lévites étoit aufîi divifé en
éphéméries , & Yéphémérie en familles ou
maifons : ces éphéméries faifoient le fervice
divin dans le même ordre que les prêtres :
& dans les grandes folemnités les fix mai-
fons des lévites étoient occupées ainfi que
celles des prêtres.
■* EPHEMERIUS , f. m. ( Hijl anc. )
C'eft ainfi qu'on appelloit , dans l'églife
grecque , l'eccléfiaftique qui veilloit à ce que
\qs heures fufïènt chantées régulièrement ,
à ce que les jeunes choriftes furTènt leur
chant , & que tout fe fît en ordre.
On donnoit encore ce nom en quelques
endroits à ceux qui afliftoient les patriar-
ches & les évêques , qui ne les quittoient ni
Nnnn
4$ê EP H
le jour ni la nuit , & qui , témoins afîidus j
de leurs mœurs & de leur conduite, pou- |
voient en répondre dans l'occafion.
EPHEMERUM, l m.(Hift.nat.Bot.)
genre de plante à rieurs liliacées , compo-
sées de trois pétales & foutenues par un ca-
lice diviféen trois parties. Le piftil devient
dans la fuite un fruit oblong , qui efl parta-
gé en trois loges , & qui renferme des fe-
mences femblables à des grains de froment.
Tournefort. Inft. reiherb. V. PLANTE. (7)
EPHESE , ( Géogr. & Hift. anc. ) ville
maritime de l'Afie mineure , nommée pré-
fentQmentAjafaloue par les Turcs , auxquels
elle appartient.
Cette ville jadis û célèbre, dit M. de
Tournefort, le plus exact de tous les écri-
vains qui en ont parlé ; cette ville fi fameufe
par fon temple , qui y attiroit des étrangers
dé toutes parts ; cette ville qui a produit
tant d'hommes illuftres & d'artiftes célè-
bres , entr'autres, à ce qu'on croit , Par-
rhafius ; enfin cette ville qui fe glorifioit
d'être la métropole de toute l'Afie, n'eft
plus qu'un miférable village bâti de boue ,
parmi de vieux marbres caffés. Ce village
encore n'eft habité que par une trentaine
de familles grecques , qui certainement ,
comme M. Spon le remarque , ne font pas
capables d'entendre les épkres que S. Paul
leur a écrites.
Nous avons peu de villes dont il relie au-
tant de médailles ; les unes nous apprennent
qu'elle fut néocore deDiane,tant que le tem-
ple de cette DéeiTe fubfifta , & quatre fois
néocore des Céfars ; les autres , qu'elle fut
bâtie à l'occafion d'un fanglier ; la plupart re-
préientent Diane , ou chaiTerefle , ou à plu-
sieurs mamelles , ou parée de fes attributs.
L'origine de cette ville , fes anciens noms,
& ceux de fes fondateurs , ne nous intéref-
fent guère aujourd'hui ; mais il n'eft pas
inutile de dire que pendant les guerres des
Athéniens & des Lacédémoniens , Ephèfe
avoit la fageffe de vivre en bon accord avec
les deux parti» , & que le jour de la naiftànce
d'Alexandre, les devins de la cité fe mirent
à crier que le deftru&eur de l'Afie étoit venu
au monde.
On n'oublie point que ce deftru&eur fe
rendit à Ephèfe après la bataille du Grani-
que, & qu'il y rétablit la démocratie ;
EPH
que la place fut prife par Lyiimachus, ï'un
de fes fucceiTeurs ; qu'enfuite Antigonus eut
l'adrefTe de s'en emparer, & qu'il y pilla les
tréfors de Polyfperchon.
On ne fauroit encore oublier qu'Annibal
vint s'aboucher à Ephèfe avec Antiochus ,
pour y prendre enfemble des mefures con-
tre les Romains ; que ce fut dans cet endroit
que fe commit le mafïacre effroyable des
mêmes Romains , par les ordres de Mithri-
date , & que Scipion , beau-pere de Pom-
pée , s'empara des tréfors du temple , fans
crainte & fans fcrupule. '
Perfonne n'ignore aufîi quelle fut la ma-
gnificence des fêtes que Lucullus y donna ;
le voyage exprès d' Augufte, de Pompée & de
Cicéron dans cette ville ; fur-tout celui de
Cicéron , qui mandoit à fes amis qu'il ne
faifoit aucun pas dans la Grèce fans y trou-
ver de nouveaux fujets d'admiration.
Enfin l'on fait que Tibère , pendant fon
règne, fit rebâtir cette métropole, & qu'a-
vant lui on y avoit dreiTé des temples à Ju-
les-Céfar & à la ville de Rome ; tous ces évé-
nemens renouvellent les grandes idées qu'on
afucées dans fa jeuneiTe de l'hiftoire an-
cienne : mais rien n'eft fi confolant pour
ceux qui font chrétiens, que de fuivre S.
Paul & S. Jean à Ephèfe , d'y voir ce pre-
mier fonder l'églife $ Ephèfe , & y établir
Timothée pour évêque : il eft vrai que cet
établiffement ne fut pas de longue durée ,
les perfécutions fuccederent , lesPerfes pil-
lèrent cette ville dans le troifieme liecle , &
les Scythes ne l'épargnèrent pas quelque
temps après.
Enfin au bout d'un grand nombre de ré-
volutions, Ephèfe s"1 eiï vue tomber entre les
mains de Mahomet I , & elle eft reftée de-
puis ce temps-là foumife à l'empire otto-
man. Son port, au fujet duquel on avoit
autrefois frappé tant de médailles, n'eft à
préfent qu'une rade découverte que perfon-
ne ne fréquente : tout fon commerce a paffé
tant à Smyrne qu'à Scaîanova. Plus de vef-
tiges de cette ville & de fon temple; l'églife
de S. Jean a été convertie en mofquée , &
les blocs de marbre qui reftoient des ruines
à' Ephèfe , ont été tranfportés à Conftanti-
nople pour fervir à la conftrudion des mof-
quées royales. Article de M. le Chevalier
DE JAU COURT,
E P H
EPHESE ( Temple d' ) Hlfl. anc. temple
fuperbe à l'honneur de Diane , bâti près
à'Ephèfe , & quia été plufieurs fois détruit
& réédifié. Traçons-en fuccindement l'hif-
toire , dont la plupart des écrivains moder-
nes ont confondu les faits.
Le premier temple que les Ephéfiens dref-
ferent à l'honneur de Diane , n'étoit qu'une
efpece de niche creufée dans le tronc d'un
ormeau , où apparemment la figure de la
déeiTe étoit placée. Ce n'eft par fans doute
de cet ouvrage qu'entend parler Pindare _,
lorfqu'il avance que les Amazones firent
édifier le temple d'Epkèfe dans le temps
qu'elles faifoient la guerre à Théfée.
Le temple de Pindare n'étoit pas non plus
cette merveille du monde, ce fuperbe édi-
fice dont Cherfiphron fut l'architecte , &
qui fut conftruit aux dépens des plus puif-
fantes villes d'Afie : Pline remarque que la
première invention de mettre des colonnes
fur un piédeftal , & de les orner de chapi-
teaux & de vafes , fut pratiquée dans ce
temple.
Il avoit 425 pies de long fur 220 pies de
large : on y voyoit 127 colonnes , dont les
rois d'Afie avoient fait la dépenie , & ces
colonnes portoient chacune 60 pies de haut :
il y en avoit trente-fix couvertes de bas-
reliefs , & parmi celles-ci il s'en trouvoit
une de la main de Scopas. Les portes étoient
de cyprès toujours luifant & poli ; la char-
pente étoit de cèdre , & la ftatue de Diane
étoit d'or, fi l'on en croit Xénophon. Les
richefles & les ornemens de ce magnifi-
que édifice étoient fans nombre : on le
venoit voir de fort loin , & les étrangers
tâchoient à l'envi d'en emporter des mo-
dèles.
Voilà le temple d'Ephèfe ou de Diane ,
car c'eft la même chofe , qui fut brûlé par
l'infenfé Eroftrate , le jour de la naifTance
d'Alexandre , l'an du monde 364.8. Ce grand
prince , comme on fait , fit dire aux Ephé-
fiens , qu'il feroit volontiers la dépenfe de
fa réconftruclion , pourvu qu'on mît fon
nom fur le frontifpice ; mais ils répondirent
avec beaucoup de fagefle , « qu'il ne conve-
» noit pas à un dieu de dreffer des temples
n à d'autres divinités. »
Avides de rebâtir eux-mêmes leur temple ,
û malheureufement confumé , ils en vendi-
EPS 6$t
rent les colonnes, convertirent en argent
tous les bijoux des dames de la ville , raiîem-
blerent des fonds de toutes parts , & em-
ployèrent toutes ces fommes à faire , s'il
étoit poflible , un édifice auilï magnifique
que celui qui avoit péri par les flammes.
Cheiromocrate en fut l'architeâe : les plus
fameux fculpteursde la Grèce I'ornerentde
leurs ouvrages: l'autel étoit prefque tout de
la main de Praxitèle. Outre les bas-reliefs
& les ftatues des plus grands maîtres, ce
temple fut , félon les apparences , embelli
des tableaux admirables de la main de Par-
rhafius & de plufieurs autres illuftres artis-
tes. Strabon en parle pour l'avoir vu du
temps d'Auguffe: ainfi le temple que Pline
a décrit étoit le même que celui que Stra-
bon avoit vu.
Nous avons plufieurs médailles, fur le
revers defquelles il eft repréfenté avec un
frontifpice, tantôt à deux colonnes , à qua-
tre y à fix , & même jufqu'à huit, aux têtes
des empereurs Domitien , Adrien , Antonin
Pie, Marc-Aurele, Lucius Verus , Septime
Severe , Caracalla , Macrin , Eliogabale ,
Alexandre Severe , Maximin.
Néron, qui étoit né pourdéfolerle mon-
de , en emporta les plus grandes richeiîès ;
les Scythes le dépouillèrent enfuite , & le
brûlèrent en 263 ; les Gothsen pillèrent les
reffes fous l'Empereur Galien : enfin il eft
vraiferrîblable qu'il fut entièrement démoli
fous Conftantin , en conféquence de l'édit
par lequel il ordonna de renverfer tous les
temples du paganifme. Quoi qu'il en foit ,
ce dernier temple de Diane a difparu com-
me les autres , de manière qu'il ne refte
autour de fes ruines que des débris de mai-
fons , jadis bâties de briques , dans lefqu el-
les logeoient peut-être les prêtresde Diane,
ou les vierges prêtrefTes confiées à leurs
foins. De J au court.
* EPHESIES, adi pria fubft. (HiJÏ.
anc. ) fêtes qu'on célébroit à Ephèfe en
l'honneur de Diane. De toutes les circonf-
tances de cette folemnité , il ne nous en
refte que celle-ci ; c'eft que les hommes
s'enivroient pieufement , & pafToient la
nuit à mettre la ville , & fur-tout les mar-
chés, en tumulte.
* EPHESTIES , adj. pris fub. {Myth.)
fêtes inftituées en l'honneur de Vulcain ,
N n n n 2
6ji E P H
dans lefquelles trois jeunes garçons fe dif-
putoient le prix de la courfe : ce prix étoit
accordé à celui qui atteignoit le premier le
but , fans que le flambeau allumé qu'il por-
toit à la main s'éteignît.
*EPHESTRIDE. Voye\ Chlamide;
c'eft la même chofe , félon Artemidore.
* EPHESTRIES, adj. pris fubft. (Myth.)
fêtes que l'on célébroit à Thebes en l'hon-
neur de Tyréfias. On habilloit la ftatue du
devin en femme ; & après qu'on l'avoit
bien promenée fous ce vêtement , on la def-
habilloit, on lui mettoit un habit d'hom-
me ; c'eft ce qui eft défïgné par le mot e'phef-
trie , qui lignifie une forte de vêtement.
EPHETE , f. m. ( Hift. anc. ) magiftrat
chez les Athéniens , dont le nombre varia
de même que le diftrid. Voye\ M. Samuel
Petit, dans fes commentaires latins fur les
loix d'Athènes , liv. VIII , ouvrage plein
de favoir.
Le roi Démophon créa les éphetes ,pour
connoître feulement des meurtres ; enfuite
Dracon étendit leur pouvoir & leur nom-
bre pour en former un tribunal fuprême ,
tant criminel que civil. Il le compofa de
cinquante-un juges y tirés de ce que la ré-
publique d'Athènes avoit de meilleur dans
fon fein : il falloit , pour y être admis ,
avoir, outre l'âge de 50 ans , de la naiflàn-
ce , une fortune au-deflùs de la médiocre,
& fur toutes chofes une vertu épurée , trois
qualités fi rarement réunies. On appelloit
à cet augufte tribunal des décifions de tous
les autres, & il jugeoit de toutes les affaires
en dernier reffort. Mais il arriva que l'A-
réopage, humilié par Dracon , reprit fous
Solon toute fa fplendeur , & anéantit celle
des éphetes : cependant ce célèbre Aréopage
lui-même , après s'être attiré pendant quel-
que temps le refpect des peuples , vit à fon
tour fes beaux jours s'évanouir , & tout fon
luftre fe ternir par les vices & la corruption.
Art. de M. le Chevalier de J au court.
EPHIALTES, COCHEMAR, INCU-
BE , forte de maladie. Voye\ INCUBE.
EPHOD , f. m. ( Hifioire facrée.) orne-
ment facerdotal en ufage chez les Juifs.
C'étoit une efpece de tunique fort riche ,
à l'ufage du grand-prêtre ; mais il y en avoit
de plus flmplespour les miniftres inférieurs.
Ce mot eft hébreu, & il vient de aphael,
E P H
qui fignifie habiller. Les commentateurs &
les interprètes font fort partagés fur la for-
me de Ve'phod ,• voici ce que dit Jofephe
de celui du grand-prétre : « Ve'phod étoit
» une efpece de tunique raccourcie , & il
a avoit des manches : il étoit tiftii , teint
« de diverfes couleurs & mélangé d'or , &
» laiflbit fur l'eftomac une ouverture de
» quatre doigts en quarré y qui étoit cou-
» verte du rational. Deux fardoines en-
» châfîées dans de l'or, & attachées fur les
» deux épaules , fervoient comme d'agraf-
« fes pour fermer Ve'phod : les noms des
» douze fils de Jacob étoient gravés fur ces
» fardoines en lettres hébraïques ; favoir ,
» fur celle de l'épaule droite les noms des
» fix plus âgés , & ceux des fix puînés fut
» celle de l'épaule gauche. 0 Philon le
compare à une cuirafîè , & S. Jérôme dit
que c'étoit une efpece de tunique femblable
aux habits appelles caracalle ; d'autres pré-
tendent qu'il n'avoit point de manches,
& que par-derriere il defcendoit jufqu'aux
talons.
Il y avoit deux fortes à' e'phod; l'un étoit;
commun à tous ceux qui fervoient au tem-
ple, & étoit fait feulement de lin ; c'eft
celui dont il eft fait mention au premier
livre des rois : l'autre fait d'or , d'hiacyn-
the , de pourpre , de cramoifi & de fin lin
retord , étoit uniquement à l'ufage du grand-
prétre , qui ne pouvoit faire aucune des
fondions attachées à fa dignité , fans être
revêtu de cet ornement. On voit dans le
77. livre des Rois , chap. vj , verf. 14, que
David marchoit devant l'arche revêtu d'un
e'phod de lin ; d'où quelques auteurs ont
conclu que Ve'phod étoit aufîi un habille-
ment des rois dans les cérémonies fo-
lemnelles.
On trouve dans le livre des Juges , chap.
viij , verf. 26 , que Gédéon , des dépouil-
les des Madianites , fit faire un e'phod ma-
gnifique qu'il dépofa à Ephra , lieu de fa
réfidence ; que les erifans d'Ifraël en abufe-
rent jufqu'à le faire fervir d'ornement aux
prêtres des idoles , & que ce fut la caufe
de la ruine de Gédéon & de toute fa mai-
fon. Les fentimens font partagés fur cet
e'phod : les uns veulent que Gédéon ne l'ait
fait faire que pour être toujours en état de
recevoir , même chez lui , les ordres de
E ï> H
Dieu par l'organe du grand-prétre ; ce qui
n'étoit pas défendu par la loi : d'autres pré-
tendent que cet éphod n'avoit rien de fa-
cré , mais que c'étoit un vêtement de dif-
tinction dont Gédéon , en qualité de juge
& de premier magiftr3tde la nation, avoit
deiïein de fe fervir dans les afTemblées &
les cérémonies publiques. Ses defcendans
n'eurent pas les mêmes idées : ils en abu-
ferent par des pratiques idolâtres ; car
Y éphod n'étoit pas inconnu parmi les payens.
Il paroît par ïfaïe qu'on revétoit les faux-
dieux à'éphods , peut-être lorfqu'on vouloit
confulter leurs oracles. (G)
EPHORE , f. m. ( Hifl. anc. ) magiftrat
de Lacédémone. Ce mot vient de eçopâV ,
veiller, formé de la préposition ex/, fur,
& du verbe op£v , voir : s^opoV fîgnifie donc
proprement un furvei liant , un infpeâeur ;
auffi les éphores étoient les infpe&eurs de
toute la république; ilsparvenoientà cette
dignité par la nomination du peuple, mais
leur charge ne duroit qu'un an.
Ils étoient au nombre de cinq , & quel-
ques-uns ont écrit que les Romains réglè-
rent fur les éphores de Sparte , l'autorité des
tribuns du peuple. Xénophon repréfente
Jeur pouvoir en peu de mots ; ils abolif-
foient la puifTance des autres magiftrats ,
pouvoient appeller chacun d'eux en jufti-
ce, les mettre en prifon fi bon leur fem-
bloit, & leur faire rendre compte de leurs
mœurs & de leurs aérions.
Ils eurent l'adminiftration des deniers
de l'état , lorfque _, pour le malheur de la
république, Lyfander y apporta les tréfors
qu'il avoit tirés de fes conquêtes. On avoit
bâti près de la falle où ils rendoient leurs
jugemens , une chapelle dédiée à la Peur ,
pour montrer qu'il faîloit les craindre &
les refpecter à l'égal des rois. En effet , leur
pouvoir s'étendoit d'un côté à tout ce qui
concernoit la religion ; de l'autre , ils pré-
fidoient aux jeux publics , avoient infpec-
tion fur tous les magiftrats , & pronon-
çaient fur des tribunaux qu'Elien nomme
des trônes: enfin ils étoient fi abfol us, qu'A-
riftote compare leur gouvernement â la ty-
rannie , c'eft-à-dire , à la royauté. Ils ne
contrebalançoient pas feulement l'autorité
du fénat ; mais ils faifoient à Sparte ce que
les rois pouvoient faire ailleurs , régloient
E P H ffi
les délibérations du peuple , les déclarations
de guerre, les traités de paix, l'emploi des
troupes , les alliances étrangères , & les ré-
compenfes , aufîi-bien que les châtimens.
Les armées des Lacédémoniens prenoient
leur nom du principal des cinq éphores ,
comme celles des Athéniens le prenoient
de leur premier archonte. L'élection des
éphores fe faifoit vers le foiflice d'hiver , &
c'étoit alors que commençoit l'année des
Spartiates.
Hérodote & Xénophon attribuent leur
inftitution à Lycurgue , qui imagina ce
moyen pour maintenir la jufte balance
d'autorité dans le gouvernement. Théo-
pompe , roi de Sparte , augmenta leur au-
torité , environ 130 ans après Lycurgue.
Cet établifTement contribua long-temps à
maintenir la royauté & le fénat , dans les
juftes bornes de la douceur & de la mo-
dération.
Ces bornes font néceffaires au maintien
de toute ariftocratie ; mais fur-tout dans
l'ariftocratie de Lacédémone , à la tête de
laquelle fe trouvoient deux rois qui étoient
comme les chefs du fénat , on avoit befoin
de moyens efficaces pour que les fénateurs
rendirent juftice au peuple. Il falloir donc
qu'il y eût des tribuns , des magiftrats ,
qui parlaffent pour ce peuple , & qui puf-
fènt dans certaines circonstances modifier
l'orgueil de la domination ; il falloit fap-
per les loix qui favorifent les diminuions
que la vanité met entre les familles , fous
prétexte qu'elles font plus nobles ou plus
anciennes : distinctions qu'on doit mettre
au rang des petiteffes des particuliers. Mais
d'un autre côté, comme la nature du peu-
ple eft d'agir par pafïion , il falloir des
gens qui pufïent le modérer & le réprimer,
il falloit par conféquent la fubordination
extrême des citoyens aux magiftrats qu'ils
avoient une fois nommés. Voilà ce qu'o-
péra l'inftitution des éphores , propre à con-
ferver une heureufe harmonie dans tous les
ordres de l'état. On voit dans l'hiftoire de
Lacédémone comment , pour le bien de la
république , ils furent dans plufieurs con-
jonctures , modifier les foibleffes àes rois ,
celles des grands , & celles du peuple.
Elien nous raconte aufïi des traits de leur
fagefle ; dans la chaleur des faclions, quel-
^4 E p I t
Clazoméniens ayant un jour répandu |
de l'ordure fur les fîéges des ephores , ces
màgiftrats fe contentèrent pour les punir
de faire publier par toute la ville de Sparte ,
que de telles fottifes feroient permifes aux
Clazoméniens.
L'unique remède qu'on trouva pour dé-
truire leur pouvoir , fut de tâcher de les
brouiller les uns avec les autres , & cela
rcuïlit quelquefois. Paufanias , par exem-
ple , pratiqua adroitement ce ftratagême ,
lorfque jaloux des victoires de Lyfander ,
il gagna trois des ephores pour fe faire don-
ner la commifîion de continuer la guerre
aux Athéniens. Mais le roi Cléomene , III
du nom , prit un parti plus infâme ; il ex-
cita des troubles dans fa patrie y fit égorger
les ephores y partagea les terres , donna
l'abolition des dettes , & le droit de bour-
geoise aux étrangers , comme Agis l'avoit
propofé. Cependant il paroît par des paf-
fages de Polybe , de Jofephe , & de Phi-
loftrate , que les ephores furent rétablis
apiès la mort de Cléomene; les Spartiates
ne connoifïant aucun inconvénient com-
parable aux avantages d'une magistrature
faite pour empêcher que ni l'autorité royale
& ariftocratique ne penchaflent vers la
dureté & la tyrannie , ni la liberté popu-
laire vers la licence & la révolte. Article
de M. le Chevalier de J au court.
* EPHYDRIADES , f. f. pi. (Myth.)
nymphes qu'on appelle quelquefois aufli
J-fydriades.Ulles préfidoient auxeaux,com-
me l'indique affez clairement leur nom
qu'on a fait du mot grec , eau , vfap,
EPI , f. m. (Bot. ) c'eft dans une plante
l'endroit où fe forme le fruit ou la fleur,
quand elle eft montée. Il y a beaucoup de
plantes à épi.
Epi d'eau, potamogeton _, (Hifi. nat,
lot. ) genre de plante à Heur faite en forme
de croix , conipofée de quatre pétales fans
calice. Le piftil produit quatre femences ,
qui font ordinairement oblongues & raf-
femblées en grouppe. Tournefort, infi.rei
herb. Voye\ PLANTE. (/)
Epi a la Vierge JjUca Virginis,(Af-
tronom. ) efr une étoile de la première gran-
deur , qui eft dans la conftellation de la
Vierge. Voye\ VIERGE,
Qp trouvera aux mots ASCENSION , DÉ-
E P I
clinaison, Longitude, Latitude,
&c. la pofition de cette étoile. (O)
Epis, (Hydmul. ) font les bouts ou ex-
trémités d'une digue conftruite en maçon-
nerie , ou avec des coffres de charpente
remplis de pierres. (K)
EpISDeFacINAGE , ( Hydraul.) font
des extrémités d'une digue, conftruite d'un
tiffu de fafcinage piqueté , tuné , & garni
d'une couche de gravier ; on les place fur
les bords d'une rivière , pour contraindre
le courant d'aller d'un certain côté . pour
foutenir les eaux, & pour empêcher les
dégradations des rivières. (K)
Epi au Mollette, termes fynonymes.
( Man. & Maréch. ) L'épi eft , félon quek
ques perfonnes , un aflèmblage de poils
frifés , qui placés fur un poil couché &
abattu , forme une marque approchante
de la figure d'un épi de blé. Je préférerois
l'idée de ceux qui ne l'en vifagent que com-
me un retour ou un rebrouflèment du poil ,
provenant de la configuration des pores,
On peut divifer les épis en ordinaires &
en extraodinaires.
Les épis ordinaires feront ceux qui fe
trouvent indiftinctement & indifférem-
ment fur tous les chevaux ; tandis que nous
entendons par épis extraordinaires , ceux
qui ne fe rencontrent que fur quelques-uns
d'eux.
Il n'eft pas étonnant que dans des temps
de ténèbres & d'obfcurité , la fuperfti-
tion ait pu ériger en maximes tout ce qu'elle
fuggere ordinairement à des efprits fojbles
& crédules ; mais il eft Singulier que dans
un fiecle aufîi éclairé que le nôtre , on
puifte croire encore que les épis placés aux
endroits que le cheval peut avoir en pliant
le cou , doivent déprifer l'animal , & font
inconteftabîement à' un très-fmiftre prefage,
On ne peut perfévérer dans de femblables
erreurs , qu'autant que l'on perfévere dans
fon ignorance , & peut-être cette preuve
n'eftVelle pas la feule de notre confiance à
fuir toute lumière, (e)
Epi , en terme de Boutonnier , c'eft un
ornement de bouillon d'or ou d'argent ,
formant deux rangs féparés de plufieurs de
travers , parfaitement vis-à-vis l'un de
l'autre. Chacun de ces derniers eft plus
élevé à fon extrémité extérieure , qu'à celle
E P I
qui aboutit à la ramure , & ils femblent
monter le long d'elle comme la maille
monte le long de la tige d'un épi de blé :
refîbmblance qui a donné le nom d'épi à
cet ornement.
EPIALE , adj. ( Méd. ) on donne cette
épithete aune fièvre quotidienne continue ,
dans laquelle on a une chaleur répandue
par tout le corps , & en même temps des
iriffons vagues & irréguliers. Voye\ V ar-
ticle Fièvre.
EPIAN , C m. terme de Voyageurs , nom
que les naturels de l'île de Saint-Domingue
donnent à cette maladie chez eux endémi-
que , qui parut pour la première fois l'an
1494 en Europe , où elle fut appellée par
les François le mal de Naples , 6c par les
Italiens le malfrançois , les uns & les autres
ignorant fon origine mexiquaine. Tout le
monde connoît aujourd'hui Vépian fous le
terme générique de maladie vénérienne , ou
fous celui de vérole. Voye\ VÉROLE. Ar-
ticle de M. le Chevalier de J au COURT.
EPI AULIE , f. f. ( Mujiq. des anc. ) nom
que les Grecs donnoient à la chanfon des
meuniers , appellée autrement hymée. V.
Chanson.
Le mot burlefque piauler ne tireroit-il
point d'ici fon étymologie ? Le piaulement
d'une femme ou d'un enfant qui pleure &
fe lamente long-temps fur le même ton ,
reflèmble allez à la chanfon d'un moulin,
& par métaphore à celle d'un meunier.
{S)
EPIBATERION , f. m. (Belles-Let. )
mot purement grec , qui lignifie une efpece
de compofuion poétique , en ufage parmi les
anciens Grecs. Lorfqu'une perlonne diftin-
guée revenoit chez foi après une longue
abfence , il afTembloit fes concitoyens un
certain jour , & leur faifoit un difcours ou
• récitoit une pièce de vers , dans laquelle
il rendoit grâces aux dieux de fon heureux
retour , & qu'il terminoit par un compli-
ment à fes compatriotes. Dicl. de Trév.
& Chambers. (G)
* EPIBDA , ( Hifl. anc. & Myth. ) on
entend par ce terme purement grec , le
quatrième & le dernier jour des apatuties ,
ou en général le lendemain d'une fête , ou
le fécond jour des noces. V. APATUE.IE ,
NôCE , ùc.
. Ê P I 6^
EPIBOMIE , ( Mufiq. des anc. ) nom
d'un cantique que les Grecs chantoient de-
vant l'autel. ( F. D. C. )
EPICÉDION , f. m. ( Belles-Lettr. )
mot qui dans la poéfie grecque & latine ,
fignifie un poème ou une pièce de vers fur
la mort de quelqiCun.
Chez les anciens , aux obfeques des per-
fonnes de marque , on prononçoit ordinai-
rement trois fortes de difcours : celui qu'on
récitoit au bûcher s'appelloit nenia : celui
qu'on gravoit fur le tombeau , épitaphe ;
& celui qu'on prononçoit dans la céré-
monie des funérailles , le corps préfent &
pofé fur un lit de parade , s'appelloit épice-
dion. C'eft ce que nous appelions Oraifon
funèbre. Voye\ ORAISON FUNEËRE. (G)
EPICINION , ( Muf. des anc. ) Chant
de victoire chez les Grecs.
EPICENE , adj. terme de Grammaire ,
t'iriKoivot , fuper commuais , au-deflus du
commun. Les noms épicenes font des noms
d'efpece , qui fous un même genre fe di-
fent également du mâle ou de la femelle.
C'eft ainli que nous difons , un rat y une
linotte,un corbeau,une corneille,une fourisy
&c. foit que nous parlions du mâle ou de
la femelle. Nous difons , un coq , une poule ;
parce que la conformation extérieure de
ces animaux nous fait connoître aifément
celui qui eft le mâle & celui qui eft la fe-
melle : ainli nous donnons un nom parti-
culier à l'un & un nom différent à l'autre.
Mais à l'égard des animaux qui ugmous font
pas allez familiers , ou dont la conforma-
tion ne nous indique pas plus le mâle que
la femelle , nous leur donnons un nom
que nous faifons arbitrairement ou mafeu-
lin , ou féminin ; & quand ce nom a une
fois l'un ou l'autre de ces deux genres , ce
nom , s'il eft mafeulin , fe dit également
de la femelle , & s'il eft féminin , il ne fe
dit pasmoinsdu mi\e,une carpe uvée : ainfi
Yépicene mafeulin garde toujours l'article
mafeulin , & Yépicene féminin garde l'arti-
cle féminin , même quand on parle du mâ-
le. Il n'en eft pas de même du nom com-
mun , fur-tout en latin : on dit hic civis
quand on parle d'un citoyen , & hue civis
Ci l'on parle d'une citoyenne , hic parmi < ,
le père , heee parens , Ja mère , hic ce ijux ,
le«nari , hœc conjux , la femme. Voy'e\ la
6^6 E P I
lifte des noms latins épiceries , clans la métho-
de latine de P. R. au traité des genres. (F)
EPICÉRASTIQUE, f. m. ( Pharm. )
iTizipctç-iKov , de Kîf>â.vvupi , mêler , tempé-
rer : remède externe ou interne , qui corri-
ge , émouffe , tempère l'acrimonie des hu-
meurs , 6c appaife la fenfation incommode
qu'elle caule.
On met communément dans ce nombre
les racines émollientes ; comme celles de
guimauve , de mauve , 6c de régliffe ; les
feuilles de mauve , de nénuphar , de gran-
de joubarbe , de pourpier, & de laitue ; les
femences de jufquiame blanche , de laitue ,
de pavot blanc & de rue : parmi les fruits ,
les jujubes , les raifins , les pommes , les
febeftes , les amandes douces , & les pig-
nons ; parmi les fucs 6c les liqueurs , le lait
d'amande , l'eau d'orge , les bouillons gras,
le lait du laiteron , la crème de décoction
d'orge , le fuc des feuilles de morelle , de
fureau , &c. parmi les parties des animaux ,
le lait , le petit-lait , la tête 6c les pies de
veau , &c les bouillons qu'on en prépare ;
parmi les mucilages , ceux qui font faits
avec les femences de pfyllium , de coings ,
de lin , &c, parmi les huiles, celles d'olive,
de behen } d'amandes douces , les huiles
exprimées des graines de calebaffe , de juf-
quiame blanche , de pavot blanc, &c. par-
mi les onguents , l'onguent rofat , l'on-
guent blanc camphré , &c. parmi les firops,
ceux de violettes , de pommes , de guimau-
ve , de fernel , de régliffe , de jujubes , de
pavot , dflfpourpier , &c. parmi les prépa-
rations officinales , la pulpe de caffe , les
juleps adouciffàns , le miel violât , &c.
Mais quelque vraie que foit cette lifte ,
elle elt informe &c fautive ; parce que dans
la bonne théorie le véritable épicérafiique
fera toujours celui qui pourra tempérer ,
corriger l'acrimonie particulière dominan-
te. Par cette raifon , tantôt les acides ,
tantôt les alkalis pourront être rangés dans
la claffe des épicérafliquçs internes , puis-
qu'ils feront propres à produire l'effet qu'on
defire , fuivant la nature des humeurs mor-
bifiques , qu'il s'agira d'adoucir , de tem-
pérer , de corriger. C'eft un point qu'il
faut fans ceffe avoir devant les yeux dans
le traitement des maladies , que de varier
les remèdes fuivant les cauies , &: c'eft ce
EPI
que l'empirifme ne comprendra jamais.
Article de M. le Chev. de J au court,
EPICES , f. m. pi. ( Comm. ) On don-
ne ce nom en général à routes les drogues
orientales &c aromatiques , telles que le
girofle , le poivre , le gingembre , &c.
dont nos épiciers font le commerce.
EPICES , ( Fines. ) Pnarm. c'eft , fuivant
M. Pomet , un mélange de poivre noir ,
de girofle , de mufcade , de gingembre ,
d'anis verd , 6c de coriandre , en propor-
tion convenable. Prenez , par exemple ,
gingembre choifi , douze livres 6c demie ;
girofle , mufcade , de chaque une livre 6c
demie ; femences d'anis , coriandre , quan-
tité proportionnée : mêlez 6c les pulvéri-
fez aflèz fubtilement , puis les gardez dans
une boîte bien bouchée.
Ces fines épices ne font employées que
pour les ragoûts ; mais elles pourroient
être , fi l'on vouloit , d'un grand ufage
dans la Médecine , d'autant que c'eft une
poudre aromatique qui eft ftomachjque ,
carmina.tive _, céphalique , expectorante ,
antiputride. On peut s'en fervir pour for-
tifier le cerveau , pour atténuer les hu-
meurs vifqueufes , pour faire éternuer,
James 6c Ckambers.
Epices , (Jurifprud. ) font àes droits en
argent que les juges de plufieurs tribunaux
font autorifés à recevoir des parties pour
la vifite des procès par écrit.
Ces fortes de rétributions font appellées
en Droit fportulce ou fpecies , qui fignifioiç
toutes fortes de fruits en général , ik fin-
guliérement les aromates ; d'où l'on a fait
en françois épices , terme qui comprenoit
autrefois toutes fortes de confitures , parce
qu'avant la découverte des Indes , &c que
l'on eût l'ufage du fucre , on faifoit confire
les fruits avec des aromates ; on faifoit
aux juges des préfens de ces fortes de fruits ,
ce qui leur fit donner le nom d'épices.
L'origine des épices , même en argent ,
remonte jufqu'aux Grecs,
Homère , Iliade VI ', dans la defcriptiort
qu'il fait du jugement qui étoit figuré fur
lç bouclier d'Achille, rapporte qu'il y avoit
deux talens d'or pofés au milieu des ju-
ges , pour donner à celui qui opineroit le
mieux. Ces deux talens étoient , il eft vrai
alors , de peu de valeur \ car Budé , en
fou
E PI
fon IVe. liv. de ajje , en parlant de talento
homerico , prouve par un autre pallage du
XXIVe. de l'Iliade , que ces deux talens
d'or étoient eftimés moins qu'un chauderon
d'airain.
Plutarque, en la vie de Périclès , fait men-
tion d'un ufage qui a encore plus de rap-
port avec les épices ; il dit que Périclès fut
le premier qui attribua aux juges d'Athè-
nes des falaires appelles prytanées , parce
qu'ils fe prenoient fur les deniers que les
plaideurs confignoient à l'entrée du procès
dans la prytanée , qui étoit un lieu public
deftiné à rendre la juftice. Cette configna-
tion étoit du dixième , mais tout n'étoit pas
pour les juges : on prenoit auftï fur ces de-
niers le falaire des fergens \ celui du juge
étoit appelle 70 JWruoj'.
A Rome, tous les magiftrats &c autres
officiers avoient des gages fur le flfc , & fai-
foient ferment de ne rien exiger des parti-
culiers. Il étoit cependant permis aux gou-
verneurs de recevoir de petits préfens ap-
pelles xenia , mais cela étoit limité à des
chofes propres à manger ou boire dans trois
jours. Dans la fuite , Confbntin abolit cet
ufage , & défendit à tous miniftres de juftice
d'exiger ni même de recevoir aucuns pré-
ïens , quelque légers qu'ils fufient j mais
Tribonien , qui étoit lui-même dans l'ufage
d'en recevoir, ne voulut pas inférer cette
loi dans le code de Juftinien.
L'empereur lui-même fè relâcha de cette
févérité par rapport aux juges d'un ordre
inférieur,; il permit , par fa novelle xv. chap.
y), aux défendeurs des cités de prendre , au
lieu de gages , quatre écus pour chaque feu-
tence définitive j &. en la novelle Ixxxij.
chap. xjx. il afligne aux juges pedanées qua-
tre écus pour chaque procès , à prendre fur
les parties , outre deux marcs d'or de gages
qu'ils avoient fur le public.
Ces épices étoient appellées fportulœ , de
même que le falaire des appariteurs & au-
tres miniftres inférieurs de la jurifdictron j
ce qui venoit de [porta , qui étoit une petite
corbeille où l'on recueilloit les petits pré-
fens que les grands avoient coutume de dis-
tribuer à ceux qui leur faifoient la cour.
Par les dernières conftitutions greques ,
la taxe des épices fe faifoit eu égard à la
femme dont il s'agiffoit 3 comme de cent
Tome XU.
E P ï 657
écus d'or on prenoit un demi-écu , &. ainil
des autres fbmmes à proportion , fuivant
que le remarque Théophile , §. tripl. injïit.
de action.
On appelloit aufti les épices des juges
pulveratica , comme on lit dans Cafîiodore ,
lib. XII. variar. où il dit , pulveratica olim
judicibus prœfiabantur ; pulveraticum étoit le
prix & la récompenfè du travail , & avoit
été ainfî appelle , an faifant aliufîon à cette
pouffiere dont les luteurs avoient coutume
de fè couvrir mutuellement lorfqu'ils al-
loient au combat , afin d avoir plus de prifè
fur leur antagonifte.
Quelques-uns ont cru qu'anciennement
en France les juges ne prenoient point à' épi-
ces ; cependant , outre qu'il eft probable
que l'on y fuivit d'abord le même ufage
que les Romains y avoient établi , on voit
dans les loix des Vifigoths , liv. I. tit. ij. câ,
xxv. qui étoient obfervées dans toute l'A-
quitaine , qu'il étoit permis au rapporteur
de prendre un vingtième, vigefimumfolidum
pro labore & judicatâ caufâ ac légitimé deli-
beratâ. Il eft vrai que le concile de Verneuil
tenu l'an 884 au fujet de la difeipline ecclé-
fiaftique , défendit à tous juges eccléfiafti-
ques ou laïques de recevoir des épices , ut
nec chrifius , nec abbas , nec ullus laicus pro
juflitiâ faciendâ fportulas accipiat.
Mais il paroît que cela ne fut pas toujours
obfervé ; en effet , dès le temps de S. Louis,
il y avoit certaines amendes applicables au
profit du juge , & qui dans ce cas tenoient
lieu Ôl épices. On voit , par exemple , dans
l'ordonnance que ce prince fit en 1 2 54 , que
celui qui louoit une maifon à quelque ri-
baude , étoit tenu de payer au bailli du lieu ,
ou au prévôt ou au juge , une fomme égale
au loyer d'une année.
Ce même prince , en aboliffant une mau-
vaifè coutume qui avoit été long-temps ob-
fervée dans quelques tribunaux, par rap-
port aux dépens judiciaires & aux peines
que dévoient fùpporter ceux qui fuccom-
boient , ordonne qu'au commencement du
procès les parties donneront des gages de la
valeur du dixième de ce qui fait l'objet du
procès j que ces gages feront rendus aux
parties , & que dans tout le cours du pro-
cès., on ne lèvera rien pour les dépens ,'
mais qu'à la fin du procès celui qui fuccom-
O o 00
é<$ EPI
bera , paiera à la cour la dixième partie de
ce à quoi il fera condamné , ou l'eftima-
tion j que fi les deux parties fuccombent
chacune en quelque chef, chacune paiera
à proportion des chefs auxquels elle aura
fùccombé } que ceux qui ne pourront
pas trouver des gages , donneront cau-
tion , &c.
Ce dixième de l'objet du procès , que l'on
appelloit décima litium , fervoit à payer les
dépens dans lefquels font compris les droits
des juges. Il étoit alors d'ufage dans les tri-
bunaux laïques que le juge , fous prétexte de
fournir au falaire de fès affeffeurs , exigeoit
des parties ce dixième, ou quelque autre
portion , avec les dépenfes de bouche qu'ils
avoient faites :, ce qui fut défendu aux ju-
ges d'églife par Innocent III , fuivant le
chap. x. aux décrétales de vitâ & honeftate
clericorum , excepté lorfque le juge cft obligé
d'aller aux champs & hors de fa maifon \
le chapitre cîim ab omni , &. le chapitre
fiatutum , veulent en ce cas que le juge foit
défrayé.
Il u'étoit pas non plus alors d'ufàge en
cour d'églife de condamner aux dépens :
mais en cour laïque il y avoit trois ou qua-
tre cas où l'on y condamnoit, comme il pa-
roît par le chap. xcij. des établiifemens de
S. Louis en 12.70, & ce même chapitre
fait mention que la juftice prenoit un droit
pour elle.
Les privilèges accordés à la ville d'Ai-
guefmortes par le roi Jean , au mois de Fé-
vrier 1 3 50 , portent que dans cette ville les
juges ne prendroient rien pour les actes de
tutelle , curatelle , émancipation, adoption,
ni pour la confection des teftamens & or-
donnances qu'ils donneroient j qu'ils ne
pourroient dans aucune affaire faire faifir
les effets des parties pour fureté des frais ,
mais que quand l'affairé feroit finie , celui
qui auroit été condamné paieroit deux fous
pour livre de la valeur de la chofe fi c'étoit
un meuble ou de l'argent ; que fi c etoit un
immeuble , il paieroit le vingtième en ar-
gent de fa valeur, fuivant l'eftimation j que
fi celui qui avoit perdu fon procès , ne pou •
voit en même temps fatisfaire à ce qu'il de-
voit à fa partie & aux juges , la partie feroit
payée par préférence.
H y eut depuis quelques ordonnances qui
F PI
défendirent aux juges , même laïques , de
rien recevoir des parties , notamment celle
de 1302, rapportée dans l'ancien ftyle du
parlement , en ces termes : Prcvfati officiarii
nofiri nihil penitus exigant Jubjeclis nojiris.
Mais l'ordonnance de Philippe de Va-
lois , du 1 1 Mars 1 344 , permit aux com-
mifiàires députés du parlement , pour la
taxe des dépens , ou pour l'audition des té-
moins , de prendre chacun dix fous parifïs
par jour , outre les gages du roi.
D'un antre côté , l'ufage s'introduifit
que la partie qui avoit gagné fon procès ,
en venant remercier fes juges , leur préfen-
toit quelques boîtes de confitures feches ou
de dragées, que l'on appelloit alors épices.
Ce qui étoit d'abord purement volontaire
paflà en coutume , fut regardé comme un:
droit , & devint de nécefîité. Ces épices fu-
rent enfuite converties en argent : on en
trouve deux exemples fort anciens avant
même que les épices entraffent en taxe : l'un
eft du 12 Mars 1369 j le fire de Tournon
par licence de la cour fur fa requête donna
vingt francs d'er peur les épices de fon pro-
cès jugé , laquelle fbmme fut partagée en-
tre les deux rapporteurs ; l'autre eft que le
4 Juillet 1371 , un confeiller de la cour,
rapporteur d'un procès , eut après le juge-
ment de chacune des parties fix francs.
Mais les juges ne pouvoient encore rece-
voir des épices ou préfens des parties qu'en
vertu d'une permifîiôn fpéciale, & les épices
n'étoient pas encore toujours converties en
argent. En effet , Charles VI , par des let-
tres du 17 Mars 1395 , pour certaines cau-
Ces & confidérations , permit à Guillaume
de Seus , Pierre Boufchet , Henri de Marie ,
& Ymbert de Bcify , préfidens au parle-
ment , & à quelques confeillers de cette
cour , que chacun d'eux pût fans aucune
ojfenfe prendre une certaine quantité de
queues de vin à eux données par la reine de
Jérufalem & de Sicile , tante du roi.
Papon , eu fès arrêts , lit. des épices , rap-
porte un arrêt du 7 Mai 1384, qu'il dit avoir
jugé qu'en taxant les dépens de la caule
principale , on devoit taxer. auffi les épices
de l'arrêt.
Cependant du Luc , liv. V. de fes arrêts r
th. v. art. 1. en rapporte un poftérieur du 17
Mars 1403 , par lequel il fut décidé que le*
EP I
épices , qu'il appelle tragemata , n'entroient
point en taxe , loriqu'on en accordoit aux
ra >orteurs.
Il rapporte encore un autre arrêt de la
même année , qui énonce que dans les affai-
res importantes & pour des gens de qualité,
on permettoit aux rapporteurs de recevoir
deux ou trois boîtes de dragées ; mais l'arrêt
défend aux procureurs de rien exiger de leurs
parties fous ombre à épices.
Ces boîtes de dragées ie donnoient d'a-
bord avant le jugement pour en accélérer
l'expédition ; les juges regardèrent enfuite
cela comme un droit , tellement que dans
quelques anciens regiftres du parlement on
lit en marge, non deliberetur donec falvantur
fpecies ; mais comme on reconnut l'abus de
cet ufage , il fut ordonné par un arrêt de
1437 > rapporté par du Luc , liv. IV. th. v.
art. 10, qu'on ne paieroit point les épices au
rapporteur , & qu'on ne lui diftribueroit
point d'autre procès qu'il neût expédié celui
dont il étoit chargé. Il appelle en cet en-
droit les épices dicafiica , ce qui feroit
croire qu'elles étoient alors converties eu
argent.
On fe plaignit aux états de Tours , tenus
en 1483 , que la vénalité des offices indui-
foit les officiers à exiger de grandes & ex -
ceflîves épices , ce qui étoit d'autant plus
criant qu'elles ne pailbieut point encore en
taxe} cependant l'ufage en fut continué,
tellement que par un arrêt du 30 Novembre
1494 , il fut décidé que les épices des procès
jugés , fur lefquels les parties avoient tranfî-
gé , dévoient être payées par les parties &
non par le roi j & ce ne fut que par un règle-
ment du 18 Mai 1502 qu'il fut ordonné
qu'elles entreroient en taxe.
L'ordonnance de Roufîillon , art. 3 1 , &
celle de Moulins , art. 14 , défendirent aux
juges préfidiaux , & autres juges inférieurs ,
de prendre des épices , excepté pour le rap-
porteur.
La chambre des comptes fut autorifée à
en prendre par des lettres patentes du 1 1
Décembre 1581 , regiftrées en ladite cham-
bre le 24Mars 1582.
Ily a cependant encore plufîeurs tribunaux
où l'on ne prend point $ épices , tels que ie
confeil du roi ,- les confeils de guerre.
Les épices ne font point accordées pour
EPI *;*
le jugement , mais pour la vifite du
procès.
L edit du mois d'Août io'o'o contient ua
règlement général pour les épices & vaca-
tions.
Il ordonne que par provifion , & en at-
tendant que S. M. fe trouve en état d'aug-
menter les gages des officiers de judicatu-
re , pour leur donner moyen de rendre la.
juftice gratuitement , les juges , même les
cours , ne puifTent prendre d'autres épices
que celles qui auront été taxées par celui
qui aura préfidé , fans qu'aucun puiffe pren-
dre ni recevoir de plus grands droits , fous
prétexte d'extraits, de fciendum , ou d'arrêt j
ce qui eft conforme à ce qui avoit déjà été
ordonné par ïart. 127 de l'ordonnance de
Blois , qui yeut que la taxe en foit faite fur
les extraits des rapporteurs qu'ils auront
faits eux-mêmes, &: que l'on y ufe de mo-
dération.
Celui qui a préfidé , doit écrire de fa
main au bas de la minute du jugement la
taxe des épices , & le greffier en doit faire
mention fur les grofTes & expéditions qu'il
délivre.
M. Duperray, en fon traité des dîmes , c.
xi), fait mention d'une déclaration du roi.,
dont il ne dit pas la date , qui remit , à ce
qu'il dit , aux juges fubalternes les épices
mal-prifès , en payant une taxe. Il paroît être
d'avis que cette taxe ne difpenfe pas ces juges
de faire reftitution à ceux dont ils ont exigé
induement des épices.
On ne doit taxer aucunes épices pour les
procès qui font évoqués, ou dont la connoif-
fance eft interdite aux juges, encore que le
rapporteur en eût fait l'extrait , & qu'ils euf-
feut été mis fur le bureau <k même vus &
examinés. .
Il en eft de même de tous les jugemens
rendus fur requête & des jugemens eu ma-
tière bénéficiale , lorfqu'après la communi-
cation au parquet toutes les parties font d'ac-
cord de paffer appointement fur la mainte-
nue du bénéfice contentieux , s'il intervient
arrêt portant que les titres & capacités des
parties feront vues.
Il fut créé en 1581 & 1586 des offices
de receveurs des épices dans les différens tri-
bunaux du royaume : ceux de Beaujoiois
furent fupprimés en 1 588 , & tous les autre*
Qooo 2
Uo EPI
furent fupprimés en 1616 , & réunis aux
offices de greffiers & de maîtres- clercs des
greffes. Mais par édit du mois de Février
1629 , on rétablit tous ceux qui avoient été
reçus & inftallés , Se qui n'avoient point
été rembourfés. Enfuite on en créa d'alter-
natifs & de triennaux , qui ont été fuppri-
més ou réunis. Il y a eu encore nombre
d'autres créations & fupprefïions dont le
détail feroit trop long j il fuffit d'obferver
que "dans quelques tribunaux ces officiers
font en titre d'office , dans d'autres ils font
par commifîion.
L'édit de 1669 porte que les épias feront
payées par les mains des greffiers , ou autres
perfonnes chargées par l'ordre des compa-
gnies qui en tiendront regiftres, fans que les
juges ou leurs clercs puillent les recevoir
par les mains des parties ou autres per-
fonnes.
Il eft défendu aux greffiers , fous peine
d'amende , de réfuter la communication du
jugement , quoique les épias & vacations
n'aient pas été payées.
Louis XII avoit donné une ordonnance
qui autorifoit les juges à ufer de contrainte
contre les parties pour leurs épias \ mais
cette ordonnance ne fut pas vérifiée , on
permettoit feulement aux juges de fè pour-
voir par requête , fuivant les arrêts rappor-
tés par Guenois : ufage qui a été aboli , auiïi
bien que celui de faire configner les épias
avant le jugement , comme cela s'obfer-
voit dans quelques parlemens \ ce qui fut
abrogé par une déclaration du 16 Février
1683, & autres à -peu -près du même
temps.
Préfèntement les juges , foit royaux , ou
<\es fèigneurs , ne peuvent décerner en leur
nom , ni en celui de leurs greffiers , aucun
exécutoire pour les épias , à peine de con-
euffion } mais on peut en délivrer exécutoire
à la partie qui les a débourfées.
Les épias ne font pas fàifîflables,
Les procureurs généraux & procureurs
«lu roi , & leurs fubftituts , font auffi auto-
rifés à prendre des épiûes pour les conclu-
fions qu'ils donnent dans les affaires de rap-
port. V. Pafquier enfes recherches de la Fran-
ce , liv. 11. ch.jv. Loyfeau , des offic. ch. xiij.
Joly , des ojjïc, tit. des épiées. Bornier ,fur
E PI
l'édit de 1669. Bouchel , au mot Epices , &
les arrêts de réglemens des 10 Avril 1691 &
8 Août 17 14. [A)
EPICIER , f. m. On appelle à Paris le
corps d'Epiciers , celui des fix corps des mar-
chands où fe fait le commerce des drogues ,
& autres marchandifes comprifes fous le
nom d'épicerie: il eft le fécond des fix corps,
& a rang après celui de la draperie.
Le corps d'épicerie eft partagé en Apo-
thicaires &t Epiciers , &C ces derniers en
Droguiftes , Confituriers , & Ciriers ou
Ciergiers j enforte qu'il y a cinq fortes de
marchands dans ce corps.JQ eft gouverné par
les mêmes maîtres & gardes , &régi parles
mêmes loix. Ces maîtres & gardes font an
nombre de fix , trois apothicaires & trois
épiciers. Les plus anciens de ces deux corps
actuellement en charge , font appelles
grands-gardes ou préfidens. Leur préfèance
eft alternative. Tous les ans , après la faint
Nicolas leur patron, on élit deux nouveaux
gardes , un épicier , & l'autre apothicaire.
Cette élection fe fait dans le bureau , en
préfènee du lieutenant général de police ,
du procureur du roi du châtelet , & d'un
greffier : les Apothicaires & les Epiciers
font de l'aflèmblée : tous les épiciers qui ont
paffé par la charge de garde , y ont entrée ,
avec quarante autres qu'on appelle des man-
dés , tirés des modernes & des anciens. On
n'eft jamais deux fois mandé de fuite. Les
gardes- épiciers font élus avec les apothicai-
res , qui nomment feuls ceux de leur art.
La fonction de ces gardes eft de tenir la
main à l'exécution des ftatuts & réglemens}
de faire au moins trois vifites par an , & de
faire en outre des vifites générales chez tous
les marchands, maîtres des coches, &c.
pour confronter les poids & les balances.
Il n'y a que les marchands des cinq aunes
corps qui foient exempts de ces vifites. Il
n'y a que les Epiciers qui puiiîènt la faire ,
parce qu'ils ont de tout temps eu des éta-
lons de poids en dépôt. Ils les doivent en-
core faire vérifier de fix ans en fix ans par
la cour des monnoies , fiir les matrices ori-
ginales. L'un des gardes eft encore chargé
de la dépenfe commune \ fuccefîïvement
un apothicaire & un épicier , qui rend fort
compte tous les ans devant les gardes ea
charge &. les anciens qui l'ont été. Nul ne
E P î
peut être reçu dans le corps d'Epicerie,
qu'il ne foit François , ou naturalifé par
lettres-patentes: Pour être apothicaire , il
faut avoir fait quatre ans d'apprentiflage ,
& avoir fîx ans de fer vice chez les maîtres :,
il n'y a qu'eux qui foient obligés au chef-
d'œuvre. Les épiciers aipiraus doivent avoir
fait trois ans de compagnona *e , & fix de
fèrvice. Les veuves des uns & des autres
peuvent , en viduité , exercer le commerce
de leurs maris , avec un garçon approuvé
par les maîtres & gardes : elles ne peuvent
faire d'apprentis , ni donner leur boutique
à un garçon fous leur nom , à moins qu'il
ne demeure avec elles. Les épiciers qui ne
font point droguiftes , ne peuvent vendre
aucune marchandife d'Apothicairerie. Les
drogueries & épiceries font d'abord , avant
la diftribution générale , dépofées au bu-
reau , & examinées par les gardes.
Leurs ftatuts ont été confirmés par let-
tres-patentes de plufieurs de nos rois , en-
tr'autres de Henri IV , en 1 594 , &: de
Louis XIII, en 161 1 & eu 1624. Dans
les cérémonies publiques les gardes de ce
corps ont droit de porter la robe de drap
noir , à collet & manches pendantes , bor-
dées & parementées de velours de la même
couleur. Cette robe eft la confulaire , &
commune aux maîtres des cinq autres corps.
Un épicier qui eft garde , ou qui l'a été ,
décédant , les maîtres en charge font obli-
gés d'afîifter à fon fcrvice & enterrement ;
les quatre plus jeunes portant le poile , &
les deux grands fuivant immédiatement le
corps , accompagnés des quatre courtiers
du corps menant le deuil. La même céré-
monie s'pbfèrve à l'égard des femmes ,
veuves ou non. Le bureau fournit le poiîe
&: fix chandeliers d'argent , fix flambeaux
de cire blanche ornés des armoiries du
corps , les Apothicaires & les Epiciers en
ayant qui leur font particulières. Diâionn.
& réglem. du Commerce,
EPICHEREME , f. {.{Logique. ) L'é-
cole a donné le nom d'épicheréme aux fyllo-
gifmes dans lefquels l'on joint à chaque
prémilfe fa preuve -, au moins lorfque cha-
cune en a belbiu. M. de Croufaz en donne
l'exemple fuivant :
// eft raifonnable depenfer que les biens qui
ont le plus de rapport à ce que notre nature
E P ï
êét
renferme de plus excellent, font les plus capa-
bles de nous rendre heureux ; car la félicité
& la perfection doivent aller a un pas égal ,
puifqu elles font tune & l'autre notre but.
Or la feience & la fagejfe font des biens
qui perfectionnent ce qui/ y a en nous déplus
excellent , puifque t entendement & la volonté
font des facultés beaucoup plus eftimables que
les fens.
Il ejt donc raifonnable de penfer que fon
fe rendra plus heureux par la connoijfance &
par lafagejfe , que parles voluptés des fens.
Uépicherême , dit-on , a un grand avan-
tage; c'eft de ne point retarder l'impatience
de l'homme , parce qu'elle prouve fès pré-
milîès en les avançant : ce qui eft court 8c
très-agréable \ mais il ne s'agit pas ici d'a-
gréjnent. Ou de fi courtes preuves font
inutiles par l'évidence de la propofition ,
ou elles ne font pas fuffifàntes pour la dé-
montrer. Uépicherême de M. de Crouïàz
lui-même n'eft peut être pas trop folide ;
mais qu'il le foit ou non , je dis que des
preuves que l'on fait paffer fi rapidement
devant l'efprit , ne font guère propres qu'à
l'éblouir , au lieu de l'éclairer : ainfi l'ufage
de ce fyllogifme irrégulier , qu'on nomme
épicherétne , n'eft bon que pour former les
récapitulations des orateurs , quand les prin-
cipes d'où dépend leur conclufion , ont
déjà été précédemment établis & prouvés
par ordre. De Jaucourt.
* EPICLIDIES , adj. pris fubftantif.
( Mythol. ) fêtes que les Athéniens avoient
inftituées en l'honneur de Cérès. Héfychius
qui nous a tranfmis ce nom , ne nous eii
dit pas davantage.
* EPICOMBES , f. m. pi. ( Hiji. anc. )
bouquets enrichis de monnoies ou pièces
d'or , d'argent & de cuivre , qu'un féna-
teur jetoit au peuple , lorfque l'empereur
de Conftantinople fortoit de l'églifè. Il y
avoit ordinairement dix mille de ces bou-
quets , & chaque bouquet renfermoit au
moins trois pièces d'or & trois pièces d'ar-
gent. Cette largeife étoit très-confidérable ,
& la forme en étoit honnête.
EPICRANE , f. m. ( Anat. ) partie qui
environne le crâne. Voye\ Crâne &
* EPICRENE ,{.{.( Mythol. ) fêtes que
les Lacédémoniens célébroient, & qu'ils
66i E P I
appelloient la fête des fontaines : c'eft tout
ce que nous en favons.
* EPICURÉISME ou EPICURISME ,
fubft. m. ( Hift. de la Philofophie. ) La fecte
éléatique donna naiflance à la fecle épicu-
rienne. Jamais philofophie ne fut moins
entendue & plus calomniée que celle d'E-
pi cure. On accufa ce philofophe d'athéif-
me , quoiqu'il admît l'exiftence des dieux ,
qu'il fréquentât les temples , & qu'il n'eût
aucune répugnance à fê profteruer aux
pies des autels. On le regarda comme l'a-
pologifte de la débauche , lui dont la vie
étoit une pratique continuelle de toutes les
vertus , & fur-tout de la tempérance. Le
préjugé fut fi général , qu'il faut avouer ,
à la honte des Stoïciens qui mirent tout
eu œuvre pour le répandre , que les Epi-
curiens ont été de très-honnêtes gens qui
ont eu la plus mauvaife réputation. Mais
afin qu'on puiife porter un jugement éclairé
déjà doctrine d'Epicure , nous introduirons
ce philofophe même , entouré de fès difci-
ples , & leur dictant Ces leçons à l'ombre
des arbres qu'il avoit plantés. C'eft donc
lui qui va parler dans le refte de cet arti-
cle \ & nous efpérons de l'équité du lecteur ,
qu'il voudra bien s'en fouvenir. La feule
chofe que nous nous permettons , c'eft de
jeter entre {es principes quelques-unes des
conféquences les plus immédiates qu'on en
peut déduire.
De la philofophie en général. L'homme
eft né pour penfer & pour agir , & la phi-
lofophie eft faite pour régler l'entendement
& la volonté de l'homme : tout ce qui s'é-
carte de ce but , efi frivole. Le bonheur
s'acquiert par l'exercice de la raifon , la
pratique de la vertu , & l'ufage modéré
des plaints:, ce qui fuppofè la fanté du corps
& de l'ame. Si la plus importante des con-
noilfauces eft de ce qu'il faut éviter & faire ,
le jeune homme ne peut fe livrer trop tôt
à l'étude de la philofophie , & le vieil-
lard y renoncer trop tard. Je diftingue en-
tre mes difciples trois fortes de caractères:
il y a des hommes , tels que moi , qu'au-
cun obftacie ne rebute , & qui s'avancent
feuls & d'un mouvement qui leur eft pro-
pre , vers la vérité , la vertu & la félicité }
des hommes , tels que Métrodore , qui
ont bcfoin d'un exemple qui les encourage j
E PI
& d'autres , tels qu'Hermaque , à qui il
faut faire une eipece de violence. Je les
aime & les eftime tous. Oh , mes amis !
y a- t-il quelque chofe déplus ancien que la
vérité ? la vérité n'étoit-eîle pas avant tous
les philofophes? Le philofophe méprifèra
donc toute autorité & marchera Iroit à la
vérité , écartant tous les fantômes vains qui
fe préfèirteront fur fa route &: l'ironie de
Socrate & la volupté d'Epicure. Pourquoi
le peuple refte t-il plongé dans l'erreur ?
c'eft qu'il prend des noms pour des
preuves. Faites-vous des principes } qu'ils
fbient en petit nombre , mais féconds en
conféquences. Ne négligeons pas l'étude de
la nature , mais appliquons-nous particu-
lièrement à la fcieuce des mœurs. De quoi
nous ferviroit la connoiflance approfondi^
des êtres qui font hors de nous , fi nous
pouvions, fans cette connoùTance , diOiper
la crainte , obvier à la douleur , &c fatis-
faire à nos befoins ? L'ufage de la dialecti-
que pouffé à l'excès , dégénère dans l'art de
femer d'épines toutes les fciences : je hais
cet art. La véritable Logique peut fe réduire
à peu de règles. Il n'y a dans la nature que
les chofès & nos idées j & coniéquem-
ment il n'y a que deux fortes de vérités,
les unes d'exiftence , les autres d'induction.
Les vérités d'exiftence appartiennent aux
feus \ celles d'induction , à la raifon. La
précipitation eft la fource principale de nos
erreurs. Je ne me lafTerai donc point de vous
dire , attende^. Sans l'ufage convenable des
fèns , il n'y a point d'idées ou de prénotions }
& fans prénotions , il n'y a ni opinion ni
doute. Loin de pouvoir travailler à la re-
cherche de la vérité , on n'eft pas même en
état de fè faire des lignes. Multipliez donc
les prénotions par un ufage aiîîdu de vos
fens \ étudiez la valeur précifè des lignes
que les autres ont inftitués , &: déterminez
foigneufement la valeur de ceux que vous
inftituerez. Si vous vous réfolvez à parler ,
préférez les expreflîons les plus (impies 6c
les plus communes , ou craignez de n'être
point entendus , & de perdre le temps à
vous interpréter vous-mêmes. Quand vous
écouterez , appliquez-vous à fentir toute la
force des mots. C'eft par un exercice ha-
bituel de ces principes que vous parvien-
drez à difeerner fans effort le vrai , le faux ,
EP I
l'ebfcur & l'ambigu. Mais ce n'eft pas affez
que vous fâchiez mettre de la vérité dans
vos raifonnemens , il faut encore que vous
fâchiez mettre de la fageiîe dans vos actions.
En général , quand la volupté n'entraînera
aucune peine à fa fuite , ne balancez pas à
l'embraifer \ fi la peine qu'elle entraînera eft
moindre qu'elle , embraiîez-la encore : em-
braffez même la peine dont vous vous pro-
mettrez un grand plaifir. Vous ne calcule-
rez mal , que quand vous vous abandonne-
rez à une volupté qui vous caufera une trop
grande peine , ou qui vous privera d'un plus
grand plaifir.
De la phyfiologie en général. Quel but
nous propofèrons-nous dans l'étude de la
Phyfïologie ? fi ce n'eft de connoître les
caufès générales des phénomènes , afin que
délivrés de toutes vaines terreurs , nous
nous abandonnions fans remords à nos ap-
pétits raifonnables \ & qu'après avoir joui
de la vie , nous la quittions fans regret. Il
ne s 'eft rien fait de rien. L'univers a tou-
jours été , & fera toujours. Il n'exifte que
la matière 8c le vuide \ car on ne conçoit
aucun être mitoyen. Joignez à la notion
du vuide l'impénétrabilité , la figure & la
pefanteur , 8c vous aurez l'idée de la ma-
tière. Séparez de l'idée de matière les mê-
mes qualités , 8c vous aurez la notion du
vuide. La Nature confidérée , abftra&ion
faite de la matière , donne le vuide } le
vuide occupé donne la notion du lieu \ le
lieu traverfé donne l'idée de région. Qu'en-
tendrons nous par l'efpace , fiuon le vuide
confidéré comme étendu ? La néceUîté
du vuide eft démontrée par elle-même :,
car fans vuide , où les corps exifteroient-
ils ? où fe mouveroienr-ils ? Mais qu'eft-
ce que le vuide ? eft-ce une qualité ? eft-ce
une chofe ? Ce n'eft point une qualité. Mais
fî c'eft une chofe , c'eft donc une chofe
corporelle ? il n'en faut pas douter. Cette
chofe uniforme , homogène , immenfe ,
éternelle , traverfé tous les cerps fans les
altérer , les détermine , marque leurs li-
mites , & les y contient. L'Univers eft
l'agrégat de la matière & du vuide. La
matière eft infinie , le vuide eft infini : car
lî le vuide étoit infini 8c la matière finie ,
rien ne retiemlroit les corps 8c ne borne-
rait leurs écarts : les pcrcnflions £c les
EPI 66$
repercufllons cefiéroient j 8c l'Univers ,
loin de former un tout , ne fcroit dans qucl-
qu'inftant de la durée qtii fuivra , qu'un
amas de corps ifoiés , 8c perdus dans l'im-
menfité de l'efpace. Si au contraire la ma-
tière étoit infinie 8c le vuide fini -, il y au-
roit des corps qui ne feroieut pas dans l'ef-~
pace , ce qui eft abfurde. Nous n'appli-
querons donc à l'Univers aucune de ces
expreflions par lefquelles nous diftiiiguons
des dimenfions Se nous déterminons des
points dans les corps finis. LUuivers eft
immobile , parce qu'il n'y a point d'efpace
au delà. Il eit immuable , parce qu'il n'eft
fufceptible ni d'accroiflement ni de dimi-
nution. Il eft éternel, puifqu'il n'a point
commencé , 8c qu'il ne finira point. Ce-
pendant les êtres s'y meuvent , des loix s y
exécutent , des phénomènes s'y fuccedenr..
Entre ces phénomènes les uns fe produi-
fent , d'autres durent , & d'autres paffent 'T
mais ces vicifîitudes font relatives aux par-
ties , & non au tout. La feule conféquence
qu'on puiflè tirer des générations 8c des
deftru&ions , c'eft qu'il y a des élémens
dont les êtres font engendrés , 8c dans le£
quels ils fe réfblvent. On ne conçoit ni
formation ni réfolutior, , fans idée de com-
pofition } 8c l'on n'a point d idée de com-
pofition , fans admettre des particules fini-
pies, primitives 8c conftituantes. Ce font
ces particules que nous appellerons atomes.
L'atome ne peut ni fe divifer , ni fe Ampli-
fier, ni fè réfoudre ; il eft effentiellement
inaltérable 8c fini : d'oîr il s'enfuit que dans
un compofé iîni , quel qu'il foit , il n'y a
aucune forte d'infini ni en grandeur, ni en
étendue , ni en nombre. Homogènes , eu
égard à leur fblidité 8c à leur inaltérabilité ,
les atomes ont àes qualités fpécifiques qui
les différencient. Ces qualités font la gran*
deur , la figure , la pefanteur , 8c toutes
celles qui en émanent, telles que le poli 8c
l'anguleux. Il ne faut pas mettre au nombre
de ces dernières , le froid , le chaud , 8c
d'autres fèmblables j ce ferait confondre des
qualités immuables avec des effets momen-
tanés. Quoique» nous alignions à l'atome
toutes les dimenfions du corps fênfîble r
il eft cependant plus petit qu'aucune por-
tion de matière imaginable : il échappe
à nos feus , dont la portée eft la raefuxa;
Ù* E ? î
de l'ima^îiiabîa , foit en pctitefîe , fbit
eu grandeur. C'eft par la différence des
atomes que s'expliqueront la plupart des
phénomènes relatifs aux feufations &: aux
paillons. La diverfité de figure étant uue
finie néeciiaire de la diverfité de grandeur,
il ne feroit pas impoflible que dans tout
cet Univers il n'y eût pas un compofé
parfaitement égal à un autre. Quoiqu'il
y ait des atomes , les uns anguleux , les
autres crochus , leurs pointes ne s'émouf-
fent point , leurs angles ne fè brifent jamais.
Je leur attribue la pefanteur comme une
qualité eiîentieîle , parce que fe mouvant
actuellement , ou tendant à fè mouvoir, ce
ne peut être qu'en confequence d'une force
iuîriufeque , qu'on ne peut ni concevoir ni
appeîler autrement quepondérarion. L'atome
a deux mouvemens principaux } un mouve-
ment de chute ou de pondération qui l'em-
porte ou qui i'emporteroit fans le concours
d'aucune action étrangère j & le choc ou le
mouvement de réflexion qu'il reçoit à la ren-
contre dTun autre. Cette dernière efpece de
mouvement eft variée félon l'infinie diverfité
des maries & des directions. La première
étant une énergie intrinfeque de la matière ,
c'eft elle qu'il faut regarder comme la con-
fèrvatrice du mouvement dans la Nature ,
&: la caufe éternelle des comportions. La di-
rection générale des atomes emportés par le
mouvement de pondération , n'eft point
parallèle:, elle eft un peu convergente} c'eft
à cette convergence qu'il faut rapporter les
chocs , les cohérences , les compofitions
d'atomes , la formation des corps , l'ordre
de l'Univers avec tous fes phénomènes.
Mais d'où naît cette convergence ? de la
diverfité originelle des atomes , tant en
malle qu'en figure , & qu'en force pondé-
rante. Telle eft la vîteffe d'un atome & la
non-réfiftance du vuide , que fi l'atome ne-
toit arrêté par aucun obftacle , il parcotir-
roit le plus grand efpace intelligible dans
le temps le plus petit. En effet , qu'eft-ce
qui le retarderoit ? Qu 'eft-ce que le vuide ,
eu égard au mouvement ? aufîî tôt que les
atomes combinés ont formé un compofé ,
ils ont dans ce compofé , & le compofé a
dans l'efpace différens mouvemens , diffé-
rentes actions , tant intrinfèques qu'extrin-
feques , tant au loin que dans le lieu. Ce
EPI
qu'on appelle communément des élément ,
font des compofës d'atomes j on peut regar-
der ces compofës comme des principes ,
mais non premiers. L'atome eft la caufè
première par qui tout eft, & la matière pre-
mière dont tout eft. Il eft actif eiîëntielle-
ment & par lui-même. Cette activité des-
cend de l'atome à l'élément , de l'élément
au compofé , & varie feion toutes les com-
pofitions poffibles. Mais toute activité pro-
duit ou le mouvement local , ou la tendance.
Voilà le principe univerfel des deftructions
& des régénérations. Les viciffitudes des
compofés ne font que des medes du mou-
vement , & les fuites de l'activité effen-
tielle des atomes qui les couftituent. Com-
bien de fois n'a-t-ofl pas attribué à des cau-
fës imaginaires , les effets de cette activité
qui peut , félon les occurrences , porter les
portions d'un être à des diftances immenfes ,
ou fè terminer à des ébranlemens , à des
tranflatious imperceptibles ? C'eft elle qui
change le doux en acide , le mou en dur ,
&c. Et même , qu'eft-ce que le deftin , finon
l'univerfalité des caufes ou des activités
propres de l'atome , confidéré ou folitaire-
ment , ou en compofition avec d'autres
atomes ? Les qualités efîëntielles connues^
des atomes , ne font pas en grand nombre j
elles fliffîfent cependant pour l'infinie va-
riété des qualités des compofës. De la fépa-
ration des atomes plus ou moins grande ,
naiffent le denfè , le rare , l'opaque , le
tranfparent : c'eft de-là qu'il faut déduire
encore la fluidité , la liquidité , la dureté,
la mollefîè , le volume , &c. D'où ferons-
nous dépendre la figure , finon . des parties
compofantes } & le poids , finon de la force
intrinfeque de pondération ? cependant à
parler avec exactitude , il n'y a rien qui foit
abfolument pefant ou léger. Il faut porter
le même jugement du froid &: du chaud.
Mais qu'eft-ce que le temps ? C'eft dans
la nature une fuite d'événemens \ & dans
notre entendement , une notion qui eft la
fource de mille erreurs. Il faut porter le
même jugement de l'efpace. Dans la na-
ture , fans corps point d'efpace , fans événe-
mens fuccefîïfs, point de temps. Le mou-
vement & le repos font des états dont la no-
tion eft inféparable en nous de celles de l'e£
pace & du temps. Il n'y aura de productions
nouvelles
E P I
nouvelles dans la nature , qu'autant que
la compofition diverfe des atomes en
admettra. L'arôme in:réé & inaltérable eft
le principe de toute génération & de toute
corruption, il fuitdefon activité efFentielle
& intrinfeque , qu'il n'y a nul compofé qui
foit éternel : cependant il ne feroit pas ab-
solument impofîible qu'après notre diflolu-
tion , il ne fe fit une combinaifon générale
de toute la matière , qui reftituât à l'Uni-
vers le même afpect qu'il a , ou du moins
une combinaifon partielle des élémens qui
nous constituent , en conféquence de la-
quelle nous refTufciterions ; mais ce feroit
fans mémoire du pafïé. La mémoire s'éteint
au moment de la deftrudion. Le monde
n'eft qu'une petite portion de l'Univers ,
dont la foiblefîe de nos fens a fixé les limi-
tes ; car l'Univers eft illimité. Confédéré
relativement à fes parties & à leur ordre ré-
ciproque ^ le monde eft un ", il n'a point d'a-
me; ce n'eft donc point un dieu ; fa forma-
tion n'exige aucune caufe intelligente &fu-
prême. Pourquoi recourir à de pareilles
caufes dans la philofophie , lorfque tout a
pu s'engendrer & peut s'expliquer par le
mouvement , la matière , & le vuide ? Le
monde eft l'effet du hafard , & non l'exécu-
tion d'un defTein. Les atomes fe font mus
de toute éternité. Confidérés dans l'agita-
tion générale d'où les êtres dévoient éclore
dans le temps, c'eftceque nous avons nom-
mé le chios; confidérés après que les natures
furent éclofes , & l'ordre introduit dans cet-
te portion de l'efpace , tel que nous l'y
voyons > c'eft ce que nous avons appelle le
monde : ce feroit un préjugé que de conce-
voir autrement l'origine de la terre , de la
mer , & des cieux. La combinaifon des ato-
mes forma d'abord les femences générales ;
ces femences fe développèrent , & tous les
animaux, fans en excepter l'homme, furent
produits feuls , ifolés. Quand les femences
lurent épuifées , la terre ceflad'en produi-
re, & les efpeces fe perpétuèrent par diffé-
rentes voies de génération. Gardons-nous
bien de rapporter à nous les tranfactions de
la nature; les chofesfe font faites , fans qu'il
y eut d'autre caufe que l'enchaînement uni-
verfeldes êtres matériels qui travaillât, foit
à notre bonheur , foit à notre malheur
Laifïbns-là auflî les génies & les démons ;
Tome XII
EPI 6tf
s'ils étoient , beaucoup de chofes ou ne
feroient pas , ou feroient autrement. Ceux
qui ont imaginé ces natures n'étoient point
philofophes , & ceux qui les ont vues n'é-
toient que des vifionnaires. Mais fi le monde
a commencé, pourquoi ne prendroit-il pas
une fin ? n'eft-ce pas un tout compofé ?
n'eft- ce pas un compofé fini? l'atome n'a
t-il pas confervé fon activité dans ce grand
compofé, ainfi que dans fa portion la plus
petite? cette activité n'yeft-ellepas égale-
ment un principe d'altération & de deftruc-
tion ? Ce qui révolte notre imagination , ce
font les fauftes mefures que nous nousfom-
mes faites de l'étendue & du temps;
nous rapportons tout au point de l'efpace
que nous occupons , & au court inftant de
notre durée. Mais pour juger de notre mon-
de , il faut le comparer à l'immenfité de
l'univers, & à l'éternité des temps: alors ce
globe eût-il mi'le fois plus d'étendue , ren-
trera dans la loi générale , & nous le verrons
fournis à tous les accidens de la molécule.
Il n'y d'immuable , d'inaltérable , d'éter-
nel , que l'atome ; les mondes parferont ,
l'arôme reftera tel qu'il eft. La pluralité
des mondes n'a rien qui répugne. Il peut y
avoir des mondes femblabîes au nôtre ; il
peut y en avoir de différents. Il faut les con-
fidérer coinme de grands tourbillons ap-
puyés les uns contre les autres , qui en refTer-
rent entr'eux de plus petits , & qui rem-
pliflent enfemble le vuide infini. Au milieu
du mouvement général qui produifit le nô-
tre , cet amas d'atomes que nous appelions
Te:re , occupa le centre; d'autres amas
allèrent former le ciel & les aftres qui l'é-
clairent. Ne nous en laifïbns pas impofer
fur la chute des graves : les graves n'ont
point de centre commun ; ils tombent pa-
rallèlement. Concluons -en l'abfurdité des
Antipodes. La terre n'eft point un corps
fphérique ; c'eft un grand difque que l'at-
mofphere tient fufpendu dans l'efpace : la
Terre n'a point d'ame ; ce n'eft donc point
une divinité. C'eft a des exhalaifons fouter-
raines, à des chocs fubits 9 à la rencontre
de certains élémens oppofés , à l'action du
feu , qu'il faut attribuer fes tremblemens.
Si les fleuves n'augm entent point les mers,
c'eft que relativement à ces volumes d'eau,
| à ieuïi immenfes refervoirs, & à la quantité
P ppp
€66 EPI
de vapeurs que le Soleil élevé de leur
farface , les fleuves ne (ont que de foibles
écoulemens. Les eaux de la mer fe répan-
dent dans toute la mafTe terreftre, l'arrofent,
fe rencontrent, fe raflèmblent , & viennent
fé précipiter derechef dans les badins d'où
elles s'étoient èxtravafées : c'eft dans cette
circulation qu'elles font dépouillées de leur
amertume. Les inondations du Nil font
occafionnées par des vents étéiiens, qui fou-
levent la mer aux embouchures de ce fleu-
ve , y accumulent des digues de fable , &
le font refluer fur lui-même. Les monta-
gnes font aufli anciennes que la terre. Les
plantes ont de commun avec les animaux ,
qu'elles naiflent , fe nourriffent , s'accroif-
fent y dépéiiffent & meurent: mais ce n'eft
point uneame qui les vivifie : tout s'exécute
dans ces êtres par le mouvement & Tinter-
pofition. Dans les animaux , chaque organe
élabore une portion de femence , & la tranf-
met à un réfervoir commun : de-là cette
analogie propre aux molécules féminales ,
qui les fépare , les diftribue , les difpofe
chacune à former une partie femblable à
celle qui l'a préparée, & toutes, à engen-
drer un animal femblable. Aucune intelli-
gence ne préfide à ce méchanifme. Tout
s'exécutant comme fl elle n'exiftoit point,
pourquoi donc en fuppoferions - nous l'ac-
tion ? Les yeux n'ont point été faits pour
voir , ni les pies pour marcher: mais l'ani-
mal a eu des pies , & il a marché ; des yeux,
& il a vu. L'ame humaine eft corporelle,
ceux qui affurent le contraire ne s'entendent
pas, & parlent fans avoir d'idées. Si elle étoit
incorporelle , comme ils le prétendent, elle
ne pourroit ni agir , ni fouîTrir ; fon hétéro-
généité rendroit impofîible fon a&ion fur le
corps. Recourir à quelque principe imma-
tériel , afin d'expliquer cette aclion, ce n'eft
pas réfoudre la difficulté, c'eft feulement la
tranfporter à un autre objet. S'il y avoit dans
la nature quelque être qui pût changer les
natures , la vérité ne feroit plus qu'un vain
nom:or pour qu'un être immatériel fut un
inftrument applicable à un corps, il fau-
droit changer la nature de l'un ou de l'au-
tre. Gardons-nous cependant de confondre
l'ame avec le refte de la fubilance animale.
L'ame eft un compofé d'atomes fi unis y fi
légers , fi mobiles , qu'elle peut fe féparer
E PI
du corps fans qu'il perde fenfiblement de
fon poids. Ce réfeau , malgré fon extrême
fubtilité , a plulieurs qualités diftincles; il
eft aérien , igné , mobile , & fenfible. Ré-
pandu dans tout le corps , il eft lacaufe àe$
pallions , des a&ions , des mouvemens , des
facultés , des penfées , & de toutes les au-
tres fonctions _, foit fpirituelles , foit anima-
les; c'eft lui qui fent , mais il tient ccite
pniflànce du corps. Au moment où l'ame>
fe fépare du corps , la fenfibilité s'évanouit,
parce que c'étoit le réfultat de leur unien;
les fens ne font qu'un toucher diverfàfié ; n
s'écoule fans ceflè des corps mêmes , des fi-
mulacies qui leur font femblabies , & qu*
viennent frapper nos fens. Les fens fontf
communs à l'homme & à tous les animaux.
La raifon peut s'exercer , même quand les
fens fe repofent. J'entends par Xefprit, la por-
tion de l'ame la plus déliée. L'efpriteft dif-
fus dans toute la fubftance de l'ame ,
comme l'ame eft diflufe dans toute la
fubftance du corps ; il lui eft uni ; il ne*
forme qu'un être avec elle ; il produit fes
a&es dans des inftants prefque indivifibles; il
a fon fîege dans le cœur : en effet c'eft de-là
qu'émanent la joie , la triftefle , la force , la
pufillanimiré , &c. L'ame penfe , comme
l'œil voit, par des ftmulacres ou des idoles}
elle eft affe&ée de deux fentimens généraux,
la peine & le plaifir. Troublez l'état natu-
rel des parties du corps , & vous produirez
la douleur ; reftituez les parties du corps
dans leur état naturel , & vous ferez éclore
le plaifir. Si ces parties, au lieu d'ofciller
pouvoient demeurer en repos , ou nous cef-
ferions de fentir, ou , fixés dans un état de
paix inaltérable , nous éprouverions peut-
être la plus voluptueufe de toutes les fitua-
tions. De la peine & du plaifir naiftent le
defir & l'averfion. L'ame en général s'épa-
nouit & s'ou vre a u plai fi r; elle fe flétri t&fe
refterre à la peine. Vivre , c'eft éprouver ces
mouvemens alternatifs. Les paftions varient
félon la combinaifon des atomes qui compo-
fent le tiffu de l'ame. Les idoles viennent
frapper le fens ; le fens éveille l'imagination;
l'imagination excite l'ame , & l'ame fait
mouvoir le corps. Si le corps tombe d'afFoi-
bliffement ou de fatigue , l'ame accablée ou
diftraite fuccombe au fommeil. L'état où
elle eft obfédée de fimuîacres écrans qui k
EPI
tourmentent ou qui Pamufent involontaire-
ment^eft ce que nous appellerons Yinfomnie
.ou le rêve , félon le degré de confcience qui
lui refte de Ton état. La mort n'eft que la
.cefTation de la fenfibilité. Le corps difîbus ,
lame eftdiflbute ;fes facultés fon anéanties ;
idle ne penfe plus;elle nefe reffouvient point;
^ellenefoutfre ni n'agit. La diffolution n'eft
pas une annihilation ; c'eft feulement une fé-
paration de particules élémentaires. L'ame
n'étoit pas avant la formation du corps, pour-
quoi feroit-elle après fa deftruction? Comme
il n'y a pJ us de fens après la mort , l'ame n'eft
capable ni de peine , ni de plaifir. Loin de
nous donc la fable des enfers & de l'élifée ,
>& tous ces récits menfongers dont la fuperf-
tition effraie les médians qu'elle ne trouve
pas aflez punis par leurs crimes mêmes y ou
(repaît les bons qui ne fe trouvent pas affez
récompenfés par leur propre vertu. Con-
cluons , nous , que l'étude de la nature n'eft
point fuperflue , puifqu'elle conduit l'hom-
me à des connoiftànces qui afïurent la paix
dans fon ame , qui affranchiffent fon efprit
de toutes vaines terreurs , qui l'élevent au
niveau des dieux , & qui le ramènent aux
feuls vrais motifs qu'il ait de remplir fes de-
voirs. Les aftres font des amas de feu. Je
.compare le Soleil à un corps fpongieux ,
dont les cavités immenfes font pénétrées
.d'une matière ignée, qui s'en élance en tout
fens. Les corps céleftes n'ont point d'ame :
ce ne font donc point des dieux. Parmi ces
xorps , il y en a de fixes & d'errans : on ap-
pelle ces derniers planètes. Quoiqu'ils nous
femblent tous fphériques , ils peuvent être
ou des cylindres , ou des cônes , ou des dif-
ques , ou des portions quelconques de fphé-
re ; toutes ces figures & beaucoup d'autres
^ne répugnent point ave/; les phénomènes.
Leurs mouvemens s'exécutent , ou en con-
séquence d'une révolution générale du ciel
qui les emporte , ou d'une tranflation qui
leur eft propre & dans laquelle ils traverfent
;la vafte étendue des cieux qui leur eft per-
méable. Le Soleil fe levé & fe couche , en
•montant fur l'horifon & defcendant au-
defïbus , ou en s'allumant à l'orient &
^'éteignant à l'occident , confumé & re-
produit journellement. Cet aftre eft le
•foyer de notre monde : c'eft de-là que tou-
te la chaleur fe répand ; il ne faut que quel-
E P I 6C7
ques étincelles de ce[feu«pour embrafer tou-
te notre atmofphere. La Lune & les pla-
nètes ne peuvent briller ou de leur lumière
propre, ou d'une lumière empruntée du So-
leil ; & les éçlipfes avoir pour caufe , ou
l'extinction momentanée du corps éclipfé ,
ou l'interpofition d'un corps qui l'éclipfe.
S'il arrive à une planète de traverfer des ré-
gions pleines de matières contraires au feu
& à la lumière , ne s'éteindra- t-elle pas ? ne
fera-t-elle pas éclipfée?Les nuées font ou des
mafîès d'un air condenfé par l'action des
vents , ou des amas d'atomes qui fe font ac-
cumulés peu-à-peu , ou des vapeurs élevées
de la terre & des mers. Les vents font ou
des courans d'atomes dans Patmofphere ,
ou peut-être des fouffles impétueux qui s'é-
chappent de la terre & des eaux , ou même
une portion d'air mife en mouvement par
l'action du Soleil. Si des molécules ignées
fe réunifient , forment une malle , & font
prefTées dans une nuée , elle feront effort
en tout fens pour s'en échapper , & la nuée
ne s'entr'ouvrira point fans éclair & fans
tonnerre. Quand les eaux fufpendues dans
Patmofphere feront rares & éparfes } elles
retomberont en pluie fur la terre , ou par
leur propre poids , ou par l'agitation des
vents. Le même phénomène aura lieu ,
quand elles formeront des malles épailîès ;
fi la chaleur vient à les raréfier , ou les vents
à les difperfer. Elles fe mettent en gouttes ,
en fe rencontrant dans leur chute : ces gout-
tes glacées ou par le froid ou par le vent ,
forment de la grêle. Le même phénomène
aura lieu , fi quelque chaleur fubite vient à
refoudre un nuage glacé. Lorfque le Soleil
fe trouve dans une oppofition particulière
avec un nuage , qu'il frappe de fes rayons ,
il forme Parc-en-ciel. Les couleurs de l'arc-
en-ciel font un effet de cette oppofition , &
de Pair humide qui les produit toutes , ou
qui n'en produit qu'une qui fe diverfifie fé-
lon la région qu'elle traverfe , & la manière
dont elle s'y meut. Lorfque la terre a été
trempée de longues pluies & échauffée par
des chaleurs violentes , les vapeurs qui s^n
élèvent infectent Pair & répandent la mort
au loin , &c.
De la théologie. Après avoir pofé pour
principe qu'il n'y a dans la nature que de
[la matière & du vuide , que penferons-
Pppp z
66% EPI
nous des dieux ? abandonnerons - nous
notre philofophie pour nous aflervir à des
opinions populaires , ou dirons-nous que
les dieux font des êtres corporels ? Puifque
ce font des dieux , ils font heureux ; ils
jouiffent d'eux-mêmes en paix ; rien de ce
qui fe pafTe ici-bas ne les affe&e & ne les
trouble ; & il eft fuffifamment démontré
par les phénomènes du monde phyfique &
du monde moral , qu'ils n'ont eu aucune
part à la production des êtres , & qu'ils
n'en prennent aucune à leur confervation.
C'eft la nature même qui a mis la notion
de leur exiftence dans notre ame. Quel eft
le peuple fi barbare , qui n'ait quelque
notion anticipée des dieux ? nous oppofe-
rons-nous au confentement général des
hommes ? éleverons-nous notre voix con-
tre la voix de la nature? La nature ne ment
point ; l'exiftence des dieux fe prouveroit
même par nos préjugés. Tant de phéno-
mènes , qui ne leur ont été attribués que
parce que la nature de ces êtres & la caufe
des phénomènes étoient ignorées ; tant
d'autres erreurs ne font-elles pas autant de
garans de la croyance générale ? Si un
homme a été frappé dans le fommeil par
quelque grand fimuîacre , & qu'il en ait
cenfervé la mémoire à fon réveil , il a con-
clu que certe idole avoit néceffairement fon
modèle errant dans la nature ; les voix
qu'il peut avoir entendues , ne lui ont pas
permis de douter que ce modèle ne fût
d'une nature intelligente ; & la confiance
de l'apparition en différens temps & fous
une même forme , qu'il ne fût immortel :
mais l'être qui eft immortel , eft inaltéra-
ble , & l'être qui eft inaltérable , eft parfai-
tement heureux , puifqu'il n'agit fur rien , ni
rien fur lui. L'exiftence des dieux a donc été
& fera donc à jamais une exiftence ftérile, &
par la raifon même qu'elle ne peut être alté-
rée ; car il faut que le principe d'activité ,
qui eft la fource féconde de toute deftruction
& de toute réproduction , foit anéanti dans
ces êtres. Nous n'en avons donc rien à ef-
pérer ni à craindre. Qu'eft-ce donc que
la divination ? qu'eft-ce que les prodiges >
qu'eft-ce que les religions? S'il étoif
< û quelque culte aux dieux ,ce feroit celu
d'une admiration qu'on ne peut refufer à
tout ce qui nous offre l'image féduifante de
E P I
la perfection & du bonheur. Ncus fommes
portésà croire les dieux de forme humaine ;
c'eft celle que toutes les rations leur ont
attribuée , c'eft la feule fous laquelle la
raifon foit exercée , & la vertu pratiquée.
Si leur fubftance étoit incorporelle , ils
n'auroient ni fens > ni perception , ni
plaifir , ni peine. Leur corps toutefois
n'eft pas tel que le nôtre , c'eft feulement
une combinaifon femblable d'atomes plus
fubtils ; c'eft la même organifation \ mais
ce font des organes infiniment plus parfaits ;
c'eft une nature particulière li déliée , fi
ténue y qu'aucune caufe ne peut ni l'at-
teindre , ni l'altérer , ni s'y unir , ni la
divifer , & qu'elle ne peut avoir aucune
action. Nous ignorons les lieux que les
dieux habitent : ce monde n'eft pas digne
d'eux , fans doute ; ils pourroient bien
s'être réfugiés dans les intervalles vuides que
laiffent entr'eux les mondes contigus.
De La morale. Le bonheur eft la fin de
la vie : c'eft l'aveu fecret du cœur humain ;
c'eft le terme évident des actions mê-
mes qui en éloignent. Celui qui fe tue
regarde la mort comme un bien. Il ne s'a-
git pas de réformer la nature , mais de
diriger fa pente générale. Ce qui peut ar-
river de mal à l'homme , c'eft de voir le
bonheur où il n'eft pas , ou de le voir où
il eft en effet , mais de fe tromper fur les
moyens de l'obtenir. Quel fera donc le
premier pas de notre philofophie morale ,
fi ce n'eft de rechercher en quoi confifte
le vrai bonheur? Que cette étude importante
foit notre occupation actuelle. Puifque nous
voulons être heureux dès ce moment , ne
remettons pas à demain à favoir ce que
c'eft que le bonheur. L'infenfé fe propofe
toujours de vivre , & il ne vit jamais. II
n'eft donné qu'aux immortels d'être fouve-
rainement heureux. Une folie dont nous
avons d'abord à nous garantir , c'eft d'ou-
blier que nous ne fommes que des hommes.
Puifque nous défefperons d'être jamais aufïi
parfaits que les dieux que nous nous fom-
mes propofés pour modèles , refolvons-
nous à n'être point aufîi heureux. Parce
que mon œil ne perce pas limmenfîté des
efpaces > dédaignerai-je de l'ouvrir fur les
objets qui m'environnent ? Ces objets de-
viendront une fource intariftàble de volug.*
EPI
té , fi je fais en jouir ou les négliger. La
peine eft toujours un mal , la volupté tou-
jours un bien : mais il n'eft point de vo-
lupté pure. Les fleurs croiffent à nos pies ,
& il faut au moins fe pencher pour les
cueillir. Cependant , ô volupté ! c'eft
pour toi feule que nous faifons tout ce que
nous faifons ; ce n'eft jamais toi que nous
évitons , mais la peine qui ne t'accompa-
gne que trop fouvent. Tu échauffes notre
froide raifon ; c'eft de ton énergie que naif-
fent la fermeté del'ame & la force de la vo-
lonté ; c'eft toi qui nous meus, qui nous tranf-
portes , & lorfque nous ramafïbns des rofes
pour en former un lit à la jeune beauté qui
nous a chai mes, & lorfque bravant la fureur
des tyrans , nous entrons tête bai fiée & les
yeux fermés dans les taureaux ardens qu'el-
le a préparés. La volupté prend toutes for-
tes de formes. Il eft donc important de
bien connoître le prix des objets fous lef-
quels elle peut fe préfenter à nous , afin
que nous ne foyons point incertains quand
il nous convient de l'accueillir ou de la
repouiïer , de vivre ou de mourir. 4^près
la fanté de l'ame, il n'y a rien de plus pré-
cieux que la fanté du corps. Si la fanté du
corps fe fait fentir particulièrement en
quelques membres , elle n'eft pas générale.
Si l'ame fe porte avec excès à la pratique
d'une vertu , elle n'eft pas entièrement
vertueufe. Le muficien ne fe contente pas
de tempérer quelques-unes des cordes de
fa lyre ; il feroit à fouhaiter pour le con-
cert de la fociété , que nous l'imitaflions ,
& que nous ne permifîions pas , foit à nos
vertus y foit à nos pallions , d'être ou trop
lâches ou trop rendues , & de rendre un
fon ou trop fourd ou trop aigu. Si nous
faifons quelque cas de nos femblables,
nous trouverons du plaifir à remplir nos
devoirs , parce que c'eft un moyen fur
d'en être confidérés. Nous ne mépiïferons
point les plailirs des fens ; mais nous ne
nous ferons point l'injure à nous-mêmes ,
de comparer l'honnête avec le fenfuel.
Comment celui qui fe fera trompé dans le
choix d'un état fera-t-il heureux ? com-
ment fe choifir un état fansfe connoître ? &
comment fe contenter dans fon état , ii l'on
confond les befoins de la nature , les appé-
tits de la pailion , & les e'carts de la fan-
E P I 66 j
taifie ? II faut avoir un but préfent à l'ef-
prit , fi l'on ne veut pas agir à l'aventure.
II n'eft pas toujours impoflible de s'emparer
de l'avenir. Tout doit tendre à la pratique
de la vertu , à la confervation de la liberté
& de la vie , & au mépris de la mort.
Tant que nous fommes , la mort n'eft rien ,
& ce n'eft rien encore quand nous ne fom-
mes plus. On ne redoute les dieux , que
parce qu'on les fait femblables aux hommes.
Qu'eft-ce que l'impie, linon celui qui adore
les dieux du peuple ? Si la véritable piété
confiftoit à fe profterner devant toute pierre
taillée, il n'y auroit rien de plus commun :
mais comme eileconfifte à juger fairemenc
delà natuie des dieux, c'eft une vertu
rare. Ce qu'on appelle le droit naturel y
n'eft que îe fymbole d'une utilité générale.
L'utilité générale & le confentemer-.t com-
mun doivent être les deux grandes règles
de nos actions. Il n'y a jamais de certitude
que le crime refte ignoré : celui qui le
commet eft donc un infenfé qui joue un
jeu où il y a plus à perdre qu'à gagner.
L'amitié eft un des plus grands biens de
la vie , & la décence une des plus gran-
des vertus de la fociété. Soyez décens ,
parce que vous n'êtes point des animaux,
& que vous vivez dans des villes , & non
dans le fond des forêts , ùc.
Voilà les peints fondamentaux de la
doctrine d'Epicure } le feul d'entre tous les
Philofophes anciens qui ait fu concilier fa
morale avec ce qu'il pou voit prendre pour
le vrai bonheur de l'homme , & [es pré-
ceptes avec les appétits & les befoins de la
nature ; aufîi a-t-il eu & aura-t-il dans tous
les temps un grand nombre de difciples. On
fe fait fto'icien , mais on naît épicurien.
Epicure étoit Athénien , du bourg de
Gargette & de la tribu d'Egée. Son père
s'appelloit Néoclèsy & fa mère Chdreflrata:
leurs ancêtres n'avoient pas été fans dif-
tinciion; mais l'indigence avoit avili leurs
delcendans. Néoclès n'ayant pour tout bien
qu'un petit champ, qui ne fourniffoit pr»
à fa fubfiftance, il fe fit maître d'école ;
la bonne vieille Chéreftrata , tenant fon
f]ls parla main , alloit dans les maifons faire
des luftrations 3 chaffer les fpedres , lever
les incantations ; c'étoit Epicure qui lui
avoit enfeigné les formules d'expiations ^ &.
67o EPI
toutes lesfottifesde cette efpecede fupeif-
tition.
Epicure naquit la troifieme année de la
cent neuvième olympiade, le feptieme jour
du mois de Gamilion. Il eut trois frères ,
Néoclès , Charideme & Ariftobule : Plu-
tarque les cite comme des modèles de la
tendreiTe fraternelle la plus rare. Epicure
demeura à Téos jufqu'à l'âge de dix-huit
ans : il fe rendit alors dans Athènes avec la
petite provifion de connoifTances qu'il avoit
laites dans Pe'cole de fon père ; mais fon fé-
ÎDur n'y fut pas long. Alexandre meurt;
^rdiccas défoie l'Attique , & Epicure eft
contraint d'errer d'Athènes à Colophone ,
à Mytiiene , & à Lampfaque. Les troubles
populaires interrompirent fes études ; mais
n'empêchèrent point fes progrès. Les hom-
mes de génie , tels qu' 'Epicure , perdent
peu de temps ; leur activité fe jette fur tout ;
ils obfervent & s'inftruifent fans qu'ils s'en
apperçoivent ; & ces lumières , acquifes
prefque fans effort, font d'autant plus efti-
mables , qu'elles font relatives à des objets
plus généraux. Tandis que le Naturalifte a
l'œil appliqué à l'extrémité de rinfrrument
qui lui grofïit un objet particulier, il ne
jouit pas du fpe&acle général de la nature
qui l'environne. Il en eft ainfi du philofo-
phe ; il ne rentre fur la feene du monde
qu'au fortir de foircabinet ; & c'eft là qu'il
recueille ces germes de connoiflànces qui
demeurent long-temps ignorés dans le fond
de fon ame , parce que ce n'eft point une
méditation profonde & déterminée , mais
à des coups d'œil accidentels qu'il les
doit : germes précieux, qui fe dévelop-
pant tôt ou tard pour le bonheur du genre
h.tmain.
Epicure avoit trente-fept ans lorfqu'il
reparut dans Athènes : il futdifciple du pla-
tonicien Pamphile , dont il méprifa fou-
verainement les vifions : il ne put fouffrir
les fophifmes perpétuels de Pirrhon: il for-
tit de l 'école du pythagoricien Naufipha-
nis , mécontent des nombres & de la mé-
tempfycofe. Il connoiilbit trop bien la na-
ture de l'homme & fa force , pour s'ac-
commoder de la févérité du Scoïcifme. Il
s'occupa à feuilleter les ouvrages d'Anaxa-
gore , d'Arc helaiïs , de Metrodore & de
|)*mocrite ; il s'attacha particulièrement
E P I
à la philofophie de ce dernier , & il en fit
les fondemens de la iienne.
Les Platoniciens occupoient l'académie,
les Péripathéciciens le Lycée, les Cyniques
le cynolarge , les Stoïciens le portique ;
Eptcure établit fon école dans un jardin dé-
licieux , dont il acheta le terrein , & qu'il
fit planter pour cet ufage. Ce fut lui qui
apprit aux Athéniens à tranfporter dans
l'enceinte de leur ville le fpeûacle de la
campagne. Il étoit âgé de quarante-quatre
ans lorfqu'Athenes afliégée par Démétrius ,
futdéfolée par la famine : Epicure , réfolu
de vivre ou de mourir avec fes amis , leur
diftribuoit tous les jours des fèves , qu'il
partageoit au compte avec eux. On fe ren-
doit dans fes jardins de toutes les contrées
de la Grèce , de l'Egypte & de l'Afie : on
y étoit attiré par fes lumières & par fes ver-
tus , mais fur-tout par la conformité de fes
principes avec les fentimens de la nature.
Tous les philofophes de fon temps fem-
bloient avoir confpiré contre les plaifirs des
fens & contre la volupté : Epicure en prit
la défenfe ; & la jeuneîTe athénienne ,
trompée par le mot de volupté , accourut
pour l'entendre. Il ménagea la foiblefîb de
fes auditeurs ; il mit autant d'art à les rete-
nir , qu'il en avoit employé à les atti-
rer ; il ne leur développa fes principes
que peu - à - peu. Les leçons fe don-
noient à table & à la promenade ; c'étoit
ou à l'ombre des bois , ou fur la mollelTe
des lits , qu'il leur infpiroit l'enthoufiafrre
de la vertu , la tempérance , la frugalité ,
l'amour du bien public , la fermeté de l'a-
me , le goût raifonnable du plaifir , & le
mépris de la vie. Son école, obfcure dans
les commencemens , finit par être une des
plus éclatantes & des plus nombreufes.
Epicure vécut dans le célibat: les inquié-
tudes qui fuivent le maiiage lui parurert
incompatibles avec l'exercice afhdu de la
philofophie ; il vouloit d'ailleurs que la
femme du philofophe fût fage ;> riche &
belle. Il s'occupa à étudier , à écrire & à
enfeigner : il avoit compofé plus de trois
cents traités différents ; il ne nous en refte
aucun. Il ne faifoit pas alTez de cas de cette
élégance à laquelle les Athéniens étoient fi
feniîbles ; il fe contentoit d'être vrai , clair
& profond. Il fut chéri des grands , admiré
EPI
de fes rivaux , & adoré de fes difciples : il
reçue dans fes jardins plufieurs femmes cé-
lèbres , Léontium , maîtreffe de Métrodore;
Thémifte, femme de Léontius ; Philénide,
une des plus honnêtes femmes d'Athènes ;
Nécidie , Érotie, Hédie , Marmarie , Bo-
die, Phédrie, &c. Ses concitoyens, les
hommes du monde les plus enclins à la mé-
difance , & de la fuperftion la plus ombra-
geufe , ne font aceufé ni de débauche ni
impiété.
Les Stoïciens féroces l'accablèrent d'in-
jures ; il leur abandonna fa perfonne , dé-
fendit fes dogmes avec force , & s'occupa
à démontrer !a vanité de leur fyftême. Il
ruina fa fanté à force de travailler : dans les
derniers temps de fa vie il ne pouvoir ni
fupporter un vêtement , ni defeendre de fon
lit , ni fouffrir la lumière , ni voir du feu.
Ii urinoit le fang , fa vaiîie fe fermoit peu-
à-peu par les accrohTemens d'une pierre :
ce^e îdant il écrivoit à un de fes amis que
le fpecracle de fa vie paffée fufpendoit fes
douleurs.
Lorfqu'il fentit approcher fa fin , il fit
appeller fes difciples ; il leur légua fes jar-
dins ; il aflura l'état de plufieurs enfans fans
fortune , dont il s'étoit rendu le tuteur : il
«(Franchit fes efcîaves il ordonna fes funé-
railles, & mourut âgé de foixante & douze
ans , la féconde année de la cent vingt-fep-
tieme olympiade. Il fut univerfellement
regretté : la république lui ordonna un mo-
nument; & un certain Théotime, convain-
cu d'avoir compofé fous fon nom des lettres
infimes, adrefîees à quelques-unes des fem-
mes qui fréquentoient fes jardins , fut con-
damné à perdre la vie.
La phitofopiiie épicurienne fut profefTee
fans interruption , depuis fon inftitution
jufqu'au temps d'Augufte ; elle fit dans Ro-
me les plus grands progrès. La fecte y fut
cornpofée de la plupart des gens de lettres
& der, hommes d'état ; Lucrèce chanta 1Y-
picuréifn.e , Celfe !e profeiîa fous Adrien ,
Pline le Naturalise f3us Tibère ; les noms
de Lucien & de Diogene Laerce font encore
célèbres parmi les Epicuriens.
Vépicuréif/ne eut, à la décadence de l'em-
pire romain , le fort de toutes les connoif-
fances ; il ne fortit d'un oubli de plus de
mille ans qu'au commencement du dix-fep-
E P I t7i
tieme fiecle : le diferédit des formes plafèi—
ques remit les atonies en honneur. Magne-
ne, de Luxeu en Bourgogne , publia fon
Democritus revivifeens^ ouvrage médiocre,
où l'auteur prend à tout moment fes rêve-
ries pour les fentimens de Democrite &c
d'Epicure. AMagnene fuccéda Pierre Gaf-
fendi , un des hommes qui font le plus d'hon-
neur à la Philofophie & à la nation : il na-
quit dans le mois de Janvier de l'am -'e
1592, à Charterfier, petit village de Pro-
vence , à une lieue de Digne , où il fit fes
humanités. Il avoit les mceurs'douces , 1q
jugement fain , & des conncifîances pro-
fondes : il étoit verfé dans l' Aftronomie , la.
Philofophie ancienne & moderne , la Mé-
taphyfique , les langues , rhiftoire , les an-
tiquités ; fon érudition fut prefque univer-
felle. On a pu dire de lui que jamais philo-
fophe n'avoit été meilleur humanifre , ni
humanifte fi bon philofophe : fes écrits ne
font pas fans agrément ; il eft clair dans Ces
raifonnemens, &: jufledansfes idées. Il fut
parmi nous le reftaurateur de lu philofophie
d'Epicure : fa vie fut pleine de troubles ;
fans cefTe il attaqua & fut attaqué : mais il
ne fut pas moins attentif dans fes difputes ,
foit avec Flud, foit avec mylord Herbert,
foit avec Defcartes , à mettre l'honnêteté
que la raifon de fon coté.
GafTendi eut pour difciples ou pour fec-
tateurs , plufieurs hommes qui fe font irrw
mortalifés , Chappelle , Molière , Bernier ,
l'abbé de Chaulieu , M. le grand-prieur de
Vendôme , le marquis de la Fcre , le cheva-
lier de Bouillon , le maréchal de Catinat ,
& plufieurs autres hommes extraordinaires ,
qui, par un contrafle de qualités agréables
& fublimes, réunifïbient en eux rhéroifme
avec la molleffe , le goût de la vertu avec
celui du plaiiir , les qualités politiques avec
les taLens littéraires, & qui ont formé par-
mi nous différentes écoles $ épi curé if me mo*
rai dont nous allons parler.
La plus ancienne & la première de ces
écoles où Ton ait pratiquée profeiTé la mo-
rale d'Epicure , étoit rue des Tournelles ,
dans la maifon de Ninon Lenclos ; c'efr-Ià
que cette femme extraordinaire raflèmbloit
tout ce que la cour ck la ville avoient d'hom-
mes polis , éclairés & voluptueux : on y vit
madame Scarron ; la comceilè de la Suzc j
672.
E PI
célèbre pas Tes élégies; la comtefïed'Olon-
riS , fi vantée par l'a rare beauté & le nom-
bre de fes amans ; Saint-Evremond , qui
protefïa depuis Vépicuréifme à Londres, où
i! e it pour difciple le fameux comte de
Grammont, le poète Waller , & madame
de Mazarin ; laduchefîe de Bouillon Man-
cini , qui fut depuis de l'école du Temple;
des Yvetaux , {yoye\ Arcadiens,) M. de
(''jrville, madame de la Fayette , M. le
duc de la Rochefoucault, 6c plu fieurs au-
tres , qui avoient formé à l'hôtel de Ram-
bouillet une école de Platonifme , qu'ils
abandonnèrent pour aller augmenter la fo-
cL'té & écouter les leçons de 1 épicurienne.
Après ces premiers épicuriens , Bernier ,
Chapelle & Molière dtfciples de Gaflèndi,
transférèrent l'école d'Epicure de la rue des
Tourneîies à Auteuiî : Bachaumont , le ba-
ron de Bîot ^ dont les chanfons font fi rares
& fi recherchées , &: Desbarreaux , qui fut
Je maître de madame Deshouilleres dans
l'art de la poéTie &: de la volupté ^ ont prin-
cipalement illuflré l'école d'Autcuil.
L'école de Neuilîy fuccéda à celle d' Au-
teuiî : elle fut tenue , pendant le peu de
temps qu'elle dura , par Chapelle & MM.
Sonxiings ; mais à peine fut-elle inftituée ,
qu'elle fe fondit dans lécole d'Anet & du
Temple.
Que de noms célèbres nous font offerts
dans cette dernière! Chapelle & fon dilci-
ple Chaulieu , M. de Vendôme, madame
de Bouillon , le chevalier de Bouillon , le
m irqais de la Fare , Rondeau , MM. Son-
rings , l'abbé Côurtin , Campiftron , Pala-
prat , le baron de Bieteuil , père de l'illuf-
tre marquife du Chkelet ; le préfiient de
Mofmes , le préfi ient Ferrand , le marquis
de Dangeau , le duc de Nevers, M. de Ca
tînat , le comte de Fiefque , le duc de Foix
ou de Randan , M. de Périgny , Renier ,
convive aimable, qui chantoit & s'accom-
pagnoit du luth, M. de Lafteré , le duc de
là FeuillaJe , &c. cette école efî: la même
que celle de St. Maur ou de madame la
ducheiîe.
L'école de Seaux raffembla tout ce qui
reftoit de ces fecrateurs du luxe , de l'élé-
gance , de la politeîle , de la philofophie ,
des vertus , des lettres & de la volupté > &
elle eut encore le cardinal de Polignac , qui
EPI
la fréquentoit plus par goût pour les difei-
ples & Epi cure , que pour la doctrine de leur
maître , Hamilton, Saint Aulaire , l'abbé
Gênet , Malefieu , la Motte, M. de Fonte-
nelle, M. de Voltaire, plufieurs académi-
ciens , & quelques femmes illuft res par
leur efprit ; d'où l'on voit qu'en quelque
lieu & en quelque temps que ce foit , la
feCte épicurienne n'a jamais eu plus d'éclat
qu'en France, & fur-tout pendant le fiecle
dernier. Voye\Bruckery GuJJendi r Lucre-
ce , &c.
EPIC YCLE , f. m. en Aflronbmi c , cercle
dont le centre eft dans 1 : circonférence d'un
autre cercle , qui eft cenfé le porter en quel-
que manière.
Ce mot eft formé des mots grecs , sV/,
fuprà j fur, & de k-'kkoç , cercle, comme
fi 1 on difoir cercle fur cercle.
De même que les an iens aftronomes
ont inventé un cercle excentrique pour ex-
pliquer les irrégularités apparentes du mou-
vement de planètes, &: leur différente dif-
tance de la terre, ils ont auiii inventé un
petit cercle pour expliquer les ftations &
| les rétrogradations des planètes. Ce cercle,
qu'ils appellent épicycle , a fon centre dans
la circonférence du plus grand , qui eft l'ex-
centrique de la planète. Voye\ ENCENTRI-
QUE.
C'eft dans cet excentrique que fe meut
le centre de cet épicycle , lequel emporte
avec lui la planète , dont le centre fe meut
régulièrement dans la citeonférence de 1Y-
pi cycle, fuivant l'ordre des lignes , lorfqu'el-
le eft dans 1 1 partie inférieure de Y épicycle ,
& contre l'ordre des fignes, loifqu'elle eft
dans la partie fupérieure.
Le point le plus haut de X épicycle s'appel-
le apogée y & le point le plus bas s'appelle
périgée. Voye\ A ?OG É E & P^RI G ÉE.
Quoique les phénomènes des ftations &
rétrogradations des planètes s'expliquent
d'une manière bien plus naturelle dans le
fyftème de Copernic , on ne peut disconve-
nir que fa manière dont Pcolomée les a fau-
vées ne foit ingénieufe ; c'eft apparemment
pour cette raifon que M. Godin , dans un
mémoire imprime parmi ceux de l'Acadé-
mie , en 1733 , acherché à développer cette
théorie, & à donner les loix du mouvement
apparent des planètes dans les épicycles.
Lorfqu'on
E P ï
Lorfqu'on ne cherche qu'à connoître
les apparences & à conftruire des tables ,
il importe peu , dit l'hiftorien de l'Acadé-
mie , quelle hypothefe on choififîè , pourvu
que cette hypothefe les fauve toutes , &
que ces tables les repréfentent. De plus , les
fatellites de Jupiter & de Saturne , ont par
rapport à nous , des apparences de mouve-
mens femblables à celles que doivent avoir
les planètes dans le fyftême de Ptolomée :
la Terre & la Lune , vues du Soleil ou de
quelque autre point du fyllême folaire , font
auffi dans le même cas ; c'efl pourquoi la
théorie dont il s'agit peut être de quelque
utilité. D'ailleurs M. Godin l'a donnée
d'une manière beaucoup plus fimple que
n'ont fait jufqu'ici tous les Aftronomes : il
n'a befoin pour cela que des deux fuppofi-
tions fuivantes ; i°. la direction apparente
d'un corps qui décrit un cercle , eft à cha-
que inftant la tangente au point du cercle
qu'il décrit dans cet inftant ; z°. un corps
mu par deux forces , dont les directions
font angle entr'elles , ou paroiflent faire
angle , décrira ou paroîtra décrire la dia-
gonale d'un parallélogramme formé fur ces
directions.
Le grand cercle , dans la circonférence
duquel V épicycle eft fitué , s'appelle auffi le
déférent de Vépicycle. Voye\ DÉFÉRENT.
Riccioli , quoique ennemi déclaré du
mouvement de la terre , n'a jamais pu faire
de tables aftronomiques qui s'accordafTent
tant-foit-peu avec les obfervations , fans
fuppofer ce mouvement de la terre , quoi-
qu'il appellât à fon fecours , d'une manière
un peu forcée , les épicycles variables , fu-
jets à des augmentations & à des décroifîè-
mens perpétuels , & différemment inclinés
àVtclipùque. V. Copernic, Station,
Rétrogradation , ùc
Quoique les épicycles des planètes , ima-
ginés par Ptolomée , foient aujourd'hui en-
tièrement bannis de l'Aftronomie , cepen-
dant quelques aflronomes modernes s'en
font fervis pour expliquer les irrégularités du
mouvement de la Lune , mais avec cette
différence , qu'ils n'ont pas prétendu que la
lune parcourût en effet la circonférence
d'un épicycle , comme Ptolomée prérëndoit
que les planètes la parcouroient : ils ont
feulement dit que les inégalités apparentes
Tome XII.
E P I 675
du mouvement de la Lune étoient les mê-
mes que fi cette planète fe mouvoit dans un
épicycle. M. Machin , dans un ouvrage fort
court qui a pour titre , the laws ofmoon's
motion , les loix du mouvement delà Lune ,
fait mouvoir la Lune dans une ellipfe dont
le petit axe eft la moitié du grand : tandis
que le centre de cette ellipfe décrit d'un
mouvement uniforme un cercle autour de
la Terre , la Lune fe meut dans l'eliipfc , de
manière qu'elle y parcourt des aires propor-
tionnelles aux temps. Mais M. Clairaut,
dans un mémoire imprimé parmi ceux de
l'académie , en 174.3 » Soutient que M. Ma-
chin fe trompe , & qu'on ne peut expliquer
par cette fuppofition les mouvemens de la
Lune. M. Halley a fuppofé que la lune fe
mouvoit dans une ellipfe , & que le centre
de cette ellipfe étoit dans un épicycle dont
le centre fe mouvoit uniformément autour
de la terre : il a déduit de ce mouvement
les inégalités qu'on obferve dans la vîteflè
de l'apogée , & dans l'excentricité de l'orbite
de cette planète. Voye\ Lune. Voye\ auffi
les Dicl. de Harris , de Chambers , & les
élém. d'Aftr. de Wolf , d'où une partie de
cet article eft tirée. (O)
EPICYCLOÏDE , f. f. en Géométrie ,
ligne courbe qui eft engendrée par la révo-
lution d'un point de la circonférence d'un
cercle , lequel fe meut en tournant fur la
partie convexe ou concave d'un autre
cercle.
Chaque point de la circonférence d'un
cercle qui avance en droite ligne fur un plan ,
tandis qu'il tourne en même temps fur fon
centre , décrit une cyclo'fde , ( Poye^CY-
CLOÏDE ; ) & fi le cercle générateur, au
lieu de fe mouvoir fur une ligne droite , fè
meut fur la circonférence d'un autre cercle ,
ou égal ou inégal à lui , la courbe que dé-
crira chacun des points de fa circonférence , '
s'appelle épicycloïde.
Par exemple , fî une roue de carrofîê rou-
Ioit fur la circonférence d'une autre roue ,
la courbe que décriroit un des clous de cette
roue feroit une épicycloïde.
Si le mouvement progrefîif du cercle rou-
lant eft plus grand que fon mouvement cir-
culaire , \ épicycloïde eft nommée allongée',
& accourcie s'il eft plus petit.
Si le cercle générateur fe meut fur la '
Qqqq
é74 E P ï
convexité de la circonférence , Vépicycloïde
cil nommée fupérieure & extérieure ; & s'il
fe meut fur la concavité , on la nomme épi-
cycloïde inférieure ou intérieure ; on appelle
bafe de Vépicycloïde la partie de cercle fur
laquelle fe meut le cercle générateur , tan-
dis qu'il fait un tour entier. Ainfi dans les
Planches de Géométrie ,fig. $8. D B efî
la bafe cle Vépicycloïde ,. V ion fommet ,
V B fon axe , D P V la moitié de IV-
picycloïde extérieure produite par la révo-
lution du demi-cercle VL B , qu'on appelle
cercle générateur , fur le côté convexe de
la bafe D B.
On trouvera dans les Tranfact. philofoph.
». 2.8. & dans les infiniment petits de M.
de l'Hôpital, les démonitratiom- des prin-
cipales propriétés de Vépicycloïde , fur-tout
ce qui concerne les tangentes de ces. courbes ,
leurs rectifications & leurs quadratures. M.
Nicole a aufll donné fur la rectification des
épicycloïdes allongées & accourcies un ex-
cellent mémoire dans le vol. de V académie
de iyo8.
Le volume de 1732. de la même acadé-
mie renferme plufieurs écrits de MM. Ber-
nou'li , de Maupertuis , Nicole , & Clai-
raut , fur une autre efr>ece iï épicycloïdes ap-
pellées épicycloïdes fphériques. Ces épicy-
cloïdes font encore engendrées par le point
de la circonférence d'un cercle qui roule fui-
un autre cercle ; mais avec cette différence
eue dans les épicycloïdes ordinaires le cer-
cle roulant efl dans le même plan que le cer-
cle fur lequel il roule ; au lieu que dans
celle-ci le plan du cercle roulant fait un
angle confiant avec le plan de l'autre cercle.
Les épicycloïdes fphériques ont plufîeurs
belles propriétés que l'on peut voir dans les
mémoires dont nous venons de parler , &
dont le détail feroit au-deffus de la portée
du plus grand nombre de nos lecteurs.
Nous nous contenterons de donner ici
«n peu de mots une théorie des épicycloïdes
fîmples ou ordinaires. Cette théorie con-
tiendra le germe de tous les problêmes
qu'on peut fe propofer fur les épicycloïdes ,
& facilitera le moyen d'étendre ces pro-
blêmes à des épicycloïdes plus oompofées.
Je fuppofè d'abord que 1 foit le rayon
dn cercle roulant ou générateur , & que
Vépicycloïde foit extérieure. Soit x l'arc qui
E P I
a roulé , r le rayon de l'autre cercle , îî
eft évident qu'en prenant dans ce (hcond.
cercle un arc ~ x , 6c tirant en fuite la
corde de l'arc .r dans le cercle générateur,
on aura un des points de Vépicycloïde. Or
les angles formés par deux arcs égaux dans
differens cercles , font entre eux en raifon
inverfe des rayons de ces cercles. Voye{
Angle , Décru , Mesure , &c. Donc il ne
s'agit que de divifer un angle en raifon de
r à 1 , pour avoir un point de Vépicy-
cloïde.
Donc fi r eft à 1 en raifon de nombre
à nombre , Vépicycloïde fera une courbe
géométrique , puisqu'on peut toujours di-
viier un angle géométriquement en raifon
de nombre à nombre. Voye^ Trisec-
tion, &c.
Confidérons à préfent les deux cercle
comme deux polygones réguliers d'une in-
finité de cotés chacun , mais dont les co-
tés foient égaux , enforte que ces polygo-
nes ne foient point femblables : il eft vifi-
ble, i°. que l'angle de contingence du
cercle générateur fera d x ; que l'angle de
A se
contingence de l'autre fera — ( Vcy. Po-
lygone & Courbe : ) ze. que pendant le
roulement où l'application d'un côté infi-
niment petit du cercle générateur fur le coté
correfpondant de l'autre , une des extrémi-
tés de la corde de l'arc x pourra être regar-
dée comme fixe,, & que l'autre décrira un.
arc de cercle qui fera le petit côté de Vépi-
cycloïde : 30. que la tangente de Vépicy-
cloïde, (voye[ Tangente) , fera par con-
féquent perpendiculaire à la corde de l'arc
x dans le cercle générateur : 40. que le petit
côté de Vépicycloïde fera L T ) x
cord. x = ex X 2 fin. dL x ( -~ V
donc l'arc total de Vépicycloïde fera-
(-p)Xlx(j_cor.i)„cyctSl-
nus : J°. que l'élément de l'air de Vépicy-
cloïde fera égal au petit triangle (calene ,
dont dx eft la bafe & cord. x un des cô-
tés, plus au triangle ifocele qui a cord. x
pour côté , & pour bafe d x ( — ~ j x (]n. ~,
Cela fe voit à l'œil par la feule infpeétion
, d'une figure, Gr le premier, de ces élémens
SM-
EP ï
«ft: l'élément du cercle , & le fécond eft dx
( r r ) z fin.~ X «y cord. a: = a: d (- — -r)
^.^)W,(^)x(_la,C,+L>
^oyeç Sincjs. Donc Taire de Y épicycloïde
eft égale à l'aire du cercle , plus à l'inté-
grale de la quantité précédente; intégrale
ailée à trouver : voye^ Sinus , Intégral,
& le traiié de M. de Bougainville le jeune.
69. L'angle que font enfemble deux côtés
confécutifs de Yépicyclcï-e , fe trouvera
aifément , Se tou j :>urs par la feule infpec-
tion d'une figure fort {impie; car cet angle
eft égal , i°. à -*; à deux angles à la bafe
d'un triangle ifocele , dont l'angle du
fommet eft dx-h — , c'eft-à-dire 180 —
-p : donc l'angle de contingence eft
— . Or le rayon ofculateur efl: égal
au côté de la courbe divifé par l'angle de
contingence. Voye^ Osculateur & Dé-
veloppée. Donc le rayon ofculateur eft
égala i(l+r,-2!!Ëi\
Si on fait r négative dans les calculs pré-
cédens , on aura les propriétés de Y épicy-
cloïde intérieure.
Si dans les mêmes calculs on fait r =
a l'infini , on aura les propriétés de la cy-
cloïde ordinaire.
On peut encore confidérer d'une autre
minière toutes les épicycloïdes ordinaires ,
allongées, accourcies, fphériques, &c. Au
keu de faire rouler te cercle générateur , il
11 'y a qu'à tuppofer que le centre de ce cer-
cle décrive une ligne quelconque , Se qu'en
même temps un point mobile le meuve fur
la circonférence de ce cercle. Par le prin-
cipe de la compétition des mouvemens,
on aura facilement les élémens de Yépicy-
clvïde;Y épicycloïde fera iimple ou ordinaire ,
<eft- à -dire, ni allongée ni accourcie , (ï
lare décrit par le centre , pendant que le
point mobile décrit la circonférence, eft à
cette circonférence comme r-f- ï eft à r.
Voye{ Roue d'Aristote.
Nous n'en dirons pas davantage fur cet
article. Il nous fufrit d'avoir mis ici en
quelques lignes tout le traité des épicycloïdes
«i'une manière allez nouvelle à plufieurs
égards , & fourni aux commençans , &
E P I
6-7
peut - être à des géomètres plus avancés ,
une occahon de s'exercer.
Sur l'ufage des épicycloïdes en méchanique,
voye^ Dent.
M. de Maupertuis, dans les mémoires de
Vacadém. de IJ%J ', a examiné les figures
rectilignes formées par le roulement d'un
polygone régulier fur une ligne droite , Se
il en a déduit d'une manière élégante les
dimensions de la cycloïde. Pour généralifer
la théorie , fuppofons que le roulement
du polygone fe fade à l'extérieur fur un
autre polygone régulier , dont les côtés
foient égaux à ceux du polygone roulant,
il eft aifé de voir par tout ce qui a été dit
ci-deflus , i°. que la figure recliligne for-
mée ainfi , fera égale à l'aire du polygone
roulant, plus à un triangle ifocele qui au-
roit ï pour côté, & pour angle au lom-
met la fomme des angles extérieurs des
deux pelygoncs , ce triangle étant multi-
plié par la moitié de la fomme des quarrés
des cordes du polygone roulant. Or ,- on a
dans le liv. X des fections coniques de M.
de l' Hôpital y une méthode fort iimple pour
trouver la fomme de ces quarrés. i°. Le
contour de la figure fera égal à la corde
de la fomme des angles extérieurs , mul-
tipliée par la fomme des cordes du polygone
roulant. Or , on a dans le même ouvrage
Se au même endroit la méthode de trou-
ver la fomme des cordes d'un polygone.
3°. L'angle extérieur formé par deux côtés
rectilignes confécutifs de Yépicycloïde , eft
égal à la moitié de l'angle au centre du
polygone roulant , plus à l'angle extérieur
de l'autre polygone.
Enfin, il eft vifible que cette méthode
peut s'étendre très-aifément à la recherche
des propriétés de toute épicycloïde formée
par le roulement d'une courbe quelconque
fur une autre quelconque. (O)
ÉPICYTHARISME, (Muf. des anc.)
air de Cithare, qu'on exécutoit après les
pièces de théâtre, Se qui étoit à la tragédie
& à la comédie greque, ce qu'eft le balet
à notre opéra.
* HPIDAURIE, aqj. pris fubf. fête que
les habitans d'Epidaure célébrèrent en l'hon-
neur d'Efculape , Se que les Athéniens infti-
tuerent aulïi parmi eux»
* EPIDÊLIUS-, (Mythologie.) furnom
Q.q q q *
ê76 EPI
d' Apollon. Mcnophanès , qui commandoic
la flotte de Mithridate, prit Délos , pilla
le temple d'Apollon, on jeta la ftatue du
dieu dans la mer-, mais les eaux la fou-
tinrent miraculeufement , & la portèrent
fur les côtes de la Laconie, aux environs
du promontoire de Malée , où les Lacédé-
moniens élevèrent un temple à Apollon
Epidélius , c'eft-à-dire, à Apollon venu de
Délos. La ftatue merveilleufe fut placée
dans ce temple , & le facrilege Méno-
phanès fut tué fur fbn vailîeau. Quoi-
qu'il ny ait guère de faits merveilleux
accompagnés d'un plus grand nombre de
çirconitances difficiles à rejeter en doute;
que le miracle dont il s'agit ait un carac-
tère d'authenticité qui n'eft pas commun,
& qu'il foie confirmé par le témoignage
& le monument de tout un peuple, il ne
faut pas le croire : il n'eft pas nécellaire
d'en expofer les raiions; il fufHt , pour le
rejeter , de favoir que le vrai Dieu eut
engagé les hommes dans l'idolâtrie , s'il
eût permis de pareils prodiges. Il y a des
cas où il, faut juger de la vérité des faits
par les conféquences , & d'autres où il
faut juger des conféquences par la vérité
des faits.
ÉPIDÉMIE, f. f. {Médecine.) maladie,
épidémique , c'eft-à-dire , qui ariette pref-
que en même temps & dans un même
lieu un grand nombre de perfonnes de
quelque iexe, âge & qualité qu'elles foient,
avec les mêmes fymptomes eiïèntiels, dont
la caufe réfide le plus iouvent dans les
chofes defquelles on ne peut pas éviter de
faire ufage pour les befoins de la vie, &
dont le traitement eft dirigé par une même
méthode. Le mot grec t'^iSmiw , épidé-
mie y eft formé d'êV/ , dans ou parmi , &
«Ti^o? , peuple ; il eft par conféquent em-
ployé pour fîgnifier, quelque choie qui eft
dans ou parmi le peuple , commun au
peuple. L'ufage en a fixé le fens , lors-
qu'on l'emploie fèul , pour énoncer une
maladie populaire , que quelques auteurs
comme Boerhaave , nomment quelquefois
maladie univerfelle , morbus epidemicus ,
fopvlaris , univerfalis.
Les maladies épidémigues forment un
genre particulier parmi les différences
accidentelles des maladies en général, à
E p r
l'égard du lieu où elles régnent. Les épi*
démies ne font pas plus familières dans un
pays que dans un autre ; en quoi elles dif-
férent des endémies , qui font des maladies
d'un même caractère , qui affedent parti-
culièrement, & preique fans difeontinuité ,
les habitans d'une contrée. Voytr Endé-
mique. Les maladies épidémiques font auffi
diftinguées des fporadiques , parce que
celles-ci font abfolument particulières aux
perfonnes qu'elles attaquent , de dépendent
d'une caufe qui leur eft propre. Voye^
Sporadique.
Les maladies épidémiques ne s'établiifent
que dans certains temps &c dans certains
lieux. Elles ne font pas d'un feul Se même
genre ; elles différent au contraire beau-
coup , félon la différence des faifons qui
ont précédé ôc qui fubfiftent , félon la
différente nature des - habitans d'un pays.
Quelquefois elles afteélent tout le corps ,
comme les fièvres ; d'autres fois elles ne
portent que fur certaines parties, comme
font les douleurs, les fluxions catarreufes :
tantôt elles font bénignes , &c font leur
cours fans caufer beaucoup de défbrdres
dans l'économie animale; tantôt elles font
contagieufes & accompagnées de fymp-
tomes très-violens , &j elles font périr beau-
coup de monde. Il meurt plus de gens , Se
dans la vigueur de l'âge même, par l'effet
des maladies épidémiques , que par toute
autre forte de maladie. Elles changent
preique chaque année de caractère &c de
nature , dans les cas même où elles pa-
roifîent avoir les mêmes fymptomes : il
n'appartient qu'à un médecin très-attentif
& grand obiervateur, de diftinguer ce qu'il
y a d'eifentiellement différent dans ces
apparences ; fouvent même les plus habiles
s'y trompent.
Les différentes caufes des épidémies , qui
font dans l'air , dépendent quelquefois du
vice de fes qualités fenfibles & manifeftes,
telles que la chaleur , le froid , l'humidité ,
la féchereiîe-, &c. D'autres fois l'air , - en
pénétrant le corps humain par les diffé-
rentes voies ordinaires , dont on ne peut
pas lui fermer l'accès , y porte avec lui &
applique à diverfes parties certains miaf-
mes d'une nature inconnue , qui produi-
iènt cependant les mêmes effets dans toutes
E ,P I
les peribnnes affectées , comme on le voir
dans la pefte , dans la petite vérole. La
différente fituation des lieux, le différent
afpect , l'expolition à certains venrs y les
exhalaifons des marais ; les grandes inon-
dations, qui rendent les terrains maréca-
geux , fuivies d'un temps chaud , ou d'un
vent de midi , qui hâte la putréfaction
des eaux croupiffantes , d'où il s'élève con-
tinuellement dans l'air des matières fétides ,
vermineutes ou acrimonieules , qui infec-
tent cet élément dans lequel nous vivons ,
Se les différentes fubftances qui fervent à
notre nourriture , contribuent beaucoup
aufli à établir les différentes efpeces à' épi-
démies.
Les alimens , comme eau fes communes ,
font Ibuvent auili , par leur nature , la
caufe des maladies populaires. C'eft ce
qu'on obferve dans les villes aiïiégées , où
les riches comme les pauvres manquant
de tout pour le nourrir , font contraints
à manger des chofes peu propres à cet uf a-
ge Se de rrès-mauvaile qualité ; & le trou-
vant ainiï prefles par la même nécefïité ,
Se réduits à la même mifere , ils éprou-
vent les mêmes effets , ils font affligés des
mêmes maladies. On a vu la pefte faire des
ravages terribles dans une place de guerre
afïiégée , dénuée de iecours, invertie par
une armée abondamment pourvue de vi-
vres , qui étoit entièrement exempte de
cette maladie.
Il réfulte de ce qui vient d'être dit des
caufes des épidémies , qu'elles ne fe com-
muniquent pas auili communément qu'on
le penfè , d'une perfonne affectée à une
autre qui ne l'eft pas : il n'eft pas nécef-
faire de recourir à la contagion pour ren-
dre raifôn de cette communication ; il eft
rare qu'elle fe ralïê par cette caufe ; il eft
plus naturel de l'attribuer à la caufe com-
mune qui a affecté le premier , ôe qui
continue à produire fes effets dans les lu jets
qui le trouvent difpofés à en recevoir les
imprelïïons.
Pour s'en préferver , on doit foigneufe-
ment éviter tout ce qui peut contribuer à
arrêter l'infenlible tranfpiration , & pour
cela ne pas fur-tout s'expofer à Pair froid
du matin ou du foir , ne le livrer à aucun
exercice violent, ne vivre que d'alimens
EPI 677
de facile digeftion , & ufer des chofes pro-
pres à fortifier , à entretenir la fluidité des
humeurs, favori fer les fècrétions & excré-
tions.
A l'égard des pays en général , on peut
tenter quelquefois avec iuccès d'empêcher
qu'ils ne foient infectés des maladies épidé-
miques , ou de les en délivrer , en purifiant
l'air par le moyen des feux allumés fré-
quemment , dans les lieux habités , avec
des bois rélineux , dont on forme des bû-
chers nombreux à certaines diftances les
uns des autres. Hippocrate ne balance pas
à propofer , d'après l'expérience qu'il en
avoit faite , l'effet de ces feux comme un
préfervatif contre la perte , Se même com-
me un moyen de corriger l'infection de
l'air qui la caufe. On a remarqué , félon
Hoffman , que les lieux , les villes fur-tout ,
où l'on brûle du charbon de pierre plus
qu'on ne faifoit autrefois , font moins
fujets aux maladies épidémiques , Se plus
fains , généralement- -parlant , qu'ils n'é-
toient avant cet ufage; la fumée, de ces
matières folîiles ayant la propriété de
changer les qualités des mauvai fes exha-
laifons qui pouvoient produire des mala-
dies de toute elpece. Il eft encore un autre
moyen très-propre à prévenir les infections
de l'air , & à en arrêter les effets , lorf-
qu'elles ont lieu ; c'eft de delïecher les
marais ; de donner un cours aux eaux
croupilîantes ; d'empêcher qu'il ne s'en
ramalle de nouvelles ; de renir les égoûts ,
les foffés des villes , des campagnes , bien
nettoyés Se bien libres.
On doit beaucoup cfpérer , pendant les
maladies épidémiques , ou lorsqu'on craint
qu'elles ne s'établifïent , du bon effet des
vents du feptentrion & du levant , comme
étant très - propres à purifier l'air , ou à
empêcher qu'il ne s'y mêle des exhalaifons
qui pourraient le corrompre. Ils ont auflî
la propriété de rendre le corps humain
moins fufceptible des mauvaises impref-
fions qu'elles peuvent faire , en lui don-
nant de la vigueur par l'augmentation du
rertbrt de fes fibres , Se en confervant par
ce moyen l'exercice libre de toutes les fonc-
tions. Les pluies font aulïi très-fàluraîres
dans le temps d'épidémJe caufée par l'in-
fection de l'air j elles entraînent Se preo-
678 E P ï
pitent avec elles toutes les matières hétéro-
gènes qui formoient la corruption de cet
élément.
Lorfqu'il furvient une maladie épidémi-
que y dont le caractère n'eft pas bien connu,
ce qui arrive iouvent ; les médecins doi-
vent , félon le confcil de Boerhaave , s'ap-
pliquer à en bien obferver tous les fympto-
mes dans le temps des équinoxes , où elles
font ordinairement le plus en vigueur. Pour
en découvrir la caule , par comparaifon
avec l'efpece de maladie connue à laquelle
l'ép démique reflemble le plus , ils doivent
éviter d'employer des remèdes qui foient
propres à produire cle grands changemens
dans l'économie animale , dans la crainte
qu'ils ne déguifent le caractère de la mala-
die , 6c qu'ils n'empêchent d'obferver les
phénomènes que la nature du mal peut pro-
duire conftamment dans les différens temps
qui précèdent le rétabli flement de la fanté
ou de la mort , qui annoncent un meilleur
eu un plus mauvais état. Ils doivent obfer-
ver avec une grande attention ce que la na-
ture faidfou tente de faire dans le cours de
la maladie , enfuite des différentes choies
que des malades prennent , foit alimens ,
ibit remèdes , ce qui fait de bons ou de
mauvais effets , les évacuations qui font fa-
lutaires ou nuifibles. Ils doivent enfin com-
parer ce qui fe paife dans les maladies de
la même efpece de plusieurs pej fonnes af-
fectées en même temps , en ayant égard à
la différence de fexe , d âge , 6c de tempé-
rament.
C'efc de ces recherches faites avec foin ,
qu'on peut tirer les indications convenables
pour déterminer la méthode que l'on doit
fuivre dans le traitement des maladies épidé-
miques. Si l'on avoit un recueil d'obferva-
tions exactes fur toutes celles qui ont pa-
ru jufqu'à préfent , on fèroit peut-être allez
infîruit de leur différente nature & des re-
mèdes qui ont été employés avec fuccès
dans chaque efpece , pour pouvoir par ana-
logie appliquer une curation prefque lure à
chacune de celles qui paraîtraient dans la
fuite ; car il eft très-vraifemblable qu'il ne
s'en établit pas toujours qui foient abfolu-
ment nouvelles par rapport au pafie ; leur
variété eft peut-être épuifée. Il eft donc
1res- important pour le genre humai» qu'on
E P î
travaille à fuppléer à ce qui manque à cet
égard . On ne lauroit affez exhorter tous les
médecins , qui ont à cœur l'avancement de
leur art , à faire Phiftoire de toutes les ma-
ladies épidémiques qu'ils ont occaliondw trai-
ter ; à les décrire avec exactitude 6c fmcérité;
à en bien obierver toutes les cïrconftances ;
à ne pas négliger de faire mention des lieux ,
des climats où ils pratiquent , des accidens
qui ont pu faire naître Y épidémie , de la fai-
(on où elle règne, de laconftitutiondejl'air,
&c de (es variétés déterminées par l'infpec-
tien du baromètre , du thermomètre , 6c de
1 hydrometre , autant que faire (epeut , ÔC
en un mot de prendre pour modèles, dans
ces fortes d'ob'ervations , celles du plus an-
cien ôc du plus grand médecin connu , du
fage Hippocrate , qui a le premier fenti la
néceiTité de les faire , ôc qui nous a laiflë
fur ce iujet des écrits immortels; celles de
l'Hippocrate moderne , Sydenham , qui eft
prefque le feul , dans un 11 long efpace de
temps , qui ait marché à cez égard fur les
traces du père de la Médecine , ôc qui a
donné un exemple , que l'on doit fe faire
un devoir de fuivre dans to us les ficelés ;
celles de la fociété d'Edimbourg , &c.
Voye^ l'article Air , ôc ce qui eft dit de cet
élément comme caufe des maladies épidê-
, miques. (d)'
+ Epidémies , adj. pris fubft. fêtes infti-
tuées dans Argos en l'honneur de Junon ,
Ôc dans les villes de Miîet &c de Délos, en
l'honneur d'Apollon. Les épidémies étoient
comme les fêtes de la préfence du dieu.
Les païens croyoient que leurs divinités ,
lenubles aux cérémonies de l'évocation , fe
traniportcient au milieu d'eux , & ils les
honoraient par des fêtes ôc des facr fices.
EP1DERME, f. m. de par quelques-uns f.
( Anat. ) Cette pellicule fine, tranfparente ,
ôc infenfible , qui recouvre extérieurement
toute la peau à laquelle elle eft étroitement
attachée , s'appelle épiderme , furpeau , cuti-
cule , (roye^ Cuticule) ; ôc pourencom-
pjéter l'article , joignez-y du moins les ob-
fervations fuivantes , dans lesquelles on
examine la ftructure de cette toile mer-
veilleufe , qui enveloppe tout le corps hu-
main , excepté les endroits occupés par les
ongles.
Il faut remarquer dans Y épiderme , î °.
Ion
E P I
vnlon étroite avec la peau , dont on le
fépare néanmoins dans les cadavres par le
moyen de l'eau bouillante. Le feu, la brû-
lure , les véficatoires , lèvent Vépiderm:cn
manière de veffies dans les fujets vivans.
Quoiqu'il adhère fortement aux mame-
lons cutanés , &c plus encore au corps réti-
culaire , dont il paroît être une portion ,
on peut cependant l'en féparer avec de
l'eau chaude , ou , ce qui eft mieux ck: qui
l'altère moins , en le faifant tremper pendant
quelque temps dans de l'eau froide. La
féparation par le fcalpel n'eft pas impef-
fible , mais elle ne découvre rien de fa
itruclrure.
2°. Sa régénération. Elle eft évidente ,
prompte , Bc même furprenante , fans au-
cune marque de cicatrice , lorsque Vépi-
derme a été détaché par quelque caufe ex-
terne ou interne. Il fe régénère au palais de
la bouche , après en avoir été enlevé par les
alimens trop chauds ; il fe régénère auffi
par-tout ailleurs , même fous les emplâtres
qu'on y applique ; enfin il fe répare autant
de fois qu'il a été détruit.
3°. Son origine ou Ça formation. Elle eft
encore inconnue. Il ne faut pas s'imaginer ,
avec les anciens , que cette membrane (oit
produite par la condenfation des vapeurs
de la tranfpiration , il ne faut pas non plus
croire avec Morgagny , que l'action de l'air
deiîechrnt la furface de la peau , fafie naî-
tre Yépidermc ; car il fe trouve formé dans
le fa tus avant qu'il ait vu le jour. Il vau-
dront donc mieux attribuer , avec Leuwen-
hoek , l'origine de Vépiderme à l'expanfion
des conduits excrétoires de la peau ; ou avec
Ruyfch , à l'expanfion des houppes nerveu-
fes du même organe qui forment plufieurs
petites lames en s'uniffant ; ou avec Heifter,
à l'expanfion des tuyaux excrétoires , & des
papilles nerveufes réunies \ ou enfin avec
M. Winflow , à une matière qui fuinte des
mamelons.
4°. Lafubjrance. Elle paroît uniforme du
<^>té de la peau , & compofée au-dehors de
plufieurs petites lames écailleufes d'une
grande fineffe , & très-étroitement unies ,
mais par-tout fans apparence de tiifu fibreux
ou vafculeux , excepté de petits filamens
qui l'attachent aux mamelons. Cette
fùbftance eft ferrée , quoique fufceptible de
EPI 679
que .que gonflement ou épaiffiffement ,
comme la fimple macération dans l'eau
commune , & les cloches ou ampoules qui
s'élèvent fur la peau par des véficatoires ,
par la brûlure ou autrement , le font allez
voir ; de forte qu'à cet égard Vépiderme pa-
ro:t être une efpece de tiffu fpongieux ; il
prête confidérablemcnt dans les enflures ,
mais il n'y réfifte pas toujours.
Les artouchemens durs & réitérés déta-
chent Vépiderme plus ou moins impercepti-
blement , &auiïï-tôt il renaît une nouvelle
couche qui fouleve la première, & à laquelle
en pareil cas il arrive un pareil détache-
ment par la naifîànce d'une troifieme cou-
che nouvelle.
C'eft à-peu- près de cette manière que fe
forment les caliofités aux pies , aux mains
& aux genoux , & qu'arrive la pluralité des
lames ou couches que quelques anatomiftes
ont prifes pour être naturelles.
En effet , les caliofités ne font autre chofe
que des couches de plufieurs épidermes ;
ma;s pour que ces caliofités fe forment , il
ne faut pas que Vépiderme fe fépare entière-
ment , car alors la matière de la tranfpira-
tion ou de la fueur s'éleveroit en véficuies ;
c'eft ce qui arrive dans les brûlures. Vcye^
Callosité , Brûlure.
5°. Ses trous ou pores. Ils donnent paflage
aux poils , aux liqueurs du dehors en-de-
dans ; à celles du dedans en-dehors , telles
que font les exhalaifons de la tranfpiration
cv de la fueur. Cependant les petits trous ou
pores par où s'échappe la fueur , étant bien
examinés, il femble que Vépiderme s'y infi-
nue pour achever les tuyaux excrétoires des
glandes cutanées. Les niches ou follettes
des poils font garnies des allongemens de
Vépiderme , & les poils même en paroiflent
recevoir une efpece d'écorce : les canaux
prefqu'imperceptibles des pores cutanés en
font encore intérieurement revêtus. En ef-
fet , au moyen d'une longue macération de
la peau , on en peut détacher avec Vépider-
me tous ces allongemens , de façon qu'ils
entraînent les poils, leurs racines , & même
les glandes axillaires.
On pourroit expliquer par cette remar-
que , comment les cloches ou empoulesqui
s'élèvent fur ia peau , reftent gonflées pen-
dant un temps confidérable , fans laiffer la
6Kp EPI
fcrolîté extravaiee échapper par les trous ,
qui doivent être agrandis par la diir.ra6t.ion
ëc l'extenfîon de Yépiderme foulevé. Lorf-
qu'il fe détache ainfî du corps de la peau ,
il arrache quelquefois des portions de ces
petits tuyaux cutanés , qui fe plifîènt ôc
bouchent les pores de Yépiderme foulevé , à-
peu-près comme les tuyaux des ballons à
jouer. Ne feroit-ce point ces petites portions
de Yépiderme détaché , que quelques anato-
imftes ont prifes pour des valvules des
tuyaux cutanés
6°. Son épaijfeur différente en diverfes
parties du corps. L'épidémie eft fort épais
dans le creux des mains ôc aux plantes des
pies , ou plutôt il y a dans ces endroits plu-
sieurs couches à'épidermes les uns fur les
autres ; par-tout ailleurs Yépiderme n'eft
qu'un tifïu fort fin. Remarquons ici que
quand quelque portion de cette toile fè dé-
tache de la peau , cette portion devient
alors plus épaifïè , comme on le voit dans
la cuticule des veilles , & dans celle qui fè
fépare des bords des ulcères ou des plaies.
7°. Ses filions plus ou moins confïdéra-
bles en différentes parties du corps. On les
remarque fur-tout à la paume des mains ôc
au bout des doigts , où ils fe manifeftent en
lignes fpirales. Ils défendent peut-être les
vaifTeaux excrétoires qui font dans leurs
cavités. Quoi qu'il en fbit comme Yépi-
derme eft intimement appliqué à la fuper-
ficie de la peau , il n'eft pas étonnant qu'il
en prenne la forme , ôc qu'il foit marqué
comme elle des mêmes plis , des mêmes
rides , des mêmes filions ôc des mêmes
lofànges.
8°. Son infenfibilité. On n'y apperçoit
point non plus de vaiflèaux , & Ruyfch n'a
jamais pu en découvrir par fes inje6tions les
plus fubtiles : de-là vient qu'il ne coule point
de fang quand Yépiderme eft blefle. Cepen-
dant il eft naturellement fî fouple , qu'il
permet aux corps tangibles de communi-
quer iumTam ment leur imprefïïon aux houp-
pes nerveufes fituées au-defîous.
9°. Son incorruptibilité , il je puis parler
ainfî : du moins Yépiderme eft la partie de
tout le corps la moins expofée à la corrup-
tion , & la moins fujette à être rongée. Dans
les abcès le pus n'a guère d'autre action fur
Yépiderme , que de le féparer de la peau , ôc
E P I
de le déchirer ; mais il ne le difTôut pas.
Dans la gangrené Ôc le fphacele Yépiderme
le conferve entier , tandis que toutes les
parties qu'il [recouvre tombent en pourritu-
re. Il ne permet pas même à la pierre in-
fernale de le pénétrer , &c de détruire les
parties qu'il couvre , fans avoir été divifé
le premier. Ces effets viennent-ils de ce
qu'il n'a point de vaifTeaux qui lui foient
propres , ôc de ce qu'il ne reçoit point la
liqueur î
io°. . Sa couleur. 'Uépiderme eft générale-
ment blanc , du moins les recherches exac-
tes ont tait voir qu'il change peu chez les
divers peuples , ôc qu'il conferve prefque
dans tous là couleur blanche. Je dis qu'il
conferve prefque dans tous fa couleur blan-
che , parce qu'on a obfervé que dans les Nè-
gres il n'eft point aufli blanc que dans les
peuples de nos climats ; mais il eft d'une
couleur de corne brûlée , c'eft-à-dire jaunâ-
tre. Ainfî la couleur de Yépiderme ne déter-
mine point abfblument celle de la peau ,
mais plutôt celle du corps muqueux fîtué
au-defîôus. Cela n'empêche pas que Y épi-
derme qui recouvre immédiatement le corps
réticulaire , ne rende le teint plus ou moins
délicat , félon qu'il eft plus ou moins
épais.
ii°. Son ufage: le voici. Uépiderm? fert
à maintenir les pinceaux ou filamcns ner-
veux des mamelons dans une fîtuation
égale, à les empêcher de flotter confufément.
ôc à modifier l'imprefîîon des objets , qui
auraient été douloureux , fi cette imprefïïon
s'étoit faite immédiatement fur les papilles
nerveufes de la peau.
D'un autre côté , le tact particulier , auffi-
bien que le toucher en général , eft plus ou
moins exquis , fdon la fineflè ou l'épaiflèur
de Yépiderme , dont la callofîté affoiblit , ÔC
même fait perdre l'un ôc l'autre.
Un autre ufage de Yépiderme y eft de ré-
gler les évacuations cutanées ; je veux dire
Celles de la fueur , ôc de la tranfpiration inlen-
fible qui eft la plus confîdérable. Il fert vrai-
fembiablement à rétrécir les vaifTeaux cu-
tanés , parce qu'il en forme les extrémités.
En effet , nous remarquons que toutes les
fois qu'il eft enlevé , ces vaiflèaux laiflènt,
échapper les liqueurs qu'ils contiennent ,
en plus grande abondance que de coutume.
Enfin
e p r
Enfin , comme Yepiderme rend là furface
de la peau égale & polie , il contribue ex-
trêmement à la beauté de cette partie , car
plus la cuticule eft mince & diaphane, plus
le teint eft brillant & délicat.
Au lurplus Yepiderme mérite fort l'examen
& les recherches des Phyfîologiftes ,* car ou-
tre que fa ftrucîure n'eft pas à beaucoup
près bien connue, il a des propriétés fingu-
îieres , qu'aucun auteur ne s'eft donné la
peine d'approfondir jufqu'à ce jour.
Je finis cet article par une remarque utile
aux Accoucheurs. Comme les enfans naif-
fent rarement fans épiderme y comme cette
toile ne doit point fon origine a la conden-
iàtion de l'air , j'avoue que lorfqu'elle fe dé-
tache du corps des enfans avant leur naif-
iance , dans les parties par lefquelles ils fe
préfentent , on a lieu de craindre pour leurs
jours , & de foupçonner qu'ils foient déjà
morts dans l'utérus ; cependant il ne faut
pas regarder le détachement de Yepiderme
pour un figne certain de la mort de l'en-
fant , l'expérience a fouvent juftifié la fauf-
feté d'un pareil jugement , & l'erreur de
ceux qui ï'avoient prononcé : on en trou-
vera la preuve dans les obfervateurSi M.
Saviard , qui en particulier a eu tant d'oc-
cafions de s'éclairer fur ce fujet , en fa qua-
lité de chirurgien-accoucheur de l'Hôrel-
Dieu de Paris , nous affaire qu'il a vu plu-
fieurs enfans dont Yepiderme s'enlevoit avant
leur naifïance ; lefquels enfans font toute-
fois venus au monde bien-vivans , & on'
vécu depuis aufïi long-temps que fon âge
lui a permis d'en être le témoin. Les fignes
de la virginité des filles , de la groflèfle des
mères , de leur accouchement prochain, de
la vie ou de la mort des enfans qu'elles
portent, font quatre points qui demandent
Y- e poche des Grecs , ou le non-lïquet des La-
tins. C'eft-là le doute r ai fon nabi e qui diftin-
gue le phyficien éclairé , mod eft e , & par con-
fisquent toujours retenu dans fes dédiions,
du dogmatique ignorant , hardi & prefomt -
tueux. Art. de M. DE J AU COURT.
EPÏDIDYME , Y.m.-en Anatomie , nom
de deux corps variqueux fitués fur la partie
fiipérieure des tefticules , dont ils femblent
proprement être une parrie , u oique dif-
fé-ens du refteen forme & en onfiftance.
Voye\ Testicule..
Tome. XII.
E P I 68t
Ce mot eft formé du grec «rî , & d©
filvfjiof y jumeau , tefticule.
Les épididymes , de même que les tefti-
cules , font compofés de- la circonvolution
' des tuyaux féminaires mêlés avec les vaif-
feaux fànguins ; ils différent feulement en'
ce que dans les épididymes les tuyaux fémi-'
naires font réunis en un feul^ dont les dif-
férentes circonvolutions font plus ferme-
ment liées enfemble par une forte meirw
brane de la tunique albuginée ; ce qui le?
rend plus compactes au toucher que les
tefticulcs. Voye\ SEMENCE , SPERMA-
TIQUE , &c.
Les épididymes & les teflicules font"
renfermés dans trois membranes qui leur
fontprepres. La première vient du mufcle.
cremafler , la féconde eft appelles la virgi-
nale y & la troisième Y albuginée. Vbye%
chacune des ces membranes fous leur article
particulier. Ckambers . ( L )
La beauté de la ftrudure de cette partie
mérite un détail.
On ne peut pas féparer fà defeription de
celle des vaiffeaux féminaux qui naiifent dey-
tefticulcs.
Le tefticule de l'homme & du quadru-
pède eft compofé d'une pulpe molle-, qut
eft feparée en lobes par un très-grand nom-
bre de cloifons cellulaires , produites par
l'albuginée , & qui amènent à la ligne
blanche les vaifîèaux rouges artériels & vei-'-
neux , qui viennent des intervalles des
lobes.
Toutes ces cloifons fe réunifient dans
une ligne blanche qui répond à toute la
longueur de Ye'pididyme , & dont la nature
eft celluleufe.
Il n'y a aucune apparence de glandes
dans la pulpe , dont le tefticule eft compo-
sé : quand on la trempe dans l'eau , elle fe
refour en filets jaunâtres , naturellement
-•opliés comme desferpens, & ramaiTés par
une cellulofité fine ; mais qui s'étendent
dans l'eau & deviennent très-longs. On a
âché d'en efîimer la longueur ; on l'a cal--
culee à 4800 fois la longueur du tefticule,
& même à 52°8 pies. Ils font très-fins*
cylindriques», cependant épais-, avec une
■ rès-petite lumière , & il y va des vaifîèaux
rouges. Nous avons réufli à remplir une
partie de ces filets avec du mercure , 6c il
R-r-r x
68î EPI
n'eft pas douteux qu'ils ne foient tous des
tuyaux.
Il paroît que chaque lobe du tefticule
produit un petit tronc qui accompagne la
cloii'on & qui fe rend dans cette ligne blan-
che & cellulaire que* nous avons indiquée :
il n'eft cependant pas certain que ce tronc
toit unique.
La ligne blanche qui règne le long du
bord externe du tefticule , a été regardée
comme le conduit excrétoire du tefticule ,
iur-tout par Aubry & Léal , car Highmore
n'en avoit pas parlé aufli affirmativement
Swammerdam a entrevu la vérité : il trou-
voit plulieurs cavités dans ce corps de
Highmore , comme on l'a appelle en déro-
geant aux droits de Riolan , ion véritable
inventeur. Degraaf a plus vu encore que
fon émule : il a fait defliner un nombre de
vaifieaux parallèles , qui fe continuent avec
les vaiffeauxefFérens des tefticules.
M. de Haller a reconnu à la fin par l'in-
jeélion du mercure , qu'un réfeau de vail-
fèaux efl placé dans cette ligne cellulaire ;
que ce font les petits vaifîeaux féminaux ,
fournis par les lobes des tefticules , & qui
s'unilfent par des anaftomoles pour monter
vers la tête de Yépididyme. Ces vaifieaux
font très-délicats , mais plus gros que ne
l'eftle tuyfu de Yépididyme. On les inje&e
par le canal déférent , en y employant un
vuide artificiel , que l'on fe procure en fer-
rant le canr.l avec deux doigts approchés ,
dont l'un fait defeendre l'air en tenant le
canal fortement ferré. Après avoir produit
un vuide dans l'elpace d'un pouce . on ou-
vre le doigt fupérieur , &c l'argent vif def-
cend avec rapidité dans le vuide : on le
' force , en répétant cette manœuvre , de
remplir Yépididyme & le réfeau du tefticule.
Il faut avouer que cette manœuvre eft un
peu lente & difficile ; & qu'on n'évite guè-
re de rompre quelqu'un des vaifTeaux du
réfeau & d'extravafer du mercure dans la
cellulofité. D'autres anatomiftes fe font fer-
vis de la preffion d'une colonne fort haute
de mercure , & même de la prefllon de
l'atmofphere , en plaçant le tefticule dans le
vuide & en expofant le tuyau à l'air.
Le réfeau fe termine par des cônes vaf-
culeux, afTez reflèmblans à des queues de
perruques d'état , qui fortent de la partie
E P I
fupérieure du cul de fac , compris entre le
tefticule & Yépididyme y & qui montent
pour compofer la tête de cet épididyme.
Il y a entre trente & quarante de ces cônes :
chacun eft compofé d'un feul vaifTeau plus
gros que celui dont eft compofé Yépidi-
dyme & replié fur' lui-même , & qui forme
un cône dont la bafe eft à ce réfeau , & la
pointe au commencement de Yépididyme,
Il n'eft pas impofîible de remplir tous ces
cônes de mercure : le plus fouvent cepen-
dant on n'en remplit qu'une partie.
Tous ces trente ou quarante vaifieaux
fe réunifient dans la tête de Yépididyme
pour n'en faire qu'un feul- Il eft aifé de dé-
velopper le paquet immenfe de Yépididyme 9
& de le réduire y dans une certaine lon-
gueur , à un feul tuyau très-étroit , afièz fer-
me , mais replié fur lui-même une infinité
de fois , par une fine cellulofité.
Il fe forme par ces replis multipliés un
corps un peu comprimé , dont la partie
fupérieure eft la plus épaifle , qui s'amincit
& s'applanit vers le milieu du tefticule , &
qui eft un peu plus épais à la partie infé-
rieure du tefticule. Le tuyau dont il eft com-
pofé eft prefié contre le bord externe & pos-
térieur du tefticule de la manière dont nous
l'avons décrit en parlant de la vaginale. Ce
corps c'eft Yépididyme.
Le canal déférent eft une continuation
de Yépididyme ; il remonte le long du tef-
ticule , mais intérieurement. Ses commen-
cemens font encore repliés : il fe redrefie
peu-après, & n'eft plus qu'un canal cylin-
drique très-épais , dont la lumière eft très-
fine & la fubftance compofée d'une cellu-
lofité fort épaiftë. La membrane externe en
eft prefque cartilagineufe.
Le canal déférent remonte jufqu'à l'an-
neau du bas -ventre, le pafle toujours der-
rière le péritoine , &. croife le pfbas & les
vaifîeaux iliaques. Nous avons dit le refte à
Yarticle CANAL DÉFÉRENT.
M. Monro le fils & M. Fontana ont vé-
rifié & confirmé la defeription de M. de
Haller , dont je viens de donner un extrait.
{H.D. G.)
\ * ÉPIDOLES , ad j. pris fub. ( Mythol )
Ce terme eft fait d'êT/J <<*«/*/ p augmente :
c'eft ainfi qu'on appelloit les dieux qui pré-
fidoient à Pacer oifîernent des enfans.
E P I
EPIE, adj. ( Vénerie.) Il fe dit d'un
chien qui a du poil au milieu du iront , plus
grand que l'autre , &,dont les pointes le ren-
contrent & viennent à l'oppofite : c'eft une
marque de vigueur & de force.
EPIER , f. m. ( Jurifprud. ) eft un droit
domanial qui ne le levé lous ce nom que
dans la feule province de Flandre. Guypers ,
Burgunduc , & plufieurs autres jurifcon-
fultes flamands , prétendent que le mot
épier qu'ils rendent en latin par le terme
fpicarium y vient de fpica , épi. En effet ,
cette explication développe très - bien la
nature de cette redevance , qui confifte
prefque toujours en blé , en avoine dure &
molle,, quelquefois auffi en chapons, pou-
les , oies ; en œufs , beurre ou fromage.
Le tout le paie aujourd'hui en argent , fui-
vant les évaluations du prix actuel de ces
denrées.
Quant à l'origine de ce droit , elle nous
paroît fe rapporter à celle- que les auteurs
françois attribuent communément aux droits
fèigneuriaux. Sans être parfaitemnt infrruits
de la véritable, forme du gouvernement des
Pays-Bas dans les temps qui ont précédé
le comte Baudouin , gendre de Charles le
Chauve, nous favons afîèz que ces provin-
ces étoient autrefois peu habitables , par la
nature du terrain marécageux , fauvage ,
couvert de vafîes forêts ; & de-là le nom
de foreftiers.) dont plufieurs hiftoriens ont
gratifié, fans preuve les premiers fouverains
delà Flandre,.
La face a&uelle de ces mêmes provins
ces, où les terres font aujourd'hui culti-
vées avec le plus grand fuccès , où les villes
multipliées à l'infini , font peuplées de ci-
toyens qui ne refpirent que. le travail ; ce
coup-d'œil , difons-nous , ne permet pas
de douter que les premiers princes qui les
ont gouvernées ,. n'aient donné toute leur
attention à l'agriculture. Mais pour animer
& fortifier le zèle de leurs vafïàux & fujcts ,
il a fallu leur accorder la propriété des ter-
res qu'ils défricheroient , en fè réfervant
feulement une légère reconnoiflànce. pour
marque de la fbuveraineté..
Des mémoires particuliers afïurent que
Gharlemagne avoit chargé les terres de la
Flandre de la redevance de Y épier y par un
étiit, donné, en l'an 709, dont on prétend
EPI *8 3
que roriginrJ fe trouve dans les archives de
l'abbaye de S. Winocq à Bergues.
Quoi qu'il en foit , il paroît que cette
redevance ayant été impofée fur toutes les
terres du pays , différens chefs de famille ,
curieux d'en affranchir la plus grande par-
tie de leurs biens , avoient afiigné & hy-
pothéqué fur la moindre portion la recon-
noifîance de Y épier. Les temps ont amené
fucceflïvement de nouveaux propriétaires.
Ceux-ci en ont formé d'autres , & par
eux-mêmes, & parles alliances. Les biens
de différentes maifons fe font mêlés ; une
nouvelle fucceflion les a rendus à d'autres ,
& les a fubdivhes. Tous ces changemens
ont fer vi à confondre l'héritage du premier-
mort; enforte que les receveurs de Y épier-
s'étant uniquement attachés à Paffignation
fpéciaîe , perdirent de vue l'hypothèque-
générale.. Ces moindres parties hypothé-
quées fpéciaîèment v ayant été dans la-
fuite furchargées de nouvelles tailles &
importions ; les propriétaires voyant que
le revenu ne fufîïïoit pas pour acquitter ces
charges , voulurent les abandonner , fans,
faire attention qu'elles payoient un impôt
aiîigné. originairement fur la totalité éclip —
fee-
La difficulté de trouver les terres qui:
avoient fait partie de cette totalité , ainfi
que les pofîèffêurs ou; détenteurs , ne
caufoit pas un médiocre embarras ; elie
donnoit lieu à une infinité de procès éga-
lement onéreux au fouverain ôc.aux parti-
culiers.
< -Ce fut pour y mettre fin que les archi-
ducs Albert & IfabelLe rendirent le placard
du 13 juillet 1602 , par lequel ils ordon-
nèrent aux receveurs de faire de nouveaux
regiflres , & aux redevables de fournir le
dénombrement des reconnoifTances par eux
dues; leur permettant d'hypothéquer spé-
cialement telles parties de terres qu'ils ju-
geraient à-propos , & généralement kurs
.perfonnes ou leurs autres biens. Voyefô ar-
ticle 6 de ce placard. .
Et par les articles $9", 60 , 61 , 62. &
autres , il eft dit que les rentes de Y épier de
Flandre feront payables folidairement par
Yhofman , où il y a hof manie ; & où il n'y
en a pas , par le chefde la communauté , ou
,par les plus grands tenanciers , fauf leur
Rrr.r 2...
rf«4 E P I
recours contre leurs co- détenteurs. On
voit par-là que l'hypothèque générale a été
rétablie fur toutes les terres , fans que le
ibuverain ait même voulu s'aftreindre à taire
la difcuflîon de la fpéciale.
Il s'eff encore allez récemment élevé des
conteftations à ce fujet ; mais les particu-
liers qui les ont formées ont été condamnés
par différentes fèntences du bureau des
finances de Lille , & entr'autres par celles
des 6 août 172.2 , 12 août 1723 , 2 dé-
cembre 1724. M. Meliand intendant de la
province, a rendu fes ordonnances des 8
avril & 25 octobre 1726 , fur les mêmes
principes ; & M. de la Grandeville fon fuc-
ceiîeur les a fuivies dans une ordonnance
du 3 novembre 1732 , par laquelle c«
magiftrat enjoint aux hofmans de la châ-
tellenie de Bergues de rapporter entre les
mains du receveur de ¥ épier, les rôles des
terres & des noms des tenanciers ; & aux
greffiers de donner une déclaration des
terres chargées de cette redevance. Voye\
HOFMAN.
M. de Ghewiet auteur des inftitutions
au droit belgique , imprimées à Lille en
1736 , partie II. titre ij § 3. attefte que
les redevances de Y épier fe lèvent à Gand,
Bruges , Ypres , Dixmule , Ruremonde ,
Courtray , Aloft , Harlebcck , Furnes ,
Bergues-Saint-NVmocq , Mont-CaiTèl , &
Geertrudenbergh. Une partie de ces ren-
tes a été engagée ou aliénée en vertu des
édits qui ont ordonné l'aliénation des rentes
albergues. KqyqRENTES ALBERGUES. Il
y a des receveurs de f 'épier } dont les offices
font érigés en fiefs relevans directement du
ibuverain ; il y en a d'autres établis par com-
miffion. Art. de M. DE LA Motte~
Con FLANS , avocat au parlement.
EPIERRER , verb. aft. ( Jardinage. )
C'efl après avoir effondré un terrain , paf-
fer les terres à la groffe claie pour en ôter
".s pierres , & enluite les palier au râteau
fm.jK)
* EPIEU , f. m. ( Chaffè. ) arme faite
d'un long morceau de bois garni à l'une de
fes extrémités d'un fer large & pointu : le
bois s'appelloit la hampe. On s'en fervoit
beaucoup dans les temps où l'on fe piquoit
de faire la chaffe aux animaux les plus dan-
jger-eux & les plus féroces.
E P I
EPIGASTRE , f. m. «T/>a<rp;!', en Ana«
tomie , la partie moyenne de la région épi-
gaftrique. Foyq EPIGASTRIQUE.
Ce mot eft forme de «*» fur , & de
yâçi , l'entre. (L)
EPIGASTRIQUE , ( Anat. ) région épU
gaftrique ; nom qu'on donne à la partie fupé-
rieure de l'abdomen , & qui s'écend depuis
le cartilage xiphoïde jufqu'auprès du nom-
bril. Voye\ RÉGlOîsL
Onladivife ordinairement en deux par-
ties ; les côtés ou la partie latérale , qu'on
appelle hypocondre ; & le milieu , qu'on
appelle épigaftre. Voye\ ABDOMEN.
Il y- a auîfides veines 6c des artères epi-
gaftriques. Les artères font des branches
des artères iliaques externes. Les veines fe
déchargent dans les veines iliaques externes.
Chambers. ( L )
EPIGASTRIQUE ( région ) , Phyfiolog,
Cette partie du corps humain fituée entre la
partie inférieure de la cavité de la poitrine
& l'eflomac , a été regardée par plufieurs
auteurs , & entr'autres par celui d'un ou-
vrage intitulé Spécimen nopœ Medicinx
confpeclus , ( à Paris , chez Guerin , 175 1 , )
comme un point de réunion & comme un
centre d'où les forces organiques femblent
partir pour s'y réunir de nouveau.
C'eït le diaphragme qui joue le princi-
pal rôle dans cette région. L'auteur le con-
fidere comme un balancier > qui donne ,
pour ainii dire , le branle à tous lesvifceres ,
& dont l'empire paroît s'étendre à toutes
les parties du corps. Il leur communique
la force fenfitive ; c'eft-à-dire la tenlion ,
la mobilité , l'activité , le ton qu'excitent
les fenfatiens & les affections de l'ame.
Mais il a une correfpondance plus parti-
culière avec les membranes du cerveau ;
l'auteur en allègue pour preuve différentes
obfèrvations pratiques : il s'appuie fur des
faits anatomiques : il cite en fa faveur une
remarque de M. Petit , qui mettoit dans la
région épigaftrique l'origine du nerf inter-
coffal ( mém. de Vacad. des Scienc. 1727 ;)
mais fans recourir à des expériences con-
teftées , il auroit pu aufîi fe prévaloir de la
quantité prodigieufè de nerfs qui fè diflri-
buent au diaphragme , enforte qu'il com-
munique par leur moyen avec tous les vif-
ceres.
E P ï
D'ailleurs l'auteur remarque avec raifort ,
qu'on peut regarder cet organe comme le
vrai centre du fyffême nerveux & aponé-
v rôti que ; Ton tilîu , fa fituation , fa mo-
bilité ? &n union avec le péricarde, fa
•comrn unication fenfible avec la plèvre &
le péritoine , & par le moyen de ces deux
membranes qui enveloppent tous les vifce-
res du tronc avec tout le genre aponjyro-
ef-
onev t
tique ; fon adion , principalement
romac & fur les inteftins , dont l'auteur
croit qu'il détermine le mouvement périital-
tique ; enfin l'étendue de ies productions ,
qu'Albinus a pourfuivies plus loin que per-
fonne , & qui vont peut-être beaucoup au-
delà; tout cela paroît confpirer à rendre
cet organe propre à exercer une réciproca-
tion avec toutes les parties , & fur-tout
avec le fyfteme aponévrotique , qui enve-
ioppe & pénètre toutes les parties du corps.
L'auteur ajoute que cette réciprocation
du diaphragme eu confidérablement exci-
tée par les différentes fenfations que nous
font éprouver nos befoins fuccefïifs , & par
l'inquiétude avec laquelle nous cherchons
à y pourvoir.
Tous les Médecins favent , dit-il encore ,
que la plupart des malades qui meurent
d'une gangrené dans quelque partie infé-
rieure au diaphragme, fentent très-dif-
tindement & par intervalles , comme une
mafle qui monte peu à peu ; &: dès que ce
poids elî parvenu à la région épigaftrique ,
îe malade tombe dans une fyncope qui ei\
bientôt fuivie de la mort. On peut trouver
plufieurs exemples des cas approchans dans
les anciens médecins. Hippocrate dit dans
les prénotions de Cos y que les plaies du dia-
phragme font toujours mortelles. Les épi—
leptiques fentent quelquefois à l'approche
de l'accès , des vapeurs qui s'élèvent peu
à peu des extrémités inférieures ; & ils per-
dent connoifïânce dès qu'elles font arrivées
à la région du diaphragme , comme Galien
l'a obfervé , de loc. affecl lib. III.
Vanhelmont eft rempli d'obfervations
femblables. Il rapporte dans fon traité du
jiege de Vame y qu'un écolier & un cocher
étoient morts lubirement d'un coup qu'ils
avoient reçu vers l'orifice fupérieur de l'ef-
tornac : il obferve aufîi que les goutteux
fentent les approches de l'accès par une
EPI <fs5
agitation qu'ils éprouvent dans cette par-
tie ; il l'a vue quelquefois li feniible , qu'on
;e pou voit y fouffrir l'application de la
-nain. Tout le monde fait que le chagrin ,
ta trilfefTe , & même le plaifir & la joie ,
;ont une impreilion fenfible vers le creux
Je l'eitomac ; Vanhelmont l'avoit très-bien
remarqué , mais il fè trompe par rapport
au principe , en ce qu'il rapporte cette
îenfation , ainfi que toutes celles dont il
fait mention à ce fujet , ;\ l'orifice fupé-
rieur-de l'eitomac, tandis qu'il elt certain
que c'efl la partie tendineufe du diaphragme
qui eft alors affedée. Ceux qui feront cu-
rieux de voir un plus grand détail fur cette
matière , & un plus grand nombre d'ob-
fervations du genre de celles qui viennent
d'être rapportées , n'auront qu'à confulter
l'ouvrage même. Extrait du Journal des
Sav. Septembre zj£i. (d).
Réflexions de M. le Baron DE Haller >
fur la Région Epigajlrique.
Nous voyons avec peine que l'auteur
de l'article qu'on vient de lire, ait donné
fa confiance à une hypothefè qui l'éloigné
de toute maxime de l'évidence. Il a pré-
féré par-tout à la lumière de l'anatomie
des inférences éloignées , qu'il a cru pou-
voir tirer de quelques obfervations clini-
ques , & qui n'étant pas fujettes aux fens ,
peuvent être expliquées de cent manières
différentes.
Le refped dû au vrai nous oblige dans
un ouvrage qui doit parler à la poftérité ,
de faire fur ces forces épigafiriques quel-
ques obfervations.
On parle de forces organiques ; terme
obfcur , qui , réduit à être intelligible ,
ne peut lignifier que les caufes mouvantes
du corps humain. Ce font les différentes
forces contradives des mufcles ; la force
avec laquelle opère Pefprir animal , & la
force encore plus inconnue de l'ame.
L'ame n'agit point par le moyen du
diaphragme : elle a bien certainement fa
réiidence dans l'encéphale , dont les com-
prenions & les bleflures mènent à la fb-
peur & au délire. Les maladies les plus
cruelles du diaphragme n'afFecfent point
l'ame & ne caufent point de délire ; & Iç
6%6 EPI
ris fardonique n'efl point un fymptome
de (es blefiùres. Nous n'oublierons jamais
h mort d'un médecin trcs-favant & très-
défmtéreffé , dont l'extrême moderne ëtoit
l'unique défaut : il étoit affecté d'une pro-
fonde mélancolie , fuite d'une pallion
malheureufe : il fut attaqué d'une fièvre
avec des étoufFemens ; il vouloit mourir ;
il y réuffit en négligeant tous les fecours ;
il ne perdit pas un moment fa tranquil-
lité & fa liberté d'efprit : on l'ouvrit , on
trouva un abcès très-confidérable au dia-
phragme.
Les forces contradives font de diffé-
rentes efpcces ; mais les contractions len-
tes du tiffu cellulaire , & les contractions
vives de la fibre mufculaire , n'ont rien
qui n'appartienne en propre à ces parties
mêmes. Ces forces exiflent également dans
les parties les plus éloignées du diaphragme ,
& dans les animaux qui font deflitués de ce
roufcle.
La force nerveufe part du cerveau & de
la moelle de l'épine: le diaphragme la re-
çoit & ne produit point de nerfs. Il en a
befoin comme tout autre mufcle : il a (es
nerfs fupérieurs & inférieurs ; mais on ne
peut pas dire qu'il en ait une proportion
fupérieure : l'œil & la langue en ont bien
davantage. Les expériences du nerf phré-
nique ( voye\cf-*devant DIAPHRAGME ,)
prouvent évidemment que ce neri régit le
diaphragme ; qu'il lui donne le mouve-
ment, & qu'il le lui ôte quand il efl com-
primé lui - même. Le diaphragme immo-
bile eft livré à la mort ; l'irritation du nerf
le rappelle à la vie. Mais aucune expé-
rience ne donne le moindre foupçon d'une
adion que le diaphragme exerceroit fur les
nerfs.
C'efl abufer certainement de la facilité
du public , que de citer ici l'excellent
homme M. Périt , le père. Cet anatomiile
a cru que le nerf intercoflal naît dans la
moelle de l'épine , & va fe joindre au nerf
de la fixieme paire; il n'a .jamais penfé à
le tirer du diaphragme , ni- de l'épigaflre. en
particulier.
Le diaphragme n'a aucune liaifbn avec
les méninges : il ne produit pas le mouve-
ment périflaltique , qui fubfiile fans lui ,
qu\ réfide évidemment, dans les inteilins
E P I
eux-mêmes , &: qui continue avec viva-
cité dans les inteilins arrachés du corps de
l'animal. Si le diaphragme étoit la caufe
du mouvement périflaltique , ce mouve--
ment dépendront de la volonté ; mais c'efl
en vain qu'un homme conflipé fait jouer
fbn diaphragme ; (es infpirations les plus
fortes ne produifent rien , de? que le redum
n'agit pas lui-même , ou que la veffie efl.
paralytique.
Aucun fyflême aponévrotique ne pénè-
tre toutes les parties du corps animal. L'au-
teur de l'hypothefe abufe d'un terme qui ne
convient point au tiffu cellulaire , auquel
il l'applique.
Les plaies du diaphragme ne font point-
mortelles : les fartes de fanatomie font
remplis d'exemples, où des inteilins & l'el--
tomac font remontés par une bleffure du
diaphragme dans la cavité de la poitrine ,
où la plaie s'efl cicatrifée , & où long-
temps après , la diiîedion a découvert cet
déplacement.
L'épilepfie remonte , mais elle ne fait,
tomber que loriqu'elle affede la tête.
L'eflomac a effectivement des nerfs très-,
nombreux; il eff d'une fenfibUité exquife.
On produit un fentiment très-particulier ,
en grattant la peau à. l'endroit qui répond,
à l'eflomac ; mais cç[tc, partie efl très-dif*..
tinde du diaphragme.
Nous voyons avec peine les médecins
abandonner l'évidence que leur offrent les
fens., pour s'égarer dans des théories , qui
ne font: fondées que fur des probabilités,
(H.n.G.)
EPIGENEME, f. m. {Médecine.) ce
terme efl tiré d'«~*>ï/i <>.'>«.' , fupen-enio , 'û
fignifie un fymptome, qui, dans.une ma--
ladie avancée dans fon cours, furvient &
fe joint aux fymptomes qui étoient déjà
établis; c'efl la même chofe qu' e'pip h e'no--
mêne. Voye\ EPIFHENOMENE. (d)
^ EPIGEONNER , v. ad. {Maçonnerie.)
c'efl employer le plâtre un peu ferré , fans
le plaquer ni le jeter, mais en le levant
doucement avec, là main &ç la truelle par
pigeons ,- c'efl-à-dire par poignées , comme
lorfqu'on fait- les tuyaux & languettes de
cheminée qui font de plâtre pur.
*EPIGIES, f. m. pi. (Mythol.) ou
nymphes de la terre.. Il y avoit aufll les
EPI
nymphes uranies ou du ciel. Epîgle efl
formé de <ttsn , fur , & >« , terre.
EPIGLOTTE, f. f. kTriyhorTti , en
Anatomie y la couverture ou le couvercle
du laryns. Voye\ LARYNX.
Ce mot efl formé de l-sri ,/tfr } & yKorira,
ou bien yKorja. , langue.
L'epiglotte eft un cartilage mince , mo-
bile , de la forme d'une feuille de lierre ou
d'une petite langue , & qu'on appelle en
conféquence lingula.
Il fert à couvrir la fente du larynx , qu'on
appelle glotte. Voye\ GLOTTE & VOIX.
Galien croit que Yepiglotte efl: le princi-
pal organe de la voix, & qu'elle fert à la
varier , à la moduler , & à la rendre har-
monieufe. Sa bafe qui efl: afTez large , efl:
fituée dans la partie fupérieure du cartilage
fcutiforme, & fa partie large & mince eft
tournée vers le palais ; elle ne fe ferme
que par la pefanteur des morceaux qu'on
avale , mais ce n'efl pas fi exactement que
quelque goutte de la boiflbn ne fe four-
voie quelquefois , & n'entre dans la tra-
chée-artere. Voy. TRACHÉE , LARYNX,
Voix. (L)
Ce cartilage , quoiqu'ataché au larynx ,
n'a rien de commun avec la voix : il n'eft
prépofé qu'à la déglutition, & pour empê-
cher l'entrée des alimens dans la trachée.
Aufli , les oifeaux , feuls chantres de la na-
ture, font-ils deftitués de cette partie, qui
eft propre aux quadrupèdes à fang chaud ,
même à ceux de la claife cetacée.
Le cartilage thyroïde , ou le bouclier ,
fait en-devant un angle plan , dont la par-
tie fupérieure a une échancrure au milieu
des deux plans quarrés du cartilage. C'eit
de la face cave de cet angle , un peu au-
defïbus de l'échancrure , que s'élève un li-
gament robufle , qui foutient le pié carti-
lagineux de Yepiglotte , étroit , applati , &
filloné de trois lignes tranfverfales.
Ce pié foutient lui-même un cartilage
mince, fait en cuiller , qui monte perpen-
diculairement derrière la luette & la lan-
gue , qui efl: concave du côté de la lan-
gue, & convexe contre le larynx : fa pointe
cependant fe recourbe le plus fouvent
en-devant : la figure en efl ovale , c'efî
Yepiglotte.
Elle efl toute criblée de trous : le pié
EPI 6g7
même en efî percé , auffi-bien que la partie
la plus voifine. Il y a même dans toute IV-
piglotte des trous & des fentes pénétrantes ,
irrégulieres , remplies de caroncules rou-
ges , qui pénètrent de la face convexe à la
face concave.
L'epi glotte , n'étant appuyée que fur un
ligament , efl extrêmement mobile , & s'in-
cline naturellement contre le larynx , quand
celui-ci s'élève; c'efl par-là qu'elle fe met à
même découvrir l'entrée de la trachée dans
la déglutition. Elle fe redreflé d'elle-même.
Quelques fibres du thyroarithénoïdiea
s'élèvent jufqu'à Yepiglotte , & peuvent
concourir à l'abaiflèr.
Il y en a d'autres , en petit nombre , qui
naifîent de la face poftérieure de l'échan-
crure du cartilage thyroïde , & qui dépri-
ment également Yepiglotte.
D'autres beaucoup plus fenfibles dans
les animaux , & à peine reconnoi fiables
dans l'homme , viennent de la langue , &
fe rendent au milieu du dos de Yepiglotte ,
& fervent à l'éloigner de l'entrée du larynx ,
& à ouvrir la trachée , comme dans l'ex-
crétion d'un phlegme un peu volumi-
neux.
Un grand nombre de glandes afTez du-
res , font placées fur la convexité dcYepi-
glotte. Ces glandes remplirent de leurs
queues les différentes fêlures de Yepiglotte ,
& reparoiiîènt dans la partie concave
qu'elles arrofent. Elles nous paroifîênt plu-
tôt un amas de glandes , qu'une glande
unique. ( H. D. G. )
* EPIGONES , f. m. pi. ( Myth. ) c'efl
ainfi qu'on appelle les enfans de fèpt capi-
taines qui afliégerent en vain la ville de
Thebes. Les épigones y dix ans après l'ex-
pédition malheureufe de leurs pères , mar-
chèrent contre Thebes fous la conduite
d'Alcméon , vengèrent la mort de leurs
parens & la honte de la première expédi-
tion ; prirent Thebes ; firent un butin
confidérable , & emmenèrent l'aveugle
Tiréfias avec fa fille Manto , à qui ils
confièrent l'adminifiration du temple de
Delphes.
EPlGQNIUM,{Mufiq.inftr.des anc.)
Mufonius nous apprend que Pinflrument
appelle epigonium avoit quarante cordes ;
& d'accord avec Athénée , il en attribua
688 EPI
l'invention àEpigonus d'Ambracîe, grand
muficien , & qui le premier toucha des inf-
trumens a cordes fans pleclrum. Lamufique
a de grandes obligations a cet Epigonus ;
car , au rapport d'Athénée , il imagina le
premier d'unir le chant des flûtes à celui des
cithares; & ôta, par ce moyen, ce qu'il y
avoit de dur & d'inflexible dans le chant
des cithares feules. Il inventa le genre chro-
matique ; le premier il mit en vogue les
inflrumens appelles- jambique , magade &
fyrigmon ; enfin il fut l'auteur des chœurs.
(F. D. C.)
ÉPIGRAMME , f. f. {Belles-Lettres.)
petit poëme ou pièce de vers courte , qui
n'a qu'un objet , & qui finit par quelque
penfée vive , ingénieufe , &: {aillante.
D'autres définiffent Yépigramme une pen-
fée intéreifante , préfentée heureufement &
en peu de mots ; ce qui comprend les divers
genres d'e'pigrammes , telles que les anciens
les ont traitées „ & telles qu'elles ont été con-
nues par les latins & par les modernes.
Les e'pigrammes , dans leur origine ,
étoient la même choie que ce que nous ap-
pelions aujourd'hui infcriptions.On les gra-
voit fur les frontifpices des temples, des
arcs de triomphe , fur les piédeflaux des
fiâmes , les tom'eaux , & les autres monu-
mens publics. Elles fe-rédùifoient- quelque-
fois au monogramme :. on leur donna peu-
à peu plus d'étendue ; on les tourna en vers
pour les rendre plus faciles à être retenues
par mémoire. Hérodote & d'autres nous en
ont confervé plufieurs.
On s'en fèrvit depuis à raconter briève-
ment quelque fait , ou à peindre le carac-
tère des perionnes ; & quoiqu'elles enflent
changé d'objet , elles conferverent le même
nom.
Les Grecs les renfermoient ordinairement
dans de s bornes afiez étroites ; car quoique
l'Anthologie en renferme quelques-unes
affez longues, elles ne paflént pas commu-
nément fix eu au plus huit vers. Les Latins
n'ont pas été li Scrupuleux à obferver ces
bornes , & l^s modernes fe font donné en-
core plus de licence. On peut pourtant dire
en général que Ye'pisramme n'étant qu'une
feule penfée , il efl difficile qu'elle commu-
nique ce qu'elle a de piquant à un grand
nombre de vers.
E P I
M. le Brun , dans la préface qu'il a rnife
à la rête de fes épigrammes , définit Yépi-
gramme un petit poëme fufceptible de tou-
tes fortes de fujets , qui doit finir par une
penfée vive , jufle , & inattendue ; ces trois
qualités , félon lui , font effentielles à i'e pi-
gramme y mais fur-tout la brièveté & le bon
mot. Pour être courte , Yépigramme ne
doit fe propofer qu'un feul objet, & le trai-
ter dans les termes les plus concis ; c'étoit.
le fentiment de M. Defpreaux :
Z'épigramme plus libre s en fon tour
plus borne ,
N'eft fouvent qu'un bon mot de deux-
rimes orne'..
On efl: divifé fur l'étendue qu'on peut"
donner X Ye'pigramme ; quelques-uns la
fixent depuis deux jufqu'à vingt vers ,
quoique les anciens & les modernes en
fourniflenr qui vont bien au delà de ce der-
nier nombre ; mais on convient que les
plus courtes font louvent les meilleures &
les plus parfaites. Les fentimens font aufii
partagés fur la penfée qui doit terminer Yé-
pigramme ,* les uns veulent qu'elle ioit lail-
lante , inattendue comme dans celle de-
Martial , tout le refte , difent-ils , n'étant
que préparatoire ; d'autres prétendent que
les penfées doivent être répandues & fe
foutenir dans toute Ye'pigramme , & c'eft
la manière de Catulle ; d'autres enfin
adoptent également ces deux genres.
Si l'on confulte l'Anthologie , les épigram-
mes greques ne nous offriront guère de ce
qu'on appelle bons mots ; elles ont feule-
ment un certain air d'ingénuité & de {im-
plicite accompagné de vérité & de jufleflè,
tel que feroït le difeours d'un homme de
bon fens ou d'un enfant qui auroit de l'es-
prit- Elles n'ont point le fel piquant de Mar-
tial , mais une certaine douceur qui plait au
bon goût ;ce qui n'a pas empêché qu'on ne
donnât le nom iïépigramme greque à toute
épigrarr.me fade ou infipide : mais nous ne
fbmmes pas dans le point de vue convena-
ble pour juger du véritable mérite des épi-
grammes de l'Anthologie ; il faut fi peu de
cFofe pour défigurer un bon mot , en con-
noît-on toute la fineffe , les rapports , &c.
à 200.0 ans d'intervalle ?
Selon
EPÎ
Selon quelques modernes, c'efr le bon
mot qui caradérife Yépigrammey & qui la
diflingue du madrigal. Le P. Mourgues dir
que c'en1 par le nombre des vers & par le
bon mot , que ces deux efpeces de petits
poèmes font diflingués entr'eux dans la vér-
ification moderne ; que dans Yépigramme
le nombre des vers ne doit être ni au deffus
de huit ni au deflous defix , mais rien n'efl
moins fondé que cette règle; ce qu'il ajoute
efl plus vrai , que la fin àeVépigramme doit
avoir quelque chofe de plus vif & de plus
recherché que la penfée qui termine le ma-
drigal. Voyei Madrigal.
Uépigramme eïi encore regardée comme
le dernier & le moins confidérable de tous
les ouvrages de poéfie ; & quelqu'un qui
n'y réuffiifoit apparemment pas , dit que les
bonnes épigrammes font plutôt un coup de
bonheur qu'un effet du génie. Le P. Bou-
hours a prétendu qu'elles tiroient leur prin-
cipal mérite de l'équivoque. Mais confidé-
rer Yépigramme par Ces rapports , c'efl faire
le procès à Ces défauts fans rendre jufhce
aux beautés réelles qu'elle peut renfermer,
& l'on en pourroit citer un grand nombre
de ce genre tant anciennes que modernes.
Selon quelques autres une des plus gran-
des beautés de l'épigramme, eu de lai (Ter au
lecteur quelque chofe à fuppléer ou à devi-
ner , parce que rien ne plaît tant à l'efprit
que de trouver dequoi s'exercer dans les
chofès qu'on lui préfênte. Mais d'un autre
côté on demande pour le moins avec autant
de fondement , fi une épigramme peut être
louche , & fi c'eft la même chofe qu'une
énigme.
La matière de Y épigramme eu d'une gran-
de étendue ; elle exprime ce qu'il y a de plus
grand & de plus noble dans tous les genres,
elle s'abaiffe à ce qu'il y a de plus petit, elle
loue la vertu & cenfure le vice , peint &
Ironde les ridicules. Il femble pourtant
qu'elle fe trouve imeux dans les genres fim-
ples ou médiocres que dans le genre élevé,
parce que fon caractère eu la liberté &
ï'ailance.
Comme Y épigramme ne roule que fur une
penfée , il feroit ridicule d'y multiplier les
vers ; elle doit avoir une forte d'unité
comme le drame , c'eft-à-dire ne tendre
qu'à une penfée principale, de même que le
Tome XII.
EPI
6$9
drame ne doit embraffer qu'une action.
Néanmoins elle anéceflaircmentdeux par-
ties ; l'une qui eu l'expolition du fujet , de
la chofe qui a produ't ou occafioné la pen-
fée ; & l'autre , qui efl la penfée même ou
ce qu'on appelle le bon mot. L'expofition
doit être fimple, aifée , claire , libre par
elle-même & par la manière dont elle efl
tournée.
Sans parler delà malignité & de l'obfcé-
nité , que la raifon feule réprouve , les dé-
fauts qu'on doit éviter dans Y épigramme ,
font la fauffeté des peniées , les équivoques
tirées de trop loin, les hyperboles, les pen-
fées baffes & triviales. (G)
Une des meilleures épigrammes moder-
nes , efl celle de M. Piron contre L'abbé
Desfontaines de notre fiecle ; puiffe-t-elle
fervir de leçon à Ces femblables ! Une anec-
dote très-plaifante à ce fujet , c'eft que M.
Piron l'a fait écrire en fa préfence par le
Zoïle même : la voici , elle eil à deux
tranchans.
C et écrivain fi fécond en libelles ,
Croit que fa plume efl la lance d'Argail;
Sur le Panarffe entre les neuf Pucelles
Il s' efl placé comme un épouvantail ;
Que fait le bouc enji joli bercail ?
xplairoit-t-il ? chercherait— il à plaire?
Non, c' efl V eunuque au milieu duferrail :
// n yy fait rien } & nuit à qui peut faire.
* ÉPIGRAPHE, f. m.(Hift. anc.) On
appelloit ainfi dans Athènes, des efpeces de
commis qui tenoient les regifîres des im-
pôts , ou des livres où chaque citoyen pou-
voit s'inflruire de ce qu'il devoir à l'état ,
félon l'efrimation de Ces facultés.
EPIGRAPHE, f.f. (Belles-Lettres.) c'efr.
un mot , une lentence, foit en profe , foit en
vers , tirée ordinairement de quelque écri-
vain connu , & que les auteurs mettent au
frontifpice de leurs ouvrages pour en an-
noncer le but : ces épigraphes font devenues
fort à la mode depuis quelques années. M.
de Voltaire a mis celle-ci. à la tête de Ca
Mérope , d'où il a banni la paillon de
l'amour :
Hoc legitey aufleri > crimen amoris abefl.
Les épigraphes ne font pas toujours jufles ; ,
S s s s
C9o EPI]
& promettent quelquefois plus que l'auteur
ne donne. On ne court jamais de rifque à
en choifir de modeftes. (G)
Epigraphe , f. f. (Ans.) nom quePon
donne à toutes les infcriptions qu'on met
furies bâtimens , pour en faire connoître
l'ufage , ou pour marquer le temps & le
nom de ceux qui les ont fait élever. Ces
infcriptions fe gravent le plusfouvent en
anglet , fur la pierre & fur le marbre. Les
anciens fefervoient de caractères de bronze
pour celles des arcs de triomphe & des tem-
ples , & ils en couloient les crampons en
plomb. Le mot épigraphe n'eft guère ufifé
encefens ; on fe lert du mot infcription.
Voye\ Inscription.
On nomme encore épigraphe , toute inf-
cription qu'on grave au haut ou au bas d'une
eftampe pour en indiquer l'efprit & le ca-
radere. L'abbé de Choify , connu par lbn
ambaffade de Siam , par la vie de quelques-
uns de nos rois, & par des ouvrages de
piété, dédia fa traduction de l'imitation
de Jefus-Chrift à madame de Maintenon ,
& fit graver pour épigraphe au bas de la
taille-douce qui repréfente cette dame à
genoux au pie du crucifix , les t il & 12.
du Pf. xljv. fuivant la vulgate ,.& xlv. fé-
lon l'Hébreu : audi> fi.Ha , & inclina aurem
tuam, €? oblivifcert domum patris tui ; &
concupifcet rex décore m cuum. On dit qu'on
retrancha cette épigraphe dans la féconde
édition ; mais elle exifte dans la première ,
& c'eft pour cette raifon qu'on la recherchoit
très-curieufèment du temps de Louis XIV.
Voye\ M. Dupin, bib. des aut. eccléf. du
xvi j. fiecle y com. VII. & Amelot de la.
Houfîàye , tome II.
Ilferoità fbuhaiter , comme M. l'abbé
Dubos l'a fort bien remarqué, que les Pein-
tres qui ont un fi grand intérêt à nous taire
connoître les perfonnages dont ils veulent
fe fervir pour nous toucher, accompagnai
-fent toujours leurs tableaux d'hiftoire d'une
courte épigraphe. Le fens à'es peintres go-
thiques, tout groffier qu'il étoit, leur a fait
connoître l'utilité des épigraphes pour l'in-
telligence du fujet des tableaux. Il eft vrai
qu'ils ont fait un ufage auffi barbare de
cette connoifîànce , que de leurs pinceaux.
Ils faifoient fortir de la bouche de leurs fi-
gures, par une précaution bizarre, des rou-
E PI
îeaux fur lefquels ils écrivoient ce qu'ils
prétendoient faire dire a ces figures indolen-
tes; c'étoit-là véritablement faire parler ces
figures.
Lçs rouleaux gothiques fe font anéantis
avec le goût gothique : à la bonne heure ;
mais en corrigeant la manière on peut en
retenir l'idée , & dans certaines occafions
on ne fauroit s'en parler; auffi les plus grands
maîtres ont jugé quelquefois une épigraphe
de deux ou trois mots néceflaire à l'intelli-
gence du fujet de leurs ouvrages, & en con-
fcquence ils n'ont pas fait fcrupule de les.
écrire dans un endroit du plan de leurs ta-
, bleaux où ils ne gatoient rien. Raphaël & les
Carrache en ont ufé ainli ; & M. Antoine
Coypel a placé de même des bouts de vers,
de Virgile dans la galerie du palais royal ,.
pour aider à l'intelligence de les iujets qu'il
avoit tirés de l'Enéide.
Enfin tous les peintres dont on grave les
ouvrages ont fenti l'utilité de ces épigraphes^
& ils en metteiiTau bas des eiïampes^qui le.
font d'après leurs tableaux. Cm peut donc
ruivre :e même ufage pour les tableaux,
mêir: ; caries trois q arts des fpectateurs,,
qui font d'ailleurs très-capables de rendre
julHce à l'ouvrage , ne font point aflez let-
t; pir deviner le fujet d'une eftampe ni,
d'un tableau : ces fujets font fouvent pour
le ipeclateursune belle perfonne qui plaît,
nais qui parle une langue qu'ils n'enten-
dent point : on s'ennuie bientôt de la re^
garder, parce que la durée des plaifirs où.
l'efprit ne prend point de part eft bien
courre. DE J au court.
* EPILANCE , f. f. (Fauconnerie.) ef-
pece d'épilepfie à laquelle les oifeaux font,
fujets. Quand ils en font attaqués , ils tom-
bent fubitement du poing ou de la perche;
ils reftent quelque temps comme morts ; ils
ont les yeux clos , les paupières enflées ,
l'haleine puante, & s'efforcent d'émeutir..
Ces accès les prennent deux fois par jour :
on prétend que cette maladie eft conta--
gieufe.
EPILENE, chanfon des vendangeurs ,,
laquelle étoit accompagnée de la flûte.
Voye\ ATENÉE , liv. V. (S)
** EPILENIE , f. f. (Hifi. anc.) danf*
{ pantomime des Grecs, dans laquelle ils imi-
[ toientee qui fepalTe dans la foule des.raiiins*
E P I
EPILEPSIE f. f. {Médecine) cftune
efpece de maladie convulfive qui affede
toutes les parties du corps, ou quelques-
-unes en particulier , par accès périodiques
ou irréguliers , pendant lefquels le malade
éprouve la privation ou une diminution no-
table de l'exercice de tous Tes fens & des
mouvemens volontaires.
Le mot épilepfiey êV/Aw-J,'* %*n*\tt ,
vient du grec ttiKAnChtàtu , qui fignifie
furp rendre y à caufe que ce mal faifit tout-
à-coup ceux qui y font fiijets : les Latins
ont appelle cette maladie comitialis morbus y
parce que les Romains rompoienr leurs af-
femblées , lorfqu'il arrivoit que quelqu'un
y étoit attaqué â,e'pilepjie ; ce qu'ils regar-
doient comme de mauvais augure. D'au-
tres l'ont nommée morbus face r y foit parce
qu'ils la regardoient comme une punition
du ciel , Toit parce que le fiege de la caufe
paroît être dans la tête , qu'ils regardoient
comme la partie facrée du corps ,facrapal-
ladis arx ; foit parce que les perfonnes qui
fontf urprifes par un accès iïèpilepjie le font
fi fubitement , qu'elles femblent frappées de
la foudre. On lui a encore donné le nom
de morbus hercule us y o\\ parce qu'Hercule
étoit fujet à cette maladie , ou parce qu'elle
femble réfifter avec beaucoup de force à
celle des remèdes , qui ne peuvent que très-
difficilement en furmonter la caufe & la
détruire. L'on donne auflî communément
à Yépilepjie le nom de morbus caducus , mal
caduc y a cadendo y & celui de haut-mal ,
parce que les malades ne peuvent s'empê-
cheç ordinairement de tomber de leur haut,
s'ils font debout; lorfque l'accès les furprend ;
celui de fonticus } parce que cette maladie
nuit beaucoup à j'économie animale : on
trouve encore dans plufieurs auteurs cette
maladie défignée fous le nom de morbus
puerilis , vo^tï.uat tzcuïiw , félon Hippocrate,
parce que les enfans font très-fufceptibles
d'être attaqués de cette maladie.
Uepilepjîe admet plulieurs différences ,
ou par les divers accidens qu'elle produit,
ou par les différens lièges de fa caufe : celles-
là confident en ce que la maladie peut être
plus ou moins violente , récente ou invété-
rée , &c. celles-ci font plus importantes à
établir ; elles confident en ce que la mala-
die peut être idiopathiquc , c'eft-à-dire que
la caufe réfide dans la tête & affecte le cer-
veau immédiatement ; ou fympathique ,
dont la caufe exifte dans toute autre par-
tic que le cerveau , & ne l'affeôe que par
communication , comme dans l'eftomac ,
la matrice , ou dans toute autre partie du
corps.
Les fymptomes de cette maladie font fi
variés , fi extraordinaires & fi terribles ,
qu'on a cru anciennement ne pouvoir les
attribuer qu'à des caufes furnaturelles ,
comme au pouvoir des dieux , des dé-
mons , aux enchantemens , ou à l'influence
des aftres , comme à celle de la lune , &"c.
Cependant toutes ces variétés ne dépen-
dent que des différens mouvemens des par-
ties qui en font fulceptibles , par conféquent
des mulcles : elles confident principale-
ment , ces variétés , dans les différentes con-
tractions mufculaires : celles-ci ne peuvent
être excitées que par la différente diftribu-
tion , le cours involontaire , irrégulier du
fluide nerveux dans les organes du mouve-
ment , pendant qu'il eft empêché de fe por-
ter aux organes du fentiment ; & par ce qui
peut produire ces efïèts.
Les caufes en font très-nombreufes , tel-
les i°. que les léfions du cerveau dans fes
enveloppes , fa furface , fa fubftance , (es
cavités , par commotion , contufion , blef-
fure , par abcès , effufion ou épanchement
de fang , de fanie , de pus , d'ichorofité ,
de lymphe acrimonieufe , par quelque ex-
croilîance offeufe de la furface interne du
crâne , par enfoncement de quelques-unes
de fes parties , par quelque fragment ou quel-
que efquille d'os, ou quelque corps dur étran-»
ger qui blefïè les méninges ou la fubftance
de ce vifcere ; par un amas de globules mer-
curiels qui foient portés , par quelque voie
que ce foit , dans fes vaiffeaux ou (es cavi-
tés ; la corruption de la fubftance même
du cerveau par les fuites d'une inflamma-
tion , de l'érofion de fes membranes ; de la
carie de fa boîte oflèufe. Ces différentes
caufes font rendues plus adives par tout ce
qui peut augmenter la quantité des humeurs
qui fe portent vers le cerveau , comme la
pléthore , l'exercice immodéré , la chaleur ,
l'excès dans l'ufage du vin , de la bonne
chère , du coït , la contention de l'efprit ,
les profondes méditations, les grands efforts
S s s s 2, s
6oi
EPI
Ae l'imagination , & fur-tout la crainte & !
la terreur.
2°. On doit encore placer , parmi les
caufes de contrarions mufculaires ^régu-
lières , tout ce qui affecte violemment le
genre nerveux , comme les douleurs fortes
& périodiques , la pafiion hyflérique , les
irritations & les érofions cauiées dans les
enfàns par l'effet des vers , par des humeurs
acres ramaflees dans les boyaux , par la qua-
lité acreacide du lait , & par fa coagula-
tion , par le méconium , par la dentition
difficile, parle levain de la petite vérole ,
les violentes douleurs d'eflomac , la matière
.<i'un ulcère renfermée dans quelque partie ,
.la trop grande abflinence de manger ,
comme aufii la crapule & l'ufage des ali-
mens , de boiflon acre , de remèdes & de
.poifbns de même qualité.
30. On doit attribuer les mêmes effets
aux caufes fuivantes ; favoir , à la fùppref-
iion de certaines évacuations qui fe fai-
foient auparavant , comme des menflrues ,
des lochies , des hémorrhoïdes , de fanie ,
de pus , d'urine ; à la répercuffion de la
galle , d'une dartre.
4°. On doit encore ranger parmi les
caufes des convulfions épileptiques , cer-
taine vapeur dont le foyer a ordinairement
.fon ficge dans quelque partie des extrémi-
tés du corps , d'où elle femble s'élever au
commencement de l'accès , en excitant le
fentiment d'une efpece d'air ou vapeur qui
monte vers les parties fupérieures jufqu'à
ce qu'il foit parvefiu au cerveau ; ce qui
cil Couvent l'effet d'un nerf comprimé par
.quelque cicatrice' ou quelque tumeur ,
comme un skirrhe , un ganglion. Il n'efl
pas facile de rendre raifon de ce phéno-
mène ; il efl cependant vraifemblable
qu'il efl: produit par une conrraclion fpaf-
modique qui refferre les vaiffeaux des par-
ties mentionnées ( où fe fait fentir cette
efpece â'aura frigida y) y arrête le cours
du fang , d'où le fentiment de froideur ,
& fit refluer les humeurs vers les par-
ties fupérieures ; d'où s'enfuit que la mala-
die , dans fon commencement , reffemble
iouvent à une attaque d'apoplexie. Voye\
une obfervation à ce fujet dans le recueil
de la fociété d'Edimbourg, tom. IV. Voy.
Vapeur.
E PI
$°. La plupart de ces caufes (I. II. III.
IV. ) peuvent être l'effet d'une mauvaife
conformation des folides , d'un vice héré-
ditaire tranfmis du père ou de la mère , ou
de quelques ancêtres ; enforte qu'il arrive
quelquefois que le fils n'en éprouve aucun
mauvais efîet , mais bien le petit -fils :
peut-être peuvent- elles être aufii l'effet de
l'imagination de la mère , qui ayant eu oc-
cafion de voir un épileptique pendant fa
groffeffe en a eu l'efprit frappé.
Toute cette expoiition des différentes
caufes de Vépilepjïe y tirée de Boerhaave,
efl le réfultat de ce qu'ont appris à cet
égard l'obfèrvation des fymptomes de cette
maladie , & l'infpecfion des cadavres de
ceux qui en ont été atteints ; enforte qu'on
peut en conclure que la caufe prochaine
dépend de ladifpofition du cerveau, dans
laquelle les voies qui fervent à diflribuer le
fluide nerveux aux organes du fentiment ,
font fermées totalement, ou confidérable-
ment embarraflées , pendant que celles qui
fervent à diflribuer le même fluide aux or-
ganes du mouvement , refient ouvertes & le
reçoivent en abondance , avec beaucoup de
célérité & fans oindre.
Les perfonnes qui font fujettes aux atta-
ques iïépilepfie y fentent qu'ils font fur le
point d'en foufîrir une par les fignes fui-
vans : ils éprouvent d'abord une chaleur
extraordinaire ; la vue fe trouble ; ils fen-
tent des furfauts dans les tendons ; la mé-
moire efl affoiblie. Des vertiges, des éblouif-
femens , de mauvaifes odeurs , du bruit
dans les oreilles , des douleurs & des pe-
fanteurs de tête , la pâleur du vifage , un
mouvement irrégulier dans la langue , une
trifleffe profonde , des ardeurs d'entrailles,
font aufii les avant-coureurs de cette ma-
ladie ; & lorfque l'accès commence , le
malade efl le plus fouvent renverfé tout-à-
coup , ou , s'il efl couché , les extrémités
inférieures fe plient & font ramenées invo-
lontairement vers le tronc. Il fait d'abord
de grands cris , & enfuite il refpire avec
peine & avec bruit , comme fi on l'étran-
gloit ; il grince des dents ; il rend de' l'é-
cume par la bouche ; il fait des grimaces
horribles ; il efl agité par des convulfions
dans tout fon corps , & il éprouve des fe-
çouflês violentes , qu'il n'efl pas en fon
EPI
pouvoir d'empêcher; il perd ordinairement
l'ufage de tous Tes fens ; il fe vuide invo-
lontairement des matières fécales , de l'u-
rine ; il fe fait de même quelquefois un
écoulement de femence , & il ne peut ap-
percevoir rien de ce qui fe préfente autour
de lui , pendant le paroxyfme , dont il [
puiffe ie rappeller le fouvenir après qu'il
eft fini : quelquefois cependant , lorfque
l'attaque n'eft pas forte , il n'a pas toutes
les parties du corps en convulfion , & il ne
tombe pas toujours ; il n'a que quelques
parties agitées ; fa tête , par exemple ,
éprouve des fecoufïes , ou les yeux lui
tournent , ou il jette Ces bras & fes jambes
de coté & d'autre , ou il tient opiniâtre-
ment les poings fermés , ou il marche en
tournant & court ça &c là , fans parler ce-
pendant , fans rien entendre & fans rien
fèntir , enforte qu'il ne ie fouvient aucune-
ment de tout cela après l'accès. Marcellus
Donatusaobfervé une epilep/ie danslaquelle
le malade ne tomboit point; Antoine Beni-
venius & Sennert rapportent avoir vu un
épileptique qui reftoit debout pendant l'ac-
cès : Dodonée dit en avoir vu un qui refloit
aflis ; Eraft un autre qui couroit ; & Brun-
ner parle d'un épileptique qui entendoit ce
qu'on lui difoit & ce qu'on faifoit auprès
de lui , dont il fè reflouvenoit après le
paroxyime : mais ce font-là des cas très-
rares.
On difhngue Yepilepjîe en général du
fpafme y en ce que celui-ci & toutes fes
efpeces confifTent dans une contraction des
mufcles confiante & opiniâtre ; au lieu
que dans Yepilepjîe la contraction mufcu-
laire ne fubfifle pas continuellement , &
fe fait par intervalles & comme par fe-
coufïes. On la diftingue aufîî de la convul-
fion } parce que dans celle-ci il n'y a pas
d'altération dans l'ufage des fens , & dans
cells-là il y a prefque toujours en même
temps léfion des fondions pour le mouve-
ment & pour le fentiment.
Outre les figues ci-defïus rapportés qui
cara&érifent Yepilepjîe en général , il y en
a aufii pour connoître les différentes efpe-
ces qui leur font particulières; ainfi celle
. dans laquelle le cerveau eft immédiatement
affecté , fe connoît parce que le malade
n'a ordinairement point de prefîentiment
E P I ^
de l'attaque qu'il va efîuyer: il en eft fur-
pris comme d'un coup de foudre ; il Va
pas le moindre fentiment de douleur dans
aucune partie de fon corps avant l'accès ,
& il ne Je porte aucune autre imprefiion
des parties inférieures vers les fupérieures •
il efl habituellement fujet à des iymptomes
qui indiquent que le cerveau eft arfeCié , tels
quelapeiànteur de tcte, la pâleur du vifàge
les vertiges , l'oblcurciflêment de la vue , le
fommeil inquiet , agité , l'afFoibliifement
confidérable de l'exercice des fondions
animales , l'engourdiffement des fens. Les
paroxyfmes qui proviennent du vice du
cerveau font plus violens & plus longs , il
fort de la bouche une plus grande quantité
d'écume.
Les attaques tfepilepfie fympathique font
diftinguées de -celle de l'idiopathique
parce qu'il précède ordinairement quelques
lignes qui annoncent celles-là , tels que la
douleur de quelque partie inférieure , & le
fentiment d'une vapeur qui s'élève enmême
temps vers la tête. Les paroxyfmes font
moins violens à tous égards ; ceux qui fort
occafionés par le vice de l'eftomac s'an-
noncent par un fentiment d'agitation d'é-
rofion & de morfure dans ce vifeere' de
pefanteur , de tenfion dans la région 'épi-
gaftrique. Lorfque la corruption du lait
dans l'eftomac des enfans donne lieu à
Yepilepjîe , ils éprouvent auparavant des
douleurs d'entrailles , & ils rendent des
matières fécales faffranées , & quelquefois
reffemblantes au verd-de-gris : d'ailleurs
dans tous les cas où la caufe de Yépilepfie a
fon fiege dans l'eftomac , on apperçoît les
fignes qui annoncent la léfion de ce vifeere
tels que le défaut d'appétit , les digefrions
imparfaites , les rots , &c. Loriqie les vers
font la caufe de Yépilepfie , on le connoît
par les lignes qui indiquent leur exiftence
& leurs effets. Voye\ Vers.
Lorfque la matrice eft le fiege de la caufe
de cette maladie , on s'en afîiire par les
fymptomes qui font connoître la léfion de
cet organe. Voye\ Maîrice.
On peut juger fi Yépilepfu provient d'une
cauie qui f oit fixée dans une partie#xterne
en examinant fi elle a été précédemment
affectée de quelque blefîure , ou abcès, oa
. ulcère , de la morfure de quelque bêt&
^4 EPI
venimeufe : s'il y reffent quelque douleur
avant l'accès , on s'en afïùre , fi l'on peut
en arrêter les progrès , ou au moins les
modérer , en appliquant une ligature au
membre d'où l'on foupçonne que vient le
mal , au defTus de l'endroit que l'on en
croit le fiege, & en faifant des fri&ions à
la partie qui efl au defîbus.
L'énumération de tous les lignes des
différentes efpeces d'epilepjie Ce trouve plus
circonstanciée dans les œuvres de Sennert ,
d'où on a tiré ce qui vient d'en être rap-
porté. Le même auteur entre dans un
détail bien exael , pour recueillir tous les
phénomènes qui peuvent fervir à établir
les fignes pronoftics de cette maladie.
Nous allons en dire quelque chofe ; on ne
peut mieux faire que de le confulter , de
même que Nicolas Pifon , Lommius , pour
ce qui peut manquer ici à cet égard.
\J èpilepfie , de quelque efpece qu'elle fbit,
eft toujours dangereufè ; elle eu cependant
ordinairement une maladie de long cours ,
£ moins que les accès ne foient fi violens ,
fi fréquens , & de fi longue durée , qu'ils
occafionent bientôt la mort : celle dans
laquelle les fondions animales font abolies ,
les mouvemens convulhfs font très-forts
& durent long-temps , les excrémens font
rendus par le malade , fans qu'il s'en ap-
perçoive , & où il tombe enfuite dans
î'ina&ion & le repos , enforte qu'il femble
mort , doit faire craindre un événement fâ-
cheux , fur-tout lorfqu'elle efl invétérée :
celle au contraire qui eft récente , & dont
les accès font courts , fans convulfions vio-
lentes , eft prefque exempte de danger > &
fufceptible de guérifon , fur-tout fi la ref-.
piration efl libre.
Vepilepjie héréditaire , de quelque ef-
pece qu'elle foit, efl prefque toujours incu-
rable ; ni l'âge plus avancé , ni l'art , ne
peuvent en détruire la caufe. Selon Hip-
pocrate Yepilepjie qui fùrvient avant l'âge
de puberté peut être guérie ; celle qui at-
taque après l'âge de vingt-cinq ans ne cefîe
guère , qu'avec la vie , de produire Ces
effets : c'efl-là ce qui arrive ordinairement ,
mais non pas toujours ; car il n'efl pas
fans exemple d'avoir vu des perfonnes d'un
âge avancé qui ont été délivrées des accès
dVpiïepJîe. « Les jeunes perfonnes atta-
E P I
» quées de cette maladie, en font gué-
» ries par le changement d'air , de réfi-
» dence & de régime , » dit encore le père
de la Médecine.
Les enfans qui font fujets à Yepilepjie dès
leur naifîance , font plus en danger d'en
périr , à proportion qu'ils font moins avan-
cés en âge : ceux qui prennent de la gale
à la tête en font rarement attaqués , félon
la remarque de Baglivi. De quelque efpece
que foit cette maladie , il eft plus ordi-
naire d'en voir les hommes attaqués que
les femmes , les enfans que les vieillards :
lorfqu'elle fùrvient à ces derniers elle efl
prefque incurable.
Rien ne diipofe tant les enfans qui en
font atteints à en guérir , que d'avancer
en âge ; car les garçons s'en délivrent par
le coït , & les filles par l'éruption des
règles.
On a obfervé fort juflement que fi une
femme devient épileptique pendant fa
grofîèfîe , elle s'en délivre par l'accouche-
ment : cependant il efl très-dangereux
qu'une femme grofïè ait des attaques dY-
pilepjie ; il y a lieu de craindre l'avorte*
ment , & des fuites encore plus fâcheufes.
Ue'pilepjie idiopathique efl toujoursplus
dangereufè & plus difficile à guérir que
la fympathique ; & celle-ci eft cependant
très-pernicieufè , lorfque le vice de la
partie qui afFecle le cerveau par commu-
nication efl invétéré.
Si le délire & la paralyfie fuccedent à
Yepilepjie , il n'y a plus de remède à ten-
ter , le mal efl incurable.
La mélancolie produit fouvent Yepilep-
jie y comme Yepilepjie produit aufli la mé-
lancolie , félon Hippocrate. L'apoplexie
efl quelquefois une fuite très-funefte de
celle-là : on prétend que c'efl prefque un
remède aflûré qu'il furvienne une longue
fièvre à Yepilepjie , & fur-tout la fièvre
quarte.
Il efl facile de conclure , de tout ce qui
vient d'être dit de Yepilepjie, des différentes
caufes qui peuvent l'établir , de celles qui
en déterminent les effets, des diverfes parties
du corps où peut être fixé le fiege du mal,
que l'on ne peut pas propofer une méthode
générale pour le traitement de cette mala-
die ; il faut avoir égard à toutes les diffe-
EPI
rencesdu vice dominant, efficient, & de
celui qui eft occafionel , pour appliquer
les remèdes qui conviennent au caractère
bien connu de ces différentes caufes ; on
doit examiner fi elles font fufceptibles d'ê-
tre détruites , ou fi elles ne le font pas: dans
le premier cas on peut entreprendre la cure
radicale de la maladie , & dans le fécond
on ne peut s'occuper que de la cure pallia-
tive. On doit aufli diftinguer dans le trai-
tement le temps & l'intervalle des paroxys-
mes : ainfî le médecin appelle (ce qui arrive
rarement , ) pour un malade qui eft ac-
tuellement dans un accès <\?epy lepjie , doit
d'abord le faire placer éten \u fur le dos , la
tête un peu relevée , plutôt dans un lieu bien
éclairé que dans un endroir obfcur; lui faire
enfuite ouvrir la bouche , & lui faire met-
tre entre les machoues quelque corps qui
réfifte à l'action des dents , lans rifque de
les rompre , pour empêcher qu'il ne la ter-
me, afin.de donner un écoulement à la fa-
live & à l'écume qui fe ramaffe , de rendre
lia refpiration libre en conféquence ,, & de
prévenir l'effet des convulfions.par lequel il
pourroit fe mordre la langue , comme il eft
arrivé fouvent au point qu'il en aétéentié--
rement coupé des portions , félon l'obferva-
tion de Galien & de Foreftus : il faut en
même temps difpofer le malade , de manière
qu'il ne puiffe pas fe blcflerparles différen-
tes agitations de. fon corps.
Ces préalables xemplis , quelques auteurs
recommandent en général d'employer di-
vers remèdes fpiritueux, volatils, dont on
frotre les narines , les tempes ,.dont on verfe
quelques gouttes dans la. bouche du ma-
lade ; de lui faire fentir des odeurs fortes,
de lui fouffler des poudres ftemutatoires
dans les narines , de lui donner des Jave-
mens acres , irritans^ de lui faire des fric-
tions aux extrémités , & d'y appliquer de
temps en temps des ligatures,. & les relâ-
cher. Mais il, faut obferver que dans Y épi-,
lepjie habituelle il vaut mieux laifîer le. ma-*
Jade en repos , que de lui adminiftrer tous
ces remèdes , qui? ne font le plus fou vent
qu'augmenter la fatigue que lui caufent les
convulfions ; ils ne peuvent être utiles que
dans le cas où il paroîr que la circulation eft
rallentie , que la chaleur naturelle eft con-
fidçrablement diminuée , & qu'il y a lieu de
EPI 69?
craindre quelque défaillance mortelle , ou.
qu'une attaque d'apoplexie ne fuccede à.
celle d'épilep/ie , ou que celle-ci ne dégé-
nère en paralyfie.
Après que l'accès épileptique a ceffé , on
doit s'appliquer à employer les moyens qui
peuvent en empêcher le retour, ou au moins
le rendre plus rare , en attendant que l'on
puiffe parvenir a détruire entièrement la
caufe efficiente du mal , fi elle en eft fuf-
ceptible ; & quoiqu'elle foit de différente
nature, il y a cependant des indications à:
luivre ,. communes à toutes les efpeces de-
cette maladie: ainfi, comme il peut y avoir
des fignesde pléthore après la fin de l'accès,
de quelque caufe qu'il provienne , on doit
d'abord y remédier par les évacuations gé-
nérales, mefurées & réglées fur les forces du
malade ; c'eft-à-dire par la faignée & les.
pur-gations. Si-la foiblefïè du malade paroîc
être le fymptome qui exige le remède le plus
preffant , on a recours aux cordiaux & à la.,
diere analeptique. .
Dès que le malade eft en difpofition de
foutenir les remèdes convenables contre le
vice que l'on, eft affuré être la caufe princi-
pale de Yépilepfie , on ne doit rien négliger
pour le corriger ou pour empêcher (es fu-
neftes effets , avant que le- mal ait jeté de
.plus profondes racines : ainfi lorfque Y épi" ■
lepjie eft idiopathique , & qu'elle eft l'effet
^e quelque conformation vicieufe dans les
folides du cerveau ,. ou de quelque tumeur
offeufè , skirrheufe , , ou , de quelque autre
caufe de cette nature ; comme on ne peut
•pas favoir pofitivemenrle point ou réfide
cette caufe, & quand on le pourroit con-
noître , il ne ferok fouyent pas poiîible d'y
atteindre pour la détruire ; on doit fe borner
dans defemblables cas à prévenir ou à faire
ceffer l'effet des caufes occafionelles qui
pourroient augmenter- l'engorgement des
vaiffeaux du cerveau dans la partie compri-
mée par plénitude ou par irritation : on ob-
tiendra cet effet par lés- remèdes propres
contre la pléthore & l'acrimonie des hu-
meurs. Si la maladie eftcaufée par la preû
jfîon ou l'irritation occafionée par quelque
corps étranger, foit fblide , foit liquide ,
on- doit tâcher d'en faire l'extraction par le
trépan , ou par tout autre moyen que l'art
peut fournir. Les autres maladies du crâne
96 EPI
& du cerveau , qui peuvent donner lieu à
Yépilepjie , doivent être traitées par les re-
mèdes appropriés , fi elles font de nature à
en admettre quelqu'un ; car le plus fouvent
elles font incurables , lur-tout dans les adul-
tes. Les caufes déterminantes des paroxyf-
mes , qui font telles qu'elles peuvent fe
renouveller continuellement , doivent être
foigneufement recherchées , pour employer
les moyens propres à empêcher qu'elles
n'aient lieu , ou à les détruire. Lorfqu'elles
font formées , elles font très-nombreufes ,
ainfi il faut avoir bien difhngué le caraâere
de chacune , avant que de lui oppofer des
remèdes , tant préfervatifs que curatifs. Le
régime fert beaucoup en ces deux qualités ;
& i'ufage réglé des fix chofes néceflaires ,
que l'école appelle non-naturelles } fournit
aufîi des lecours efficaces pour remplir cette
double indication.
Pour ce qui eft des médicamens , ils doi-
vent être choifis de nature à combattre le
vice dominant des folides ou des fluides. Si
les* premiers pèchent par trop de rigidité ,
de féchereffe , on doit employer les relâ-
chans , les hume&ans intérieurement , ex-
térieurement, tels que les tifannes appro-
priées , les eaux minérales froides , Ls lave-
mens , les bains tiedes. S'ils pèchent par
trop de tenfion , d'érétifme , comme dans
les douleurs quelconques , on doit faire
ufage des anodyns , des narcotiques, des an-
tifpafmodiques , & travailler enfuite à em-
porter la caufe connue : fi elle dépend des
acres irritans , comme des matières pour-
ries, des vers dans les premières voies, ce
qui a prefque toujours lieu dans les enfans
épileptiques , les vomitifs , les purgatifs ,
les amers , les mercuriels , les antelminti-
ques , font les moyens que l'on doit em-
ployer pour la détruire : fi elle eft occalio-
née par la dentition , les remèdes en font
indiqués en fon lieu {yoye\ DENTITION ;)
ainfi des autres vices qui peuvent occalio-
r.cr la douleur , contre lefquels on doit ufer
des moyens propofes dans les différens
articles où il en eft traité. Voye\ DOU-
LEUR , &c.
Si les fluides pèchent par épaiffifTement
ou par acrimonie , on emploie avec fuc-
cès contre le vice de la première efpece ,
les purgatifs aloétiques , hydragogues , les
E PI
fondans antimoniaux , les apéritifs martiaux
& mercuriels ; & contre celui de la fécon-
de , les fpécifiques , qui changent la natwre
des acres acides ou alkalis , en lubftances
neutres qui font moins nuifibles. Vbye%
Acide & Alkali. Les bouillons de pou-
let, de tortue ; I'ufage du lait, la diète blanche
même , produifent de bons effets dans la
cure de Yépilepjie qui provient de l'acrimo-
nie des humeurs. S'il y a lieu de foupçon-
ner que cette caufe foit compliquée avec
desobflru&ions, avec i'épaiffiffement , on
peut unir utilement le laitavec les apéritifs ,
en le failànt prendre coupé , avec des dé-
codions de plantes apéritives , avec les
eaux minérales ferrugineufes. Le petit-lait
rendu médicamenteux , conformément à
l'indication , eft aufii très-convenable.
Si le vice des fluides eft particulier, &
qu'il confifte , par exemple , en ce que cer-
taines évacuations naturelles ou contre na-
ture , devenues habituelles , font fuppri-
mées ou diminuées , on ne doit s'occuper
qu'à les rétablir par les remèdes conve-
nables. C'eft dans cette vue que l'on em-
ploie fouvent avec fuccès contre Yépilepjie ,
dans ces cas , les emmenagogues , les diu-
rétiques, les fudorifiques , &c. contre la
fuppreffion des règles , des urines , de la
tranfpiration , &c. les véficatoires , les
cauftiques , les fêtons , pour faire des ul-
cères artificiels qui fuppléent à d'autres ,
néceflaires pour donner iffue à de mau-
vaifes humeurs. Les Indiens appliquent
dans cette vue des cauftiques au bas des
jambes.
Si le vice qui produit Yépilepjie , dépend
d'une tumeur, d'une cicatrice , ou de toute
autre caufe qui agit en comprimant , en
irritant un nerf principal dans quelque par-
tie externe, on doit tacher.de le détruire
par toute forte de moyens convenables à fa
nature , en diminuant la fenfibilité des nerfs
en général , en les fortifiant par les remè-
des appropriés , par l'exercice, par le régi-
me ; en appliquant des ligatures au mem-
bre affèclé , pour arrêter la propagation du
mal vers le cerveau , lorfque l'accès épilep-
tique peut être prévenu ; & s'il réfifle , &
que le fiege en fbit connu , on n'a d'autre
reflburce que d'y pénétrer avec le fer ou le
feu , & d'y former un ulcère dont on
entretienne
EPI
entretienne la fuppuration , pour emporter
le foyer du mal.
On propofe en général bien de différens
remèdes contre Yépilépfie , tels que le cin-
nabre naturel , qui peut être employé avec
d'autant plus de fuccès, qu'il a la propriété
de difî'oudre les concrétions fanguines &
lymph tiques, & de produire cet effet dans
des vaiflèaux moins petits que ceux dans
lefquelsagit le mercure , fans agiter autant
les humeurs. Le cinnabre n'eft pas fi péné-
trant , parce qu'il eft d'une moindre gra-
vité fpécifique. Les praticiens font auffi
grand ufage du gui de chêne , de l'ongle
d'élan , qui font, particulièrement recom-
mandés par Baglivi ; la pivoine mâle , la
valériane fauvage , la rue , le cafloreum }
le camphre, le fuccin, les vers de terre di-
verfement préparés ; la poudre de guttete ,
qui eft un compofé de ceux-là , &c. mais
il n'en eft aucun que l'on puifle regarder
comme fpécifique contre toutes les diffé-
rentes caufes de cette maladie. La proprié-
té de ces diverfes drogues étant connue, on
doit en faire l'application contre le vice
dominant auquel elles font oppofées : on
peut dire cependant qu'il eft peu de cas
dans lefquels elles ne puiflent convenir ,
parce qu'elles peuvent toujours produire
l'effet effentiel de régler le cours du fluide
nerveux , par l'analogie qu'ont leurs parties
fubtiles , intégrantes avec celles de la ma-
tière qui coule dans les nerfs. V. Remèdes
ANTISPASMODIQUES.
On ne doit pas omettre ici de faire men-
tion du kinkina , qui peut être employé avec
fuccès dans toutes les efpeces d'e'pilepjîe
périodique.
Boerhaave , qui avoit d'abord penfé , à
la fuite de quelques expériences favorables,
que le fel d'étain pouvoit être un remède
affuré contre cette maladie en général , s'eft
convaincu par des obfervations ultérieures^
qu'il n'eft bon que contre celle qui provient
de l'acidité dominante dans les premières
voies.
Il feroit trop long de rapporter ici tous
les autres remèdes que l'on a mis en ufage
contre Yépilépfie & fes différentes efpeces ;
ceux dont on fait mention , font les plus
ufités dans la pratique , on n'en connoît
point d'affuré jufqu'à préfent : il n'y a que
Tome XII.
E P I 69j
des charlatans qui difenten donner de tels,
fans craindre la honte de manquer le fuc-
cès , que l'on ne peut prefque jamais fe
promettre dans le traitement de Yépilepjie
des adultes, (d)
Epilepsie, (Manège ,Maréchall.) mala-
die non moins redoutable dans les chevaux
que dans les hommes , & dont le fiege &
les caufes phyfîco - méchaniques font fans
doute les mêmes. Ses fy m ptomes varient.
Cette agitation violente & convulfive faifit
en effet certains chevaux tout-d'un-coup ,
ils tombent, ils friflbnnent , ils écument,
& le paroxyfme eft plus ou moins long. Il
en eft d'autres en qui l'accès s'annonce par
des borborygmes , par un battement de
flanc , par un flux involontaire d'urine, par
un froid qui glace toutes leur extrémités ;
à peine font-ils tombés , que leurs yeux fem-
blent tourner dans les orbites; leurs mem-
bres fe roidifîènt : quelquefois auffi leurs
articulations font attaquées d'un trem-
blement extraordinaire. J'en ai vu qui fe
relevoient un inftant après leur chute , qui
prenoient le fourrage qu'on leur préfentoit
fur le champ , & qui mangeoient auffi avi-
dement que s'ils jouifîbient d'une fanté en-
tière. Un étalon atteint de ce mal , tom-
boit , fans qu'aucun figne précédât l'atta-
que ; il écumoit , mordoit fa langue &
la déchiroit avec fes dents : au bout d'un de-
mi-quart d'heure fon membre entroit en
éredion , il éjaculoit une quantité confi-
dérable de femence ; il fe relevoit aufli-tôc
fe fecouoit , & henniffoit pour demander du
fourrage. Une jument n'avoit des accès épi-
leptiques que lorfqu'elle étoit trop fanglée ,
& feulement dès les premiers pas qu'elle
faifoit fous le cavalier. Un cheval de tira-
ge , après avoir cheminé trente pas étant
attelé ; un cheval napolitain , eftrapafTé ,
& gendarmé pendant long-temps dans les
piliers ; un cheval Iimoufin , naturellement
timide , & qu'on effrayoit indifcrétement
pour l'accoutumer auxteu ;un poulain dont
une multitude de vers rougeoient les tuni-
ques des inteftins , étoient affligés de cette
maladie , ainfi qu'un cheval fujet à une
fluxion périodique fur les yeux , & dont on
le guérit.
Les remèdes convenables, félonies idées
que nous nous formons de Ycpilepjie } font
T ttt
69S EPÏ
nombreux ; mais leur multiplicité n'en ga-
rantit pas le fuccès. Il paroît qu'on doit dé-
buter par i'adminiffration des médicamens
généraux. Les faignées à la jugulaire font
propres à dégorger les fînus de la dure-me-
re ; on peut en pratiquer au plat de la cuif-
fe pour opérer une révulfion. On purgera
plufïeurs fois , & on fera entrer Yalquila alba
dans le breuvage purgatif : on aura recours
aux lavemensémolliens : on mettra enfin en
ufage la décoction des bois de gayac , de
falTafras, de fantanx, de racine de pivoine,
dent on humectera le fon que l'on donnera
tous les matins à l'animal : dans la journée
on mêlera dans cette même nourriture des
poudres anti-épileptiques , telles que celles
de vers de terre , de gui de chêne , d'ongle
de cheval , decaftoreum , de femence de pi-
voine , de grande valériane. On pourra &
il fera bon d'employer le cinnabre ; on ten-
tera des fêtons à l'encolure , ou dans d'au-
tres parties du corps. J'avoue néanmoins
que j'ai éprouvé , relativement à cinq ou
fix chevaux que j*ai traités de cette mala-
die , Pinfufhlance de tous ces médicamens;
leur plus grande efficacité s'eft bornée à
éloigner fimplement les accès , mais nul
d'entr'eux n'en a opéré la cure radicale.
Cet aveu me coûte d'autant moins , que je
trouverais, Il mon amour propre pouvoir
en être bleîTé , dans la lincérité de quelques
médecins , dans rimpuiirar.ee des lecours
qu'ils entreprennent de fournir aux hom-
mes en pareil cas , de quoi me confoler de
l'inutilité de mes foins & de mes efforts, (e)
EPILLER,(Pofz>r <ïétain. ) EpillerYé-
tain , c'eit ôter les jets des pièces avec le
fer.. Quand on a jeté toute fa fonte y on
met du feu au fourneau. On ne fe fert que
(le charbon de bois. Le fourneau doit être
de brique , d'environ huit à dix pouces de
long furfix ou fept de large , ouvert parde-
vant , avec une grille de fer defîbus , pour
porter les fers & le charbon qu'on y met.
On fe fert ordinairement de deux fers à fou-
der qui font quarrés & pointus par le
bout , & dont la queue entre dans un man-
che,.de bois percé , qui s'ôte& fe remet cha-
que fois qu'on les prend. On frotte un côté
du fer fur de la poix-refine mêlée de grais
égrugés enfemble. On effuie enfuite le fer
Sir un torchpn mouillé qu'on nomme tor-
EPI
che-fer; & puis on ûte les jets des pièces r
en les fondant avec le fer , & recevant l'é-
tain qui en tombe dans une écuelle de bois^
Voilà ce qu'on appelle épiller. Après quoi
on bouche les trous & autres fautes des pie-
ces : cela s'appelle rtvercher. J^oj'.ReveR-
CHER. Pendant qu'un fer fert , l'autre
chauffe , & on s'en fert alternativement , &
ainii de même lorfqu'on foude la poterie.
Mais il faut apprêter auparavant ; après
quoi on tourne les pièces qui font à tour-
ner , on forge la vaiiTelle , & on achevé
la poterie ou menuiferie. Voye\ Apprê-
ter, Souder, Tourner , Forger ,
Achever.
EPILOGUE , f. m. (Belles Leur.) dans
l'art oratoire , conclution ou dernière par-
tie d'un difeours ou d'un traité , laquelle
contient ordinairement la récapitulation
àes principaux points répandus 6r expofés
dans le corps du difeours ou de l'ouvrage.
Voye\ Péroraison.
ÉPILOGUE , dans la poéfie dramatique ,
fignifioit chez les anciens ce qu'un des
principaux acteurs adrefïbit aux fpectateurs
loifque la pièce étoit finie , & qui conte-
noit ordinairement quelques réflexions re-
latives à cette même pièce, & au rôle qu'y
avoit joué cet acteur.
Parmi les modernes ce nom & ce rôle
font inconnus ; mais à V épilogue des anciens
ils ont fr.bfritué l'ufage des petites pièces
ou comédies qu'on fait fucctder aux pièces
férieufes > afin , dit - on , de calmer les
parlions, & de difïiper les idées trilles que
la tragédie auroitpu exciter. Il eft douteux
que cette pratique foit bonne , & mérite
àts éloges : un auteur ingénieux la compa-
re â une gigue qu'on joueroit fur une
orgue après un fermon couchant, afin de
renvoyer l'auditoire dans le même état ou
il étoit venu. Mais quoique Y épilogue ,
confidéré fous ce rapport , foit afïez incon-
fequent , il eft appuyé fur la pratique des
anciens y dont l'exode, c'eft-à-dire , la
fin , la fortie des pièces , exordium , étoit
une farce pour effuyer les larmes qu'on avoit
vetfées pendant la repréfentation de la
tragédie : ut quidquid lacryvarwrL ac trif-
titice cepijfent.ex tragic-s affeclibus , hujus
fprclaculi ri/us detergeret, dit le f:hoîiaffe-
de Juvenal. Voyt ^Tragédie, Satyre.
E P I^
V épilogue n'a pas même toujours été
d'ufage fur le théâtre des anciens , ni à
beaucoup près fi ancien que le prologue.
Il eft vrai que plufieurs auteurs ont con-
fondu dans le drame grec , V épilogue avec
ce qu'on nommoit exode , trompés parce
qu'Ariftote a défini celui-ci une partie qu'on
récite lorfque le chœur a chanté pour la der-
nière fois ; mais ces deux chofes étoient en
effet auffi différentes que le font nos gran-
des & nos petites pièces , l'exode étant une
des parties de la tragédie , c'eft-à-dire , la
quatrième & dernière , qui renfermoit la
cataftrophe ou le dénouement de l'intri-
gue , & répondoit à notre cinquième acte ; :
au lieu que Y épilogue étoitunhors-d'œrrvre, ;
qui n'avoit tout-au-pius que des rapports
arbitraires & fort éloignés avec la tragédie.
Voye\ Exode. (G)
ÉPILOGUE , ( Mufique des anc. ) hui-
tième & dernière partie du mode des ci-
thares , fuivant la divifion de Serpandre.
Pollux , Onomafi. Liv. IV , chapitre 9.
Je crois que Y épilogue n'etoit qu'une ef-
pece de partage qui terrninoit le mode des
cithares , fans y appartenir proprement y
comme Y épilogue des pièces de théâtre , &
que la véritable fin du mode fe faifoit par
le fphragis. FqyqSPHRAGlS. (Mufiq.des
une.) (F.JD.C.)
EPIMEDIUM, Lm.\Hifi.nm.bot.)
genre de plante à fleur en croix ,compofée
de quatre pétales faites en forme de tuyau.
Il fort du calice un piftil qui devient dans
la fuite un fruit ou une filique qui ne forme
qu'une capfùle qui s'ouvre en deux parties ,
& qui renferme des femences. Tournef.
Infl. rei-herb. Voye\ PLANTE. (I)
- * EPIMELETTE5 , f. m. pi. {Myth. )
c'étoit ainfi qu'on appel loit ceux d'entre les
miniftres du culte de Cérès , qui dans les
facrrfîces qu'on faifoit à cette divinité, fer-
voient particulièrement d'acolythes au roi
des facrifices.
* EPIMENIES, adj. pris fubft. {Myth.)
c'eft ainfi qu'on appélloit dans Athènes les
facrifices faits aux dieux à chaque nouvelle
lune , pour le bonheur de la ville.
On entendoit ailleurs par épi nie ni es , la
provifion qu'on donnoit aux domefliques
pour un mois. Ils parvenoient à fe faire un
pécule de ce qu'ils en épargnoient.
EPÏ 69a
* EPIMETIIUM, (Hifi. anc.) partie
de la cargaifon totale d'un vaiffeau , qu'on
accordoit aux pilotes , & dont ils pouvoient
difpofer à leur profit. C'étoit une forte d'in-
demnité ©11 de récompenfe par laquelle on
fe propofoit de les encourager à leurs de-
voirs. Quand on regarde Yepimetrum com-
me une indemnité, ildéfigne le déchet d'une
marchandife en voyage: alors ce droit étok
d'autant plus confidérable , <jue le voyage
avoitété plus^rand. Uepimeirumou déchet
accordé aux pilotes pour les vaifleaux -de
la flotte d'Alexandrie, étok de quatre livres
pefant fur cent livres de froment , ou d'un
boifieau for vingt-cinq.
EPÎMYLIE , ( Mufique des anc. ) Dans
Athénée l'on trouve -que Yépimylie & la
chanfon appeîlée hymée étoient la même.
Voye\ HYMÉE. ( Mufique des ancitns. )
Athénée ajoute que peut-être ce mot épi-
mylie vient à'i/xaKn , qui fignifie en Do-
rien tantôt retour , & tantôt l'augmenta-
tion & le furplus.de nourriture qu'on don-
noit à ceux qui travailloient au moulin.
Peut-être encore ce -mot vient-il de .v.v'mj,
meule. ( F. D. C. )
EPINARS , f. m. pi. ( Hifi. nctt.Bot.)
fpinacia _, genre de plante à fleur 'fans pé-
tales, compofée de plufieurs étamines fou-
tenues par un calice. Ces fleurs font ftéri-
les. Les embryons naiflent fur les efpeces
de ce genre qui ne portent point de fleurs ,
& deviennent dans la fuite des femences
faites en forme de poire , & renfermées
dans des capfules qui ont la même forme
dans certaines efpeces , & qui font cornues
ou anguleufes dans d'autres. Tournefort ,
Injl.reihtrb. Voye\ PLANTE, fi)
Les épinars demandent la meilleure terre,
dans laquelle on les feme deux ou trois
fois Tannée , pouf en avoir dans plufieurs;
faifons. On les arrofe dans les années trop
feches , & on a grand foin de les farder.
EPINARS , {Diete.)V épi nars cuit à l'eau
eft en foi , & indépendamment de tout
afîaifonnement , un aliment peu nourrif-
fant , & de facile digeftion : il peut pro-
curer ou entretenir la liberté du ventre.
Il eft très-utile dans le cas où l'on inter-
dit l'ufage des viandes , fans réduire ce-
pendant à celui des bouillons ; comme lorf-
T ttt 2
70o EPI
qu'on commence à manger après des indi-
geftions de viandes ou de poifïbn : dans
]es diarrhées qui les fuivent , & en général
dans les dévoyemens accompagnés de rap-
ports nidoreux , dans cette difpofîtion des
premières voies , qui donne aux lues digef-
tifs la tournure alkalefcente de Boerhaave.
On peut dire plus généralement encore,
& peut être avec plus de vérité , que Yépi-
nars eft un aliment affez fain , & à-peu-
près indifférent pour le plus grand nombre
de fujets. (b)
* EPINCELER ou EPINCER , y. act.
( Draperie. ) c'eft ôter les nœuds , pailles ,
& autres ordures du drap , avec des pinces.
Ce font des femmes qu'on emploie à cet
ouvrage , qui s'appelle aufîi e/pouner. V.
V article DRAP.
Les femmes qui épincelent font appellées
épinceleufes ? ou énoùeufcs , ou épinceufes y
ou épine nelcuj es , du verbe épincheler , ou
épincheufes , à'épincher.
EPiNÇOIR > f. m. (Mqf.) gros mar-
teau court &: pefant à tête fendue en angle
par les deux côtés ; ce qui forme à chaque
bout deux coins ou dents affez tranchantes.
, Il fert aux Paveurs , foit à débiter le pavé
au fortir de la carrière , foit à le tailler
pour être mis en place. Cet outil eft nécef-
faire pour le pave d'échantillon.
EPINE, (Botan.) petite pointe aiguë
qui part du bois ou de l'écorce des arbres.
Les épines font ou ligneufes commes celles
àeY épine-vinette , ou corticales comme cel-
les du framboifier : les premières partent
du bois , & les dernières de l'écorce.
Les petits poils dont plulieurs plantes
font revêtues , ont dans leur forme tant
d'analogie avec les épines , que dans quel-
ques-unes les poils un peu roides fe chan-
gent en épines comme dans la tige de la
bourrache , & même dans la partie fupé-
rieure de fes feuilles.
Labafe de chaque épine eft compofée de
petites trachées ou vaiffeaux excrétoires
oblongs , rouges dans les tiges tendres , &
verdâties da.--s les autres. La hampe de
V épine eft un tube plein d'un liquide tranf-
parent , qui fort par l'extrémité de ce tube
quand on en rompt le bout.
On ne manque pas de plantes garnies
de piquans , & quelques-unes , comme la
E P I
courge y le font dans leurs tiges , leurs
feuilles & leurs fleurs. Les branches de
la bugrande , ou de l'ariête-bœuf, forment
une paliffade de pointes aiguës , qui per-
cent l'endroit où font pofées les feuilles.
L'ortie piquante , nommée par cette raifon
urtica aculeatay jette depuis fa tige quantité
djépines molles & foibles , entre lefquelles
il en pouffe d'autres plus fortes , plus gran-
des, droites, horizontales, courbes, diver-
fement penchées tantôt en-haut , tantôt
en-bas : elles font plantées dans une bafe
folide & ligneufe , s'élèvent eniuite , oc
finifîent en forme de ftilet. La bardane
pouffe aufîi des feuilles garnies de longues
épines crochues.
Je ne détaillerai point les noms des ar-
buftes & des arbres armés ft épines ligneu-
fes ou cortiales ; ce font des faits fi connus ,
que plufieurs botaniftes ont imaginé que le
feul ufage des épines étoit de fervir de dé-
fenfe ou d'appui aux parties qu'elles avoi-
finent.
Le rofier y cet arbriffeau qui donne les
plus belles &: les plus odorantes fleurs du
monde , eft tout hériffé ft épines dans fa
tige , fes fleurs , & fes feuilles. Les piquans
de V épine -vinette fortent de la tige d'une
année , à l'origine de la feuille qui tombe ,
& fe cachent fous l'apparence de boutons
feuillus ; ils font revêtus d'une écorce mol-
le , formée de vaiffeaux excrétoires rouges
& diaphanes : la partie ligneufe de V épine
de cet arbrifîeau s'endurcit , & vient en-
fuite fe terminer en pointe. A la bafe de
cette épine , fous les petites feuilles de la
tige , il fe forme d'ordinaire une nouvelle
épine , qui reçoit un pareil accroiffement :
enfin , pour abréger, toutes les efpeces de
néfflier , l'aubépine , &Y épine- jaune , font
fi chargées d'aiguillons épineux , tournés
en difFérens fers , qu'il n'eft pas pciïible
d'y porter la main fans fe piquer.
M;>is quel rue fuit le nombre des plantes
épineuies , & la différente pofleion de leurs
épines , on remarque qu'en général tlles
naiflent de la bafe des boutons , ou paroi f-
fent vers les nœuds des plantes. Eft- ce que
le fuc nourricier qui doit fervir à TaccroiP-
fement des boutons & des rejetons , n'ayant
pas acquis dans les trachées la ténuité re-
quife ? & en conféquence ne pouvant être
EPI
reçu dans les branches fupérieures , perce
nécefTairement par la bafe des boutons ,
s'élève enfuite en petit rejeton qui s'ame-
nuife faute de nourriture , & devient fina-
lement une pointe ligneufe , laquelle dif-
paroît avec le temps à mefure que la plante
s'élève & profpere ? c'eft le fyftême du
célèbre Malpighi , qui nous paroît cepen-
dant plus ingénieux que folide.
Il vaut mieux avouer ici deux chofes :
l'une , qu'on n'a point encore trouvé la
vraie caufe de l'origine des épines : l'autre ,
que leur utilité nous eft également incon-
nue. Souvent les épines nous offrent dans
leur distribution les mêmes variétés que les
fleurs & les fruits ; fouvent elles fuivent le
même arrangement que les feuilles ; fou-
vent aufli le contraire fe préfente : en un
mot tout ce qui regarde cette matière eft
un champ neuf à défricher. On a fait des
recherches & des découvertes fur toutes les
autres parties des plantes , le bois , l'écor-
ce , la racine, les feuilles , les fleurs, les
fruits & les graines : mais on n'a jette
que de loin des regards fur les épines ; il
femble qu'on ait craint d'en approcher.
Art. de M. le Chevalier de Jau cou rt .
Epine-Jaune feolimus , {Hift. nat.
bot. ) genre de plante à fleur , compofée
de plufieurs demi-fleurons, portés chacun
fur un embryon , dont le filet s'infère dans
le trou qui eft au-bas de chacun de ces de-
mi-fleurons ; ils font féparés les uns des au-
tres par une petite feuille , & ils font fou-
tenus par un calice écailleux. Lorfque la
fleur eft paffée , chaque embryon devient
une femence qui tient à une petite feuille ,
& qui eft attachée à la couche. Tourne-
fort , inft. rei lierb. Voye\ PLANTE. (7)
EpiNE-VlNETTE , berberis , en latin ,
berberis ; en anglois , barberry or pipper-
idge bush ; en allemand } berbersbeere ,
{Étfl. nat. bot.) genre de plante à fleur
en rofe, compofée de plufieurs pétales dif-
pofées en rond. Il s'élève du milieu de
la fleur un piftil , qui devient dans la fuite
un fruit de figure cylindrique, qui eft mou,
plein de fuc , & qui renferme une ou deux
femences oblongues. Tournefort inft. rei
herb. ^oye\ PLANTE. (7)
Uépine-vinette eft un arbriffeau épineux,
qui croît naturellement en Europe dans les
EPI 701
bois & dans les haies des pays plus froids
que chauds , & plutôt en montagnes que
dans les vallées. 11 pouffe du pié plufieurs
tiges afîez droites , dont l'écorce lifTe, min-
ce 9 grife en-defliis , eft d'une belle cou-
leur jaune en-deffous. Ses jeunes branches
font hériflées d'épines foibles , longues, &
fouvent doubles ou triples. 11 fait de co-
pieufes racines qui font peu profondes ,&
dont l'écorce eft d'un jaune encore plus
vif que celles des tiges. Sa feuille eft ova-
le , finement dentelée , d'un verd tendre ,
& d'un goût aigrelet. Au commencement
de Mai , l'arbrifïèau donne fes fleurs , qui
durent pendant trois femaines : elles font
jaunâtres & afîèz apparentes , mais d'une
odeur forte & défagréable. Le fruit qui
fuccede eft cylindrique , d'une belle cou-
leur rouge , difpofé en grappe comme la
grofeille fans épines , & d'un goût fort ai-
gre , mais rafraichiflànt & très-fain. Il
mûrit au mois de Septembre.
Cet arbrifîeau s'élève jufqu'à dix pies
quand on le cultive , mais le plus fouvent
il n'en a que quatre ou cinq. 11 vient à
toute expefition , & dans tous les terreim,
cependant il fe plaît davantage dans les'
terres fortes & humides. Ou peut le mul-
tiplier de graine , c'eft la voie la plus
longue ; de branches couchées , qui font
de bonnes racines la même année ; de
rejetons > que l'on trouve ordinairement
au pié des vieux arbriffèaux,& c'eft le
plus court moyen ; enfin par les racines
même , qui reprennent & pouffent aifé-
ment en les plantant de la longueur du
doigt. Le meilleur fervice que l'on puiffe
tirer de cet arbriffeau , c'eft d'en former
des haies vives qui croiffent promptement,
qui font une bonne défenfe , & qui font
de longue durée. On fait quelque ufage
en Bourgogne du fruit de cet arbrifTeau,
qui y eft fort commun ; on en fait des
confitures , qui font en réputation. L'écor-
ce de ces racines a la propriété de teindre
en jaune ; on s'en fert aufli pour donner
du luftre aux cuirs corroyés.
On connoîtflx efpeces ou variétés de cet
arbriffeau.
1. \Jépine-vinette commune ; c*eft princi-
palement à cette efpece qu'on doit appli-
quer ce qui vient d'être dit en général.
702 ï: p i
2. *U épine-vinette fans pépin; c'eft une
variété accidentelle qui fe rencontre dans
quelques vieux pies de l'efpece commune,
qui ont été cultivés , & qui font fur le dé-
clin : encore fe trouve-t-il fouvent que tous
les fruits du même arbriffeau ne font pas
fans pépin. Mais cette variété n'eft pas
confiante : il n'eft guère pofïïble de la per-
pétuer par la tranfplantation des rejetons
de l'arbrifTeau dont le fruit eft fans pépin ',
parce que ces rejetons acquérant par ce dé-
placement de nouvelles forces , ils font des
plants vigoureux , qui perfectionnent leur
fruit & produifent des femences : quoiqu'il
puiffe encore arriver que ces rejetons tranf-
pîantés donnent pendant un temps des fruits
fans pépin , relativement au degré de cul-
ture & àlaqualitéduterrein. Ceci s'accorde
avec l'obfervation que l'on a faite , que c'eft
fur les plus vieilles tiges de l'arbrifTeau que
l'on trouve des fruits fans pépin , & que c'eft
tout le contraire fur les jeunes rejetons
qui font fur le môme pie.
3. Uepine-vi nette à fruit blanc y c'eft une
variété qui eft fort rare , & qui ne diffère
de l'efpece commune que par la couleur
du fruit.
4. \J épine-vinette de Canada. Cet arbrif-
feau qui fe trouve dans la plupart des pays
feptentrionaux de l'Amérique, eft aufhro-
bufte & s'éieve à la même hauteur que l'ef-
pece commune , dont il diffère fur-tout par
fa feuille qui eft plus grande > & dont l'ar-
briiTeau n'eft pas fi garni.
■y. U épine-vinette de Candie. Cet arbrif-
feau eft fi rare, que n'étant point encore
connu en France , il faut s'en tenir à la def-
cription qui en a été faite par Bellus méde-
cin de Pille de Candie , & qui a été donnée
par J. Bauhin." Il s'élève à fixou fept pies;
•>■> il eft hériffé d'une grande quantité d'e'pi-
»i nés qui ont trois pointes , comme celles
» de l'efpece commune. Sa feuille eft pe-
» tite , légèrement dentelée , & d'une for-
}■> me approchante de celle du buis. Il don-
» ne beaucoup de fleurs jaunes , reftèm-
7> blantes à celle du palivre , mais plus pe-
j> tites. Le fruit qui en provient contient
?> une ou deux graines ; il eft cylindrique
» comme celui de V épine-vinette commune _,
» mais il ne vient point en grappe ; il
» eft de couleur noire , & il rend au goût j
ÊT1
»» un mélange d'acide & de douceur. L'é-
» côrce du bois de cet arbriflèau loin d'é-
» tre lifte , comme dans l'efpece comtira-
» ne , eft raboteufe & d'une couleur gii-
» sacre. Son bois eft jaune , airrfi qne fa
» racine , dont on peut faire la plus belle
» teinture. »
6. U épine-vinette du levant. Cet aibrif-
feau qui à été découvert par Tournefort ,
dans fon voyage au levant, eft aufîi rare
& aufîi peu connu que le précédent. Tout
ce que l'on en fait , c'eft qu'il fait un plus
grand arbrifïeau que ceux dont on vient
de parler, & qu'il produit un fruit noir
très-agreable au goût, (c)
Epine-vinette, berberis , {Pharm: &
Mat. med.) Il n'y a que les fruits de cet
arbrïfîèau qui foient ufïtés en Pharmacie ;
on en exprime le fuc , dont on fait le
firop & le rob ; on nettoie les pépins , &
on les fait fécher , pour s'en fervir dans
différentes compositions; comme le fuc ex-»
primé entre aufîi dans pîufieurs prépara-
tions , on en conferVe fous l'huile. On Trou-
ve chez les ConhTeurs les grains d'épine-
vinette confits avec le fucre , aufli-bien
que la gelée des mêmes fruits.
Le fuc de berberis étoit un des menf-
trues que les Chymiftes employoient pour
faire ce qu'ils appelloient teinture de co-
rail , de perle , &c.
Simon Pauli préparoit uft fel efîentiel
à? épine-vinette, qu'il appelloit tartre de ber-
beris. Il prenoit deux livres de fuc de ces
fruits bien dépuré ; il y ajoutait deux onces
de fuc de citron ; il faifok évaporer à un
petit feu , jufqu'à ce que la liqueur fût ré-
duite à moitié , & il la mettoit dans un en-
droit frais ; au bout de quelques jouis , il
la retiroit du vafe , dont le fond fe trou-
voit couvert de quantité de cryftaux ; il
faifoit évaporer derechef le fuc qui lui avoit
fourni ces cryftaux , & il en retiroit des
nouveaux , &c.
Le fuc à' épine-vinette occupe dans la claffe
des corps muqueux , l'extrême marqué par
l'excès d'acide , avec le citron & les gro-
feilles , auxquels il peut être fubftitué , &
qui font réciproquement fesfuccédanés pro-
pres. Voyei Muqueux & Citron.
La gelée , le rob , le firop de berberis,
font des analeptiques rafraîchiffans > qui
EPI
ont toutes les propriétés des doux-aigrelets.
Voye\ DOUX , AdPE , ClTRON , L{-
MONADE.
Le fuc de berberis entre dans le drop
magiftral aftringent ; fes pépins dans la
poudre aitringente , dans l'électuaire de
pfyllium , de diaprun , la conte ai un hya-
cinthe , le diafcordium , &c. (è)
Epine du Dos , (Anat.) colonne ofïeu-
fe, compofée de vingt-quatre pièces mo-
biles appeliées vertèbres , appuyées fur l'os
faerum. Le nom d'épine lui a été donné ,
parce qu'elle eft munie à fa partie pofté-
rieure de plufteurs apophyfes pointues en
forme d'épines. Elle reiTemble un peu à
deux pyramides inégales , dont les bafes
font communes ou jointes enfemble: cepeR-
daus V épine , au lieu d'être droite , a quatre
ou cinq courbures confidérables ; mais non-
obftant ces courbures , il fe rencontre tou-
jours que fon centre de gravité qui foutient
un grand poids , tombe fur le milieu de
la bafe commune. Entrons dans un plus
grand détail , dont nous tirerons les con-
féquences.
"L'épine eft articulée avec la tète , 3c prend
depuis l'apophyfe condyloïde de l'os occi-
pital, jufqu'à l'extrémité du coccyx.
Comme le crâne eft compofé de diffé-
rentes pièces ofTeufes , qui contiennent ,
confervent , & défendent le cerveau , de
même V épine forme un canal ofTeux , qui
contient , conferve , & défend des injures
extérieures* la moelle fpinale , qui eft une
continuité du cerveau dans toute la longue
route qu'elle parcourt.
Cette colonne eft le principal appui de la
tête , des bras, de la poitrine. Sa compofi-
tion eft formée de plufieurs pièces ofïèufes ,
articulées enfemble par des cartilages & des
ligamens , qui lui donnent la facilité d'obéir
aux mouvemens du corps. Ces pièces oiTeu-
iés ./appellent ver ce ores , du verbe latin ver-
tere , qui lignifie tourner ; parce que le corps
fe tourne divcrfement par leur moyen. V~r
VERTE3KE.
Les plus grandes & les plus mafïives de
ces vertèbres conftiruent la bafe de Yépine
du dos; ce qui fait qu'elle eft pîusfolidement
appuyée &c mieux fcutenue.
Les veitebresen montant perdent infen-
fiblement quelque Ghclè de leur volume :
EPI f f 7o3
de forte que Yépine confédérée dans fa tota-
lité de bas en-haut, finit en manière de py-
ramide. C'eft à l'égard de cette figure pyra-
midale , que M. Vinilow a remarqué que
toute Yépine étant vue de front & par de-
vant , la largeur de ce corps n'augmente
d'abord que depuis la deuxième verteL/e
du cou jufqu'à la feptierne ; enfuite elle di-
minue de plus en plus jufqu'à la quatrième
ou cinquième vertèbre du dos ; delà elle
recommence fon augmentation de fuite juf-
qu'à l'os faerum : cette difpofïtion eft ordi-
nairement confiante par rapport aux vifee-
res du bas- ventre.
Ainfi lorfqu'on regarde Yépine par fa par-
tie antérieure ou poftérieure , elle paroît
droite ; quand , au contraire , on la confé-
déré par une de fes parties latérales, on re-
connoît qu'elle fe jette tantôt en-dedans y
tantôt en-dehors : mais il eft impofîible
d'imiter cette ligure en montant un fque-
Jette ; il la faut o^ferver dans un cadavre ,
après avoir emporté les parties qui empê-
chent de s'en bien éclaircir.
Toute CQ'ctQ fuite de pièces oneufes pofees
les unes fur les autres , & qui contiennent
Yépine , fe divife en vraies & en faiyfTes ver-
tèbres : les vraies vertèbres font les vingt-
quatre os fupérieurs de Yépine, qui forment
la longue pyramide fupérieure avec fa bafe
inférieure : les faufies vertèbres cornpo-
fent l'os faerum , &. forment la courte
pyramide inférieure avec fa bafe fupé-
rieure.
Les connexions de Yépine font diftinguées
en communes & en propres. J'appelle con-
nexions communes y celles qu'a Yépine avec
les parties voilines , comme avec l'occipi-
tal, les côtes, cvlesosdesiiles: les propres
font celles que les différentes pièces qui les
cempofent ont entr'ellcs. Ces dernières
font de deux fortes : la première eft la con-
nexion que l'os faerum, le coccyx , & les.
vertèbres ont enfemble par leur corps , &;
que l'on peut nommer fyneuro -/ 'y<:chai>-
drojiale , ou iigjmenteufe mixte , pmfque les
ligamens n'y ont pas moins de part que les
cartilages : h feconde eft celle qu'elles ontr
par leurs apophyfes obliques.
Les cartilages qui unifient les vertèbres^
en recouvrant leur fur face , ont plus d'é-~
paiiTcur en-devant qu'en- arrière ,. & fon£
704 É P L
maintenus dans leur état par une efpece de
mucilage onctueux. Les ligamens qui afFer-
miirent ces mêmes vertèbres _, qui attachent
étroitement leurs apophyfes obliques , épi—
neufes & tranfverfes , font compofés de
fibres élaftiques & très-fortes ; les uns de
ces ligamens s'étendent extérieurement fur
toute X épine ; d'autres tapifïent la furface
interne du canal. Il y a encore quantité de
petits ligamens , dont les uns attachent les
bords de chaque vertèbre , & recouvrent
leurs cartilages , d'autres font attachés à la
circonférence des apophyfes , pour faciliter
les mouvemens de V épine , & s'oppofer à
l'écoulement de la fynovie , qui humecte
continuellement ces parties. Telle eft en
gros laftructure de la colonne offeufe, dont
les pièces font enfi grand nombre &fîmer-
veilleufement articulées enfemble , qu'on
ne peut fe lafTer de l'admirer.
Il réfulte de cette ftructurede Y épine plu-
sieurs conlîdérations très-importantes : nous
allons en expofer quelques-unes aux yeux
des Phyiiciens.
i°. Il paroîtde cette ftructure , que la
première courbure de Y épine eft. formée par
le poids de la tête , & pour la capacité de la
poitrine. Comme la partie inférieure eft
chargée d'un très-pefant fardeau , on ne
doit point être furpris que les vertèbres des
lombes s'avancent considérablement en-de-
vant pour recevoir la ligne de direction de
toute la maffe qu'elle fupporte , fans quoi
nous ne faurions nous tenir debout. Il
eft aifé de remarquer cette méchanique dans
les chiens qu'on a inftruits à marcher fur
deux pies ; leur épine dans cette attitude
prend la courbure que nous obfervons dans
celle des hommes , au lieu qu'elle eft
droite lorfqu'ils marchent fur leurs quatre
jambes.
2P. Il fuit de la ftructure de Yépine , que
comme les jointures dont cette colonne eft
compofée font en très-grand nombre , la
moelle épiniere, les nerfs , & les vaifleaux
fanguins , ne font pas fujets à des compref-
fions & à des tiraillemens lors des mouve-
mens du tronc ; & comme plufieurs vertè-
bres font employées à chaque mouvement
de Yépine y'û fe fait toujours alors une petite
courbure à l'endroit où fe joignent deux
vertèbres.
EPI
3*. Que l'attitude droite eft la plus fer-
me & la plus aflurce ; parce que la furface
du contact des points d'appui eft plus large,
& que le poids porte de/Tus plus perpendi-
culairement.
4°. Que les mufcles qui meuvent Yépine
ont plus de force pour amener le troncàune
attitude droite , que pour fe prêter à aucune
autre , car pour courber le tronc du corps en-
devant , en-arriere , ou fur les côtés , il faut
que les mufcles qui concourent à ces actions,
s'approchent des centres du mouvement ;
& par conféquent leur levier eft plus court
que quand le centre du mouvement eft fur
la partie des vertèbres , oppofée à celle où
ces mufcles font inférés, comme il arrive
quand le tronc eft droit.
En effet , à mefure que Yépine s'écarte de
la pofition perpendiculaire , le poids du
corps l'incline bientôt du côté que nous
voulons ; au lieu que quand nous nous te-
nons droits , ce grand poids eft plus que
contre-balancé.
59. Qu'en calculant la force qu'em-
ploient les mufcles qui meuvent Y épine y il en
faut diftribuer une partie pour l'action des
cartilages d'entre les vertèbres , lefquels
cartilages , dans tout mouvement qui s'é-
carte de l'attitude droite , font tirés d'un
côté , & comprimés de l'autre ; au lieu que
le tronc étant dans une attitude droite , ces
mêmes cartilages y concourent par leur
force naturelle.
6°. Il eft aifé de déduire , de la ftructure
de Yépine , laraifon du phénomène obfervé
par M. Waffe , que notre taille eft alongée
le matin , & diminuée le foir: cette raifon
eft que les cartilages intermédiaires des
vertèbres , preffés tout le jour par le poids
de notre corps , font le foir plus compactes :
mais après qu'ils ont été remis de cette
preflion , par le repos de la nuit , ils repren-
nent leur état naturel. Voy.le mot ACCROIS-
SEMENT.
7°. Les différentes articulations, foit des
corps , foit des procejjus obliques des vertè-
bres, & le plus ou moins de force des dif-
férens ligamens , montre que leur deftina-
tion eft plutôt de faciliter le mouvement
en-devant , que celui du mouvement en-ar-
riere: ce dernier eft de difficile exécution,
& même fujet dans les adultes à rompre ,
par
EPI
par un tiraillement excefïif , les vaifTeaux
fanguins qui font contigus aux corps des
vertèbres.
C'eft un fait fi vrai que les danfeurs de
corde & les voltigeurs,qui plient leur corps
en tant de manières différentes , ne le font
que parce qu'ils y font accoutumés , & mê-
me façonnés dès la plus tendre enfance ,
cet âge de la vie où les apophyfes & les
bords des vertèbres ne font encore que des
cartilages flexibles , & où les ligamens font
d'une extrêmefoupleffe. Cette flexibilité &
cette fouplefîe continuent de fe maintenir
par un exercice & une habitude perpétuel-
lement répétée ; & c'eft peut-être par cette
raifon que dans la diffe&ion des cadavres
de deux danfeurs de corde , âgés d'environ
vingt ans , Riolan obferva que leurs épi-
phyfes n'étoient pas encore devenues apo-
phyfes.
8°. Du méchanifme général de V épine
on peut déduire aifément toutes les diffé-
rentes courbures contre nature dont IV-
pine eft capable ; car fi une ou plufieurs
vertèbres font d'une épaiffeur inégale à des
côtés oppofés ,il faudra queV épine penche
fur le côté le plus mince , qui ne foutenant
que la moindre partie du poids du corps ,
fera de plus en plus comprimée, & par con-
féquent ne pourra pas s'étendre autant que
l'autre côté , qui étant bien moins chargé ,
aura toute l'aifance propre à le laifTer grof-
fir excefïivement.
Les caufes d'où provient cette inégalité
d'épaifTeur dans différens côtés des vertèbres
font différentes ; car PinJgalité peut procé-
der ou d'une diftenfion trop forte des vaif-
feaux d'un côté , ou d'un accroiffement
contre nature de l'épaiffeur de cette partie ,
ou , ce qui eft encore plus commun , de
l'obftruction des vaiffeaux , qui empêche
l'application de la fubftance alimentaire
néceffaire à l'os. Cette obftruction dépend y
i°. de la difpofition vicieufe des vaiffeaux
ou des fluides , i° . d'une prefîion mécha-
nique inégale , occaflonnée par la foibleffe
paralytique des mufcles & des ligamens , 30.
de l'action fpafmodique des mufcles fur un
côté de M épine , 49. d'une longue continuité,
ou de la reprife fréquente d'une pofture éloi-
gnée de la droite.
.Dans tous ces cas il arrive également que
Tome XII.
EPI 7oç
les vertèbres s'épaifïïront du côté que les
vaiffeaux font libres , & demeureront min-
ces du côté où les vaiffeaux font obftrués.
Toutes les fois qu'il arrive une pareille
courbure contre nature , il en réfulte pres-
que infailliblement une autre , mais dans
une direction oppofée à la première , tant
parce que les mufcles du côté convexe de
Vépine étant tiraillés , tirent avec plus de
force les parties auxquelles leurs extrémités
font attachées , que parce que la perfonne
incommodée fait fes efforts pour maintenir
le centre de gravité de fon corps dans une
direction perpendiculaire à fa bafe.
Dès qu'on aura compris comment fe for-
ment ces courbures contre nature de Vépine,
il fera plus aifé de faire un prognoftic fur
l'indifpofition du malade , & d'imaginer la
méthode propre â y remédier: mais une in-
dication générale que le chirurgien doit fui-
vre, c'eft d'affoiblir la puiffance courbante,
en augmentant la comprefîion fur la partie
convexe de la courbure , & la diminuant
fur la partie concave. Or la manière de pra-
tiquer cette méthode varie fuivant la diffé <
rencedescas , & demande qu'on fafTe une
attention particulière aux diverfes caufes
du déjettement de Vépine. V. GlBBOSlTÉ.
Art de M. le Cher, de Jaucoup.t.
Epine, f. f. en Anatomiefe dit de certai-
nes éminences qui ont à-peu-près la figure
d'une épine.
L'épine occipitale , voye\ OCCIPITAL.
Vépine des os des ifles , voyc\ IlÉON.
Vépine nafale y voye\ MAXILLAIRE.
Vépine frontale ou coronale , voye\ Co-
RONALE.
EPINE ,( Man. Maréch.) Faire tirer
Vépine , pratique non moins digne de la fa-
gacité de la plupart des maréchaux , que
celle de faire nager à fec dans la circonftance
d'un écart. Quelques-uns d'entr'eux s'y li-
vrent encore aujourd'hui dans le cas d'une
luxation arrivée dans une des extrémités de
l'animal : ils mettent un entravon à l'extré-
mité affe&ée, & ils le fixent au-defïbus de
la partie luxée ; ils paffent enfuite une longe
dans l'anneau de ce même entravon , l'y
arrêtent par un bout , & attachent l'autre
à un arbre quelconque: après quoi ils affom-
ment le cheval à coups de fouet , & l'obli-
gent de fuir en avant , de manière que l'es*
V v v v
7o5 EPI
trêmité malade , prife & retenue dans cette l
fuite précipitée , efïuie uneextenfionqui fa- 1
vorife, feîon'eux , la rentrée de l'os^déplacé '
<Ians fon lieu.
C'en eft affez ; & que pourrois-je dire
déplus? Voye\ LUXATION , FRACTURE.
( e )
EPINETTE , f. f. ( Lutherie. ) fortede
petit clavecin. Il y en a de forme parallélo-
gramme ; & d'autres , qu'on appelle à l'ita-
lienne , ont à-peu-près la figure du clavecin ;
il y en a qui fonnent l'octave , d'autres la
quarte ou la quinte au-deffus du clavecin :
du refte c'eft la même facture & la même
méclianique. Voy. CLAVECIN. Les épine t-
tes n'ont qu'une feule corde fur chaque tou-
che , & qu'un feul rang de faucereaux.
L'on ignore le nom de l'inventeur de
Vépinette on clavecin ordinaire ; l'on ne
fait ni le temps ^ ni le lieu , où l'on a
imaginé cet infiniment. Il y a deux cents
ans que Vépinette n'avoit que cinq pies de
long fur vingt pouces de large , elle conte-
noit environ trente touches; elle commen-
coit au fa quarte du preflant , & finiffoit
à Vu: s octave de la clef de fol.
La méchanique des touchps étoit à-peu-
près fembîable à celle d'aujourd'hui , ex-
cepté qu'au lieu de plume , le fautereau
étoit armé d'un morceau de cuir à-peu-
près de la mcrne manière que le pratique
aujourd'hui M. de Laine , maître de vielle ,
& M. Pafcal , facteur de clavecin , tous
deux réiidans à Paris. Les fautereaux des
anciens clavecins n'étoient point étoffés ,
de forte que les fons fe confondoient : les
cordes étoient de boyaux , par conféquent
les fons étoient doux , moux ; l'humidité
& la féchereiiè défaccordoient chaque
jour rinftrument. On trouve encore quel-
ques-uns de ces vieux cîavecins dans Paris
& dans les grandes villes des Pays-Bas
$c de l'Allemagne.
Il y a environ cent ans qu'au lieu de
cordes de boyaux l'on mit dans Vépinette
des cordes de fer & de cuivre ; l'on ar-
ma les fautereaux de plumes &: d'étotfe
pour arrêter la vibration de la corde: cetre
heureufe découverte a été depuis lors pra-
tiquée dans toutes les épinettes.
Dans le livre intitulé la Harmonie w:i-
yerfell£ycpntçndju h méoric^la pratique de
E P ï
la muftque & la compofition de toute forte
d'injtrumens , par F. Marin Merfenne de
l'ordre des Minimes , à Paris , chez Cra-
moify , 1636 , gros in- fol o avec figures ,
l'auteur donne le plan d'une é finette , dont
le corps fonore 6k les cordes font perpen-
diculaires. Cet infiniment étoit pour lors
en ufage en Italie. Cette épinette commen-
çoit au fol au-deffus de la clef àefa , &
fïnifîbit à fol à l'octave de la clef de fol ,*
p;ar conféquent elle n'avoit que deux oc-
taves.
Le père Merfenne dit que cet infiniment
aveit le fon trèi - doux : les fautereaux
étoient emplurnés j & couloient horizonta-
lement pour heurter la corde. Le vice de
cet infiniment étoit , que l'on n'avoit pas
encore pour lors inventé l'art d'arrêter les
vibrations de la corde par un morceau d'é-
toffe : les fons fe confondoient ; mais au-
jourd'hui cette épinette ou ce petit clave-
cin n'auroit plus le même inconvénient ;
& il auroit l'avantage de n'occuper pres-
que point de place dans les appartenons ,
parce que le corps fonore feroit plaqué con-
tre le mur.
J'obferve en paffant que le plan de cet
infiniment engagea M. Berger , muficien
de Grenoble , à ajouter un clavier à une
harpe ordinaire : mais le nommé Frique ,
ouvrier Allemand _, qui travail loit pour le
fieur Berger à Paris , en 1765 , vola &
emporta toute la méchanique , & les plans
de cet inftrument qui étoic defriné pour M»
de la Reiniere , fermier- général.
On préfume que le mani-corde que l'on
nomme aufïi mani-cordion ou claricorde >
eft un peu moins ancien que Vépinette ;
il en diffère en ce que } au lieu de faute-
reau armé d'une pointe de cuir ou de plu-
me , le fautereau du mani-cordion eft ar-
mé à fon extrémité , i°. d'un morceau de
cuivre ; 20. d'une petite pointe qui peut
foulever un morceau d'étoffe , qui appuie
fur la corde ; lorfque l'on baiffe la touche ,
le marteau de cuivre frappe la corde dans
l'iniîant que l'étoffe eft fouïevée. Il eft vi-
fible que le morceau d'étoffe doit arrêter
la vibration , dès que la touche reprend
fa fituation naturelle. Le mani-cordion a
1 quatre octaves , les cordes font de métal.
[ Cet iniuument a le fon très-doux } il fçrt
E PI
à accompagner les petites voix. Les doigts
en frappant les touches avec plus ou moins
de violence , procurent leforte ou le piano :
mais le mani-cordion ne doit pas être réu-
ni avec d'autres inftrumens dans un con-
cert ; il n'a pas afiez de force pour fe faire
entendre , & il exige que l'on frappe la
touche ; au lieu que dans Yépinette il fufHt
de l'abaiffer. On pré fume que les Alle-
mands font hs inventeurs du mani-
corde.
Dans la page 114 de l'ouvrage de la
Harmonie univerfelle , le père Merfenne
donne le plan d'un mani-corde de quatre
oâaves ordinaires.
Le mani-cordion a vraifemblablement
donné lieu d'imaginer Yépinette à marteaux
de bois dur. On place ces marteaux ou ho-
rizontalement ou verticalement.
Quelquefois on met entre les marteaux
& la corde un petit morceau de peau de
mouton , e£ qui fait rendre un fon de luth
à la corde qui eft frappée ; mais lorfque
l'on veut faire rendre un fon Xépinette ,
il faut avec le genou faire mouvoir un le-
vier qui fouleve les peaux. Il eft évident
que dans cette épinette à marteau on peut
faire le piano & le/orte , ou for Yépinette
ou fur le luth. Cette épinette à marteau
rend beaucoup plus de fon que Yépinette à
plume; elle a l'avantage fur cette der-
nière de n'exiger prefque aucune répara-
tion : il eft vrai que l'on a un peu de pei-
ne à s'accoutumer à frapper la touche plus
tm moins fort , & à ne donner que le degré
de force que l'on fouhaite. Il y a grande
apparence que Yépinette à marteau prévau-
dra dans peu aux épinette s à fautereaux cm-
plumés , qui exigent des réparations con-
tinuelles. Le marteau a environ fix lignes
de face fur trois lignes de hauteur , il eft
porté par un fil de fer ; près du marteau
eft une féconde branche qui porte à fa
fommité un morceau d'écarlate , qui s'é-
lève lorfque le marteau va frapper la cor-
de ; ces deux machines font fixées à la
fommité d'un petit levier du premier gen-
re , en bois; il a environ un pouce dfe'
hauteur ; le levier eft foulevé par l'extré-
mité de la touche du clavier.
Nous repréfentons ici la principale mé-
chanique de cet ingénieux inftrumtnt.
EP I
707
Uépinette à marteau renferme fouvent
cinq oclaves : on poUrroit encore y ajou-
ter des fautereaux à plumes qui rapprochés
du chevalet collé fur le fommet , procu-
reraient aux cordes le fon de la harpe. On
préfume que les Allemands ont inventé
Yépinette à marteau fur la fin du fiecle
dernier.
On dit qu'en 1758 , ou environ , les
Anglois ont ajouté à Yépinette ordinaire fix
rangs de fautereaux emplumés & un rang
de fautereaux à marteaux. Les fautereaux
emplumés heurtent la même corde , les
uns près du chevalet , les autres plus ou
moins loin ; ce qui eft caufe que la mê-
me corde peut rendre fix fons d'un diffé-
rent genre , c'eft-à-dire , aigus , durs ,
doux , mous , &c. Tel eft le méchanifme
de Yépinette admirable qui fait le piano
& lejorte , que le fieur Virbes , muficien
de Paris , promené a&uellement dans les.
provinces de la France.
Les épinettes ordinaires ont fix pies de
long & deux pies & demi de large ; elles
font compofées de deux claviers , le fu-
périeur a un fautereau fur chaque touche ;
le clavier inférieur porte deux fautereaux
à chaque touche : l'un fait mouvoir une
corde à l'uniffon , & l'autre fait mouvoir
une cotde à l'o&ave. On pourroit y ajou-
ter fans beaucoup de dépenfe , un quatriè-
me fautereau rapproché du chevalet ; ce
fautereau procurerait à la corde le fon de
la harpe. On pourroit encore fans frais y
appliquer une petite règle qui glifieroit
dans une coulifle; cette règle ferait armée
de peau de buffle pour empêcher en partie
la vibration de la corde & lui faire rendre
un fon de luth.
Les meilleurs fa&eurs iïépinettes ordi-
naires ont été André Rukers , réfidant à
Anvers , qui vivoit fur la fin du fiecle der-
nier , & Jean-Denis de Paris : mais depuis
la mort de Rukers on a fait quelques1
V v v v i
7o8 EPI
changemens avantageux à fes épinettes.
i°. L'on a donné plus d'étendue à fes cla-
viers qui n'avoient que trois octaves &
demie ; ils commençoient à fay octave au-
deflbusde la clef defa, & finiffoientàlW,
douzième au-defîus de la clef de fol,- l'on
a ajouté une octave aux baffes , & une
quarte aux tons fupérieurs , en confervant
Je même diapazon & la même forme : on
y a ajouté outre cela les machines fuffifan-
tes pour imiter le luth & la harpe : quel-
ques perfonnes y ont joint une petite or-
gue , ce qui centuple l'agrément.
La plus finguliere & la plus étonnante
des découvertes que l'on ait faites dans ce
fiecle , pour perfectionner les épinettes de
Rukers , eft celle de M. Berger , muiîcien y
réfident à Grenoble : il a inventé une mé-
chanique fort fimple qui fait rendre à V épi-
nette , non-feulement le jeu du luth , celui
de la harpe , le piano , le forte , mais en-
core le crefcendo , effet qui jufqu'alors
avoit été regardé comme impoilible à
trouver : Mrs. de l'Académie des Scien-
ces de Paris lui ont donné des certificats
avec beaucoup d'éloges dans le mois d'Août
1765. Les gazettes l'ont annoncé ; mais
comme tous les connoifTeurs de Paris fe
font bornés à l'admirer , M. Berger n'a
point trouvé à-propos de publier la mécha-
nique de cet infiniment , ainfi que celle
de l'orgue qui y étoit jointe, dont les fons
hauftoient & baiffoient ; elle faifoit aufîi
le crefcendo que l'on regardoit également
comme impoflible d'appliquer à l'orgue.
Ces deux méchanifmes finguliers font ap-
plicables à toute efpece $ épinette , & à tou-
te efpece d'orgue , fans en altérer le tou-
cher & le corps fonore. Il y a grande ap-
parence que fi quelque fouverain n'acheté
pas incefïàmment le fecrer de la méchani-
que de M. Berger, on ne le trouvera vrai- '
femblablement jamais. M. de Laine , mai- !
tre de vielle de Paris , a tenté de procurer '
le crefcendo à fon épine ne , en faifant avan- ]
cer ou reculer le fautereau : mais il arrive i
fouvent que dans cette invention la plume
du fautereau ne peut pas fe dégager de la
corde ; au lieu que jamais on ne fent aucu-
ne difficulté dans le méchanique du fieur
Berger ; fon épinette n'exige point que l'on
appuie plus ou moins le doigt fur la touche
EPI
pour faire le piano y le forte ? ou le crefcen-
do; le genou ou le pie preffe un levier qui
aboutit à la méchanique ; alors l'on a des
fons plus ou moins forts dans Yépinette ,
ainfi que dans l'orgue. Voilà tout ce que
l'on fait de la méchanique de ces inftrumens.
Quelques perfonnes ont tenté de donner
à Yépinette la commodité du tranfport , &
dans cet objet ils ont divifé le clavier &
le corps fonore en trois parties parallèle-
ment aux cordes : par ce moyen on eft par-
venu à réduire ces épinettes en parallélo-
grammes rectangles , en tranfpofant une
des parties : mais ces épinettes ont rarement
les corps fonores proportionnels en force ,
& en efpece de fon ; d'ailleurs elles font
fujettes à des réparations continuelles , quoi-
que l'on fafiè modeler les fauteraux en
étain pour les rendre plus folides.
Le fieur Renaud , bourgeois de Paris ,
originaire d'Orléans , artifte fort ingé-
nieux , a tenté de quadrupler lfe*fon de Yé-
pinette f en y mettant up archet fans fin y
formé d'un tiflu de crin , coufu fur une
courroie. Une pétale fait mouvoir la roue
fur laquelle paflè l'archet. Les touches par
la prefîion du doigt , font bailler la corde
fur l'archet par le moyen d'un pilote qui
eft fixé à la touche. Ce pilote faifit la corde
en-defïus ; il la rapproche de l'archet , qui
circule horizontalement fous toutes les cor-
des. Cet inftrument a deux défauts : i°*
comme les cordes font en boyaux , il ne
tient pas l'accord ; l'humidité & la féche-
refte le font varier d'un inftant à l'autre.
20. Si l'on baiffe plufieurs touches à la fois,
elles preftènt trop fortement l'archet , il
refte immobile. Un commandeur de Malte
fort ingénieux travaille actuellement dans
Grenoble à finir une épinette à cordes de
métal & à archet fans fin , c'eft-à-dire , en
courroie tifTue & mobile par une pédale.
Ce favant a ajouté un méchanifme pour
exciter des ofcillations longitudinales dans
les cordes de métal. Ce point d'attache des
cordes eft au centre des leviers , dont l'ex-
trémité répond par un méchanifme aux
touches de Y épinette. Chaque touche de Yé-.
pinetee a une ouverture & un petit point
faillant , de forte que , dès que Ton veut
faire rendre un fon plus ou moins fort, il
fuffit de prefïèr plus ou moins l'extrémité
E P I
de la touche ; & fi Ton veut avoir des fons
tendres , de la nature du tremblant doux
de l'orgue , il faut mettre le doigt fur le
bouton de la touche , & trembler plus ou
moins , ce qui produit un effet des plus fin-
guliers. J'obferve , en parlant , que cet in-
génieux feigneur a placé des leviers à-peu-
près de la même efpece fur ce luth ; & en
les prefTant plus ou moins avec la paume
de la main , il en tire des fons tendres &
très-flatteurs.
Il y a environ vingc-ans , qu'un parti-
culier de Paris imagina une efpece d'épi-
nette , ou plutôt un inftrument , où il a
réuni deux violons , une taille & un vio-
loncel ; ces quatre inftrumens ordinaires
font pofés horizontalement fur une table ;
ils ont des chevalets dans l'endroit où on
les place ordinairement : mais ces cheva-
lets ne font point bombés ; ils font très-
longs , & en ligne droite , comme un bout
de règle ; ils occupent Pefpace des deux
SS : fur le chevalet de chaque inftrument;
il y a quatorze cordes de boyaux tendues ;
chaque inftrument a un grand archet , pla-
cé à quelques lignes au-defîus des cordes ;
une pédale fait tourner une roue , & cette
roue fait mouvoir le va & vient de chaque
archet. Les archets ne jouent point auprès
des SS des inftrumens , ils jouent , au
contraire , à cinq pouces de diftance du
fillet des violons. Lorfque l'on met le doigt
fur une des touches du clavier , la corde
s'élève , & va s'appuyer plus ou moins fort
contre l'archet , par conféquent la corde
rend alors un fon. Il eft évident que les cor-
des du côté du fillet doivent avoir des dou-
bles cordes qui les alongent , on les monte
par le moyen des chevilles ordinaires : avec
cet inftrument un homme feul peut faire
un concert entier ; il eft dommage que les
violons ne tiennent pas beaucoup l'accord ,
& que toute cette méchunique coûte envi-
ron quinze cents livres. Ces détails font
fufhfans pour les artiftes , & pour le com-
mun des lecteurs.
En finiffânt l'hiftoir e des e'pi net te s y nous
allons donner quelques nouvelles idées pour
les perfectionner.
ïp. Au lieu d'archet en tiftus flexibles ,
on peut employer une roue femblable à
celle de la vielle-.
•E P l 709
2 . On pourroit tenter d'exciter la vi-
bration des cordes , par le moyen d'un
tuyau rempli d'air.
30. Employer une roue hériffée de petites
pointes de plumes.
40. Comme l'expérience montre que le
chevalet à marteau mobile de la trompet-
te marine en quadruple le fon , on pour-
roit tenter de mettre un chevalet de cette
efpece fous chaque corde de Yépinette ; on
pourroit aufîi tenter de faire des chevalets
à reiïbrrs de différens bois , qui en excitant
le mouvement du corps fonore , centuplaf-
fent la force , ou le nombre des ofcilla-
tions de l'air qui eft renfermé dans ce corps
fonore , & qui font caufées par la vibration
de la corde.
50. On fait qu'un violon fans ame a un
fon fourd & très- bas ; on pourroit tenter
de mettre plufîeurs âmes fous les cordes de
Yépinette.
6°. L'on a vu , il y a en environ dix ans ,
à Paris un inftrument fingulier , inventé
par un Anglois. Le corps fonore étoit une
enfilade de timbres de verre , femblables à
ceux des pendules à carillon ; on jouoit de
cet inftrument en faifant tourner l'arbre ,
qui contenoit tous ces timbres ; enfuite
pour faire un ton , il falloir approcher d'un
des timbres de verre , un doigt humi-
de. Ce frottement excitoit un frémifTe-
ment argentin , fonore , flûte , fufceptible
du crefeendo; mais comme ces frémifTemens
du verre fe communiquoient à la main &
au corps de la dame qui en jouoit, elle pé-
rit en peu temps. On pourroit adapter
un clavier à cet inftrument, pour empê-
cher l'effet nuifible à la fanté : au lieu de
timbres de verre , on pourroit exciter un
frémifTëment harmonique par le frottement
fur la furface des timbres , des carillons ,
des pendules , &c.
7°. Pour compléter l'idée que nous
avons donnée du claque-bois , que quel-
ques auteurs nomment aufîi regale- de-bei s >
patouille ou échelette , nous obfervonspré-
fentement que l'on joue ordinairement du
claque-bois par le moyen de deux baguet-
tes , au bout defquelles on met une petite
boule de bouis ou d'ivoire , 20. avec un
clavier dont l'extrémité des touches fert de
I marteau ; 3°. on peut enfin tenter "en
7im EPI
tirer un Ton agréable , en approchant cha-
que bâton d'une roue femblable à celle de
la vielle : enfin l'on peut fufpendre les bâ-
tons fur des corps fonores.
Le plus grand bâton du claque-bois a
ordinairement dix-pouces de long ; le pins
petit a trois pouces & demi. Au lieu de
barons ont peut employer des cylindres
creux de bronze ou d'autre métal.
8V. On peut perfectionner les corps fono-
res des épinettes , i°. par la qualité des bois ;
X°. par leur épaiftèur ; 30. par leur con-
tour ; 40. enfin par leur étendue , ùc.
9e. On doit obferver que les cordes en
boyau ont un fon plus agréable & plus
doux que les cordes en foie ; 2°. que les
cordes en métal ont un fon plus aigu , plus
clair & moins doux que les cordes tirées
du règne végétal ou animal ; le fil de fer
a un fon plus aigu que celui du laiton ;. le
fil de cuivre rouge & ceux d'argent ont
encore le fon plus doux. Le fil d'or rend en-
core un fon plus doux. Les fils de cuivre
filés en cuivre ont un fon très-doux & mou.
£es fils de métal tordu ou croife ont un fon
très- harmonieux & de longue durée , ils
font excellens pour les balles. Au lieu de
cordes métalliques rondes y on pourroit
«tffayer à les applatir où à les rendre; trian-
gulaires dans l'objet d'augmenter ou de
varier la qualité des fons. ( V.A. £. )
EPINETTE ( Fête de /' ) Hifi. de Flan-
dres; la plus célèbre des fêtes des Pays-Bas ,
dont la mémoire eft prefque effacée , quoi-
que cette îètQ lût encore dans toute fafplen-
deur au milieu duxve fiecle. On aune lifte
des rois de cette fête pendant 200 ans , c'eft-
à-dire, depuis 1283 jufqu'à. 1483. Le P.
Jean Buzelin Ta donné dans la Gedlo^
Flandria.
Les peuples de Flandres & des Pays-Bas
ont toujours aimé les jeux & les fpectacles ;
ce goût s'y conferve même encore, dans ce
qu'ils appellent triomphe y dans leurs pro-
cédions & dans leurs autres cérémonies pu-
bliques : c1 eft une fuite de l'oiiîveté &• du
manque de commerce.
Dans lesxiij. & xjv. fiecîes, chaque ville
de ces pays-là avoit des fêtes , des combats ,
àes tournois : Bruges avoit fa fête, du Fo-
reftier , Valenciennes celles du prince de
Pldi&ncc , Cambray celle du rot des Ri-
EP I
bauds , Bouchain celle du prévôt des Etonr-
dis : dans beaucoup de lieux on célébroit
celle de Behourt. A. ces différentes fêtes ac-
couroient non- feulement les villes voifines,.
mais plufieurs grands feigneurs des pays-
éloignés : Lille en particulier attiroir , par
la magnificence de la. fête de Yepinctre &
par le*> divertiflèmer;s qui s'y donnoienc , un-
concours extraordinaire de monde.
La fêté de Vépinette avoit fon roi , que
l'on élifoit tous les ans le jour du mardi-
gras : on élifoit en même temps deux jou-
teurs pour l'accompagner. Les jours précé-
dens & le refte de la femaine fe pafibient
en feftins & en bals.
Le. dimanche des brandons , ou Ier. diman-
che.de carême , le roi fe rendoit en grande
pompe au lieu deftiné pour le combat ; les
combattans y joûtoient à la lance : le prix
du victorieux étoit un épervier d'or. Les
quatre jours fui vans , le roi , avec fes deux
jouteurs & le chevalier victorieux , étoient
obligés de fe trouver au lieu du combat ,
pour rompre des lances contre tous ceux qui
fe préfentoient. Jean duc de Bourgogne
honora cette fête de fa préfence en 141 6 ;
le duc Philippe le Bon s'y trouva avec le roi
Louis XI en 1464.
L'excemVe dépenfe à laquelle cette qua-
lité de roi engageoit , la ruine de plufieurs
familles qu'elle avoit occaiionnée , le refus
que. firent quelques habitans de Lille d'ac-
cepter cet honneur prétendu , & l'obliga-
tion où Ja ville s'étoit trouvée de faire elle-
même ces dépenfes y enfin l'indécence que
quelques perfonnes trouvoientà voir toutes-
ces rejoailîànces , ces divertiiTemens & ces
bals,,d«jis les deux premières femaines de
carême, obligèrent Charles duc- de Bour-
gogne à fufpendre cette fête depuis 1470
jufqu'en 1475. Elle fe rétablit en partie ,
mais aux dépens des fonds publics , jufqu'en
15 16 : Charles V en interrompit l'exercice
pendant prefque tout le cours defon règne,
par lettres données en 1528 & en 1538.
Enfin Philippe II la fupprima entièrement
en 1556 : il ne s'en eft conferve pour mé-
moire que le nom de Vépinette , eue Von
donne à un des bas-officiers du magiftrat ou
de la maifon de ville de Lille , qui repréfente
en quelque façon le hérault par qui les rois dt
Vépinette avoient dioit de le faire précéder.
EPI
Plufieiirs hiftoriens ont parlé de. cette
fête , entr'autres l'auteur d'une petite his-
toire de Lille, imprimée en 1730. On igno-
re fon inftituteur , de même que l'origine
EPI4 7ir
commun & le moins précieux , c'eft peut-
être celui qui demande le plus de combi-
naifons ; tant il eft vrai que l'art , ainfique
la nature , étale fes prodiges dans les plus
de fon nom , qui vient peut-être ce ce que [ petits objets , & que l'induftrie eft atuïl
J'orudonnoit au roi de Vf pi nette une petite I bornée dans fes vues qu'elle eft admirable
épine pour marque de fa dignité , &c qu'il dans fes refïburces. Qui s'imagineroit qu'une
alloit tous les .ans en pompe honorer la I épingle épreuve dix-huit opérations, avant
fainte épine , que les Dominicains de Lille J d'entrer dans la commerce ? On commence
prétendent poff-'der dans leur églife. 11
naangeoit chez ces pères avec fes chevaliers
le dimanche des Rameaux , & y afîïftoit à
tous les offices de la femaiiie-fàinre. Hifi. de
VAcad. des Belles- Lettres.
C'eil de cette .manière qu'on affocioit
alors la dévotion aux fpe&acles profanes ,
aux feftins , aux joutes , aux tournois , aux
combats particuliers. Il y avoit aufli dans
les mêmes ficelés d'autres fêtes plaifantes ,
telle qu'étoit celle de Bourgogne , nommée
lu compagnie des fous. Voy. MERE-FOLLE.
Enfin on célébrait même encore de la façon
la plus fcandaîeufe dans les égiifes de la
fiartie feptentrionale & méridionale de
'Europe , en Flandres , en France & en Ef-
pagne , la fameuse fête des fous, fi connue
par fon indécence & fon extravagance. V.
FÊTE DES FOUS. DE JjÎUCOURT.
EPINEUX, EUSE, adj. en Anatomie ,
fedit de différentes parties.
Ainfi on dit , les apophyfes épineufes , le
trou épineux de l'os fphénoïde , voy. SPHÉ-
NOÏDE.
On dit , le trou épineux , ou trou borgne
du coronal, voye\ CORONAL.
Il y a le muicle épineux du dos , le grand
épineux du dos , les épineux du cou , les
intcr-epineux du cou. Voye\ VER7EBRE.
Sur l'omoplate & fur la partie fupérieure
de l'humérus on remarque le fus-épineux
& le fous-épineux. Voye\ OMOPLATE.
L'artère épineufe eft une branche de la
ma pilaire interne, voye\ MAXILLAIRE.
(D
EPINGLE , f. f.(Art. Méchaniq.) petit
inftrument de métal , & pointu par un
bout, qui fert d'attache amovible au lin^e
& auv étoffes , pour fixer les dirférens plis
qu'on lenr donne à la toilette, à l'ouvrage
& daî'.s les emballages.
Quoique de tous les ouvres méchani-
çues l'épingle foit le plus mince , le plus
par Jaunir le fil de laiton qui vient tout noir
de la forge , & qui eft en torques 0:1 paquets
faits comme un collier; on tire enfuitecefil
à la hobilie on le dreife , on coupe ladreftée,
on empointe , on repafîè , on recoupe les
tronçons , on tourne les têtes , on coupe
les têtes y on amollit les têtes , on frappe
les têtes, on jaunit les têtes qui ont été noir-
cies au feu, on blanchit les épingles : ( quoi-
que celles d'Angleterre foient très-blanches,
celles de Bordeaux ont un avantage fur elles
par l'éclat & la durée de la blancheur , parce
qu'on y mêle du tartre dans le blanchifla-
ge. ) Enfin on étame les épingles , on les
feche , on les vanne , on pique les papiers &
on boute les épingles , c'eft- à-dire, qu'on
les place dans le papier.
Les épingliers achètent le laiton en botte;
ils le pailènt à la filière pour lui donner la
grofîèur que doit avoir l'épingle ; ils leaV-
capent y c'eû-k-âke , qu'ils lenettoient avec
du tartre , le fil de laiton étant toujours
fale lorfqu'on le livre aux ouvriers. On fait
aufli des épingles avec du fil de fer y mais
qui font ce moindre prix , & moins efti-
mées que celles de fil de laiton.
La filière eft une pièce de fer ou d'acier,
plus longue que large , percée à jour de
plufieurs trous qui vont toujours en dimi-
nuant de groffeur , & par lefquels on tait
pafïer le laiton pour calibrer exactement le
fil , & le préparer fuivant l'épingîe qu'on
veut faire ; on appelle le fil deftiné à faire
le corps des épingles, fila moule , & celui
qui efl deftiné à faire les têtes , fil à têtes.
Le cuivre rouge n'eft pas propre à faire
des épingles ; elles ne feraient pas affez du-
res. Les métaux où il y a de l'alliage font
toujours plus roides que les autres ; aufîi
emploie-t-on avec plus de fuccés le laiton ,
qui eft un compofé de cuivre & de pierre
caîaminaire. Les marchands de Paris tirent
prefque tout le laiton de l'Allemagne ; car
7n
EPI
nos mines ne fournifTent pour ainfi dire
rien au royaume. On préfère celui qui eft
de couleur blonde , & qui n'eft point pail-
letix. A l'égard du fil de fer, celui qu'en
tire de la Normandie eft plus eftimé que
celui de l'Allemagne.
Les épingliers décrafient leur fil avant de
i'employer ; pour cet effet ils féparent la
botte de laiton en petits échevaux dont elle
elle compofée ; ils tordent enfuite chaque
échevau par le milieu; ils leur donnent la
forme d'un huit de chiffre , & ils le jettent
dans une chaudière de fer pleine d'eau clai-
re, dans laquelle ils mettent une livre de
gravelle blanche , ou cinq quarterons de
gravelle rouge pour environ quatre-vingt
ou quatre-vingt-dix livres de fil. Alors un
ouvrier retire une pièce après l'autre , &
les frappe fucceffivement fur un billot de
bois. Cette opération aide à la crafïe à fe
détacher plus aifément. On remet de nou-
veau les pièces dans la chaudière & dans
la même eau , & on la fait bouillir pen-
dant environ une heure. L'ouvrier tire en-
fuite les pièces de l'eau , & les bat comme
la première fois fur un billot ; cette der-
nière façon les rend plus brillantes & plus
jaunes. Quand l'eau dans laquelle on lave
le fil de laiton refte bien nette , on palTe les
pièces dans un morceau de bois foutenu
fur le dos de deux chaifes , pour les faire
fécher au foleil , ou au feu quand le ciel
eft chargé de nuages.
Lorfque le fil eft décrafTé on le tire par
une filière , & lorfqu'il a patte* par deux
trous, on le recuit à un feu de bois , on le
met enfuite tremper dans l'eau ; on le lave
avec de la gravelée, & on continue à tirer
le fil , fi on veut le vendre plus fin ; & au
fortir de deux ou trois trous on lui rend la
couleur que le feu a obfcurcie , & on le
recuit.
La grofîèur des pièces étant fixée on
drefïe le fil , c'eft-à-dire , qu'on divife cha-
que pièce en brins longs de plufieurs pies y
qu'on rend le plus droits qu'il eft poffible.
On fe fert pour cela d'un inftrument appel-
lé engin. Un dreffeur peutdrefter dans un
jour affez de fil pour cent vingt milliers
d'épingles.
La botte de drejfées étant faite , on la
Coupe en tronçons , dont chaque brin doit
EPI
fournir trois , quatre ou cinq épingles , fé-
lon le numéro dont on les veut ; c'eft le
moule qui règle leur longueur. Ce moule
eft compofé d'une planchette qui a un re-
bord le long de les côtés , & près d'un de
fes bouts une lame de fer verticale. Le cou-
peur jette enfuite les tronçons coupés dans
une jatte de bois qui eft auprès de lui.
Les tronçons étant coupés , un ouvrier
qu'on nomme Yempointeur leur fait une
pointe a chaque bout fur une meule de fer
hériffée de hachures dans toute fa circon-
férence. Ces meules ont environ un pouce
ou deux d'épaifïeur , & quatre de diamè-
tre. Elles font montées comme celles des
couteliers , & on les fait mouvoir de même
par le moyen d'une grande roue de bois.
L'aiflieu de la meule eft de fer & terminé
par deux pivots. Dans le temps qu'un autre
ouvrier tourne la manivelle de la grande,
roue , l'empointeur eft aflis fur un couffin
ou à terre devant la grande meule , les
jambes croifées. Il y a deux jattes à fes côtés,
une dans laquelle il a les tronçons à em-
pointer , & l'autre où il met ceux auxquels
il a fait des pointes: il prend dans la pre-
mière environ autant de tronçons qu'il en
faut pour égaler la longueur des deux tiers
de PépaifTeur de la meule avec les tronçons
couchés les uns auprès des autres , & les
étalant ainfi fur la meule : pendant qu'ils
la touchent le pouce de la main droite re-
mue continuellement ; il va de gauche à
droite , & revient de droite à gauche : Pa-
drefTe confifte à rendre les pointes rondes
& également longues. Cette opération fe
fait en très-peu de temps. L'ouvrier les
empointe ainfi des deux bouts. Un bon
empointeur fait les pointes dans un jour à
foixante & douze milliers d'épingles de dif-
férens numéros \ fon adrefïè ne fe borne
pas à faire tourner les bouts de fil de laiton
dans fes doigts , il faut encore qu'il les pre-
fente fur la meule de manière que leur poin-
te ne foitni trop longue ni trop courte. Il
y a un petit chafîis de verre au devant de
l'ouverture du billot , qui eft incliné de
façon qu'il retient la limaille & garantit les
yeux de l'ouvrier. Un fécond empointeur
prend enfuite les mêmes tronçons & les
paffe comme le premier fur une meule
montée de la même manière. Toute la
différence
E F I
différence qu'il y a entre l'une & l'autre ,~
c'eft que cette dernière a les taillans plus
fins , les hachures moins larges & moins
profondes , & qu'elle rend conféquemment
ïes pointes plus fines , plus polies & plus
douces : on appelle l'ouvrier qui leur donne
cette perfection le repajfeur. On s'imagine
bien que les deux pointes d'un tronçon doi-
vent être les pointes de deux épingles diffé-
rentes ; aufîl coupe-t-on ces deux longueurs
d'épingles ; c'eft un ouvrier appelé coupeur
de, haufes qui eft chargé de cette opération,
parce qu'une épingle à qui il manque la
tête eft appelée haufe. Un coupeur de haufes
peut en couper , dans un jour, environ cent
quatre-vingt-dix milliers.
Il s'agit enfuite de faire les têtes des épin-
gles ; chaque tête eft compofée de deux tours
de fil de laiton tourné en fpirale , & roulé
de la même manière que les cannetilles ou
bouillons qui ornent les boutons d'or &
d'argent trait.
On fe fert de rouets femblables à ceux
que les boutonniers emploient à un pareil
ufage , & ils fe nomment tours à tête. On
choifit pour cela le meilleur laiton , & on
recuit quelquefois le fil à tête afin qu'il foit
plus flexible.
Les pièces de cannetille étant difpofées,
on les coupe en petites parties pour en faire
des têtes ; c'eft l'ouvrage d'un ouvrier ap-
pelé coupeur de têtes. Il eft aflîs de même
que la plupart des autres fur le plancher ,
les jambes croifées ; il tient dix à douze pie-
ces de cannetille dont il a bien égalifé les
bouts , & tenant de grands cifeaux à fa
main droite , il coupe d'un même coup
toutes ces pièces? obfervant de ne détacher
de chacune que deux tours de fil ; plus ou
moins rendroit le morceau inutile. Ce tra-
vail demande de l'adretTe & beaucoup
d'exercice ; un habile coupeur peut couper
dans un jour 144 milliers de têtes. On les 1
fait enfuite recuire dans une cuiller de fer,
jufqu'à ce qu'elles foient rouges , dans la vue
de les ramollir, afin de leur donner plus de
fouplefïe , lorfqu'il fera queftion de les alTu-
jettir. A mefure qu'on coupe les têtes, elles
tombent dans une fébiîle de bois.
Lorfque les têtes font coupées , il faut les
mettre au bout des épingles , & les frapper
àt façon qu'elles y foiçnt comme foudées ,
Tome XII.
EPI 715
& qu'elles aient de la rondeur ; on fe fert
pour cela d'une machine appelée Ventêtoir.
L'ouvrier appelé Ventéteureil aftis vis-à-vis
d'une enclume , ayant les coudes appuyés
& un pie pofé fur la marche ; un billot eft
pour lui une table fur laquelle font deux
efpeces de boîtes de carton , l'une contient
les haufes & l'autre les têtes. L'entéteur
prend une haufe de la main gauche , il en
poufte la pointe au hafard dans le tas des
têtes , il ne manque guère d'en enfiler une.
La main droite pofe aufiitot la tête dans le
creux de l'enclume, & tire enfuite l'épingle
à elle jufqu'à ce que la tête foit ajuftée , «Se
un poinçon que le pie de l'ouvrier tenoit
élevé vient frapper la tête ; il l'élevé «Se le
laifTe tomber quatre ou cinq fois de fuite ;
1 il retourne l'épingle à chaque fois avec fa
main droite , afin qu'elle foit frappée de
differens côtés , & alors il met l'épingle en-
têtée dans le carton. Un ouvrier entête
communément huit à neuf milliers d'épin-
gles dans un jour.
On ne laifTe guère aux épingles leur cou-
leur jaune , excepté celles des plus grofTes
fortes ; on les blanchit prefque toutes , non
feulement pour les embellir , mais encore
parce que le cuivre laifTe toujours une mau-
vaife odeur aux mains, & qu'il eft lujet au
verd-de-gris. Pour les blanchir on commen-
ce d'abord par les décrafTer : on fait bouil-
lir de l'eau avec une livre de gravelle rou-
ge , & on jette cette eau toute bouillante
dans un baquet de bois où font les épingles.
Ce baquet eft fufpendu par une chaîne à
hauteur d'appui : un ouvrier l'agite pendant
environ une heure ; les frottemens que les
épingles y efTuient les rendent plus jaunes
& plus brillantes : pour lors elles font en
état d'être blanchies. On en forme une pile
dans une chaudière de cuivre de figure cy-
lindrique , & pour former cette pile on s'y
prend de la manière fuivante. On a une
croix de fer à quatre bras égaux , dont deux
enfemble font moins longs que le diamètre
delà chaudière; on pofe fur cette croix une
plaque d'étain fin , ronde , & épaifTe d'un
quart de ligne ou environ : on couvre la
plaque d'un lit d'épingles épais de cinq à fix
lignes , placées fans aucun ordre ; on fait
une pile qui ait un peu moins de la moitié
de la hauteur de la chaudière , en arran-
Xxxx
7i4 E P I
géant alternativement les épingles par lit ,
& en mettant defîus chaque pile une plaque
d'étain.
On porte enfuite cette pile dans la chau-
dière : on forme deux autres petites piles
compofées d'autant de couches d'épingles
& de plaques d'étain que la première ; ce
qui achevé la pile qu'on doit fuppofer dans
la chaudière. On la remplit d'eau de puits
bien claire, on y jette deux livres de cendre
gravelée blanche , & on fait bouillir le tout
fur le feu pendant environ cinq heures ; la
chaudière eft foutenue fur un trépied ordi-
naire & a un couvercle. A mefure que l'eau
diminue , on en verfe de la nouvelle ,
& on obferve foigneufement de la tenir
toujours pleine. Le fel de la gravelée
dont l'eau eft empreinte diflbut l'étain ,
& l'étain difïbus s'attache au cuivre &
l'étame. Il femble que cette opération ne
devroit pas fuffire pour bien étamer les
épingles & les couvrir fufhTarnment d'étain
avec égalité ; cependant l'expérience prouve
que cette manière de blanchir les épingles
réunit toutes les perfections qu'on eft en
droit de demander. La confommation qui
fe fait de l'étain n'eft pas confidérable , les
ouvriers afturent qu'en faifant bouillir les
plaques pendant trois mois , une fois par
femaine , elles ne diminuent que de deux
livres du poids qu'elles avoient aupara-
vant.
Après que la chaudière a été ôtée de
deilus le feu , on retire les épingles , & on
les renverfe dans le même baquet où on les
a lavées avant de les mettre dans la chau-
dière. Le baquet eft également fufpendu ,
on y jette de l'eau fraîche & claire , &
un ouvrier l'agite pendant environ dix
minutes , afin que la gravelée qui étoit
reftée entre les épingles , s'en fépare. On
les fait fécher enfuite; & pour cet effet on
agite dans la frottoire y qui eft une efpece
de petit tonneau d'environ un pié de dia-
mètre , & un peu moins long ; il a un
aiftieu de bois foutenu par deux tréteaux ,
& on le fait tourner fur cet aiflieu par le
moyen d'une manivelle. Cette frottoire a,
vers le milieu de fa longueur , une efpece
de porte quarrée , par où on fait mettre
les épingles ; on les y verfe avec un auget,
on y jette enfuite une certaine quantité de
E P I
fon , on ferme la petite porte ; & après
avoir fait tourner \z frottoire pendant une
demi-heure , l'ouvrier retire les épingles,
les fait tomber dans le plat a vanner ; il les
y vanne , & quand elles font bien nettes
& bien blanches , il les met dans un
boifTeau.
II ne refte plus qu'à arranger les épingles
par quarterons fur le papier ; ce papier n'eft
point collé , on en perce à la fois pour un
quarteron. L'outil dont on fe fert s'appelle
quarteron : il eft terminé en forme de pei-
gne par vingt-fîx pointes ; une ouvrière
perce dans un jour aftez de papier pour
placer huit douzaines de miliers d'épingles.
Enfin , une féconde ouvrière , appelée
bouttuje , fait entrer les épingles dans ces
trous, elle en peut arranger jufqu'à trente
milliers par jour ; elle en forme des paquets
compofés chacun de ftx milliers , qu'on
appelle des fixains : les papiers qui enve-
loppent les paquets compofés de plufieurs
milliers , portent en rouge la marque du
maître.
On fait aufTi des épingles de fer, qui,,
étant blanchies comme les autres, partent
pour être de laiton : mais ces fortes d'épin-
gles ne font pas permifes en France à caufe
de leur mauvaife qualité ; & plufieurs arrêts
du parlement de Paris en défendent la fa-
brique & le débit.
Outre les épingles blanches dont on
vient de parler , on fait des épingles noires ,
moyennes & fines , depuis le numéro 4
jusqu'au numéro 10 , qui fervent pour le
deuil.
L'on fabrique auffi quantité de groffes
épingles de laiton de différentes longueurs ,
les unes à tête du même métal , les autres à
tête d'émail : elles fervent pour faire des
dentelles & des guipures fur l'oreiller.
Il y a encore des épingles à deux têtes de
plufieurs numéros , don* les dames , en fe
coè'ffant de nuit , relèvent les boucles de
leurs cheveux ; elles ont été imaginées afin
que , pendant leur fommeil , elles ne puflent
en être ni piquées, ni égratignées.
Pour diftinguer les groffeurs des épin-
gles, on les compte par numéro. Les plus
petites , qui font les camions , s'appellent
n<?« 3 j 4 5 S y depuis les camions jufqu'aiL
n°t 14.,. chaque grofleur s'eftime par u»
EP I
feul numéro , mais depuis le n°. quator-
zième , on ne compte plus que de deux en
deux , c'eft-à-dire , n°. ïtf , 18 & 2.0 , qui
eft celui des plus grofles épingles.
Les épingles qui font réputées les meil-
leures , font celles d'Angleterre ; celles de
Bordeaux fuivent , & enfuite celles qui fe
font à Rugle , ou à l'Aigle , ou en quel-
ques autres endroits de la Normandie. Les
épingles de Paris valoient autrefois celles
d'Angleterre ; elles confervent même en-
core leur réputation , quoiqu'il ne s'y en
fabrique plus , & que toutes celles qu'on
y vend , & dont le commerce eft très-
confidérable , viennent de la Normandie.
Les ouvrages ordinaires des éping'iers
de Paris font de petits clous d'épingles à
l'ufage des ébéniftes , des aiguilles de ta-
blettes , des annelets , des crochets , des
grillages de fil de fer ou de laiton pour les
bibliothèques ou les garde-mangers , &
autres petits ouvrages qui ne demandent
pas beaucoup d'induftrie.
La communauté des maîtres épingliers
de Paris eft très-ancienne , & y étoit autre-
fois très-confidérable : fes anciens ftatuts
furent renouvelles par Henri IV , en 1602.
On y a fouvent compté plus de deux
cents maîtres , qui travai'loient eux-mê-
mes , & qui occupoient plus de fîx cents
compagnons.
Depuis que la plupart des maîtres fe fon'
contentés d'être marchands , & ont cefle
d'être ouvriers , & fur-tout depuis que de
forts marchands merciers fe font mêlés de
ce négoce , la fabrique des épingles eft
entièrement tombée à Paris. Cette com-
munauté fut unie à celle des aiguillers en
1&9S , en vertu de lettres - patentes de
Louis XIV , & on n'y compte plus aujour-
d'hui que quatre-vingt-quatorze maître?.
Epingles , f. m. pi. ( Jurïfprud. ) que
les auteurs comprennent fous le tenr.e de
jocalia ou momlia , font un préfent de quel-
ques bijoux , ou même d'une fomme d'ar-
gent, que l'acqu jreur d'un immeuble donne
quelquefois à la femme ou aux filles du
vendeur , pour les engager à confenrir à
la vente. Les épingles (ont pour les femmes,
ce que le pot-de-vin eft pour le vendeur ;
mais elle ne font point cenfées faire partie
du prix j parce que le vendeur n'en profite
EPI fry
, pas directement ; elles font regardées cor»
me des préfens faits volontairement à un
tiers , & indépendans des conventions ,
enforte qu'elles n'entrent point dans la
compofition du prix pour la fixation des
droits d'infinuation & centième denier, ni
des droits feigneuriaux , à moins que le
préfent ne fût excefïif , & qu'il n'y eût une
fraude évidente.
Mais elles font cenfées faire partie des
loyaux coûts , pourvu qu'elles foient men-
tionnées & liquidées par le contrat , auquel
cas le retrayant féodal ou lignager eft tenu
de les rendre à l'acquéreur. Voy. Buridan,
fur la coutume de Vermandois , article 2.36*.
& Billecoq , traité des fiefs , p. 13G& 444,
Cens en épingles ; j'ai vu une déclaration
paffée à la feigneurie de Gif, le 19 oâob.
1713 , où le cenfîtaire fe chargeoit pour
un arpent , entr'aimes chofes , de portion
d'un -cent d'épingles dû fur 13 arpens. {À)
Délit d'épingle. Sauvai , en fes antiquités
de Paris , tom. II. p. $34 , dit qu'en I44J
une infigne larronefte dont on ignore,
le pays , mais qui n'étoit ni de Paris , ni
des environs , ni peut être même de France,
creva les deux yeux à un enfant de (Jeux
ans, & commit le délit d'éfingles, ce qui
étoit , dit-on , une grande cruauté ; mais
Sauvai avoue qu'il n'entend point ces pa-
roles : il ajoute que cette femme fut mife
en croix , on l'exécuta toute déchevelée ,
avec une longue robe , & ceinte d'une:
cerde les deux jambes enfemble au-deflôus;
que toutes les femmes de Paris , à caufe de
la nouveauté , la voulurent voir mourir ,
interprétant fon fupplice chacune à leùt
manière ; que les unes difoient que c'étoic
à la mode de fon pays , d'autres que fa
fentence le portoit ainfl , afin qu'il en fût
plus longuement mémoire aux autres fem-
mes ; que le délit étoit h énorme , qu'il
méritoit encore une plus grande punition.
S'il m'eft permis d'hafarder une conjecture
fur le fens de ces termes délit d'épingle , je
penfe qu'ils ne fignifient autre chofe que le
crime commis pat- cette femme d'avoir
crevé les yeux à ce jeune enfant , ce qu'elle
fit apparemment avec une épingle. Il fut
un temps en France où l'on condamnoit les;
criminels à perdre la vue , en leur paflanç
Xxxx 2.
Tlé EPI
un fer chaud devant les yeux : apparem-
ment que quelques particuliers pour aiïbu-
vir leur cruauté fur quelqu'un , lui cre-
voient les yeux avec une épingle , & que
cela s'appeloit le délit d'épingle. (A)
EPINGLES des Caniers ; ce font de petits
fils de fer enfoncés dans un morceau.de
parchemin plié en quatre , dont ils fe fer-
vent pour attacher à des cordes les feuilles
de carton dont ils font les cartes , afin de
les faire fécher à l'air.
EPINGLE , ( Rubanier.)e{ï un petit outil
de fer , long d'environ 3 ou 4 pouces ,
d'égale grofièur dans toute fa longueur ,
en forme de grotte épingle, mais fans pointe;
fa tête eft ordinairement faite avec de la
cire d'Efpagne , & lui fert de prife : on
s'en fert au même ufage que le couteau à
velours, excepté que celles-ci ne coupent
point les foies , & ne font que former les
boucles du velours en les tirant fuccefïive-
ment Comme les couteaux. Voye[ COU-
TEAU A VELOURS.
EPINGLETTE, f. f. c'eft , dans t artil-
lerie , une efpece de petite aiguille de fer ,
dent on fe fert pour percer les gargoufles
lorfqu'elles font introduites dans les pièces,
avant de les amorcer. (Q),
ÉPINGLIER , f. m. ( Commerce.) mar-
chand qui vend des épingles , des clous
d'épingles, des touches , des aiguilles, 6'c.
Voye{ Epingle.
EPINICION , f. m. ( Belles-let. ) dans
la poéfie grecque & latine fignifie , i°. mie
fête ou des réjowjfances pour une vidoire
remportée fur l'ennemi : 2°. unpoëme , une
pièce de vers fur le même fujet , un chant de
victoire. Scaîiger traite expreflément de
cette forte de poème dans fa poétique , 1/5.
I. ch. xljv. L'épître de Boileau , le poème
de Corneille fur le partage du Rhin , celui
de M. Adiffon fur la campagne de 1704,
& celui de M. de Voltaire fur la victoire de
Fontenoy , font de ce genre.
Le poème d'Adidon a pour objet la ba-
taille d'Hocftet ; c'eft un des plus beaux
«uvrages de cet illuftre auteur ; celui de
M. de Voltaire ne. mérite pas moins d'être
lu ; la préface que l'auteur y a mife con-
tient des réflexions judicieufes fur ce genre
de poème ,, & fur Tépitre de Defpréaux.
EPI
EPINOCHE ou EPINARDE , fubft. £
( H: fi. nat. Iclhiolog. ) ptfciculus aculeatus 9
poiiïoa d'eau douce , le plus petit de tous.
Il n'a qu'une feule nageoire , qui eft fur le
dos , & au-devant de laquelle il fe trouve
trois piquans féparés les uns des autres. II
a aufli deux piquans fur le ventre ; ils font
plus grands & plus forts que les autres , &
ils tiennent à un os qui a la forme d'une
nageoire ; car ce poiflon a deux lames
olîeufes , de figure triangulaire , à la place
des nageoires du ventre. Il creffe & il
abaiflè à fon gré fes piquans : il eft fans
écailles , & on le trouve dans les ruifleaux.
Il y a une autre efpece d'épinoche , qui
diffère de la précédente par les caractères
fuivans ; elle a dix ou onze piquans fur le
dos, qui font dirigés alternativement à
droite & à gauche ; le corps eft plus long»
& elle n'a point de lames ofleufes : on la
trouve aufli. dans Les ruifleaux. Rau >fynop-.
meth. pije. Rond. hifi. des poiffons de rivière .
Voye{ Poisson. (/)
EPINOCHE, c'eft ainfique les Epiciers
appellent la fleur du meilleur cafté.
EPINYCTIDE , f. f. ( Médecine. )
eV^uKT»? ; c'eft une efpece d'exanthème ou
d'éruption cutanée en forme de puftule
livide , de la grofleur d'une petite fève „
remplie d'une matière muqueufe , qui
s'ouvre enfuite &: fe change en un petit
ulcère qui caufe de grandes inquiétudes
dans la nuit, par les vives douleurs qu'il
occafionne : d'où lui vient , félon Celfe 3
le nom que les Grecs lui ont donné , qui
fignifie dans la nuit , étant compofé de la
proposition i**r* , dans , & de v»%, vwktoj ,
nuit.t '
Cet auteur , dans la defeription très-
exacle qu'il donne de Yépinyclide , lib. Va
cap. xxviij. dit qu'elle eft ordinairement;
fortenflammée tout au tour, & que le
fentimenr douloureux qu'elle fait naître
eft beaucoup plus confidérable que la grof.
feur ne femble pouvoir la caufer ; elle
fournit , quand elle eft ouverte , une fanie
fanguinolente..
Cette tumeur eft produite par une ma-
tière bilieufe acre qui fe ramafie dans quel-
que follicule de la peau , la ronge , & fe
fait une iflue en l'exuîcérant : l'âcreté &c
..la fubtilité particulière de cette humeuc
E P I
viciée la rendent fufceptible de produire
une irritation confidérable dans les nerfs
voifins , & d'être aifément agitée par la
EPI 7i7
* §. EPIPHANIE ; fêtes des rois Les
chrétiens d'Orient nomment au JJi cette fête la
théophanie ou fête des lumières. Théophanc
chaleur du lit & l'augmentation qui fe fait fignifle manifejlation de Dieu , & non pas
dans la tranfpiration pendant la nuit. \ fête des lumières Jean Défiions a fait un,
Il efl facile de diffinguer cette tumeur \ petit livre fur le roiboit. M. Dellyons a fait
incommode à caufe des mauvais effets d'Eglife , qui veut dire la fête des Rois , ou
qu'elle produit dans la nuit : s'il en paroît de X apparition de Jefus-Chrifi aux Gentils ,
plufieurs en même temps , c'eft un indice
de la qualité bilieufe & acrimonieufe , do-
minante dans la malle des humeurs.
Les perfonr.es qui ont des épinyclides
doivent obferver un régime délayant &
adouciffant : on a recours à la faignée fi
elles font nombreufes ; la purgation con-
vient pour détourner de !a peau l'humeur
viciée & l'évacuer ; les digeitifs &: les
épuîotiques- ordinaires font les topiques j
dont l'ufage efl indiqué dans cette affec-
tion. Vàyei Exanthème, {d)
EPIODIE , ( Mufiq. des anc. ) chanfon
des Grecs avant les funérailles ; on l'ap-
peloit aufîi ncenia, ( F. D. C. )
EPIPEDOMETRIE , f. f. dans les Ma-
thématiques , lignifie la mefure des figures
qui s'appuient fur une même bafe. Ce mot
n'eft plus en ufage. Harris & Chamhrs.
(E
EPIPHALLUS , ( Mufiq. des anc. )
car le mot grec lignifie apparition. Les
chrétiens d'Orient nomment auiïï cette
fête , la Théophanie , ou la manijefiadon de
Dieu. C'efl une fête double de !a première
claile , qui fe célèbre le 6 janvier de cha-
que année.
Les Grecs appeîoient Y Epiphanie , h pré-
fence des dieux jur la terre , foit qu'ils fe fif-
fentvoir en perfonne aux yeux des hommes,
foit qu'ils manife flairent leur préfence par
quelques effets extraordinaires. Cette pré-
fence des dieux leur fournit l'occalion
dinftituer les fêtes ou facrifices , qu'ils-
nommoient épiphanies} vbrtfuint* \ en mé-
moire de ces apparitions prétendues.
L'on a nommé femblab'ement , parmi
les chrétiens , Y Epiphanie h fête des Rois,
dans la prévention généralement établie ,
que les mages étoient desrois. Cette fête ne
fe célébroit autrefois qu'après avoir été pré-
cédée d'une veille & d'un jeune très-févere;
Il paroît par un p affage d'Eufîathius , très- & il paroît furprenant qu'une coutume 11
fouvent cité dans Meurfius , que ce mo
étoit aufli le nom d'un air de danfe des an-
ciens , & qu'on l'exécutoit fur des flûtes.
Ce même pallage met encore i'hédycome
&: !e pclemicou au rang des airs de danfe
joués fur la flûte. Voye{ HEDYCOME &
POLEMICON. ( Mufiq. des anc. )Et Athénée
dit pofuivement , d'après Tryphon , que
c'étaient des airs de danfe propres aux flû-
tes. ( F. D. C. )
* EPIPHANES , ( Mythologie. ) fur-
nom de Jupiter. Jupiter êpiphanh ou Jupi-
ter qui Je maniftfle , c'efl la même chofe.
Jupiter fut ainfl appelé , de ce qu'il ren-
doit fouvent fa préfence fenfible par des
éclairs , par le tonnerre , de ce qu'il fe
plaifoit à fe mêler parmi les hommes , &
fur- tout parmi les femmes , fous différen-
tes formes corporelles.
pieufe ait été abolie, pour y fubftituer une
folemnité bien oppofée à l'abllinence 6c
à la mortification.
L'exemple des payens a pu fervir , félon
quelques auteurs , à chafftr le jeûne, pour
lui fubroger la bonne chère. La conformité
qu'ont trouvé ces mêmes auteurs entre la
tête du roiboit & les faturnales , leur a fiit
avancer que la première étoit une imitation
& une fuite de la féconde : en effet, difent-
ils , la fête des faturnales commençoit en
décembre , continuoit dans les premiers
jours de janvier , qui efl aufli le temps de
la fête des Rois. Les pères de famille en-
voyoient à l'entrée des faturnales , des gâ-
teaux avec des fruits à leurs amis ; l'ufage des.
gâteaux fubfifte encore. Ces amis man-
geoient enfemble : c'efl ce que l'on pratique
, aulTi la veille & le. jour des Rois» La pre-
7i3 EPI
miere cérémonie des faturnales confiftoit à
élire un roi de la fête ; & Lucien fait dire
plaifamment à Saturne , faifons des rois a
gui nous obéijjions agréablement. L'élection
d'un roi eft aufli parmi nous la première
action de Y Epiphanie, avec cette différence
que les Payens élifoient leur roi par le fort
des dés , &: que nous l'élifonspar la rencon-
tre de la fève. Le même Lucien nous ap-
prend que le plaifîr confîftoit à boire ,
s'enivrer & crier. C'eft à peu près la même
chofe parmi nous , & nous marquons notre
joie non feulement par la bonne chère,
EPI
» brave , frifé, & gauderonné, menée du
» chafteau de Louvre à la méfie en la cha-
» pelle de Bourbon , étant le roy fuivi de
n fes jeunes mignons , autant & plus bra-
» ves que lui. »> On fait aujourd'hui que
Y Epiphanie fe célèbre à la cour avec une fi
grande hmplicité , qu'elle feroit peut-être
tôlerie par ce févere dodeur de Sorbonne,
qui regardoit toutes les réjouiffances de
YEpiphanie comme des profanations oimi-
nelles; je parle de M. Jean Défiions , more
à Senlis au commencement de ce ftecle ,
âgé de 85 ans. On connoît fes deux ouvra-
mais encore par nos acclamations quand lelges fur cette matière; ils font intitules,
roiboit. difjours eccléfiaftijue contre le paganifme du
Cependant toutes ces applications gêné- ^roiboit. de J au court.
raies ne prouvent rien , & ne fe trouvent un EPIPHÉNOMENE , f. m. ( Mêd. ) ce
peu juftes que par les abus que le temps a terme eft grec , compote d\V< , fuper , &
amenés dans la célébrarion de la fête de <p«<ioMtvor , apparens. Les anciens s'en fer-
Y Epiphanie ; car d'un côté la qualité des
perfonnes qui célébroient ces deux fèces , &
de l'autre , le terme de leur durée , font
voir clairement que ce font deux différentes
fêtes , qui n'ont qu'un rapport éloigné.
Difons donc qu'il eft plus naturel de
croire que le fouoet de la veille des rois eft
une fuite de la veille que les chrétiens cé-
l 'broient d'abord avec beaucoup de refpect
& de religion ; mais le temps, le lieu &
les autres circonftances de ces alîembîées
nocturnes , favorifoient trop la corruption
pour qu'elle ne s'introduisît pas dans la fête;
le fcandale même devint à la fin fi grand &
fî pernicieux , que par plufteurs conciles
l'on fut obligé de défendre ces alTemblées :
cependant on ne put pas les abolir entière-
ment ; & pour en conferver le fouvenir , les
parens s'afïemblerent avec leurs amis , fe
régalèrent ; & afin de marquer l'origine du
feftin ,ilsobferverent de le bénir avant que
de fe mettre à table ; & même en partageant
le gâteau, la première portion étoitdeftinée
pour Dieu , ce qui feul fuffiroit , ce me fem-
ble , pour détruire la comparaifon de la fête
des rois avec celle des faturnales.
On folemnifoit autrefois dans notre
royaume la fête des rois avec beaucoup plus
de pompe & d'apparat qu'à préfent.En effet
nous liions dans le journal d'Henri III ,
« qu'en 1578 , le lundi 6 de janvier la de-
r> moifelîe de Pons de Bretagne , royne de
?> la feve , fut par le roy défefpérément
voient dans le même fens que d'épigené-
me , l'vêjwtf** , pour défigner !es afïe&ions
morhifiques qui furviennent dans une ma-
ladie , outre les fymptomes qui lui font
propres , & qui procèdent d'une caufe dif-
férente de celle qui a produit ceux-ci.
M. Queinay , dans fon nouveau traité
des fièvres , dit avoir été obligé de fe fervir
du terme d'épi phénomène , n'ayant pu trou-
ver aucun nom françois affez iïgniftcatif
pour exprimer diftinefement ce que les an-
ciens entendoient par ce mot , & ce qu'il
s'agit de déiigner par une dénomination
qui marque bien feniiblement le genre d'af-
fection morbifique qui vient d'être défini ;
ainfi c eft en quelque forte malgré lui ,
ajoute-t-il , qu'il s'eft déterminé à rappeler
un terme grec , qui depuis long-temps eft
prefque entièrement hors d'ufage.
Les arts & les feiences gagnent toujours
à acquérir des termes propres , dès qu'ils
peuvent fervir à éviter les circonlocutions ,
ou l'obfcurité dans leur langage rcfpecnf.
r. Maladie, Symptôme, Accident.
W , ^
EPIPHONEME , f. f. (Rhét.) moteon-
iacré que nous avons emprunté des Grecs
1 l'exemple des Latins.
C'eft une figure de rhétorique qui con-
fifte ou dans une efpece d'exclamation à la
Hn d'un récit de quelque événement, ou
lans une courte réflexion fur le fujet dont
onaparlé. Cette figues échappe aux efprits.
EPI
▼ifs & aux efprits profonds : fon élégance
part du goût, du choix, de la venté ; il
faut aulîi qu'elle naiffe du fujet , & qu'elle
coule de fource; alors c'eft un dernier coup
de pinceau qui fait une image frapante dans
l'efprit du le&c:ur , ou de l'auditeur. Ainli
Virgile , après avoir dépeint tout ce que la
colère fuggereàune déefTe immortelle con-
tre fon héros , ne peut s'empêcher de s'é-
crier , Tantce-ne animis celeftibus irœ ! &
dans un autre endroit , Tantœ moiis erat
romanam condere gentem ! C'eft encore une
belle épiphonême, & fouvent citée, que
celle de S. Paul , lorfqu'après avoir dif-
couru de la reje&ion des Juifs, & de la vo-
cation des Gentils , il s'écrie : O profondeur
des richeffes, delafageffe, & de la connoijfance
de Dieu.
Cette figure n'eft déplacée dans aucun
ouvrage -, mais il me femble que c'eft dans
l'hifioire qu'elle produit fur-tout un effet
intérelfant. Velleius Paterculus qui , in-
dépendamment du ftyle , nous a montré fon
talent pour l'éloquence , dans fon éloge
E P I 7ip
fur les yeux ; ce qui eft la même chofe que
l'ophthalmie. Voye^ OPHTH ALMIE.
3°. La lignification la plus reçue du mot
épiphore , eft appliquée au flux de larmes ha-
bituel , caufé par un relâchement des ca-
naux excrétoires des glandes , dans lefquel-
les fe fait la fecrétion de cette humeur : ces
canaux n'offrant pas afïez de réfiftance à
l'impulfion des fluides qu'ils reçoivent dans
leur cavité , il s'y fait une dérivation des
parties voifines ; ils en font abreuvés en
trop grande quantité , n'ayant pas la force
de les retenir ; il s'en fait un écoulement
proportionné , & par conféquent immodé-
ré refpedivement à l'état naturel : c'eft un
vrai diabète des glandes lacrymales; l'hu-
meur dont elles regorgent fe répand fur la
furface de l'œil, & fur le bord de la pau-
pière inférieure en plus grande abondance >
que les points lacrymaux n'en peuvent re-
cevoir , pour la porter dans la cavité des
narines : elle fe ramaffe conféquemment
vers le grand angle de l'œil, & s'écoule
hors de lagoutiere fur la furface extérieure
de la paupière & des joues, enforte que les
yeux paroiffent toujours mouillés & pleu-
rans. Tant que dure ce vice , qui eft quel-
quefois incurable , " ceux qui y font fujets ,
dit Maître- Jan, dans fon traité des maladies
de V œil y par t. III , chap. iij , ont ordinaire-
ment la tête grotte & large, font d'un tem-
pérament phlegmatique , & travaillés fou-
vent de fluxions fur les yeux. »
Les collyres aflringens font les feuls topi-
ques qu'il convient d'employer contre le
relâchement qui caufe Vépiphore. On peut
avoir recours aux veftecatoires appliqués
derrière les oreilles à la nuque , pour faire
diverfion à l'humeur qui engorge les glan-
admirable de Cicéron , eft Thiftorien ro-
main qui fe foit le plus fervi deVépipkonême;
il a l'art de l'employer avec tant de grâce ,
que perfonne ne l'a furpaffé dans cette par-
tie. Aufli faut-il convenir que cette figure
mife en œuvre aufli judicieufement qu'il l'a
lu faire , a des charmes pour tout le monde ,
parce que rien ne plaît , ne délaffe , n'at-
tache , & n'inftruit davantage , que ces
fortes de penfées fententieufes & philofo-
phiques jointes à la fin d un récit des gran-
des athons & des principaux faits, dont on
vient de tracer le tableau fidèle. Article de
M. le Chevalier de J AU COURT.
ÉPIPHORE , f. m. (Mêd.) Épiphora eft
un terme qui vient du grec izi«pôf<x , de« des lacrymables. Le cautère au bras peut
tfrKpipuv , cum impetu ferre , porter avec
impétuoiîté. Il eft employé en différens
fens.
i°. Il fignifie , généralement pris, toute
forte de tranfport contre nature d'humeurs
dans quelque partie du corps que ce foit , &
particulièrement du fang , félon Scribonius
Largus , n. 243 , ainfl il peut être appliqué à
toute tumeur inflammatoire.
auffi fatisfaireà la même indication ; mais
ce qui eft plus propre à la remplir , c'eft l'ufa-
ge réitéré des purgatifs qui ont de l'aftric-
tion , comme la rhubarbe. L'évacuation
par la voie desfelles eft en général plus pro-
pre qu'aucun autre moyen , à détourner la
matière de fluxions qui fe font fur les yeux,
ou fur les parties qui en dépendent. Hip-
pocratel'avoit éprouvé fans doute , lorfqu'il
félon Galien , / IV , de C. M. S. C. cap. vij ,
&c. une fluxion inflammatoire qui fe fait
20. On appelle plus fpécialementep/fAor^, a dit que le cours de ventre à celui quia
une fluxion fur les yeux , eft très-falutaire t
lippienti projlavio alvi corripi r bonum* Jlphor,.
72« EPI
xvij ,fec7. S. Ainfî on doit imiter la nature ,
c'eft- à-dire, fuppléer à fon défaut, par les
fccours de l'art, pour procurer une évacua-
tion de cette efpece dans le cas dont il s'a-
git , dont l'utilité eft autant conftarée par
l'expérience, que l'autorité de celui qui
J'afîureeft bien établie par lexadàtude & la
vérité de fes observations. Voyez FLUXION.
w.
EPIPHYSE, f. f. {Anat.) appendice
cartilagineufe , en grec ivrÎQvtrtt , de iVp»* ,
croître dejfus. Èpiphyfe eftlenom que don-
nent les Anatomiftes à certaines éminences
cartilagineufes , qui paroiflent des pièces
rapportées, ajoutées, & unies au corps de
l'os , de la même manière que la partie car-
t'iagineufe des cotes I'eft à l'égard de leur
portion ofïeufe. Les épiphyfés fe rencon-
trent dans toutes les articulations avec mou-
vement.
L'union des épiphyfés au corps de l'os , fe
fait par ie moyen d'un cartilage qui fe dur-
cit, s'ofîifie prefque toujours vers la deuxiè-
me année, &: ne forme dans la fuite avec
l'os qu'une feule pièce , de manière qu'il
n'eft pluspofîible de les féparer. En effet fi
dans 1 adulte avancé en âge l'on feie l'os &
Yépiphyfe en même temps , on y découvre à
peine les traces du cartilage qui faifoit au-
paravant leur union : cependant il eft cer-
tain que le bout des os des extrémités , & la
plupart des apophyfes, ont été épiphyfés dans
l'enfance ; phénomène curieux dont l'expli-
cation mériteroit un traité particulier qui
nous manque encore en phyfioîogie. Mais
ne pouvant entrer ici dans un pareil détail,
nous nous contenterons feulement de re-
marquer que l'union des épiphyjes au corps
cie l'os , permet à une partie du périofte de
i'infinuer entre deux , de forte que par ce
moyen plusieurs vaifîèaux fangins s'y gîif-
fent , & portent à l'os de même qu'à la
moelle , la matière de leur nourriture.
Obfervons aufTi qu'il y a des épiphyfés qui
ont encore leur apophyfe, comme Yépiphyfe
inférieure du tibia; 6c qu'il y a femblable-
ment des apophyfes qui portent des épiphy-
fés y comme il paroît dans le grand trochan-
ter. Ainfi la tête du fémur eft dans les jeunes
fujets , quelquefois dans les adultes , une épi-
ph^fe de la partie de cet os qu'on appellent)/*
coup.
EPI
Les épiphyfés prennent , ainfî que les apo-
phyfes » des noms difrérens tirés de leur fi-
gure. Par exemple , quand elles font fphé-
roïdes , elles s'appellent tête; quand l'émi-
nence eft placée immédiatement au defîbus
de la tête, cou ; quand la tête eft plate , con-
dyk; quand fa furface eft raboteufe , tubé-
wfité: celles qui fe terminent en manière
de fliiet , font nommées JlUvïdes ; celles qui
ont la forme d'un mammelon , majloïdes ;
celles qui relTemblent à une dent , odontoïdes;
à une chauve-fouris, ptêriguïdes, &c. mais
tous ces rapports, vrais ou prétendus , ne
font que de pures minuties anatomiques
dont cette feience eft accablée.
Les épiphyjes ont desufages qui leur font
communs avec les apophyfes , comme de
ferviren général à l'articulation , à attacher
les muicîes & les ligamens dont elles aug-
mentent la fermeté , à rendre les os plus
légers par leur fpongiofité , plus forts &
moins caffans , en multipliant les pièces.
Elles fervent encore à augmenter la force
des mufcles , en donnant plus d'étendue à
l'extrémité des os : on peut ajouter que la
fituation & la» figure particulière des épi-
phyfés, les rendent capables d'autant d'u-
fages différens. Enfin ces fortes d'éminen-
ces cartilagineufes préviennent dans les en-
fans la fracture des os,& font que dans
PaccroifTément du corps ils peuvent s'allon-
ger plus aifement , & parvenir à leur jufte
grandeur. Article de M. le Chevalier- DE
Jaucourt.
ÉPIPLOCELE , f. f. en Chirurgie , efpece
de hernie ou tumeur , qui eft occafionnée
par la defeente de fépiploon dans l'aine.
V. Hernie & Entéro-épiplocele. (Y)
ÉPIPLOIQUE, adj. en Anatomie, fe
dit des artères & des veines qui fe diftri-
buent dans la fubftance dePépiplocn. Il y a
une artère épiploïque qui vient de la branche
hépatique.
L,'ép'ploïque droite eft une branche de
l'artère cœiiaque , qui vient du côté droit
de la partie intérieure ou poftérieure de
l'eftomac. Voye~K CCSLJAQTJE.
Uépiploïque poftérieure , c'eft une branche
de l'artère cœiiaque qui part de l'extrémité
de la fplénique , & qui va fa distribuer à la
partie poftérieure de l'épiploon.
\J épiploïque gauche eft une branche de
l'artère
EPI
l'artère cœliaque , qui fe diftribue au coté
gauche 6c inférieur de l'épiploon. (Z)
ÉPIPLONPHALE, f. f. en chirurgie y
efpece d'exomphale ou defcente du nom-
bril j qui confifte en une tumeur ou gon-
flement de cette partie , produit par le dé-
placement de l'épiploon. V. Exomphale
& Entéro-épiplonphale.
Ce mot eft compofé du grec iTxiwhbw ,
épiploon , coiffe f ÔC oftpahot , nombril. (Y)
§ ÉPIPLOON, ÉPIPLOIQUE, àVm~
wh-nv , flotter dejfus , ( Anatom. ) c'eft le
nom de différentes membranes graiffeufes,
qui flottent dans la cavité du bas-ventre
de prefque tous les animaux. Les chenilles
elles-mêmes ont des monceaux de graille
autour des inteftins. Ce font cependant les
quadrupèdes dans lefquels ces membranes
font les plus marquées. Elles naiflènt du
péritoine , mais jamais immédiatement. Ce
lbnt des productions de la membrane exté-
rieure de l'eftomac, de la rate , du foie, du
colon; mais ces membranes elles-mêmes
naillènt du péritoine.
Tous les épiploons ont la même ftructure
dans l'homme, dont nous allons parler,
fans entrer dans le détail des épiploons des
animaux , la variété y eft trop grande. Ce
font deux lames extrêmement fines , appli-
quées immédiatement l'une à l'autre, 8c
qui font une duplicature , dans laquelle
rampent de nombreux vaifîèaux qui y for-
ment des réfeaux. Nous avons réufïî à fé-
parer ces deux lames par Pair que nous y
avons introduit. Il faut fe garder de con-
fondre ces deux lames avec les deux grands
feuillets de Yépiploon.
Chaque tronc d'artère &c de veine eft
accompagné d'une traînée de graille , dont
les globules font féparés &c très-éloignés les
uns des autres. Les petites branches étant
abfolument fans graille dans les jeunes
fujets, on foufïle avec facilité Yépiploon ; la
partie dénu le de grailfe prête , &c toute la
membrane s'épanouit & prend la forme
d'une veffie toute relevée de bofles. Les
artères qui réfiftent à l'air rampent dans
les vallons. Dans l'adulte la graine fe mul-
tiplie ; elle accompagne les petites bran-
ches du réféau artériel , &C tout Yépiploon
devient une malle de graille pâteufe. v
Nous avons dit que les épiploons fe laiflent
Tome XII.
EPI 7n
foufTIer dans le fœtus & dans les enfans :
c'eft une propriété. qui leur paroît être eflèn-
tielle. Tous les épiploons ont deux feuillets.
Nous avons averti le ledteur de ne pas
confondre les feuillets avec les lames. Un
de ces feuillets eft antérieur , & l'autre eft
poftérieur : ils fe joignent à leur extrémité,
& forment un fac dont l'orifice ou la ba'e
eft faite par le vifcere , ou par les vifceres
dont la membrane externe , en s'élevant
avec un peu de cellulofité , a produit les
deux lames de chaque feuillet.
Il y a trois épiploons continués l'un à'
l'autre, ôc plufieurs autres petits épiploons,
diftribués le long du colon. Ces trois épi-
ploons ont une entrée commune par laquelle
on peut les fourrier : elle a été découvete , à
Ce qu'il paroît,^ par du Verney, puifqu'elle
(e trouve dans fes ouvrages pofthumes, dont
la date n'eft pas connue , mais qui , vu le
grand âge de l'auteur , paroît ne pouvoir
contenir que des obfervations antérieures à
l'année 1715- , date à laquelle Winflow a
publié cette découverte. Du Verney avoit
alors foixante-quinze ans, &c avoit diflequé
depuis plus de cinquante ans : puifqu'il a
vu cette ouverture , il ne parole guère
probable qu'il ne l'ait pas vue avant cet âge.
Cette porte - cochere , comme l'appelle1
Winflow , eft placée entre le petit lobe à
queue du foie ôc le duodénum prefque
contigus ; il y a une ouverture qui n'a
d'autre figure que celle de ce lobe. Là
membrane externe du foie , née de la foflè
tranfverfale & de la véficule du fiel , pafTe
devant cette ouverture pour aller recouvrir
le duodénum; ôc le péritoine de la région
rénale droite , pafle derrière la porte de
Yépiploon , pour produire la lame inférieure
du méfocolon. La veine porte, avec les
conduits biliaires , parlent aufli devant cette
ouverture.
Quand on la fouffle, \y épiploon hépa-
togaftrique s'élève le premier; l'air paflè
derrière l'eftomac pour gonfler Yépiploon
gaftrocolique ; il s'étend jufqu'à la fin de
l'extrémité droite de ce fécond épiploon ,
pour dilater le troifîeme épiploon : c'eft le
colique. Il n'eft pas néceflaire au refte de
chercher la porte de Winflow; il fuffit
d'introduire le tuyau derrière le paquet
des vaiffeaux du foie.
Yyyy
11
E P I
* Le petit épiploon de Winflow , ou Yépi-
ploon hépatog:iftrique naît par Ton feuillet
antérieur de la folle droite de la véficule
du fiel 8c de la folîè tranfvcrfale du foie.
Il continue de naître de la folle tranfvcriale
8c de celle du conduit veineux , 8c le ter-
mine au diaphragme , dont le péritoine le
borne ; mais cet épiploon , en s'approchant
du diaphragme, a acquis un degré de fo-
lidité , qui a fait donner au prolongement
du péritoine le nom de ligament.
Le petit épiploon pafle devant le duodé-
num , le petit lobe du foie 8c le pancréas ,
pour former le méfocolon jufqu'à la naii-
ïance des vaillèaux gaftroépiploïques droits.
Depuis ce terme , il s'attache à la petite
courbure de l'eftomac 8c à l'œfophagc par
fou extrémité , qui perte le nom de liga-
ment.
Son plancher poftérieur eft fait par le
foie; le pancréas, par la lame fupérieure
du méfocolon , 8c par une partie de la
petite courbure de l'eftomac.
L'air introduit l'éloigné du pancréas ,
8c le fait paroître comme un cône obtus
tout couvert de petites bolTes entre le foie
8c l'eftomac,
Plufieurs auteurs, Euftache même, ont
eu connoiflànce de cet épiploon ; mais
Winflow eft le premier qui Tait décrit
avec un certain détail.
Uépiploon gaftrocolique a été connu de
tout temps; ç'eft celui qui fe préfente de
lui-même à l'ouverture du bas-ventre, 8c
qui flotte fur les inteftins. Il en couvre une
partie plus petite dans le fœtus , 8c plus
grande dans l'adulte. Nous l'avons vu ne
parvenir qu'au nombril , 8c defçendre d'au-
tres fois dans le balTïn pour s'attacher à
l'utérus, ou pour accompagner les hernies.
Il eft ordinairement plus long du coté
gauche. Il devient fort gros dans les per-
sonnes replettes , 8c diiparoît dans l'hy-
dropille.
Le feuillet antérieur naît de Ja membrane
extérieure de l'eftomac , depuis le pylore
((ans toucher le duodénum), le long de la
r/ctiie courbure jufqu à l'cefophage , où il
f è continue avec le ligament , qui fe porte
" au diaphragme,
Il s'attache à k rate dans la ilnuoiité
qui' reçoit ks yaifleaux : il fe continue à
E P I
la tunique externe de ce vifeere 8c à fbn
ligament fufpen'oire, 8c même au péri-
toine au delà de ce ligament. La partie
flottante de cet épi ) '//on vient enfuitç; elle
revient fur elle-même pour s'attacher au
colon tranfverlal , depuis la rate jufqu'à
fon extrémité du côté droit.
Le cul - de - fac gauche fe termine par
Y épiploon, qui remonte le long de la lame
fupérieure du méfocolon tranfverlal , à
laquelle il s'attache obliquement jurqu'à la
rate. Le cul-de-lac du coté droit eft formé
en partie par Y épiploon colique , dont nous
allons parler , 8c en partie par le feuillet
poftérieur de/V/j/p/oo/zgaftrocolique, attache
à la lame fupérieure du méfocolon tranf-
verlal le long de l'artère colique moyenne.
Uépiploon colique eft une continuation
de celui dont nous venons de parler : elle
eft conique , 8c la longueur eft variable :
nous l'avons vue s'étendre jufqu'au cœcum.
Le feuillet antérieur & le feuillet poftérieur
de cet épiploon , eft également une conti-
nuation de la tunique externe du colon ,
mais en deux lignes différentes. Il eft boC-
lelé comme les deux autres épiploons ,
quand on le gonfle. Il paroit que M. Lieu-
taud en a parlé; mais il en dérive un
feuillet du méfocolon. M. de Haîler l'a
décrit 8c l'a fait graver en même temps.
Nous avons déjà parlé des petits épi"
ploons coliques, à Y article Colon. C'eft
une découverte de Vefale , renouvellée par
Ruyfch.
Les artères du petit épiploon nai lient de
la grande coronaire , de la petite 8c de
l'hépatique; les veines, de la veine-porte.
Les artères du feuillet antérieur de
Y épiploon gaftrocolique nailîènt de la gaf-
troépiploïque droite , de la gaftrique gau-
che , de la gaftroépiploïque çauche, des
vaifleaux de la rate 8c des vaillèaux courts.
On a donné le nom d'épiploïque droite &
gauche à la plus grande branche de celles
qui fortent de la gaftroépiploïque de l'un
8c de l'autre cotés.
Les artères du feuillet poftérieur naifTènc
encore des gaftroépiploïques , de quelque
artère de la rate, des vaifleaux du colon,
du duodénum 8c des branches adipeufes.
Les veines vont le rendre à la fplénique3
à la. veine-porte , à la méfentériciue.
E P I
Les veines de Yépiplcon colique viennent
des vaiflèaux du colon , de l'épi ploïque
droite, de la duodénale, de la méientérique.
Tous ces différens troncs communiquent
très -fréquemment entre eux.
La colle qu'on y injecte pafTe dans la
graillé dont les vaiflèaux (ont accompagnés.
On a abandonné les vaiflèaux graiflèux ,
différens des vaiflèaux rouges, que Mal-
pighi croyoit avoir découverts , 8c qu'il
a révoqués lui-même.
Il y a des glandes lymphatiques dans
ï'épiploon gaftroépatique & dans le gaftro-
colique; les uns 8c les autres font placés le
long de l'attache de ces êpiploons à lcfto-
mac. On a vu quelques traces de vaiflèaux
lymphatiques dans X'épiploon gaftrocolique ;
mais il ne faut pas fe hâter de les admettre.
Nous avons vu des réfeaux tranfparens dans
les intervalles des vaiflèaux rouges, qui fe
{ont trouvés n^tre que de la graiflè.
Il y a quelques nerfs en petit nombre;
au(ïi ï'épiploon n'a-t-il que peu de fènti-
ment : le fang paroît y circuler avec beau-
coup de lenteur : on ne le lie pas , 8c on
ne craint aucune hémorrhagie de la part
de fes artères. ( H. G. D. )
ÉPIPLOSARCONPHALE , f. f. en
Chirurgie, efpece de tumeur ou d'exom-
phale , qui eft formée de Ï'épiploon , 8c
compliquée d'une excroiflance de chair.
Voye[ Exomphàle.
Ce mot eft formé de trois mots grecs,
« mThoov , épiploon , aafè , chair , o^ethbs ,
nombril. {Y)
EPIPOMPENTICA, chanfons faites
pour des occaflons où il falloit de la ma-
gnificence.
ÉPIPROSLAMBANOMENE , ( Muf.
des anc. ) corde qui fe trouvoit fous la
proftambanomene , 8c qui répondoit par
conféquent à notre fol.
* ÉPIPYRGIDE, adj. pris fub. c'eft-à-
dire , plus grande qu'une tour ; c'eft ainfî
que les Athéniens appelloient une ftatue
coloflàle à rrois corps, qu'ils avoient con-
facrée à Hécate.
ÉPIQUE, adj. Poème épique : on appelle
ainlï un poëme où l'on célèbre quelques
actions fignalées d'un héros. V. Epopée.
ÉPIRE. ( Kifl. anc. Géogr. ) Le nom
à'Epire fc prend en deux fens par les
EPt 7lj
écrivains Grecs; ils s'en fervent quelquefois
pour exprimer en général ce que nous ap-
pelions Continent y 8c quelquefois pour dé-
iigner plus particulièrement un pays d'Eu-
rope , qui étoit fiuué entre la Theflalie 8c
la mer Adriatique, 8c qui fait partie de
l'Albanie moderne.
Son voifinage avec la Grèce a fur-tout
contribué à le rendre fameux dans l'an-
cienne hiftoire ; 8c quoiqu'il fut d'une
très -petite étendue, cependant Strabon y
compte jufqu'au nombre de quatorze na-
tions Epirotes : tels furent les Chaoniens,
les Thefprotes, les Mobiles, les Ethiciens,
les Athamanes, les Perrhebes, les Ambra-
ciens, &c. Mais nous ne nous engagerons
point dans ce défilé ; nous ne rechercherons
pas non plus les raifons qui ont porté les
poètes à placer leur enfer dans cetee partie
de la Grèce; encore moins parlerons-nous
du combat d'Hercule 8c de Geryon , qui
rendit ce pays célèbre : tout cela n'eft point
du reflbrt de cet Ouvrage. Nous devons,
au contraire , nous hâter de dire que l' Epire,
qui étoit d'abord un royaume libre , fut
enfuite fournis aux rois de Macédoine , 8c
tomba enfin fous le pouvoir des Romains.
On fait que Paul Emile ayant vaincu Per-
lée, dernier roi de Macédoine, ruina 70
villes des Epirotes qui avoient pris le parti
de ce prince , y fit un butin immenfe , 8c
emmena iyocco efclaves.
Les empereurs de Grèce établirent des
defpotes en Epire , qui pofléderent ce pays
jufqu'au règne d'Amurat II. Ce conquérant
le réunit aux vaftes états de la Porte Otto-
mane. Ainfi les Epirotes, libres dans leur
origine, riches, braves 8c guerriers, font
à préfent ferfs , liches , miférables : épars
dans les campagnes ruinées , ils s'occupent
à cultiver la terre ou à garder les beftiaux
dans de gras pâturages , qui nous rappellent
ceux qu'avoient les bœufs de Geryon, dont
les hiftoriens nous ont tant parlé ; mais
c'eft la feule chofe des états du fils d'A-
chille qui fubfifte encore la même. Art.
de M. le chev. de J au cou et.
* ÉPISCAPHIES, adj. pris fub. (Myth.)
Les Rhodiens célébroient des fêtes qu'ils
appelloient les fêtes des barques ou les épif-
caphies. Epifcaphie vient d'«T* , fur3 de de
ejutfiï , barque,
Yyyy z
724 EPI
* ÉPISCENES, adj. pris fub. ( Myth.)
Les Lacédémoniens célebroient des fêtes
qu'ils appelloient les fêtes des tentes ou les
épifcenes. Epi f cène eft formé dW< , fur,
Se de </hwù , tente.
ÉPISCOPAL , ie dit de tout ce qui a
rapport à la dignité ou à la per!bnne des
évêques : ainfi Ton dit dignité épifcopale ,
le corps épifcopal , croix épifcopale , palais
épifcopal, Sec.
"ÉPïSCOPAT , f. m. ( Bifl. eccl.) ordre
ou dignité d'un évêques c'eft ta plénitude
& le complément du facerdoce de la loi
nouvelle.
On convient généralement que tous les
évêques, en vertu de la dignité épifcopale,
ont une égale puiflànce d'ordre; Se c'eft
en ce fens que l'on dit qu'il n'y a qu'un
épifcopat , Se que cet épifccpat eft folidai-
rement poflédé par chacun des éveques en
particulier. Epifcopatus imus efl (dit S. Cy-
prien , lib. de unit. Ecclefcs ) , cujus pars à
Jingulis in folidum tenetur.
Les thcologiens fcholaftiques font par-
tagés fur la queftion de favoir fi Y épifcopat ,
c'elt-à-dire, l'ordination épifcopale, eft un
ordre Se un facrement. Les uns , comme
Guillaume d'Auxerre, Almain , Cajeran,
Bellarmin, Maldonat, Ifambert, ùc. fou-
tiennent que Y épifcopat eft un facrement &
un ordre proprement dit, diftingué de la
prêtrife, mais qui doit toujours néanmoins
en être précédé : Hugues de S. Victor ,
Pierre Lombard, S. Bonaventure , Soto Se
plulieurs autres , prétendent que V épifccpat
n'eft ni un ordre ni un facrement, mais que
l'ordination épifcopale confère à celui qui
la reçoit une puilfance Se une dignité fupé-
rieure à celle des prêtres. Durand Se quel-
ques autres regardent fimplement Y épifcopat
comme une extenfion du caractère facer-
dotal. Le premier de ces fenrimens eft le
plus généralement fuivi ; mais ceux qui le
ioutiennent font encore divifés fur ce qui
conftitue la matière Se la forme de \' épif-
copat confidéré comme facrement.
Comme on pratique dans la confécration
des évêques plusieurs cérémonies difté-
lentes , telles que Pimpoûtion des mains ,
Ponction fur la tête & fur les mains , l'im-
pofition du livre de l'évangile fur le cou Se
les épaules de l'élu , la tradition de k croile
E P I
Se de l'anneau , Se celle même du livre des
évangiles, les théologiens ont penie qu'outre
l'impoiition des mains, quelqu'une. de ces
cérémonies étoit matière eflèntiçlle de Yépif-
copat. Mais comme en ce point on doit plus
faire attention à la pratique univerfelle ôc
confiante de l'Eglife, qu'aux opinions par-
ticulières des théologiens , il eft clair que
la plupart de ces cérémonies n'ont été ni
par-tout , ni de tout temps en ufage dans
la confécration des évêques. Quant à l'onc-
tion de la tête Se des mains, elle n'eft point
en ulagè chez les Grecs , comme le remar-
quent les PP. Morin , Goar Se Martene ,
cependant on ne leur contefte point la vali-
dité ni la lucceiïion de Y épifcopat. L'impofî-
tion du livre des évangiles fur la tête & les
épaules de l'évêque élu n'eft point fondée
dans l'antiquité ; Mîdore de Seville , qui
vivoit dans le vije. iïecle , n'en dit pas un
mot dans la defeription qu'il donne de la
confécration des évêques , lib. II de qfjiciis
divin, cap. y, Almain Se A malaire, traitant
des mêmes matières , regardent cette céré-
monie comme une choie nouvelle qui n'a-
voit aucun fondement dans la tradition , Se
qu'on ne pratiquoit point encore de leur
temps dans les Eglifes de France Se d'Al-
lemagne. Enfin , la tradition de l'évangile ,
de la crofle Se de l'anneau , eft d'un ufage
encore plus récent , 6e même aujourd'hui
inconnu dans l'Eglife greque , comme
l'obferve le P. Morin ; d'où il eft aifé de
conclure que l'impofition des mains feule
eft la matière de Y épifcopat ; elle eft expref-
fément marquée dans l'écriture comme le
figne fenfible qui confère la grâce. Les PP.
Se les Conciles s'accordent à la regarder
comme matière; l'uiage de l'Eglife latine Se
greque la confirme dans cette pofieffion,
Se toutes les autres diverfes cérémonies
dont nous venons de parler , n'ont poux
elles ni la même antiquité dans l'origine,
ni la même uniformité dans la pratique.
Ce partage de fenrimens , fur ce qui
conftitue la matière elîentielïe de Y épifcopat s
en a entraîné néceflairement un pareil , fur
ce qui doit en faire la forme : les uns l'ont
fait confifter dans ces paroles, receve^ le S.
Efprit ; d'autres dans celles qui accompa-
gnent la tradition de l'évangile, de Panneau
, Se de la crofle ; d'autres dans celles que
E P I
profère l'évêque confécrateur , en faifant
l'onction fur la tête Ôc fur les mains de l'é-
vêque élu. Mais comme il eft de principe
parmi les Théologiens , que la forme doit
toujours être jointe avec la matière ; dès
qu'il eft évident , comme nous l'avons in-
iinué , qu'aucune de ces cérémonies exté-
rieures n'eft matière de Yépifcopaty il s'en-
fuit néceilairement qu'aucune des prières
qui les accompagnent n'en eft la forme , &
par conféquent qu'elle fe réduit aux prières
qui attirent fur celui qui eft élu la grâce du
S. Efprit , Ôc qui accompagnent l'impoli-
tion des mains.
On forme encore fur Yépifcopat une quef-
tion importante , favoir fi une perfonne qui
n'eft pas prêtre peut être ordonnée évêque ,
Ôc fi fon ordination ôc fa confécration en
cette dernière qualité eft valide. Tous les
Théologiens conviennent que l'ordination
dont il s'agit eft illicite , parce que les rè-
gles de l'Eglife demandent qu'on monte
par degrés à Yépifcopat , ôc qu'on reçoive
les ordres inférieurs : mais ils fe partagent
fur la validité de l'ordination épifcopale
qui n'eft pas précédée de l'ordination facer-
dotale. Bingham , dans/èy origines eccléfîaf-
tiques , liv. XL chap. ij j. prétend que
plufieurs diacres ont été ordonnés évêques
lans avoir paflé par l'ordre de prêtrife :
Cécilien , félon Optât , n'étoit qu'archi-
diacre, c'eft-à-dire premier diacre de l'E-
glife de Carthage , lorfqu'il en fut fait
évêque. Théodoret ôc S. Epiphane afturent
la même chofe de S. Athanafe , lorfqu'il
fut élevé fur le fiege d'Alexandrie : Libérât ,
Socrate Se Théodoret difent auffi que les
papes Agapet , Vigile ôc Félix n'étoient que
diacres loriqu'ils furent élus papes. Mais
outre que ces auteurs marquent fimplement
le degré où écoient les fujets dont ils par-
lent lorfqu'ils avoient été élus , ôc qu'ils ne
marquent- point qu'entre leur élection ôc
leur confécration ils n'ont pas été ordonnés
prêtres , il parait que la coutume de l'E-
glife étoit de n'ordonner aucun évêque qui
n'eût pafle préalablement par l'ordre de
prêtrife ; c'eft la difpofition du Concile de
Sardique , can. X. Si quis ex foro , five di-
res ,Jire fcholafîicus , epfeopus fieri dignus
kabeatur , non prias conftituatur quàm leclo-
ris , & diaconi > & presbyteri mini/ierium
EP 1 7i5
peregerit. il veut même qu'entre chaque or-
dre on garde des interftices allez longs pour
s'aflurer de la foi ôc des mœurs du fujet :
ôc nous voyons que il dans les occafions
extraordinaires , comme dans la promotion
de S. Ambroife à Yépifcopat , on difpenfok
de ces interftices , on ne difpenfoit pas
pour cela de la réception des ordres , ni
' par conféquent de la prêtrife ; d'où il eft
aifé .de conclure qu'on n'en exempta ni
Cécilien, ni S. Athanafe, ni Agapet, ni
les autres , ÔC que l'expreiTion cùm diaco-
nus ejfet , epifeopus ordmatus eft , doit fe
réduire à celle-ci, cùm diaconus effet, epif-
eopus eleclus eft ; ce qui n'exclut point la
promotion à la prêtri'e.
D'ailleurs il eft difficile de concevoir
comment ces ordinations n'auroiert pas
été nulles ; car c'eft aux évêques à ordon-
ner des prêtres, c'eft-à-dire à communi-
quer à certains fidèles le pouvoir de célé-
brer les faints myfteres ôc d'abfbudre les
pécheurs ; pouvoir que les évêques ne peu-
vent communiquer, fi eux-mêmes ne l'ont
reçu : or l'ordination épifcopale feule ne
confère pas ce double pouvoir , les évêques
n'en pourraient donc être la fource ni le
principe , s'ils n'avoient été préalablement
ordonnés prêtres. Mais quoique cette der-
nière opinion paroifle la mieux fondée ,
l'autre néanmoins ne peut être accu fée
d'erreur , l'Eglife n'ayant rien décidé fur
ce point. Vcye[ Evêque. (G )
EPISCOPAUX, (Hift.mod. d'Angïet.)
c'eft le nom qu'on donna en Angleterre ious
Jacques I, à ceux qui adhéraient aux rits de
l'églife anglicane , par oppofition aux Cai-
viniftes , qu'on appclla Presbytériens. Voy.
Presbytériens.
Dans la fuite , fous Charles I , ceux qui
fuivoient le parti du roi Rirent nommés
Epifcopaux rigides , ôc les parlementaires ,
Presbytériens rigides.
Quand Charles II fut monté fur le trô-
ne , les différentes branches des deux par-
tis commencèrent à fe mieux diftinguer ;
ôc comme ils fe rapprochèrent , ils formè-
rent les deux branches de Wighs ôc de Tory s
mitigés par rapport à la religion , de même
que par rapport au gouvernement.
Il faut fe mettre au fait du fens qu'ont eu
tous ces divers mots , fuivant les temps ôc
7*6 EPI
les conjonctures , pour bien entendre l'hif-
toire d'une, nation libre , 8c par confcquent
toujours agitée , où les deux partis qui do-
minent dans l'état , échauffés par les difpu-
tes , animés de plufîeurs pallions , fe distin-
guent par des fobriquets , par des noms par-
ticuliers plus ou moins odieux ; ces noms
changent fouvent , augmentent de force ou
s'adouciflènt , félon que le peuple , inquiet
fur fa Situation, grofîlt l'objet de fes craintes,
ou revenant des impre fiions violentes qu'on
lui adonnées, appaife fes frayeurs, rentre
dans le calme , tk fe fert alors dans chaque
parti de termes plus modérés que ceux qu'il
employoit auparavant. Article de M. le Che-
valier DE JAU COURT. ^
De tous les fectaites les Epifcopaux font
ceux qui font le moins éloignés de l'églife
romaine , pour ce qui concerne la difci-
pline ecclénaftique ; ils ont des évêques--,
des prêtres , des chanoines , des cures 8c
autres miniftres inférieurs , & un office qu'ils
appellent liturgie. Il eft vrai que les Catho-
liques ne conviennent pas que l'ordination
des miniftres de cette fociété foit légitime
& valide : on a agité cette queftion avec
beaucoup de chaleur depuis zjans; le P.
le Courayer , ci-devant chanoine régulier
& bibliothécaire de fainte Geneviève ,
aujourd'hui réfugié en Angleterre 8c doc-
teur d'Oxford , ayant écrit en faveur des
Anglicans, fà difïèrtation a été réfutée parle
P. Hardouin, Jéfutte, & par le P. leQuien,
Jacobin réformé , fans parler de deux ou
trois autres théologiens qui font encore en-
trés en lice , 8c auxquels le P. le Courayer a
répliqué. Voye^ Ordination.
Les Epifcopaux , outre ces titres , ont re-
tenu une grande partie du droit canon &des
décrétâtes des papes pour la difeipline 8c la
police eccléfiaftique. Leur liturgie , qu'ils
nomment autrement le livre des communes
prières , contient non-feulement leur office
public , qui eft prefque le même que celui
de l'églife latine , mais encore la manière
dont ils adminiftrent les facremens. Ils ont
l'office des matines qu'ils commencent par
Domine labia nojlra aperies ; enfuite on
chante le pfenume Venite , 8c puis les
psaumes 8c les leçons de chaque jour : ils
difent auffi le cantique Te Deum , & quel-
ques pfeaumes de ceux que nous lifons dans
E PI
l'office de laudes. Ils commencent auffi leurs
vêpres parles ver fets Domine labia nojlra ape-
ries , 8c Deus in adjutorium , 8cc. puis ils ré-
citent les peaumes propres au jour , 8c ils
ont à cet effet un calendrier où fontmarquées
les fériés 8c les fêtes fixes ou mobiles , ayant
pour chacune des offices propres. Ils célè-
brent aufTi les dimanches , 8c distinguent
ceux de l'avent , d'après l'épiphanie , d'a-
près lapentecôte , ceux de la feptuagéfime ,
fexagéfime, quinquagéfîme , trinité , &<:.
ils ont pour chacun de ces jours des collec-
tes ou offices du matin , pour tenir lieu de
la méfie , qu'ils ont abolie , 8c dont ils ont
proferit jufqu'au nom. On y récite l'épitre ,
l'évangile, quelques oraifons , le gloria in.
excelfis , le fymbole, des préfaces propres à
chaque folemnité ; mais ils ont réformé le
canon de la méfie , 8c font leur office en
langue vulgaire pour être entendus du peu-
ple. La manière dont ils adminiftrent les
fàcremens eft auffi marquée dans ce livre ,
8c eft peu différente de la nôtre : le miniftre
qui baptife, après avoir prononcé les pa-
roles facramentelles , je te baptife au nom du
père , 8cc. fait un fîgne de croix fur le front
de l'enfant. L'évêque donne auffi la confir-
mation en impofant les mains fur la tête
des enfans , 8c récitant quelques oraifons
auxquelles il ajoute fa bénédiction. Enfin
on trouve dans cette liturgie la manière
d'ordonner les prêtres , les diacres , &c. la
forme de bénir le mariage , de donner le
viatique aux malades , 8c plufîeurs autres
cérémonies fort femblables à celles qu'on
pratique dans l'églife romaine : par exem-
ple , ils reçoivent la communion à genoux ;
mais ils ont-déclaré qu'ils n'adoroient point
l'Euchariftie , dans laquelle ils ne peiifent
pas que Jefus-Chrift foit réellement pré-
lent : fur ce point , 8c fur prefque tout ce
qui concerne le dogme , ils conviennent
avec les Calviniftes. Cette liturgie fut au-
rorifée fous Edouard VI , la cinquième ou
iixieme année de fbn règne , par un acte
du Parlement , 8c confirmée de même fous
Elizabeth. Les évêques , prêtres , diacres &
autres miniftres epifcopaux , peuvent fe ma-
rier, 8c la plupart le font. Leur églife eft
dominante en Angleterre 8c en Irlande ;
mais en "Ecoffe , où les Presbytériens & les
Puritains font les plus forts , on les regarde
E P I
comme non conformiftes : ceux - ci , à
leur tour, ont le même nom en Angleterre;
on les y laiflè jouir des mêmes privilèges que
les Anglicans , & cela fans reftricr.ion : ils ne
font pas même affujettis au ferment du tcft :
& lorfqu'on les met dans desemplois decon-
fknee , on leur fait feulement prêter lermenc
au gouvernement. Quant aux miniftres épif-
copaux , ils font fujets à plufieurs loix péna-
les , fur-tout s'ils refufent de prêter les fer-
mens du teft & de fuprématie. Voy. Test
& Suprématie. (G)
EPISODE , f. m. ( Selles-Lettres. ) fe
prend pour un incident, une hiftoire ou une
action détachée, qu'un poète ou unhiftorien
infère dans fon ouvrage & lie à fon action
principale pour y jeter une plus grande di-
verfîté d'événemens, quoique la rigueur
on appelle épifode tous les incidens particu-
liers dont cà compofée une action ou une
narration.
Dans la poéfîe dramatique des anciens on
appcîloit épifodela. féconde partie de la tragé-
die. L'abbé d'Aubignr.c& le P. leBoîfu ont
traité l'un & l'autre de l'origine &. del'ufage
des épifodes. La tragédie à fanaiflance n'étant
qu'un chœur , on imagina depuis , pour
varier ce (pectacle , de divifer les chants du
chœur en plufieurs parties, & d'en occuper
les intervalles par un récitatif qu'on confia
d'abord à un feul acteur , enfuire à deux, cV
en fin à plufieurs , &qui étant comme étran-
ger ou lurajouté au chœur, en prit le nom
d: 'épifode.
De-là l'ancienne tragédie fe trouva com-
pofée de quatre parties , (avoir le prologue,
Y épifode , l'exode , de le chœur : le prologue
étoit tout ce qu i précédoit l'entrée du chœur,
( royc^ Prologue :) Y 'épifode tout ce qui
étoit interpofé entre les airs que le chœur
chantoit : l'exode tout ce qu'on récitoit
après que le chœur avoit fini de chanter
pour la dernière fois ; & le chœur, tous les
chants qu'exécutoit la partie des acteurs
qu'on nommoit proprement le chœur. Vcy.
Chœur & Exode.
Ce récit des acteurs étant diftribué en
différens endroits , on peut le confidérer
comme un (çxûépifode compofé de plufieurs
pai ries , à moins qu'on n'aime mieux don-
ner à chacune de ces parties le nom d'épi-
fode : en effet c'étoit quelquefois un racine
EPI 7i7
fujet divifé en différens récits , & quelque-
fois chaque récit contenoit fon fujet particu-
lier indépendant des autres. A ne confîdérer
que la première inftitution de ces pièces fur-
ajoutées, il ne_ paroît nullement néceflaire
qu'on y ait obfervé l'unité du fujet ; au con-
traire , trois ou quatre récits d'action diffé-
rentes , fans liaifon entre elles , paroiflent
avoir été également propres à foulager les
acteurs , à divertir le peuple , ôc conformes
à la groffiéreté de Part , qui n'étant encore
qu'au berceau , auroit mal foutenu la con-
tinuité d'une action , pour peu qu'il eût
voulu lui donner d'étendue : difficulté qui a
fait tolérer jufqu'ici les épifodes dans le poè-
me épique. V. Epopée.
Ce qui n'avoir été qu'un ornement dans
la tragédie , en étant devenu la partie prin-
cipale , on regarda la totalité des épifodes
comme ne devant former qu'un feul corps
dont les parties fu fient dépendantes les
unes desautres. Les meilleurs poètes conçu-
rent leurs épifodes de la forte , &c les tirèrent
d'une même action ; pratique fi générale-
ment établie du temps d'Ariftote, qu'il en
a fait une règle, enforte qu'on nommoit
amplement tragédies, les pièces où l'unité
de ces épifodes étoit obfervée , & tragédies
épifodiques , celles où elle étoit négligée. L«
épifodes étoient donc dans les drames des
anciens , ce que nous appelions aujourd'hui
actes dans une tragédie ou comédie. Voye^
Episodtque.
Episode , dans le même fens , eft un in-
cident , une partie de l'action principale.
Toute la différence qu'Ariftote met entre
Y épifode tragique Se Y épifode épique, c'eft que
celui-ci eft plus fufceptible d'étendue que
le premier. Voye^ Epique.
Ce phiiofophe emploie le mot â'épifode
en trois fens différens. Le premier eft pris
du dénombrement des parties de la tragé-
die , tel que nous l'avons rapporté ci-def-
fùs ; d'où il s'enfuit que dans la tragédie
ancienne Y épifode étoit tout ce qui ne com-
pofoit ni le prologue , ni l'exode , ni le
chœur; & comme ces trois dernières par-
ties n'entrent point dans la tragédie m*
derne , le terme â'épifode fïgnifieroit en ce
fens la tragédie toute entière. De même IV-
pifode épique feroit le poème tout entier ,
en en retranchant fa proportion & l'iavo*
7iS E P I
cation; mais fi les parties & les incidens
dont le poëte compote Ton ouvrage loin
mal liés les uns avec les autres , le poème
fera épifoâique 8c défectueux : c'eft-à-dire ,
pour éclaircir la penfée de l'auteur grec ,
que le terme épifode eft équivalent à po'ème
ou à unité d'action. Mais ce n'eft pas là pro-
prement le fens que les modernes lui don-
nent. De plus , comme tout ce qu'on chan-
toit dans la tragédie , quoique divifé en
fcenes,étoit compris fous le nom général
de chœur , de même chaque partie de la
fable ou de l'action , chaque incident ,
quoiqu'il formât à part un épifode , étoit
compris fous le nom général d 'épifode 3
qu'on donnoit à toute l'a&ion prife enfem-
ble. Les parties du chœur étoient autant de
choeurs, 8c les parties de \' épifode autant
d'épifodes.
En ce fens (& c'eft le fécond qu' Ariftote
donne à ce terme ) chaque partie de Fac-
tion exprimée dans le plan 8c dans la pre-
mière constitution de la fable , étoient au-
tant d'épifodes ; telles font dans l'Odyflee ,
l'abfence 8c les erreurs d'Ulyflè, le défor-
dre qui règne dans fa mai fon , fon retour ,
& fa préfence qui rétabliflçnt toutes chofes.
Ariftote nous donne encore une troisiè-
me forte d' épifode , lorfqu'il dit que ce qui
eft compris 8c exprimé dans le premier
plan de la fable , eft propre , &c que les au-
tres chofes font des épifodes. Par propre il
entend ce qui eft abfolument néceflaire , ôc
par épifode ce qui n'eft néceflaire qu'à cer-
tains égards , 8c que le poëte peut ou em-
ployer ou rejeter. C'eft ainfi qu'Homère
après avoir drefle le premier plan de fa fable
de l'Odiflee , n'a plus été maître de faire
•ou de ne pas faire Ulyfle abfent d'Itha-
que ; cette abfence étoit eflentielle , 8c
par cette raifon Ariftote la met au rang
des chofes propres à la fable : mais il ne
nomme point de la forte les avantures
d' Antiphate , de Circé , des Syrennes , de
Scylla , de Caribde , &c. le poëte avoit la
liberté d'en choifir d'autres ; ainfi elles font
des épifodes distinguées de la première ac-
fion , à laquelle en ce fens elles ne font
point propres ni immédiatement néceflai-
res. Il eft vrai qu'on peut dire qu'elles le
font à quelques égards ; car l'abfence d'U-
lyfle étant néceflaire , il falloit aufïl nécef-
EPI
fairement que n'étant pas dans fon pays il
fût ailleurs. Si donc le poëte avoit la liberté
de ne mettre que les avantures particuliè-
res que nous venons de cirer , 8c qu'il a
choiiies , il n'avoit pas la liberté générale
de n'en mettre aucunes. S'il eût omis cel-
les-ci , il eût été néceflàirement obligé de
leur en fubftituer d'autres , ou bien il au-
rait omis une partie de la matière contenue
dans fon plan , 8c fon poë'me auroit été dé-
fectueux. Le défaut de ces incidens n'eft
donc pas d'être tels que le poëte eût pu y
fans changer le fonds de l'action , leur en
lubftituer d'autres ; mais de n'être pas liés
entre eux de façon que le précédent amené
celui qui le fuit ; car c'eft peu de lui fuccé-
der , il faut encore qu'ils nahTent les uns
des autres.
Le troiiïeme fens du mot épifode , revient
donc au fécond ; toute la différence qui s'y
rencontre , c'eft que ce que nous appelions
épifode dans le fécond fens , eft le fonds ou
le canevas de Y épifode pris dans le troifieme
fens , & que ce dernier ajoute à l'autre cer-
taines circonstances vraifemblables , quoi-
que non nécelfaires , des lieux , des prin-
ces , 8c des peuples chez lefquels Ulyfle a
été jeté par le courroux de Neptune.
Il fiut encore ajouter que dans \' épifode
pris en ce troisième fens , l'incident ou IV-
pifode dans le premier fens fur lequel l'autre
eft fondé 7 doit être étendu 8c amplifié ,
fans quoi une partie eflentielle de l'action
8c de la fable n'eft pas un épifode.
Enfin c'eft à ce troifieme fens qu'il faut
reftreindre le précepte d'Ariftote , qui pres-
crit de ne faire les épifodes qu'après qu'on a
choiiî les noms qu'on veut donner aux per-
sonnages. Homère , par exemple , n'auroit
pas pu parler de flotte 8c de navires comme
il a fait dans l'Iliade , fi au lieu des noms
d'Achille , d'Agamemnon , ùc. il avoit
employé ceux de Capanée , d'Adrafte , &c.
Voye^ Fable.
Le terme d'épi fode> au Sentiment d'A-
riftote , ne Signifie donc pas dans l'épopée
un événement étranger ou hors d'oeuvre ,
mais une .partie néceflaire 8c eflentielle de
l'action 8c du fujet ; elle doit être étendue
8c amplifiée avec des circonftances vrai-
femblables.
C'eft par cette raifon que le même auteur
preferit
E P t
prefcrit que Y épifode ne foit point ajouté à
faction & tiré d'ailleurs , mais qu'il faffe
pa.ne de l'action même ^ & que ce grand
maître parlant des épifodes ne s'eft jamais
icrri da terme ajouter , quoique fès inter-
prètes l'aient trouvé fi naturel ou fi con-
forme à leurs idées , qu'ils n'ont pas man-
qué de l'employer dans leurs traductions
ou cl iiis leurs commentaires. Il ne dit ce-
pendant pas qu'après avoir tracé fon plan
& choifi les noms de Ces perfounages , le
poète doive ajouter les épifodes , mais il fe
îèrt d'un terme dérivé de ce mot , comme
û nous difions eu françois que le poète doit
épifodier fou action.
Ajoutez à cela que , pour faire connoî-
tre quelle doit être la véritable éteudue
«furie tragédie ou de l'épopée , & pour en-
seigner l'art de rendre celle-ci plus longue
que l'autre , il ne dit pas qu'on ajoute peu
$ épifodes à l'action tragique , mais Ample-
ment que '"js épifodes de la tragédie font
courts & concis, & que l'épopée eft étendue
&L amplifiée par les liens. En un mot la ven-
geance & la punition des médians énoncée
en peu de paroles , comme on la lit dans le
plan d'Ariftote , eft une action fimple, pro-
pre & néceifaire au fujet } elle n'eft point
un épifode , mais le fonds & le canevas d'un
rpifode ; & cette même punition expliquée
& étendue avec toutes les circonftances du
temps , des lie ax &des perfonaes , n'eft plus
une action fimple & propre , mais une action
épifxliée , un véritable épifode , qui pour
être plus au choix & à la liberté du poète ,
rien contient pas moins un fonds propre &
nécelîaire.
Après tout ce que nous venons de dire ,
il fomble qu'on pourroit définir les épifo-
des , les parties nécelTaires de l'action ,
étendues avec des circonftances vraifembla-
hles.
Un épifode n'eft donc qu'une partie de
l'action , & non une action toute entière }
& la partie de J'a&ioai qui fert de fonds à
Y épifode , ne doit pas , lorfqu'elle eft épifo-
diée , demeurer dans la fimplicité , telle
qu'elle eft énoncée dans le premier plan de
la fable.
Ariftote , après avoir rapporté les par-
ties Hc l'OdyrTee confidérées dans cette pre-
mière fimplicité , dit fofmellemettt qu'en "
Tome XII.
cet état elles font propres à ce poëme , 8c
il les diftingue des épifodes. Ainfi que dans
l'Œdipe de Sophocle la guérifon des Thé-
bains n'eft pas un épifode , mais feulement
le fonds & la matière d'un épifode , dont le
poète étoit le maître de fe fervir. De même
Ariftote en difant qu'Homère dans l'Iliade
a pris peu de chofe pour fon fujet , mais
qu'il s'eft beaucoup ièrvi de fes épifodes ,
nous apprend que le fujet contient en foi
beaucoup ^épifodes dont le poète peut Ce
lervir , c'eft-à-dire qu'il en contient le fonds
ou le canevas , qu'on peut étendre &c déve-
lopper comme Sophocle a fait le châtiment
d'Œpide.
Le fujet d'un poëme peut simplifier de
deux manières j l'une , quand le poète y
emploie beaucoup de lès épifodes ; l'autre ,
lorsqu'il donne à chacun une étendue confi-
dérable. C'eft principalement par cet art,
que les poètes épiques étendent beaucoup
plus leurs poèmes que les dramatiques ne
font les leurs. D'ailleurs il y a certaines par-
ties de l'action qui ne prélentent naturelle-
ment qu'un feul épifode , comme la mort
d'Hector , celle de Turnus , &c. au lieu que
d'autres parties de la fable , plus riches Se
plus abondantes , obligent le poète à faire
plufieurs épifodes fur chacune, quoique dans
le premier plan elles foient énoncées d'une
manière auffi fimple que les autres : telles
font les combats des Troyens contre les
Grecs , l'abfence d'Ulyflë , les erreurs d'E-
née, &c. car l'abfence d'Ulylfe hors de fon
pays & pendant plufieurs années , exige né-
ceftàirement fa préfence ailleurs \ le deiTein
de la fable le doit jeter en plufieurs périls
& en plufieurs états \ or chaque péril Se
chaque état fournit un épifode , que le poète
eft maître d'employer ou de négliger.
De tous ces principes il réfulte i°. que
les épifodes ne font point des actions , mais
des parties d'une action : 2°. qu'ils ne font
point ajoutés à l'action & à la matière d»
poëme , mais qu'eux-mêmes font cette ac-
tion & cette matière , comme les membres
font la matière du corps : 30. qu'ils "ne font
point tirés d'ailleurs , mais du fonds même
du fujet } qu'ils ne font pas néanmoins unis
& liés néceiTairement à l'aclaon , mais
qu'ils font unis Se liés les uns aux autres :
40. que toutes les parties d'une action ac
Z z z z
730 EPI
font pas des épifodes , mais feulement celles
qui font étendues & amplifiées par les cir-
conftances particulières j & qu'enfin l'union
qu'ont entr'eux les épifodes eft néceffaire dans
le fonds de X épifode , & vraifemblable dans
les circonftances. V. Unité. (G)
Episode , en Peinture , font des fcenes
qu'on introduit dans un tableau , qui fem-
blent étrangères au fujet principal du ta-
bleau , & qui néanmoins y font néceffaire-
ment liées. V. Composition.
Ces fèenesou épifodes fèroient, par exem-
ple , dans un morceau représentant un fà-
crifice , un homme qui portant du bois pour
entretenir le feu de l'autel , en lahTe tomber
quelques morceaux que d'autres ramaffent j
ou des femmes qui s'intéreffant à la confer-
vation d'un enfant , le dérangent du paffage
de la victime. Ces hommes qui ramaifent
les morceaux de bois tombés , ces femmes
qui dérangent l'enfant , forment des épifo-
des; & cependant liés avec le fujet , ces épi-
fodes jettent une variété , & même une forte
d'intérêt , qui produit de grands effets , par-
ticulièrement dans la repréfentation des ac-
tions qui ne font pas fuffifàmment iutéref-
fàntes par elles-mêmes.
EPISODIQUE , ad}. {Belles-Lettres.) En
Toéjie on nomme fable épifodiqut , celle qui
eft chargée d'incideus fuperflus , & dont les
épifodes ne font point néceffairement ni
vraifemblablementliés les uns aux autres. V.
Episode.
Ariftote dans fà poétique établit que les
tragédies dont les épifodes font ainfî comme
découfus 8t indépendans entr'eux , font dé-
feéhieufès , ètil les nomme drames épifodi-
ques, comme s'il difoit, fuper abundantes in
épifodis , furchargées d'épifodes ; & il lès con-
damne parce que tous ces petits épifodes ne
peuvent jamais former qu'un enfemble vi-
cieux. V. Fable.
Les a&ions les plus fîmples font les plus
fùjettes à cette irrégularité ,. en ce qu'ayant
moins d'incidens & de parties que les au-
tres plus compofées, elles ont plus befoin
qu'on y en ajoute d'étrangères. Un poète peu
habile épuifèra quelquefois tout fon fujet dès
le premier ou le fécond a£te ,. & fe trouvera
par-là dans la néceflîté d'avoir recours à des
aérions étrangères pour remplir les. autres
ades. Ariftote , poétiq. c. jx.
E P î
Les premiers poètes françois font tombés
dans ce défaut \ pour remplir chaque a&e ,
ils prenoient des actions qui appartenoient
bien au même héros , mais qui n'avoient au-
cune liaifon entr'elles.
Si l'on infère dans un poëme un épifode
dont le nom & les circonftances ne fbient
pas néceffaires, & dont le fonds & le fujet
ne faffent pas la partie principale , c'eft-à-
dire le fujet du poëme \ cet épifode rend
alors la fable épifodique.
Une manière de connoître cette irrégu-
larité , c'eft de voir li l'on pourroit retrait
cher l'épifode , & ne rien fubftituer en fa.
place , fans que le poëme en fouffrît ou qu'il
devînt défectueux. L'hiftoire d'Hypiipile r
dans la Théba'ïde de Stacey nous fournit un
exemple de ces épifodes défectueux. Si l'on.;
retranchoit toute l'hiftoire de cette nourrice-
& de fon enfant piqué par un ferpent, le m*
de faction principale n'en iroit que mieux 5.
perfonne n'imagineroit qu'il y eût rien d'ou-
blié ou qu'il manquât rien à l'action. Le*
Bofîît , traité du poème épique.
Dans le poëme dramatique , lorfque h.\
fable ou le morceau d'hiftoire que l'on traite
fournit naturellement les incidens & les,
obftacles qui. doivent contrarier avec l'ac-
'tion principale ,. le poëte eft difpenfé d'i*--
'maginer un épifode .puifqu'il trouve dans fon •
fujet même ce qu'en vain il chercheroit
mieux ailleurs.. Mais lorfque le fujet n'en
!fùggere point, ou que les incidens ne font;
pas eiix-mêmes affez importans pour pro-
duire les effets qu'on fe propofe ,, alors il eft
permis d'imaginer un épifode & de le lier
au fujet r en forte qu'il y devienne comme
néceffaire. C'eft ainfî que M. Racine a in-
féré -dans fon Andromaque l'amour d'Orefte
pour Hermione ,. & que dans Iphigénie il a s
imaginé l'épifode d'Eriphile. L'Andromaque
& Iphigénie ne font pas des pièces épifodi-
ques, dans le fens qu'Ariftote l'entend & qu'il
condamne. *
Depuis quelques années on a mis fur le
théâtre françois quelques pièces vraiment
épifodiques , compofées de fcenes détachées,,
qui ont un rapport à un certain but géné-
ral, & qu'on appelle autrement pièces à
tiroir* Lenom de comédie ne. leur convient
nullement , parce que la comédie eft une
aftiou , & emporte néceffairernent dans
E P I
{on idée l'unité d'action \ or ces pièces à
tiroir , que le défaut de génie a fi étrange-
ment multipliées , ne font que des décla-
mations partagées en plusieurs points contre
certains ridicules. Voye\ Unité. (G)
EPISSERuNE CORDE, (Corde rie & Ma-
rine. ) c'eft, l'aiTerabler avec une autre , en
entrelaffant leurs fils ou cordons l'un avec
l'autre , ce qui fe fait par le moyen d'une
broche de fer appellée cornet d'épijfe ou épif-
foir. Après un combat , lorfque quelques
manœuvres font coupées ou rompues , on
eft obligé de les épijjer quand on n'en a pas
de rechange.
Pour épiffer deux cables enfembîe , il faut
premièrement détordre les trois tourons ,
longueur d'environ deux braffes de chaque
cable , puis parler chaque touron dans le
cable , tant d'un bout que de l'autre , par
trois fois \ les tourons étant ainfi pafTés , on
décorde un cordon de chaque touron , on
le coupe à l'endroit où il eft parle , & on y
fait entrer les bouts de ces cordons coupés ,
enfuite on pafTe chaque touron des cordons
reftans deux fois dans les cables , & de cha-
que côté: après cela on les décorde encore,
te l'on coupe un des cordons de chaque
touron à l'endroit qui eft pafTé dans le ca-
ble , & on l'y fait entrer \ enfin l'on parle
chacun des cordons qui reftent dans les
tourons du cable , une fois de l'un & de
l'autre bout , & on les coupe. (Z)
EPISSOIR, f. m. ( Corderie. ) infiniment
de corne , de buis , ou de fer , pointu par
•un bout , qui fert à défaire les nœuds tk. à
détortiller les tourons d'un cordage.
EPISSURE , f. f. (Corderie & Marine.)
c'eft un entrelaflèment de deux bouts de cor-
des que l'on fait pour les joindre enfembîe ,
au lieu d'y faire un nœud , afin que la corde
puiflè parler 6c rouler aifëment fur la poulie.
EpiJJure longue; c'eft celle qui fe fait avec
des bouts de corde inégaux , qu'on affem-
ble de façon qu'ils puhTent palfer fur une
poulie.
Epiffure courte ; c'eft celle où les deux
bouts de corde qu'on veut péiflêr font égaux ,
c'eft-à-dire coupés de même longueur. (Z)
EPISTAPHYLIN , adj. en Anatomie ;
nom d'un mufcle de la luette , qu'on appelle
auflï fiaphylin & aTigo*. V, L.UETTE , &c.
(£)
EPI 73 r
ÊPISTATE , f. m. (mjî.anc. ) nom du
fénateur d'Athènes qui étoit en femaine de
préfider. Ce mot vient dWi , au de fus ,
& d'îrnw/ , je fuis ; ainfi épifiate délignç
celui qui préfidoit au deffus des autres.
Les dix tribus d'Athènes formées par
Clifthenes , élifoient par an , chacune au
fort, cinquante citoyens ou fenateurs qui en-
troient en fonction pour l'année , & coin-
pofoient le fén at des cinq cents. Les autres
attendoient pour fuppléer , ou pour être ap-
pelles à l'exercice actuel par 1 'élection de
l'année fuivaute. Chaque tribu avoit tour-
à-tour la* préféance , tk la cédoit fùccefîive-
ment aux autres.
Les cinquante fenateurs en fonction fe
nommoient prytanes. Le lieu particulier'
où ils s'affembloieut s'appelloit prytanée\
& le temps de leur exercice , ou de la
prytanie , duroit trente-cinq ou trente-fix
jours , fuivant que ce terme quadroit pour
remplir le nombre des jours de l'année
lunaire.
Pendant les trente-cinq ou trente-fix
jours de prytanie , dix des cinquante pry-
tanes régnoient par femaine fous le nom de
proedres ; & celui des proè'dres qui dans le
cours de la femaine étoit en jour de préfi-
der , s'appelloit épifiate. Des dix proè'dres
de chaque femaine , il eu reftoit toujours
trois que le fort n'appelloit point à la place
iï épifiate , parce que la femaine n'eft que
de fept jours.
Celui qui une fois avoit été épifiate , ne
pouvoit jamais eipérer de l'être une féconde
fois dans le refte de fa vie , quand même
il auroit été appelle différentes fois à
être prytane. La raifbn de cette exclu fion
étoit qu^il auroit pu fè laifiër tenter de fa-
tisfaire fa cupidité , & s'arranger pour de-
venir le maître des grands biens dont il s'é-
toit vu dépofitaire. Le jour de fà fonclion
il avoit les clefs du tréfor , des titres &
des archives de l'état , & du fceau de la
république.
Les particuliers qui avoient quelque affaire
à pourfùivre au tribunal des prytanes , s'a-
dreflbient à un des officiers de leur tribu ,
pour obtenir audience pardevaut celle qui
étoit en fonction.
Si quelque affaire importante furvenoit ,
Xépifiau de jour indiquoit l'aifemblée &
Z Z ZZ 2
73i EPI
le motif , afin que chacun pût s'kiftruire ,
&: fe préparer à apporter un fuffrage rai-
fonné. Après la difcuflion des fuffrages ,
Yépiflate drcffoit & prononçoit à haute Se
diftin&e voix la loi formée fur la pluralité
des fuffrages : enfuite chacun fe retiroit , &
les prytanes fe rendoient au prytanée avec
ceux qui avoient droit, d'y manger aux dé-
pens de la république.
Voyei Prytane , Prytanée , Proe-
DRE-, cartons ces mots forment un en-
chaînement dont la connoiffance eft nécef-
faire pour entendre les auteurs qui nous
parlent du gouvernement d'Athènes,. Art.
de M. le Chevalier DE Jaucourt.
EPISTEMON ARQUE, adj. (Hi/l.anc.
fccléf. ) étoit dans l'ancienne églife greque ,
une perfonne chargée de veiller fur la doc-
trine de l'églife , & d'avoir iuipeâion , en
qualité de cenfeur , fur tout ce qui concer-
noit la foi. Cette charge répondoit alTez
à! Celle du maître du facré palais à Rome.
Voyei Inquisition. (G)
EPISTITES ou HEPHISTRITES ,
( Hifl. nat. ) pierre d'un rouge fort éclatant ,
dans laquelle Ludovico Dolce a trouvé un
grand nombre de vertus que l'on rougiroit
de rapporter. Boëtius de Boot , de lapidibus
Ù gemmis.
EPISTOLAIRE, adj. {Belles-Leur.)
terme dont on fe fert principalement en
parlant du ftyle des lettres , qu'on appelle
Jlyle épiflolaire.
Il eit plus facile de fèntir que de définir
les qualités que doit avoir le ftyle épijlo-
laire'j les lettres de Cicéron fuffifènt pour en
donner une jufte idée. Il y en a de pur com-
pliment , de remercîment , de louange ,
de recommandation :, on en trouve d'en-
jouées ,*dans lelquelles il badine avec beau-
coup d'ai lance & de grâce } d'autres graves
& lëri'îiifes , dans lefquelles il examine &
traite des affaires importantes. Celles qu'il
adreffe à fon frère Quintus & à Caton ,
font pleines de délicateffe , quoiqu'elles
roulent fur"des affaires d'état & des matiè-
res politiques. Celles de Pline le jeune ne
réunifient pas moins d'agrément & de fb-
lidité. Mais les épîtres de Seneque font
trop travaillées : ce n'eft point un homme
qui parle à fon ami , c'eft un rhéteur qui
arrange des parafes pour jfe faire admirer j
E P I
l'e/prit y pétille à chaque ligne , mais le
fentiment & l'effufion de cœur ne s'y trou-
vent pas.
Dans notre langue nous n'avons guère
de lettres politiques que celles du cardinal
d'Offat , qui , fous un ftyle un peu furanné ,
contiennent des maximes profondes & des
détails intéreffans pour le commerce ordi-
naire de la vie. Celles de madame de Se-
vigné font généralement les plus eftimecs.
Celles de Balzac , même les lettres choi-
fies , font trop guindées, &. fentent trop le
travail : le tour nombreux & périodique
de lès phrafes , eft diamétralement oppofé
à l'aifauce & à la naïveté de la converfa-
tion , que le genre épiflolaire fe propofe de
copier. Pour celles de Voiture , quelque in-
génieufes qu'elles feient , le ton en eft
trop fingulier & le ftyle trop peu exaéf. ,
pour que perfonne ambitionnât aujouru'hui
d'écrire comme cet auteur.
On pourroit encore moins propofer peur
modèle certains recueils de lettres faites à
tête repofée , & avec un delfein prémédité
d'y mettre de l'eiprit j telles que les lettres
du chevalier d'Her** , les letties à la Mar-
quife , &c. Le foin qu'on a pris de les em-
bellir à l'excès , eft préciiément ce qui les
maïque & les défigure :, en retranchant la
moitié de l'eftime qu'elles eurent autre-
fois , il leur refteroit la portion qu'elles
méritent. EJJai fur [étude des Belles-Letu
pag. 64 & fuiv.
Epiflolaire fè dit auflî quelquefois des
auteurs qui ont écrit des lettres ou des épî-
tres, tels que fout Cicéron, Pline le jeune ^
SenequeJ, Sidoine , Apollinaire, Pétrarque r
Politien, Busbeck , Erafme , Juft-Lipiè,
Muret , Milton , Petau, Launoy , Sarrau y
Balzac , Voiture , & les autres que nous
avons déjà nommés.
Dans lepître , dit M. l'Abbé Laferre r
( Poétique élémentaire , ) la pcéfîe tour-à-
tour brillante , noble , délicate , pathéti-
que , change de ton félon les fujets. Veut-
elle amufèr l'imagination , fon coloris eft
vif, éclatant, animé } peint-elle un lèu-*
timent , fon ftyle_de\ïent afieâueux ou
énergique j quand elle parle— à la raifon „
elle en prend le langage.
EP1STOMWM , f. m. en terme d'Hy-
draulique , eft un infiniment par l'applica;
E P I
tion duquel l'orifice d'un vaiflèau peut être .'
fermé & rouvert enfùite à volonté } tels
font les piftons des ponftpes , des feringues ,
qui remplilfent leur cavité , & qui peuvent à
volonté être tirés & repouffés. (K)
EP1STROPHEUS , terme dtAnatomie .
qui vient d'tTitçpiçco , converto , je tourne
autour. »
On donne ce nom à la féconde vertè-
bre du cou , à caufe de fon apophyfè odon-
ioïde. Voyei VERTEBRE & Apophyse.
EPISTYLE , f. m. dans l'ancienne Archi-
tecture , eft un terme dont les Grecs fe fèr-
voient pour défigner ce que nous appelions
aujourd'hui architrave , c'eft-à-dire un mafîif
de pierre , ou une pierre de bois pofée im-
médiatement fur le chapiteau d'une colonne.
F. Architrave.
EPISYNAPHE , f. f. eft dans la Mufique
ancienne , au rapport de Bacchius , la con-
jonction des trois tétracordes confécutifs ,
comme font les tétracordes hypaton , me fon
& Jynnemenon. V. SYSTEME , TÉTRACOR- ,
DE. (S)
EPISYNTHÉTIQUE , adj. (Médec)e{ï
le nom d'une fe&e de médecins j il eft tiré
d'un verbe grec qui fignifie entajfer ou af-
fembler , i-Ti9VV^irtM. aîgwif , fecla fuper-
compojitiva.
Ceux qui formoient cette feclre , tels que
Léonides & ceux de fon parti , prétendoient
vrailîemblablement joindre les maximes des
Méthodiques avec celles des Empyriques &
des Dogmatiques , & raffembler ou con-
cilier ces diverfes fec~r.es les unes avec les
autres.
C'eft tout ce qu'on peut dire, n'ayant pas
d'autres lumières fur ce fujet : on ne fait pas
même quand Léonides , qui eft le médecin'
le plus connu de la fe&e épifynthetifue , a
vécu , quoiqu'il foit probable que Soranus ,
le plus habile de tous les Méthodiques , l'a
précédé de quelque temps. V. thiftoire de fa
Médecine de le Clerc , dont cet article eft
extrait, (d)
EPITAPHE , C f. {Belles-Let.)\ririvov ,
infcription gravée , ou fuppofée devoir l'être,
fur un tombeau , à la mémoire d'une per-
fonne défunte.
Ce mot eft formé du grec Wt , fur , & de
àtwTv 5 fenfevelis. F, Sépulcre, Il y a*i
EPI 733
un flyïe particulier pour les épitaphes , fur-
tout pour celles qui font conçues en latin ,
qu'on nomme Jlyle lapidaire. V. STYLE LA-
PIDAIRE.
A Sparte on n'accordoit des épitaphes qu'à
ceux qui étoient morts dans un combat , Se
pour le fervice de la patrie :, ufage fondé fur
le génie de cette république , ou plutôt fur
la conftitution politique de fon gouverne-
ment , qui n'admettoit guère que la vertu
guerrière. On dit que le maufolée. du duc de
Malboroug eft encore fonsépitaphe, quoique
fa veuve eût promis une récompenfe de 500
liv. fterl. à celui qui en compoferoit. une
digne de ce héros.
Dans les épitaphes on fait quelquefois
parler la perfonne morte , par «forme de
proibpopée } nous en avons un bel exemple ,
digne du fiecle d'Augufte , dans ces deux
vers , où une femme morte à la fleur de fon
âge , tient ce langage à fon mari :
Immatura perî ; fed tu felicior , annos '
Vive tuos , conjux optime , vive meos. '
Du même genre eft celle-ci , faite par
Antipater le Theffalonicien , qu'on trouve
dans l'Anthologie manufcrite de la biblio-
thèque du Roi , & que M., Boiviu a traduite
ainfî :
« Née en Lybie , enfevelie à la fleur
» de mes ans fous la pouflîere aufonienne ,
» je repofè près de Rome , le long de ce
» rivage fablonneux. L'illuftre Pompéia ,
» qui m'a élevée avec une tendreffe de
» mère , a pleuré ma mort , & a dépofé
» mes cendres dans un tombeau qui m'é-
» gale aux perfonnes libres. Les feux de
» mon bûcher ont prévenu ceux de l'hymen
» qu'elle me préparait avec empreffement.
» Le flambeau de Pçoferpine a trompé nos
» vœux. »
La formuleyfo viator , qui fe rencontre
dans un grand nombre & épitaphes modernes,
(comme dans celle-ci : Sta , viator ; heroem
cnlcas y.) fait.allufion à la coutume des an^
ciens Romains , dont les tombeaux étoient
ie long des grands chemins. ^.Tombeau.
(G)
Uépitaphe .eft communément un trait de
louange ou de morale , ou de l'une & de
1 autre.
ÏSépitaphe de cet homme fi grand & fi
734 EPI ,■'
fimpïe , fi vaillant & li humain , h heureux
& fi fage , auquel l'antiquité pourroit tout
au plus oppofer Scipion & Céfar , fi le pre-
mier avoit été plus modefte , & le fécond
moins ambitieux \ cette épitaphe qui ne fe
trouve plus que dans les livres :
Turenne a fort tombeau parmi ceux de nos
Rois , &c.
fait encore plus l'éloge de Louis XÏV , que
celui de M. de Turenne.
Celle d'Alexandre , que gâte le fécond
vers , & qu'il faut réduire au premier :
Sufficit huic tumulus , cui non fuffecerat
orbis.
eft un trait de morale plein de force & de
vérité : c^eft dommage qu'Ariftote ne l'ait
pas faite par anticipation , & qu'Alexandre
ne l'ait pas lue.
Le même contrarie eft vivement exprimé
dans celle de Newton :
Ifaacum Newton ,
Quem immortalem
Tejtantur Tempus , Natura , Cœlum ,
Monalem hoc marmor
Fatetur.
Mais ce contrafte fi humiliant pour le
conquérant , note rien à la gloire du philo-
fophe. Qu'un être avec des refTorts fragiles ,
des organes foibles &. bornés , calcule les
temps , mefure le Ciel , fonde la Nature j
c'eft un prodige. Qu'un être haut de cinq
pies , qui ne fait que de naître & qui va
mourir , dépeuple la terre pour fe loger ,
& s'y trouve encore à l'étroit j c'eft un petit
mouftre.
Du relie cette idée a été cent fois em-
ployée par les Poètes. V. dans les catalecles
Yépitaphe de Scipion l'Africain , celle de
Cicéron , celle d'Antenor. V. Ovide fur la
mort de Tibule , Properce fur la mort d'A-
chille , &c.
Les Anglois n'ont mis fur le tombeau de
Dryden que ce mot pour tout éloge ,
Dryden.
& les Italiens fur le tombeau du Taflè ,
Les os du TaJTe.
E P I
îl n'y a guère que les hommes de génie qu'il
fbït fur de louer ainfi.
Parmi les épitaphes épigrammatiques ,
les unes ne font que naïves & plaifantes ,
les autres font mordantes & cruelles. Du
nombre des premières eft celle-ci, qu'on ne
croiroit jamais avoir été faite férieufement ,
& qu'on a vue cependant gravée dans une de
nos églifès :
Ce gît le vieux corps tout ufé
Du Lieutenant civil rufé, &c.
Lorlque la plaifanterie ne porte que fuf
un léger ridicule , comme dans l'exemple
précédent , elle n'eft qu'indécente \ on croit
voir les foiîbyeurs A'Hamlet , qui jouent avec
des oflemens. Mais les épitaphes infultantes
& calomnieufes , telles que la rage en inf-
pire trop fouvent , font de tous les genres
de fatyre le plus noir & le plus lâche. II y a
quelque choie de plus infâme que la calom-
nie^ c'eft la calomnie contre les morts. L'ex-
preflîon des anciens , troubler la cendre des
morts , eft trop foible. Le fatyrique qui ou-
trage un homme qui n'eft plus , refTemble à
ces animaux carnaciers qui fouillent dans les
tombeaux pour fe repaître de cadavres. V,
Satyre.
Quelquefois Yépitaphe n'eft que morale ,
& n'a rien de perlbnnel j telle eft celle de
Jovianus Pontanus , qui n'a point été mifè
fur fbn tombeau :
Servire fuperbis dominis^
Ferre jugum fuperjiitionis ,
Quos habes caros fepelire ,
Condimenta vitœ funt.
Uépitaphe à la gloire d'un mort , eft de
toutes les louanges la plus noble & la plus
pure , fur-tout lorfqu'elle n'eft que l'exprek
fion naïve du caractère & des aétions d'un
homme de bien. Les vertus privées ont
droit à cet hommage , comme les vertus
publiques } & les titres de bon parent , de
bon ami , de bon citoyen , méritent bien
d'être gravés fur le marbre. Qu'il me foit
permis à cette occafion de placer ici , non
pas comme un modèle , mais comme un
foible témoignage eje ma reconnoiflance ,
Yépitaphe d'un citoyen dont la mémoire me
fera toujours chère:
EPI
Non fibi , fed patrice vixit y régi que ,
fuifquc.
Quod daret y hinc divts ; felix numerare
beatos.
Les gens de Lettres feroient bien à
plaindre , fi dans un ouvrage public on
leur envioit quelques retours fur eux-mê-
mes , quelques traits relatifs à leurs fènti-
roens & à leurs devoirs. Si leur plume doit
leur être bonne à quelque chofe , c'eft à ne
pas mourir ingrats. Mais la reconnoiilance
fait en eux, parce qu'elle eft noble , ce
que l'espoir des récompenfes n'eût jamais
fait, parce qu'il eft bas & fervile. On a
remarqué au commencement de cet article ,
que le tombeau du duc de Malboroug étoit
encore fans épitaphe ; le prix propofé juftifi.e
& rend vraifemblable la ftérilité des poètes
anglois. Devant- une place aflïégée un offi-
cier françois fit propofèr aux grenadiers
une fomme considérable pour celui qui le
premier planteroit une fafcine dans un foiTé
expofé à tout le feu des ennemis. Aucun
des grenadiers ne fe préfenta ; le général
étonné , leur en fit des reproches : Nous
nous ferions tous offerts , lui dit l'un de ces
braves foldats , fi ton navoit pas mis cette
action à prix d'argent. Il en eft des bons vers
comme des actions courageufès. Voye{
Éloge.
Quelques auteurs ont fait eux-mêmes
feur épitaphe. Celle de la Fontaine,, modèle
de naïveté ,, eft connue de tout le monde.
Il feroit à fouhaiter que chacun fit la fienne
de bonne heure 5 qu'il la fît la plus flatteufe
qu'il eft poflible , & qu'il employât toute
fa vie à la. mériter. Article, de. M. M.4R-
montel.
EPITASE, f. f. (-Belles-Lettres.)' dans
Y ancienne poéfié , fignifioit la féconde partie
ou divifion d'un poème dramatique ,. dans
laquelle, l'action propofée dans la première
partie ou protafe -, étoit nouée , conduite
& pouffée par ditférens inç.idens jufqu'à fa
fin ou ion dénouement, qui. formoit- la
troifieme partie, appelles cataflafe.. Voye[
Tragédie,
Uépitafe eommeiiçoit au fécond acte ,
ou au plutard avec le troifieme.- Cette
divifion n'a plus lieu dans, les pièces dra-
matiques modernes , quant au nom 7 parce
EPI 7*1
qtron Tes divife en actes ; mais Yépitafe y
fubfifte toujours , quant au fond , & c'eft
ce que nous appelions nœud & intrigue,
Voye{ Nœud & Intrigue.
Les anciens fcholiaftes de Térence ont
défini l'épitafè , incrementum proceffufque
turbarum , ac totius nodus erroris ; & ÎSca-
liger l'appelle pars in quâ turbœ aut exci-
tantur^ut involvuntur ; ce qui revient par-
faitement à ce que nous entendons par nœud
ou intrigue. (G)
Epitase , [Med$k*hé*u\ de tWt«ngu«$
augefco. Ce terme eft employé par Hippo-
crate pour fignifier Yaccroijfement d'une
maladie , 8c fur-tout des fièvres y dans leurs
paroxyfmes & dans leurs exacerbations..
Voye\ Fièvre , Paroxysme, (d)
EPITE , f. f. ( Art méchaniq. ) petit coin-,
que l'on applique à l'extrémité d'un autre
pour le groflir..
Y EPIT HALAME, f. m. (Poéfie.) poème*
à l'occafion d'un mariage j chant de noces
pour féliciter des époux.
Le mot êpithalame vient du grec êV;ta«
hâ^Liov y & ce dernier , en ajoutant , àyfxa.y
lignifie chant nuptial :. ^<xxa(xos en eft la
véritable étymologie;.
Or les Grecs nommèrent ainfi 'leur, chant
nuptial, parce qu'ils appelloient d<xh*y.ir ,.„
l'appartement de l'époux r & qu'après la
folemnité du feftin , & lorfque les nouveaux
mariés s'étoient retirés , ils chantoient ï êpi-
thalame k la porte, de cet appartement. Il
eftinutile de rechercher ce qui les détermina
à, choifir par préférence ce lieu particu-
lier, moins encore de fbngerà réfuter les
écrivains qui en allèguent une raifon peut-
être aufîî . frivole qu'elle eft communément
reçue. Quoi qu'il en foit ? cette circonftance
du lieu eft regardée par quelques moder-
nes comme, fi néceiTaire,. que. tout chant
nuptial qui ne l'exprime pas, ne doit point ^,
félon eux , être nommé êpithalame.
Mais fans nous arrêter à cette, pédante-r
rie,. non plus qu'à toutes les diftinclions-
frivoles d' epithalam.es , . imaginées par Sca-r
liger, Muret & autres }. ni même fans con-
fidérer ici fervilement l 'étymologie du..mo.t>,
nous appellerons êpithalame xonx chant nup-
tial qui félicite de nouveaux époux fur leur
union ; qu'il foit un fimple.récit , ou qu'il,
foit mêlé derécit & de chant 3 que le poète
73^ EPÏ
y parle feuî , ou qu'il introduire des per-
sonnages } ck quel que (bit eafm le lieu de
la fcene , s'il eft permis d'uièr d'une expref-
fîon fi impropre.
Vépithalame eft en général une efpece
de poéiie très-ancienne ; les Hébreux en
connurent l'ufage dès le temps de David ,
du moins les critiques regardent le p^èaume
xliv comme un véritable cpithalame. Ori-
gene donne aufli le nom d'epuhalame au
cantique des cantiques \ mais eu ce cas
c'eft une forte Vépithalame d'une nature
bien finguliere.
Les Grecs connurent cette efpece de
chant nuptial dans les temps héroïques ,
fi l'on s'en rapporte à Dyétis , & la céré-
monie de ce chant ne fut point oubliée aux
noces de Thétis , & de Pelée j mais dans fa
première origine Vépithalame n'étoit qu'une
îimple acclamation & hymen , o hy menée.
Le motif & l'objet de cette acclamation
font évidens : chanter hymen , o hymenee ,
c'étoit fans doute féliciter les nouveaux
époux fur leur union , & fouhaiter qu'ils
n'euffent qu'un même cœur & qu'un même
efprit , comme ils n'alloient plus avoir
qu'une même habitation.
Cette acclamation palfa depuis danslV/v-
thalame ; & les poètes en firent un vers
intercalaire , ou une efpece de refrain ajufté
à la mefure qu'ils avoient choifie ; ainfi
ce qui étoit le principal devint comme l'ac-
eeffoire , & l'acclamation d'hymen , ou hy-
menee , amenée .par intervalles égaux , ne
fèrvit plus que d'ornement à Vépithalame ,
ou plutôt elle fèrvit à marquer les vœux &
les applaudifTemens des chœurs , lorfque ce
poème eût pris une forme réglée.
Stéfichore , qui floriffoit dans la xlïj
olympiade , paffe communément pour l'in-
venteur de Vépithalame; mais l'on fait qu'Hé-
iiodc s'étoit déjà exercé fur ce même genre ,
& qu'il avoit compofe Vépithalame de Thé-
tis & de Pelée : ouvrage que nous avons
perdu , mais dont un ancien fcholiafte
nous a confèrvé un fragment. Peut-être
que Stéfichore perfectionna ce genre de
poéfie , en y introduifànt la cithare & les
chœurs.
Quoi qu'il en foit , Vépithalame grec eft
un véritable poème , fans cependant imi- 1
ter aucune action. Son but eft de faire cou- '
E P I
noître aux nouveaux époux le bonheur de
leur union par les louanges réciproques
qu'on leur donne , ck par les avantages
qu'on leur annonce pour l'avenir. Le poète
introduit des perfonnages , qui font ou les
compagnes de l'époufe , comme dans Thip-
crite :, ou les amis de l'époux, comme dans
Apollonius.
Vépithalame latin eut à-peu-près la même
origine que Vépithalame grec : comme ce-
lui-ci commença par l'acclamation à'hy-
menée , Vépithalame latin commença par
l'acclamation de Talajjius : on en fait l'oc-
cafion ck l'origine.
Parmi les Sabines qu'enlevèrent les Ro-
mains , il y en eut une qui fè faifoit remar-
quer par fk jeuuelie ck par fà beauté } [es
ravifîeurs craignant avec raifon , dans un
tel détordre , qu'on ne leur arrachât un
butin fi précieux , s'aviferent de crier qu'ils
la conduifoient à Talaflius , jeune homme
beau , bien fait , vaillant , confidéré de tout
le monde , ck dont le nom feul imprima
tant de refpecr. , que loin de fonger à la
moindre violence , le. peuple accompagna
par honneur les ravifteurs , en faifant fans
celle retentir ce même nom de TalaJ/Jus.
Un mariage que le hafard avoit li bien
aflbrti , ne pouvoit manquer d'être heu-
reux : il le fut, ck les Romains employè-
rent depuis clans leur acclamation nuptiale
le mot Talajjius , comme pour fouhaiter aux
nouveaux époux une femblabie deftinee.
A cette acclamation , qui étoit encore
en ufage du temps de Pompée , & dont on
voit des veftiges au fiecle même de Sido-
nius , fè joignirent dans la fuite les vers
fefeenniens \ vers extrêmement greffiers,
ck pleins d'obfcénitcs.
Les Latins n'eurent point d'autres épitha-
lames avant Catulle , qui prenant Sapho
pour modèle , leur montra de véritables
poèmes en ce genre , ck fubftitua l'acclama-
tion greque d'hymenée à l'acclamation la-
tine de Talajfms. Il perfectionna ai.fîî les
vers fefeenniens } mais, comme il arrive
d'ordinaire , s'il les rendit plus chaftes par
l'exprefîion , ils ne furent peut-être que plus
obfcenes par le fens.
Nous en avons des exemples dans un épi-
thfJame de ce poète , ( cpithal. Jul. ) dans
une petite pièce qui nous eft reftée de
l'empereur
757
EPI EPI
l'empereur Gallien , &dans le Canton d'Au- f & pour objet un feigneur de ce nom , n'eft
fone principalement. Stace , qui a fleuri qu'une indécente & froide aliuiion aux tra-
fous Domitien , ne s'eft permis dans Yépi-
thalame de Viollantille & de Stella , aucune
expreflion peu mefurée. Claudien n'a pas
toujours été fi retenu , il s'e'chappe d'une
manière inde'cente dans celui d'Honorius
& de Marie.
Pour Sidonius auiîi-bien que tous les
modernes , dont les poéfïes font lues des
honnêtes gens , comme Buchanan parmi
les Ecoifois , Malherbe & quelques autres
parmi nous , excepte Scarron , ils font irré-
prochables à cet égard ; fi pourtant l'on
excepte encore parmi les Italiens le cavalier
Marini , qui mêle fans refped pour (es hé-
ros , à des louanges quelquefois délicates ,
des traits tout-à-fait licentieux.
II femble que Yépithalame admettant tou-
te la liberté de la Poéfie , il ne peut être
affujetti à des préceptes ; mais comment
arriver à la perfedion de l'art , fans le fe-
cours de l'art même ? Audi Denys d' Alicar-
naffe donnant aux orateurs les règles de IV-
pitkalame ; ne dit pas qu'elles foient inutiles-;
il les renvoie même aux écrits de Sapho.
Rien n'eff fl avantageux , en général , que
d'étudier les modèles, parce qu'ils renfer-
ment toujours les préceptes , & qu'ils en
montrent encore la pratique.
Il eft vrai qu'il n'y a point de règles par-
vaux de ce dieu de la fable. Dans 1 hymé-
née où il s'agit des noces de Vincent Caraf-
fe, c'eft Silène qui chante tout fimplement
Yépithalame du berger Aminte. Telles font
ordinairement les ridions de cet auteur ; s'il
en a d'une autre nature, ilîes emprunte de
Claudien , de Sidonius même ; ou il les gâte
par des deferiptions fi longues & fi fréquen-
tes , qu'elles rebutent l'efprit , & font dif-
paroître le fujet principa1.
Fuye^ de cet auteur V abondance ftérile ,
Et ne vous charge^point d'un détail inutile ,'
dit un de nos meilleurs poètes dans une oc-
cafion toute femblable.
Parlons à préfent des images ou des pein-
tures qui conviennent à ce genre de poème.
Uépitalarne étant par lui-même deftiné à
exprimer la joie , à en faire éclater les tranf-
poits, on fent qu'il ne doit employer que
des images riantes & ne peindre que des
objets agréables. Il peut reprefenter l'Hy-
ménéeavecfonvoile&fonflambeau;Vénus
avec les grâces , mêlant à leurs danfes ingé-
nues de tendres concerts;& les amours cueil-
lant des guiilandes pour les nouveaux époux.
Mais ramener dans un épithalame le com-
bat des géans , & la fin tragique des héroïnes
fabuleufes , comme fait Sidonius , ou le
repas de Thyefte , & la mort de Céfar ,
ticulieres preferites pour le genre, pour le comme fait le cavalier Marini , c'eft (pour
nombre , ni pourladifpofitiondes verspro-Ue dire avec un ancien ) être en fureur en
près à cet ouvrage ; mais comme le fujet en
tout genre de poéfie eft ce qu'il y a de prin-
cipal , ii femble que le poète doit chercher
une fiction qui foit tout enfemble jufte , in-
génieufe , propre & convenable aux per-
fonr.es qui en feront l'objjt ; & c'eft en choi-
fifïant les circonftances particulières , qui
ne font jamais abfolument les mêmes , que
Yépithalame eft fufceptible de toutes fortes
de diverfités.
Claudien & Buchanan , fans être en tour
& -a tous égards de vrais modèles, ont rendu
propres à leurs héros les épith dames qu'ik
nous ont laifTes. Pour le cavalier Marini ,
loin qu'il foit heureux dansle choix des cir-
conftances , ou dans les ridions qu'il ne doit
qu'à lui-même , on n'y trouve prefque ja
mais ni couvenance ni juitefte. hé'pithala-
me qui a pour titre , les travaux d'Hercule ,
Tome XII
chantant l'hyménée.
Pour les images indécentes ou qui ré-
voltent lamodefîie , quiconque en emploie
de ce caradere ne pèche pas moins contre
les règles de l'art en général , que contre fes
vrais intérêts. En effet , fi un difeours n'a
de véritable beauté qu'autant qu'il exprime
une chofe qui fait plaifîr à voir ou à enten-
dre , ou bien qu'il préfente un fens honnête,
comme Théophrafte le foutient , & comme
la raifon même le perfuade , que doit-on
penfer de ces fortes d'images? Ei fe les per-
mettre dans une matière chafie par elle-
même , n'eft-ce pas en quelque manière
imiter Âufone , qui pour avoir travefti en
poète fans pudeur le plus fage de tous les
Poètes . n'a pu trouver encore depuis tant
de hecles un feul apologifte ?
Bien différent de cet écrivain , Théocrite
Aaaaa
7s8 EPI EPI
n'offre à Tefpritque des images agréables;! convenables , ou ne pas excéder la vraf-i
il ne repréfente que des objets gracieux, &
avec des idées & des exp reliions enchante-
refles. Tel eft fon épithalame d'Hélène , les reflexions qu'on vient de lire dans cetr
chef-d'œuvre en ce genre qu'on ne fauroit
trop louer.
Après avoir donné des couronnes^ de ja-
cinthe aux filles de Lacédémone qui chan-
tent l'hy menée , il leur fait relever
en ces
termes le bonheur de Ménélas. "Vous êtes
*> arrivé à Sparte fous des aufpices bien fa-
>j vorables ; ieul entre les demi-dieux, vous
r> devenezle gendre de Jupiter , vous épou
*> fezHélene! Les grâces l'accompagnent,
j) les amours font dans fes yeux ; elle étoit
a l'ornement de Sparte , comme le cyprès
"» eft l'honneur des jardins. » Puis venant
à Hélène même: " Uniquement occuppées
*j de vous , nous allons , difent-elles , vous
» cueillir une guirlande de lotos ; nous la
» fufpendrons à un plane &. en votre.hon-r
99 neur nous y répandrons des parfums. Sur
n Pécorce du plane., on gravera ces mots ;
?> honore^ moi , je fuis V arbre d'Hélène , »
S'adreffant enfuite aux deux époux: (t Puiffe
« Vénus , ajoutent-elles vous infpirer une
9i ardeur mutuelle & durnbleîpuiflè Latone
» vous accorder une heureufe poftérité , &
« Jupiter vous donner des richeffesque vous
» tranfmectiez à vos defcendans ! »
Ce poème , au tefte , a deux parties qui
font bien marquées, & qui paroiffent éflen-
tieîles à tout épithalame ; l'une qui com-
prend les louanges des nouveaux époux,
l'autre qui renferme des vœux, pour leur
profpérité.
La première partie exige tout l'art du,
"poète .; car il en faut infiniment pour don-
ner des louanges , qui. fuient tout enfemble
îngénieufes , naturelles , & convenables : &
Voilà fans doute pourquoi l'on dit fi fou vent
que V épithalame eft l'écueif des Poètes.
Les louanges feront îngénieufes , fi elles
fortent ,.poUr ainfi dire . du fond même de
1a fiction ; naturelles , fi elles nebleffentpas
ta vraifemhlance' poétique ; convenables ,
libelles font accommodées félon les règles
de cette: vraifemblance , au fexe , à la naif-
fànce , à la dignité / au mérite perfonnel. .
Il en eft de même , à proportion •,, des
,vœux ; ils doivent être naturels ou fe ren^
fWmer.daas la vraifemblance poétique ;.&.
femblance , relative , fi je puis m'exprimera
ainfi avec M. Souchai ; car j'ai tiré toutes
article , d'un de fes difcours inféré dans le-
recueil de l'académie des Belles Lettres tr
& je ne crois pas que perfonne ait mieuxt
traité cette matière.
C'eft peut-être un travail en pure perte ^
que celui de notre favant ; du moins on a
lieu de le penfer , quand on confidere à quel;
point tout le monde eft dégoûté de ce genre-
de poème , foit par la difficulté du fuccès 9
foit par l'exemple de tant de gens qui y ont
échoué avec mépris , foit enfin par le peu*
d'honneur qu'on gagne à courir dans cette
carrière: il eft du moins certain que les épi-
thalames font tombés dans un tel difcrédit ,
que les Hollandois qui en étoient les plus
grands protecteurs, non-feulement les ontr
abandonnés mais même ont pris le parti
de leur fubftituer des eftampes particuliè-
res, qu'ils appellent de ce nom , comme
s'ils penfoient que X épithalame poétique ne.
pût jamais reftiifciter. Art. de M. le Chtva-
lier DJB JaucoURT..
EPITHALAME, f. f. {Gravure) Les Gra-
veurs de Hollande, comme on l'a dit dans>
l'article précédent , appellent épitkalames
certaines eftampes faites en l'honneur de
quelques nouveaux mariés, dans lefquelles
on les repréfente avec des attributs allégo-
riques , convenables à leur état & à leur
qualité ; on y joint toujours quelques vers,
à Ieurlouange. Il n'y a que les perfonnes ri-
ches qui faflént cette dépenfe , & Ton ne tire-
qu'un très-petit nombre de ces eftampes ,.,
pour les diftrihuer aux païens & aux amis des
mariés. Quand ce nombre eft tiré , on dore,
la planche , que l'on met enfuite en bordure ,,
ce qui rend: ces fortes de pièces fort rares..
Perfonne n'a mieux réufïi dans ce genre;
que Bernard Picart. Sqs épuhalames font les,
morceaux les plus gracieux & les plusefti-
mes de ce maître. Di3. de Peint.
Cependant on a lieu de leur reprocher'
d'être quelquefois fi recherchés en allégo--
ries ,. qu'ils font.inintelligib!es;mais en gé-
néral les penfées en font belles & pleines de^
nobleffe ; d'ailleurs la netteté & la propreté
du travail cara&érifent toujours ce célèbre;
artifte. Qn ne fait plus aujourd'hui que r©**-
g F ï
«copier en Hollande les eiîarapes de cet ha-
bile maître , avec quelques légers change-
mens dans les attributs , pour fournir les
épithalames de commande ; & encore la
mode en eft prefque pa-flee, parce que tout
ce qui eft de mode paiTe très-vîte. Article
de M. le Chevalier de J AU court.
EPITHEME , f. m. (Pharmac.) du grec
*Lwi8têi)fu y j'applique , je mets dejfus , nom
générique de tout remède defliné a être
appliqué à la furface du corps,
L'ufage a exclu cependant les emplâtres
<& les onguens de la clafTedes épithemes vqui
ne comprend que les remèdes extérieurs,
appliqués fous forme liquide , fous forme
feche, & fousformede bouillie. Les épithe-
mes des deux premières efp.eces font beau-
coup plus connus fous le nom de. fomenta-
tion :voye[ FOMENTATION & ceux de la
dernière , fous celui, de ca.tapla.fme, ; Vbye^
Cataplasme.
Les fomentations appliquées furie cœur ou
fur le foie , font fpécialement déïignées par
îe mot Sépitheme qui eft prefque oublié dans
cette acception même, comme l'emploi des
fecours de ce genre. Voye^ Topique.
Lefachet, la cucuphe , & la demi-cu-
cuphe , le frontal , Pécufïbn. , &c. font des
eipeces à1 épithemes fecs. Voy. ces art, ( b )
ÉPITHETE , f. f. terme de Grammaire &
de Rhétorique , du grec i&bfjjtru , adjeâi-
tius y accejfurius , impofititius , dont le neu-
tre eft jnr/3»xmf , epithetum ; on fous-en-
tend o*<w* , nomen ; ainfi ce mot ipitket*
pris fubftantivement , veut dire nom ajouté*
Nos pères plus voifins de la fource, fau-
taient ce mot mafeulin , mais enfin les fem-
mes & les perfonnes fans études voyant ce
mot terminé par un e muet , l'ont fait du
genre féminin -, & cet ufage a prévalu. Le
peuple abufe en plufieurs mots.de ce que l'e-
muet eft fouvent le flgne du genre féminin,
fur-tout dans les adjectifs faim , Jointe f
époux ; êpoufe ; ouvrier , ouvrière y &c.
Encorfi pour rimer dans fa verve indiferete^
Ma mufe au moins Jouffrojt une froide épi-
thete. B'oil. Sot.. (F)
U épithete eft un terme ajouté à celui qui
contient l'idée principale, pour reftraindre
cette idée en Pembeîliffant , c'eft-à-dire ,
en y joignantune énergie efthétique. Quand
par exemple , Haller a dit en décrivant les
amufemens ruftiques des habitans des Al-
pes : là vole à travers Pair ■divifé une lourde
pierre lancée par un bras vigoureux jufqu'au
but preferit. On pourroit omettre ces qua-
tre épithstes fans rien changer à l'efïentiel
de l'image ; mais elles fervent à rendre l'i-
dée principale plus fenfîble par les idées
accefToires qu'elles y ajoutent.
H y a une autre, efpece dy épithetes qu'on
pourroit nommer gramaticales , parce
qu'elles ne font que ce qu'on nomme en
grammaire, des adjectifs, (*) Celles-ci n'ont
point de beauté efthétique , mais elles fonr
(*) M. Pabbé Girard n-a point fait d'observation fur la différence qu'il y a entre épithete Qc
adjectif. Il femble que l'adjectiffoit deftiné à marquer les propriétés phyfiques & communes de*
objets , & que \' épithete. défigne ce qu'il y a de particulier & de diftinctif dans les perfonnes & dans
les chofes , foit en bien , îoit en mal : Louis le Bègue , Philippe le Hardi , Louis le Grand, &c„
e'eft en partie de la liberté que nos pères prenoient de dbnner des épithetes aux perfbnncs.,.
qu'eft venu l'ufage des noms propres de famille.
Quand le fimple adjectif ajouté a un nom commun ou appellatif , le fait- devenir nom propre,
alors cet adjectif eft une épithete ; urbs , ville, eu un nom commun ; mais quand on difoic
magna urbs t. on entendoit la ville de Rome.
Te canit agricola , magnâcum venerit urie. Tibul.7. 1.el. 7.
Tous les adjectifs qui font prie en un fën s figuré , font des épithetes ; l'a pâle mort y une vertç
itieiïlefft.
Les adjectifs patronymiques , .c'eft - a - dire , tirés du nom du père ou de quelqu'un des
ayeux font des épithetes- Télamonias Apax , Ajax fils-de Telamon^JA^en eft de mêmedesadjeclif*
tirés du nom de la patrie ; c'eft ainfi que Pindare eft fouvent appelé le poète Thébain , poëtM
Tlvebanus ; Dyon Syracufanus y Dyon de Syraçufe;, 6V. Souvent les noms patronymiques fiant
«mployés fubftantivement par- antonomafe ««t* i%t%Kv j per excellentiam. C'eft ainh que par
ie.jphUofoçhe , on entend Ar^ote^ & par le poète , on défigne EComere ; mais alors philofoplic &
Aaaaa 2.
74o EPI EPI
nccefTaires à l'intelligence dudifcours ', par] cette nature , toute épithete eft déplace'
exemple , enfant gâté, efprit chagrin. Sans
elles l'idée principale n'auroit pas la déter-
mination indifpenfable pour former un
fens précis.
A ces deux efpeces cY épithetes , il faut
enjoindre une troifieme que les grammai-
riens nomment patronymique. Ce n'eft exac-
tement qu'un titre ajouté au nom d'une
perfonne Tel eft hpius JEneas de Virgile ,
le !r*r.«*'Hp»f d'Homère , Ces épiihetes
reviennent prefque aufîi fouvent que Je
nom propre eft allégué , & ne font point
deftinées à embellir le difcours , ou à lui
donner plus d'énergie.
Ce but ne concerne que les épithetes efthé-
tiques. Celles-ci , quand elles font bien
choifies , font la principale énergie du dif-
cours , comme dans ce paiTage d'Horace :
Mi robur & ces triplex
Cire a peclus erat , qui fragilem truci
Commifit pelago ratem.
Les mêmes principes qui doivent diriger
tout artifte dans l'embellifTement de fes
ouvrages , fervent aufli à déterminer le vé-
ritable ufage & les qualités de V épithete.
On donne aifément à cet égard , ou dans
l'excès , ou dans le défaut ; l'intelligence
& le discernement du poète fe manifeltent
dans la jufte diftribution de ces ornemens.
Il y a des hommes fi illuitres , que leur
nom feul vaut le plus bel éloge. Il y a de
même des idées qui par elles-mêmes font
fi grandes , fi parfaitement énergiques ,
que tout ce qu'on y ajouteroit par forme
ôl épithetes pour les rendre plus fenfîbles , ne
pourroit que les arfoiblir. Quand Céfar ,
au moment qu'on le poignarde , s'écrie :
Et toi aujft Brutus ! Quelle épithete jointe
à ce nom auroit pu ajouter à l'énergie de
cette exclamation ? dans tous les cas de
E!le ne l'eft pas moins dans les cas oppo-
fés, c'eft-à dire, lorfqu'il s'agit d idées fub-
ordonnées que le poète n'emploie que pour
la liaifon , & qu'il ne laiiiè entrevoir que
de loin. Le peintre place fouvent fur l'ar-
riére-fond des figures îiblées ou des grou-
pes , fimplement pour remplir quelques
vuides , ou pourfarrondiflèment. S'i; leur
donnoit du relief par des coups de pinceau
vigoureux , il manqueroit fon but , ces fi-
gures feroient trop d'effet , & détourne-
roient l'œil des objets principaux qui doi-
vent le frapper. Il en eft de même des
idées accefToires en éloquence & en poéfié :
il ne faut pas expofer au grand jour ce
qui , de fa nature , doit refier dans le loin-
tain. Quand le poète veut nous rendre at-
tentifs aux exploits de fon héros , qu'il
évite de tourner notre attention pour une
épithete déplacée fur le bruit de fon chariot >
ou furie hennifTement de fon courfier.
C'efl fur- tout lorfqu'on fait parler les
autres , qu'il faut être circonfped dans
l'ufage des épithetes.
Il faut pefer exactement quelles idées
doivent nécessairement entrer dans lapen-
fée que le perfonnage veut exprimer, &
ne lui rien prêter au-delà. Il faut fe fou-
venir que les épithetes ne font que fubor-
données au terme principal ; fi celui-ci
dit tout ce qu'il y a à dire , eu égard au
lieu & aux circonftances,lV/>/Mere eft de trop.
On remarque , en étudiant les révolu-;
tions du bon goût , que dans les temps an-
ciens , comme dans les modernes , la dé-
cadence du goût a toujours été annoncée
parla profufion des épithetes. Dans la Grèce,
chez les Romains & en France , aufli-tôt
que !e beau fiecle de l'éloquence & de la
poéfie a fait place â l'amour du clinquant ,
on a vu les épithetes fe multiplier.
poète n'étant point joints à des noms propres , font pris fubftantivement, & par conféquent ne
font point des épithetes.
On doit ufer avec art des épithetes ou adjectifs; on ne doit jamais ajouter au fubftantif une idée
aceeflbire, déplacée , vaine, qui ne dit rien de marqué. Les épithetes doivent rendre le difcours
plus énergique. M. de Fénelon ne fe contente pas dédire . que Y orateur , comme le poète , doit
employer des figures ,des images & des traits y il dit qu't'Z doit employer des figures On«t'i.s , des
images vives , & des traits hardis , lorfque lefujet le demande.
Les épiihetes qui ne fe p.éfentent pasnaturellement,& qui font tirées de loin, rendent le difeour*
froid& ennuyeux. On ne doit jamais fe fer vira' épithetes parottentation ;onn'en doit faire ufage
que pour appuyer les objets fur lefquels on veut arrêter l'attention. (FJ
EPI
Pour éviter cet excès , leur ufage doit '
être reftraint aux feuîs cas où l'idée princi-
pale ne fuffit pas pour donner à la penfée
une beauté fenfible , une énergie efthéti-
que. Et afin de mieux déterminer ces cas ,
il eft bon de fe rappeler qu'il y a trois ef-
peces d'énergie eftHétique ; l'une qui rem-
plit l'imagination de tableaux frappans ,
l'autre qui préfente à l'efprit des notions
grandes & lumineufes ; & la troisième qui
excite le fentiment, & produit les mouve-
mens de l'ame.
C'eft en conféquence de l'un ou de l'autre
de ces trois buts qu'il faut choifïr les épithe-
tes, félon qu'on fe propofe , ou de peindre à
l'imagination , ou d'éclairer le jugement ,
ou de toucher le cœur.
Les épithetes pittorefques, prifes de cho-
fes fentibles , font indifpenfabîes lorfque
l'orateur ou le poète veut peindre à l'aide
dudifeours. Elles fervent ou à exprimer di-
verfes petites circonftances qui font partie
du tableau , ou à épargner des deferip-
tions prolixes , qui rendroient le difeours
languifTant. S'agit-il , non de peindre , mais
de donner à une penfée un tour plus fort ,
plus nouveau , plus concis ou plus naïf,
c'eft encore à l'aide des épithetes qu'on y
parviendra plus aifément. Enfin , fi l'on fe
propofe de toucher le cœur , quel que foit
le genre de la paflion , rien de plus efficace
que des épithetes bien choifies pour exciter
le fentiment.
Mais autant qu'elles fervent d'afTaifonne-
ment dans tous les genres de l'énergie ef-
thétique pour donner plus de force à la
penfée , autant font-elles infipides lorf-
qu'elles n'ont pas ce but. Rien n'eft plus
défagréable qu'un ftyle renpîi à' épithetes
foibles , vagues ou oifeufes ; même lors-
qu'elles ne font pas oifives , le ftyle ne
laiffe pas d'être mauvais , fi ces épichetes
expriment des idées acceffoires, qui ne font
rien au but principal , & qui ne fervent qu'à
étaler l'efprit du poète , & la iingularité bi-
farre de fon imagination.
Comme la poéhe en général parle plus
aux fens que l'éloquence, le poète fait aufîi
un plus fréquent ufage des épithetes que
l'orateur ; mais cette considération même
doit le rendre plus réfervé à ne les pas pro-
diguer fans néctffité. Il ne doit pas fe per-
EPI( 74r
mettre de les employer à remplir le vers.
La longueur des vers Alexandrins eft très-
propre à l'entraîner dans cet ufage vicieux;
& il ne feroit que trop aifé d'en rapporter
plufîeurs exemples , leur grand nombre nous
difpenfe d'en rapporter ici. ( Cet article efi
tiré de la Théorie générale des Beaux- Arts ,
de M. SULZEK. )
* EPITHRICADIES, adj. f. prisfubft.
( Hift. anc ) fêtes inftituées en l'honneur
d'Apollon. Il ne nous en eft refté que le
nom.
EPITHYME , ( Pharm. Botan. & Mat.
méd.) Vbyei CUSCUTE.
EPITIE , f. m. ( Marine. ) c'eft un petit
retranchement de planches fait le long du
côté du vaiftean , pour mettre les boulets.
Il porte ce nom , quoiqu'on le fafte en quel-
qu'autre endroit du vaifteau. ( Z )
* EPITOGE, f.f. {Htji. anc. ) efpece de
manteau qui fe mettoit fur la toge. Voyez
Toge.
h'épitoge ne nous eft pas inconnu. C'eft:
ainfi que l'on appeloit le chaperon que les
préfidens à mortier & le greffier en chef du
parlement portoient autrefois fur la tête
dans les grandes cérémonies , & qu'ils ne
portent plus que fur l'épaule.
EPITOIR, f. m. inftrument de fer,
pointu & quarré , qui fert à ouvrir l'extré-
mité d'une cheville de bois , lorfqu'il s'agit
de la renfler par un coin qu'on appelle
épite*
EPITOME, f. m. ( Belles-Lettres. ) abré-
gé ou réduction des principales matières d'un
grand ouvrage , reflerrées dans un beaucoup
moindre volume.
On reproche fouvent aux auteurs d'épi-
tome y que leur travail occafionne la perte
des originaux. Ainfi on attribue à l'épitome
de Juftin , la perte de l'hiftoire univerfelle
de Trogue Pompée ; & à l'abrégé de Flo-
rus , celle d'une grande partie des décades
de Tite-Live. Voye[ les raifons fur lefquel-
les eft fondé ce reproche , au mot Abrégé.
(G)
EPITRE , f. f. ( Belles Lettres. ) ce mot
vient du grec iwi9futt &c du verbe jcaa* ,
f envoie.
Ce terme n'eft prefque plus en ufage que
pour les lettres écrites en vers , & pour les
dédicaces des livres.
942 H PI EPI
Quand on parle des lettres écrites pari Boîleau n'étoit pas de cet avis ; il lui erf
des auteurs modernes ou dans des langues
vivantes , & fur- tout en profe , on ne fe
fert point du mot épître: ainfi l'on dit , les
lettres du cardinal d'Ojfàt , de Baisai , de
Voiture y de madame de Sévigné , & non pas
les épltrtsdu cardinal d'Oflat, de Balzac,^.
Au contraire on fe fert du mot épître,
en parlant des lettres écrites pardes anciens,
ou dans une langue ancienne ; ainfî l'on dit
les épîtres de Cicéron , de Séneque , &C II eft
pourtant vrai que les modernes fe font fer-
vis du terme de lettres , en parlant de celles
de Cicéron & de Pline.
Le mot épître parôît encore plus particu-
lièrement reftraint aux écrits de ce genre ,
coûta de retrancher la fable de l'huître,
qu'il avoir mife à la fin de fa première épître
au roi , pour délaffer , difoit-il , des leSeurs
quun fublime trop (éri 'eux peut enfin fatiguer.
II ne fallut pas moins que le grand Condé*
pour vaincre la répugnance du poète à fa-
crifier ce morceau.
En général , les défauts dominans des épi*
très de Boileau font la fécherefle & la ftéri-
lité, des pîaifanteries parafites, des idéet
fuperficielles, des vues courtes , & de petits,
deflèins. On lui a appliqué ce vers :
Dans J on génie étroit il ejl toujours captif.
en matière de religion ; ainfi Pon dit les
épîtres de S. Paul , de S. Pierre , de S. Jean ,
& non les lettres de S. Paul , &c. ( G )
On attache aujourd'hui à Yépître l'idée
de la réflexion & du travail , & on ne lui
permet point les négligences de la lettre.
Le ftyle de la lettre eft libre , fimple , fa
jnilier. L' 'épître n'a point de ftyle déterminé;
elle prend le ton de fonfujet , & s'élève ou
s'abaiftë fuivantle caractère des personnes.
JJépître de Boileau à Ion jardinier , exigeoit
le ftyle le plus naturel ; ainfi ces vers y font
déplacés , fuppofé même qu'ils neibient pas
mauvais par- tout.
Sans cejfe pourfuivant ces fugitives fées ,
On voit fous les lauriers haleter les OrpHées.
Boileau avoit oublié en les compofant ,
qu'Antoine devoir les entendre.
\J épître au roi fur le partage du Rhin ,
exigeoit le ftyle" le plus héroïque : ainfi l'i-
mage grotefque du fleuve cffuyantfa birbe ,
y choque l'a décence. Virgile a dit d'un
genre de poéfie encore moins noble , fylvcs
Jint confule dignœ.
Si dans un ouvrage adrelîé à une perfonne!
jlluftre on doit annoblir les petites choies, à
plus forte raifon n'y doit - on pas avilir les
grandes , & c'eft ce que fait à tout moment
dans les épîtres de Boîleau le mélange deCo-
tinâvec Louis le Grand,du fucre & de la en-
nelle avec la gloire de ce héros.Un bon mot
eft placé dans une épître familière ; dans une
épître férieufe & noble il eft du plus mau-
vais §9ûr,
Son mérite eft dans le choix heureux deg
termes & des tours. Il fe piquoit fur-tout de
rendre avec grâce & avec noblefle des idées
communes , qui n'avoient point encore été
rendues en poéfie. Une des chofes , par
exemple, qui le fiattoierrt le plus, comme
il l'avoue lui-même , étoit d'avoir exprima
poétiquement fa perruque.
Au contraire, la bafîe(re'& la bigarrure
du ftyle défigurent la plupart des épîtres de
Rouffeau. Autant il s'eft élevé au deffusds
Boîleau , par fesodes , autant il s'eft mis au
defîous de lui par fes épîtres.
Dans Y épître philofophique , la partie do-
minante doit être la juftefte & la profonf-
deur du raifonnement. C'eft un préjugé
dangereux pour les poètes & injurieux pour
la poéfie , de croire qu'elle n'exige ni une
vérité rigoureufe , ni une progreifion mé-
thodique dans les idées. Nous ferons voir
ailleurs que les écarts même de l'enthou-
fiafme ne font que la marche régulière de
la raifon. Voy. Ode & Enthousiasme.
Il eft encore plus inconteftable que dans
Yépitre philofophique on doit pouvoir pref-
fer les idées fans y trouver le vuide , <âL les
creufer fans- arriver au fond. Que fecoit-ce
en effet qu'un ouvrage raifbnné, où l'on ne
ferait qu'effleurer l'apparence fupéificielle
des chofes ? un fophifme revêtu d'une ex*.
preftion brillante , n'eft qu'une figure bien
peinte & mal defilnJe ; prétendre que I*
poéfie n'a pas befoin de l'exa&itude philo>
îophique , c'eft donc vouloir que la peinture
puifte fe pafter de la correction du deftehiw
Or, qu'onmetteà l'épreuve de l'application
I p I
«fe ce principe les épîtres de Boîfeati,ceÏÏes
de Rouflèau , & celles de Pope lui-même.
Boileau , dans fon épure à M. Arnaud , at-
tribue tous les maux de l'humanité à la honte
du bien.. La mauvaife honte ou plutôt la foi-
bleffe en général produit de grands maux :
Tyran qui cède au Crime & détruit les vertus.
Henriade.
Voilà le vrai. Maïs quand on ajoute , pour
le prouver , qu'Adam , par exemple, n'a été
malheureux que pour n'avoir ofé foupçonner fa
femme ; voilà de la déclamation. Le defïr de
la louange & la crainte du blâme produifent
tour à tour des hommes timides ou coura-
geux dans le bien , foibles ou audacieux
dans le mal ; les grands crimes & les grandes
vertus émanent fouvent de la même fource :
quand? & comment ? & pourquoi ? voilà ce
qui feroit de la philofophie. .
Dans Vépître à M. de Seignelay , la plus
eftimée de celles de Boileau , pour demaf-
quer la flatterie , le poète la fuppofe ftupide
& grofïiere , abfurde & choquante au point
de louer un général d'armée fur fa défaite ,
& un miniftre d'état fur fes exploits mili-
taires ; eft-ee là préfenter le miroir aux flat-
teurs ? Il ajoute que rien n'eft beau que le
vrai; mais confondant l'homme qui fe cor-
rige avec l'homme oui fe déguife , il con-
clut qu'il faut fuivre fa nature.
Cefi elle feule en tout qu'on admire & qu'on
aime.
Un efprit né chagrin , plaît par fon chagrin
même.
Sur ce principe vague , un homme né gref-
fier plaira donc par là grofliéreté , un im-
pudent par fon impudence ? &c.
Qu'auroit fait un poète philofophe ?
'auroit fait par exemple , l'auteur des
difcours/ùr l'égalité des conditions & fur la
modération dans les defirs / Il auroit pris
fe naturel inculte & brute , comme il 1 eft
toujours : il l'auroit comparé à l'arbre qu'il
faut tailler , émonder , diriger , cultiver ,
enfin , pour le rendre plus beau , plus fé-
cond & plus utile. Il eût dit a l'homme:
» ne veuillez jamais paroître ce que vous
n> n'êtes pas , mais tâchez de devenir ce
qu
EPI 74*
n que vous voulez paroître : quel- que foie
» votre caractère , il eft voifin d'un certain
n nombre de bonnes & de mauvaifes quali-
tés; fi la nature a pu vous incliner aux
» mauvaifes , ce qui eft du moins très-dou-
» teux , ne vous découragez point , & op-
»? pofez à ce penehant la contention de I'ha-
» bitude. Socrate n'étoit pas né fage , & fon
» naturel en fe redreffant ne se toit pas eflro*
>j pié ».
On n'a befoin que d'un peu de philofophier
pour n'en trouver aucune dans les épîtres de
Rouflèau. Dans celle à Clément Marot , ih
avoit à développer & à prouver ce principe
des Stoïciens , que Terreur efl la fource de
tous les vices, c'eft-à-dire, quon n'eft méchant
que par un intérêt mal entendu. Que fait le
poète ? il établit qu' un vaurien eit toujours
unfotfous le ma/que ; au lieu de citer au tri-
bunal de la raifon un Ariftophane , un Cari-
lina , un NarchTe qu'il auroit bien eu de la
peine à faire pafler pour d'honnêtes gens ,
ou pour des fots ; il prend un fat , mauvais
plaifant , dont l'exemple ne conclut rien T
& il dit de ce fat, plus fot encore :
A fa vertu je n'ai plus grande foi
Qu'à fon efprit. Pourquoi cela ? Pour"
quoi ?
Quejl-ce qu1 efprit ? Raifon qffaifonnée >
Qui dit efprit , ditfel de la raifon :
De tous les deux fe forme efprit parfait y
De îun fans Vautre un monjlre contrefait.-
Or quel vrai bien d'un monjlre peut - itl
■naître ?
Sans la raifon puis je vertu connoître ?'
"Et fans le fei 'dont il faut l'apprêter ,
Puisse vertu faire aux autres goûter ?
PafTons fur le ftyle ; quelle logique !'
La raifon fans fel fait un monjlre , incapable-
de tout bien : pourquoi ? parce qu'elle eft
fade nourriture , quelle n'affaifonne pas la
| vertu , & ne la fait pas goûter aux autres..
D'où il conclut qu'un homme qui n'a que
de la raifon , & qu'il appelle un fotf ne
fauroit être vertueux. Molière , le plus-
philofophe de tous les poètes , a fait un
honnête homme d'Orgon , quoiqu'il n'err
ait fait qu'un fot ,, & n'a pas. fait un fot d&
744 EPI
Tartuffe , quoiqu'il n'en ait fait qu'un mé-
chant homme.
Pope , dans les épîtres qui compofent fon
effai fur l'homme , a lait voir combien la
poéfie pouvoit s'élever fur les ailes de la
philofophie. C'eft dommage que ce poète
n'ait pas eu autant de méthode que de
profondeur. Mais il avoit pris un fyftême,
il falloit le foutenir. Ce fyftême lui offroit
des difficultés épouvantables; il falloit ou
les vaincre ou les éviter : le dernier parti
étoit le plus sûr & le plus commode ; aufli ,
pour répondre aux plaintes de l'homme fur
les malheurs de fon état, lui donne-t-il le
plus fouvent des images pour des preuves,
& des injures pour des raifons. Article de
M. Marmontei.
Épître DÉDICATOIRE. Il faut croire
que l'efiime & l'amitié ont inventé Vépître
dédicatoire, mais la baftefTe & l'intérêt en
ont bien avili l'ufage : les exemples de cet
indigne abus font trop honteux à la Litté-
rature pour en rappeler aucun ; mais nous
croyons devoir donner aux auteurs un avis
qui peut leur être utile , c'eft que tous les
petits détours de la flatterie font connus.
Les marques de bonté qu'on fe flatte d'avoir
reçues, & que le Mécène ne fe fouvient pas
d'avoir données ; l'accueil favorable qu'il a
fait fans s'en appercevoir ; la reconnoi (Tance
dont on eft fi pénétré , & dont il devroit
être furpris ; la part qu'on veut qu'il ait â un
ouvrage dont la lecture l'a endormi ; fes
ayeux dont on lui fait l'hiftoire fouvent
chimérique ; fes belles actions & fes fubli-
mes vertus qu'on paiîe fous filence pour de
bonnes raifons ; fa générofité qu'on loue
d'avance , &c. toutes ces formules font
ufées , & l'orgueil qui eft fi peu délicat ,
en eft lui-même dégoûté. Monfeigneur ,
écrit M. de Voltaire à l'électeur Palatin , le
Jîyle des dédicaces , les vertus du protecteur ,
& le mauvais livre du protégé , ontjouvent en-
nuyé h public.
Il ne refte plus qu'une façon honnête de
dédier un livre : c'eft de fonder fur des faits
la reconnoiifance, l'efiime, eu le refpecl qui
doivent juftifier aux yeux du public i'hom-
mage qu'on rend au mérite. Cet article eft de
M. Marmont EL.
# ÉPÎTRE , ( Hifi. ecclef. ) Ceft une des par-
ties de la MelFe , & qui précède l'Evangile ;
E P I
ou plutôt c'eft cette partie de la Méfie
chantée aujourd'hui par le fous-diacre , un
peu avant l'évangile , & qui eft un texte de
l'écriture fainte. Cette partie de l'écriture
fainte n'eft jamais prife des quatre évangi-
les, mais de quelque endroit de la bible ,
& fouvent des épîtres de S. Paul , ou de
celles des autres apôtres, ce qui lui a faic
donner le nom d'épître.
Pour connoître l'origine de Vépître & l'u-
fage de Péglife à cet égard , il faut remar-
quer que les juifs faifoient lire dans leurs
fynagogues quelques endroits de la loi Se
des prophètes , particulièrement dans les
jours du fabbat. Les chrétiens conferverenc
parmi eux cette coutume ; ils commen-
çoient la célébration de l'Éuchariftie par la
Iedure des faintes écritures , félon le témoi-
gnage de Tertullien dans fon Apologétique ;
& comme les actes des apôtres & les épîtres
de S. Paul contenoient de, grands exem-
ples & des inftruclions très-utiles , on lî-
foit ordinairement quelques endroits de l'un
& de l'autre , mais le plus fouvent des épi-,
très de S. Paul , en forte que par une efpece
d'habitude , on a donné à cette lecture le
titre cV épître.
Quelques auteurs ont obfervé , que lorf-
que l'on lit un endroit des épîtres de S. Paul ,
on commence par ce mot , Fratres , parce
que cet apôtre appeloit ainfi ceux à qui i!
écrivoit : & quand on lit quelques partages
de l'ancien &: du nouveau teftament, on
dit toujours in diebus illis.
Cette lecture introduifit l'ordre des lec-
teurs , dont la fonction a cependant cefTé
depuis quelques fiecles dans Péglife catho-
lique , où la lecture a été attribuée aux
fous-diacres. Fleury , Hijî. eccl. Di3. de Ri-
chelet & de Trév. Article de M. le chevalier
DE lAUCOURT.
ÊPITRITE r f. m. ( Belles-Lettres. ) eft
un pié compofé de quatre fyllabes, trois
longues & une brève. Voye{ PiÉ.
Les grammairiens comptent quatre for-
tes cVépitrites : le premier eft compofé d'un
iambe & d'un fpondée: comme fulùtàntës ,
le fécond d'un trochée & d'un fpondée ,
comme concuatï\ le troifieme d'un fpondée
& d'un iambe , comme commùnîcSns ; &
le quatrième d'un fpondée & d'un trochée ,
comme î/içantarë, {G)
ÊPITRITE ,
EPI E P L 74f
ÉplTRIÎE, (Mufique.) étoît chez les cz\m àe procurât or : c'eft-à-dire, que ce
'Grecs le nom d'un rapport , appelé autr
mène raifon fefqui-tierce , & qui eft celui
de 3 à 4, ou de la quarte. Voy. QUARTE.
C'étoit aufti le nom d'un des rhytmes
de leur mufique, duquel les deux temps
étoient entr'eux dans ce même rapport. Voy.
Rhytme. (sy
EPITROPE , f. f. figure de Rhétorique ,
appele'e par les Latins concejjîo , par laquelle
l'orateur accorde quelque chofe qu'il pour-
roit nier , afin que par cette marque d'im-
partialité , il puiil'e obtenir à fon tour qu'on
lui accorde ce qu il demande.
Ainfi M. Defpréaux a dit de Chapelain
par épier ope :
Quon vante en lui la foi > (honneur , la
probité ;
Qu'on prifefa candeur &fa civilité :
Quil foit doux , complaijant , officieux ,
finecre ;
On le veut , fyÇoufcris , & fuis prêt de me tairz.
Mais que pour un modèle on montre fes écrits ,
Qu il foit le mieux rente de tous les beaux
ef'prits ;
Comme roi des auteurs , qu'on C élevé a tem-
P're '
Ma bile alors s'échauffe , &je brûle cC écrire.
Sat. jx> vziz. (G)
ÉpiTROPE , f. m. (Hijl. mod.) forte de
■juge , ou plutôt d'arbitre que les chrétiens
•Grecs , _qui vivent fous la domination des
Turcs , choififfent dans plufîeurs villes pour
terminer les différends qui s'élèvent entre
eux , & pour éviter de porter ces différends
-devant les magiftrats Turcs.
Il y a dans chaque ville divers épitropis :
M.. Spon remarque dans fes voyages qu'à
Athènes il y en a huit , qui font pris des
différentes paroiffes & appelés vecchiardi ,
c'eft-à-dire, vieillards. Mais Athènes n'eft
pas le feul endroit où il y ait des épitropes :
il y en a dans toutes les iiles de l'Archipel.
Quelques auteurs latins du cinquième
fiecle appellent épitropi , ceux qu'on appe-
1oit plus anciennement villici , & qu'on a
-dans la fuite appelé vidâmes. Voy. VlDAME.
Dans des temps encore plus reculés , les
■Grecs empioyoicnt le terme ivn ?<!■&<>* dans
mot fignifioit chez eux un commiffionnaire*
ou intendant Voye^ Procurator.
Ainfî les commifTionnaires des provifions
dans les armées des Perfes font appelés
épitropi par Hérodote & Xénophon : dans
le nouveau Teftament , *V<t^V«? lignifie le
jteward ou fupérieur d'une mai fon , que la
vulgate traduit par procurator. Voye^ kdicl.
de Trévoux & Chambers. (G)
EPLAIGNER, voyt^ Lainer.
EPLOYÉ , adj. en terme de B la fon , fe
dit des oifeaux qui ont leurs ailes étendues ,
& particulièrement de l'aigle de l'Empire ,
à caufe de la tête & du cou , qui étant ou-
verts & féparés , représentent deux cous &
deux têtes.
Ronchival en Beaujolois , d'or à l'aigle
éployé de gueules , membre & béqué d'azur.
* ÉPLUCHER , v. ad. dans plufîeurs
arts mécaniques , c'eft nettoyer d'ordures
avec une attention fcrupuleufe. Il fe dit en
jardinage d'un plan qu'on dégage avec la
ferfouette des herbes inutiles; il ledit dans
les manufactures en laines , en foie , 6>c. d'u-
ne étoffe dont on enlevé toutes les ordures ;
& cette opération s'appelle l'épluchage. Il y a
l'épluchage des laines comme celui des draps ;
il fedit dans les verreries, de la terre qu'on
emploie à faire les pots , & de la féparation
des ordures ; ce font des femmes qu'on em-
ploie à cet ouvrage , & qu'on appelle éplu-
cheufes ; ce qu'elles féparent de la terre s'ap-
pelle éplucha ge ; on épluche les foies de chaî-
ne & de trame; on épluche les ouvrages qui
en font faits , en ôtant toutes les bourres
qui reftent fur l'ouvrage, aux lifieres , ùc.
Les chapeliers épluchent les peaux de cafior,
& l'épluchage s'appelle le jarre. Vcye^ CHA-
PELIER. Eplucher , chez les Vanniers , c'eft
couper tous les bouts d'ofier qui excédent
l'aire d'une pièce , quand elle eft faite, &c.
EPLUCHOIR, f. m. (terme de Vannier.)
C'eft une lame d'acier affez forte, triangu-
laire , émouffée vers la pointe , & montée à
virole fur un manche de bois -, on s'en fert
pour parer l'ouvrage , en coupant toutes les
extrémités des ofters qui hérilfent la furface.
I! y a des éoluchoirs de plufieurs grandeurs.
ÉPODE.f. f. (Poéfie anc.) efpcce de
poéde des Grecs & des Latins. Mais dévo-
ie même fens que les Latins empîoyoient loppons l'ambiguïté du mot épode , dont Its
Tvme XII. B bbbb
74* E P O
diverfes fignifications ont caufe des débats
entre les littérateurs.
i°. On appeloit épode chez les Grecs un
afTemblage de vers lyriques , ou la dernière
fiance qui, dans les odes, fe chantoit immé-
diatement après deux autres ftances nom-
mées firophe & aniifirophe. Ces trois fortes
de ftances fe répétoient ordinairement plu-
fîeurs fois fuivant ce même ordre , dans le
cours d'une feule ode , & le nombre de ces
répétitions rempliffoit l'étendue de ce poè-
me. La ftrophe & l'antiftrophe contenoient
toujours autant de vers l'une que l'autre, &
pouvoient par conféquent fe chanter fur le
même air. IJèpcde , tantôt plus longue , tan-
tôt plus courte, leur étoit rarement égale ;
elle devoit donc, pour l'ordinaire, fe chan-
ter fur un air différent : elle terminoit le
chant de ce que les Grecs nommoientpérro-
de , & de ce que nous pourrions appeler
un couplet de trois ftances , ÔC elle en faifoit
comme la clôture ; c'eft aufîi de cette cir-
constance que lui venoit fon nom , dérivé
du verbe w*9fe» , chanter par dejfus , chan-
ter à la fin. Après avoir chanté le premier
couplet de l'ode compofé de ces trois ftan-
ces , on chantoit le fécond , puis le troifîe-
me , & ainfi des autres. Prefque toutes les
odes de Pindare fournirent des preuves de
ce que l'on vient d'avancer.
zv. On donnoit le nom & épode à un petit
poème lyrique compofé de plufteurs difti-
ques , dont les premiers vers étoient autant
d'iambes-trimetres , ou de fix pies , & les
derniers étoient plus courts , & feulement
àes iambes-dimetres ou de quatre pies. De
c|e genre étoient les épodes d'Archiloque ,
c'eft-à-dire , ces pièces dans lefqueiles ce
poète fatirique déchiroit impitoyablement
Lycambe , Néobulé fa fille , & plufieurs de
fes parens diftingués par leur nailTance ou
par leurs emplois.
S'il en faut croire Victorinus le grammai-
rien , c'étok proprement le petit vers qui
s'appelait épode , pa-ce qu'il terminoit le
fens du diflique , de même que V épode des
odes en finiflbit le chant. Ce grammairien
ajoute que chaque vers trimetre ne doit
point fe faire entendre fans être fuivi du
petit vers dimetre , qui en fait comme la
côture & le complément.
3°. Le grammairien poète Terentianus
E P O
' attribue le nom çY épode à un demi- vers clé-
giaque , & Viâorinus lui-même va juf-
qu'à prodiguer cette dénomination au petit
vers odonien mis après trois vers faphiques,
& de plus à un petit poème compofé de plu-
fleurs vers adoniens rangés de fuite.
4y. Enfin on a étendu la lignification du
mot épode , jufqu'à défigner parla tout petit
vers mis à la fuite d'un ou de plufieurs
grands : en ce fens le pentamètre eït le vers
épode après Phexamecre qui eft le proodique.
Si l'on demandait à préfent ce que ligni-
fient ces mots , liber epodon , que porte le
livre V , des odes d'Horace , je répondrois
que ce livre a pris ce nom de l'inégalité des
vers , rangés de manière que chaque grand
vers eft fuivi d'un petit, qui en eft le com-
plément ou la claufule. Quand donc le li-
vre V , des odes d'Horace , eft intitulé liber
epodon , livre des épodes , c'eft-à-dire , liber
ver{uum epodon , livre de vers épodes , livra
où chaque grand vers de l'ode eft fuivi d'un
petit vers qui termine le fens; & cependant
les huit dernières odes de ce livre ne font
point du cara&ere épodique des dix pre-
mières. Article de M. le Chevalier de
Jaucourt.
Épodes, (Mufique.) chant des anciens
chœurs des Grecs , qu'ils exécutoient fans fe
mouvoir , pour repréfenter l'immobilité de
la terre qu'ils croyoient fixe. Voy. BALLET y
Chœurs, Danse. (B)
EPOINTÉ , adj... ( Manège , Maréchal-
lerie.) cheval épointé. Cette épithete ala mê-
me fignification que celle déhanché. Voye^
EHANCHÉ. (e)
EPOINTER, V. »& (Relieur.) c'eft
racler avec un couteau ordinaire les bouts
des ficelles avec lefqueiles les livres font
coufus, afin de pouvoir les coller & les
paffer en carton.
ÉPOIS , f. m. pi. (Vénerie.) cors qui
font au fommetde la tête du cerf; il y ades
épois de coronure, de paulmure,de tro-
chure & d'enfourchure.
* EPONE , f. f. (Mythol.) déefTe tuté-
laire des muletiers.
ÉPONGE „f. f. (fiangia) (Rijï.nat.}
fubftance légère , mol!e & très-poreufe , qui
s'imbibe d'une grande quantité d'eau à pro*
portion de fon volume. On avoit mis IV*»
ponge au rang -des zoophites j on a cru au£5
E P O
eue c'étoit une plante , jufqu'à ce que M.
PeyfTonel, médecin de Marfeille, ait décou-
vert que Y éponge étoit formée par des infec-
tes de mer , de même que beaucoup d'au-
tres prétendues plantes marines. On diftin-
gue plufieursefpecesd'e/w/^ej, qui différent
fur-tout par la forme ; les unes lbnt plates ,
les autres rondes : il y en a qui reflemblent
à un tuyau ou à un entonnoir : on en voit
de branchues , que Ton appelle rameufes ,
&c. Les éponges fines différent de celles que
l'on nomme giojfes éponges , en ce que leur
tiffu eft plus ferré , 6c que leurs pores font
plus étroits : les unes & les autres font de
couleur jaunâtre ; les meilleures &c les plus
fines ont une teinte de gris cendré. Voye^
(article Polypier.
EPONGE , {Pharmacie. Matière médicale.)
On fait en Pharmacie deux différentes pré-
parations de X éponge ; Tune eft connue fous
ïe nom cY éponge brûlée , & l'autre fous celui j
d 'éponge préparée.
Pour faire X éponge brûlée , on prend des
éponges fines qu'on lave bien, & defquelles
on fépare des petites pierres qui s'y trouvent
ordinairement ; on fait fécher les éponges ,
on les met dans un pot de terre , on les cal-
cine à feu ouvert pendant une heure , après
quoi on les pulvérife , & on les garde dans
un bocal pour s'en fervir au befoin.
\J éponge connue dans l'art fous le nom
$ éponge préparée^ fe prépare de la manière (
fuivante : on choifit de gros morceaux cYé-
ponge fine , on en fépare exactement toutes
les petites pierres ou coquilles , & on les
trempe dans de la cire jaune fondue ; & fi-
tôt qu'ils en font bien imbibés , on les met
un à un , ou féoarés les uns des autres , dans
une preffe entre deux plaques d'étain que J
l'on a fait chauffer : on ferre la prelTe au
point d'exprimer le plus de cire qu'il eft
poftible ; par ce moyen un gros morceau
à'éponge fe réduit en un très-petit volume. (
On attribuoit autrefois beaucoup de ver-
tus à Y éponge brûlée: Duchêne, plus connu
fous le nom de Quercetan, dit que les méde-
cins de fon temps s'en fervoient avec beau-
coup de fuccès pour guérir le bronch^cele ou
gouêtre ; ils la faifoient prendre dans du vin
blanc pendant un mois lunaire.
On l'emploie encore aujourd'hui quel-
quefois dans le même cas, mais apparem-
E P O 74t
ment fans lucces. Voye^ Charbon.
\S éponge préparée avec la cire fournit un
fecours commode pour empêcher la cica-
trice de certaines plaies , dont on ménage
l'ouverture à dedein de procurer par cette
ifîue l'écoulement de certaines matières.
Voye.{ Tente.
On fe fert d'une éponge entière pour ap-
pliquer des fomentations. Voye[ FOMEN-
TATION.
L'analyfe chimique de Y éponge confirme
la découverte des Naturaliftes modernes qui
rangent cette production marine dans la
clafte des fubftances animales, (b)
EPONGE de rofier fauvage , d'églantier.
Vbyei Eglantier.
ÉPONGE , (Manège , Maréchall. ) nom par
lequel nous délignons l'extrémité de chaque
blanche d'un fer de cheval. Voye^ Fer ,
Ferrure, Forger.
EPONGE , (Manège, Maréchall.) maladie \
tumeur fituée à la tête ou à la pointe du
coude , qui tire fa dénomination de la caufe
même qui la produit ; nous l'appelons en
effet éponge y parce qu'elle n'eft occafionnée
que par le contact violent & réitéré des
éponges de fer qui appuient contre cette par-
tie lorfque les chevaux fe couchent en vaches ,
c'eft-à-dire , lorfqu'étant couchés ils plient
les jambes , de manière que leurs talons
répondent au coude , & foutiennent ainfi
prefque tout le poids de l'avant- main de
l'animal.
Ce contact violent eft fuivi d'une com-
prefîion qui non feulement meurtrit la
peau , mais qui fait perdre aux fibres ôc
aux vaifTeauxleur reffort naturel. Ce reiTort
naturel perdu , ils ne peuvent plus contri-
buer à la circulation qui fe fait dans cette
partie: les humeurs s'y accumulent donc ,
principalement la lymphe , dont le mou-
vement eft plus lent , & qui d'ailleurs eft
renfermée dans des canaux dont le tiïfu eft
infiniment plus foible que celui des vaif-
feaux fanguins. Cette humeur arrêtée , &
l'abord de celle qui y fur vient fans celle ,
tout contribuera à dilater les petits tuyaux ;
la partie la plus fubtile fe diffipera , ou en
s'échappant à l'obftacle pour fe foumettre
aux loix de la circulation , ou en palTant &
en fe faifant jour à travers les pores, tandis
que la partie la plus grofïïere de cette mémo
Bbbbb 2
^4S EP O
humeur fe durcira par fon féjour. De-la
les progrès de la tumeur , qui fera de la na-
ture de celles que nous appelions loupes :
elle augmentera plus ou moins en volume
& en dureté , félon !a difpofition delà lym-
phe , félon le plus ou moins de force des
vaiifeaax , ou enfin félon la durée ou la
force du contacï ou de la compreffion ;
mais la lenteur de fon accroiflement pré-
fervera la partie fur laquelle elle a établi
fon ftege, de la douleur, de l'infl mmation
& de tous les autres accidens qui accom-
pagnent en général les tumeurs dont la for-
mation eft prompte Se foudaine.
Quelquefois aufïï la même caufe produit
des effets différons ; car au lieu de donner
hieu à une tumeur en forme de loupe , elle
n'occafionne qu'une caHofîté , qui n'eft
autre chofe qu'un dtfféchement des vaif-
feaux comprimés ; defTéchement qui n'ar-
rive que conféquemment au contael: , qui
affaiflant les vaiffeaux, les oblitère & ferme
tout pailage aux liqueurs qui circulent.
La callofité fe diftingue de la loupe , en
ce que le volume n'en eft jamais aufîi con-
sidérable, & en ce qu'elle«e s'étend point
au-delà de l'endroit comprimé : du re(te
l'une & l'autre ne préfentent rien de dan-
gereux , & la callofité ne mérite même au-
cune attention.
Pour ce qui concerne la loupe , il fera
bon de tenter de réfoudre l'humeur avant
qu'elle foit entièrement concrète ; on em-
ployera pour cet effet les emplâtres réfolu-
tifs : celui devigo, en triplant la dofe de
mercure , m'a toujours paru véritablement
le plus efficace : mais fi fon impuiffance ne
nous laifîe aucun efpoir de procurer, la réfo-
îution , il conviendra d'extirper la tumeur :
Gette opération, dont les fuites ne fauroient
être fêcheufes , peut fe pratiquer de deux
minières.
Si la loupe eft dans le corps même du té-
gument , on l'emportera avec la peau , car
il feroit impofïible de l'engager : fi au con-
traire elle eft ai dellous, & que le tégu-
ment foit mobile & vacillant au defius , on
y fera unei cfion proportionnée au volu-
me de la tumeur, c'eft- à-dire que cette in-
cidon fera fimpkment longitudinale ou
cruciale , fe'on ce volume. On diiTéquera
e.nfuite.les larnheaux des tégumens ;. après
E P O
quoi on foulevera là loupe avec uneerrigne,\
& on la difiéquera elle-même dans toute fa-
circonférence, à l'effet de l'emporter en-
tièrement : l'extirpation en étant fa, te , on »
réunira les lambeaux , on les aftujettira , s'il
eft nécefîàire , par 6qs points de future , &■
on panfera le te ut comme une plaie fimple.
Ge procédé demande plus de pratique &..
d adrefte que le premier ; mais on a l'avan-
tage, de terminer la cure beaucoup plutôt :
la plaie circulaire faite conféquemment à-
l'autre moyen, eft toujours avec déperdition
de fubflance , & demande pour fe cicatii-
fer un efpace de temps affez confidérable..
Au refte on ne doit pas oublier que la pre-
mière attention dans le traitement de cette
maladie , eft de garantir l'animal du con-
tad qui l'a occafionné ; & pour cet effet on
peut matelaffer Y éponge du fer , en y atta-
chant un petit couilinetrembouré, de façon
que la partie contufe porte fur ce ceuftinet
lorfque l'animal fe couche.
Il eft fans doute inutile de parler de IV-
ponge dont fe fervent les palefreniers pour
laver les crins & les extrémités de l'animal , .
puifqu'elle ne diffère point des éponges com-
munes. Voyt^ Panser., (e)
EPONGES. ( terme de Plombier?) Ce font
les deux bordures qui environnent dans fa
longueur la table ou moule , fur laquelle
les plombiers verfent leur plomb.
Le rable qui fert à pouffer le métal fondu
jufqu'au bout du moule, & à donner une-
jufte épaifteur à la table de plomb , eft ap-
puyé par les deux bouts fur ces éponges , où
il eft comme enchâfTé par deux rainures qui-
l'aflujettifTent & l'empêchent de fe détour-
ner quand le plombier le poufte jufqu'au
bout de la table ou moule. V. Plombier.
Eponges, pi. (Véner.) c'eft ce qui forme
le talon des bêtes.
EPONGER , v. aét. en terme de Pain-
d'épicier , c*eft pafTer une éponge imbibée
d une compofition de jaunes d'œufs battus •
enfcmble , pour donner de la ceuleur au-
pain-d'épice.
*EPONIME , f. m. ( Hift. anc ) c'é:oif
le chef des Archontes. Voy. ARCHONTES.'
EPONTILLER, v. a& c'eft , parmi le*
Tondeurs , ôter avec des pinces la bourre-
ou la paille qui fe font introduite^ dans;,
le drap en l'ourdiflant. Voye^ LAINE*.
^s
E F O
•ÉPONTILLES , SPONTfLLES , f. m.
pi ( Mar. ) ce font des étais ou pièces de
Hois pofées perpendiculairement de deux en
deux bancs pour fortifier les ponts & les
gaiilards. Celles qui font voifines du grand
& du petit cabeltan font à charnière , pour
qu'on puifle les ôter quand il faut virer ,
mais aum-tôt après on les remet à leur pla-
ce : on met une forte épontille fous le mât
d'artimon , & dans tous les endroits où les
ponts font charge's d'un grand poids. Voy.
PL IV. de Marine , fig. I , les éponttlles ou
étances des gaiilards, h*. 135, & celles
d'entre deux ponts t n°. 110. (Z.)
EPOPEE, f. f. ( Belles-lettres. ) c'eft
imitation , en récit , d'une action intéref-
fànte & mémorable. Ainfi Vépopée diffère
de l'hiftoire , qui raconte fans imiter ; du
poè'me dramatique, qui peint en 'action;
du poëme didactique , qui eft un tifVu de
préceptes ; des faites en vers , de l'apolo-
gue , du poè'me paftoral, en un mot de tout
ce qui manque d'unité , d'intérêt , ou de
nobleffe.
Nous ne. traitons point ici de l'origine
& des progrès de ce genre de poéfie : la
partie hiitorique en a été développée par
l'auteur de la Henriade, dans un eltai qui
n'eft fufceptibîe ni d'extrait , ni de criti-
que. Nous ne réveillerons point la fameufe
difpute fur Homère : les ouvrages que
cette difpute a produits font dans les mains
de tout le monde. Ceux qui admirent une
érudition pédantefque , peuvent lire les
préfaces & les remarques de madame Da-
cier , & fon effai fur les caufes de la déca-
dence du goût. Ceux qui fe laiffent per-
suader par un brillant enthoufiafme & par
une ingénleufe déclamation , goûteront la
préface poétique de l'Homère anglois de
Pope. Ceux qui veulent pefer le génie lui-
même dans la balance de laphi!ofophie &
de la nature , consulteront les réflexions
fur la critique par la Motte , & la difTerta-
tion fur l'Iliade par l'abbé TerrafTon.
Pour nous, fans difputer à Homère le
titre de génie par excellence , de» père de
la poéfie & des dieux ; fans examiner s'il
ae doit fes idées qu'à lui-même , ous'il a
pu les puifer dans les poê'fes nombreux qui
dont, procédé ., comme Virgile a pris de
E P O 749
Pifandre & d'Apollonius l'aventure de
Sinon , le fac de Troie , & les amours de
Didon & d'Enée ; enfin fans nous attacher
à des perfonnalités inutiles, même à l'é-
gard des vivans , & à plus forte raifon à
l'égard des morts , nous attribuerons , fi-
l'on veut , tous les défauts d'Homère à fon
fiecle , & toutes fes beautés à lui feul :
mais après cette diftinction nous croyons
pouvoir partir de ce principe : qu'il n'eft
pas plus raifonnable de donner pour modeler
en poéfie le plus ancien poëme connu, qu'il
le feroit de donner pour modèle en hor-
logerie la première machine à rouage & à.
reffort , quelque mérite qu'on doive attri-
bueraux inventeurs de l'un & de l'autre.-
D'après ce principe , nous nous propofons
de rechercher dans la nature même de 1 é-
popée , ce que les reg^s qu'on lui a pref-
crites ont d'eflentiel ou d'arbitraire. Les.
unes regardent le choix du fujet , les autres
la compofition.
Du choix du fujet. Le P. le Boffu veut-
que l^fujet du poëme épique foit une vérité;
morale , préfentée fous ie voile de l'allé-
gorie ; enforte qu'on n'invente la fable,
qu'après avoir choifi la moralité , & qu'on,
ne choififfe les perfonnages qu'après avoir
inventé la fable : cette idée creufe , préfen-
tée comme une règle générale , ne mérite
pas même d'être combattue.
L'abbé TerrafTon veut que fans avoir,
égard à la moralité , on prenne pour fujet
deVépopée l'exécution d'un grand deflèin ,
& en conféquence il condamne le fujet de
l'Iliade , qu'il appelle une inaâion. Mais-
la colère d'Achille ne produit-elle pas fon
effet , & l'effet le plus terrible , par l'inac-
tion même de ce héros ? Ce n'eft pas la
première fois qu'on a confondu^ en poéfie ,
1 l'action avec le mouvement. Voye^ TRA-
GÉDIE.
Il n'y a point de règle exclufive fur
le choix du fujet. L'n voyage , une:
conquête , une guerre civile , un- devoir ,,
un projet, une paflion , rien de tout.
cela ne fe reffemble ,. & tous ces fujets
ont produit de beaux poèmes : pourquoi ?.
parce qu'ils réunifient les deux grands-
points qu'exige Horace ; l'importance &,
l'intérêt , l'agrément &: l'utilité.
L'action d'un poëme eft une , lorfque du_$
7)0 E P O
commencement à la fin , de l'entreprife à
l'événement , c'eft toujours la même caufe
qui tend au même effet. La colère d'Achille
fatale aux Grecs , Itaque délivrée par le
retour d'Ulyfte,l'établiliement des Troyens
dans PAufonie , la liberté romaine défen-
due par Pompée & fuccombant avec lui ,
toutes ces actions ont le caraétere d'unité
qui convient à Yépopée ; & il les poètes
l'ont altéré dans la composition , c'eft: le
vice de l'art , non du fujet.
Ces exemples ont fait regarder l'unité
d'action comme une règle invariable ; ce-
pendant on a pris quelquefois pour fujet
d'un poème épique tout le cours de la vie
d'un homme , comme dans PAchilléïde ,
l'Héracléïde , la Théféïde , &c.
M. de laMotte prétend même que l'unité
de perfonnage fuffit à l'épopée, par la raifon,
dit-il, qu'elle fuffit à l'intérêt : mais c'eft: là
ce qui refte à examiner. Voye[ INTÉRÊT.
Quoi qu'il en foit , l'unité de 1 action
n'en détermine ni la durée ni rétendue.
Ceux qui ont voulu lui preferire un temps ,
n'ont pas fait attention qu'on peut franchir
des années en un feul vers , & que les évé-
nemens de quelques jours peuvent remplir
un long poème. Quant au nombre àcs in-
cidens , on peut les mti'fiplîei fans crainte ;
ils formeront un tout régulier , pourvu
qu'ils naiflent les uns des autres , & qu'ils
s'enchainent mutuellement. Ainfi , quoi-
qu'Homere, pour éviter la confjfion, n'ait
pris pour fujet de l'Iliade que l'incident de
la colère d'Achille , l'enlèvement d'Hélène
vengé par la ruine de Troie n'en feroit pas
moins une action unique , & telle que
l'admet l'épopée dans fa plus grande fim-
pïicité.
Une action vafte a l'avantage de la fé-
condité , d'où réfulte celui du choix : elle
laifte à l'homme de goût & de génie la
liberté de reculer dans l'enfoncement du
rableau ce qui n'a rien d'intéreffant , & de
préfenter fur les premiers plaas les objets
capables d'émouvoir l'amè. Si Homère
avoit embraffé dans l'Iliade l'enlèvement
d'Hélène , vengé par îa ruine de Troie , il
n'auroit eu ni le loifir ni la penfée de dé-
crire des tapis , des cafques, des boucliers ,
&c. Achille dans la cour de Déidamie ,
Philoctete à Lemnos , & tant d'autres in-
E P O
cidens pleins de noblefle & d'intérêts , par-
ties eflentielles de fon action , l'auroient
fufhfamment remplie ; peut - être même
n'auroit-il pas trouvé place pour fes dieux,
! & il y auroit perdu peu de chofe.
Le poème épique n'eft pas borné comme
la tragédie aux unités de lieu & de temps :
il a fur elle le même avantage que la poé-
Jie fur la peinture. La tragédie n'eft qu'un
tableau ; Yépopée eft une fuite de tableaux
qui peuvent fe multiplier fans fe confondre,
Ariftote veutNavec raifon que la mémoire
les embraffé ; ce n'eft pas mettre le génie à
l'étroit que de lui permettre de s'étendre
aufti loin que la mémoire.
Soit que Yépopée fe renferme dans une
feule action comme la tragédie , foit qu'elle
embraffé une fuite d'actions comme nos
romans , elle exige une conclufion qui ne
lahTe rien à defirer ; mais le poète dans cette
partie a deux excès à éviter ; favoir , de
trop étendre , ou de ne pas afïez dévelop-
per le dénouement. Voy. DÉNOUEMENT.
L'action de Yépopée doit être mémorable
& intéreftante , c'eft-à-dire , digne d'être
préfentée aux hommes comme un objet
d'admiration , de terreur , ou de pitié : ceci
demande quelque détail.
Un poète qui choifît pour fujet une action
dont l'importance n'eft fondée que fur des
opinions patticulieres à certains peuples , fe
condamne par fon choix à n'intérefler que
ces peuples , & à voir tomber avec leurs
opinions toute la grandeur de fon fujet.
Celui de PEnéïde , tel que Virgile pouvoir,
le préfenter , «toit beau pour tous les hom-
mes ; mais dans le point de vue fous lequel
le poète l'a envilagé. Il eft bien éloigné de
cette beauté univerfelle ; aufti le fujet de
PQdyflee, comme l'a faili Homère (abftrac-
tion faite des détails, ) eft bien fupérieure à
celui de PEnéïde. Les devoirs de roi , de
père & d'époux , appellent Ulyiïe à Itaque;
la fuperftition feule appelle Enée en Italie.
Qu'un héros échappé à la ruine de fa patrie
avec un petit nombre de fes concitoyens ,
furmonte tous les obftacles pour cller don-
ner une patrie nouvelle à fes- malheureux
compagnons , rien de plus intéreffant ni de
plus noble. Mais que par un caprice du
deftin il lui foit ordonné d'aller s'établir
dans tel coin de la terre plutôt que dans tel
E P O
antre; de trahir une reine qui s'eft livrée à
lui , & qui l'a comblé de biens , pour aller
enlever à fin jeune prince une femme qui
lui eft promife ; voilà ce qui a pu intérefTer
les dévots de la cour d' Augufte , & flatter un
peuple enivré de fa fabuleufe origine ; mais
ce qui ne peut nous paroître que ridicule ou
révoltant. Pour juftifier Enée , on ne ceffe
de dire qu'il étoit pieux; c'eft en quoi nous
le trouvons pufillanime : la piété envers des
dieux injuftes ne peut être reçue que com-
me une fiction puérile , ou comme une vé-
rité méprifable. Ainfi ce que l'a&ion de
l'Enéide a de grand eft pris dans la nature ,
ce qu'elle a de petit eft pris dans le préjugé.
L'adion de Yépopée doit donc avoir une
grandeur &c une importance univerfelles ,
c'eft-à-dire , indépendantes de tout intérêt ,
de tout fyftême , de tout préjugé national ,
& fondée fur les fentimens & les lumières
invariables de la nature. Quidquid délirant
reges phâuntur achivi , eft une leçon inté-
refTante pour tous les peuples & pour tous
les rois ; c'eft l'abrégé de l'Iliade. Cette
leçon à donner au monde , eft le feul objet
qui ait pu fe propofer Homère ; car prétan-
dre que l'Iliade foit l'éloge d'Achille , c'eft
vouloir que le paradis perdu foit l'éloge de
fatan. Un panégyrifte peint les hommes
comme ils doivent être ; Homère les peint
comme ils étoient. Achille & la plupart
de fes héros ont plus de vices que de ver-
tus , & IPiade eft plutôt lafatire que l'apo-
logie de la Grèce.
Lucain eft fur-tout recommandable par
la hardiefte avec laquelle il a choiii & traité
fon fujet aux yeux des Romains devenus ef-
claves , & dans la cour de leur tyran :
JPrtxima quid f oboles , aut quid meruere
ne pot es.
In regnum nafci ? Pavidè num gejfimus
arma ?
Teximus an jugufos ? Alieni pana timotis
.In nojlrâ cervice Jedet ......
Ce génie audacieux avoit fenti qu'il étoit
naturel à tous les hommes d'aimer la liber-
té , de dttefter qui l'opprime , d'admirer
qui la défend : il a écirt pour tous les iie-
cîes ; & fans l'éloge de Néton dont il a
fouillé fon poème , on le croiroit d'un ami
<le Caton.
E P O 7;x
La grandeur & l'importance de l'action
de V épopée dépendent de l'importance & de
la grandeur de l'exemple qu'elle contient :
exemple d'une paflion pernicieufe à l'hu-
manité ; fujet de l'Iliade : exemple d'une
vertu confiante dans fes projets , ferme dans
les revers , & fidelle à elle-même , fujet de
l'Ody (fée , &c. Dans les exemples vertueux ,
les principes , les moyens , la fin , tout doit
être noble & digne ; la vertu n'admet rien:
de bas. Dans les exemples vicieux , un mé-
lange de force & de foiblefle , loin de dé-
grader le tableau , ne fait que le rendre plus
naturel & plus frappant. Que d'un intérêt
puiflant naiflent des divifions cruelles ; on
a dû s'y attendre , & l'exemple eft infruc-
tueux. Mais que l'infidélité d'une femme
& l'imprudence d'un jeune infenfé dépeu-
plent la Grèce & embrafent la Phrygie , cet
incendie allumé par une étincelle infpire
une crainte falutaire ; l'exemple inftruit en
étonnant.
Quoique la vertu heureufe foit un exem-
ple encourageant pour les hommes , il no
s'enfuit pas que la vertu infortunée foit un
exemple dangereux : qu'on la prefente telle
qu'elle eft dans le malheur , fa fttuation ne
découragera point ceux qui l'aiment. Caton
n'etoit pas heureux après la défaite de Pom-
pée; cVqui n'envieroit le fort de Caton tel
que nous le peint Séneque , inter ruinas
publicas ereHum ? _
L'action de Yépopée femble quelquefois
tirer fon importance de la qualité des per-
fonnages : il eft certain que la querelle
[ d'Agamemnon avec Achille , n'auroit rien
de grand fi elle fe paflbit entre deux foJ-
dats ; pourquoi ? parce que les fuites n'en
feroient pas les mêmes. Mais qu'un plé-
béien comme Marins , qu'un homme privé
comme CromWel , Fernand-Cortès , &c.
entreprenne , exécute de grandes chofes ,
foit pour le bonheur , foit pour le malheur
de l'humanité , fon aétion aura toute l'im-
portance qu'exige la dignité de Yépopée. On
a dit : /'/ n'ejlpas btfoin que faction de /'épopée
foit grande en elle - même , pourvu que les
perfonnages foient d'un rang élevé ; & nous
difons : ilrfeft pas befoin que les perfonnages
foient d? un rang élevé , pourvu que Caillou] oit
grar.de en elle-même.
i 11 femble que l'intérêt de V épopée doivs
752 E ? 0
erre un intérêt public , l'action en auroit
fans doute plus de grandeur, d'importance,
& d'utilité' ; toutefois on ne peut en faire
une règle. Un fils dont le père gémiroit
dans les fers , & qui tenteroit pour le dé-
livrer tout ce que la nature & la vertu , la
valeur & la piété peuvent entreprendre de
-courageux & de pénible ; ce fils de quel-
que condition qu'on le fuppofât , ftroit un
héros- digne de Yépopée , & fon action mé-
riteroit un Voltaire ou un Fénelon. On
éprouve même qu'un intérêt particulier eft
plus fenfible qu'un intérêt public , & la
raifon en eft prife dans la nature ( voye{
Intérêt.) Cependant comme le poëme
épique eft fur-toHr l'école des maîeres du
monde , ce font les intérêts qu'ils ont en
main qu'il doit leur apprendre à refpeder.
Or ces intérêts ne font pas ceux de tel ou de
tel homme , mais ceux de l'humanité en
général , le plus grand & le plus digne objet
du plus noble de tous les poèmes.
Nous n'avons coniidéré jufqu'ici le fujet
de Yépopée qu'en fui- même; -mais quelle
qu'en foit la beauté naturelle , ce n'eft encore
qu'un marbre informe que le cifeau doit
animer.
De la compofuion. La compofition 3e
V épopée embraffe trois points principaux , le
plan , les caractères , & le ftyîe. On dif-
tingue dans le plan l'expofltion , le nœud ,
& le dénouement : dans les caractères , les
pafliens & la morale : dans le ftyle , la force ,
la préciflon , & l'élégance, l'harmonie & le
coloris.
Du plan. L'expofttion a trois parties , le
/début , 1 invocation & l'avant-fcene.
Le début n'eft que le titre du poëme plus
-développe , il doit être noble & fimpîe.
L'invocation n'eft une partie efTentielle
-de Y épopée ^ qu'en fuppofant que le poëte
ait à révéler des fecrets inconnus aux hom-
mes. Lucain qui ne devoit être que trop
inftruit des malheurs de fa patrie ,- au lieu
d'invoquer un dieu pour îinfpirer , fe
•tranfporte tout à coup au temps où s'al-
luma la guerre civile. Il frémit , il s'écrie :
» Citoyens, arrêtez ; quelle eft votrefureur!
jw.Lhabitant folitaice eft errant dans voi
}> villes ;
E P O
» La main du laboureur manque à vos
» champs ftériîes.
Defuntque manus pofeentibus anis.
Ce mouvement eft plein de chaleur ; une
invocation eut été froide à fa place.
L'avant-fcene efl le développement de
la fîtuation des perfonnages au moment où
commence le poëme , & le tableau des
intérêts oppofés , dont la complication va
former le nœud de l'intrigue.
Dans l'avant-fcene, ou le poète fuie
l'ordre des événemens , & la fable fe nom-
mc /impie ; ou il laifTe derrière lui une partie
de l'action pour fe replier fur le paflé , &
la fable fe nomme implexe : celle-ci a un
grand avantage , non feulement e!Lj anime
la narration , en introduifant un perfon-
nage plus intéreffé & plus intéreffant que le
poëte , comme.Henri IV , Ulifîe , Énée , &c.
mais encore en prenant le fujet par le cen-
tre, elle fait refluer fur l'avant-fcene l'inté-
rêt de la fîtuation préfente des acteurs , par
l'impatience où l'on eft d'apprendre ce qui
les y a conduits.
Toutefois de grands événemens , des
tableaux variés , des fituations pathétiques,
ne lai (lent pas de former le tiffu d'un beau
poëme , quoique préfentés dans leur ordre
naturel. Boiîeau traite de maigres hijhriensy
les poètes qiiijuïvent l'ordre des temps ; mais
n'en déplaife à Boi'.eau , l'exactitude ou les
licences chronologiques font très-indiffé-
rentes à la beauté de la poéfte ; c'eft la
chaleur de fa narration , la force des pein-
tures , l'intérêt de l'intrigue, le contrafte
des caractères , le combat des parlions , la
vérité & la nob^fTe des mœurs, qui font
l'ame de Yépopée , & qui feront du morceau
d'hiftoire le plus exactement fuivi , un poème
épique admirable.
L'intrigue a été jurqu'ici la_partie la plus
négligiedu poème épique , tandis que dans
la tragédie elle s'eft perfectionnée de plus
en plus. On a ofé fe détacher de Sophocle
& d'Euripide , mais on a craint d'abandon-
ner les traces d'Homère : Virgile l'a imité ,
& l'on a imité Virgile.
Ariftote a touché au principe 'e plus lumi-
neux de Yépopée , lorfqu'il a dit eue ce poëme
devoit être une tragédie en récif. Suivons ce
1 principe dans fes conféquences.
Bans
E P O
Dans la tragédie tout concourt au nœud
ou au dénouement : tout devroit donc y
concourir dans \ 'épopée. Dans la tragédie ,
un incident naît d'un incident , une fitua-
tion en produit une autre: dans le poème
épique les incidens & les fituations de-
vroient donc s'enchaîner de même. Dans
la tragédie l'intérêt croît d'acte en acte , &
le péril devient plus prellànt : le péril &
l'intérêt devro^ent donc avoir les mêmes
progrès dans Yépopée. Enfin le pathétique
eft 1 ame de la tragédie: il devroit donc
erre l'amede Y épopée, & prendre fa fource
dans les divers caractères & les intérêts
nppofés. Qu'on examine après cela quel eft
le plan des poèmes anciens. L'I'iade a
deux efpeces de nœuds : la divifion des
dieux- , qui eft froide & choquante ; &
celle des chefs , qui ne fait qu'une fitua-
tion. La colère d'Achille prolonge ce tiiïù
■de périls & de combats qui forment l'ac-
tion de Illiade; mais cette colère, toute
fatale qu'elle eft , ne fe manifeste que par
l'abfence d'Achille , & les paffions n'agif-
fent fur nous que par leurs développe-
mens. L'amour & la douleur d'Androma-
que ne produifent qu'un intérêt momen-
tané , prefque tout le refte du poème fe
pâlie en alïauts & en batailles ; tableaux
qui ne frappent guère que l'imagination ,
& dont l'intérêt ne va jamais jufqu'à
l'ame.
Le plan de l'OdyfTée & celui de l'Enéïde
font plus variés ; mais comment les fitua-
tions y font-elles amenées ? un coup de
vent fait un épifode ; & les aventures
d'Uliffe & d Enée reifemblent auiïi peu à
l'intrigue d'une tragédie, que le voyage
d'Anfon.
S'il reftoit encore des Daciers, ils ne
manqueroient pas de dire qu'on rifque
tout à s'écarter de la route qu'Homère a
tracée, & que Virgile a fuivie ; qu'il en
eit de la poéfie comme de la Médecine, &
ils nous citeroient Hippocrate pour prou-
ver qu'il eft dangereux dinnover dans
Yépopée. Mais pourquoi ne feroit-on pas à
. .l'égard d'Homère & de Virgile , ce qu'on
. a fait à l'égard de Sophocle & d'Euripide?
on a diftingué leurs beautés de leurs dé-
fauts ; on a pris l'art où ils l'ont lailTé ; on
a eflayé de faire toujours comme ils a.voient
Tome XI L
E P O 7/2
fait quelquefois : & c'eft fur-tout dans la
partie de l'intrigue que Corneille ÔC Racine
fe font élevés au defîus d'eux. Suppofons
que tout le poème de l'Enéïde fût tifîii
comme le quatrième livre ; que les incidens
naiffant les uns des autres, puffent produire
& entretenir jufqu'à la fin cette variété de
fentimens & d'images, ce mélange d'épi-
que & de dramatique, cette alternative
preffante d'inquiétude & de furprife , de
terreur & de pitié ; l'Enéïde ne feroit-elle
pas fupérieure à ce qu'elle eft?
\J épopée , pour remplir l'idée d'Ariftote ...
devroit donc être une tragédie compofée»
d'un nombre de fcenes indéterminé , dont
les intervalles feroient occupés par le poète:
tel eft ce principe dans la fpéculation , c'eft
au génie feul à juger s'il eft pratiquabîe.
La tragédie dès fon origine a eu trois
parties , la fcene , le récit & le chœur ; &;
de là trois fortes de rôles , les a&eurs , les
confidens & les témoins. Dans Yépopée , le
premier de ces rôles eft celui des héros, le
poète eft chargé des deux autres. Pleure^,
dit Horace , fi vous voule^ que je pleure.
Qu'un poète raconte fans s'émouvoir des
chofes terribles ou touchantes , on l'écoute
fans être ému , on voit qu'il récite des fa-
bles ; mais qu'il tremble , qu'il gémiffe ,
qu'il verfe des larmes , ce n'eft plus un
poète, c'eft un fpectateur attendri, donc
la fituation nous pénètre. Le chœur fait
partie des mœurs de la tragédie ancienne ;
les réflexions & les fentimens du poète font
partie des mœurs de Yépopée.
Jlle bonis , faveatque , & confilietur amicis ,
Et regat iratos , & amet peccare timentes.
Horat.
Tel eft l'emploi qu'Horace attribue au
chœur , & tel eft le rôle que fait Lucain
dans tout le cours de fon poème. Qu'on ne
dédaigne pas l'exemple de ce poète. Ceux
qui n'ont lu queBoileau méprifent Lucain ;
mais ceux qui lifent Lucain , font bien peu
de cas du jugement que Boileau en a porté.
On reproche avec raifon à Lucain d'avoic
donné dans la déclamation; mais combien
il eft éloquent lorfqu'il n'eft pas déclama^-
teur ! combien les mouvemens qu'excite en
lui- mime ce qu'il raconte , communiquent
à fes récits de chaleur & de véhémence £
Cççcç
nu E p ° ,
Céfar, après s'être er«p-r| âe Rome fans
aucun oDnacle, veut piller les tréfors du
temple de Saturne ., & un citoyen s'y
oppofe U avarice /dit le poète , efi donc le
feul fenùment qui brave le fer & la mort ?
Les lux n'ont plus d'appui contre leur
opprejfeur ,
Et le plus vil des biens , îor trouve un
déftnfeur !
Les deux armées font en pre'fence , les
foldats de Céfar & de Pompe'e fe recon-
noiflent: ils franchifTent le fofle qui les
répare ; ils fe mêlent , ils s'attendriflent ,
ils s'embraflent. Le poète faifit ce moment
pour reprocher à ceux de Céfar leur cou-
pable obéhTance :
Lâches , pourquoi gémir ? pourquoi verfer ! fujét de fon poème ait intérefle vivement.
des larmes ? ' U étoit Romain , il voyoit encore les traces
Qui vous for' c à porter ces parricides armes? j fanglantes de la guerre civile : ce n'eft ni
Vous craigne^un tyran dont vous êtes l'appui! 1 Fart ni la réflexion qui lui a fait prendre
Soye[fourds aufignal qui vous rappelle à lui. ' le ton dramatique , c'eft fon ame , c'en1 la
E V O
Il refufa h jour au feflin de Thiefie ,
Et répand fur Pharfale une clané funefte.
Pharjale ou les parens , ardens à s'égorger ,
Frères , pères , enfans , dans leur fang vont
nager.
C'en eft a(Tez pour indiquer le mélange
de dramatique & d'épique que le poète
peut employer , même dans fa narration
direde ; & le moyen de rapprocher X épopée
de la tragédie , dans la partie qui les dis-
tingue le plus.
Mais, dira- 1- on , fi le rôle du chœur
rempli par le poète , étoit une beauté dans
X épopée y pourquoi Lucain feroit-il le feul
des poètes anciens qui s'y feroit livré?
Pourquoi ? parce qu'il eft le feul que le
Seul aveefes drapeaux , Ce far n'a plus qu un
homme :
Vous CalU[ voir tami de Pompée & de Rente.
Cefar , au milieu d'une nuit orageufe ,
frappe à la porte d'un pêcheur. Celui-ci
demande: Quel ejl ce malheureux échappé du
naufrage ? Le poète ajoute :
Il ejl fans crainte ; il fait qu'une cabane vile
Ue peut être un appas pour la guerre civile.
Céjar frappe à la portent n'en ejl point troublé.
Quel rempart ou quel temple à ce bruit n'eût
tremblé ?
Tranquille pauvreté ! &C.
Pompée offre aux dieux un facrifice ; le
poète s'adrefTe à Céfar :
Toi , quels dieux des forfaits , & quelles
Euménides
Implores- tu , Céfar, pour tant de parricides ?
Sur le point de décrire la bataille de
Pharfale , faifi d horreur , il s'écrie :
O Rome ! ou font tes dieux ? Les fiecles
enchaînés
Par V aveugle hafard font fans doute entraînés.
S'il ejl un Jupiter , s'il porte le tonnerre ,
Peui-il voir des forfaits qui vont fouiller la
terre ?
A foudrayer les monts fa main va s'occuper ,
Et laiffe à Caffius cette tête à frapper.
nature elle-même ; & le feul moyen de
l'imiter dans cette partie , c'eft de fe péné-
trer comme lui.
La feene eft la même dans la tragédie Se
dans Yépopée , pour le ftyle, le dialogue &
les mœurs ; ainfi pour lavoir fi la difpute
d'Achille avec Agamemnon , l'entretien
d'Ajax avec Idoménée, &c. font tels qu'ils
doivent être dans l'Iliade , on n'a qu'à les
fuppofer au théâtre. Voy. TRAGÉDIE.
Cependant comme l'aétion de Xépopée
eft moins ferrée & moins rapide que celle
de la tragédie , la feene y peut avoir plus
d'étendue & moins de chaleur. C'eft là
que feroient merveilleufement placées ces
belles conférences politiques dont les tra-
gédies de Corneille abondent; mais dans
fa tranquillité même la feene épique doit
être intéreflante : rien d'oifif, rien de fu-
perflu. Encore eft ce peu que chaque feene
ait fon intérêt particulier , il faut qu'elle
concoure à l'intérêt général de l'aûion ;
que ce qui la fuit en dépende, & qu'elle
dépende de ce qui la précède. A ces con-
ditions on ne peut trop multiplier les mor-
ceaux dramatiques dans Xépopée ; ils y
répandent la chaleur & la vie. Qu'on le
rappelle les adieux d'Heâor & d'Andro-
maque , Priam aux pies d'Achille dans
l'Iliade ; les amours de Didon , Euriale &
E P O
Nifus , les regrecs d'Evandre dans l'Enéide;
Armide & Clorinde dans le TafTe ; le
confeil infernal , Adam & Eve dans Mil-
ton , &c.
Qu'eft-ce qui manque à la Henriade
pour être le plus beau de tous les poèmes
connus ? Quelle fageffe dans la composi-
tion ! quelle noblefle dans le deiïin ! quels
contraires ? quel coloris ! quelle ordon-
nance ! quel poëme enfin que la Henriade ,
file poète eût connu toutes fes forces Iorf-
qu'il en a formé le plan ; s'il y eût déployé
la partie dominante de fon talent & de
fon génie , le pathétique de Mérope &
d'AIzire , l'art de l'intrigue & des fituations !
En général , fi la plupart des poèmes
manquent d'intérêt , c'eft parce qu'il y a
trop de récits & trop peu de fcenes.
Les poèmes où , par la difpofition de la
fable , les perfonnages fe fuccedent comme
les incidens , & ditparoiiïent pour ne plus
revenir ; ces poèmes qu'on peut appeler
épifodiques , ne font pas fufceptibles d'in-
trigue : nous ne prétendons pas en con-
damner l'ordonnance , nous difons feule-
ment que ce ne font pas des tragédies en
récit. Cette définition ne convient qu'aux
poèmes dans lefquels des perfonnages per-
rnanens , annoncés dans l'expofition , peu-
vent occuper alternativement la fcene , &
par des combats de paffion & d'intérêt ,
nouer &: foutenir l'aâion. Telle étoit la
forme de l'Iliade & de la Pharfale , fi les
poètes avoient eu l'art ou le deffin d'en
profiter.
L'Iliade a été plus que fuffifamment ana-
ly fée par les critiques de ces derniers temps ;
mais prenons la Pharfale pour exemple de
la négligence du poète dans la contexture
de l'intrigue. D'où vient qu'avec le plus
beau fujet & le plus beau génie , Lucain
n'a pas fait un beau poème? Eft ce pour
avoir obfervé l'ordre des temps & l'exacti-
tude des faits ? nous avons prévenu cette
critique. Eft-ce pour n'avoir pas employé
le merveilleux ? nous verrons dans la fuite
combien l'entremife des dieux eft peu eflen-
tielle à Y épopée. Eft-ce pour avoir manqué
de peindre en poète , ou les perfonnages ou
les tableaux que lui préfentoit fon action ?
les caractères de Pompée & de Céfar , de
Brutus & de Caton , de Marcie & de Cor-
E P O 7j?|
néîie,d'AfTranius,de Vukéïus& deScéva,
font faifis & deiïinés avec une noblefle <$t
une vigueur dont nous connoiffons peu
d'exemples. Le deuil de Rome à l'approche
de Céfar ( erravit fine voce dolor ) , les pros-
criptions de Sylla , la forêt de Marfeille &
le combat fur mer , l'inondation du camp
de Céfar, la réunion des deux armées, le
camp de Pompée , confumé par la foif, la
mort de Vultéïus & des fiens , la tempête
que Céfar efiuie , l'aiTaut foutenu par Scéva ,
le charme de la Theffalienne ; tous ces ta-
bleaux , & une infinité d'autres répandus-
dans ce poëme , ne font peints quelquefois
qu'avec trop de force , de hardiefte & de
chaleur. Les difeours répondent à la beauté
des peintures; & fi dans 1 un & l'autre
genre Lucain pâlie quelquefois les bornes
du grand & du vrai , ce n'eft qu'après y
avoir atteint ; & pour vouloir renchérir fur
lui-même , le plus fouvent le dernier vers
eft empoulé , & le précédent eft fublime.
Qu'on retranche de la Pharfale les hiper-
boles & les longueurs, défauts d'une ima-
gination vive & féconde , correction qui
n'exige qu'un trait de plume , il réitéra des
beautés dignes des plus grands maîtres, &
que l'auteur desHoraces, de Cinna, de
la mort de Pompée > ne trouvoit pas au
deflbus de lui. Cependant avec tant de
beautés la Pharfale n'eft que l'ébauche d'un
beau poëme , non-feulement par le ftyle ,
qui en eft inculte & raboteux , non- feule-
ment par le défaut de variété dans les cou-
leurs des tableaux , vice du fujet plutôt que
du poète, mais fur-tout par le manque
d'ordonnance & d'enfembîe dans la partie
dramatique. L'entretien de Caton avec
Brutus , le mariage de Caton & de Marcie,
les adieux de Cornélie & de Pompée , la
capitulation d'AfFranius avec Céfar , l'en-
trevue de Pompée & de Cornélie après la
bataille ; toutes ces fcenes , à quelques lon-
gueurs près , font fi intérelîantes & fi no-
bles î Pourquoi ne les avoir pas multipliées i
Pourquoi Caton , cet homme divin , fi
dignement annoncé au fécond livre, ne
reparoît-il plus? Pourquoi ne voit-on pas
Brutus en fcene avec Céfar ? Pourquoi Cor-
nélie eft-elle oubliée à Lesbos ? Pourquoi
Marcie ne va-t-elle pas l'y joindre , Se
Caton l'y retrouver en même- temps que
Ccec c *
75<* EPO
Pompée ? Quelle entrevue ! quels fentimens !
quels adieux! Le beau contraire de carac-
tères vertueux , fi le poète les eût rappro-
chés ! Ce n'eft point à nous à tracer un tel
plan , nous en Tentons les difficultés ; mais
nous écrivons ici pour les hommes de génie.
Des caractères . Nous ne nous étendrons
point fur les caractères , dans le defTein de
traiter en fon lieu cette partie du poème
dramatique ( voje^TRAGÉDIE ; ) mais nous
placerons ici quelques obfervations parti-
culières aux perfonnages de l'épopée.
Rien n'eft plus inutile , à notre avis , que
le mélange des êtres furnaturels avec les
hommes : tout ce que le poète peut fe pro-
mettre , c'eft de faire de grands hommes
de fes dieux , en les habillant de nos pièces ,
fuivant i'expreflion de Montagne. Et ne
Vaut-il pas mieux employer les efforts de la
poéfie à rapprocher les nommes des dieux,
qu'à* rapprocher les dieux des hommes ?
Humana ad deos tranjlulerunt , dit Cicéron
en parlant des philofophes mithologues ,
divina mallem ad nos.
Ce que j'y vois de plus certain , dit Pope ,
au fujet des dieux d Homère , c'ejl qu ayant
a parler de la divinité fans la connoare , il en
a pris une image dans l'homme : il contempla
dans une onde inconftante & fangeufe Caflre
qu'il y voyott réfléchi.
On peut nous oppofer que l'imagination
ne raifonne point ; que le merveilleux l'eni-
vre ; qu'il emporte Pâme hors d'elle-même,
fans lui donner le temps de fe replier fur
les idées qui détrniroient l'iilufion : tout
cela eft vrai , & c'eft ce qui nous empêche
de bannir le merveilleux de l'épopée ; c'eft:
ce qui nous a engagé à l'admettre même
dans la tragédie, Poyex DÉNOUEMENT.
Mais dans l'un & l'autre de ces poèmes il eft:
encore moins raifonnable de l'exiger que de
l'interdire. Voyei MERVEILLEUX.
Cependant comment fuppléer aux per-
fonnages furnaturels dans l'épopée ? Par les
vertus & les parlions , non pas allégorique-
ment perfonnifiées ( l'allégorie anime le
phyflque & refroidit le moral, ) mais ren-
dues fenftbles par leurs effets , comme elles
le font dans la nature , & comme la tragé-
die les préfente. L'épopée n'exige donc pour
perfonnages que des nommes & les mêmes
hommes que la tragédie ; avec cette diffé-
E P O
rence, que celle-ci demande plus d'unité
dans les caractères , comme étant reiî'errée
dans un moindre efpace de temps.
Il n'eft point de caradere fimple. L'homme,
dit Charon, eft un Jujet mtrveilleufement
divers & ondoyant : cependant comme
la tragédie n'eft qu'un moment de la vie
d'un homme , que dans ce moment même
il eft violemment agité d'un intérêt princi-
pal & d'une pafîion dominante , il doit ,
dans ce court efpace , fuivre une même im-
pulfton , & n'efïuyer que le flux & le reflux
naturel à la pafîion qui le domine ; au lieu
que l'adion du poème épique étant étendue
à un plus long efpace de temps , la paillon a
fes relâches , & l'intérêt fes diveriîons : c'eft
un champ libre & vaite pour l'inconftance
& l inhabilité, qui ejlU plus commun & appa-
rent vice de la nature humaine. ( Charon. )
La fagofTe & la vertu feules font au defius
des révolutions ; & c'eft un genre de mer-
veilleux qu'il eft bon de réferver pour elles.
Ainfï quoique chacun des perfonnages
employées dans X épopée doive avoir un fond
de caractère & d'intérêt déterminé , lesora-
ges qui s'y élèvent ne laHlent pas quelque-
fois d'en troubler la fur face & d'en dérober
le fond. Ma:s il faut obferver aufti qu'on
ne change jamais fans caufe d'inclination ,
de fentimentou dedeftein ; ces changemens
ne s'opèrent , s'il eft permis de le dire, qu'au
moyen des contre-poids : tout l'art confifre
à changer à propos la balance ; & ce ^enre
de micanifme exige une connoifTânce pro-
fonde de la nature. Voye[ dans Britannicus ,
avec quel art les contre-poids font ménagés
dans les fcenes deBuirhus avec Néron , de
Néron avec NarciîTe ; & au contraire pre-
nons le dernier livre de l'Iliade. Achille a
porté la vengeance de Patrocle jufqu'â la
barbarie : Priam vient fe jeter à fes pies
pourluidemanderlecorpsdefonfils-Achille
s'émeut , fe laiffe fléchir ; & jufque-là
cette fcene eit fublime. Achille invite Priam
à prendre du repos. " Fils de Jupiter ( lui
» répond le divin Priam ) , ne me forcez
» point à m'aftèoir , pendant que mon cher
>y He&or eft étendu fur la terre fans fépui-
» ture. » Quoi de plus pathétique & de
moins offenfant que cette réponfe! Qui
croiroit que c'eft à ces mots qu'Achille re-
devient furieux ? Il s'appaiie de nouveau ;
E P O
il faitlaifferfurle chariot de Priamune tu-
nique & deux voiles pour envelopper le
corps , avant de le rendre à ce père afflige' :
il le prend entre fes bras, le met fur un lit,
& place ce lit fur le chariot. Alors il fe met
à i eter de grands cris, & s'adrefTant à Patro-
cb , "mon cher Patrocle, s'écrie-t-il , ne fois
» pas irrite contre moi. » Ce retour eft en-
core admirable ; mais achevons. " Mon cher
» Patrocle , ne fois pas irrité contre moi,
» fi on te porte jufque dans ies enfers la
» nouvelle que j'ai rendu le corps d'Heâor
7i fon père ; car (on s'attend qu'il va dire ,
» je ri ai pu réfifier aux larmes de ce père in-
» fortuné ; mais non ) car il m'a apporté
» une rançon digne de moi.» Ces difpara-
tes prouvent que jamais on n'a moins con-
nu Phéroïfme que dans les temps appelés
héroïques.
Dujlyle. Nous fuppofons dans le lecteur
une idée jufte des qualités du ftyle en géné-
ral : il peut confulter les articles STYLE ,
Elégance , Précision , bc Appliquons
en peu de mots au ftyle de V épopée celle de
ces qualités qui lui conviennent : les premiè-
res font la force, la préciiion,& l'éloquence.
La force & la précilion font inféparables ;
mais c'eft avec l'élégance qu'il eft difficile
de les concilier. Parmi les auteurs qui en
écrivant fe livrent à leur génie , ceux qui
penfent le plus ne font pas ceux qui écrivent
le mieux ; leurs idées , qui fe prefïent & fe
foulent dans leur impétuoflté, font que leurs
exprelîions fe ferrent & fe froifTent : au con-
traire , ceux dont les idées moins tumul-
tueufes fe fuccedent & s'arrangent à leur
aife ,confervent dans leur ftyle cette liante
facilité ; leur imagination donne à leur plu-
me le loiftr d'être élégante. Du nombre des
premiers font Sénequ£ , Tacite &: Lucam ,
Corneille , Pafcal & Bofluet ; du nombre
des féconds, Cicéron, Tice-Live & Virgile,
Racine, Mallebranche & Fléchier.
Un ouvrage plus élégant & moins penfé
a communément plus de fuccès qu'un ou-
vrage plus penfé & moins élégant : la ledure
du premier eft agréable & facile , la ledure
du fécond eft utile , mais fatiguante: celui-
ci eft une mine d'or; celui-là une feuille lé-
gère, mais artiftement travaillée: on l'ad-
mire, on en jouit; & qui va fouiller dans les
mines ? Ceux même qui s'y enrichifient fe
E P O 757
gardent bien de les faire connoître. Com-
bien d'auteurs célèbres doivent leur fortune
à d'obfcurs écrivains qu'ils n'ont jamais
daigné nommer ? On a dit qu'une penfée
appartenoit à celui qui la rendoit le mieux:
cela refTemble au droit du plus fort. Dans le
fait , il eft du moins vrai que l'homme de
génie eft fou vent comme le ver à foie qui file
pour l'ouvrier : Sic vos , non vobis, . . .
Mais le foin qu'on prend de polir le ftyle
ne peut-il pas refroidir l'imagination & ra-
lentir la penfée ? Non, lorfque le poète fe
hâte d'abord de répandre fes idées dans toute
leur rapidité , & ne donne à la correction
que les intervalles du génie. Dans ce premier
jet , I'expreiîion fe fond avec la penfée , &
ne faifant plus qu'un même corps avec elle ,
nelaifté à la réflexion que des traits à re-
chercher & des contours à arrondir. Rien
n'eft plus vif ni plus élégant que les feenes
pafïionnées de Racine ; c'eft ainfi qu'il les a
travaillées ; c'eft ainfi fans doute qu'a voit
commencé celui qui eft mort à vingt-fept
ans , & nous a laifle la Pharfale.
L'harmonie & le coloris diftinguent fur- •
tout le fty'e de Yépopée. Il y a deux fortes
d'harmonie dans le ftyle , l'harmonie con-
trainte , & l'harmonie libre : 1 harmonie
contrainte , qui eft celle des vers , réfulte
d'une divifionfimmétrique & d'une mefure
régulière dans les fons. Bornons- nous au"
vers héroïque, le feul qui ait rapport à ce
que nous voulons prouver.
On fait que l'hexamètre des anciens étoit
compofé de fix mefures à quatre temps :
c'eft d'après ce modèle que fuppofant lon-
gues ou de deux temps toutes les fïllabes de
notre langue , on en a donné douze à notre
vers Alexandrin. Mais comme notre lan-
gue , quoique moins daclilique que le grec
& le latin, ne laifle pas d'être mêlée de
longues & de brèves , &que le choix en eft
arbitraire dans les vers, il arrive qu'un vers
a deux , trois, quatre, & jufqu'à huit temps
de plus qu'un autre vers de la même mefure
en apparence.
Je ne veux que la voir, foupirer & mourir.
Traçât à pas tardifs un pénible Jîllion.
Ainfi le mélange de fïllabes brèves & lon-
gues détruit dans nos vers la régularité de
la mefure; or point de vers harmonieux fans
758 E PO
ce mélange ; d'où il fuit que l'harmonie &
la mefure font incompatibles dans nos vers.
Le choix des fons y eft arbitraire : ce n'eft
donc pas encore ce choix qui rend nos vers
préférables à la profe. Enfin la rime y qui
peut caufer un moment le plaifir de la fur-
prife , ennuie & fatigue à la longue. Qu'eft-
ce donc qui peut nous attachera une forme
de vers qui n'a ni ryhtme ni mefure, & dont
f irréguliere fimétrie prive la penfée , le
fentiment & l'expreflion des grâces nobles
de la liberté ?
La profe a fon harmonie , & celle - ci ,
que nous appelons libre , fe forme, non de
tel ou de tel mélange de fons régulièrement
divifés , mais d'un mélange varié de ftlla-
bes faciles , pleines & fonores , tour à tour i
lentes & rapides , au gré de l'oreille, & donc
les fufpenfions & les repos ne lui biffent
rien à fouhaiter. Là tous les nombres que
Foreille s'eft choifis par orédiîe&ion, d'ac-
tile , fpondée , ïambe , &c. fe fuccedent &
s'allient avec une variété qui l'enchante &
oe la fatigue jamais. : la mefure précipitée
ou foutenue , interrompue ou remplie, fui-
vant les mouvemens de î'ame , laifTeau fen-
timent , d'intelligence avec Pbreille, choi-
lîr & marquer les divifîons : c'eft là que le
trimetre, le tétrametre, le pentamètre trou-
vent naturellement leur place; car c'eft une
affectation puérile que d'éviter dans la profe
la mefure d'un vers harmonieux , fi ce n'eft
peut-être celle du vers héroïque , dont le
retour continu eft trop familier à notre |
oreille , pour qu?elle ne foit pas étonnée de
trouver ce vers ifolé au milieu des divifîons
irrégulieres de la profe. KELOCUTION.
Que l'harmonie imitative ait fait une
des beautés des vers anciens , c'eft ce qui
n'eft fenfible pour nous que dans un très-
petit nombre d'exemples ; quelquefois elle
geint le phyfique :
Nec brachia longa-
Margine terrarum porrexerat Amphurite.
quelquefois elle peint l'idée :
Magnum Jovis incrementum.
Monftrum horrendum , informe , ingens y
cui'lumen ademptum.
Mais rien n'eft plus difficile ni plus rare que
de donner à nos vers cette expreiîion har-
E P O
monîque; & fi notre langue en eft fufceptî-
ble , ce n'eft tout au plus que dans la profe ,
dont la liberté laide au goût & à l'oreille du
poète le choix des termes & des tours : c'eft
peut-être ce qui manque à la profe nom-
breufe, mais monotone, du Télémaque.
Cependant, il faut céder à l'habitude
où nous fommesdevoirdes poèmes en vers,
Il y auroit un moyen d'en rompre la mono-
tonie , & d'en rendre jufqu'à un certain
point l'harmonie imitative : ce feroit d'y
employer des vers de différente mefure, non
pas mêlés au hafard , comme dans nos poé-
nes libres, mais appliqués aux différens gen-
res auxquels leur cadence eft le plus analo-
gue. Par exemple , le vers de dix fillabes ,
comme le plus fimpîô, aux morceaux pa-
thétiques ; le vers de douze aux morceaux
tranquilles & majeftueux ; le vers do huit
aux harangues véhémentes; les vers de fept,
de fix & cinq aux peintures les plus vives
&c les plus fortes.
On trouve dans une épître de l'abbé d«
Chaulieu au chevalier de Bouillon, un exem-
ple frappant de ce mélange de différentes
mefures.
Tel qu'un rocher dont la tête
Egalant le mont Athos ,
Voit àfes pies la tempête
Troubler le calme des flots.
La mer autour bruit & gronde ;
Malgré /es émotions ,
Sur fon front élevé règne une paix profonde ,
Quêtant d'agitations >
Et que les fureurs de fonde
Refpeclentâ l'égal du nid des Alcyons*
Mais faudroit-il éviter le retour fatigant
de la rime redoublée , croifer les vers, &
varier les repos avec, un art d'autant plus
difficile, qu'il n'a point de règles.
^ Le coloris du ftyle eft une fuite du colo-
ris de l'imagination ; & comme il en eftin-
féparable , nous avons cru devoir les réunir
fous un même point de vue.
Le ftyle de la tragédie eft commun à
toute la partie dramatique de l'épopée. Voy.
Tragédie.
Mais la partie épique permet, exige mê-
me des peintures plus fréquentes & plus vi-
ves: ou ces peintures préfentent l'objet fous
fçs propres traits , & on les appelle deferip*
E P O
fions ; où elles le préfente revêtu de cou-
leurs étrangères , & on les appelle images.
Les defcriptions exigent non feulement
une imagination vive , forte & étendue ,
pour faifir à la fois l'enfemble & les détails
d'un tableau vafte , mais encore un goût dé-
licat & sûr pour choifir & les tableaux , &
les parties de chaque tableau qui font dignes
du poème héroïque. La chaleur des deferip-
tions eft la partie brillante & peut-être ini-
mitable d'Homère; c'eft par- là qu'on a com-
paré fon génie à fejjitu d'un char qui sembraf-
fe par fa rapidité.... Ce feu , dit- on, n'a quà
paroître dans les endroits où manque tout le
refte , & fût-il environné d'abfurditéy on ne le
verra plus. {Préj. de C Homère AngL de Pope.)
Ceft par-là qu'Homère a fait tant de fanati-
ques parmi les favans , & tant d'enthoufiaf-
tes parmi les hommes de génie : c'eft par-là
qu'on l'a regardé tantôt comme une fource ,
intarifiable où s'abreuvaient les Poètes ,
A quo ceu fonte perenni
Vatum pieriis or a rigantur aquis. Ovid.
tantôt comme l'avoit repréfenté le peintre
Galathon , cujus vomitum alii poetee adjlantes
abforbent. (Elianus , /. XIII.
Mais ce n'eft point afTez de bien pein-
dre , il faut bien choifir ce qu'on peint :
toute peinture varie à fa beauté ; mais cha-
que beauté a fa place. Tout ce qui eft bas ,
commun , incapable d'exciter la furprife ,
Fadmiration , ou la curiofîté d'un lecteur
judicieux , & déplacé dans Y épopée.
Il faut , dit-on , des peintures fimples &
familières pour préparer l'imagination à fe
prêter au merveilleux : oui fans doute ; mais
le fimple & le familier ont leur intérêt &
leur noblefle. Le repas d'Henri IV. chez
le folitaire de Gerfai, n'eft pas moins na-
turel que le repas d'Enée fur la côte d'Afri-
que : cependant l'un eft intéreflant , &
l'autre ne l'eft pas. Pourquoi ? Parce que
l'un renferme les idées accefToires d'une
vie tranquille & pure , & l'autre ne pré-
fente que l'idée toute nue d'un repas de
voyageurs.
Les poètes doivent fuppofer tous les dé-
tails qui n'ont rien d'intéreiîànt , & aux-
quels la réflexion du leâeur peut fuppléer
fans efforts ; ils feroient d'autant moins
cxcufalles de puifer dans cei fources lléri-
EPO 7J9
les , que la philofophie leur en a ouvert
de très-fécondes. Pope compare Je génie
d'Hômere à un afire qui attire en fon tour-
billon tout ce qu'il trouve à la portée de fes
mouvemens : &en effet Homère eft de tous
les poètes celui qui a le pus enrichi !a poé-
fie des connoiftances de fon fiecle. Mais
s'ilrevenoit aujourd'hui avec ce feu divin ,
quelles couleurs, quelles images ne tireroit-
il pas des grands erfets de la nature , fi fa-
vamment développés , des grands erfets
de l'induftrie humaine , que l'expérience
& l'intérêt ont porté li loin depuis trois mille
ans? La gravitation des corps, la végéta-
tion des plantes , l'inftinct des animaux , les
développemens du feu, l'action de l'air , ùc.
les mécaniques, Tafironomie , la naviga-
tion, &c. voilà des mines à peine ouvertes, où
le génie peut s'enrichir : c'eft de-là qu'il peut
tirer des peintures dignes de remplir les in-
tervalles d'une action héroïque : encore
doit-il être avare de l'efpace qu'elles occu-
pent , &ne perdre jamais de vue un fpec-
tateur impatient , qui veut être délôfle fans
être refroidi , & dont la curiofité fe rebute
par une longue attente , fur-tout lorfqu'il
s'apperçoit qu'on le diftrait hors de propos.
C'eft ce qui ne manqueroit pas d'arriver ,
fi, par exemple, dans l'un des intervalles
de l'action on employoit mille vers à ne
décrire que des jeux ( Enéide , /. V. ) Le
grand art de ménager les deferiptions eft
donc de les préfenter dans le cours de l'ac-
tion principale , comme les palfages les plus
naturels , ou comme les moyens les plus
fimples. Art bien peu connu , ou bien né-
gligé jufqu'à nous.
Il nous refte à examiner la partie des
images ; mais comme elles ne font commu-
nes à tous les genres de poéfie,& que la théo-
rie en exige un détail approfondi, nous
croyons devoir en faire un article féparé.
Voye{ Image.
Nous n'avons pu donner ici que le fom-
maire d'un long traité ; les exemples fur-
tout , qui appuient & développent fi bien
les principes , n'ont pu trouver place dans
les bornes d'un article : mais en parcourant
les poètes , un lecteur intelligent peut aifé-
ment y fuppléer. D'ailleurs , comme nous
l'avons dit dans YarticieCRITIQUE, l'auteur
qui , pour cempofer un f oè'me , a befoia
rt6o E P O
d'une longue étude des préceptes , peut s'en '
épargner le travail. Cet article efi de M.
Marmontel.
M. de Suider a fait auffi des obfervations fur
la nature , l'origine & le caraclcre du poëme
épique.
L'homme , dit-il , eft naturellement por-
té à s'occuper des grandes aventures ; il s'y
arrête avec plaifir , il tâche de fe repréfen-
ter aufîi vivement, & avec autant de pré-
cision qu'il eft pofîible , ce que ces faits ont
d'intérefTanr. Si l'action a beaucoup d'éten-
due , fi el'e renferme des événemens com-
pliqués , nous cherchons à débrouiller ce
qu'il a d'eiTentiel , à le mettre en ordre
dans notre efprit, afin de pouvoir envifager
Penfemble d'un coup d'ceif. Nous ne nous
bornons pas au récit de 1 hiftorien , nous y
ajoutons les circonftances que nous vou-
drions y trouver, & notre imagination don-
ne aux perfonnages & aux chofes , une fer-
me & un coloris. Nous nous efforçons d'ap-
procher le héros de près, pour voir leur
attitude , leurs geïfes , les traits de leur
vifage , entendre le ton de leur voix , &
comprendre leurs difeours. S'ils fe taifent,
nous voulons au moins deviner leurs pen-
fées fur leur phyiionomie ; fouvent nous
nous mettons à leur place, pour mieux fentir
les mouvemens de leur ame, & l'impief-
fion que les objets font fur eux. Ainii , à
meîure que l'action avance , nous éprouvons
fuccefîivement toutes les pallions , toutes
les agitations qui naifïènt des divers inci-
dens ; nous nous oublions en quelque façon
nous-mêmes, & ne fomrnes plus occupés
que de ce que nous croyons voir &: entendre.
Telle eft lafituatiende tout hemmefen-
fible , aufli fouvent qu'il fe rappelle un évé-
nement mémorable qu'il a vu lui-même ,
ou qu'il a ouï raconter, fie dont il délire de
renouveller encore les agréables impref-
iions. De-là vient le plailir qu'il trouve à
raconter aux autres ce qui l'a frappé. Son
ton s'anime, fes expreilions prennent l'em-
preinte du fentiment ; ce n'eft pas un {im-
pie hiftorien qui rapporte tout uniment les
faits ; il veut peindre les chofes telles qu'il
a fouhaité de les voir , & les exprimer ,
comme il a defiré de les ouïr. C'eft de ce
penchant naturel à raconter des événement
mémorables, avec les additions, les portraits
E P O
& l'ordre particulier que le feu de l'imagi-
nation fupp'ée , qu'il faut dériver l'origine
de Vépopée. Un homme éloquent & fenhbie
à un certain degré , compoferoit , fans y
penfer, un roman poétique, en fe pro-
pofantlïmplernent de faire un récit. Tels
étoient probablement les premiers poèmes
épiques des anciens Bardes. L'art n'y en-
troit encore pour rien : lorfqu'enfuite la
réflexion & l'art font venus au fecours de la
fimple nature , la narration a pris un ton
plus gracieux , une harmonie plus agréa-
ble. L'enfemble a été mieux'ordonneé ; les
parties ont reçu une jufte proportion en-
tr'elles & avec le tout; l'ouvrage entier a
eu une belle forme , & le bon goût échue
par l'étude y a ajouté tout ce qui pouvoit y
répandre plus d'agrément ; ainli , Vépopée ,
production de l'art , a fuccédé au récit na-
turel , comme les édifices lomptueux aux
abris que la nature ofFroit à l'homme dans
les premiers âges. Au fimple nécefîàire , &
à ce que le fentiment feul di&oit , s'eft joint,
ce qu'une méditation réfléchie , & un goût
perfectionné a pu inventer pour embellir
1 ouvrage. Ainfi, quiconque entreprendroit
de donner une théorie exacte de l'art épi-
que, devroit, comme dans la théorie de
l'architecture, remonter d'abord jufqu'à ce
qui a dû précéder tout art; rechercher ce
qui n'eft que naturel & indifpenfable , &
pafTer enfuite à ce que l'art a ajouté pour
perfectionner les premiers effais.
Mais les critiques n'ont pas fuivi cette
méthode. Ariftote, l'un des plus anciens
d'entr'eux, frappé de la beauté des poèmes
épiques d'Homère , les établit pour modè-
les , fans rechercher ce qu'il y avoit de na-
turel &: d'indifpenfable, & le diftinguer du
fimplement accefîb:re. Les critiques qui
l'ont fuivi, ont tenu la même route : il fe
font efforcés d'établir des règles pour fixer
les qualités de Vépopée , jufque dans le moin-
dre détail ; mais ils ont rarement remonté
jufqu'au premier principe. De-là vient que
cette partie de !a poétique eft , comme tant
d'autres , furchargée de règles & de précep-,
tes , dont un bon nombre eft , ou purement;
arbitraire , ou même faux.
Nous nous propofons de fuivre les traces
de la nature pour découvrir ce qui conftitue
PeiTentiel de Vépopée. Si nous réuiTiflons à
deviner
EPO
deviner l'origine & le cara&ere des premiers
chants épiques , de ces ébauches autofche-
diafmatïques , c'eft ainfî qu'Ariftote nomme
les premiers effais d'un génie fans cukure ,
il fera ailé d'en inférer ce que la réflexion &
le goût ont contribué à rembellifTement fuc-
cefTifdecesgroflieres productions.
Nous avons déjà dit que le premier ger-
me de V épopée fe trouve dans le penchant
naturel que nous avons de raconter aux au-
tres, & de nous rappeler vivement à nous-
mêmes ies faits intéreflans qui nous ont frap-
pés. Des hommes qui ont concouru enfem-
ble à quelque expédition , ne peuvent guère
fe rencontrer fans en parler : chacun raconte
la partie de l'événement à laquelle il a pris
la plus grande part , ou qui l'a plus touché.
C'eft par le même principe de plaifir que
chez les nations grofîieres on inftituoit des
fêtes publiques en commémoration des évé-
nemens remarquables , & fur-tout des ex-
ploits auxquels elle avoit eu part.
Dans ces fêtes folennelles les efprits font
déjà naturellement échauffés , & fufcepti-
bîes des fentimens les plus vifs. Ceux qui
ont participé à l'a&ion qu'on célèbre, s'a-
vancent au milieu de l'aflemblée ; & pleins
du feu qui les anime encore, en font un
récit circonftancié , pathétique & pittoref-
que. Il eft probable , il eft même historique-
ment vrai de certains peuples , que le fou-
venir des grands événemens a été perpétué
chez diverfes nations pendant plufieurs fîe-
cles par des fêtes annuelles établies à cet
effet. Lorfqu'après une ou deux générations,
il ne reftoit plus de témoins vivans , c'étoit
à ceux qui étoient doués d'une imagination
vive > &c que le fentiment échauffent, à re-
tracer à l'auditoire affemblé l'hiftoire de
leurs ancêtres.
Il eft très-poflible que pour avoir l'hon-
neur de parler en public dans ces folenni-
tés , des hommes de génie fe foient exercés
à des comportions épiques, & qu'infenfible-
mentla commémoration publique des an-
ciens événemens foit devenue un art. Telle
a propablement été la première vocation
des barbes , d'où vinrent enfuite les poètes ,
d'exalter le fentiment ; quand on fe rappelle
combien la mufique , même le fimple bruit,
a d'énergie pour entretenir l'émotion du
cœur , on ne doutera pas qu'on n'ait em-
ployé la mufique pour accompagner & fou-
tenir les récits publics. On fait d'ailleurs
que la mufique fait partie des fêtes chez les
peuples les plus fauvages ; ainfl il eft très-
vraifemblable que c'eft ce qui a introduit le
mètre dans ce narrations.
Les premières épopées des Bardes étoient
donc des récits pathétiques d'exploits na-
tionaux , qu'ils chantoient dans les affem-
blées publiques. Lefujetrouîoit fur des faits
déjà connus , qu'il n'étoit pas tant queftion
de rapporter hiftoriquement , que d'orner
de tous les traits propres à réveiller le fenti-
ment , & à enflammer les efprits d'un zèle
patriotique. Il s'agiffoit moins de fuivre
f crupuleufement le fil de l'hiftoire , que de
choifir ce qu'elle contenoit de plus capable
de toucher le cœur. Il falloit fur-tout pein-
dre les principaux perfonnages , les héros
dont on chantoit les prouefies , avec tant
de force & de vérité , que chaque auditeur
crût les voir encore au milieu de leurs
exploits.
Le Barde ne pouvoit prendre pour le fu-
jet de fon chant que l'a&ion unique dont
on célébroit la mémoire, car chaque fête
n'avoit qu'un feul événement capital pour
but de fon inftitution ; & les chants defti-
nés a retracer cet événement ne dévoient
pas être trop longs , pour ne pas laffer l'af-
femblée.
Voilà jufqu'où il eft permis de pouffer les
conjectures fur l'origine de V épopée ; le cri-
tique ne doit pas la perdre de vue , pour ne
pas gêner mal à propos le poète épique par
des règles arbitraires , qui ne feroient pas dé-
duites de la nature primitive de ce genre de
poème.
On peut réduire à très-peu de préceptes
ce qui lui eft effentiel. L'unité d'action , l'in-
térêt & la grandeur de l'événement, la ma-
nière de le rapporter , plus épique qu'hifto-
rique. Des peintures faillantes des héros , &c
de leurs exploits , une diclion très-pathéti-
comme les rhéteurs fuccéderentaux anciens ! que, mais qui ne s'élève pas tout à fait juf-
Démagogues. I qu'à l'enthoufiafme. Tout poème qui réu-
Quand on réfléchit que le principal but s nira ces qualités méritera le nom à'épopée.
<de ces fêtes folennelles étoic d'exciter & I L'unité d'a&ion tient à l'origine même
Tome XI J. Ddddd
7é2 E P O
de ce poème, il y a apparence que d'abord
l'action fut relTerrée à un feul événement , à
une feule bataille , ou même à un combat
lingulier. Mais le poème épique étant deve-
nu un ouvrage de l'art , l'action eut plus d'é-
tendue , fans ceiTer néanmoins d'être une ; la
duplicité d'action auroit dénaturé l'épopée.
D'ailleurs , fans remontera l'origine de
ce poème , on n'en fentira pas moins la né-
cefîité de cette première condition. Le poète
n'a pas ici le but d'inftruire ; il veut toucher.
Un grand objet a réveillé toute l'activité de
fon cœur & de fon imagination ; plein du
feu qui l'agite , il ne parle que de ce qu'il
voit , & de ce qu'il fent. Ainfi , fon objet
eft naturellement unique :.de plus, le but
qu'il fe propofe exige nécessairement l'unité
d'action. Il veut exciter de grands mouve-
mens dans l'ame de fes auditeurs , leur inf-
pirer des fentimens généreux , en faire des
hommes d'un ordre fupérieur. Pour attein-
dre à ce but , il doit retracer l'événement
principal avec les couleurs les plus vives, &
par les traits les plus frappans. Ses tableaux
doivent être bien circonftanciés , afin que
l'auditeur faififîe tout parfaitement , qu'il
s'émeuve & fe paftionne ; le caractère des
principaux perfonnages demande d'être
pleinement développé ; on veut les connoî-
tre jufques dans le plus petit détail. Des ré-
cits abrégés ne fatisferoient pas , on attend
pour l'ordinaire des defcriptions bien éten-
dues d'un fait qui intérefte : le poème de-
viendrait donc d'une longueur infoutena-
ble , s'il renfermoit plus d'une grande
action.
L'épopée a d'ailleurs ceci de commun avec
' tous les ouvrages de l'art, que plus l'atten-
tion eft invariablement fixée fur l'objet ;
plus PimprefTion eft déterminée, plus auiïl
l'ouvrage eft parfait. Or , cet effet n'a com-
plètement lieu que dans les ouvrages où la
variété fe réunit en un feul point , c'eft-à-
dire, où tout réfulte d'une feule caufe , ou
bien aboutit à un feul effet ; c'eil ce qui fait
l'unité parfaite de l'action. On la reconnoît
aifément dans un poème ; il ne faut que
voir fi l'on peut en exprimer le contenu en
peu de mots ; de forte que l'enfemble ne foit
qu'une amplification de ce précis. Quoi de
plus fimple que l'action de l'Iliade , ou celle
de fOdyflée ! Chacun de ces poèmes n'a
E P O
qu'une feule caufe qui produit tout. On erî
peut dire autant de PEnéïde. Voy. V article.
Action,
L'unité d'action eft donceffentielleà IV-
popée , & plus cette action fera fimple, plus
elle fera parfaite. Leromanefque & la mul-
titude d'aventures fingulieres, qui ne frap-
pent que l'imagination , font oppofées au
génie de V épopée. Le premier but du poète
eft de peindre les grandes actions, d'en
montrer le germe dans le fond de l'ame ,
& d'en fuivre le développement à mefure
que les forces de cette ame fe déploient avec
plus d'énergie. C'eft là fon véritable fujet ;
les événemens ne font que le canevas fur le-
quel il trace fes tableaux. Il en eft du poème
épique comme du genre hiftorique en pein-
ture. Le but du peintre eft, fans contredit ,
de defiiner des perfonnages , d'en exprimer
les fentimens , le caractère & l'action. Mais
pour remplir ce but , il lui faut une fcene ,
un lieu où il puilfe placer fes figures. Il en-
tendroit bien mal les règles de fon art , s'il
s'avifoit d'enrichir ce lieu de tant d'objets
brillans & variés, que fes perfonnages en
fuiTent éclipfes , & que l'œil s'attachât de
préférence fur ces horsd'œuvre. Le poète
pécheroit par le même endroit s'il furchar-
geoit Y épopée de quantité de chofes qui n'in-
téreffent pas immédiatement le cœur.
Il eft donc très-avantageux pour l'effet
de X épopée , qu'elle renferme peu de maté-
riaux ; que l'action foit fimple ; qu'elle fe
développe fans embarras ; que l'imagina-
tion fuive fans peine le fil des événemens.
Le poète fe ménage de cette manière plus
de place pour tracer fes tableaux , qui font
l'efTentiel du poème , & l'imagination du
lecteur eft moins diftraite. L'Iliade à cet
égard eft bien fupérieure à l'Enéïde. Ce der-
nier poème occupe bien plus l'imagination ,
que l'efprit & le cœur. Virgile s'epuife en
tableaux de fantaifie , &: ne fe ménage , ni
affez de place , ni aftez de force pour pein-
dre l'homme. Le poète épique doit éviter
de fatiguer l'imagination du lecteur ; c'eft
le défaut de la fubîime Mefïiade de Kiop£
tock, des lecteurs qui n'ont pas eux-mêmes
une imagination fi exaltée s'y perdent. Dans
I l'OdyrTée , lanéceflité excufe ce grand nom-
, bre de fcenes de farftaifie. Le poète n'avoit
qu'un feul homme à peindre , il falloic en-
E P O
développer le caractère j'ufque dans les
moindres traits : c'eft pour cela qu'il le fait
pafler par tant d'aventures singulières.
L'action de V épopée doit être intéreftante
& grande. Inréreffante , afin d'exciter l'at-
tention, fans laquelle le poète perd fa peine,
& devient plus ridicule , plus fon ton eft
pathétique. Le ton doit s'élever à la hauteur
du fujet. Des entreprifes , des événemens
d'où dépend le fort d'une nation entière ;
voilà les objets les plus propres à V épopée ,
mais il faut encore qu'ils aient une certaine
grandeur au dehors : ce qui exifte tout à
coup , & produit un effet fubit , peut à la
vérité être très-important , mais ne feroit
pas le fujet d'un poème épique. Un trem-
blement de terre pourroit abîmer une con-
trée entiere.L'événement ne feroit que trop
intéreffant , & fourniroit la matière d'une
ode très-fublime : mais on n'en fauroit faire
une épopée , parce que le fujet n'a point de
grandeur en étendue. Il faut dans le poème
épique une action qui exige de grands efforts
de divers genres , qui rencontre de puiffans
obftacles, où les perfonnages foient toujours
dans la plus grande activité , afin que le
poète ait lieu de développer toutes les forces
du cœur humain. Voilà pourquoi , bien que
Milton & Klopftock aient choifl chacun un
fujet très-intéreffant en lui-même , ces poè-
tes ont été obligés de recourir aux ridions
les plus hardies pour donner une plus grande
étendue à ce qui n'eût été que la matière
d'une ode. La grandeur de l'action ne con-
fîfte , ni dans la longeur du temps , ni dans
le nombre des occupations. Une action d'un
jour peut furpaffer en grandeur l'action de
plusieurs années. Ce qui en fait la grandeur,
c'eft qu'un grand nombre de perfonnes de
différens caractères y déploient leurs forces
& leur génie, & s'y développent elle-mêmes
d'une manière à intérefler fortement le lec-
teur , & à le fatisfaire pleinement.
L'hiftorien traite fon fujet autrement que
le poète ; il ne fera pas inutile d'approfondir
en quoi la différence confifte efTentielle-
ment.Lebutde l'hiftoire eft d'enfeigner les
faits ; ainfi l'hiftorien doit fuppofer que fon
lecteur les ignore: le poète au contraire,peut
fuppofer que le fond de fon fujet eft connu ;
il n'a en vue que de nous retracer ce que
nous favons déjà hiftoriquement , de la ma-
E P O 76^
niere la plus propre à nous émouvoir forte-
ment!! entre donc de plein faut en matière,
fans avoir befoin de préliminaires. Il ne
s'occupe qu'à bien choisir le point de vue ,
l'ordre,& le jour le plus favorable', pour que
fon récit fafiè une vive impreffion. Il peine
tout dans un plus grand détail , &avec des
traits plus marqués que ne le feroit l'hifto-
rien. Il ne nous raconte pas en gros , ni en
fon propre ftyle , qui ont été les perfonna-
ges , ce qu'ils ont dit & fait jadis ; il nous
les ramené fous les yeux ; nous croyons les
voir agir actuellement; nous les entendons
parler chacun fon propre langage ; nous fui-
vons tous leurs mouvemens. S'agit-il de
quelque événement remarquable , le poète
commence par arranger le lieu de la feene ,
tout ce qui tombe fous les yeux eft mis à fa
place , enforte que fans fatiguer davantage
notre imagination, auili-tôt qu'il introduit
i^es perfonnages, toute notre attention peut
fe tourner fur eux pour les voir agir. Dans
les deferiptions, V épopée emploie les couleurs
les plus vives , accumule, s'il le faut, compa-
raifons fur comparaifons , & anime toute la
nature. En un mot, le poème épique tient
le milieu entre une narration historique &
une repréfentation dramatique.
Mais ce qui diftingue principalement IV-
popée , ce font les portraits & les tableaux.
Son grand but eft de nous faire voir d'aufîi
près qu'il fe peut des perfonnages illuftres ,
leurs fentimens & leurs actions , & par co:>
féquent aufîi les objets qui les occupent. Si
l'on retranchoit du poème ces peintures dé-
taillées , on le réduiroit prefque à une (im-
pie relation. Les portraits font donc une
partie très-eflentielle def 'épopée ; c'eft à cela
qu'on reconnoît principalement le génie du
poète, & fa connoifiance du cœur humain.
Mais ces portraits ne font pas de {impies de£
criptions abftraites, ce font des tableaux vi-
vans, dans lefquels les perfonnages font vus
par leurs actions & par leurs dsfeours. Tels
font les portraits des héros d'Homère. Cha-
cun a fon caraclere diftinctif , fon tour de
génie particulier , qui fe déploie avec la plus
grande vérité à chaque rencontre , foit en
parlant , foit en agiffant.Dans tout le cours
du poème, on reconnoît toujours , malgré
la variété des circonstances , le même per-
fonnage , parce qu'il conferve fon ton indi-
Dddd 2,
7^4 E P O
viduel , qui refte toujours femblable à lui
feul , & que fa manière de s'exprimer ou
d'agir n'appartient qu'à lui.
Il n'eft pas néceffaire de faire fentir com-
bien de fagacité , de connoiffance des hom-
•mes, & defoupîeffede génie tout cela exige.
Le poète doit connoître par expérience les
divers caracleres, les différens principes qui
influent fur les actions. Il doit affigner à
chaque perfonnage une teinte naturelle du
Jfiecle , des mœurs & du caractère national.
Il doit favoir fe tranfporter dans les temps
& dans les lieux de l'acîion ; & afin que cha-
que caractère puifïè bien fe développer , il
faut ordonner l'action de manière que cha-
cun des principaux perfonnages fe trouve
dans plufieurs fituations différentes , plus
ou moins critiques ; tantôt occupé de fes
propres affaires , tantôt de celles des autres,
foit pour les favorifer,ou pour les traverfer.
Ajoutons à cela que tous ces perfonnages
doivent avoir une grandeur idéale un peu
au deffus de la grandeur naturelle. Car pour
que faction foit grande & extraordinaire ,
il faut que les acteurs foient diftingués du
commun des hommes ; que tout en eux juf-
tifie le ton élevé fur lequel le poète a débuté
à leur égard. S'il ne nous montroit que des
hommes ordinaires , fon ftyle emphatique
paroîtroit entré , & d'ailleurs le but du
poème feroit manqué ; il doit toujours être
d'élever Tefprit & les fentimens du lecteur.
On exige encore de Yépopêe qu'elle foit
înflruûive.Comme le defTein du poète n'eft
pas de nous apprendre les faits , il fe pro-
pofe en nous les retraçant de nous donner
d'utiles leçons , mais à fa manière , & non
en moralilles ; point fur le ton d'un philo-
fophe dogmatique , mais en poète :
Qui quid fit pulchrum , quid turpe , quid
utile , quid non
"JPl'inius ac melius Chryfippo & Crantore
ditit.
Il inftruit par la voies des exemples; il
nous montre comment des hommes d'un
jugement profond , d'un efprit élevé , ?gif-
fent dans les grandes occaïions. Le poète ne
differts pas ; il ne fait point d'applications
morales ; il ne cherche pas même à inftruire
par des fentences générales q.u'il feroit dé-
fi P O
biter à fes héros ; il ne dit point comment"
il faut penfer & agir ; il fe contente de nous
faire voir des hommes qui agiffent & qui
penfent.
Quelques critiques ont cru que Vépopée
devoit inftruire par la nature même de l'é-
vénement, & par le fuccès heureux ou mal-
heureux que le dénouement amené. Mais
cette manière d'inftruire appartient propre-
ment à Phiftoire , elle n'eft qu'accidentelle
au poème épique. Le fujet entier de l'Iliade
n'a rien de fort inftructif , & réduit enfim-
ple récit , on n'en tireroit qu'une morale
aflez froide. L'influence vraiment énergi-
que de l'épopée fur les mœurs , conftfte dans
les actions & la manière noble de penfer-
des héros. Ceft par-là que toute la Grèce
a regardé Homère comme le premier infti-
tuteur des hommes.
Il nous refte encore à parler du ftyle de
Vépopée. Le poète plein de la grandeur du
fujet qu'il chante , s'énonce d'un ton pathé-
tique , foîennel , & qui tient de l'enthou-
fiafme. Des termes forts & harmonieux dif-
tinguentfonexpreffion del'expreffion ordi-
naire. Il trouve des tours qui anoblifïent
l'idée des chofes communes. Il évite les
liaifons ordinaires , & les manières de par-
ler trop familières. Sa conftruction n'eft pas
celle du vulgaire ; & comme fon imagi-
nation échauffée voit tous les objets exac-
tement defîinés fous fes yeux _, il eft plus ri-
che que l'hiftorien en épithetespittorefques.
Son ton porte toujours l'empreinte du fen-
timent préfent : doux, ou impétueux, félon
la fituation actuelle de Pefprit.A menue que
l'action devient plus vive , la paflion s'ani-
me , & le ton s'élève : ce qui feroit de l'en-
flure chez l'hiftorien , n'eft que la fimple
nature chez le poète , parce que le propre
des grandes partions eft de troubler la raifon,
& que l'enthoufiafme rend fuperftitieux ;
dans cet état, un concours fortuit des caufes
paroît l'ouvrage de quelques puiftances fu-
périeures; les êtres inanimés femblent avoir
une intelligence & une volonté. Si un coup
de foudre effraie, & fait reculer les chevaux
deDiomede , le poète dans fon enthoufiaf-
me voit' le père des dieux & des hommes ,
ciui, pour prévenir un effroyable carnage ,
vient interpofer fon autorité, & féparer les
comba.ttans.En général le ton élevé & par
E P O
thétique de V épopée exige aufîi un langage
extraordinaire.il femble que la profe la plus
majeftueufe n'y fuffit pas. L'hexamètre des
Grecs paroît de mieux y convenir. Il en eft
à cet e'gard , comme à celui des ordres d'ar-
chitecture. On n'eft pas aftraint à fuivre
fcrupuleufement les modèles des anciens ;
nais plus on en approche , plus l'architec-
ture eft belle. L'hexamètre n'eft pas efïen-
tiel à 1! 'épopée , mais c'eft de tous les vers
celui qui y femble le plus propre.
Voilà tout ce qui femble conftituer l'ef-
fencedupoeme épique. Un poème qui réu-
nira toutes ces conditions , quel qu'en foit
d'ailleurs le fujet , la forme , l'étendue & le
genre du mètre , peut prétendre à la quali-
fication d'épopée. La forme en varie à l'in-
fini , depuis l'Iliade d'Homère , jufqu'aux
campagnes de Marlborough , chantées
p3r Addifïbn. Il y a apparence que le fujet
de l'épopée ne roula originairement que fur
des expéditions militaires ; mais Homère
montra déjà par fon Odyflee qu'on pou-
voit choifir d'autres événemens. Quelques
critiques font dans l'idée que la forme du
poème épique a été invariablement fixée
par Homère ; mais le Fingal d'Ofîian eft
d'une tout autre forme, & n'en eft pas moins
une épopée. N'exigeons du poète que l'ef-
fentiel de le poélie épique , & laifïbns le
relie à fon génie & à fon choix. Ne préten-
dons pas même qu'il introduife des intelli-
gences fupérieures pour mettre du merveil-
leux & du furnaturel dans fon poème. La
grandeur peut très-bien fe trouver dans des
actions humaines, & exciter notre admira-
tion. Il fuffit que le génie du poè'te foit vrai-
ment grand. Ce n'eft pas ce que les divi-
nités font dans l'Iliade qui en conftitue le
merveilleux ; on pourroit le retrancher en-
tièrement, & le poème conferveroit encore
fa grandeur. Quand , au contraire , un génie
médiocre s'eflorce de donner à fon poème
un air de merveilleux en recourant à des
êtres furnaturels , ou même à des êtres allé-
goriques, bien loin d'y ajouter de la gran-
deur, il le rend infailliblement froid. Ne
prefcrivons donc point de règles arbitraires
à cet égard, & laifïbns également au difcer-
nement du poète, tout ce qui concerne le
lieu , le temps & la durée de l'aclion ; qu'il
fatisfaiïe aux conditions effentielles de Yépo-
E P O 76*;
pée , & il s'afTurera un rang parmi le petit
nombre des bons épiques.
Ce que nous avons dit jufqu'ici concerne
proprement la grande épopée , celle qui
chante une action de la première grandeur,
& qui nous fait connoître des perfonnages
d'un caractère fublime , & d'un courage
extraordinaire. Mais on peut encore appli-
quer le ton & la manière épique à des fujets
d'une grandeur moyenne , ce qui produit la
petite épopée qui ne laiffe pas d'être très-in-
térefTante, bien qu'elle ne nous montre pas
des héros du premier ordre.De cette efpece
étoient dans l'antiquité le poème de Héro
& de Léandre de Mufée ; le rapt d'Hélène
de Coluthus , & d'autres encore : nous pou-
vons citer entre les modernes le Jacob de
Bodmer , comme un modèle de ce genre.
Enfin il y a une troifleme efpece d'épopée ,
c'eft celle qui chante de petits objets avec
un ton de dignité, c'eft l'épique badin , ou
comique ; tel eft le Lutrin de Boileau , la
Boucle de cheveux enlevée , &c.
La grande épopée eft , fans contredit , la
plus noble production des beaux arts. Les
anciens regardoient l'Iliade & l'OdyfTée
comme deux fources où le capitaine , l'hom-
me d'état, le citoyen & le père de famille
dévoient puifer la fcience qui leur étoit né-
ceflàire ; ils trouvèrent dans ces deux poè-
mes les modèles de la tragédie & de la co-
médie ; ils eftimoient que l'orateur, le pein-
tre, le fculpteur y pouvoient apprendre les
règles les plus effentielles de leur art. Cette
opinion femble outrée , mais elle ne l'eft
pas. Le poète épique a réellement en fon
pouvoir l'effet qu'on peut attendre de tou-
tes les branches des beaux arts. L'épopée
réunit tout ce que les divers genres de poé-
fîe ont chacun de bon en foi. Tout ce que
les arts de la parole ont d'utile & d'inftruc-
tif , le poème épique peut l'avoir dans un
degré fupérieur. Quel orateur a jamais fur-
pafïe Homère ? Quel effet ont produit les
tableaux & les peintures , dont Homera
n'ait le premier donné les exemples ? N'eft-
ce pas à Homère que Phidias a dû le chef-
d'œuvre de fon art? Quelle notion capable
d élever l'ame , de l'exciter aux derniers
efforts , de réprimer en elle la pafîïon la
plus violente, peut mieux s'infinuer dans
i'efprit , mieux être gravée dans le cœur ,
rjéô E P O
<ju au moyen de la poéfie , & de la poéfie
épique? Affignons donc à Y épopée le rang
fuprême entre les productions de l'art ; &
au poète épique, s'il efi grand dans fon
genre , la prééminence fur tous les artiftes.
Quand on réfléchit quel génie ce genre
fublime exige , on ne fera pas furpris que le
nombre des bonnes épopées foit fi petit. La
Grèce fi fertile en grands génies, n"a compté
que très-peu de poètes épiques , & Rome
n'en a eu qu'un feul qui ait excellé , elle qui
a d ailleurs produit tant d'hommes admira
blés. Les poètes Grecs & Latins qui , après
Homère & Virgile, ont hafardé de fournir
cette carrière 5 bien qu'en affez petit nom-
bre, n'ont pu les fuivre que de fort loin ,
& ne luifent que comme de foibles étoiles
•en comparaifon de ces foleils. Quoique les
feienecs & les arts foient aujourd'hui ré-
pandus dans toute l'Europe , rien n'eft plus
rare cependant qu'une bonne épopée. La
France illuftrée par tant de grands hommes,
n'a encore en ce genre qu'un bien foible
eflai à produire. L Italie , l'Angleterre &
l'Allemagne ont à cet égard l'avantage
d'avoir vu naître des poètes qui peuvent
approcher, ou d'Homère, ou de Virgile.Le
poète Grec fouffriroit avec plaiiir d'avoir
Milton & Klopftock à fes côtés ; & Virgile
ne mépriferoit pas la compagnie du TaiTe.
L'un & l'autre prêteroient quelquefois une
oreille attentive aux chants du Dante & de
l'Ariofte , & admireroient plus d'un tableau
defliné de la main de Bodmer. ( Cet article
eft tiré de la Théorie générale des Beaux- Arts
de M. SVLZER.)
EPOQUE, f. f. ( Logiq.) fufpenfion de
jugement; c'eft l'état de l'efprit par lequel
nous n'établifTons rien , n'affirmant & ne
niant quoi, que ce foit. Les philofophes
feeptiques ayant pour principe , que toute
raifon peut être contredite par une raifon
oppofée & d'un poids égal , ne fortoient
jamais des bornes de Vépoque , & ne rece-
voient aucun dogme. Pour arriver à cette
époque , ils employèrent dix moyens prin-
cipaux , que je vais détailler d'après Sextus
Empiricus , livre I. des hypotypofes , ou infti-
t ut ions pyrrhoniennes.
Le premier eft tiré de la diverfités des
animaux. Voici un précis des exemples &
• des raifonnemens fur lefquels Sextus appuie
E P O
ce premier moyen. Il eft aifé , dit-il , de
remarquer qu'il y a une grande diverlité
dans les perceptions & dans les fenfations
des animaux , ii l'on confidere leur origine
différente & la diverfe conftitution de leur
corps. A l'égard de leur origine , on voit
.qu'entre les animaux , les uns naifTent par
la voie ordinaire de la génération , & les
autres fans l'union du mâle & de la fe-
melle. Ici Sextus s'étend fur ces prétendues
générations fpontanées , que la faine phy-
lique a entièrement bannies. Quant à ceux
qui viennent par l'accouplement des fexes,
continue-t-il , les uns viennent d'animaux
de même efpece , ce qui eft le plus ordi-
naire ; d'autres naiftent d'animaux de dif-
férente efpece , comme les mulets : les uns
naifTent vivans des animaux ; d'autres for-
tent d'un œuf, comme les oifeaux ; d'au-
tres font mal formés , comme les ours.
Ainfi il ne faut pas douter que les diver-
fités & les différences qui fe trouvent dans
les générations , ne produifent de grandes
antipathies parmi les animaux , qui , fans
contredit , tirent de ces diverfes origines
des tempéramens tout à fait différens , &
une grande difeordance & contrariée les
uns à l'égard des autres. Le philofophe
feeptique entaiTe des exemples, qui jufti-
fient ce qu'il a avancé ; d'où il conclue
ainfi : fi les mêmes chofes paroiflent diffé-
rentes à caufe de la diverfité des animaux ,
il eft vrai que nous pourron* bien dire d'un
objet quel il nous paroît ; mais nous nous
en tiendrons à Vépoque , nous demeurerons
en fufpens , nous ne déciderons rien , s'il
s'agit de dire quel il eft véritablement &
naturellement. Car enfin nous ne pouvons
pas juger entre nos perceptions & celles
des autres animaux , lefquelies font con-
formes à la nature des chofes , & la raifon
de cela , c'eft que nous fommes des parties
difcorda:ites & intérefTées dans ce procès ,
& que nous ne pouvons pas être juges dans
notre propre caufe.
Le fécond , de la différence des hommes.
Quand nous accorderions qu'il faut s'en
tenir au jugement des hommes plutôt qu'à
celui des animaux , la feule différence qui
règne entre les hommes , fuffit pour main-
tenir Vépoque. Nous fommes compofés de
deux chofes , d'un corps & d'une ame '9
E P O .
mais à l'égard de ces deux chofes , nous
fommes ditférens les uns des autres en bien
des manières ; du côté du corps , la figure
ou conformation , & le tempérament va-
rient ; Sextus en allègue quantité d'exem-
ples : & quant à l'ame , une preuve de la
différence prefque infinie qui fe trouve
entre les elprits des hommes» c'eft la con-
trariété des fentimens des dogmatiques' en
toutes chofes , & fur-tout dans la queftion
des chofes qu'on doit éviter ou rechercher.
Or , ou nous croirons tous les hommes , ou
nous en croirons quelques - uns. Si nous
voulons les croire tous , nous entrepren-
drons une chofe impoilible , & nous ad-
mettrons des contradictions ; & fi nous en
croyons feulement quelques-uns , auxquels
donnerons-nous la préférence ? Un plato-
nicien nous dira qu'il faut s'en rapporter à
Platon , un épicurien à Epicure ; mais c'eft
précifément cette contrariété qui nous per-
fuade d'en demeurer à Yépoque.
Le troifieme , de la comparaison, des or-
ganes des fens. Nous ne fommes point
certains fi les objets qui fe préfentent à
nous , revêtus de certaines qualités , n'ont
que ces feules qualités ; ou plutôt fi elles
n'en ont qu'une , & fi la diverfité appa-
rente de ces qualités ne vient point de la
différente conftitution de nos organes , ou
enfin s'ils n'ont point plus de qualités que
celles qui nous paroifTent , quelqu'une de
ces qualités pouvant ne pas tomber fous
nos fens. Sextus ne fait qu'ébaucher la
matière des fens de leurs divers rapports &
de leurs erreurs ; au lieu que Malebranche,
dans fon excellente recherche de la vérité ,
l'a prefque épuifée.
Le^cjuatrieme , des clrconflances. Par Ce
terme, dit Sextus , nous entendons les ha-
bitudes , les difpofitions & les conditions
différentes.Ce moyen confifte à confidérer
quelles font les fenfationsôc les perceptions
d'une perfonne, conformes ou non con-
formes à fa nature , dans la veille ou dans
le fommeil , dans les différens âges de la
vie , dans le mouvement ou dans le repos ,
dans la haine ou dans l'amour, quand elle
a faim ou quand elle eft raftafiée , quand
elle a de certaines difpofitions ou habitu-
des , quand elle eft dans la confiance ou
dans la crainte , dans la iriftefTe ou dans la
E P O 7*7
joie. Il eft confiant , & Sextus le prouve
au long , que , fuivant ces différentes dif-
pofitions , les hommes font tantôt dans un
certain état , tantôt dans un autre. Ainfî
l'on peut dire facilement comment un
objet eft apperçu de chacun ; mais il ne
fera pas également facile de prononcer
quel peut être réellement cet objet. Pour
trouver un juge recevable qui décidât entre
ces contrariétés infinies , il faudroit trouver
un homme qui ne fût dans aucune difpo-
fition , dans aucune circonftance : mais
c'eft une fuppofition impoflible.Tout hom-
me eft lui-même une partie difcordante ;
tout homme eft du nombre des chofes dont
on difpute.
Le cinquième , des fituations , des diftan-
ces & des lieux. Selon que ces relations font
différentes t les mêmes chofes paroifTent
diverfement. Un même portique , fi on le
regarde par une des extrémités de fa lon-
gueur , paroît aller toujours en diminuant ;
mais fi on le regarde par fon milieu , il
femble égal par-tout. Un vaiffeau vu de
loin , paroît petit & fans mouvement ; de
près , il paroît grand & en mouvement.
Une même tour vue de loin paroît ronde ,
& de près quarrée.Voilà pour les diftances.
A l'égard des lieux , la lumière d'une lampe
eft obfcure au foleil , & brillante dans les
ténèbres. Une rame paroît rompue dans
l'eau , & droite dehors. Un œuf eft mou
dans le corps de l'oifeau , & dur dehors.
Le corail eft mou dans la mer , & fe durcit
à l'air. Une même voix paroît autre dans
une trompette , autre dans les flûtes , &
autre dans l'air fimpîe. Quant aux pofi-
tions ; une peinture vue prefque tout à fait
de côté , enforte que l'œil ne foit prefque
point élevé au defTus du tableau , paroît
unie ; mais fi l'œil eft plus élevé, fi le ta-
bleau eft moins incliné , ou vis-à-vis de
l'œil , l'image paroît avoir des éminences
&c des enfoncemens. Le cou des pigeons
paroît de diverfes couleurs , fuivant qu'ils
fe tournent. Or tous les objets des fens fe
préfentant à eux de quelque diftance , dans
quelque lieu & dans quelque pofition
( toutes chofes , qui chacune à part caufent
de grandes différences dans les perceptions
& dans les idées ) , nous fommes obliges
par ces raifons-là d'adopter V époque.
j6* E V 0
Le fixieme , des mélanges. Rien de tout
ce qui eft hors de nous , ne tombe fous nos
fens feul & pur , mais toujours avec quel-
qu'autre chofe ; d'où il arrive qu'il eft
apperçu & fenti diverfement par ceux qui
le confiderent. La couleur de notre vifage,
par exemple , paroît autre quand il fait
chaud que quand il fait froid ; ainfi nous
ne pouvons pas dire quelle elle eft pure-
ment & Amplement, mais feulement quelle
elle nous paroit avec le chaud ou avec le
froid. Mais outre les mélanges extérieurs ,
il y en a qui réfident dans les organes mê-
mes de nos fens , & qui varient infiniment
la perception des objets. Nos yeux ont en
eux-mêmes des tuniques & des humeurs.
Ainfi comme nous ne pouvons pas voir les
objets extérieurs , fans le mélange de ces
chofes qui font dans nos yeux , nous ne
pouvons pas non plus les appercevoir pure-
ment & exactement , & jamais nous ne les
appercevons qu'avec quelque mélange C'eft
la raifon pourquoi toutes chofes paroifTcnt
pâles & d'une couleur morte à ceux qui ont
la jaunifTe , & d'une couleur de fang à
ceux qui ont un épanchement de fang dans
les yeux. Il en eft de même des oreilles ,
de la langue , &c lefquelles font fi fouvent
chargées d'humeurs qui modifient l'im-
preiîion des objets de plusieurs façons dif-
férentes. Tous ces mélanges ne permettant
pas aux fens de recevoir exactement les
qualités des objets extérieurs , l'entende-
ment ne peut non plus juger quels ils font
purement & fîmplement, parce que les fens
qui lui fervent de guide fe trompent; outre
que peut-être il mêle lui-même certaines
chofes qui lui font propres i aux perceptions
qui lui viennent des fens.
Le feptieme , des quantités & des compor-
tions. Il eft évident que ce moyen nous
oblige encore à fufpendre nos jugemens
touchant la nature des chofes. Par exem-
ple , les raclures des cornes de chèvres pa-
roiffent blanches , quand on les confidere
fîmplement & à part; mais dans la fubf-
tance même de la corne , elles femblent
noires. Les grains de fable féparés les uns
des autres , paroifïent raboteux , & en
monceau on les trouve mous. Si l'on mange
de l'ellébore réduit en poudre , il étrangle ;
mais il ne fait pas le même effet quand on
E P O
le mangé en gios morceaux , &c. Cette
raifon des quantités & des comportions
fait donc qne nous n'appercevons que d'une
manière obfcure les qualités réelles des
objets extérieurs, & nous conduit encore à
l'époque.
Le huitième , des relations. Toutes chofes
font relatives à quelques autres. Une chofe
peut être dite relative à deux égards : i°. à
l'égard de celui qui juge ; car un objet ex-
térieur paroit tel ou tel , relativement à
quelque être qui en juge : z°. une chofe eft
relative à tout ce qui accompagne la per-
ception ou la confidération de cette chofe.
C'eft ainfi que le côté droit eft relatif au
gauche, on ne peut penfer à l'un fans
penfer à l'autre. Il y a des relations d'iden-
tité & de diverfité, d'égalité & d'inégalité ,
de figne & de chofe fignifiée , fous lefquel-
les tous les êtres fans exception font com-
pris. II eft donc évident que nous ne pou-
vons pas dire ce qu'eft une chofe purement
& de fa nature , mais feulement quelle elle
paroît par rapport à une autre : nouveau
principe d'époque.
Le neuvième , des chofes qui arrivent fré-
quemment ou rarement. Le foleil eft fans
doute quelque chofe de bien plus furpre-
nant à voir qu'une comète ; mais parce
que nous le voyons fouvent , & que nous
voyons rarement une comète , elle nous
épouvante tellement, que nous nous ima-
ginons que les dieux veulent nous préfager
par là quelque grand événement , pendant
que le foleil ne fait point cet effet fur nous.
Mais imaginons-nous que le foleil parût
rarement, ou qu'il fe couchât rarement ,
& qu'après avoir éclairé tout !e monde , il
le îaifsât enfuite pour long-temps dans les
ténèbres, nous trouverions- là de grands
fujets d'étonnement. Un tremblement de
terre effraie tout autrement ceux qui le
fentent pour la première fois , que ceux
qui y font accoutumés. Quelle n'eft pas la
furprife de ceux qui voient la mer pour la
première fois? On eftime les chofes rares ;
mais celles qui font familières , font vues
avec indifférence. Puis donc que les mêmes
objets nous paroiflent tantôt précieux &
dignes d'admiration , & tantôt tout diffé-
rens , fuivant leur abondance ou leur rareté,
nous en concluons qu'on peut bien dire
comment
E P O
comment une chofe nous paroît félon
qu'elle arrive fréquemment ou rarement ,
mais que nous ne faurions rien affirmer
nuement & fimplement fur fon compte.
Le dixième , des inftitut s y des coutumes ,
des loix y des perfuajîons fabitleujes , & des
opinions dts dogmatiques. C eft ici la fource
la plus abondante des contrariétés humai-
nes, & des raifons d'hadhérer à V époque.
Suivons encore notre guide , qui nous
fournit les définitions & ies exemples que
vous allez lire. Un inftitut eft le choix que
l'on fait d'un certain genre de vie , ou
quelque plan de conduite & de pratiques ,
que l'on prend d'une feule perfonne ,
comme par exemple de Diogene , ou des
Lacédémoniens. Une loi eft une conven-
tion écrite par les gouverneurs de l'état ,
laquelle convention emporte avec elle une
punition contre celui qui la tranfgrefle. La
coutume eft l'approbation d'une chofe
fondée fur le confentement & la pratique
commune de plufieurs , dont la tranfgref-
fion n'eft point unie comme celle de la
loi : par exemple , c'eft une loi de ne point
commettre d'adultère , mais c'eft une cou-
tume parmi nous de ne point habiter avec
fa femme en public. Uneperfuaiion fabu-
leufe eft l'approbation que l'on donne à
des chofes feintes & qui n'ont jamais été,
telles que font entr'autres chofes, 'es fables
que l'on raconte de Saturne: car ces cho-
fes-là font reçues comme vraies parmi le
peuple. Une opinion dogmatique eft l'ap-
probation que l'on donne à une chofe qui
paroît être appuyée fur le raifonnement,
ou fur une démonftration : par exemple ,
que les premiers élémens de toutes chofes
font des atomes indivifibles, ou des ho-
maeomeries, c'eft-à-dire , des parties fimi-
laires qui fe diftribuent différemment pour
compofer les différens corps , &c. Or nous
oppofons chacun de ces genres , ou avec
lui-même, ou avec chacun des autres. Par
exemple , nous oppofons une coutume à
une coutume , en cette manière. Quelques
peuples d'Ethiopie , difons-nous , impri-
ment des marques fur le corps de leurs
enfans , & non pas nous. Les Perfes croient
qu'il eft décent de porter un habit bigarré
de diveries couleurs & long jufqu'aux ta-
lons ; & nous , nous croyons que çpla. eft
Tome XII,
E P O ?€)
indécent. Les Indiens careftent leurs fem-
mes à la vue de tout le monde , mais plu-
fleurs autres peuples trouvent cela honteux.
Nous oppofons loi à loi. Ainfî , chez les
Romains , celui qui renonce aux biens de
fon père, ne paie point les dettes de fon
père ; & chez les Rhodiens , il eft obligé
de les payer. Dans la Cherfonefe Taurique
en Scythie , c'étoit une loi d'immoler les
étrangers à Diane ; mais chez nous il eft
défendu de tuer un homme dans un tem-
ple. Nous oppofons inftitut à inftitut , lorf-
que nous oppofons la manière de vivre de
Diogene à celle d'Ariftippe , ou Hnftituc
des Lacédémoniens à celui des Italiens.
Nous oppofons une perfuafïon fabuleufe à'
une autre , Iorfque nous difons que quel-
quefois Jupiter eft appelé, dans les fables ,
le père des dieux &■ des hommes , & que quel-
quefois l'Océan eft appelé Vongine des
dieux , & Thétis leur mere^ fuivant l'ex-
prefîion de Junon dans Homère. Nous
oppofons les opinions dogmatiques les unes
aux autres , Iorfque nous difons que les uns
croient I'ame mortelle , & d'autres immor-
telle ; que les uns affurent que la providence
des dieux dirige les événemens , & que
d'autres n'admettent point de providence.
Sextus , après avoir ainfi oppofé ces chefs
à eux-mêmes , les met aux prifes les uns
avec les autres ; mais ce détail nous mene-
roit trop loin. Tels font les dix moyens de
V époque: renfermée dans de juftes bornes,
elle eft fans contredit le principe le plus
excellent qu'aucune feâe ait jamais avancé ,
le préfervatif le plus infaillible contre l'er-
reur. Aufh Defcartes , ce reftaurateur inu
mortel de la faine philofophie , eft- il parti ,
pour ainfi dire, delà ; par une fufpenfion
univerfelle du jugement, il a frayé , à la
vérité , de nouvelles routes qui , malgré les
prétentions de quelques philofophes plus
récens , font les feules qui conviennent à
l'efprit humain, \J époque > principe more
entre les mains des Sceptiques qui fe con-
tentoient de détruire fans édifier , & qui fe
jetoient tête baiffée dans un doute uni-
verfel , devient une fource de lumière &
de vérité , lorfqu'elle eft employée par un
philofophe judicieux & exempt de préju-
gés. Voye{ DOUTE. Cet article eft tiré de»
papiers de M, FoRMEY.
Eeee«e
yo
E P O
E P O
ÉPOQUE , en AJlronomie. On appelle | donc le lieu moyen de la planète pour cet
époque ou racine des moyens mouvemens j inftant, & par conféquentunefimple règle
d'une planète , le Heu moyen de cette pla-
nète de'terminé pour quelqu'inftant marqué,
afin de pouvoir enfuite , en comptant depuis
cet inftant , déterminer le moyen de la pla-
nète , pour un autre inftant quelconque.
Parmi les planètes nous comprenons
auiîi le foleil , que les tables aftronomiques
fuppofent, ou peuvent fuppofer en mou-
vement , en lui attribuant le mouvement
de la terre. Voye-^ Copernic. Voye^ aufïi
Mouvement moyen , Lieu moyen,
Temps moyen, Équation du
temps.
Les aftronomes font convenus de faire
commencer l'année dans leurs tables à
l'inftant du midi qui précède le premier
)our de janvier , c'eft-à-dire , à midi le 3 1
décembre, enforte qu'à midi du premier
janvier on compte déjà un jour complet
ou vingt-quatre heures écoulées. Ainfi ,
«juand on trouve dans les tables aftrono-
miques , au méridien de Paris , Y époque
de la longitude moyenne du foleil en 1700$
de 9 fignes 10 degrés 7 minutes 1 j fécon-
des , cela fignifie que le 3 1 décembre 1699 >
à midi , à Paris , la longitude moyenne
du foleil , c'eft-à-dire , fa diftance au pre-
mier point à'Ariesy en n'ayant égard qu'à
ion mouvement moyen , étoit de 9 fignes
1 o degrés 7 minutes 1 5 fécondes , & ainfi
àcs autres.
L'époque une fois bien établie , le lieu
moyen pour un inftant quelconque eft aifé
a fixer par une fimple régie de trois. Car
on dira : comme une année ,ou 365 jours ,
eft au temps écoulé depuis ou avant Yépo-
que-t ainfi le mouvement moyen de la
planète , ou le temps périodique moyen
pendant une année. ( Voye-^ PÉRIODE &
Mouvement MOYEN)eft au mouvement
cherché, qu'on ajoutera à lV/io^/e ou qu'on
en retranchera. Toute la difficulté fe réduit
de trois donnera le lieu moyen à l'inftant
de V époque. Par exemple , le lieu moyen
du foleil fe confond fenfiblement avec le
lieu vrai , lorfque le foleil eft apogée ou
périgée, parce qu'alors l'équation du centre
eft nulle ; le lieu moyen de la lune fe con-
fond à peu près avec le lieu vrai , lorfque
la lune eft apogée ou périgée , & de plus
en conjonction ou oppofition ; je dis à peu
prhy parce que dans ce cas là même il y a
encore quelques équations , la plupart
affez petites , que les tables & la théorie
donnent , & auxquelles il eft nécefiaire
d'avoir égard pour déterminer le vrai mou-
vement moyen , aufli, comme ces équa-
tions ne font pas exactement connues ,
Yépoque du lieu moyen de la lune ne peut
être fixée que par une efpece de tâtonne-
ment & par des combinaifons répétées &
délicates. Il paroît en effet que M. Halley
l'avoit trop reculée d'environ une minute ,
& d'autres aftronomes la font de près de
deux minutes plus avancée. Ce font les
obfervations réitérées des lieux de la lune »
comparés avec les calculs de ces mêmes
lieux , qui peuvent fervir à fixer Yépoque.
auffi exactement qu'il eft poflible. Poye^
LUNE , & les articles cités ci-dejfus (O)
Époque , f. f. ( Hijloire. ) On appelle
ainfi certains événemens remarquables
dont le temps eft exactement ou à peu
près connu dans la chronologie ancienne
& moderne , & qui fervent comme de
points fixes pour y rapporter les autres évé-
mens. Ce mot vient d'un mot grec qui
fignifie s'arrêter , parce que les époques
dans Thiftoire font comme des lieux de
repos , & pour ainfi dire , des (rations où
l'on s'arrête pour eonfidérer de là plus à
fon aife ce qui fuie & ce qui précède , &
pour lier entr'eux les événemens. Voye[ ce
que dit fur ce fujet M. BofTuet , dans for*
tlonc à bien fixer Yépoque , c'eft-à-dire , le i dijcoursfur l'hijloire univerjelle.
Sftai 1i*»,i «,^,,^_ .,- ..« Ijf- :_/ T „_ _.-:..„; 1,,. i „. A*. V
Nfrailieu moyen pour un temps déterminé.
Pour cela il faut obferver la planète le
plus exactement qu'il eft poflible dans les
points de fon orbite , où le lieu vrai fe
confond avec le Heu moyen, c'eft-à-dire,
ou les équations du moyen mouvement
font nulles. (Voyei ÉQUATION.) On aura
Les principales éqoques de l'Hiftoire fa~
crée , par exemple , font la création du
monde , le déluge , la vocation d'Abra-
ham , la fortie d'Egypte , Saiïl , ou les
Juifs gouvernés par des rois , la captivité
de Babylone , le retour de la captivité, la
paiflance de Jeius-Chriftr Les temps de ce»
E P O
«îifFér entes époques font différens , feîon la
chronologie que Ton jugea propos de Cui-
vre. Voye{ Age , Chronologie , &c.
Les principales époques de Thifroire
eccléfiaftique , font Conftantin ou la paix
de l'églife , la nailTance du Mahométifme,
le fchifme des Grecs , les Croifades , le
grand fchifme d'Occident , le Luthéra-
nifme, &c
Celles de l'hiftoire de France , font
Clovis, Pépin, Hugues Capet, tige des
EPO 771
fe former un fyftême fuivi. La manière
différente de compter l'année chez les dif-
férens peuples , contribue à la difficulté de
bien fixer les époques.
Pour réduire les années d'une époque à
celle d'une autre, c'e-ft- à-dire , pour
trouver quelle eft l'année de l'une qui cor-
respond à une année donnée de l'autre ,
on a inventé une période d'années qui
commence avant toutes les époques con-
l nues , & qui en eft , pour ainn dire', le
trois races de nos rois : & dans chacune j rendez-vous commun ; cette période eft
de ces trois époques principales on peut en
placer d'autres ; par exemple , depuis Hu-
gues Capet , on peut placer différentes
époques , à S. Louis , à Charles le Sage , à
François I, à Henri IV, à Louis XIV.
Il en eft de même de l'hiftoire des autres
peuples. Foye[ HISTOIRE. Voye[ aufli l'ar-
ticle Ere. La règle qu'on doit fe propofer
pour les époques , c'eft qu'elles ne foient ni
trop , ni trop peu nombreufes. On en fent
aïfément la raifon. Dans le premier cas ,
le lecleur ou l'hiftorien s'arrêteroit inuti- JULIENNE.
appelée période julienne. C'eft i cette pé-
riode que l'on réduit toutes les époques, en
déterminant l'année de cette période, à
laquelle chaque époque commence. Ain fi ,
il ne refte plus qu'à ajourer l'année propofée
d'une époque à l'année de la période qui
correfpond au commencement de cette
époque , & à retrancher de cette même an-
née propofée l'année de la même période
qui répond à l'autre époque ; le refte eft
l'année de cette autre époque. V. Période
lement à chaque pas ; dans le fécond , il
s'épuiferoit de fatigues , ayant trop de ter-
rain à embrafler à la fois. (O)
L'époque eft donc proprement un terme
ou point fixe de temps , depuis lequel on
compte les années. PVyeçAN.
Les nations ont différentes époques , &
cela n'eft pas furprenant : car comme il
n'y a point de raifons tirées de l'aftrono-
mie qui rendent l'une préférable à l'autre ,
la fixation des époques eft purement arbi-
traire. La principale époque des chrétiens
eft celle de la naiftance ou incarnation de
Jefus-Chrift ; celle des Mahométans eft
l'hégire ; celle des Juifs , la création du
monde ", celle des anciens Grecs , les Olym-
piades; celle des Romains , la fondation
Se Rome ; celle des anciens Perfes & Afly-
riens , eft V époque ou l'ère de Nabonaflar.
Voyei Incarnation, Hégire, Olym-
piade , &c.
La connoifTance & Pufage des époques
eft d'un grand avantage dans la Chrono-
logie. Voye^ Chronologie.
C'eft principalement dans l'hiftoire an-
cienne que les époques font néceflaires.
L'incertitude de la chronologie oblige de
fe fixer à quelques points principaux pour
\S époque de Jefus-Chrift ' ou de notre Sei-
gneur , eft V époque vulgaire de teute l'Eu-
rope ; elle commence à la nativité du Sau-
veur le 2j décembre , ou plutôt, félon la
manière ordinaire de compter , à fa cir-
concifiow le premier janvier ; mais en
Angleterre, elle commence à l'incarnation
ou à l'annonciation de la Vierge le 1 5 de
mars , neuf mois avant la nativité. Voyeç
Nativité, Circoncision, Annon-
ciation, Ùc.
L'année de la période julienne répon-
dant à celle de la naiffance & de la cir-
concifion de Jefus-Chrift , eft ordinaire-
ment comptée pour la 47 13 de cette
période. Ainfi la première année de notre
ère répond à la 4714 année de la période
julienne.
Donc 1 °. fi à une année donnée de J. C. t
on ajoute 47 J 3 > la fomme fera l'année de
la période julienne qui répond à l'année
propofée ; par exemple , fi à la préfente
année 175 j on ajoute 471$ , la fomme
6468 fera l'année où nous fommes de la
période julienne, x9. Au contraire , fi on
ôte 471 3 d'une année donnée de la période
julienne , le refte eft l'année courante de
Jefus-Chrift. Par exemple , fi de l'année
Eee e e 2.
77i E P O
6468 de la période julienne on ôte 475 y ,
le refte fera l'année courante 1755.
"L'époque de la naiffance de notre fei-
gneur fert non-feulement au calcul des
années écoulées depuis le commencement
de M époque , mais encore aux calculs de
celles qui l'ont précédé.
Pour trouver l'année de la période ju-
lienne, répondant à une année donnée
avant Jefus-Chrift , il faut fouftraire de
47 14 l'année propofée , le refte fera l'année
correfpondante que l'on cherche. Ainiî on
trouvera que l'année 751 avant J. C. eft
l'année 3956 de la période julienne. Au
contraire, fi on fouftrait de 4714 une
année propofée de la période julienne de
4714, le refte eft l'année correfpondante
avant J. C.
L'auteur de X époque vulgaire , ou de la
méthode de compter les années depuis la
îiaifTance de J. C. eu Denis le Petit, abbé
de Rome, Scythe de nation , qui floriftbit
fous l'empire de Juftinien vers l'an J07;
ce Denis en avoit eu la première idée par
un moine Egyptien , nommé Panodore.
Jufqu'alors les chrétiens comptoient les
années , ou depuis la fondation de Rome,
ou par l'ordre des empereurs & des confuls,
ou fuivant les autres méthodes des peuples
parmi lefquels ils vivoient.
Cette diverfité occafipnna une grande
difpute entre les églifes d'Orient & celles
d'Occident. Denis, pour la faire ceffer ,
propofa le premier une nouvelle forme
d'année & une nouvelle ère générale , qui
furent , l'une 6k l'autre , généralement re-
çues en peu d'années.
Denis commença fon ère à l'incarnation,
ou à la fête appelée communément annon-
ciation de la Vierge. Cette méthode eft en-
core en ufage dans les pays de la domina-
tion de la grande Bretagne , mais elle n'eft
plus en ufage que là ; dans les autres pays
de l'Europe , on commence l'année au
premier janvier, excepté en cour de Rome ,
où Vépoque de l'incarnation eft encore em-
ployée dans la date des bulles. Voye^ In-
carnation.
Il faut ajouter que dans cette époque de
Denis il y a une méprife : on croit com-
munément qu'il a mis la naiffance de J. C.
un an trop tard , ou que J, C. étoit né
E P O
l'hiver d'avant celui que Denis marque
pour la conception. Mais la vérité eft que
cette faute doit être imputée à Bede qui a
mal entendu Denis , & dont nous fuivons
l'interprétation ; c'eft ce que le P. Petau a
fort bien prouvé par les lettres mêmes de
Denis. Car Denis commence fon cycle à
l'année 4712. de la période julienne, mais
il ne commence fon époque qu'à lannée
4713 ,011 l'ère vulgaire fuppofe que J. C.
a été incarné.
Ainfi la première année de J. C. félon
l'époque vulgaire , eft la féconde félon le
calcul de Denis. Par conféquent la préfente
année 1755 devroit être en rigueur 1756;
quelques chronologiftes prétendent même
qu'il y a erreur , non-feulement d'un an ,
mais de deux.
C'eft à cette ère vulgaire que les Chro-
nologiftes réduifent toutes les autres époques
comme à un point fixe & déterminé : ce-
pendant il n'y a aucune de ces époques qui
ne foit le fujet de quelque difpute, tant
il y a d'incertitude dans la doclrirte des
temps. Nous allons rapporter les principa-
les de ces époques t réduites à la période
julienne.
Y? époque de la création , orbis conditi ,
appelée aufli époque juive , eft félon le cal-
cul des Juifs , l'année 9 n de la période ju-
lienne , qui répond à l'année 3761 avant
J. C. & commence au 7 d'odobie.
Donc fi on ôte 951 ans dune année
donnée de la période julienne , le refte fera
l'année de Ycpoque juive qui y répond. Par
exemple, la préfente année étant la 6459
de la période julienne , fe trouvera être la
5507 de Vépoque juive; ou de la création
du monde.
Cette époque eft encore en ufage parmi
les Juifs.
\J époque de la création , en ufage parmi
les hiftoriens grecs , eft l'année 787 avant
la période julienne , répondant à l'année
5 jco avant J. C.
Ajoutant donc 787 à une année donnée
de la période julienne , la fomme eft l'an-
née de cette époque: par exemple, 6459
étant l'année où nous fommes de la période
julienne , la préfente année de cette époque^
ou de l'âge du monde , fuivant le calcul des
Grecs, fera 7146,
E P O
L'auteur de cette époque eft Jules Afri-
cain qui Ta tirée des Hiftoriens. Mais quand
on voulut s'en fervir dans l'ufage civil , il
fallut y ajouter huit ans , afin que chaque
année divifée par quinze pût marquer l'in-
di&ion dont les empereurs d'Orient fe fer-
voient pour dater leurs Chartres & leurs
diplômes.
L'époque de la création en ufage parmi
les Grecs modernes & parmi les RufHens ,
eft l'année 73 s avant la période julienne,
ou l'année 5509 avant J. C. commençant
au premier de feptembre ; cependant les
Rufîiens ont admis dans la fuite le calen-
drier julien ,qui commence l'année au pre-
mier de janvier.
Ajoutant donc 79 j à une année donnée
de la période julienne , la fomme fera l'an-
née de cette époque ; ainfi l'année julienne
étant aujourd'hui 6468 , la préfente année
de la création , félon ce calcul , fera 7163 ;
& de la préfente année 7163 , ôtantj5oo,
le refte fera l'année courante 175;.
. Cette ère étoit employée par les empe-
reurs d'Orient dans leurs diplômes , & c'eft
pour cela aufli qu'on Pappelloit l'ère civile
des Grecs. Elle eft en effet la même que IV-
poque de la période conftantinopolitaine ;
c'eft pourquoi quelques-uns l'appellent l'é-
poque de la période de Conftantinople. Voye[
Période.
L' 'époque alexanirienne de la création , eft
l'année 7^0 avant la période julienne, qui
répond à l'année 5494 > avant J. C. & qui
commence au Z9 d'août.
Ajoutant donc J493 à la préfente année
<îe J. C. 1755 > la fomme 72.48 donnera la
préfente année de cette époque , ou les années
écoulées depuis la création , en fuivant cette
méthode de calculer.
Cette époque fut imaginée par Panodore,
moine égyptien , pour faciliter le calcul de
la Pâque ; c'eft pourquoi quelques auteurs
î'appellerit V époque eccléfiaflique grecque.
"L'époque eufebienne de la création , eft
l'année 486 de la période julienne , qui ré-
pond à l'année 4228 avant J. C. & com-
mence en automne.
«• Otant donc 486 de la préfente année ju-
lienne 6468 , ou ajoutant 4228 à la préfente
année de J. C. , le nombre J983 qui en ré-
E P O 173
fuite , fera la préfente année , fuivant 17-
poque eufebienne.
Cette époque eft celle qui eft fui vie dans
la chronique d'Eufebe & dans le martyro-
loge romain.
L'époque des olympiades eft l'année 3938 ,
de la période julienne , répondant à l'année
776 avant J.C. , &à l'année 2985 de la créa-
tion ; elle commence à la pleine-lune qui
fuit le folftice d'été , & chaque olympiade
renferme quatre ans.
Cette époque eft fort célèbre dans l'hif-
toire ancienne ; elle étoit en ufage princi-
palement chez les Grecs , & tiroit fon ori-
gine des jeux olympiques, que l'on célébroic
au commencement de chaque cinquième
année. Voye[ OLYMPIADE.
Epoque de la fondation de Rome , ou Urbis
conditœ, V. C. eft l'année 3961 delà période
julienne , félon Varron ; ou l'année 3961 ,
félon les faftes capitolins relie répond à fan-
née 753, ou 75a avant J. C. & commence
au ai d'avril. Donc fi les années de cette
époque font moindres que 754 , il faudra les
fouftraire de 754 ou 7^3 , pour avoir les
années correfpondantes avant J. C. Si elles
font plus grandes que 7^4, il faudra les
ajouter pour avoir l'année de la fondation
de Rome , & en fouftraire 75-4 pour avoir
l'année de J. C. ; ainfi , félon le calcul de
Varron , la préfente année 175 5 eft la 2 5 1 8e.
de la fondation de Rome.
1? époque de Nabonajfar eft l'année 3967
de la période julienne , qui répond à l'an-
née 747 avant J. C. , & commence au 2.6
de février.
Cette ère eft ainfi. appelée du nom de fon
inftituteur NabonafTar, roideBabylone , &
c'eft celle dontPtoIomées'eft fervi dans les
obfervations aftronomiques , aufli bien que
Cenforin & plufîeurs autres.
L'époque dioclétienne , ou V époque des mar-
tyrs, eft l'année 49 9 7 de lapériode julienne,
répondant à l'année 193 de J. C. On
l'appelle ère des martyrs , à caufe du grand
nombre de chrétiens qui foufFrirent le mar-
tyre fous le règne de cet empereur.
Les Abyflins , qui s'en fervent encore
dans toutes leurs computations , l'appellent
les années de grâce : cependant leurs années
ne forment pas une fuite continue depuis
cette époque ; mais quand la période Dyoni*
774 E P O
fïennede f34eft expirée ,iîs recommencent
à compter de nouveau par i , i , &c.
JJ époque de P hégire , OU époque mahométane,
eft l'année 5355 de la période julienne , qui
répond à l'an 622 de J. C. Elle commepce
au 16 de juillet , qui eft le jour où Maho-
met s'enfuit de la Meque à Médine.
Cette époque eft celle dont fe fervent les
Turcs & les Arabes , & en général tous les
Mufulmans fe&ateurs de la loi de Maho-
met. Son premier iniiituteur fut Omar ,
troifieme empereur des Turcs. Les aftrono-
mes Alfraganus , Albategnius , Alphonfe ,
& Ulugh-Beigh mettent la fuite de Maho-
met au 1 f de juillet ; mais tous les peuples
qui font ufage de cette époque , la fixent au
16 de ce même mois. Voye^ HÉGIRE.
\J époque des Séleucides , dont les Macé-
doniens fe fervoient , eft l'année 4402 de la
période julienne , répondant à l'année 5 1 1
avant Jefus-Chrift. Voye^ SÉLEUCIDES.
L' époque perfien ne , ou yejdegerdique , eft
Tannée 5345 delà période julienne, répon-
dant à l'année 632 de J. C. , & commen-
çant au 16 de juin.
Cette époque eft fixée à la mort d'Yezde-
gerde, dernier roi de Perfe , tué dans une
bataille contre les Sarrafins.
Epoque julienne , ou époque des années
juliennes , eft l'année 4668 de la période
julienne , répondant à l'année 4J avant
Jefus-Chrift.
Cette époque commence à l'année où Ju-
les-Céfar réforma le calendrier. On ap-
pelle cette année , année de confufion. Voye[
f article AN.
Epoque grégorienne , voye^ GRÉGORIEN.
Epoque efpagnole , eft l'année 4676 de la
période julienne, répondant à l'année 38
avant J. C. Voye^ Ere.
\J époque acliaque ou aâienne , eft l'année
4684 delà période julienne, répondant à
l'année 30 avant J. C. & commençant au
19 d'août.
Les autres mémorables époques font celles
du déluge, l'an 1656 de la création ; la
naiflance d'Abraham en a.079 ; l'exode des
Ifraélites , ou leur fortie d'Egypte en 2544;
la conftrudion du temple de Jérufalem en
ico2 ; la deftrudion de ce même temple
fan 50 de J. C. ; la prife de Conftantinople
par les Turcs en 1453 ùc. Chambers. ( G j
E P O
*ÉPOTIDES , f. f. Hifi anc. ) poutres
ou grofles pièces de bois qui s'avançoienc
aux deux cotés de la proue , pour empêcher
les coups violens des éperons : leur faillie
étoit d'environ fix coudées
ÉPOUSAILLES , f. f. pi. ( Jurifprud. )
Ce terme dans les coutumes flgnifie la
même chofe que la bénédiction nuptiale : par
exemple , la coutume de Paris , art. 9.2.0 ,
dit que la communauté commence au jour
des époufailles & bénédi&ion nuptiale. Voy.
Mariage, {a)
ÉPOUSSETTE , f. f. ( Manège * Mare*
chall. ) nom qui a été donné à un morceau
d'une étoffe quelconque, dont fe fervent
les palfreniers pour chafler & pour faire
voler la poufîiere & la crafte qu'ils ont atti-
rées & laifféesà la fuperficie du corps &des
poils du cheval en l'étrillant.
Vépouflette eft communément faite d'en-
viron une aune de quelque drap de laine
très-grofïier.
Il en eft defrife que Ton humecte & que
l'on pafle après la brofTe & le bouchon de
paille , dans l'intention d'unir parfaitement
le poil.
Il en eft de crin , que Ton emploie au
même ufage.
Il en eft encore de toile , dont les
palfreniers fe font un tablier en travail-
lant. ( e )
ÉPOUSSETTE , ( Gravure. ) c'eft une
efpece de brofTe ou gros pinceau fait de la
queue du petit-gris , qui fert à nettoyer le
deffus de la planche verniffée, des ordures
& portions du vernis détachées dans le
travail, par la pointe & les autres outils
employés.
EPOUSSETER un cheval, ( Manège
Maréchall. ) c'eft enlever la poufîiere & la
crafTe que l'étrille a détachées de la peau , &
qui fe trouvent engagées entre les poils.
Voyez Panser & Ëpoussette. ( e )
ÉPOUSSETOIR, f. m. ( Metteur en
oeuvre. ) petit pinceau de poil fort doux , &
tenu proprement dans un étui , dont les
Metteurs en œuvre fe fervent pour ôter la
poufîiere & le duvet qui pourraient être
reftésfur le diamant , lorfqu'on l'anettsjrf
avec une houpe avant que de l'arrêter dam
fon œuvre.
ÉPOUVANTAI!. , f. m. ( Jardinage* I
E P R
ce font des haillons que l'on met au bout
d'une perche , pour épouvanter les oifeaux
& les bêtes noires qui viennent manger les
graines & les raifins. (-K)
EPPINGEN, ( Géog. mod. ) ville du Pa-
latinat du Rhin en Allemagne, furl'Efalts.
Long. nj. 34. ht. 49. 22.
EPREINTES , {Médec.) douleurs vives
au rectum , à la veflie ou à la matrice, & qui
font faire des efforts comme pour pouffer
au dehors la caufe irritante , quelle qu'elle
foit. On reftraint vulgairement le terme
cYépreintes à une maladie du fondement ,
qui caufe de fréquentes & inutiles envies
d'aller à la felle. V. Tenesme. Ladiffente-
rie & les hémoi rhoïdes cau'ent des épreintes,
dont la continuation produit aflez ordinai-
rement le renverfement de la membrane
interne du recium. Pour prévenir cet incon-
vénient, & pour y remédier , il eft très-utile
de fe tenir le fiége dans du lait ou dans une
décocHon de plantes émolli entes, afin que la
membrane qui, poufféepar les efforts répétés,
forme un bourrelet à l'extérieur, foit hu-
mectée, baignée & rafraîchie, & qu'elle de-
vienne moins fufceptible de l'impreflion des
caufes irritantes. Ce traitement local calme
la tenfion inflammatoire. Mais quand les
douleurs & les accidens diminuent , ri l'on
continue les injections , il eft à propos de
rendre la liqueur un peu réfolutive , par
l'addition des fleurs de camomille , de mé-
lilot , de fureau , &c aux plantes émollien-
tes. On fupprime enfin celles-ci, pour ajou-
ter aux fleurs fufdites celles de rofes rouges,
&c. fur-tout fi le relâchement de la mem-
brane a été confidérable, afin de fortifier
les parties que la maladie & les remèdes
relâchans , qui conviennent dans Ton com-
mencement & fes progrès , ont affoiblies.
Ceux qui ont la pierre dans la veffie , font
fujes aux épreintes du reâum , par la com-
munication qu'il y a entre ces parties , par
Je moyen des nerfs & des vaiffeaux.
La veflie a aufli des épreintes dans la plu-
part de fes maladies, & dans celles des
parties qui Pavoifinent. L'envie fréquente
d'uriner, dans laquelle les malades rendent
l'urine en petite quantité & avec grande
douleur , a été appelée tenefme de la vejfie ,
& plus communément Jlrangurie. Voyez
#e mot. Cette maladie peut avoir pour caufe
E P R 77«
occafionneîle les embarras du canal de I'u-
retre. Voye^ CarnositÉ. Une veflie ra-
cornie , des parois de laquelle il exude une
humeur muqueufe fufceptible de devenir
acre , eft fujette aux épreintes. Lorfque la
capacité de la veflie eft diminuée, les en-
vies d'uriner doivent être fréquentes, parce
qu'une petite quantité d'urine fait une im-
preffion fenfible fur les parois de cet organe.
Une boiffon adouciffante , & fort abon-
dante , relâche & diftend la veflie; mais il
faut avoir foin que la fecrétion de l'urine ,
qui eft augmentée , trouve une iffue libre ;
& l'ufage de la fonde placée dans la veffie ,
eft un moyen fans lequel les malades ne fe
détermineroient pas à boire plus copieufe-
ment,parce qu'ils ont la fâcheufe expérience
qu'ils fouffrent d'autant plus, qu'ils urinent
plus fréquemment : aufîi la plupart crai-
gnent-ils de boire. Les injeclions qu'on fait
dans la veflie , délaient & entraînent les
matières qui y croupifToient , & concourent
efficacement avec la boiffon , à mondifier
la cavité de ce vifeere dans les cas fufdits t
& dans celui d'ulcération.
Les vaiffeaux variqueux ' l'orifice de la
veflie , font fufceptibles de gonflement , de
phlogofe & d'inflammation ; de là des
épreintes , ou ce fentiment douloureux qui
excite continuellement à faire des efforts
pour uriner , la veflie même étant vuide.
Quoiqu'on reçoive dans ce cas du foulage-
ment de la fonde biffée dans la veflie, il
n'eft pas néceffaire d'y avoir recours , l'u-
fage des bougies eft fuffifant, il faut les
augmenter de volume par degré ; & com-
me elles ne doivent agir qu'en comprimant
les vaiffeaux , elles doivent être très-
adouciffantes. Le blanc de baleine , l'huile
d'amandes douces, & la quantité de cire
néceffaire pour donner la confiftance re-
quife , font les feuls ingrédiens qui entrent
danslacompofitionde ces fortes de bougies.
Quand la chute de la matrice eft compli-
quée d'inflammation , il furvient difficulté*
& fréquence d'uriner : ce font des épreintes
fymptomatiques , la réduction de la ma-
trice les fait cefler.
On excite des épreintes par des lavemens
acres , pour procurer la fortie d'un enfant
mort , ou du placenta refté dans la matrice.
Cet effet des lavemens irritans montre
77$ EPK
l'utilité des anodins dans les cas ou il faut
relâcher & de'tendre , comme dans l'in-
flammation de la matrice , de la veflle , &
des parties circonvoifines. (Y)
EPREINTES: c'eft ainlî qu'on nomme
les fientes des loutres.
* EPREUVE, ESSAI, EXPÉRIENCE,
( Gram. ) termes relatifs à la manière dont
nous acque'rons la connoiflance des objets.
Nous nous affurons par {'épreuve , fi la
chofe a la qualité que nous lui croyons ;
par Vejfai , quelles font les qualités ; par
X expérience , fi elle eft. Vous appprendrez
par expérience que les hommes ne vous
manquent jamais dans certaines circonf-
tances. Si vous faites Vejfai d'une recette
fur des animaux , vous pourrez enfuite
l'employer plus sûrement fur l'efpece hu-
maine. Si vous voulez conferver vos amis,
ne les mettez point à des épreuves trop for-
tes. L'expérience eft relative à l'exiftence,
Vejfai à Pufage , Y épreuve aux attributs.
On dit d'un homme qu'il eft expérimenté
dans un art , quand il y a long-temps qu'il
le pratique ; qu'une arme a été éprouvée,
lorfqu'on lui a fait fubir certaines charges
de poudre p.refcrites ; qu'on a ejfayé un
habit , lorfqu'on l'a mis une première fois
pour juger s'il fait bien.
Epreuve, f. f. {Jtbfi. moi.) manière de
juger &: de décider de la vérité ou de la
faufleté des açcufations en matière crimi-
nelle , reçue & fort en ufage dans le neu-
vième, le dixième & le onzième fiecles,
qui a même fubfifté plus long- temps dans
certains pays, & qui eft heureufement
abolie.
Ces jugemens étoient nommés jugemens
de Dieu , parce que l'on étoit perfuadé que
l'événement de ces épreuves, qui auroit pu
en toute autre occafion être imputé au
hafard , étoit dans celle-ci un jugement
formel , par lequel Dieu faifoit connoître
clairement la vérité en punifïànt le cou-
pable.
Il y avoit plufieurs efpeces d'épreuves:
mais elles fe rapportoient toutes à trois
principales ; favoir le ferment , le duel , &
l'ordalie-, ou épreuve par les éiémens,
\S épreuve par ferment , qu'on nommoit
aufli purgation canonique, fe fafoit de plu-
jfieurs manières ; i'aççufé qui étoit obligé
EPR
de le prêter , & qu'on nommoit jurator
ou facramentalis , prenoit une poignée
d'épis, les jetoit en l'air, en atteftant le
ciel de fon innocence : quelquefois une
lance à la main , il déclaroit qu'il étoit
prêt à foutenir par le fer ce qu'il affirmoit
par ferment j mais l'ufage le plus ordinaires,
& le feul qui fubfifla le plus long-temps ,
étoit de jurer fur un tombeau , fur des reli-
ques , fur l'autel , fur les évangiles. On voit
parles loix de Childebert, par celles des
Bourguignons & des Frifons, que l'accufé
étoit admis à faire jurer avec lui douze
témoins , qu'on appeloit conjurât ores ou
compurgatores.
Quelquefois , malgré le ferment de l'ac-
cufé , l'accufateur perfiftoit dans fon accu-
fation ; & alors celui-ci , pour preuve de
la vérité , & l'accufé , pour preuve de
fon innocence , ou tous deux enfemb'.e ,
demandoient le combat. Il falloit y être
autorifé par fentence du juge , & c'eft ce
qu'on appeloit épreuve par le duel. Voye%
Duel, Combat, & Champion.
A ce que nous en avons détaillé fous
ces mots, nous ajouterons feulement ici
que , quoique certaines circonftances mar-
quées par les loix faites à ce fujet , & les
difpenfes de condition & d'état, empê-
chafïent le duel en quelques occafions ,
rien n'en pouvoit difpenfer, quand on étoit
aceufé de trahifon : les princes du fang
même étoient obligés au combat.
Nous obferverons encore que Xépreuve
par le duel étoit fi commune, & devint fî
fort du goût de ce temps-là , qu'après avoir
été employée dans les affaires criminelles ,
on s'en fervit indifféremment pour décider
toutes fortes de queftions, foit publiques,
foit particulières. S'il s'élevoit une difpute
fur la propriété d'un fonds , fur l'état d'une
perfonne, fur le fens d'une loi ; fi le droit
n'étoit pas bien clair de part & d'autre , on
prenoit des champions pour l'éclaircir.
Ainfi l'empereur Othon I , vers l'an 968 ,
fit décider fi la repréfentation avoit lieu en
ligne directe, par un duel , où le cham-
pion nommé pour foutenir l'affirmative
demeura vainqueur.
\1 ordalie , terme faxon , ne fignifioit
originairement qu'un jugement en général ;
mais comme les épreuves pafioient pour les
jugemens
E P R
ugemens par excellence, on n'appliqua j
cette dénomination qu'à ces derniers , &
l'ufage le détermina dans la fuite aux feules
épreuves par les élémens , & à toutes celles
dont ufoit le peuple. Oa en diftinguoit
deux efoeces principales , Vépreuve par le
feu , & Vépreuve par l'eau.
La première , & celle dont fe fervoient
aufîi les nobles , les prêtres , & autres per-
fonnes libres qu'on difpenfoit du combat ,
étoit la preuve par le fer ardent. C étoit
«nebjrrede fer d'environ trois livres pe-
fant ; ce fer écoit béni avec plufieurs céré-
monies , & gardé dans une églife qui avoit
ce privilège , & à laquelle on payoit un
droit pour faire Vépreuve.
L'accufé , après avoir jeûné trois jours
au pain & à l'eau , entendoit la mefTe ; il
y communioit & faifoit , avant que de
recevoir l'euchariftie , ferment de fon in-
nocence ; il étoit conduit à "l'endroit de
Péglife deftiné à faire Vépreuve ; on lui jetoit
de l'eau bénite ; il en buvoit même ; en-
fuite il prenoit le fer qu'on avoit fait rougir
plus ou moins , félon les préfomptions &
la gravité du crime ; ii le foulevoit deux
ou trois fois , ou le portoit plus ou moins
loin , félon fa fentence. Cependant les
prêtres récitoient les prières qui étoient
d'ufage. On lui mettoit enfuite la main
dans un fac que Ion fermoit exactement ,
& fur lequel le juge & la partie adverfe
appofoient leurs fceaux pour les lever trois,
jours après ; alors s'il ne paroiffoit point de
marque de brûlure , & quelque fois aufîi ,
fuivant la nature & à Pinfpection de la
plaie , l'accufé étoit abfous ou déclaré cou-
pable.
La même épreuve fe faifoit encore en
mettant la main dans un gantelet de fer
rouge , ou en marchant nuds pies fur des
barres de fer jufqu'au nombre de douze ,
mais ordinairement de neuf. Ces fortes
d'épreuves font appelées ketelvang dans les
anciennes loix de Pays-Bas , & fur-tout
dans celles de Frife.
On peut encore rapporter à cette efpece
^épreuve celle qui fe faifoit ou en portant
du feu dans fes habits , ou en paffant au-
travers d'un bûcher allumé , ou en y je-
tant des livres pour juger s'ils brûloient
ou non , de l'ortodoxie ou de la faulTeté
Tome XI J,
E P R 7?7
des chofes qu'ils contenoient. Les hi&>
riens en rapportent plufieurs exemples.
1? ordalie par feau fe faifoit ou par l'eau
bouillante , ou par l'eau froide ; Vépreuve
par l'eau bouillante étoit accompagnée des
mêmes cérémonies que celle du fer chaud ,
& confiftoit à plonger la main dans une
cuve pour y prendre un anneau qui y étoit
fufpendu plus ou moins profondément.
L: 'épreuve par l'eau froide , qui étoic
celle du petit peuple , fe faifoit afïez fim-
plement. Après quelques oraifons pronon-
cées fur le patient , on lui lioit la main
droite avec le pié gauche , & la main
gauche avec le pié droit , & dans cet étac
on le jetoit à l'eau. S'il furnageoit , on le
traitoit en criminel ; s'il enfonçoit , il étoic
déclaré innocent. Sur ce pie-là il devoit fa
trouver peu de coupables , parce qu'un
homme en cet état ne pouvant faire aucun
mouvement, & fon volume étant d'un
poids fupérieur à un volume égal d'eau , il
doit nécessairement enfoncer. Dans cette
épreuve le miracle devoit s'opérer fur le
coupable , au lieu que dans celle du feu ,
il devoit arriver dans la perfonne de l'in-
nocent. Il eft encore parlé dans les ancien-
nes loix de Vépreuve de la croix , de celle
de l'euchariftie , & de celle du pain Se du
fromage.
Dans Vépreuve delà croixles deux parties
fe tenoient devant une croix les bras éle-
vés ; celle des deux qui tomboit la première
de laffitude perdoit fa caufe. \J épreuve de
l'euchariftie fe faifoit en recevant la com-
munion , & occafionnoit bien des parjures
facrileges. Dans la troifieme on donnoit à
ceux qui étoient acculés de vol , un mor-
ceau de pain d'orge & un morceau de fro-
mage de brebis fur lefquels on avoit dit la
mefTe ; 8c lorfque les aceufés ne pouvoienc
avaler ce morceau , ils étoient cenfés cou-
pables. M. du Cange , au mot cormed , re-
marque que cette façon de parler , que ce
morceau de pain me puijfe étrangler , vient
de ces fortes $ épreuves par le pain.
Il eft confiant , par le témoignage d'une t
foule d'hiftoriens & d'autres écrivains , que
toutes ces différentes fortes à' épreuves ont
été en ufage dans prefque toute l'Europe ,
& qu'elles ont été approuvées par des pa-
pes , des conciles , & ordonnées par de
Fffff
778 ÊPR
loix des rois & des empereurs. Mais il ne
I'eft pas moins qu'elles n'ont jamais été ap-
prouvées par l'Eglife. Dès le commence-
ment du jx. fîecle , Agobard , archevêque
de Lyon , e'crivit avec force contre la
da.nnable opinion de ceux qui prétendent
que Dieu fait connoître fa. volonté Ù fon
jugement par les épreuves de Veau & du
feu , & autres femblables. Il fe recrie vive-
ment contre le nom de jugement de Dieu
qu'on ofoit donner à ces épreuves ; comme
fi Dieu , dit-il , les avait ordonnées , ou s' il
devoit fe joumettre à nos préjugés & à nos
fentimens particuliers pour nous révéler tout
ce qù il nous fiait de favoir. Yves de Char-
tres , dans le xj. fîecle , les a attaquées , &
cite à ce fujet une lettre du pape Etienne
V à Lambert, évèque de Mayence , qui eft
aufïï rapportée dans le décret de Gratien.
Les papes Celeftin III , Innocent III &
Honorius III y réitèrent ces défenfes. Qua-
tre conciles provinciaux afïemblés en 819
par Louis le Débonnaire , & le jv. concile
général de Latran , les défendirent. Ce
• qui prouve que l'Eglife en général , bien
loin d'y reconnoître le doigt de Dieu , les
a toujours regardées comme lui étant inju-
ri eu fes& favorables au menfonge.De-là les
théologiens les plus fages ont foutenu après
Yves de Chartres & S. Thomas» qu'elles
étoient condamnables parce qu'on y tentoit I
Dieu toutes les fois qu'on y avoit recours , 1
parce qu'il n'y a de fa part aucun corn- {
mandement qui les ordonne , parce qu'on j
veut connoître par cette voie des chofes ,
cachées qu'il n'appartient qu'à Dieu feul '
de connoître. D'où ils concluent que c'eft 1
à jufte titre qu'elles ont été proferites par î
les fouverains pontifes & par les conciles. \
Mais les défenfeurs de ces épreuves op- |
poforent pour leur jufiification les mirac'es
dont elles étoient fouvent accompagnées.
Ce qui ne doit s'entendre que des ordalies ; '
car pour V épreuve par le ferment , le duel , j
h croix y ùc elles n'av oient rien que d'hu- ;
main 6c de naturel ; & delà naît une
autre queflion très-importante , favoir de
quel principe part le merveilleux ou le fur-
naturel qu'une infinité d'auteurs contem-
porains atteftent avoir accompagné o s
f/?rei/ve5.Vient-il de Dieu, vient-il du démon?
Les théologiens même* qui condan>
eh
noient les épreuves , fans contefter la viriti
de ces miracles , n'ont pas balancé à en
attribuer le merveilleux au démon ; ce que
Dieu permettoit , difoient-ils , pour punir
l'audace qu'on avoit de tenter fa toute-
puifTance par ces voies fuperftitieufes ;
fentiment qui peut fournir de grandes
difficultés. Un auteur moderne qui a écrie
fur la vérité de la religion , prétend que
Dieu eft intervenu quelquefois dans ces
épreuves , ou par lui - même , ou par le
miniftere des bons anges, pour fufpendre
l'activité des flammes & de l'eau bouil-
lante en faveur des innocens , fur - tout:
lorfqu'il s'agiffoit de doctrine ; mais il
convient d'un autre coté que ii le merveil-
leux eft arrivé dans le cas d'une aceufatiou
criminelle fur la vérité ou la fauiTeté de
laquelle ni la raifon ni la révélation ne
donnoient aucune lumière , il eil impof-
fible de décider qui de Dieu ou du démon
en étoit l'auteur ; & s'il ne dit pas nette-
ment que c'étoit celui-ci, il le lailïe en-
trevoir.
M. Duclos , de l'académie des Belles-
Lettres , dans une difTertation fur ces
épreuves , prétend au contraire qu'il n'y
avoit point de merveilleux , mais beau-
coup d'ignorance , de crédulité , & de
fuperftition. Quant aux faits il les combat,
foit en infirmant l'autorité des auteurs qui
les ont rapportés, foit en développant l'ar-
tifice de plufieurs épreuves, foit en tirant
des circonftances dont elles étoient ac-
compagnées des raifons de douter du fur-
naturel qu'on a prétendu y trouver. Oa
peut les voir dans l'écrit même d'où nous
avons tiré la plus grande partie de cet ar-
ticle , & auquel nous renvoyons le lecteur
comme à un exemple excellent de la logi-
que dont il faut faire ufage dans l'examen-
d'une infinité de cas femblables. Mém. de-
iacad.tcm. XV. (G)
Comme toutes les épreuves dont on vienc
de parler s'appeloient en Saxon ordéal , or-
déal par le feu , ordéal par l'eau , &c. il eu
arrivé que leur durée a été beaucoup plus,
grande dans le Nord , que par-tout ail-
leurs. Elles ontfubfifté en Angleterre juf-
qu'au xiij fîecle. Alors elles furent aban-
données par les juges , fans être encore
fu: primées par a&e du parlement 3 mais
E P R
enfin leur ufage cefTa totalement en 1 1 j 7. 'j
Emma mère d'Edouard le confeffeur, avoit
elle-même fubi Yépreuve du fer chaud. La
coutume qu'avoient les payfans d'Angle-
terre dans Je dernier fiecle de faire les
épreuves des forciers en les jetant dans
l'eau froide pies & poings liés , eft vrai-
fembiablement un refte de Yordéal par
l'eau ; & cette pratique ne s'eft pas con-
fervee moins long- temps dans nos provin-
ces, où l'on y a fouvent affujetti, même
par fentence de juge , ceux qu'on faifoit
pafler pour forciers.
Non-feulement l'Eglife toléra pendant
des iiecles toutes les épreuves , mais elle en
indiqua les cérémonies , donna la formule
des prières , des imprécations , des exor-
cifmes, & fouftrit que les prêtres y prê-
taient leur miniftere ; fouvent même ils
étoient acteurs , témoin Pierre Ignée. Mais
pourquoi dans Yépreuve de l'eau froide, efti-
moit-on coupable & non pas innocent , celui
qui furnageoit ? C'eft parce que dans l'opi-
nion publique , c'étoit une démonflration
que l'eau ( que l'on avoit eu la précaution de
bénir auparavant ) ne vonloit pas recevoir
faccufé , & qu'il falloit par conféquent le
regarder comme très-criminel.
La loi faHque en admettant Yépreuve par
Peau bouillante , permettoit du moins de
racheter fa main du confentement de la
partie , & même de donner un fubîîitut :
c'eii ce que fit la reine Teutberge , bru de
l'empereur Lothaire, petit-fils de Charle-
magne , accufée d'avoir commis un incefte
avec fon frère moine & fous-diacre : elle
nomma un champion qui fe fournit pour
elle à Yépreuve de l'eau bouillante , en
préience d'une cour nombreufe ; il prit
l'anneau béni fans brûler. On juge aifé-
ment que dans ces fortes d'aventures , les
juges fermoient les yeux fur les artifices
dont on fe fervoit pour faire croire qu'on
plongeoit la main dans l'eau bouillante ,
car il y a bien des manières de tromper.
On n'oubliera jamais , en fait ^épreuve ,
le défi du dominicain qui s'offrit de pafler
à travers un bûcher pour juftifier la fain-
tcté de Savonaroîe , tandis qu'un cordelier
propafa la même épreuve pour démontrer
que Savonaroîe étoit un fcélérat. Le peu-
ple ayide d'un tel fpe&acle en preifa l'exé-
E P R 719
cctîon ; le magifcrat fut contraint d'y
foufcrire ; mais les deux champions s'ai-
dèrent l'un l'autre à fortir de ce mauvais
pas , & ne donnèrent point l'afFreule co-
médie qu'ils avoient préparée.
Bien des gens admirent que les peu-
ples aient pu ii long-temps fe figurer que
les épreuves fuflent des moyens fins pour
découvrir la vérité, tandis que tout con-
couroit à démontrer leur incertitude, outre
que les rufes dont on les voiloit auroient dû
défabufer le monde ; mais ignore-t-on que
l'empire de la fuperftition eft de tous les em-
pires le plus aveugle & le plus durable?
Au refte les curieux peuvent confulter
Heinius , Ebeîingius, Cordemoy , du Can-
ge , le P. Mabillon , le célèbre Ba^ze , &
plufieurs autres favans qui ont traité fort
au long des épreuves , ou pour mieux dire ,
des monumens les plus bizarres qu'on con-
noiffe de l'erreur & de l'extravagance de
l'efprit humain dans la partie du monde
que nous habitons. Article de M. le Cheva-
lier job Jaucourt.
Epreuve des fusils de munition.
Voy. Poudre a éprouver le canon.
Epreuve , f. f. Voye^ Canon.
Pour 1' épreuve de la poudre , voye^ POU-
DRE S'ÉPROUVETTE. (Q)
EPREUVE , dans l'ufage de f Imprimerie,
s'entend des premières feuilles que l'on im-
prime fur la forme après qu'elle a été impo-
lee : la première épreuveÇe doit lire a l'Impri-
merie fur la copie ; c'eft fur cette première
épreuve que fe marquent les fautes que le
compofîteur a faites dans l'arrangement
des caractères. La féconde qu'on envoie à
l'auteur ou au correcteur, devroit unique-
ment fervir pour fuppîéer à ce qui a été
omis à la correction delà première; mais
prefque tous les auteurs ne voient les épreu-
ves que pour fe corriger eux-mêmes , &
font des changemens qui en occafionnent
une troisième , & quelquefois même une
quatrième ; ce qui pour l'ordinaire déran-
ge toute l'économie d'un ouvrage , & pro-
longe les opérations à l'infini.
EPREUVE, dans Y Imprimerie en taille-
douce , fe dit de la feuille de papier impri-
mée fur une planche , dont avant on avoit
rempli toutes les gravures d'encre , qui eft
un n©ir à l'huile fort épais : ce noir fort au
F f f f f 2
78o E PR
moyen de la prefîïon de la preffe des gra-
vures du creux de la planche , & s'attache
à la feuille de papier qui repréfente trait
pour trait , mais en fens contraire , toutes
les hachures de la planche : en ce fens
toutes les planches du Dictionnaire En-
cyclopédique feront des épreuves des cui-
vres gravés qui auront fervi à les im-
primer.
EPROUVETTE, fub. f. c'eft dans P Ar-
tillerie , une machine propre à faire juger
de la bonté de la poudre.
Il y a des éprouvettes de plusieurs efpeces ;
la plus ordinaire représentée Planche If.
Art milit. fig. %. confifte dans une manière
de batterie -Fde piftolet , avec fon chien &
fon baffinct , montée fur un petit fût de bois ,
dont le canon G, qui eft de fer & long
d'un peu plus d'un p^ uce , eft placé verti-
calement pour recevoir la poudre que l'on
veut éprouver. Ce canon eft couvert d'un
petit couvercle de fer qui tient à une roue
dentelée H , dont les crans font arrêtés par
un reflbrt/qui eft au bout du fût. Quand
on lâche la détente de la batterie , la pou-
dre voulant fortir du canon chafïè la roue
avec violence , & lui fait parcourir un
certain nombre de crans , qui eft ce qui
marque la bonne ou la mauvaife poudre ;
ce nombre néanmoins , pour la qualité de
la poudre en général , n'eft point fixé ;
ainfi ce n'eft que par la comparaifon d'une
poudre avec une autre que l'on peut fe
rendre certain de la bonté de celle qu'on
éprouve,
La figure $. de la même Planche IL re-
préfente une autre éprouvette qui ne diffère
guère de la précédente , qu'en ce que le
canon qui contient la poudre eft placé en
K d'une manière différente : fa lumière
eft en L ; M eft le couvercle du canon K ,
qui eft élevé par la poudre , & qui s'ar-
rête dans la roue au moyen des crans qui
y font renfermés , & qui ne fe voient point
par le profil.
N y eft une clé ou vis , laquelle preffant
le refibrt O , le lâche & le ferre comme
on veut.
La fig. 4. eft aufii une éprouvette d'une
autre efpece : elle eft compofée d'une pla-
que de cuivre jaune A , A , fur laquelle eft
çieufé le baflinet où fe met l'amorc? , &
E P R
qui répond à la lumière. Elle a un eancn
B , où fe met la charge de la poudre. C'eft
un poids mafîïf , qui s'élève plus ou moins
haut fui vant la force de la poudre, & qui
eft retenu par les crans de la cremailliere
D. E & E font deux tenons qui s'ouvrent
lorfque le poids s'élève , & qui l'empê-
chent de defcendre quand il eft une ibis
élevé.
Toutes les différentes fortes $ éprouvettes
qu'on vient de décrire , ne peuvent fcrvir
qu'à faire juger de pluiàeurs efpeces de pou-
dres quelle peut être la meilleure. C'eft
pourquoi pour avoir quelque chofe de plus
précis , le feu roi Louis XIV , par une or-
donnance du 18 feptembre 16&6 , qui eft
encore en ufage aujoud'hui, a ordonné
que Tépreuve de la poudre fe feroit avec
un petit mortier qui chafTeroit un boulet
de 60 livres à la diftance au moins de jo
toifes avec trois onces de poudre feulement.
Si le boulet va à une plus petite diftance ,
la poudre n'eft pas reçue dans les ariénaux
de Sa Majefté.
La figure 5. de la planche IL Art milit*
fait voir ce mortier , qu'on nomme auffi
éprouvette à caufe de fon ufage. Voici fes
dimenfions fuivant l'ordonnance de 1686.
A A le diamètre à la bouche du mor-
tier porte 7 pouces & trois quarts de
ligne.
B B longueur de l'ame , 8 pouces 10
lignes.
C C diamètre de la chambre , 1 pouce
10 lignes.
B D longueur ou profondeur de la cham-
bre , 2 pouces 5 lignes.
E lumière au ras du fond de la cham-
bre.
-Fdiametrepar le dehors du mortier à la
volé , 8 pouces 10 lignes.
G G diamètre par le dehors du mortier à
l'endroit de la chambre , 4 pouces 8 lignes
& demie.
H diamètre de la lumière , 1 ligne &
demie.
A I I'épaifTeur du métal à la bande fans
comprendre le cordon , 10 lignes.
JCJC la longueur de la femelle de fonre
du mortier eft de 16 pouces ; la largeur de
ladite femelle eft de 9 pouces, & fon épaif-
feur d'un pouce 6 lignes.
EPR
NN le diamètre du bouîet de 60 li-
vres.
O une anfe répréfentant deux dauphins
fe tenant par la queue , la dite anfe placée
fur le milieu de la volée.
P Fanguette de fonte qui tient au ventre
du mortier , fur lequel il repofe , & qui ré-
pond au bout de la femelle étant juftement
placé dans le milieu. Voyei POUDRE A
CANON. ( Q )
Une Ordonnance de 1769 , en prescri-
vant de nouvelles précautions pour l'é-
preuve des poudres , exigea qu'elles por-
taient le globe de 60 livres à 90 toifes ,
le mortier étant chargé des trois onces de
poudre. Une Ordonnance de i77zrédui-
iit cette portée à 80 toiles. On avoit obtenu
des fabricans de poudre , celle de 90 ; &
une loi qui la réduifoit ne parciffant utile
qu'à eux , fut abrogée en 1775 , & on re-
vint à l'ordonnance de 1769 , qui eft feule
fuivie aujourd'hui.
Eprouvette , ( Comm. ) c'eft une ef-
pece de jauge dont les commis des aides fe
fervent dans les vifites qu'ils font chez les
Marchands de vin & Cabaretiers, pourcon-
noître ce qui relie de vin dans une futaille
en vuidange.
Cette eprouvette eft ordinairement une
petite chaînette de fer , dont un des bouts
cii appefanti par un peu de plomb. On la
lait entrer par le bondon de la pièce , &
lorfqu'on fent le fond on la retire , le com-
mis évaluant la liqueur fur la partie de la
chaine qu'il en tire humectée. Diâionn. de
Comm. de Trév. Ù de Chambers.
EproU V ETTE; lesPotiers d^étain nomment
ainfi une petite cuiller de fer , dans la quel-
le ils fondent leur étain } pour en connoître
la qualité avant que de le mettre en œuvre.
Voye^ POTIER d'ÉTAIN. Diclionnaire du
Comm.
EPS , f. f. {Jurifp. ) du latin apes , dans
quelques coutumes fignifie mouches- à-miel.
Vovei Amiens, art. igi.~{À)
ÈPTACORDE. Foje?KEPTACORDE.
EPTAGONE. Voy. Heptagone.
C es mots doivent être écrits par une h ,
parce que dans leur racine tW« , 1*
porte un efprit rude : il en eft de même
d'ExAGONE , &c. au lieu que dans Ennea-
gone il n'y a point d'/i , parce que 1 j
EPU ^Sr
d'tm'* , neuf , eft marqué d'un efprit
doux. (O)
EPTAMERIDE. Voye{ Heptame-
RIDE.
EPTAPHONE , f. m. ( Acoujîique. )
nom d'un portique de la ville d'Olympia ,
dans lequel on avoit ménagé un écho qui
répétoitla voix fept fois de fuite. Il y a gran-
de apparence que l'écho fe trouva là par
hafard , & qu'enfuite les Grecs , grands
charlatans , en firent honneur à Part de l'ar-
chitecte (S)
EPUISEMENT , f. m. ( Médecine. )
î%«pv<ns , exhavftio , dijfipatio ; ce terme
eft employé pour lignifier la perte des for-
ces , des efprits , par l'effet de quel-
qu'exercice violent long-temps continué ,
ou de la fièvre lorftju'elle eft très- aiguë
ou qu'elle a été de longue durée , ou des
débauches de femme , de vin , ou des tra-
vaux , des contentions d'efprit , des veil-
les immodérées. Voye{ Force , Débilité ,
Atrophie, Enervation Exténua-
tion. (</)
EPULIDE , f. f. ( Médecine. ) ,'^\{t ,
de iV*' » fur > & 6^°* > gencive j fe dit de
certain tubercule ou excroiffance de chair,
qui fe forme fur les gencives ou fur les par-
ties qui les avoifinent , principalement vers
les dernières dents molaires. Vbye% EX-
CROISSANCE CHARNUE.
On diiiingue deux fortes Sépulides ;
favoir , celles qui ne font point accompa-
gnées de douleur , & celles qui en caufent
beaucoup , qui ont un caractère de mali-
gnité , & font fufceptibles de devenir chan-
creufes : d'ailleurs de quelque efpece qu'el-
les foient ,| il y en a de dures & de molles
de greffes & de petites , de larges & d'é,
troites par leur bafe. Elles produifent auffi-
des effets difFérens ; elles gênent les mou-
vemens de la mâchoire ; elles font fi dou-
loureuses qu'elles occafionnent une tenlion
fpafmodique dans toutes les parties qui les
environnent ; elles empêchent auffi quel-
quefois la maftication par leur volume , en
s'interpofant dans l'efpace qui fe forme en-
tre les deux mâchoires ouvertes , & en
s'oppofant à ce qu'elles fe rapprochent ;
elles peuvent encore , par ces deux raifons,
empêcher le libre ufage de la parole.
Ces fâcheux effets déterminent à en ha*
7S2 E P U
ter la cure ; on- peut l'entreprendre par îe
moyen des gargarifmes fortement réfolutifs
& aftringens employés fréquemment : ii
les épulides ne cèdent pas affez toc à ces
remèdes , il faut avoir recours à la liga-
ture , quand on peut y appliquer un fil
noué , & les ferrer par leur bafe , dans le
cas où elle peut être faifie. L'excroilTance
n'ayant plus de communication avec la
partie faine , de laquelle elle forme une
extenfion contre nature , fe mortifie ,
fe détache , & la cicatrice fe fait ai-
fément. Mais lorfque la partie infé-
rieure de la tumeur eft d'un trop grand
volume pour pouvoir être liée , on ne peut
fuppléer au défaut de ce moyen que par les
corrofifs d'une médiocre activité appliqués
avec prudence , ou en emportant l'ex-
çroiffance avec les cifeaux ou le biftouri ,
de manière à ne rien prendre fur les par-
ties faines. On peut aufîi tenter de l'ar-
racher avec les pincettes dont on fe fert
pour les polypes des narines ; & fi l'on
ne peut pas réufîir à détruire entièrement
Ycpulide , & qu'elle renailTe , fouvent après
svoir été extirpée , quelques auteurs con-
feillent l'application du cautère actuel.
S'il furvient une hémorrhagie après l'o-
pération , de quelque manière qu'elle fe
fàfïe , on peut l'arrêter en faifant laver
fouvent la bouche au malade avec du vin
chaud rendu aftringent avec un peu d'a-
îun , jufqu'à ce que le fang ne coule plus :
pn doit enfuite s'appliquer à confoîider la
plaie félon les règles de l'art. Voy. les inci-
tations chirurgiques d'Heifter , d'où cet
article efî extrait en partie, (d)
EPULON , f.m. ( Hifi. anc. ) fignifioit
anciennement , chez les Romains , un
minijlrt des facrifices.
Comme les pontifes ne pouvoient af-
filier à tous les facrifices qu'on faifoit à
Rom?, tant étoit grand le nombre âzs
dieux que le peuple adoroit , ils nom-
moient trois miniftres , qu'on appeloit
épilones , parce qu'ils é'toient chargés du
foin & du gouvernement du feftin qui
fe donnoît dans les jeux publics & fo-
lennels.
C'étoient eux qui ordonnoient & fer-
voient le facré banquet , qu'on ofFroit
flans ces occafions à Jupiter , frc. Ils
E P U
portaient une robe bordée de pourpre
comme les pontifes : leur nombre fut
porte dans la fuite jufqu'à fept , & Céfar
les augmenta jufqu'à dix. Ils furent établis
l'an de Rome 558 , fous le confulat de
L. Furius Purpureo , & de M. Claudius
Marcelkis. Diclionn. de Trévoux & Cham-
btrs. (G)
EPULUM , chez les anciens , figni-
fioit un banquet , une fête préparée pour
les dieux. Voy. FETE&' LeCTISTERNE.
On mettoit les ftatues des dieux fur
àes couffins pofés fur des lits richement
décorés, & on leur fervoit un feftin com-
me fi elles euffent voulu manger. Toutes
les viandes qu'on leur ofFroit tournoient au
profit des miniftres des facrifices , qu'on
appeloit pour cette raifon épulons. Voyez
Epulon.
EPURE, ( Coupe des pierres. ) du mot
épurer , mettre au net , eft le defîin d'une
voûte tracée fur une muraille ou fur le
plancher , de la grandeur dont elle doit
être exécutée , pour y prendre les mefures
nécefTaires. Une épure ordinaire eft l'ex-
tenfion de la douille CDHG , (fig. iz. )
à l'entour de laquelle on met les panneaux
de lit CGIK, DLMH, & ceux de tête
ABDC , <p GHt , que l'on peut aufîi pro-
jeter comme FGHE. La. figure iz. n°. 2.
repréfente Yépure d'un berceau cylindri-
que.
Un pareil defîin pour la charpente chan-
ge de nom, & s'appelle ételon. ( D )
EPURGE , ( Matière méd. ) efpece de
tithimale. Voyer TlTHIMALE.
EPYTHIMBIEN , ( JMufiq. des anc. )
furnom d'un nome propre à la flûte , in-
venté par Olympe , & dont PoIIux parle
dans le chap. 10, liv.IVdc fon Onomajïicon,
( F. D. C. )
E Q
EQUANT , f. m. en Ajlronomie , eft UW
cercle que les anciens aftronomes imagi-
noient dans le plan du cercle déférent ou
excentrique , peur diriger 8c pour régler
certains mouvemens dans les planètes.
On n'en fait plus d'ufage aujourd'hui , .
depuis que Kepler a banni les excentriques ,
& a démontré que les planètes fe meuvoient
E Q U
cîans des ellipfes dont le foleiî occupoitle
foyer. Voye[ DÉFÉRENT ,EPICYCLE EX-
CENTRIQUE , Copern ic , Plan ete , &c.
W
EQUARRIR , v. aft. (ArckittS. ) c'eft
mettre une pierre d'équerre en tout fens.
EQUARRIR UN TROU , parmi les Hor-
logers , fîgnifie Y agrandir en y parlant un
équarriiToir. Voye^ EQUARRISSOIR. (T)
EQUARRISSEMENT , f. m. ( Coupe
des pierres. )Tai/ler par équarrijfement eft une
manière de tailler les pierres fans le fecours
des panneaux , les ayant feulement prépa-
rées en les rendant de forme parai lélipipe-
de , pour y appliquer les mefures des hau-
teurs & profondeurs que l'on a trouvées
dans ledeffin de l'épure pour chaque vouf-
foir. (Z>)
EQUARRISSOIR ,f. m. ( outil a* Horlo-
gerie, ) efpece de broche d'acier trempé , un
peu en pointe , qui a plufieurs pans ou faces
égales , & dont ils fe fervent pour croître
les trous. Le nombre des pans d'un équar-
riffoir n'eft pas toujours le même ; on en
fait depuis quatre jufqu'à fix pans: plus ils
ont de faces , plus ils rendent ronds les trous
que l'on croit : mais auîli ils les croiffent
fort lentement , leurs quarres ou angles de-
venant alors peu aigus : moins ils en ont ,
plus au contraire ils les croilfent vite ; mais
aufïï moins ils les rendent ronds. Les
meilleurs font ordinairement à cinq pans.
(T)
EQUATEUR , f. m. en AJlronomie &
en Géographie , eft un grand cercle de la
fphere , qui eft: également éloigné des deux
pôles du monde , ou dont les pôles font
lés mêmes que ceux du monde. Voye^
Cercle.
Tel eft le cercle repréfenté par la ligne
D A (PL ajîron. fig. 52. ) Ses pôles font
P & Q. On le nomme équateur , ou parce
qu'il divifela fphere en deux parties égales ,
ou parce que quand le foleil eft dans ce
cercle , il y a égalité entre les jours & les
nuits : c'eft pourquoi on l'appelle aufli équi-
noxialy&r quand il eft tracé fur les cartes
& les plar.ifpheres , on l'appelle la ligue
iquinoxialt , ou fimplement la ligno, Voy?^
Equlnoxial.
E Q U 7S2
Chaque point de Y équateur eft éloigné
d'uriquartde cercle des pôles du monde:
d'où il fuit que Y équateur divife la fphere
en deux hémifpheres , dans l'un defqueîs
eft le pôle feptentrional , &dans l'autre le
méridional. PoyeçHÉMlSPHERE.
h'équateur coupe la zone torride par le
milieu ; le foleil décrit ce grand cercle le
premier jour du printemps , & le premier
jour de l'automne : ainfi il y revient deux
fois par an. Les peuples qui l'habitent ont
pendant toute l'année les jours égaux aux
nuits. Car l'horizon des peuples qui habi-
tent fous Yéquateur , palfe par l'axe de la
terre , & eft perpendiculaire à tous les cer-
cles parallèles à Yéquateur , dont le foleil
décrit ou paroît décrire un chaque jour :
d'où il s'enfuit qu'une moitié de ces cercles
parallèles eft au-deffus de l'horizon des ha-
bitans de X équateur, & l'autre moitié au-
deftbus : ainii ils ont précifément autant do
jour que de nuit , fi ce n'eft que le crépuf-
culedu matin & du foir peut augmenter un
peu leurs jours & diminuer leurs nuits. Les
longues nuits font très-néceiTàires dans ces
climats , dont le foleiî ne s'éloigne jamais
de plus de 23 degrés \ ; de forte que quand
il eft le plus é'oigné du zenit des habitant
de Yéquateur , il en eft encore plus près qu'il
ne l'eft de notre zénit fe jour du fo'ftice
d'été : car il eft alors éloigné de plus de t $
degrés. Or comme la longueur des jonrs&
la brièveté des nuits eft une des caufcs de la
chaleur , il s'enfuit que la chaleur de Yéqua-
teur n'eft pas à proportion aufl grande
qu'elle devroit être > eu égard à la pofitiou
du foleil. Il y a même dans ces climats ,
des pays qui jouiiTent d'une chaleur modé-^
rée , & , pour ainfi dire , d'un printemps
perpétuel : tels font certains endroits du
Pérou. Le haut des montagnes y eft aufH
exeelfivement froid, comme il arrive par-
tout ailleurs.
Le temps égal ou moyen- de Yéquateur t
s'effime par les pafîages de fes arcs fur le
méridien. On a fréquemment occafion der
s'en fervir , pour convertir les degrés de IV-
quateuren temps, ot> pour convertir les par»
ties du temps en parties de Yéquateur,
Pour faire ces tfonverfions , on a dreffé
la table fui vante, dans laquelle font mas-
784 EQU EQU
qués les arcs de Vèquateur qui paffent par le [tes, &c. du temps moyen. Voy. ÉQUATION?
méridien dans les différentes heures,minu- | DU Temps.
Conversion
des parties de l Equateur ,
en temps
& réciproquement
Degrés
[
' Degrés
Degrés
de
Heures.
^/inures.
Heures.
de
Minutes.
de
Minutes.
l'Equat.
l'Equat.
l'Equat.
Minutes.
Minutes.
-
Stcondet.
Tierces.
Minutes.
Minutes.
Secondes.
Minutes.
Secondes.
Secondes
Tierces.
■
I
Seconde*.
Tierce^
Secondes.
Secondes.
Tierces. .
Quartes.
Secondes
Tierces.
Tierces.
Çuarres.
Tierces.
Tierces.
Quartes.
O
4
I
M
I
O
15
2
O
8
2
30
2
O
30
3
O
11
3
45
3
O
4y
4
0
16
4
60
4
I
0
5
O
20
y
7f
y
I
iy
IO
0
40
6
90
6
I
3°
Jy
I
0
9
xv
IÛ
1
30
3°
2
0
12
100
20
y
0
6o
4
0
*f
US
30
7
30
90
6
0
18
170
40
10
0
180
12
0
21
Mf
yo
12
3°
1 360
l 24
0
24
360
60
iy
0
Il eft très-aifé de conftruire cette table : grés, dans la première colonne, on trou-
car Vèquateur étant fuppofé divifé en 360 ve une heure o minutes co fécondes', auprès
degrés, comme il fait fa révolution en 24 de 4 degrés, on trouve 16 minutes go fe-
heures & uniformément , il s'enfuit qu'il I condes ; auprès de 10 minutes, 40 fecon-
fait 15 degrés par heure ; par conféquent;</« ; auprès de 3 minutes , 12 fécondes
en une minute la 60e partie de 1 5 degrés ,
c'eft-à-dire 1 5 minutes de degré , en une
féconde 1 y fécondes de degré , & ainfi de
fuite ; & il ne faut plus que des additions! donne une heure 16 minutes 52 fécondes çl8
fort (impies , pour favoir le nombre de de- '
grés , de minutes , & de fécondes qu'il par-
court dans un temps donné.
Dans cette table , les minutes, fécondes,
000 tierces ; auprès de y fécondes , 00
minutes zo tierces ; & auprès de 2 fécon-
des , 8 tierces : ce qui ajouté enfemble
tierces.
De plus , fuppofé que l'on propofe de
trouver quels degrés , minutes , &c. de IV-
quateur répondent à 23 heures 25 minutes
&c. de degré , font en romain ; &les mi- .27 fécondes & 9 tierces ; auprès de 21 heu-
nutes fécondes , &c. d'heure, font en ita-
lique. Ainfi on voit par les trois premiè-
res colonnes , qu'à une minute de degré
de Véquateur répondent o minutes 4 fé-
condes d'heure ; de même par la 4e &
la 5e colonne , ou parles trois dernières ,
on voit que y minutes d'heure donnent
75" fécondes de degré , ou une minute 15
fécondes.
L'ufage de cette table eft facile. Suppo-
sez , par exemple , que Ton propofe de
convertir en temps 1 9 degrés 1 3 minutes
7 fécondes de Véquateur ; auprès de 1 5 de-
res , dans la quatrième colonne de la table ,
on trouve 3 1 y degrés ; auprès des 2 heures,
30 degrés ; auprès de 10 minutes , 4 degrés ',
auprès de y minutes, o degré 15 minutes ;
auprès de 10 fécondes , z minutes 30 fé-
condes ; auprès des 5 fécondes , une minute
15 fécondes o tierces ; auprès de 2. fécon-
des , 30 fécondes o tierces ; auprès de G
tierces , une féconde 30 tierces : auprès de J
tierces , 4 y tierces : le tout ajouté enfemble
donne 35 1 degrés 19 minutes 17 fécondes
1 y tierces.
On
EQU
On voït par-là que cette table eft fort
utile dans la recherche des longitudes ;
car connohTant la différence des heures
entre deux lieux , par le moyen des éclipfes
de lune ou des fatelîites de Jupiter , on
connoît tout de fuite par cette table de
combien de degrés les méridiens de ces
lieux font éloignés l'un de l'autre. Par
exemple , s'il eft une heure à Conftanti-
nople lorfqu'il eft midi à Paris , on voit
que le foleil pafïè au méridien de Paris une
heure après le méridien de Conftantinople ,
& que par conféquent le méridien de
Paris eft plus occidental de i$ degrés ,
que celui de Conftantinople. Voye\ LON-
GITUDE.
Elévation ou hauteur de Uêquateur , eft
un arc d'un cercle vertical , qui eft com-
pris entre Ye'quateur & l'horizon.
L'élévation de Ye'quateur avec celle du
pôle eft toujours égale à un quart de cercle ;
ou, ce qui revient au même , l'élévation
de Ye'quateur eft égale à la diftance du pôle
au zénith. Cette élévation eft donc le com-
plément de la hauteur du pôle ou de la
latitude. Voye\ LATITUDE & HAUTEUR
DU PÔLE ; voye\ aujji ÉLÉVATION &
Hauteur. ( O)
M. De la Lajide a joint un nouvel
article à celui que l'on vient de lire.
Les planètes qui tournent fur leur axe,
auffi - bien que la terre , ont auffi leur
e'quateur & leur pôle. Uêquateur du foleil
fe détermine par le moyen de Ces taches ;
il eft incliné de yd fur Pécliptique , & il la
coupe à 2S iod de longitude.
M. Cafîini , dans fon Difcours fur la
lumière \odiacale , & M. de Mairan , dans
fon traité de V aurore boréale y prouvent
que l'athmofphere du foleil ou la lumière
zodiacale eft dans le plan de Ye'quateur
du foleil , femblable à une lentille , dont
le tranchant fe confond avec le plan de
Ye'quateur folaire , & c'eft de là que M.
de Mairan déduit les fituations que doit
avoir en divers temps de l'année la lumière
zodiacale.
M. Caffini le fils penfa de même , que
Ye'quateur du foleil pourroit fervir de terme
de comparaifon pour les mouvemens célef-
tes , & qu'on pourroit avec raifon rapporter
à fon plan toutes les orbites planétaires;
Tome XII.
E Q U 785
alors , par exemple , on diroit que le nœud
boréal ou afcendant de l'orbite de la terre
a 8S 10 ' de longitude , puifque le nœud
afcendant de Ye'quateur folaire eft à zs xod ;
en conféquence M. Caftini fit imprimer
une table où l'on voit les orbites de toutes
les planètes rapportées à Ye'quateur du fo-
leil. Mém. acad. 1 J'S^.
On appelle temps de Ye'quateur ou temps
du premier mobile celui qui fe compte à
raifon de 1 Ç degrés par heure. Cette pra-
tique eft fondée fur ce que les arcs de
Ye'quateur font la mefure la plus naturelle
du temps : quand le foleil eft éloigné du
méridien de i$d, il eft une heure ; quand
il eft éloigné de 100 degrés , il eft 6* 40' ;
parce que le mouvement diurne fe faifant
uniformément fur Ye'quateur y il pafte régu-
lièrement au méridien à chaque heure ,
la vingt-quatrième partie de la circonfé-
rence entière de Ye'quateur : auffi le temps
vrai ou l'heure vraie dans le fens précis &
exact de Taftronomie , n'eft autre chofe que
l'arc de Ye'quateur y compris entre le méri-
dien & le cercle de déclinaifon qui paflè
par le foleil , converti en temps à raifon
de i5d par heure. Le plus fouvent à la
place de cet arc de Ye'quateur y on fubftitue
l'angle au pôle mefuré par cet arc , & que
l'on appelle angle fioiaire : on prend cet
angle horaire à la place de 1 heure même ,
c'eft - à - dire , qu'au lieu d'une heure on
met 15 degrés , au lieu de deux heures
30 degrés, Ùc.
Le mouvement diurne qui s'achève en
vingt - quatre heures , & par lequel 360
degrés de la fphere traverfent le méridien ,
étant fubdivifé en vingt - quatre parties ,
chacune vaut une heure , & répond à iç
degrés ; car 150 font la vingt - quatrième
partie de 360; en continuant de fubdivifer,
on pourra trouver de même les parties du
temps qui répondent aux parties-du cercle ;
un degré vaudra 4 minutes de temps ; une
minute vaudra 4 fécondes ; en général , il
fuffit de prendre le quadruple des minutes
de degrés pour en faire des fécondes de
temps du premier mobile , & le quadru-
ple des degrés pour en faire des minutes de
temps fur Ye'quateur.
De même pour convertir le temps de
Yêquateur ou à\i ptemier mobile en degrés ,
GgSgS
786 E Q U
on prendra d'abord i J degrés pour chaque
heure , on prendra le quart des minutes
de temps , on en fera des degre's ; le quart
des fécondes , on en fera des minutes ; le
quart des tierces de temps , l'on en fera des
fécondes de degrés.
Ces règles aifées à retenir & à pratiquer ,
fe peuvent faire fans le fecours des tables ;
cependant on trouvera des tables propres à
faire ces converfions de temps en parties
àeYéquateur , & des parties de l'équateuren
temps , dans la connoijjànce des temps > &c.
L'opération fe réduit à multiplier par 15
le temps qu'on veut réduire en parties du
cercle , ou à divifer par 15 les parties de
Ve'quateur qu'il s'agit de convertir en temps.
La converfion du temps en parties de
Yéquaceur eft différente de la converfion
en temps folaire moyen dans laquelle on
pr^nd 3600 59' W pour vingt -quatre
heures , ou 1 50 2/ 27" & pour chaque heure;
c'eft le nombre des parties de Téquateur qui
pafi'e par le méridien pendant la durée des
heures folaires , marquées par une pendule
du moyen mouvement; quand cette pen-
dule a fini fes vingt -quatre heures , il a
pafïe , non feulement ^6oà de Ve'quateur y
mais encore les 59' 8" que le foleil a par-
courues en fens contraire , & qui doivent
paffer par le méridien pour que le foleil y
arrive. (M. de Lalande.J
ÉQUATION. Conjlruclion & ufage
d'une machine pour trouver les racines de
quelque équation que ce puijje être. (Al-
gèbre. Machines.) M. Pafcal s'eft fait une
réputation dans le monde pour avoir inventé
fa machine arithmétique. Celle dont je vais
donner la defcription n'eft pas moins in-
génieufe ; & on peut l'appliquer à toutes
les équations de quelque degré qu'elles foient.
Avant que d'en donner la conftru&ion ,
il convient d'expofer en peu de mots la
théorie fur laquelle elle eft fondée : elle
fuppofe , dans ceux qui liront cet article ,
quelque connoiflance de l'Algèbre.
Soit V équation à réfoudre a -\- b x -\~
cxx -\" dxx , &c. àta o.
Tirez fur la ligne ZZ prife pour bafe
dans la fig. 1 ou z de h pi I. d'Algèbre ,
des planches , fupplément , les perpendicu-
laires SS & RRy éloignées l'une de l'autre
<fe telle diftance qu'il vous plaira. Prenez
E Q U
enfuite fur la ligne SS de l'une ou de
l'autre figure les parties OA, AB , BC ,
C D y &c. proportionnelles aux coefficiens
a yb yc yd , &c. de V équation y obfervant
de prendre chacune de ces lignes de bas en
haut , à compter de l'extrémité de la der-
nière lorfque le coefficient qu'elle doit re-
préfenter eft pofitif , & dans un fens con-
traire lorfqu'il eft négatif. Cela fait , tirez
par l'extrémité de la dernière des lignes
OAyAByBCy&c. favoir , par Dy la ligne
DCy parallèle à la bafe ZZ y & par le point
C y où DC coupe RR> cCy & parallèlement
à SS y & à telle diftance qu'il vous plaira
MM; par le point où Ce coupe MM 9
la ligne kb parallèle à DC ,• par le point b y
où la dernière coupe RRy la ligne bB ; par
le point où celle-ci coupe MM y l a paral-
lèle à DC y & enfin par le point a y oh b B
coupe MM y l a , 6c par le point a y où la
coupe RR y la ligne a A. Suppofons main-
tenant que les lignes SS , RR y Ce , re-
préfentent trois règles avec des rainures
telles qu'on le voit figure 3 y que vous
fixerez dans leurs places refpedives SS 9
RR & Ce fur un plan ou chaffis de
grandeur fuffifante.
Soient i?3, Aa y d'autres règles de même
forme , qui fe meuvent fur les centres
B y A , &c. lefqueîs fe meuvent eux-
mêmes en haut & en bas le long de la
règle SS y mais de manière qu'on puiîfe
placer les centres B & A l'un fur l'autre ,
ou fur C y fi Poccafion le requiert , & les
arrêter avec des écroues ; favoir , le centre
A en A y le centre B en B, &c. Soient k b
(kl a y d'autres règles mobiles , comme les
premières , & difpofées ie façon qu'elles
fe meuvent toujours parallèlement les unes
aux autres , & à la ligne De & MM , une
autre règle de pareille forme. On afiem-
blera les règles Kb & MM avec la règle
fixe Ce au moyen d'une pointe coulante
qui pafte par le point q , où leurs rainures
fe coupent. On aflèmbîera de même les
règles K b y Bb , la & Aa enfemble , &
avec MM & RR y avec de pareilles poin-
tes qui les traverfent dans les points b } r ,
a & s. La dernière de ces pointes doit être
faite de manière à pouvoir porter un crayon.
Je dis maintenant que fi l'on avance ou
recule la règle MM de SSy en forte qu'elle
E QU
lui foit toujours paraiiele , le crayon s dé-
crira la courbe qu'on demande; que les dif-
tances à compter du point O où le crayon
coupera la baie ZZy à droite de SSy mar-
queront les racines pofitives de Xéquauon ;
celles qui feront à gauche, les racines néga-
tives ; & les endroits où il approchera de la
bafe fans la toucher , les racines impoilibles
ou imaginaires. Ces diftances doivent être
prifes fur une échelle , fur laquelle la ligne
D C fera prife pour l'unité.
Dëmonftration. Puifque les lignes OAy
AB, BCy &c. font proportionnelles aux
coefficiens a9 b, c , &c. Suppofons que la
première OA foit égale au premier coeffi-
cient a y ou à telle de ces parties qu'on
voudra , n , par exemple , feroit a- ; alors
puur conferver la proportion ci-deflùs , la
fuivante AB fera égale à;,5cà c~ &
cD à -H , &c. Si l'on nomme O Q ou
fon égale D P x , pour lors D c étant prife
égale à l'unité, Pc fera égale à i — x;
& comme De eft égale à ~ , on aura , à
caufe des triangles femblables, D Ce & Pqc,
d . d--dx
cette proportion i : i — !-x: : ~ • ~~n
Pqou DK : mais KB=BC-\-CD—DK>
c'eft-à-dire, à "ï + vri favoir à '^
Les mêmes triangles femblables donnent
Kb : qb : : KB'.qr, c'eft-à-dire, i:
-, _ v . • c + dx:c + dx — cx-dxx __ Qu
Kl:mùsAl = AD — DK—Kl, ou
t+tJt4.rf»»_ j^es m^mes triangles donnent
n
encore/ tf : rû : : A l : r j, ou i : i — a:: :
j .4. cx 4. <te* : 6 4- ex 4- dxx~bx— cxx— dxxx
Or, Q.r, qui par la figure eft égale à QP —
a+b + c + d — d — dx
Pq — qr — rs=: a '
e 4. dx — cx — dxx b + cx-V- dxx — bx — cxx — dxxx
favoir à « + *» + »»+*«. & par conf^
quent, lorfque Qs = o, c'eft-à-dire, lorf-
que la courbe décrite par S coupe la baÇe ,
e q u
787
a4i*-}- c#.v4<f* *
ou a
a-i-bx- ^-cxx-\-dxxx
qui par X équation même eft égale à o. Q sy
dans ces circonftances , fera donc auiTi égale
à a -\- b x ~\- cxx -\- dxxx y &: par confé-
quent toute valeur de x ou de O Q y qui
rend a ~\- bx -\* cxx -^- dxxx = o y rend
pareillement Qx égale à zéro. Or , toute
valeur de x qui rend a -\- bx -$- cxx -$->
(ixqra; == o , eft une racine de X équation pro-
pofée <z -\" bx -\- cxx -\~ i/xa:a: = o , dont
la courbe coupera la bafe ZZ pour chaque
racine réelle de cette équation y foit pofi-»-
tive ou négative , & ne la touchera point
Iorfqu'elle fera imaginaire , comme le favenc-
ceux oui connoifTent les propriétés des cour-
bes. C. Q. F. D.
Cette démonftration eft applicable à
toute autre équation que l'on voudra.
Nota. Pour avoir les racines négatives ,
on placera les règles à gauche de SS
figure 2., où elles font marquées par les
mêmes lettres que dans la première figure.
Par exemple , on pofera la règle Ce de c
ou q y la règle Bb de b ou r y la règle
a A de n ou s y vers la gauche , en forte
que les centres A , B y des deux dernières
fe trouvent fur la ligne fixe SS.
II n'eft pas nécefîàire que la courbe foit
décrite avec exactitude , ni même qu'elle
tombe fur le plan , excepté Iorfqu'elle
coupe la bafe , & par conséquent on ne
rifque rien à faire les lignes OA _, AB>
&c. fort longues. Mais les règles fixes OD
& Te y doivent être fi près l'une de l'autre ,
que leur diftance De ou O T y étant prife
pour l'unité , la bafe OT qui s'étend à
droite jufqu'à l'extrémité du plan , puifie
contenir toutes les racines pofitives , & à
gauche toutes les négatives.
Il y a encore une chofe à obferver :
c'eft que fi l'on a une équation comme
celle-ci xxx — Sxx -\- 1200 x -\~ coco
= o , dont les coefficiens S > nco & 9000
font difïerens l'un de l'autre , qu'il feroit
difficile de les prendre fur la ligne OD,
on peut les réduire de la manière fuivante :
c'eft de mettre dans Yéquation à la place
de chaque x y 10 x y 20 x y ou ico x. Je
fuppofe qu'on mette 20 x ; pour lors , au
lieu de xxx y on aura 8oco xxx , au lieu
de S xx — ■ 2000 xx y &c. , & V équation.
Ggggg 2
788 EQU
fera changée en celle-ci 8000 xxx — 2000
xxx -$- 24000 x -\- 9000 = o. Divifant
chaque terme par 100 , on aura cette autre
8 xxx — 2 xx 4" 24 x -|- 9 = o , dont la
réduction fera plus aifée. Mais on fe fou-
viendra pour lors , que faifant x 20 fois
plus petit qu'il n'eft , les racines que vous
trouverez feront pareillement vingt fois
plus petites , & qu'il faudra par conféquent
les multiplier par 20 pour qu'elles aient leur
jufte valeur.
Voici quelques obfervations fur l'appli-
cation de ces règles , qui peuvent avoir
leur utilité.
i°. Les racines d'une équation peuvent
être de trois fortes , pofitives , négatives &
împoftibles ou imaginaires.
20. Toute équation contient autant de
racines qu'elle a de degrés.
30. Les racines imaginaires font toujours
au nombre de deux.
Par exemple , fi une équation a une
racine imaginaire comme celle-ci a=.b\/
— 1 , elle en aura une autre ; favoir , a
— b y/' 1 , qui la fuit toujours. Il fuit
de là que toute équation qui a des racines
imaginaires , en contient 2,4, 6 , &c. :
c'eft - à - dire , qu'elles font toujours en
nombre pair. Toutes hs fois que la cour-
be , que les règles décrivent , approche
de la bafe fans la couper , c'eft une mar-
que qu'il y a deux racines impoilibles ;
de forte que fi elle en approche trois fois ,
\ équation contient fix racines imaginaires.
G'eft tout ce que ces règles peuvent faire
par rapport à ces fortes de racines ; elles
marquent leur nombre , & non leur na-
ture. J'enfeignerai plus bas le moyen de
connoître celle-ci. Puis donc que les raci-
nes imaginaires font toujours en nombre
pair , & que leur nombre eft égal aux
degrés de Y équation , il s'enfuit :
40. Que toute équation dont le nombre
des degrés eft impair , doit contenir au
moins une racine réelle.
<°. Que toute équation dont le premier
& le dernier termes après avoir été tranf-
pofés , ont des fignes contraires , contient
au moins une racine réelle. Lorfque cela
arrive , & que le nombre de fes dimen-
sions eft pair , de même que celui des ra-
E QU
cines impoflïbles , celui des racines réelle
doit l'être pareillement.
6°. Que fi Ton divife une équation par
l'inconnue , moins une de fes racines , on
la réduira à une dimenfion plus bas ;
comme toute équation contient autant de
racines qu'elle a de degrés , il s'enfuit
encore :
70. Que retranchant le nombre des ra-
cines imaginaires de celui de fes racines ,
je veux dire, du nombre de fes dimen-
fions , le reliant fera celui des racines
réelles.
8®. Après avoir trouvé , par le moyen
des règles , les racines réelles , faites la
quantité inconnue x égale à chacune : tranf-
pofez les termes d'un côté : multipliez les
équations les unes par les autres , & divifez
Y équation propofée par le produit qui en
réfultera. Faites le quotient égal à zéro ;
& vous aurez une équation qui renfermera
toutes les racines impofTïbles , fans en avoir
aucune de réelle. On trouvera enfuite les
racines impolTibles par la méthode qu'en-
feigne M. de Bougainville , dans fon traité
du calcul intégral , dans les cinquième &
fixieme chapitres de fon introduction. C'eft
la meilleure que je connoifTe.
Elle confifte à partager Y équation donnée
en deux autres du même nombre de di-
menfions , mais qui ne contiennent que
des racines réelles que vous trouverez par
le moyen des règles , ou autrement , au
moyen de quoi vous aurez toutes les racines
impoflibles de votre équation.
Comme peu de gens connoiffent cette
méthode , il convient de la donner ici.
L'auteur commence par donner la dé-
monstration des deux propofitions fui-
vantes.
Prop. z. Lorfqu'une quantité eft égale
à zéro , & compofée de plufieurs termes ,
dont quelques-uns font réels , & les autres
multipliés par }/— -1 , la fomme de tous
les termes réels eft égale à zéro ; & celle
de tous ceux qui font multipliés par ]/
— 1 , égale pareillement à zéro. C'eft le
foixante- neuvième article de fon Intro-
duction.
Prop. z. Lorfqu'une équation ne contient
que des racines imaginaires , on peut tou-
jours fuppofer la quantité inconnue égale
E QU
à m Jj. n y—i , dans laquelle m&c n font
des quantités réelles. G'eft le huitième article
de la même introduction.
Par conféquent , pour trouver les racines
d'une équation telle que celle dont il s'agit,
il faut mettre à la place de chaque incon-
nue , x; par exemples , m-\-n y — i , &
l'on aura une nouvelle équation qui con-
tiendra des termes réels & les termes mul-
tipliés par \/ — i , dont le premier & le
dernier font égaux à zéro par la propofi-
tion i. Faites-le donc , & vous aurez deux
équations dont il vous fera facile de décou-
vrir les deux quantités m & n y de même
que celle àe x y qui par la deuxième pro-
portion eft égale à m -J- n y — i.
Voici un exemple qui fera comprendre
ce que j'ai dit dans la première partie de
cet article. Suppofez que les racines réelles ,
découvertes par le moyen des règles dont
j'ai parlé , foient a> b-—c, &c. Faites x
r=a y x=b y x ~"c y &c. Tranfpofez
les termes , & vous aurez x — a=o, x
— - b = of x-\-c=o t &c. multipliez ces
dernières équations les unes par les autres ,
divifez 1! 'équation donnée par leur produit ,
& procédez comme j'ai dit ci-defTus.
9°. Le plus grand coefficient négatif d'une
équation quelconque , confidéré comme
pofitif, & augmenté de l'unité, excède
toujours la plus grande racine poiitive de
Y équation. Par conféquent ,
io°. Si en place de la quantité inconnue
x de Y équation, vous mettez le coefficient ,
pris comme pofitif & augmenté de l'unité ,
moins x y toutes les racines deviendront
pofitives. Dans ce cas , vous n'aurez befoin
que des règles de h figure z y dont les cen-
tres font à leurs extrémités , & elles vous
fuffiront pour tous les cas poftibles ; car
vous devez avoir obfervé que les centres
de celles de la deuxième figure font autre-
ment difpofés.
ii°. Si après avoir rendu toutes les ra-
cines de votre équation pofitive , vous
voulez vous éviter la peine de transporter
la règle M Mi la droite de RR ; ce qui
eft fujet à quelque inconvénient , je veux
dire , fi vous voulez que toutes les racines
de votre équation fe trouvent entre Otk T}
ou entre zéro & l'unité , au lieu de la
quantité inconnue x de la dernière équa-
E Q U 789
don y mettez z, multipliée par le plus grand
coefficient négatif, confidéré comme pofitif
& augmenté de l'unité. Par exemple , fi
le plus grand coefficient négatif de Y équa-
tion 3 eft — 9 , métrez 10 x à la place
de chaque x , & vous aurez une nouvelle
équation , dont toutes les racines fe trou-
veront fur la ligne O T } fans qu'il foit
befoin de la prolonger , car elles feront
moindres que l'unité , je veux dire , que
DC ou OT ; mais après avoir ainfi trouvé
les racines , il faut les multiplier par le
coefficient augmenté de l'unité , c'eft-à-
dire , dans l'exemple ci-defTus , par 10,
parce qu'ayant mis 10 :r pour a:, on rend
chaque racine dix fois plus petite qu'elle
n'étoit.
Ces propofitions font reçues de tous
les algébriques , & n'ont pas befoin d'être
démontrées.
Voici la defcription d'une machine pour
régler le mouvement des règles dont j'ai
parlé : elle n'eft que pour les équations du
deuxième degré ; mais on peut également
l'employer pour toutes les autres.
AB C D y figure 4 , eft un chaffis de
fer ou d'acier , compofé de quatre barres
de fer afTemblées par leurs extrémités ,
qui forment un parallélogramme redangle
de douze pouces de long fur huit de large,
aux quatre coins duquel font des appuis
EFy GHy iKy & LM y fur lefquels il porte.
Sur le côté A y eft un coulant N , qu'on
peut arrêter avec une vis dans tel endroit
qu'on veut , & fur lequel la traverfe NO
tourne fur fon centre. Son autre extrémité
tient par le moyen d'une vis avec fon écroue
à la traverfe PQ , qui eft pareillement
arrêtée fur le chaffis aux endroits P & Qy
mais de manière qu'on peut l'approcher
ou l'éloigner à volonté de l'extrémité A.
Cette traverfe eft repréfentée par la ligne
R R de la première figure. Les quatre
appuis EFy GHy IK, LM, portent
trois traverfans ST, UX & YZy fur le
premier defquels eft une boîte coulante oy
' qui fert de centre au traverfant a b. Le
| fécond & le troifieme , favoir, UX&; YZr
! font pareillement garnis de deux noix cou-
lantes e & j, qu'on arrête où l'on veut par
j le moyen d'une vis , & auxquelles la foie
'e/eft attachée. Les trois traverfans S F,
79o E Q U
UX, A, ou plutôt la ligne tracée fur celui
d'en haut repréTente la ligne S S de la
figure i , & la foie ef , la bafe ZZ de la
même figure.
g h i k eft un autre parallélogramme
environ deux fois plus long que le premier,
dont les côtés g k & h i coulent dans des
fupports attachés par des vis au chaffis
ABCD , dont trois font marqués par les
lettres l, m , n , & ont des dents triangu-
laires par defîbus , depuis g jufqu'à d , &
depuis A jufqu'à o , lefquelïes s'engrainent
avec celles des deux roues s & t de même
diamètre, dont Taxe p r eft foutenu dans
deux endroits , favoir, u , & un autre qu'on
ne peut voir dans la figure. Ces dents fer-
vent à régler le mouvement des traverfans
gk & /W , lorfqu'on fait mouvoir la ma-
chine ; au moyen de quoi , les barres n x
& y l > Qui coulent dans deux pièces i &
2 font toujours parallèles. Elles font repré-
fentées par la ligne MM de la première
figure. Celle de defîbus nx eft garnie d'une
pointe 3 , dont l'extrémité fupérieure paffe
dans la rainure de la barre 4 , $ , & l'in-
férieure parcelle de l'alidade NO. Sur la
barre de defïïis y % , eft attachée une pointe
perpendiculaire 6 y J , dont on peut ôter
la pointe pour y mettre un crayon ; cette
pointe repréfeme le point s & la première
3 , le point r de la première figure. Sur la
barre 4 , 5 eft un boulon rivé 8 , qui eft
placé directement au deffus de la rainure
de la barre P Q , & qui repréfente te,
le point a de !a première figure. Les deux
traverfans 9, 10, 11, & 12, coulent
dans les fupports 13, 14 , 15 & 16 , font
garnis de dents triangulaires , qui engrai-
nent avec celles des roues 17 & 18 , dont
l'axe eft marqué par les nombres, 19 , 2c.
Ces roues règlent le mouvement des barres,
& font que celle qui eft marquée par les
chiffres 4, 5 , fe meut toujours parallèle-
ment ; elle eft repréfentée par la ligne la
de la première figure. Les coulans e ,f , c ,
N & R , étant arrêtés avec des vis dans
les endroits convenables félon les coeffi-
ciens de V équation 3a\vS\ qu'on le verra dans
l'article fuivant, en avançant ou reculant
la barre g h , on fera mouvoir la machine ,
& la pointe 6 , 7 décrira une courbe qui
fera le lieu de Y équation. Les endroits où
E Q U-
| elle pafTera fous la foie efy à compter de
la ligne pon&uée , qui eft marquée fur la
traverfe UX, indiquera les racines réelles ;
& le nombre de fois qu'elle approchera &
s'éloignera de la même foie fans palier
defîbus , marquera celui des racines imagi-
naires. Au defïùs des montans EF, GH>
IK & LM-, font de petites pièces 21 , 22
& 23 , qui empêchent les barres qui cou-
lent deftbus de fortir de leurs places. Voici
maintenant la manière de rectifier la ma-
chine pour une équation donnée.
Arrêtez les noix e f , auxquelles la foie
eft attachée à égales diftances des foutiens
EF&c LM ; avancez enfuite la noix c, qui
porte l'extrémité de la barre a b , de forte
qu'elle foit plus éloignée du foutien EFt
que l'endroit où vous avez arrêté la noix e ,
d'un nombre de divifions prifes fur une
échelle de parties égales , égal au terme
connu de l'équation, s'il eft pofitif, & plus
près s'il eft négatif; & arrêtez- la dans cet
endroit. Faites enfuite couler la noix N ,
qui porte la barre NO, l'éloignant ou l'ap-
prochant du foutien EF, plus que ne l'eft
la noix c , d'un nombre de divifions prifes
fur la même échelle égal au coefficient de
Y équation , je veux dire , celui où la quan-
tité inconnue n'a qu'une dimenfion , plus
loin fi le coefficient eft pofitif, & plus
près s'il eft nigatif. Faites enfuite couler
la noix jR, qui fixe l'autre extrémité de la
barre NO , jufqu'à ce qu'elle foit plus éloi-
gnée d'une ligne tirée du foutien EF au
foutien LM , je veux dire , du côté D du
chaffis , que la noix N , d'autant de divi-
fions que le coefficient du terme de Y équa-
tion , où l'inconnue à deux dimenfions l'in-
dique , plus loin s'il eft pofitif, & plus
prés s'il eft négatif. Pour cet effet , on doit
graduer le côté A du chaffis, les barres ST9
UX, YZ, & le traverfant PQ , à com-
mencer du front D. Ces gradations font
marquées différemment fur la machine ,
mais d'une maniete moins commode. Si
Ton obferve les endroirs où la pointe , où
le crayon 6,7, coupe la foie ef, à com-
mencer de la ligne ponduée marquée fur
la traverfe UX; & qu'on les mefure fur
une échelle , fur laquelle la diftance du
traverfant P Q , prife depuis une ligne
tirée du milieu de l'extrémité A de JS i*
EQU
a G H repréTente l'unité (on peut en voir
îa raifon dans la démonftration ci-defîus ,
oj D c ou OT , figure i y qui marque la
diftance de cette ligne P Q de la barre A,
e.r prife pour l'unité ) , on aura les raci-
nes que l'on cherche. Si l'on ôte la foie
e f y & qu'on mette un Garton fur la ma-
chine, fur les deux traverfans fupérieurs
U X&c Y Z y apqès avoir tracé defîùs une
ligne qui représente la foie ef, & mis un
crayon en place de la pointe 7 ; ce der-
nier décrira une courbe , qui , avec la
ligne droite dont je viens de parler , conf-
truira V équation donnée. Plus les coefficiens
feront grands (on peut les augmenter au-
tant qu'on veut fans changer les racines ,
en les multipliant par tel nombre qu'on
voudra ) , plus les angles , que la courbe
& la ligne formeront , feront grands ; ce
qui eft avantageux dans la conftruction
des équations. Comme il paroit par la dé-
moriftration précédente , qu'en augmen-
tant les barres^de cette machine , on peut
l'employer généralement pour toutes les
équations de quelque degré qu'elles puiflent
être , on peut Pappeiler , à jufre titre , un
conflrucleur univerfel d'équations. ÇVj
ÉQUATIONS DÉTERMINÉES.
( Algèbre.) Je me bornerai dans cet article
à expofer ce qui a été fait jufqu'ici fur la
folution générale des équations, donc on
n'avoit pas parlé dans ce Dictionnaire ,
parce que lorfque X article ÉQUATION fut
imprimé , les analyftes ne s'étoient pas en-
core occupés de cet objet , comme ils l'ont
fait depuis.
Le premier qui ait fait quelques pas
dans cette recherche, eft le célèbre Tchirf-
naus , géomètre Allemand , à qui l'on
doit la découverte des cauîtiques. Il pro-
pofa une méthode pour faire difparoitre
autant de termes qu'on voudroit d'une
équation propofée par le moyen d'une fubf-
titution ; & il trouva que fi on vouloit la
réduire à deux termes*, le premier & le
dernier , & faire difparoitre les intermé-
diaires , on feroit dépendre la folution de
fe propofée , de celle d'une équation
Y n -4- A=o , n étant le degré de la
propofée , & A dépendant d'une équation
du degré /z — 1 ; rc — - 2 .... 2. 1.
M. Euler & M. Bezout, l'un dans le
EQU
791
tome XI des mémoires de Fétersbonrg y
l'autre dans les Mémoires de V Académie
des Sciences , pour l'année 176$ , ont pris
une aucre méthode. Ils ont fuppofé que la
racine d'une équation du degré n 9 étoit
n n
de la forme y A -j- \/ B... le nombre
des A ? B , &c. étant n — i ; & ils ont
trouvé que l'on avoit A par une équation
aulîi du degré n — 1 , /z — 2 , n — 3 . . .
2. 1.
La folution d'une équation du Çe. degré
fe trouvoit donc réduite à celle d'une
équation du vingt-quatrième. Et quoique
C Voyelles recherches de M. de la Grange
& de M. de Wandermonde , fur cet objet)
cette équation foit réduclible à une du
fixieme , Yéquation du cinquième degré
n'eft pas rabaiiTée par ce moyen , & celle
du fixieme le feroit encore moins.
Il refte donc ici deux objets à confi-
dérer ; l'un , la pofTibilité de parvenir à cet
abaifTement , auquel les équations femblent
fe refufer ; l'autre , les moyens de rendre
praticables les calculs immenfes où cette
méthode générale doit nécessairement con-
duire.
MM. Waring & Wandermonde fe font
occupés avec beaucoup de fuccès du fé-
cond objet. On fait que le fécond terme
d'une équation eft égal à la fomme des
racines ; le troifieme à celle de leurs pro-
duits deux à deux , & ainfî de fuite. On
fait aufli que ces fonctions qui font con-
nues , puifqn'elles font les coefficiens de
la propofée , étant données , on peut en
tirer la valeur d'une fonction quelconque
des racines , pourvu que toutes y entrent
d'une manière femblable ; mais les for-
mules des coefficiens de la propofée qui
expriment ces fonctions femblabîes de ra-
cines , font difficiles à exprimer fous une
forme générale & commode , lorfque le
nombre des racines ou les expofans de
ces fonctions font des quantités indéter-
minées. Si les fonctions femblabîes de
toutes les racines font rationnelles , tes fonc-
tions des coefficiens de la propofée le font
aufîî : mais fi elles font irrationnelles ; fi
au lieu de fonctions femblabîes de toutes
les racines , on cherche des fonctions fem-
blabîes de deux , de trois racines feule-
79i EQU
ment ; alors les fondions des coefficiens
qui y répondent , ne font plus rationnelles ,
& il faut déterminer le degré des équa-
tions dont elles dépendent alors , & les
coefficiens rationnels de ces équations.
Soit par exemple une équation :
xn + axn~l -+* bxn~z + /* = o.
& qu'on demande la valeur de
y=:Ap + Bp~{-Cp
A y B y C , étant les racines de la propo-
fée , & entrant au nombre de m dans la
valeur de/; i°. fi p eft entier, on verra
que X équation qui doit donner y y fera
d'un degré égal au nombre des combi-
naifons de n y quantités prifes en nombre m;
2°. fi/» eft une fraction dont le dénominateur
foit p y le degré de Yéquation rationnelle
en y y fera le même nombre des combi-
naifons de n y quantités prifes en nombre
m y multiplié par pmy & de plus , il n'y
aura dans Yéquation en y y que les termes
où l'expofant de y fera un multiple de p.
Si q p eft le degré de cette équation en y y
on aura le coefficient de y q~l p égale à une
fonction de a y b1. . . r* du degré pp 9 le
coefficient de y q~ipl à une fonction de
degré 2 pp ; & ajnfi de fuite, & il n'y
a plus à déterminer que les coefficiens de
ces fondions. Cette dernière partie eft
celle pour laquelle il eft le plus difficile
de trouver des exprcflions générales. Nous
renvoyons pour cet objet à l'ouvrage de
M. Waiïng , intitulé : Meâitadones Alge-
braicx ; aux Mémoires de M. Wander-
monde ; Mémoires de l'académie des
fciences , volume de 1771 ; aux Mémoires
de Berlin , années 1770 & 1771 , où M.
de la Grange s'eft occupé auffi du même
objet.
Cette théorie , une fois établie en gé-
néral , & réduite à des formules dont on
puifTe faifir la loi , il eft clair qu'on aura
immédiatement & fans calcul les coeffi-
ciens de toutes les équations transformées
qu'on emploie pour rabaiftèr la propofée.
Refte à favoir fi ce rabaifTement eft tou-
jours pofTible. M. de la Grange a prouvé
qu'on ne pouvoit fuppofer en général
<jue la foluçion d'une équation du dt^ré
EQU
n y dépendît de ceiie d'une équation du
degré /z— 1 . Examinons donc s'il n'y a point
d'autres reffources. M. de la Grange prouve
que la quantité A y ci-deffus donnée par
une équation de degré n— -1 , n — 2, n— 3...
fera réductible à une équation du degré
n — 2 ; n — 3 3.2. 1 foit ce de-
gré m y & cherchons A comme nous avons
cherchez , nous aurons , faifant A— V y
la quantité V eft employée ici pour faire
difparoître le fécond terme , |/ A +
m
y B' y & au nombre de m— -1. A' par
une équation du degré 772— 1 , /rc— r-2, m— 3...
3,2,1. Alors il le prélente deux cas, ou
le nombre m — 1 , de fonction A , B' ,
&c. fera plus grand qu'il ne doit être ,
ou il ne le fera pas ; dans le premier cas ,
il arrivera qu'il y aura un certain nombre
des racines de Yéquation en A qui fe
trouveront être zéro ; foit m' le degré de
Yéquation en A y nous ferons A— K'=
V A'-Y V B" y &c, & nous aurons A'
par une équation du degré m'— -i , m'— 2....
3 , 2 , 1. Si la fuppofition de m'-—i radi-
caux n'eft -pas trop compliquée. Le degré
de Yéquation en A fe réduira à m — 2 x
m— 3 3 , 2 , -1 , il en fera de même
pour A' y & ainfi de fuite. Il eft clair que
pourvu que la valeur de x foit finie , &
que l'on puifTe la fuppofer formée par des
radicaux placés fuccefîivement , en forte
que la valeur de x foit compofée de «— 1
n
termes de la forme 1/ Ay A de n termes
\/ A plus un terme confiant, A de n't
termes y A' y plus un terme confiant , &
ainfi de fuite un nombre fini de fois, on
aura enfin la racine recherchée. Or , il n'y
a point de fonction compofée de radicaux
qu'on ne puiftè réduire à cette forme :
donc en fuivant le procédé ci-deftus , on
parviendra à trouver enfin une quantité
A y qui fera donnée par une équation du
fécond degré , toutes les fois qu'elle fera
poffible.
Maintenant il y a lieu de penfer que le
nombre
E Q U
nombre de ces opérations ne pourra être
plus grand que n — i. En effet, foit xy
égal à une fonction qui contienne des ra-
dicaux les uns fous les autres , qui ait
71 — i termes différens femblables entr'eux ;
il faut qu'une fonction linéaire des produits
& des carrés de ces termes foit une quantité
rationnelle. Les carrés ne peuvent pas l'être,
puifque les racines ne le font pas, & que n
^> 2 ; donc il faut que les produits de deux
termes le foient. Or , cela ne peut arriver
s'il n'y a pas dans ces termes une fonction
fous le radical 2. Il faut enfuite qu'une
fonction linéaire produife trois de ces ter-
mes , de leurs cubes , du produit des carrés
de chacun par les autres , foit une quantité
rationnelle, les cubes ne font pas rationnels ;
& pour que les autres le deviennent , il faut
que chaque contienne des radicaux fous la
ligne 3 , & ainfi de fuite jufqu'au dernier
terme ; terme qui devient fonction linéaire
des termes qui font fous la ligne n. On voit
donc pourquoi il pourroit y avoir , &
même il doit y avoir n — 1 radicaux fuc-
cefîifs. Mais on ne voit pas pourquoi , en
prenant cette forme , il y en auroit un plus
grand nombre.
Nous terminerons cet article par une
confédération qui peut être d'une grande
utilité. C'eft que mettant la propofée ,
fous la forme xn -\- bl xr—z -\~ ci x"-* ....
-^-r", toutes les fonctions rationnelles
fous le figne n , feront des fonctions de
h- y c*, r" du degré n3 les fonctions fous
les radicaux n & ri des fonctions du degré
n ri ; & ainfi de fuite (c'eft, je crois,
M. Fontaine , qui , dans fon mémoire fur
les équations, a employé , le premier , cette
remarque , qui peut abréger confidéra-
blement les calculs ) les coefficiens de ces
fonctions feront des nombres rationnels ,
& ceux des radicaux , des racines des
équations yn ~ l = o , ym —* l = o , &c.
Il ne refte donc plus- fur la réfolution
générale des équations que deux difficul-
tés ; i°. la longueur du calcul; 20. qu'il
n'eft pas rigourëufement démontré qu'une
équation déterminée d'un degré quelcon-
que , ait une racine d'une forme générale
& finie ; c'eft ce qui arriveroit , fi , en
fuivant la marche indiquée ci - deflùs , la
Tome XII.
E Q U 793
folution de la propofée n étant un nombre
premier, fe réduifoit à la folution d'une
autre équation du degré n y qui n'auroit
pas de divifeurs rationnels , ou fi n n'étoit
pas premier à une équation d'un degré
pour lequel X équation , qui donne les
termes fous le radical n , ne fe rabaifferoit
pas au defïbus du degré n — in — 3 . . . .
3 , i9ï. Ainfi, dans le cas où la racine
n'auroit aucune forme finie poftible , la
méthode propofée ci-deffijs conduira en-
core à trouver cette impoffibilité. C'eft
donc à diminuer la grande complication
des calculs , & à trouver des méthodes
qui les abrègent, que les analyftes doivent
tendre maintenant.
J'ai publié quelques recherches fur ce
fujet dans le tome V des mémoires de
l'académie dé Turin. (O)
EQUATION aux différences fin tëf,
Teylor paroît être le premier géomètre qui
ait confidéré les différences finies. M. Euler
a fait fur cet objet un grand nombre de
belles & utiles recherches dans fes Infli-
tutions de calcul différentiel ; mais il s'eiî
occupé fur-tout d'appliquer aux fuites in-
finies ou indéfinies , la théorie de ces dif-
férences , ou réciproquement. En effet , fî
on appelle X une fonction quelconque de x,
& X' ce qu'elle devient en mettant pour x,
x-^Ax (a eft ici le figne de la différen-
tiation , comme d pour les équations ordi-
naires ) ; on a également X' z=X-\-aX9
&^=X+^Ax+£7^A^ + rf^.
Axl
En effet , fi on cherche à avoir X en X,
en ordonnant la férié par rapport à Ai,
il eft aifé de voir qu'on peut prendre X
pour le premier terme de cette valeur ,
puifqu'en faifant A x = o y X devient Xy
le fécond terme multiplié par a x doit êtte
égal à ce que devient j^ , en y faifant
A x = Oy c'eft- à- dire , 7—, ;
multiplié par deux eft égal à ^ [g , en
faifant A x = o> c'eft-à-dire , qu'il eft
±±*> & ainfi de fuite.
Ce théorème dont j'ai déjà fait ufage I
Hhhhh
le troifieme
\ <tdX'
794 E Q U
r article Approximation , eft du à
M. d'Alembert.
Si l'on 2. A X égal une fondion de x,
on aura encore , par le moyen de cette
expreflion , Xy en x par une férié infinie.
En effet, puifque A X connu , que j'appelle
£££ a a;1 4- — 3-
A**
E Q U
^f = — A X
d k
+
A ** , &c. j'aurai A * Jf= -<4 i * —
dX
i
A*
dX
jrj — ^JL «*, &<;. mettant pour ^Z A x
fa valeur ^4 — 7ZS£t * *> &c- Pour
~[-x A a: fa valeur d A — 7—^ A xz y &c,
j'aurai -Y en férié de A & de fes diffé-
rences.
Je me propofe , dans la fuite de cet
article, de traiter les équations aux. diffé-
rences finies d'une manière générale &
directe. On trouvera aux articles POSSI-
BLES, Maximum, Linéaires, ce qui
regarde leurs équations de condition , ou
de maximum , & la folution des équations
linéaires. J'ai montré à Y article APPROXI-
MATION , vers la fin , que leur folution
approchée dépendoit toujours d'équations
linéaires, & je me bornerai ici à donner
une théorie générale des équations aux
différences finies des fonctions qui peuvent
entrer dans leurs intégrales, & delà ma-
nière de les trouver rigoureufement autant
qu'elles font poflibles par la méthode des
«oefficiens indéterminés.
Soit Z y une fonction de x y y \y qu'on
mette dans Z au lieu de x y x -\- a x au
Iieudej,>y-t-A.yaulieudeç, l^r*l>
& qu'on appelle Z' ce que devient \ ;
alors on aura Z' = Z 4- A Z & A Z =
Z' — Z. Si on a une fonction de xy y, \ y
A xy Ayy a i y A lyy A x\ y &c. A x étant
ftippofé confiant , on mettra dans cette
fondion Qy î-^-ai, au lieu de x y
y + ^y pour yy î+a{ pour ç, A y
■+■ A zy pour A yy a ç Jf a z% pour A ^ y
Azy-\~Axy pour A zy3 A x ^-\- Al\ pour
A \y & ainfi de fuite, & appellant Q' ce
que devient alors Q y on aura O' = Q
+ ^QaQ=QX-Q. 2 Z
Soit Z .= / xy on aura ,Z'c= l.x + A x
jX-\- Û*
& A Z = l x -+• A x — l x
; — / I "T *
Soit Z = c "*, Z' =<?«*+<'**=:
ea&x eax: doncAZ= (eaA* — i ) c«*;
donc A x étant confiant a2 = o toutes les
fois que eaAx = i.
Soit Z —e'******' Z' = e*xZ +
*,'+''&Z'-|-AZ/=2"=«"l+i"*^''l
lorfque Axeft fuppofé confiant.
On trouvera de même que foit Z une
fondion de e**, & ea ** = i , Z' = Z ,
pourvu que cette fonction ne foit pas telle
que pour avoir caâk*— i=o> il faille
prendre a A x = o ; ce qui arriveroit fi
Z •=-lea*\) ou (cax) ^ ou contenoit
de pareilles fonctions. Soit enfin Z =
a x a x a Sx
Ne
Z' = eNe
donc fî
ga&x eft un nombre entier, la compa-
raifon de ces deux équations peut faire
évanouir cette tranfcendanre , de même
la comparaifon de 3 , 4 , Ùc. équations
bx
(èmblables , feroit difparoître eaxe x
1 bx
eax e , Oc
Si maintenant on veut réfoudre le pro-
blême drivant , trouver l'intégrale faas
différences variables d'une équation aux:
différences finies , on y parviendra à l'aide-
des obfervations fuivantes.
i°..Lapropofée eft produite par la com-
paraifon des équations Z = Q , A Z = o y
**Z = oy *»Z = o,
20. Il n'y a point de fondion tranfcen-
dante de \ y & y dont la différence ne le
foit , on n'en contienne une nouvelle.
30; x étant une variable dont la diffé-
rence a x efï confiante , au lieu d'une
arbitraire fans variable , on aura une fonc-
tion arbitraire de eax, a étant tel que
eaAxz==z i<
40. Une feule différentiation pourra, par
la comparaifon entre la différentielle &
l'intégrale,, faire évanouir un terme epar
p étant quelconque , & la fondion arbi-
traire fera le coefficient de ce terme. Deux
différentielles fucceiîives, comparées avec;
leur intégrale , peuvent faire évanouir uru
terme ea*i4-**, a & b étant quelconjs-
E Q U
tjues, & de plus un terme e*'", V étant
donné en a & h 9 & ainfi de fuite. La
comparaifon de l'intégrale avec la diffé-
ax
rentielle peut faire aufTI difparoître e Ne ,
& la comparaifon de l'intégrale avec deux
différentielles fucceffives, faire difparoître
bx
eaxe , & ainfi de fuite.
5°. Quoique la propofée ne contienne
pas a x y cependant l'intégrale de l'ordre
immédiatement inférieur peut contenir x ,
parce que la différentielle exacte peut con-
tenir un terme confiant a = a—? dont
l'intégrale eft -~.
6°. Si dans un produit indéfini F x.
Fx-—*x. Fx — i&x . . . le nombre des
termes étant ^-ou^-; n'étant un nombre
A x A x '
entier , on fait x = x 4" a x; ce produit
ne change pas de forme & eft feule-
ment multiplié par Fx 4" a x y ou par
Fx 4" A X. Fx 4-2 A x. . . . F X 4~ 72 A x;
donc fi on l'appelle X, on aura X + A*
X
=.Fx-\- a x y ou Fx-\- a x , Fx-\-
2 a x .... en nombre déterminé & fini ;
donc une feule différentiation peut faire
difparoître un nombre déterminé de ces
produits multipliés ou divifés les uns par
les autres , en même temps qu'une expo-
nentielle & une fonction arbitraire , & de
même deux différentiations peuvent faire
difparoître une fonction.
2 J
Fxy Fx—Ax, Fx — zax9 &c.
7e. Si la propofée contient des radicaux
dans fon intégrale immédiatement infé-
rieure , en difFérentiant la propofée , on aura
une équation qui aura deux intégrales-ration-
nelles de l'ordre immédiatement inférieur.
8°. Le nombre des arbitraires eft égal à
l'expofant de l'ordre de la propofée ; mais
on ne peut pas lui fuppofer en général n
intégrales algébriques de l'ordre n — i . En
effet, on a d'abord le terme ea*x qu'une
feule différentiation ne pourroit pas faire
difparoître : ainfi îorfque l'intégrale de
l'ordre n — i doit le contenir , une des
intégrales de l'ordre n — i le contenant
E Q U 79î
auflî , fa différentielle exacte contiendra
ebx.
D'ailleurs ( s étant le figne de l'intégra-
tion par rapport awx différences finies , &
Fx défignant une fonction donnée de rr),
l'intégrale de l'ordre n — i peut contenir
s F x y & cette fomme peut ne pas être
exprimable en termes finis , par une fonc-
tion finie de x; alors fi l'intégrale de l'ordre
n — ■ 2 contient z F1 x , & que F aJjpn-
tienne s Fx > il paroît impoffible devoir
deux intégrales de l'ordre n — i. Mais fi
on peut égaler s F' x à une fonction finie
de a: & Fx plus une fonction z F" x>
F" ne contenant plus Fx y on aura alorg
les deux intégrales ; & comme de telles
fonctions peuvent entrer dans la différen-
tielle exacte , fans que X foit dans la pro-
pofée, on ne pourra fuppofer qu'on ait n
intégrales de l'ordre n — i qui puifîènt la
produire fans contenir x & eb'". ou
e
tes
4" x
, &c. dans leurs différentielles exac-
, ou même des produits indéfinis.
9". Il fuit delà qu'il faudra ou fuivre
la méthode des intégrations fucceffives,
ou bien , lorfqu'on aura une équation inté-
grale de l'ordre n — ■ i qui contienne x ou
a m
e?*, ou un produit indéfini, ou eNe ,
fuppofer une autre intégrale du même
ordre contient a: ou epx, ou la fonction
indéfinie, & de plus eax* + h'x & une
fonction indéfinie qui ( nc. 6 ) peut difpa-
roître par deux différentiations , & ne de-
vient la propofée qu'en mettant au lieu
de celles de ces quantités qui reftent après
avoir comparé cette nouvelle inrégrale
avec fa différentielle, leurs valeurs tirées
de Yéquation intégrale qu'on a trouvée
d'abord , & fi la nouvelle intégrale con-
Z + bx
tient ea* , &c. on fuppofera qud
e axx 4" b x , Ùc. entre auflï dans la troi-
fieme intégrale , & ainfi de fuite ,
9°. On obfervera que ,
ZX**Z = X AZ E A X A Z 4" A X A *Z
io°. Pour intégrer la fonction en x purs ,
on remarquera que la différenciation n'en
ayant pu faire évanouir ni radicaux , ni
fondions tranfcendantes , toutes les fois
Hhhhh i
796 EQU
qu'elle pourra être exprimée par une fonc-
tion finie , cette fonction fera une fraction
rationnelle de a: & des fondions de x con-
tenues dans la différentielle , & on l'aura
toujours en férié infinie par la méthode dont
j'ai parlé au commencement de cet article.
ii°. Si une équation propofée contenoit
des quantités tranfcendantes, alors il fau-
droit les regarder comme fondions algé-
briques de nouvelles variables & de leurs
différences , en forte que les regardant fous
ce point de vue, la propofée foit encore
pofiible.
futile que foit une équation aux diffé-
rences finies , ces principes fuflir ont pour
L'intégrer par la méthode des coefficiens
indéterminés.
Quant aux intégrales qui échappent à
cette méthode, on peut dans différens cas
trouver des formes de fondions qui les
repréfentent ; mais cette difcufîion nous
entraîneroit trop loin.
Si au lieu de favoir que a x eft confiant ;
on favoit qu'il eft égal à <p , fondion de x
îky > il n'y auroit qu'à éliminer y , & on
auroit x par une équation comme ci-defius,
dont l'intégrale contiendroit une nouvelle
variable x' ,y feroit donné par une équation
femblable , & pour avoir y en x y il fau-
droit éliminer, x (o)
EQUATIONS aux différences finies &
infiniment petites. Je donne ce nom à des
équations qui contiennent outre les varia-
bles y y & x leurs différences finies &
infiniment petites, telles que dx y dy >
éxy dy, a aj, d*yx dly... a ny ,
d *n~1y , &c. Aucun géomètre n'a. en-
core confidéré la théorie de ces équations.
Voici quelques remarques fondamentales
qui pourront conduire à une méthode de
les réfoudre généralement.
i°. La propofée pour un ordre n de
différences pourra , fi Z en eft l'inté-
grale complète & finie, être mife fous la
forme.
aZ+bdZ + cAZ-{-edzZ-\-fd±Z
-\-g^Z...-\-pdn Z...+q±»Z=0.
Il fuit de cette forme femblable à celle
des différences partielles ,. que la propofée
n'a point pour intégrale nécefiaire une
équation de l'ordre .n.-— i, dont les diffé-
EQU
rentielles combinées entr'elles produifent
la propofée.
2°. a x étant fuppofé confiant , les quan-
v
tités t** p étant un nombre entier, ou
p b x
ea* e ? ebAx étant un nombre entier,
font Tes feules qui fe trouvent également
dans Zy Z-\"Z)Z~\~dZ, & par con-
féquent fi dans la propofée p & q ( n°. i )
ne font pas égaux à zéro , c'eft-à-dire ,
fi la propofée contient à la fois des diffé-
rences n" finies & infiniment petites , l'in-
tégrale ne contiendra point d'autres tranf-
cendantes ni d'autres arbitraires que des
fondions fans variables , p pourra être égal
à ÏLli*?, mais jamais plus grand , &
p b *
femblablement pour les fondions e * * *
p ne peut être > - — -zJ — i.
3°. Si la propofée eft telle que les équa-
tions An Z = o d" Z = q n'entrent pas
dans fa formation , mais feulement les
équations An-m Z = o dn-m' Z =^o ,
& des1 équations aux différences , partie
finies , partie infiniment petites. Alors on
pourra avoir une intégrale qui contiendra
m tranfcendantes quelconques, ou un plus
grand nombre de tranfcendantes en x feu-
lement , & telles que l'une étant V une
autre foit V-\-a Vy & ainfi de fuite, ce
nombre étant toujours facile à déterminer
pour chaque ordre , & m! arbitraires pa-
reilles à celles des équations aux différences
finies , c'eft-à-dire , qu'on aura pour in-
tégrale une fondion algébrique des varia-
bles & leurs différences infiniment petites ,
p
dont les coefficiens pourront être ea* ,
& en général des fondions Q de x don-
nées par des équations aux différences finies
entre x & Q.
Voyez fur ce fujet les mémoires de
l'académie des fciences, année 1771.
Voyez aufîî Yarticle ÉQUATIONS LI-
NÉAIRES au mot Linéaires, où l'on
confidere quelques autres hypothefes dV-
quations- aux différences finies. ÇoJ
ÉQUATIONS empiriques. On a nommé
ainfi des équations trouvées indépendam-
ment de toute théorie & d'après les feules
obfervations d'une pjanete ; & comme elles:,
E QU
repréfentent avec exactitude le mouvement
de cette planète pendant les révolutions
obfervées , on en conclut qu'elles pourront
les reprefenter indéfiniment.
Ainfi les équations de mars , telles que
Kepler les détermina lorfqu'il trouva moyen
d'expliquer les irrégularités qu'il avoit ob-
fervées dans fon cours , en fuppofant que
fon orbite éroit elliptique, ces équations y
dis je-, étoient empiriques. Mais lorfqu'en
appliquant cette loi aux autres planètes ,
il prouva que leurs orbites étoient aufïï àcs
ellipf^s , alors leurs équations trouvées
d'après cette hypochefe furent des équa-
tions données par la théorie , & non plus
des équations empiriques. Ainfi une équa-
tion à qui on a donné long- temps ce nom ,
ceiTe de i'avoir lorfqu'on trouve une théorie
qui en rend raifon.
M. Wargentin a trouvé des équations
empiriques pour les fatellites de Jupiter ;
d'après ces obfervations feules & d'après
ces équations > il a dreffé des tables de ces
fatellites qui repréfentent leurs mouvemens
avec des erreurs qui ne vont pas au delà
de quelques minutes.
M. de la Grange eft le premier qui ait
imaginé de réduire en méthode générale
l'art de trouver ces équations empiriques.
Voici une idée abrégée de cette méthode.
i°. Toute expreiTion d'une quantité
donnée par une équation différentielle ,
peut être fuppofée égale à une fuite de
termes en finus & cofinus ( Voye\ les
articles APPROXIMATION & ÉQUATION
Séculaire). Le problème fe réduit &
doit trouver cette férié par les feules ob-
fervations, toutes les fois du moins que
cette férié eft convergente.
2°. Dans ce cas , un certain nombre fini
de terme de cette férié doit reprefenter les
obfervations. Soit donc Ç) la quantité dont
on cherche la valeur, (bit Z, Z' , Z" ,
Z'" Z'".... n des valeurs obfervées de Q
répondant à n valeurs de l'angle décrit x
ou du temps t y nous aurons Z (n°. i )
égal à un nombre fini de termes , fin. a'
4- b' X;om fin. a + b T & cof. a' -^ b'
X, ou cof. a -\- b T, chacun de ces termes
étant multiplié par un coefficient conf-
tant, X & T font les valeurs de x & t y
correfpondantes à Z. Soient maintenant
E Q U 797
X+p, X-\~z p, X-4-3 p9 &c. les
valeurs correfpondantes à Z', Z" , ZUI , &c.
& prenant une feriez)" -\- Z' y -\-Z" yz -4-
% m ?*>&£• (A) le terme général de cette
férié fera compofé de termes cof. a -f- b'
X-\-b' p m, fin. a! -\- b' X -\- b p m, m
étant l'expofant du terme général; or, puif-
que fin. a' -\- b' X -\- p m =
(.a' + b'X+b'pm) Y-i-(a'+yX + b'pm) y7- i
e *
2 y - I
& que cof. a' -\- y X + bf p m =
r
(a'-\~bX+bpm) Y -r-( a+ b' X+b'pm) "/
e -\-t
1
il eft aifé de voir que le terme général (A)
fera compofé d'un nombre 2 n de termes ,
dont chacun fera égal au terme correfpon-
dant dans le terme précédent de la férié
multipliée par ehV — iy eb'pV — ^i donc
chaque terme formera une fuite géomé-
trique ; donc la propofée fera égale à la
fomme de 2 n de ces fuites , & le dénomi-
nateur de la férié récurrente fera i — -
ePby-iy j—.e-pb'Y-i, & ainfi de
fuite pour chaque finus ou cofinus ; donc
le dénominateur fera i -*- 2 , cof. b' p y
-\-yz Xi — 2 cof. b" p y -\-yz , &c. donc
la férié ÇAJ fera récurrente ; foit donc
Z, Z' y Z" y Z'" y &c. les valeurs don-
nées par i'obfervation , il faudra donc cher-
cher la férié récurrente de cette forme ,
dont Z 4- Z' y -J- Z" y z + Z1" y 3, &c.
font les premiers termes pour cela ; je
remarque que la fomme de la férié récur-
rente fera nécefîàirement
A-\-By\>Cyz-\-D j3...... Pym~\
A-\-B' y + Cy^-\>D y' F' y™.
donc prenant toujours Z en nombre im-
pair, foit 2 /# — i le nombre , on aura par
des équations linéaires les valeurs des A>
B... P, .... A' B'... F, & fi ces valeurs
forment une férié convergente , lorfqu'on
augmente le nombre des obfervations, alors
prenant le dénominateur, on cherchera à
réfoudre Y équation A' -\- B' y... -\mPf ym'
= o en fadeur 1—2 , cof. V p y -\-y * y>
on mettra enfuite.
A-\-B! y-\-Cyz
A' + B' y I F y*»1
79» E Q U
fous la forme d'tine fomme de fra&ions
divifée par 1—2 cof. b p y -\-y % , & l'on
aura par ce moyen la détermination des
coefficiens des termes en finus.
Au refte , fi Y équation n'eft pas fufcepti-
ble de la forme ci-deffus, les racines indi-
qu croient dans la forme générale cherchée
des quantités efx qu'on fait pouvoir s'y
trouver. S'il y a plufieurs racines réeJles
égales , alors il y aura dans la valeur cher-
chée des quantités proportionnelles aux
puiflances de *, & ces puiflances feront
d'un degré égal au nombre des racines
égales diminué de l'unité.
Si ces racines égales font de la forme
1— 2 cof. p b -\~y 2 , alors cela indique
dans la quantité cherchée des termes de la
forme x m cof. a -\- b x9 & ainfi de fuite ,
en forte que quelle que foit la forme cher-
chée, pourvu que la quantité foit donnée
pour une équation différentielle , & qu'elle
puiffe être repréfentée par une certaine
étendue de valeurs d'une manière appro-
chée , on la trouvera d'après les obferva-
tions par la méthode ci-deffus. (0)
ÉQUATION SÉCULAIRE. On appelle
ainfi en aftronomie une équation qui
augmente continuellement avec le temps ;
toute équation au rayon re&eur d'une pla-
nète proportionnelle , foit au temps ou à
fes puhTances , foit à l'angle du mouvement
moyen & à fes puhTances, eft une équation
féculaire. Il en eft de même de toute équa-
tion du moyen mouvement qui feroit pro-
portionnelle au carré du temps , ou à fes
puiffances fupérieures : or , de toute équa-
tion pour le temps proportionnelle au carré
ou aux puiffances de l'angle du moyen
mouvement.
A Y article APPROXIMATION , nous
avons montré que l'exiftence apparente de
ces équations dépendoit , dans la théorie de
l'égalité des racines , d'une équation ; qu'un
changement permis dans toute efpece de
méthode d'approximation pouvoit faire dif-
paroître cette égalité ; que dans le cas où
la différence des racines feroit très-petite ,
ce même changement pourroit en intro-
duire d'égales ; qu'ainfî dans ce cas on ne
peut être sur qu'il n'y ait pas adéquation
féculaire , & que jamais on ne peut être
certain qu'il doive y en avoir , à moins que
E Q U
Ton puifTe s'afTurer que la férié où la mé-
thode d'approximation conduit , ne foit
convergente, lorfqu'elle renferme Y équa-
tion féculaire _, & divergente lorfqu'elle ne
la renferme pas , ou réciproquement.
Il ne nous refte donc plus ici qu'à parler
de Y équation féculaire y confédérée aftrono-
miquement. Quelque longue que foit une
fuite d'obfervations , elle ne prouve rien
pour la réalité d'une équation féculaire. En
erfet , foit p le nombre des réfolutions
obfervées d'un aftre , il eft clair que puifque
cof. m x = 1 ; Y -— . , &c.
Si on a une équation apparente propor-
tionnelle au carré de l'angle parcouru ,
c'eft-à-dire à x * , & foit P x x , cette
équation au bout de p révolution elle fera
P p * n 2 , n étant la circonférence du
cercle , elle fera par conféquent
1 Mn4
z. 3. 4.
or, cette férié eft toujours plus petite que
P m1 n 4 p 4 , cof. m p n; donc , pourvu
que l'on prenne m tel que la quantité P
mx n 4 p 4 , cof. m p n , foit infenfible aux
obfervations ; on peut fuppofer au lieu de
I, , . _ , , . j 1 P 1- col. mac
l équation P x , une équation de ^ >
fans qu'il y ait d'erreur fenfible : or, quel
I que foit p y on peut toujours prendre m
j afïèz grand pour cela ; donc on peut re-
préfenter aufîi-bien les obfervations fans
; le fecours d'une équation féculaire.
J Quelle que foit une équation féculaire
; donnée par les obfervations , on parvien-
dra donc à la repréfenter aufïi-bien par
une ou plufieurs équations proportionnelles
à des finus.
Ainfi , lorfqu'on cherche à comparer la
théorie avec les obfervations , ce n'eft pas
à chercher rigoureufement fi la théorie
donne Y équation féculaire obfervée , mais
fi elle donne on une telle équation , ou
une de celles qui la peuvent repréfenter,
ou réciproquement ; la théorie étant
donnée , il faudra voir feulement fi les
obfervations s'accordent avec Yéquation
féculaire de ia théorie , foit avec les
équations que (article APPROXIMATION)
on peut y fubftituer.
EQ U
Voyez les Mémoires de V académie des
Sciences, ijjz , &c\e mémoire de M. de
la Grange , qui a remporté le prix de la
même académie en 1774 , & où ce grand
géomètre prouve qu'on peut repréfenter
toutes les obfervations de la lune faites
jnfqu'ici, fans fuppofer & équation féculaire
à cette planète, (o)
ÉQUATION, f. f. en Algèbre y fignifie
une exprejjion de la même quantité pri-
fentée fous deux dénominations différent* s.
Voyei ÉGALITÉ.
Ainfi quand on dit 2 X 3 ^ 4 + 2 ; cela
veut dire qu'il y a équation entre deux fois
trois & quatre plus deux.
On peut définir Yéquation un rapport
d'égalité entre deux quantités de diffé-
rente dénomination , comme quand on dit
60 fous = 3 liv. ou 20 fous === 1 liv. ou
bz=id-\-e , ou 12 = -y- , &c>
Ainfi mettre des quantités en équation ,
c'eft repréfenter par une double expreflion
des quantités réellement égales & iden-
tiques.
Le caractère ou le figne $ équation eft ^=
ou 00 ; ce dernier eft plub fréquent dans
les anciens algébriftes , & l'autre dans les
modernes. Voye\ CARACTERE.
La réfolution des problèmes , par le
moyen de leurs équations , eft l'objet de
l'Algèbre. Voyei Algèbre.
Memhes dyune équation , ce font les deux
quantités qui font féparées par le figne 'dss
ou 00 ; & termes d'une équation, ce font
les différentes quantités ou parties, dont
chaque membre de Y équation eft compofé,
& qui font jointes entr elles par les fignes
-\- & — . Ainfi dans Y équation b-\-c^=d,
b-\-c eft un membre, & d l'autre ; & b, c, d,
font les termes; & Yéquation lignifie que
la feule quantité d eft égale aux deux b & c
prifes enfemble. V. Terme , Membre.
Racine d'une équation, eft la valeur de
la quantité inconnue de Yéquation. Ainfi
dans X équation a- -\- bl = x-, la racine eft
V ôr4- bL. Voye\ &ACÏNE.
Les équations , eu égard à la puiflànce
plus ou moins grande à laquelle l'inconnue
y morne , fe divifent en équations fimples ,
carrées, cubiques, &v.
E Q y 799
Equation /impie ou du premier degré, eft
celle dans laquelle l'inconnue ne monte
qu'à la première puiflànce ou au premier
degré , comme x ;== a -j- b.
Équation carrée ou du fécond degré , eft
celle où la plus haute puiflànce de l'in-
connue eft de deux dimenfions , comme xz
t=ax -\- bz ou x- -j- b- ou x1 -\~ax ^=^ b bm
Voye\ Quarré & Degré.
Équation cubique ou du troifieme degré ,
eft celle où la plus haute puiflànce de Tin-
connue eft de trois dimenfions , comme
x^ r-^zai—b* ou x* -^ a x x -^ b b x =: cK
Voyei Cubique.
Si la quantité inconnue eft de quatre di-
menfions , comme x* ^ a* — b* ou z4 -\-
a xi -^- b* x = c* , Yéquation eft appellée
biquadratique ou carrée carrée , ou plus
communément du quatrième degré; fi l'in-
connue a cinq dimenfions, Yéquation eft
nommée fur - de - folide ou du cinquième
degré , &C. Voye\ PUISSANCE.
On peut confidérer les équations fous
deux points de vue , ou comme les derniè-
res conclufions auxquelles on arrive dans
la folution des problêmes , ou comme les
moyens par lefquels on parvient à la folu-
tion finale. V. SOLUTION Ù PROBLÈME.
Les équations de la première efpece ne
renferment qu'une quantité inconnue mêlée
avec d'autres quantités données ou connues*
celles de la féconde efpece renferment dif-
férentes quantités inconnues qui doivent
être comparées & combinées enfemble ,
jufqu'à ce que l'on arrive à une nouvelle
équation qui ne renferme plus qu'une in-
connue mêlée avec des connues.
Pour trouver la valeur de cette inconnue »
on prépare & on transforme Yéquation de
différentes manières, qui fervent à l'abaiflèr
au moindre degré , & à la rendre la plus
fimple qu'il eft pofïïble.
La théorie & là pratique des équations 9
c'eft-à-dire , la folution^ des queftions par
les équations, a plufieurs branches ou
parties. i°. La dénomination qu'on doit
donner aux différentes quantités en les
exprimant par les fignes ou fymboles
convenables. 20. La réduction du pro-
blême en équation. 30. La réduction de
Y équation même au degré le plus bas & à
Sco E Q U
la forme la plus finale. 4*. On y peut
ajourer la folution de Y équation y ou la
repréfentation de Tes racines par des nom-
bres ou des lignes. Nous allons donner
d'abord les règles particulières aux deux
premiers articles, c eft-à-dire , en général ,
ia méthode de mettre en équation, une
queftion propofée.
Une queftion ou un problême étant
propofé , on fuppofe que les chofes cher-
chées ou demandées font déjà trouvées ,
& on les' marque ordinairement par les
dernières lettres x> y, \, &c. de l'al-
phabet, marquant en même temps les
quantités connues par les premières lettres
de l'alphabet, comme b, c, d , &c.
Voye\ Quantité , Caractère , ùc
Toutes les quantités qui doivent entrer
dans la queftion , étant ainfi nommées ,
on examine fi la queftion eft fujette à
reftriction , ou non , c'eft-à-dire , fi elle
eft déterminée ou indéterminée. Voici les
règles par lefqjelles on peut le favoir.
i°. S'il y a plus de quantités inconnues
qu'il n'y a adéquations données ou renfer-
mées dans la queftion , le problème eft
indéterminé , & peut avoir une infinité
de foîutions. Quand les équations ne font
pas expreftement contenues dans le pro-
blême , on les trouve par le moyen des
théorèmes fur l'égalité des grandeurs. Voye\
ÉGAL.
2°. Si les équations données ou renfer-
mées dans le problême font précifément
en même nombre que les quantités incon-
nues , le problême eft déterminé , c'eft-à-
dire, n'admet qu'un nombre de folutions
limité.
3°. S'il y a moins d'inconnues que
d'équations, le problème eft plus que
déterminé , & on découvre quelquefois
qu'il eft impofîible par les contradictions
qui fe trouvent dans les équations. Voye\
DÉTERMINÉ.
Maintenant , pour mettre une queftion
en équation y c'eft-à-dire , pour la réduire
en différentes équations médiates , par le
moyen defquelles on puiftè parvenir à une
équation finale , la principale chofe à la-
quelle on doit faire attention , c'eft d'ex-
primer toutes les conditions de la queftion
£>ar autant à! équations. Pour y parvenir ;
E Q U
il faut examiner fi les propositions ou mots
dans lefquels la queftion eft exprimée , peu-
vent être rendus par des termes algébri-
ques , comme nous rendons nos idées ordi-
naires en caractères grecs, latins ou fran-
çois , &e\ Si cela eft ainfi , comme il arrive
généralement dans toutes les queftions que
l'on fait fur les nombres ou fur les quantités
abftraites, en ce cas il faut donner des
noms aux quantités inconnues., autant que
la queftion le demande , & traduire ainfi
en langue algébrique le fens de ia queftion.
Ces conditions ainfî traduites donneront
autant d'équations eue le problème peut
en fournir. On a déjà donné au mot
Arithmétique universelle un
exemple de cette tradudion d'une quef-
tion en langage algébrique.
Donnons encore un autre exemple. Un
marchand augmente tous les ans fbn bien
d'un tiers , en ôtant 100 liv. qu'il dépenfe
par an dans fa famille , au bout de trois
ans il trouve fon bien doublé. On de-
mande combien ce marchand avoit de bien
au commencement de ces trois ans. Pour
réfoudre cette queftion , il faut bien prendre
garde aux différentes propofitions qu'elle
renferme , & qui fourniront les équations
Suivantes.
En lan gage or- Algébriquement.
dinaire un mar-
chand a un bien
dont il dépenfe x
la première an-
née 100 liv. je— 100.
Et augmente
1 fl 15 ,^„ 1 *-ioo A. x -400
le relie d un x — 100 -4- ou — .
tiers. J *
La féconde
/ -i w 4* -400
année il de-- — —- — 100 ou
penfe 100 liv. 3
Et augmente
le refle d'un±îlZ22
tiers. 3
La troifieme ,
année il de — 100 ou i^i_ -4irr#
penfe 100 liv. 9
Et augmente 16 x - 3700 , 16 ,
le refte d'un 9 ' "~
-T
4 x - 700
4 #-700 ï6#-aSoo
OU .
3700
OU
'/
tiers.
64 -v - 14800
Et
2 X.
E Q U
Et au bout des trois
ans , il eft deux fois 4*~H °a
plus riche qu'il n'étoit.
La queftion fe réduit donc à réfoudre
, . 6\x • 14S00 ,
cette équation — — z=.i Xy par le
17
moyen de laquelle on trouvera la valeur
de x de la manière fuivante.
On multipliera Y équation par 27, & on
aura 64 x — 14800 = 54a:; on ûtera de
part & d'autre 54 a:, & on aura iox —
14800 = 0, ou 10 x= 14800; divifant
par 10, il deviendra x = 1480. Ainli ce
marchand avoit 1480 liv. de bien.
Il réfulte de ce que nous venons de dire ,
que pour réfoudre les queftions qu'on pro-
pofe fur les nombres ou fur les quantités
abftraites , il ne faut prefque que les tra-
duire du langage ordinaire en langage algé-
brique , c'eft-à-dire , en caractères propres
à exprimer nos idées fur les rapports des
quantités. Il eft vrai qu'il peut arriver
quelquefois que le difcours dans lequel
Y équation eft propofée , ne puifîè être rendu
algébriquement; mais en y faifant quel-
ques petits changemens , & ayant princi-
palement égard au fens , plutôt qu'aux
mots , la tradu&ion deviendra aflèz facile ;
la difficulté qui peut fe rencontrer dans
cette traduction , vient uniquement de la
différence des idiomes , comme dans les
traductions ordinaires. Cependant pour faci-
liter la folution de ces fortes de problê-
mes , nous allons en donner un exemple
ou deux.
i8. Etant donné la fomme de deux nom-
bres a , & la différence de leurs carrés b ,
trouver les nombres; fuppofons que le plus
petit de ces nombres foit x y l'autre fera
a — x , & les carrés feront xx y . & aa —
2 ax-\-xxy dont la différence eft a a —
2 a x y qui doit être égale à b ; donc a a~
2 a x 5=3 b ,* donc * a — b = 2 a x &
a a — b _
Suppofons, par exemple, que la fomme
des nombres ou la quantité a foit == 8 ,
& que la différence des carrés foit 16 ,
, aa — b a b ~
aIors __ ou - — -- fera 4 — 1 t= 3
& on aura a — ~x*= $ ; donc
E Q U 801
les nombres cherchés font 3 & 5. ffqycz
DlOPHANTE.
2°. Trouver trois quantités x, y y \>
dont on connoiffe la fomme, étant prife
deux à deux. Suppofons que la fomme
de a: & de y foit a , que celle de x & de \
foit b y & que celle de y & de \ foit c ,
on aura les trois équations x-^-y = a y
* -jr l = b y y -\-i=c; pour chercher
maintenant deux des trois quantités x y y9
l y par exemple , \ & y y on aura par la
première & par la féconde équation y ==: a
— x : & ç =: b — x; on fubftituera dans la
troisième équation ces valeurs au lieu de y
& de \y & l'on aura a — x -\~b — xz=zc y
& x = — ** — ; x étant trouvée , on
aura y & 1 par le moyen des équations
y=a — x & i = b-*-x.
Par exemple , fi la fomme de a* & dey
eft 9 , celle de x & de ç, 10 , & celle dey
& de i\ ? 13 ; dans les valeurs de x> y & ç ,
on écrira 9 pour a y 10 pour b y & 13
pour Cy & on aura a -J-£— . c =^6t par
conféquenta: ou a + b~c —~ 1 == ^ ^ y ^
a — x = 6 & 1 ou 3 — a: = 7.
3°. Divifer une quantité donnée en un
nombre quelconque de parties , telles que
les différences des plus grandes fur les plus
petites , foient égales à des quantités don-
nées. Suppofons que a foit une quantité que
l'on propofe de divifer en quatre parties,
telles que la première & la plus petite foit x;
que l'excès delà féconde fur la première foit
b y celui de la troifieme foit c y & celui de
la quatrième d y x -\- b fera la féconde
partie , x -+- c la troifieme , x -\~dh qua-
trième ; & la fomme $x-\-b-\-c-\-dàQ
toutes ces parties fera égale à a. Retran-
chant b -\- c + d de part & d'autre , oa
aura 41= a — £ — c — - J & x ■ — :
a-~-b — c — à
x y ce on aura
Tome XII.
Imaginons , par exemple , qu'on pro-
pofe de divifer une ligne de vingt pieds
en quatre parties, de manière que l'excès
de la féconde partie fur la première foit
de 2 pieds , celui de la troifieme de 3
pieds , & celui de la quatrième de 7 pieds ,
4 — * — c — d 10 — 1 3 — 7
Iiiii
on aura x ou
Soi EQU
= y =r 2 , ?t +-3 = 4,^ + c=^,&
# -^- d=^g. On peut Ce fervir de la même
méthode pour divifer une quantité donnée
en un nombre quelconque de parties avec
des conditions pareilles.
4°. Une perfonne voulant diftribuer trois
fous à un certain nombre de pauvres ,
trouve qu'il lui manque huit fous ; ainfi
elle ne leur donne à chacun que deux fous ,
& elle a trois fous de refte. On demande
combien cette perfonne avoit d'argent , &
combien il y avoit de pauvres ? Soit x le
nombre des pauvres ; & comme il s'en
faut de huit fous qu'ils ne puiffent avoir trois
fous chacun , l'argent eft donc ^ x — 8 ,
dont il faut ôter ix, & il doit relier 3 ;
donc 3 x — 8 — 2 ar = 3 oua: = 11.
5°. Le pouvoir ou l'intenfité d'un agent
étant donnés, déterminer combien il faut
d'agens femblables pour produire un effet
donné a dans un temps donné b. Suppo-
fons que l'agent puiffe produire dans le
temps d l'effet c y on dira comme le temps
defl. au temps b y ainfî l'effet c que l'agent
peut produire dans le temps d y eft à l'effet
qu'il peut produire dans le temps b y qui
fera par conféquent ^. Enfuite on dira ,
comme l'effet -^ eft à l'effet a y ainfî un
des agens eft à tous les agens ; donc le
nombre des agens fera ~. Voye^ Règle
DE TROIS.
Par exemple , fi un clerc ou fecretaire
tranfcrit quinze feuilles en huit jours de
temps , on demande combien il faudra de
clercs pour tranfcrire 405 feuilles en neuf
jours ? Réponfe , 24. Car fî on fubftitue 8
pour d, 1 5 pour c y 405 pour ay & 9 pour
c'eft-
eu
S
= J,
ad
40? X 8
9 Xi*
b t le nombre — deviendra
b c
â-dire , Vn2 ou 24-
6°. Les puifTances de différens agens
étant données , déterminer le temps x dans
lequel ils produiraient un effet donné d y
étant jointes enfemble. Suppofons que les
puifTances des agens Ay By Cy foient telles
que dans les temps e yf9 gy ils produifent
les effets ay by cy ces agens dans le
temps x produiront les effets ~, y-, y 9
EQU
on aura donc — ,-}-—, -L-
&* — 7
7 + 7 + r
Imaginons , par exemple , que trois ou-
vriers nniflènt un certain ouvrage en diffé-
rens temps. Par exemple , A une fois en
trois femaines , B trois fois en huit femai-
nes , & c cinq fois en douze femaines, on
demande combien il leur faudra de temps
pour finir le même ouvrage , en y travail-
lant tous enfemble ; les puiffances des agens
font telles que dans les temps 3 , 8 , 12 ,
ils produifent les effets 1 , 3 , $ , & on
veut favoir en combien de temps ils
produiront l'effet 1 , étant réunis. Au lieu
de ay by cy dy ey fy gy on écrira 1,3,5,
1, 3, 8, 12, & il viendra x — 1 _
3T8TH
ou f de femaine , c'eft-à-dire , fix jours cinq
heures & y d'heure pour le temps qu'ils
mettroient à finir l'ouvrage propofé.
70. Etant données les pefanteurs fpécifï-
ques de plufîeurs chofes mêlées enfemble ,
& la pefanteur fpécifique de leur mélange ,
trouver la proportion des ingrédiens dont
le mélange eft compofé. Suppofons que e
foit la gravité fpécifique du mélange A ~\*
By a celle de Ay & b celle de B ; comme
la gravité abfolue ou le poids d'un corps
eft en raifon compofée de fon volume &
de fa pefanteur fpécifique [yoye^ DENSITÉ)
a A y fera le poids de a y & b B celui
âeB y k a A -\- b B ferz = e A-\- e B ;
donc a A — e A = e B — b B y ïk. a —
e : e — b : : B : A.
Suppofons , par exemple , que la pefan-
teur fpécifique de l'or foit 19 , celle de
l'argent 10 y, & celle d'une couronne com-
pofée d'or & d'argent 17, on aura
A:B : :e — b: a — e: : 7 — f: 2 : :20:
6 : : 10: 3 ' ce fera le rapport du volume
de l'or de la couronne au volume de l'ar-
gent ; & 190 : 31 : : 19 X 10: iQyX 3 : :
a X e — 3 : £ X rf — e ; ce fera le rap-
port du poids de l'or de la couronne
au poids de l'argent; enfin, 221 : 31,
comme le poids de la couronne eft au
poids de l'argent. Voye\ Alliage,
EQU
Pour réduire en équations les problèmes
géométriques , on remarquera d'abord que
les queftions géométriques ou celles qui
ont pour objet la quantité continue , fe
mettent en équations de la même manière
que les queftions arithmétiques. Ainfi la
première règle que nous devons donner
ici , eft de fuivre pour ces fortes de pro-
blêmes les mêmes règles que pour les pro-
blèmes numériques.
Suppofons , par exemple , qu'on demande
de couper une ligne droite A B (Planche
d* Algèbre y fig. 6.) en moyenne & extrême
raifon en C; c'eft-à-dire , de trouver un
point C y tel B E carré de la plus grande
partie foit égal au reâangle B D fait de la
ligne entière & de fa plus petite partie.
Suppofant A B = a, & C B = Xy on
aura AC=a — xy &.xx=açara — x;
équation du fécond degré, qui étant ré-
folue , comme on l'enfeignera plus bas ,
donnera x = — \a -J- y \aa.
Mais il eft rare que les problêmes géo-
métriques fe réduifent fi facilement en
équations; leur folution dépend prefque
toujours de différentes portions & rela-
tions de lignes : de forte qu'il faut fouvent
un art particulier & de certaines règles
pour traduire ces queftions en langage
algébrique. Il eft vrai que ces règles font
fort difficiles à donner ; le génie eft la
meilleure & la plus sûre qu'on ait à fuivre
dans ces cas-là.
On peut cependant en donner quelques-
unes , mais fort générales , pour aider ceux
qui ne font pas verfés dans ces opérations :
celles que nous allons donner font princi-
palement tirées de M. Newton.
Obfervons donc , i°. que les problèmes
concernant les lignes qui doivent avoir un
certain rapport les uns aux autres , peuvent
être différemment envifagés, en fuppofant
telles ou telles chofes connues & données, &
telles ou telles autres inconnues; cependant
quelles que foient les quantités que l'on
prend pour connues & celles qu'on prend
pour inconnues , les équations que l'on
aura feront les mêmes quant au fond , &
ne différeront entr'elles que par les noms
qui ferviront à diftinguer les grandeurs
connues d'avec les inconnues.
Ç Q U 8oj
Suppofons , par exemple , qu'on pro-
pofe de comparer les côtés B C , BD, &
la bafe CD Çfig. j d'Algèbre) d'un triangle
ifocele inferit dans un cercle , avec le dia-
merre de ce même cercle. On peut fe pro-
pofer la queftion , ou en regardant le dia-
mètre comme donné , avec les côtés , &
cherchant enfuite la bafe , ou en cherchant
le diamètre par le moyen de la baie & des
côtés fuppofés donnés , ou enfin en cher-
chant les côtés par le moyen de la bafe &
du diamètre. Or , fous quelque forme qu'on
fe propofe ce problême , les équations qui
ferviront à le réfoudre auront toujours la
même forme.
Ainfi , fuppofons que l'on cherche le
diamètre, on nommera ABxy C Dyay
& B C ou B Dyb; enfuite tirant A C> on
remarquera que les triangles ABC & CBE
font femblables , & qu'ainfi AB : B C : :
B C : BE, oux: b : : b : BE ; donc
BE — tl^ CE =*_c D ou {a; &
comme l'angle CE B eft un angle droit ,
CE1 + ££*=JBC1, c'eft-à-dire,
T "^T ir* == & &' Cette équation étant ré'
folue donnera le diamètre cherché x. Si
c'eft la bafe qu'on demande , on fera
AB==c,CD = x>&BCouBn = b;
enfuite on tirera ACy & les triangles fem-
blables ABC & CBE donneront A B :
BC.iBC-.BE, ouc:b::b:BE.
DoncBE=z" &CE = ±CDou±x,
& comme l'angle C B E eft droit, on aura
CE*+BEz=CBl; donc £ xx'-Jfi
-^== bb. D'où l'on tirera la valeur de la
bafe cherchée x.
Enfin , fi les côtés B C & B D font fup-
pofés inconnus, on fera AB = Cy CO=z
a y & B C ou B D = xy on tirera enfuite
AC ; & â caufe des triangles femblable*
ABC ScCBEy on aura AB.BCit
B C : BE ou c : x : : x : B E; donc
BE = *-?yCE = { CD ouiay&: l'angle
droit CBE donnera CE1 + BEX =at.
BCX , c'eft-â-dire, \aa-\-^± = xx;
équation qui étant réfolue donnera la valeuç
x d'un des côtés cherchés.
Iiiii i
.804 E Q U
On voit par-là que le calcul , pour ar-
river adéquation, & V équation elle-même,
font fembiabies dans tous les cas , excepté
que les mêmes lignes y font désignées
par des lettres différentes félon les données
& les inconnues que l'on fuppofe. Il eft
vrai que !a différence des données fait que
la réfo'udon des équations eft différente ;
mais elle ne produit point de changement
dans Y équation même. Ainfï on n'eft point
abfolument obligé de prendre telle ou telle
quantité pour inconnues ; mais on eft le
maître de choifir pour données & pour
inconnues, les quantités qu'on croit les
plus propres à faciliter la folution de la
queftion.
2°. Un problême étant donc propofé ,
il faut commencer par comparer entr'elîes
les quantités qu'il renferme , & fans faire
aucune diftindion entre les connues & les
inconnues , examiner le rapport qu'elles
ont enfemble , afin de connoître quelles
font celles d'entr'elles qui peuvent faire
trouver plus facilement les autres. Dans
cet examen il n'eft pas néceflàire de s'af-
furer , par un calcul algébrique exprès ,
que telles ou telles quantités peuvent être
déduites de telles ou telles autres ; il fuffit
de remarquer en général qu'on peut les
en tirer par le moyen de quelque con-
nexion directe qui eft entr'elîes.
Par exemple , fi on donne un cercle
dont le diamètre foit A D Çfig. 8 algébr.J
& dans lequel foient infcrites trois lignes
AB} B Cy C D y defquelles on demande
B C'y les autres étant connues , il eft évi-
dent au premier coup-d'ccil que le dia-
mètre AD détermine le demi-cercle , &
que les lignes AB & C Dy qu'on fup-
pofe infcrites dans le cercle, déterminent
aufîi les points B & C y & que par con-
féquent la ligne cherchée B C a une con-
nexion directe avec les lignes données.
Voilà de quoi il fuffit de s'affurer d'abord ,
fans examiner par quel calcul analytique
la valeur de la ligne B C peut être réelle-
ment déduite de la valeur des trois lignes
données.
3°. Après avoir examiné les différentes
manière* dont on peut compofer & dé-
tompofer les termes de la queftion y il faut
fe fer vit de quelque méthode fynthétique ,
E Q U
en prenant pour données certaines lignes ,
par le moyen defquelles on puiffe arriver
à la connoiffance des autres , de manière
que le retour de celles-ci aux premières
fait plus difficile ; car quoiqu'on puiffe
fuivre dans le calcul différentes routes ,
cependant il faut le commencer par bien
choifir fes données * & une queftion eft
fouvent plus facile a réfoudre , en choi-
fîfîànt àes données qui rendent les in-
connues plus faciles à trouver , qu'en con-
fîdérant le problême fous la forme aûuelle
fous laquelle il eft propofé.
Ainfi, dans l'exemple que nous venons-
de donner , fi on propofé de trouver A Dy
les trois autres lignes étant connues , je vois
d'abord que ce problême eft difficile à ré-
foudre fynthétiquement ; mais que cepen-
dant s'il étoit ainfi réfolu , je pourrois fa-
cilement appercevoir la connexion directe
qui eft entre cette ligne & les autres. Je
prends donc A D pour donnée , & je
commence à faire mon calcul comme fi
elle étoit en effet connue , & que quel-
qu'une des autres quantités A B y B C
ou C Dy fût inconnue ; combinant enfuite
les quantités données avec les autres , j'au-
rai toujours une équation en comparant
entr'elîes deux valeurs de la même quan-
tité : foit que Tune de ces valeurs foit une
lettre par laquelle cette quantité aura été
marquée , en commençant le calcul ; &
l'autre , une exprefîion de cette quantité
qu'on aura trouvée par le calcul même ;
foit que les deux valeurs aient été trou-
vées chacune par deux différens calculs.
4°. Ayant aînfi comparé en général les
termes de la queftion entr'eux , il faut
encore de l'art & de l'adreffe pour trou-
ver parmi les connexions ou relations
particulières des lignes , celles qui font
les plus propres pour le calcul ; car il
arrive fouvent que tel rapport qui paroît
facile à exprimer algébriquement , quand
on l'envifage au premier coup-d'œil , ne-
peut être trouvé que par un long circuit;
de manière qu'on eft quelquefois obligé'
de recommencer une nouvelle figure , &
de faire fon calcul pas à pas , comme on
pourra s'en affurer en cherchant B C par
le moyen de A Dy AB & CD. Car on
ne peut y parvenir que par des proportions
E Q U
dont l'énoncé foit tel , qu'elles puiffent
être rendues en langage algébrique , &
dont quelques-unes peuvent fe tirer d'Eu-
clide. Ax. i$ , propojit. 4 _, L. VI , Ù
propqfit. qj y L. I y élément.
Pour parvenir plus aifément à connoître
les rapports des lignes qui entrent dans
une figure , on peut employer difFérens
moyens : en premier lieu , l'addition & la
fouftraftion des lignes ; car par les valeurs
des parties on peut trouver celles du tout ,
ou par la valeur du tout & par celle d'une
des parties , on peut connoître la valeur de
l'autre partie : en fécond lieu , par la pro-
portionnalité des lignes ; car , comme nous
Pavons déjà fuppofé dans quelques exem-
ples ci - deiïùs , le rectangle des termes
moyens d'une proportion , divifé par un
des extrêmes , donne l'autre , ou ce qui
eft la même chofe , fi les valeurs *des qua-
tre quantités font en proportion , le pro-
duit des extrêmes eft égal au produit des
moyens. Voye\ PROPORTION. La meil-
leure manière de trouver la proportionna-
lité des lignes , eft de fe fervir des trian-
gles femblables ; & comme la fimilitude
des triangles fe connoît par l'égalité de
leurs angles , l'analyfte doit principalement
fe rendre ce point familier. Pour cela il
doit pofléder les proportions Ç , 13 , iÇ ,
29, 32, du premier livre d'Euclide \ les
proportions 4 , 5 , 6 , 7 , 8 , du livre VI ,
& les 20 , 21 , 21 , 27, & 31 du livre III.
On peut y ajouter la troifieme proposition
du livre VI, ou les propositions 35 & 36
du livre III. Troisièmement , on fait aufîi
beaucoup d'ufage de l'addition & de la
fouflraction des carrés , fur-tout lorfqu'il
fe trouve des triangles rectangles dans la
figure. On ajoute enfemble les carrés des
deux petits côtés pour avoir le carré du
grand , ou du carré du plus grand côté
on ôte le carré d'un des côtés, pour avoir
le carré de l'autre. C'eft fur ce petit nom-
bre de principes qu'eft établi tout l'art
analytique , au moins pour ce qui regarde
la géométrie reétiîigne , en y ajoutant feu-
lement la proposition première du VI livre
d'Euclide , lorfque la queftion propofée re^
garde des furfaces, & aufîi quelques propo-
sitions des XI & XII livres. En effet toutes
les difficultés dus problèmes de la géométrie
EQU 805
rectiligne peuvent fe réduire à la feule com-
position des lignes , & à la fimilitude des
triangles; de forte qu'il ne fe rencontre
jamais d'occafion de faire ufage d'autres
théorèmes , parce que tous les autres théo-
rèmes dont on pourroit fe fervir, peuvent
fe réduire â ces deux-là , & que par confé-
quent ces derniers peuvent leur être fubfti-
tués dans quelque Solution que ce puifTe être.
50. Pour accommoder ces théorèmes à
la conftrucrion des problêmes , il eft fou-
vent néceflaire d'augmenter la figure , foit
en prolongeant certaines lignes jufqu'à ce
qu'elles en coupent d'autres , ou qu'elles de-,
viennent d'une certaine longueur ; foit en
tirant des parallèles ou^des perpendiculaires
de quelque point remarquable ; foit en joi-
gnant quelques points remarquables ; foit
enfin , comme cela arrive quelquefois , en
conftruifant une nouvelle figure Suivant
d'autres méthodes , félon que le deman-
dent les problêmes & les théorèmes dont
on veut faire ufage pour la réfoudre.
Par exemple , fi deux lignes qui ne fe
rencontrent point l'une & l'autre , font
des angles donnés avec une certaine autre
ligne , on peut les prolonger jufqu'à ce
qu'elles fe rencontrent ; de manière qu'on
aura un triangle dont on connoîtra tous
les angles , par conféquent le rapport des
côtés , ou bien fi un angle eft donné ,
ou doit être égal à un angle quelconque ,
fouvent on peut compléter la figure , & en
former un triangle donné d'efpece , ou
femblable à quelqu'autre: ce qui fe fait , foit
en prolongeant quelques-unes des lignes
de la figure , foit en tirant une ligne qui
fouftende un angle. Si un triangle propofé
eft obliquangle , fouvent on le réfout en
deux triangles rectangles, en abaifîànt une
perpendiculaire d'un des angles fur le côté
oppofé. Si la queftion regarde des figures
de plufieurs côtés , on les réfout en trian-
gles par des lignes diagonales , & ainSi des
autres: mais il faut toujours avoir attention
que par ces divifions la figure fe trouve
partagée , ou en triangles donnés , ou ei>
triangles femblables , ou en triangles
rectangles.
Ainfi , dans l'exemple propofé, on tirera
la diagonale B p y afin que le trapèze
A B C D puifiè fe réfoudre en . deux
So6 E Q U
triangles , l'un re&angle A B D, & l'autre
obliquangle B C D (Jig. 8.) On réToudra
enfuite le triangle obliquangle en deux
triangles rectangles , en abaifîànt une per-
pendiculaire de quelqu'un des angles B ,
C , D, fur le côté' oppofé; par exemple,
du point B fur la ligne C D, qu'on pro-
longera en E , afin que B E puiffe la ren-
contrer perpendiculairement. Or, comme
Jes angles B A D & B C D pris enfemble
font deux droits ( par la propofit. 22 du III
Eue!.) aufîi-bien que BCE & BCD, il
s'enfuit que les angles BAD & BCE font
égaux; par confisquent les triangles BCE
& D AB font femblables. Ainfi prenant
AD, A B & B C pour donne'es , & cher-
chant CD, on peut faire le calcul de la
manière fuivante. A D & AB donnent
BD à caufe du triangle rectangle ABD.
AD, AB, B D, BC,i caufè des trian-
gles femblables A B D & CE B, donnent
BE & CE. BD &BE donnent E D, à
caufe du triangle rectangle B E D, & E D
— EC donne CD. Ainfi. on aura une
équation entre la valeur de la ligne CD
trouvée par le calcul , & la valeur de cette
même ligne exprimée par une lettre algé-
brique. On peut aufli ( & fouvent il vaut
mieux fuivre cette méthode , que de pouffer
trop loin un feul & même calcul ) ; on
peut, dis-je, commencer le calcul par
dirFérens principes , ou au moins le con-
tinuer par diveifes méthodes , peur arriver
à une feule & même conclufion , afin de
pouvoir trouver deux valeurs différem-
ment exprimées de la même quantité , Jef-
quelles valeurs peuvent être enfuite faites
égales l'une à l'autre. Ainfi AD, A B &
ÈC, donnent B D BE & CE, comme
ci-devant, enfuite CD-^CE donne
E D, enfin D B & E D donnent BE,
à caufe du triangle rectangle BED,
6°. Ayant choifi & déterminé la méthode
fuivant laquelle on doit procéder , & fait
fa figure , on donne d'abord des noms
aux quantités qui doivent entrer dans le
calcul , c'eft-à-dire , desquelles on doit tirer
la valeur des autres jufqu'à ce qu'on arrive
à une équation; pour cela on aura foin de
choifir celles qui renferment toutes les
conditions du problême , & qui paroiffent
autant qu'on peut en juger , les plus
E Q U
propres à rendre la conclufion fimple &
facile , de manière cependant qu'elle ne foie
pas plus fimple que le fujet & le defïein
du calculateur ne le demandent. Ainfi iï
ne faut point donner de nouveaux noms
aux quantités dont on peut exprimer la
valeur par celle des quantités à qui on a
déjà donné des noms. Par exemple , fi
une ligne donnée eft divifée en parties ,
ou fi on a un triangle re&angle, on doic
laifièr fans nom quelqu'une des parties de>
la ligne ou toute la ligne entière , ou un
des côtés du triangle , parce que les valeurs
de ces quantités peuvent fe déduire de la
valeur des données , comme dans l'exemple
déjà propofé. fi on fait AD = x & B A
= a , on ne marquera BD par aucun*
lettre , parce qu'elle eft le troifieme côté
du triangle rectangle ABD, Se que par
conféquent fa valeur eft ^xx — a a. Si
on nomme enfuite B C, b , on verra que
les triangles femblables DAB & B C E
donnent AD :AB::BC: CE. Or de ces
quatre lignes le trois premières font déjà
données ; ainfi on ne donnera point de nom
à la quatrième CE dont la valeur fe trou-
vera être — par le moyen de la propor-
tion précédente. Si donc on nomme D C 9
c, on ne donnera point de nom à DE 9
parce que Ces parties D C & CE, étant
l'une c, l'autre-^-) leur fomme c-\-~-
eft la valeur de D E,
70. Par les différentes opérations qu'on
fait pour exprimer les lignes auxquelles on
n'a point donné de noms , le problême eft
déjà prefque réduit à une équation ; car
après qu'on a exprimé ainfi les différentes
lignes qui doivent entrer dans la folution
de la queftion propofée , il ne faut plus que
faire attention aux conditions du problême,
pour découvrir une équation.
Par exemple , dans ce problême dont
nous avons déjà parlé , il ne faut que
trouver , par le moyen des triangles rec-*
tangles BCE & BDE , deux valeurs
deBE; en effet, on aura B C1 — C Ev
oubl>—aJ±ï = BEl&cBDz — DE*
X X
x a b c
ou xx ->- aa — c c —
a a b h
EQU EQU S07
BE\ Egalant enfemble ces deux valeurs I gles rectangles A C F, C B F, on a B F:
a A .*** », ' BC::BC:AB. Déplus, comme C i>
de #£% & ôtant ^ ? on aura \equa-
tion bb = xx — aa — ce jr > qui
délivrée des frayions, donne x*=aa
X-^bbx-^-iabc-^-cçx.
8°. A l'égard de la géométrie des lignes
courbes , on a coutume de déterminer ces
lignes , ou en les fuppofant décrites par
le mouvement local de quelques lignes
droites , ou en les repréfentant par des
équations qui expriment indéfiniment le
rapport de certaines lignes droites difpofées
entr'elles dans un certain ordre & fuivant
une certaine loi , & terminées à la courbe
par une de leurs extrémités. K. COURBE
& Lieu.
Les anciens déterminoient les courbes,
ou par le mouvement continu de quelque
point , ou par les fedions des folides ,
mais moins commodément qu'on ne les
détermine par la féconde des deux manières
dont nous venons de
eft donnée de pofition , A D eft donnée ;
ainn on appellerai D y b ; on connok aufîî
la raifon de BC à BDy qu'on fuppofera
comme d à e , & on aura B D = —
& AB = b —
e x
donc b — i£ =:
qui
parler. Les calculs
regardent les courbes , lorfqu'on les
décrit de la première manière , le font par
une méthode femblable à celle que nous
avons donnée jufqu'ici. Suppofons , par
exemple , que AKC (fig. 9>) foit une
ligne courbe décrite par le point vertical
K d'un angle droit AK<P , dont un coté
AK puilTe fe mouvoir librement, en
pafTant toujours par le point A donné de
pofition , tandis que l'autre côté K <P d'une
longueur déterminée coule ou glifle le long
d'une ligne droite AD y aum" donnée de
pofition ; on demande de trouver le point
C y dans lequel une ligne droite C D aum"
donnée de pofition doit couper cette courbe:
pour cela, on tirera les lignes A C, CFy
qui peuvent repréfenter l'angle droit dans
la pofition qu'on cherche ; on mènera la
perpendiculaire CB fur A F; on s'appli-
quera enfuite à trouver le rapport des
lignes , fans examiner celles qui font don-
nées ou celles qui ne le font pas , & on
verra que toutes dépendent de C F, & de
l'une des quatre lignes B C B F, AF&c
AC; fuppofant donc CF=ay & CB=x,
©n aura d'abord B F= \/ a a — xx9 &
4B=yf,
XX )
car à caufe des trian-
V*a.—sJ? Si on quarre les deux mem-
bres de cette équation y & qu'on les mul-
tiplie enfuite par a a — ■ x x y on réduira
V équation à cette forme x* = — dexl +
a j e e — — b b d d x x — — • zaabdex + aabbdd m
dd -+-ee ■ *
& par le moyen des quantités données
a 9 b9 à y c y on tirera de cette équation
la valeur de x. Cette valeur de x ou
B C étant connue , on tirera à la diftance
B C une ligne droite parallèle à AD
qui coupera la courbe, & CD au point
cherché C.
Si, au lieu de deferiptions géométri-
ques , on fe fert d'équations pour défigner
les lignes courbes , les calculs deviendront
encore plus fimples & plus faciles , puif-
qu'on aura moins d'équations à trouver.
Ainfi fuppofons que l'on cherche le poinc
d'interfecHon C de Pellipfe donnée ACE
(fig, 10.) avec la ligne droite CD donnée
de pofition ; pour défigner l'ellipfe , on
prendra une des équations qui la déter-
minent , comme r x — - ■ r- xx = y y , dans
laquelle x marque une partie indéterminée
A B ou Ab de l'axe prife depuis le fommet
A y & y une perpendiculaire BCy termi-
née à la courbe , & où r & q font don-
nées par l'efpece donnée de l'ellipfe. Or,
puifque CD eft; donnée de pofition ,
A D fera aufli donnée ; on la nommera
A y & BD fera * — x; l'angle ABC
fera aufli donné , & , par conféquent , le
rapport de B D à BCy qu'on fuppofera
être celui de 1 à e; & 5C (y) fera
a e — e x y dont le carré e t a a —
2.ezax~\-eexx doit être égal à
Cette équation étant réduite ,
r x
r x x
8o8 E Q U
l'a e e x -f- r r — — ■ & & * «
onnera s a; = — ■ — ou
e c ■+- r
l
4" i
* ' ee-f-r
* I V
On remarquera que lors même que Ion
détermine les courbes par des defcriptions
géométriques ou par des fe&ions de folides ,
on peut toujours les dé-fîgner par des équa-
tions y & que par conféquent toutes les
difficultés des problèmes qu'on peut pro-
pofer fur 'es courbes , fe réduifent au cas
où on envifageroit les courbes fous ce der-
nier point de vue. Ainfi dans le premier
exemple (fig. 9 ) y f1 AB eft appelle' x,
& B C } y ) la troifieme proportionnelle
B F fera ~, dont le carré joint au carré
B C eft égal à CFZ, c'eft-à-dire, que £
~\ryy=. a a ouj4 4" xxyy = aaxx.
Par cette équation on peut déterminer
tous les points C de la courbe AKC ,
en trouvant la longueur de chaque ligne
B C qui répond à chaque partie de l'axe
AB ; & cette équation peut être fort
utile dans la folution des problèmes qu'on
aura à réfoudre fur cette courbe.
Quand une courbe n'eft point donnée
d'efpece , mais qu'on propofe de la déter-
miner , on peut fuppofer une équation à
volonté qui exprime fa nature d'une ma-
nière générale ; on prendra cette équation
pour la véritable équation de la courbe ,
afin de pouvoir par ce moyen arriver à
des équations y par le moyen defquelles
on déterminera la valeur des quantités
qu'on a prifes pour données.
Jufqu'ici nous n'avons fait que traduire
l'article équation à peu près tel qu'il fe
trouve dans l'Encyclopédie Angloife. Cet
article eft tiré prefque en entier de X arith-
métique univerfelle de M. Newton ; il eft
aifé d'y reconnoître en effet la main d'un
gr?nd maître, & nous avons cru devoir
le donner tel qu'il eft par cette raifon ,
V arithmétique univerfelle n'ayant point
d'ailleurs été traduite jufqu'ici en notre
langue. Mais il refte encore fur la théorie
des équations beaucoup de chofes à dire
pour rendre cet article complet dans un
E QU
ouvrage tel que l'Encyclopédie. Nous allons
tâcher de fatisfaire à cet objet ; & quoi-
que la matière ait déjà été fort maniée
dans un grand nombre d'ouvrages , nous
efpérons montrer qu'elle a été traitée d'une
manière infuffifante à plufieurs égards, &
la préfenter d'une manière prefque entiè-
rement nouvelle.
Je ne parlerai point ici de la manière
de préparer une équation, en faifant éva-
nouir les fractions , les radicaux , & toutes
les inconnues , excepté une feule , bc
Ces opérations feront détaillées au mot
Evanouir.
Je ne parlerai point non plus de l'abaif-
fement des équations. V. ABAISSEMENT
& Réduction.
Je ne parlerai point enfin des équations
du premier degré, c'eft-à-dire, de celles
eu l'inconnue ne monte qu'à une dimen-
fion : leur folution eft fans difficulté. Voye\
Transposition. J'entrerai donc en
matière par les équations d'un degré plus
élevé que l'unité ; je les fuppofe abaifTées
au plus petit degré pofîible , & délivrées de
radicaux & de fractions , enfin ordonnées
fuivant les dimenfions de l'inconnue x9
c'eft-à-dire , de manière que le premier
terme contienne x élevé au plus haut
degré , que le fécond terme contienne x
élevé au plus haut degré fuivant, & ainfî
de fuite jufqu'au dernier terme , qui ne
contiendra point x ; je fuppofe enfin que
le premier terme n'ait d'autre coefficient
que l'unité ( nous enfeignerons au mot
Transformation cette manière de pré-
parer l'équation), & que le fécond membre
de Yéquation foit zéro.
Soit donc x m 4" P % m~1 -\~ 1 x m"% • • • •
-|~ r = o , Yéquation à réfoudre , dans
laquelle il faut trouver la valeur de x.
II eft évident , par l'énoncé même de
la queftion , qu'il faut trouver une quan-
tité a y pofitive ou négative , réelle ou ima-
ginaire , qui étant fubftituée à la place
de x dans xm -\-pxm-1 -\- &c. tout fe
détruife. Je fuppofe qu'on ait trouvé cette
j quantités, je dis que la quantité xm-\-
\pxm~l -\- qx™-1 -\- r (en faifant, fi
i l'on veut , abftraction de fbn égalité â
| zéro , & en la regardant comme une quan-
1 tité algébrique réelle ) fera divifible exacte-
ment
E Q U
ment par x—a. Car il eft évident , i°. que
x ne montant qu'au premier degré dans
le divifeur , on pourra , par les règles de
la divifion algébrique ordinaire ( voye\
Division ) , pouffer l'opération jufqu'à ce
qu'on arrive à un refte que j'appelle R,
& dans lequel x ne fe trouvera pas. Soit
donc Q le quotient , il eft évident que fi
au produit du quotient Q par le divifeur
x — a y on ajoute le refte Ry on aura une
quantité égale & identique au dividende.
Or , en faifant dans le dividende x ==■ a,
tout s'évanouit par l'hypothefe ; donc tout
doit s'évanouir aufli , en faifant x = a
dans la quantité ( x — a) Q -\- R, & cette
quantité doit alors fe réduire à zéro ; mais
en faifant x=a y cette quantité eft {a—a)
Q-fc-jR. Donc, puifque {a — a) Q-\-R
=o , on* R=o. Donc la divifion fe fait
fans refte. Donc x m-\-pxml-)r qxmz....
-J- r fe divife exactement par x— a.
Je fais un raifonnement femblable fur le
quotient provenu de la divifion : je fuppofe
que b fubftitué à la place de x , fafle éva-
nouir tous les termes de ce quotient ; je
dis qu'il eft divifible par x—b; & il eft
évident que fi b fubftitué à la place de x
fait évanouir le quotient Q, il fera évanouir
aufli le dividende : car le dividende eft
= (x — a) Q; donc toute fuppofition
qui réduira Q à zéro , y réduira aufîî le
dividende. Donc x — b divife aufli exacte-
ment le dividende.
On trouvera de même , qu'en fuppo-
fant une quantité c , qui fubftituee à la
place de x y faffe évanouir le quotient de
Q divife par x— b , ce nouveau quotient ,
& par conféquent le dividende , fera divi-
fible par x—c.
Ainfi on aura autant de quantités fimples
*— 'a y x—b y x — c y qu'il y a d'unités
dans m y lefquelles quantités fimples don-
neront par leur multiplication le dividende
ou équation propofée.
On pourra donc , au lieu de Yéquation
donnée , fuppofer ( a; — a) ( * — - b)
( x—c ) = o : mais il faut bien le garder
d*en conclure , comme font tous les auceurs
d'Algèbre , qu'on aura x — a = o) x-*-b
==o, ar — c = Oy ùc; car, pourra dire
un commençant , comment fe peut-il faire
qu'une même quantité x foit égale à
Tome XII.
E Q U 809
pluaeurs grandeurs différentes a y b y c? Si
vous dites que x y dans ces équations y ne
défigne qu'en apparence la même grandeur,
& défigne en effet des grandeurs diffé-
rences , en ce cas vous vous rejetez dans
une autre difficulté ; car fi cela étoit ,
dans une équation du fécond degré , par
exemple, comme x x -{-p x -\- q y x x ne
feroit plus en carré ; cependant tous les
Algébriftes le traitent comme tel. Voici
la réponfe à cette difficulté, qui , comme
je le fais par expérience , peut embarraffer
bien des commençans. La quantité pro-
pofée eft le produit de x — a par x — b y
par ï— c j &c. Or, la quantité propofée
eft fuppofée égale à zéro> & quand une
quantité eft égale à zéro , il faut qu'un de
fes fadeurs le foit ; ainfi la quantité ou
équation propofée eft le produit de a?— a
=?o par x — b & par x — Cy &c. ou de
#— b = o par a:— a & par ar— > cy &c.
ou de a*— c=o par x — a & par x-—by &c.
Dans chacun de ces cas on ne fuppofe à
la fois qu'une des équations partielles égale
à zéro ; a; eft la même quantité dans chacun
des cas, & elle eft différente dans les differens
cas. Ainfi x x—a x-^a b=.o eft x — a = o
— bx
pa x — b y oui — b = o par x — a ;
cette équation x x— a x-\- a b = o re-
— b x
préfente ces deux-ci; l'une a a— a a-\-ab
— ab
( en mettant a pour x ) , & l'autre
b b — a bApab (en mettant b pour x).
— bb
Dans l'un des cas , rr & fes puiffànces
repréfentent a & fes puiffànces ; dans l'autre,
x & fes puiffànces repréfentent b & fis
pui^ances. Ainfi une équation d'un degré
quelconque repréfente réellement autanr
^équations particulières qu'il y a d'unités
dans fon degré \ équations dans chacune
defquellesx a une valeur différente. Pourfui-
vons & approfondiffbns cette matière, qui, je
le répète , eft fort mal développée par-tour.
La démonftration précédente, dira-t-on,
fuppofe qu'il y a toujours une quantité a
poffibie , qui fubftituee â la place de x
dans une quantité algébrique , x m -|-/>
xm-1 y &c. , fera évanouir tous les termes.
Sans doute : mais cette fuppofition eft
Kkkkk
8io EQU
légitime; Tai démontré le premier , Mém. \
de l' acad.de Berlin 1746 y qu'il y avoit
toujours en effet une telle quantité , laquelle ;
fera ou réelle , ou égale à m -\~ n V — • * *
m & n étant réelles , & m pouvant être
= o. Cette proportion fondamentale de :
l'Algèbre & même du calcul intégral , j
(voye\ Fraction rationnelle ù In- '
TÉGRAL) n'avoit été démontrée par per-
fonne avant moi : j'y renvoie le lecteur ,
il la trouvera encore plus développée , &
mife à la portée des commençans dans le
Traité du calcul intégral de M. de Bou-
gainville le jeune , première partie. Voye i
Imaginaire.
Delà il s'enfuit qu'une équation eft le
produit d'autant de quantités fimples ,
x—- a, x—b, x—c, &c, qu'il y a d'u-
nités dans le degré de V équation; quelques-
unes des quantités a> b y c> ou toutes,
peuvent marquer des quantités réelles ,
égales ou inégales , imaginaires fimples
somme n ]/ — » » ou mixtes imaginaires
comme m-\*n\/ — i .
. On remarquera maintenant que le pro-
duit de a:— a par a:— b ne peut être égal
à un autre produit x-—e par x~—f; car
iî cela étoit , on auroit jE^v := UL ' \*
Il faudroit donc ou que a:— a fût divifible
exactement par a: — /, ainfl que a;— e
par x — b9 ce qui ne fe peut, ou que
a;— /& x — b eufTent un divifeur com-
mun , ainfl que a: — a & x—e; ce qui
ne fe peut encore. Tout cela eft évident
par foi- même.
Donc une quantité quelconque x x -\-p x
-^- q y où x monte au fécond degré , ne
peut être le produit que de deux facteurs
fimples :r— a, x —3 y & il ne peut y en
avoir d'autres que ces deux-là. Donc dans
une équation du fécond degré x ne peut
avoir que deux valeurs différentes a, b y
& jamais davantage. C'eft une fuite des
propofitions précédentes.
De même on ne fauroit fuppofer x — a
par at — b par x — - c y égal à x — c
par x — /par a: — g; car on auroit
x a. x e
Donc les dénominateurs de ces fractions
devroient avoir un divifeur commun , & par
EQU
conféquent aufïi leurs numérateurs x— - ay
x — e y ce qui ne fe peut. Donc dans une
équation du troifieme degré , & par la
même raifon dans toute équation , l'in-
connue ne peut avoir qu'autant de valeurs ,
foit réelles , foit imaginaires , qu'il y a
d'unités dans le degré d'équation. Voilà en-
core une propofition qu'aucun auteur n'avoit
fuffifamment prouvée. On appelle racines,
les différentes valeurs de l'inconnue. Voye\
Racine.
Il pourroit fe préfenter aux commençans
une difficulté fur la démonftration précé-
dente. Soit, diront-ils, 4=4., 3=17,
c = y , e = 8 , & a: = 2, on aura ( x
— a) X (x — b) = — i x — 15 =
-5X-^=(a:-7) X (* — 8)
= (a: — c) X ( * "— e ) .» on peut donc
avoir, continueront-ils, (x-~a) (x — b)
= ( a:-— c ) (x e). La réponfe à cette
objection eft bien fimple ; il eft vrai qu'il
peut y avoir àes cas où , en donnant à x
une certaine valeur , on ait ( x a )
(x b) = ( x c) (x e); mais il
faudroit , pour renverfer la démonftration
précédente , que quelque valeur qu'on
donnât à a:, on eût toujours cette dernière
équation y x marquant ici une quantité géné-
rale & indéterminée: or, cela eft impofîible.
En effet, fî cela étoit, fuppofons x = a9
on auroit donc , à caufe de l'égalité fup-
pofée , (a a) (a b ) = (a c)
( a e) y c'eft - a - dire o = ( a — — c )
( a e ) , ce qui ne fe peut , puifque c & e
font différentes de a & de b. Delà on tire
une autre démonftration de la propofition
dont il s'agit, & qu'on peut appliquer aux
degrés plus compofés \ par exemple , fi
(x a) (x b) (x c) pouvoit être
égala fx 0,(x-~zf) (x~Tg)> on
auroit ( a e ) ( a — f) ( a— y— g ) =0 , ce
qui ne fe peut ; & ainfi du refte.
Je pafîè un grand nombre de. propofi-
tions qu'on trouvera fuffifamment démon-
trées par-tout , par exemple celles qui font
indiquées au mot Coefficient: c'eft prin-
cipalement à des chofes nouvelles , ou du
moins préfentées d'une manière nouvelle
& rigoureufe , que je deftine cet article.
J'obferverai feulement que les propofitions
connues fur les coefficiens des équations 9
fervent quelquefois à démontrer d'une
E QU
manière fîmple & élégante des proportions
de Géométrie ; M. de l'Hôpital , dans le
liv. X y de fes feclions coniques y s'en eft
heureufement fervi pour démontrer certai-
nes propriétés des cordes du cercle.
Si une des racines de Y équation xm-\*p
x m~z -\- r== o eft un nombre entier a,
pofitif ou négatif, ce nombre a fera un des
divifeurs du dernier terme r ; car on a
am -\- p am~l -\- n a -\> r = o , donc
am T P am~l "J-/IÛ = r9 donc
a m-i J^. p a w-t, t # # j^. n — — ; — L. Or ,
le premier membre de cette équation eft
un entier , puifqu'il eft compofé d'entiers ;
donc - eft un entier , donc a eft un des
divifeurs de r. La démonftration ordinaire
de cetçe propofition me paroît fujette à
difficulté ; c'eft par cette raifon que j'en
ai fubftitué une autre.
Si toutes les racines d'une équation font
réelles , & que tous les termes de Y équation
aient le fïgne -j- , toutes ces racines feront
négatives ; car , puifque tous les termes
ont le figne -\- , il eft évident qu'il ne peut
y avoir de quantité pofitive , qui étant
fubftituée à la place de x , rende Y équation
égale a zéro.
Dans une équation y les racines imaginai-
res vont toujours deux à deux ; en forte que
{\a-\-b y — i eft racine d'une équation ,
a b y — i en fera une autre. J'ai démon-
tré le premier cette propofition dans les
Mém. de Vacad, de Berlin i J^6. V. aujjî
l'ouvrage de M. de Bougainville déjà cité ,
& l'an. Imaginaire.
Donc puifque les racines imaginaires font
toujours en nombre pair , il s'enfuit que
dans les équations d'un degré impair il y a
du moins une racine réelle ; ce qu'on peut
encore démontrer en cette forte. Soit , par
exemple , xi -\- p xl -\- q x -\~ r= o ,
en donnant à x toutes les valeurs pofitives
poflibles depuis o jufqu'à l'infini , on a tou-
jours un réfultat réel , & ce réfultat devient
infini & pofitif quand x sp= oo , c'eft-à-
dire oo 5 ; de même en donnant à x toutes
les valeurs négatives pofïiblt* depuis o juf-
qu'à l'infini , on aura toujours un réftltat
réel , & le dernier réfultat eft infini &
négatif quand x = — oo , c'eft-à-dire —
E Q U 811
00 '; donc puifqu'on a une fuite de réful-
tats tous réels & fans interruption , dont
les deux extrêmes font de différens fignes ,
il s'enfuit qu'il y a un de ces refultats égal
à zéro. Donc il y a une valeur réelle de x
qui rend :r} -\- p xz-\-q x-\-r = o. Donc
xa au moins une valeur réelle dans cette
équation. Il en eft de même des autres
cas.
Dans une équation délivrée de fractions ,
& dont le premier terme n'a d'autre coef-
ficient que l'unité , la racine ne fauroit être
une fraction ~ , dont le dénominateur & le
numérateur foient des nombres entiers &
rationnels. Voilà encore une propofition
bien mal prouvée dans prefque tous les au-
teurs. En voici une meilleure démonftra-
tion. Soit x1 -^ p x1 -\-q x -|- r=0', &
fuppofons que y foit racine de Y équation y
on aqra donc It+Ï + t + ^o,
& ai-\-p à1 b-\-q a 3t-^-r bl=o. Donc,
fuivant la théorie des équations donnée ci-
defîus , le nombre enrier a doit être divi-
feur du dernier terme r bl ; or, comme a
& b n'ont aucun divifeur commun , car la
fraction y eft fuppofée , comme de raifon ,
réduite à fes moindres termes ( Voye\
Diviseur, Fraction), il s'en-
1 fuit que a & b% n'ont aucun divifeur
j commun: donc a doit être divifeur de r;
< donc r=n a y n étant un nombre entier.
; Donc on aura a1 -\- p a1 b -\-q a bx -\»
n a b1 = o ; donc a* -\- p a b -j- q b* -f-
n'bi =o. Donc, par la même raifon que
ci-defïus , a doit être un divifeur du der-
nier terme a b1 -\-n b* , & par conféquent
de q -{- b n ; donc q-\~b n = m a; donc
a1 -J-/> a b-\- b1 ma = o-i donc a -^-p b
-^- b% /72 = o ; donc j == — p — ml.
Donc j n'étoit point une fraction , ce
qui eft contre l'hypothefe. On démon-
| trera de la même manière dans tous les
autres cas , la propofition dont il s'agit.
Donc , &c.
Il eft évident , par la nature de cette
démonftration , qu'elle ne s'étend qu'aux
fractions rationnelles. Une équation fans
fractions & fans radicaux peur en effet avoir
Kkkkk 2
Si* E Q U
pour racines des fradions irrationnelles ; |
par exemple, a;1 — a— 1 = 0, & une
infinité d'autres.
Voyez au mot TRANSFORMATION, ce
qui regarde la manière de transformer une
équation en une autre matière qui n'a d'ail-
leurs aucune difficulté , & qui eft affez bien
traitée dans prefque tous les Algébriftes;
par exemple , dans \y Analyse démontrée du
P. Revneau, Ùc.
On trouvera au mot RACINE , le fameux
théorème de Defcartes fur les racines des
équations , démontré par M. l'abbé de Gua
dans les Mém. de l'acad. deij^i, auxquels
le lecteur peut avoir recours. Nous nous
bornerons ici à quelques réflexions générales
fur les racines des équations.
Les racines d'une équation font les diffé-
rentes valeurs de l'inconnue ; il femble donc
qu'un problême doive avoir autant de folu-
tions qu'une équation a de racines ; & cela
eft vrai en effet dans un certain fens , mais
ceci a pourtant befoin d'une plus ample
explication.
i°. Si on propofoit de trouver un nombre
ar, tel que le carré de ce nombre plus 15
fût égal à 8 fois le nombre cherché , c'eft-
à-dire , tel que x x — 8 x -\- 1 5 fut == o ,
on trouveroitque cette équation auroit deux
racines réelles & pofitives :r=^3, x=<y ; &
en effet , le carré de 3 qui eft 9 augmente
de 15, donne 24 égal à 8 fois 3 ; & le carré
de 5 qui eft 2.5 , augmenté de 1 5 , donne 40,
égal à 8 fois 5. Ainfi les deux racines de
Y équation fatisforît en ce cas au problême ,
fans rien changer à fon énoncé. II y a donc
des cas 011 toutes les racines d'une équation
réfolvent chacune le problême dans le iens
le plus direct & le plus immécfcat que fon
énoncé préfente.
2°. Si on propofoit de trouver un nom-
Voilà deux racines réelles & pofitives , ce-
pendant il n'y a proprement que la racine |
qui fatisfaffe au problême, car h racine T
donne 1 — x === — T , quantité négative.
Ôr , l'on fuppofe dans l'énoncé que x eft
plus petit que 1 ; pourquoi donc trouve-ton
une autre racine réelle & pontive ? Le voici.
Si on eût propofé ce problême : trouver un
e q u
nombre x plus grand que 1 , & tel que ( x
— 1 ) * , foit égal à \ , on auroit eu préci-
fément la même équation que celle qui eft
donnée par la folution du problême précé-
dent ; & en ce cas x =■ \ auroit été la vraie
valeur de l'inconnue ; ainfi X équation 1 — 2
x-\-x x=z^ repréfente réellement ces deux-
qui font la traduction algébrique de deux
queftions , très-différentes dans leur énoncé»
La première de ces queftions a pour réponfe
.*• -=7, la féconde x = T. Donc , quoique
les racines d'une équation foient toutes deux
réelles & pofitives , il ne s'enfuit pas tou-
jours qu'elles réfolvent toutes exactement
& rigoureufement la queftion; mais elles
la réfolvent , en la préfentant en deux fens
difterens , dont l'Algèbre ne peut exprimer
la différence ; par exemple , dans le cas
dont il s'agit, l'énoncé devroit être : trouver
une grandeur x telle que la retranchant de
l'unité , ou retranchant l'unité d'elle , le
carré du refte foit égal à \. La traduction
algébrique du premier énoncé eft , par fa na-
ture, plus générale que ce premier énoncé;
c'eft donc le fécond qu'il faut y fubftituer
pour répondre à toute l'étendue de la tra-
duction. Plufieurs algébriftes regardent cette
généralité comme une richeffè de l'Algèbre,
qui , difent-ils , répond non feulement à ce
qu'on lui demande , mais encore à ce qu'on,
ne lui demandoit pas , & qu'on ne fongeoit
pas à lui demander. Pour moi , je ne puis
m'empêcher d'avouer que cette richeffè pré-
tendue me paroît un inconvénient. Souvent
il en réfulte qu'une équation monte à un
degré beaucoup plus haut qu'elle ne mon-
teroit , fi elle ne renfermoit que les feules
racines propres à la vraie folution de la
queftion , telle qu'elle eft propofée. Il eft
vrai que cet inconvénient feroit beaucoup
moindre, & feroit même en un fens une
véritable richeffè , fi on avoit une méthode
générale pour réfoudre les équations de tous
les degrés ; il ne s'agiroit plus que de dé-
mêler parmi les racines celles dont on au-
roit vraiment befoin : maisjnalheureufement
on fe trouve arrêté dès lé troifieme degré*.
Il feroit donc à fouhaiter , puifqu'on ne
peut réfoudre toute équation P qu'on pût au
moins l'abaiffer au degré de la queflion, c'eft-
à-dke , à n'avoir qu'autant d'unités dans
EQU
Pexpofant de fon degré que la qtaeftion a de
folutions vraies & dire&es ; mais la nature
de l'Algèbre ne paraît pas le permettre.
3®. Si on propofoit de trouver un nom-
bre x y tel que retranchant l'unité de ce
nombre , le carré du refte fût égal à qua-
tre , on trouverait ( x i ) l = 4 >
X = 3 & x = 1. La première racine
x 3 , qui eft réelle & pofitive , réfout la
queftion ; à l'égard de x = — 1 , elle ne
réfout point la queftion propofée , elle ré-
fout celle-ci : trouver un nombre , auquel
ajoutant l'unité , le carré de la fomme foit
égal à quatre. On voit que dans cet énoncé ,
ajouter fe trouve au lieu de retrancher y &
Jomme au lieu de refle. En effet ( x + 1 ) l
= 4 donne x = i & *=— -3 , qui font
précifément les racines de V équation précé-
dente prifes avec desfignes contraires. D'où
l'on voit que les racines négatives fatisfont
à la queftion , non telle qu'elle eft propofée ,
mais avec de légers changemens qui con-
fident à ajouter ce qu'on devrait retrancher,
ou à retrancher ce qu'on devoit ajouter. Le
figne — qui précède ces racines, indique une
fàufle fuppofïtion qui a été faite dans l'énoncé,
$ addition au lieu de fouftraclion y &c. & ce
figne — redreflè cette faufte fuppofïtion.
En veut-on un exemple plus fimple? qu'on
propofe de trouver un nombre x } qui étant
ajouté à 20, la fomme foit égale à 10, on
aura 20 -\~ x = 10 & x = — 10 ; ce qui
fignifie qu'il falloit énoncer ainfi la queftion :
trouver un nombre qui étant retranché de
20, le refte foit égal à 1 0, & ce nombre eft 10.
40. Si on propofoit cette queftion , trouver
un nombre x y tel que, ajoutant l'unité à
ce nombre , le carré du tout foit égal à
^, on aurait ( x-\- 1 )r =2 \ , x= — i;
x - — -| : voilà deux racines négatives , ce
qui fignifie qu'il falloit changer ainfi la quef-
tion ; trouver un nombre tel , que retran-
chant l'unité de ce nombre , s'il eft plus
grand , ou le retranchant de l'unité , s'il eft
plus périt, le carré du refte foit égal à |.
C'eft précifément le cas du n°. 1 précédent,
dont les racines font les mêmes que de ce
cas ci , avec des fignes contraires.
t)°. Tout nous prouve donc que les ra-
cines négatives ne font déftinéesqu'à indi-
«juet de faufïès fuppofitions faites dans
l'énoncé , & que le calcul redrefle. C'eft
EQU 813
pour cela que les racines négatives ont été
appellées faujjes par plufieurs auteurs , &
les racines pofitives , vraies , parce que les
premières ne fatisfont , pour ainfi dire , qu'à
un faux énoncé de la queftion. Au refte je
dois encore remarquer ici que quand toutes
les racines font négatives , comme dans le
cas précédent , l'inconvénient eft léger ; ces
racines négatives indiquent que la folution
avoit un énoncé abfolument faux : redreftez
l'énoncé , toutes les racines deviendront po-
fitives. Mais quand elles font en partie po-
fitives , & en partie négatives , l'inconvé-
nient que caufe la folution algébrique eft ,
ce me femble , alors plus grand ; elles in-
diquent que l'énoncé de la queftion eft ,
pour ainfi dire , en partie vrai & en partie
faux ; elles mêlent, malgré nous , une quef-
tion étrangère avec la queftion propofée ,
fans qu'il foit poflible de l'en féparer , en
rectifiant même l'énoncé ; car qu'on change
dans l'énoncé les mots ajoutera: fomme y en
ôter & refte y la racine négative devient à la
vérité pofitive ; mais la pofitive devient né-
gative , & on fe trouve toujours dans le
même embarras , fans pouvoir réduire la
queftion à un énoncé qui ne donne que des
racines réelles pofitives. Il en eft de même
dans le cas du n°. 1 précédent, où, quoi-
que les racines foient toutes réelles & pofi-
tives , cependant elles ne réfoîvent pas toutes
la queftion ; néanmoins il y a encore cette
différence entre ce cas & celui du n°. 3 ,
que dans celui-ci , pour changer les racines
négatives en pofitives , il ne faut changer
qu'en partie les fignes de x -J- 1 , c'eft-à-
dire, écrire x 1 ou 1 x; au lieu que
dans le cas du n°. 1 , il faut changer tout
à la fois les deux fignes de 1 x y &
écrire x — 1 dans l'énoncé , pour employer
la racine pofitive inutile à la queftion.
6°. Les racines négatives, je le répète ,
font un inconvénient, fur-tout lorfqu'elles
font mêlées avec les pofitives ; mais il y a
bien de l'apparence qu'on ne parviendra
jamais à lever cet inconvénient ; peut-être
pourroit-on le diminuer , fi on avoit une
bonne méthode de réfoudre les équations.
C'eft ce que nous tâcherons plus bas de faire
fentir , ou plutôt entrevoir, en parlant àes
équations du fécond degré. Mais ce qui
prouve que les racines négatives ne font pas
814 EQU
tout-à-fait inutiles à la folution d'un pro-
blème , c'eft l'application de l'Algèbre à la
Géométrie. Les ordonnées négatives d'une
courbe font auffi réelles que les pofîtives , &
appartiennent auffi effentiellementà la cour-
be; nous l'avons prouvé au mot COURBE
d'une manière auffi rigoureufe que nouvelle,
en faifant voir que les ordonnées négatives
deviennent pofîtives , en tranfpofant feule-
ment Taxe. De même en transformant une
équation algébrique , on peut rendre toutes
les racines réelles pofîtives ; car foit b la plus
grande des racines négatives , & foit fait x
= ^ A y A étant une quantité plus
grande que b ou égale à b ; alors les fac-
teurs , au lieu d'être , par exemple , x
a 9 x -\- b 9 feront \ A ay\ A
-\- b y toutes deux pofîtives. Voye\ encore
fur cet article ce que nous dirons plus bas ,
en parlant des équations appliquées à la
Géométrie.
7°. Si on propofoit de trouver un nom-
bre x y tel quel (ar-^-i)1 -x-4fût = o,
on auroit x = — i -|- ]X — 4 & a: =
— 1 — \/ — 4 ; valeurs imaginaires qui
indiquent que l'énoncé de la queftion eft
abfurde , & qu'il n'eft pas pofîible de la
réfoudre. Mais , dira-t-on , pourquoi deux
racines imaginaires ? Une feule fuffiroit
pour avertir de I'abfurdité. Je répons que
les deux imaginaires avertirent que la
queftion eft abfurde non feulement dans
fon énoncé , mais même dans tout autre
qu'on lui fubftitueroit , c'eft - à - dire , en
mettant x 1 ou 1 x à la place de
x-\- 1. En effet 1 —
+ 4 = 0,
ou
x - — iz -\- 4 = o , donne x = 1
\/ — 4 & * = 1 -(- y — 4 ; racines
imaginaires & de figne contraire aux précé-
dentes , parce que l'énoncé de la queftion ,
quoique changé , demeure impoflible.
8°. Ainfi , quand une équation n'a que
des racines négatives ou fauffes , cela in-
dique que le problême eft impoflible dans
le fens direct , mais non pas dans un autre
fens ; au lieu que quand elle n'a que des
racines imaginaires , cela indique que le
problême eft impoflible dans quelque fens
qu'on le préfente. Quand les racines font
réelles & incommenfurables , cela indique
EQU
que le problème n'a point de folution
numérique exade , mais qu'on peut trouver
un nombre qui approche auffi prés qu'on
voudra des conditions propofées ; donc les
racines négatives , imaginaires & incom-
menfurables , défignent différentes efpeces
d'impoffibilité dans la folution , mais d'im-
poffibilité plus ou moins entière, plus ou
moins abfolue.
9°. Mais quand les racines imaginaires
font mêlées avec des racines réelles, qu'eft*
ce qu'indiquent alors ces racines imaginai-
res ? Par exemple , ul b1 = o , a pour
racine réelle u — — b y & deux autres racines
imaginaires qui font celles de ïéquation
u u-\-b u-\-b b=o , comme on l'a vu au
mot Cas irréductible. Ces deux racines
imaginaires , dira-t-on , paroiffent ici bien
inutiles. Je répons que ces deux imaginaires
ne font point de trop ; elles indiquent que
s'il y avoit une quantité u y telle que u u
-+- b u -\- b b pût être égal à zéro , le cube
de cette quantité u feroit égal à b1. Voilà ,
ce me femble , tout ce qui regarde les ra-
cines des équations fuffifamment éclairci ;
paffons à d'autres obfervations.
Il y a quelques remarques à faire fur la
manière dont on réfout ordinairement les
équations du fécond degré : foit x x p x
e== q y on en conclud tout de fuite x — —
\z==z-^rVp-~-\-q; mais, dira-t-on,
pourquoi fait- on x — \ pofitif égal à la
quantité négative — 4 ■+" S ? H e^
bien vrai que deux carrés égaux donnent
des racines égales; mais ce doit être des
racines de même fîgne : cela eft évident ;
car de ce que 4 = 4, en conclurait -on
que 2 = — 2 ? D'ailleurs , f — x eft
aufli-bien que x — 7 la racine de x x —
pi + j) on devroit donc avoir + x
± £ — T Vti-\*q- Je réponds, i°. que
cette dernière équation donne les quatre
■p
fuivantes x -—
p Vp p
| — x = ^p-£ 4- q : or , les deux der-
EQ U
nieres font évidemment les mêmes que les
deux premières ; il fuffit donc de prendre
le double figne dt dans un des membres ,
& non dans les deux à la fois. 2°. J'aime-
rois mieux réToudre Ye'quation en raifon-
nant de cette forte. La racine carrée de
x x p x -\- T~iç efl x r •> fi x ^> "T >
& r x > fi x <C I • dans le premier
cas , on a x
• r :== r — ■+■ q; dans
le fécond , on a L x == Vp-I -l_ q : ce
font ces deux cas très-diftinôs & très-clai-
rement énoncés de cette manière , qu'on
énonce tous les deux enfemble implicite-
ment, & fi je l'ofe dire , obfcurément , en
écrivant x
£=±^+*.Les in-
venteurs de l'Algèbre ont imaginé cette
exprefîion pour abréger ; & cette expref-
fion commode rend la métaphyfique plus
obfcure. Voye\ fur cela ce qui a été dit
au mot ÉLÉMENS DES SCIENCES.
Si on avoit x x-\~p x=q > alors on
trouveroit , en fuivant le raifonnement pré-
cédent, x -\~ ~ = *tf -\~ q; ce qui ne
donneroit que la racine pofitive ; à l'égard
de la racine négative ou faufïè , on n'en
a que faire , puifqu'elle ne réfout pas le
problème ; cependant on auroit cette ra-
cine, fi on vouloir, en changeant l'énoncé
de la queftion fuivant les règles données
ci-deiTus ; ce qui donneroit x x p x=q
kl
OU X
p Vp p i
On voit donc que par cette manière que
je propofe de réfoudre les équations du
fécond degré , on fépareroit les racines
pofitives néceffaires d'avec les inutiles , les
vraies d'avec les faufles , ùc. cette mé-
thode s'appliqueroit aux autres degrés , fi
on avoit une règle générale pour réfoudre
toute équation : mais la règle dont il s'agit
eft encore à trouver.
J'ai donne au mot Cas IRRÉDUCTIBLE
une théorie fuffifante & neuve prefque à
tous égards de la réfolution des équations
du troifieme degré , j'y renvoie le ledeur.
Je n'y ai fuppofé qu'une propofition , c'eft
que fl le fécond terme d'une équation du
E Q U 815
troifieme degré eft nul, & que les trois
racines foient réelles , le troifieme terme a
toujours le figne . La queftion fe réduit
à prouver que fi a-\- b -y-c = o, a, b, c
étant de tel figne qu'on voudra , & réelles ,
(voyei Coefficient), on zuraab-{~a c
-\-b c négative , c'eft -à-dire , a a ■
a c c c négative , ce qui eft évident ;
donc fi le troifieme terme eft pofitif, il y a
deux racines imaginaires. Paiîbns au qua-
trième degré.
Soit x4-\-q xz -f- r x -\- s = o , une
équation à réfoudre , on fuppofe qu'elle foit
le produit de x x -\-y x -j- \ = o , & x x
y x~\~ u === o i & on trouve , en mul-
tipliant ces deux équations Vune par l'autre ,
& comparant le produit terme à terme avec
la propofée, les équations fuivantes :
7 qy+y* — r
qy
,i —
iy
isy
OU
*y qy+y* -i-r1
y6 + *qy* +qzyl — rr = o.
l qy+yi — f z 1 "^ »j*
L' 'équation y *, &c. =====0 , étant du fixieme
degré a fix racines; & les équations x x-\-
y * + ? = °> xx y x>\-u = o, en
donnant chacune deux pour chaque valeur
de j'y voilà donc, dira-t-on , vingt- quatre
racines , quoique , fuivant la théorie con-
nue , V équation a:4, &c. ne doive avoir que
quatre racines poflïbles. Je vais montrer
que ces vingt-quatre racines fe réduifent à
quatre.
i°. Dans V équation y6 , &c. ==0, où
tous les termes pairs marquent , il eft
I évident que chaque racine pofitive a fa
pareille négative. Cela eft évident ; car
faifanry y = % , V équation eft du troifieme
degré. Voye\ Abaissement. Or, foient
A y B 3 C, les valeurs de 1 } on aura donc
yy = A; doncj = 4- V A,y= —
\/ A : de même y = «g \/ B , y =z
± |/ C. Cela pofé.
Soit a une des valeurs de yy a en fera
une autre ; & X équation x x -j-/ x •+■ \
donnera
S i<5
E QU
E Q U
r + TT^ — o.
Inéquation x x y x + u y donnera
a: x-J-d x + r -V" V — ■ r* === o.
Ces deux dernières équations reviennent
au même que les deux précédentes ; donc
voilà déjà quatre équations réduites à deux ,
& vingt-quatre à douze.
Je dis maintenant que xx + ax-^j-^-
^- -\- ~ , donnera les mêmes racines que
x x + b x -^•q- -\- — ~t- r~hy en fuppofant
-|- b y b deux autres racines de X équa-
tion y b-\*z q y* , &c. = o. Car foit
y y aa, y y b b, y y ce, les
trois racines , on aura 2 q = a a
b b c cy r=. abc; & les deux équations
précédentes deviendront x x + a x ■
bx — -T— ~ ±—=o, dont
les racines font aifées à trouver , & font
les mêmes. On trouvera de même que x x
a ti \ c c b b y '
+ a —"T — — + a b =°>
donne encore les mêmes racines ; donc en
général les douze racines fe réduifent à
quatre , & ces quatre feront
a l b -C
—~ r i i •
- r + '-=Fr«
+ 1 + '-^-
Car il faut remarquer que le figne de
-~ répond à -\»axy & que le ligne -\*
répond à — • a x ; il ne faut pas prendre
*\~a a; avec -^-3 c y ni a a; avec b c.
Si on fait quatre équations fimples des
quatre valeurs précédentes de ï, on
formera par le produit une équation du
quatrième degré qui fera la même que la
propofée , en mettant pour q y s, r9 leurs
valeurs
a-abb-
7-l
4
aa bb-aa ec-hb ce
& abc. Ainfi tout s'accorde parfaitement ,
comme on le voir. Il y a quelques auteurs
qui ont traité ce dernier article des équations
du ^ quatrième degré avec aflèz de foin ;
mais , ce me femble , d'une manière moins
fimple que nous ne venons de faire.
En réfolvant d'une certaine façon quelr
ques équations du quatrième degré , on
tomberoit dans un inconvénient fembla-
ble à celui du cas irréductible , c'eft-à-
dire , qu'on trouveroit des quantités réelles
fous une forme imaginaire. Soit , par
exemple, a:4 — a4=o, on a deux raci-
nes réelles x = a , x = — a , & deux
autres imaginaires x = y-
aa
V-
aa; cependant fi on fuppofoit
que Y équation x4 — a4 = o , fût venue
de ces deux-ci x x-\-p x -\-q, x x — p x
-\-q, on trouveroit 2 #— />p=o, q q
== — a* : ainfi on auroit pour les deux
équations y dont la multiplication produic
x4 — <24 y ces deux-ci :
xx±_xV-\-i.y __ a+±_\/ZIÏÏ^=o9
xxTxY — i \/-ZIa~+±_y--a+=o;
équations dH on l'on ne tirera que des valeurs
de x fous une forme imaginaire ; néanmoins
de ces différentes valeurs une fera = a ,
& une autre = — a. Voye% fur cela Y art.
IMAGINAIRE. Voye\ aujji les Mémoires
de VAcad. de Berlin y 1 746° y & Vouvrage
cité de M. de Bougainville.
Il eft aifé de voir par tout ce qui a été
dit , qu'il n'y a jufqu'à préfent que les
équations du fécond degré dont on ait une
folutien complète ; car , i°. les équations
du troifieme degré tombent fouvent dans
le cas irréductible ; 20. fi une équation du
troifieme degré a une racine réelle & com-
menfurable , cette racine commenfurable
fe préfente fous une forme incommenfu-
rable ; & il faut du travail pour la dégager
de cette forme. V. Racine & Extrac-
tion. 30. Les équations du quatrième de-
gré fe réduifent , comme on vient de le
voir
EQU
Voir au troisième , & font par confequent
fujettes aux mêmes inconvéniens.
Lorfqu'une équation du troifieme degré
* une racine commenfurable , le plus court
moyen de la déterminer eft d'efîàyer tous
les divifeurs du dernier terme ; M. New-
ton , dans fon arithmétique univcrfelle y a
donné une méthode pour abréger confidé-
rabl ment cet effai. Nous ne dirons rien
de cette méthode , qui a été fuffifamment
expliquée & développée par MM. Grave-
fande & Clairaut , dans leurs élémens
d'algèbre.
Patte le quatrième degré , on n'a plus
de méthode , même imparfaite & tron-
quée , pour réfoudre les équations. Si la
racine eft réelle , il faut efTayer les divifeurs
du dernier terme ; fi elle eft incommen-
furable , il faut tâcher de connoître à peu
près cette racine en nombres entiers , &
fe fervir enfuite de la méthode expliquée
au/nor Approximation, pour approcher
de plus en plus de la vraie chaleur. La dif-
ficulté eft d'avoir d'abord la racine cher-
chée exprimée à peu près en nombres en-
tiers ou rompus ; on n'a point de méthode
générale pour cela ; on n'a que des tenta-
tives & des eftâis ; la méthode des cafeades ,
expliquée à l'article CASCADE , eft três-
iimitée, & par confequent très-fàutive.
Cette méthode fuppofe , i°. que la pro-
pofée, ait toutes ks racines réelles; x°. que
Véquationdu maximum des y ait auffi toutes
fes racines réelles ; 30. que l'on puifle con-
noître toutes les racines de cette dernière
équation du maximum y ou du moins qu'on
le puifTe connoître à peu prés ; ce qui re-
vient à la même difficulté.
Si on trouve deux quantités a y b y peu
différentes l'une de l'autre , qui étant fùbf-
tituées à la place de x dans une équation y
donnent l'une un réfultat pofitif , l'autre
un réfultat négatif , il s'enfuit que la valeur
qui donne le réfultat = 0 , & qui eft la
vraie racine de Y équation, fera entre a & b.
En effet , conftruifons une courbe de genre
parabolique , nous verrons clairement que
fi une valeur de x donne l'ordonnée pofi-
tive , & qu'une autre valeur de x donne
l'ordonnée négative , la valeur de x qui
donnera l'ordonnée = o , fera entre ces
deux -là : mais il n'en faut pas conclure
Tome XII.
EQU 817
que 11 on diminue , ou qu on augmente
tant foit peu cette valeur de x y qui donne
le réfultat =0 , on aura deux réiultats de
fïgne différent ; car il eft évident qu'une
courbe parabolique peut atteindre fon axe
fans le couper, mais en le touchant feu-
lement ; & en général pour qu'une quan-
tité parle pour le zéro , il n'eft point né-
ceftàire que les deux états voifins de cette
quantité , l'un avant , l'autre après l'éga-
lité à zéro , foient des états oppofés. Cela
eft clair par les tangentes parallèles au dia-
mètre du cercle , où l'ordonnée pofitive
devient zéro , & redevient enfuite pofi-
tive , & par une infinité d'autres cas fem-
blables.
Dans les mémoires de V académie des
Sciences pour Cannée ZJ47> PaS- f&S>°*
trouve un favant mémoire de M. Fontaine
fur la ré£o\utiot\ des équations. L'auteur an-
nonce qu'il donne ce mémoire pour l'ana-
lyfe en entier y telle qu'on la cherche y dit-il ,
Jî inutilement depuis l'origine de l'algèbre.
Il fe propofe en effet de donner , dans
cet ouvrage , des règles pour déterminer ,
dans une équation quelconque propofée ,
i°. la nature & le nombre des racines ;
c'eft-â-dire, fi elles font réelles, égales ou
inégales , toutes pofttives , toutes négati-
ves , ou en partie pofitives & négatives,
ou enfin imaginaires en tout ou en partie.
L'auteur fuppofe , dans cet ouvrage , la
vérité d'un théorème que j'ai démontré le
premier , & dont il a déjà été fait mention
plus haut ; favoir , que toute racine ima-
ginaire d'une équation peut toujours être
exprimée par a-\-b\/ — 1, a & b étanc
deux quantités réelles, & qu'il y a en ce
cas encore une autre racine exprimée par
a— b y — r. Nous n'entrerons point ici
dans le détail de la méthode donné par
M. Fontaine ; elle eft fi bien expliquée
dans le mémoire cité , & préfentée avec tant
de précifion , que nous ne pourrions abfolu-
ment que la tranferire ici ; nous y renvoyons
donc le ledeur. Nous, ferons feulement
les remarques fuivantes , dans lefquelles
nous fuppoferons qu'il ait le mémoire fous
les yeux.
i°. La quantité ou fonction formée des
coefficiens, m y n , p y b.c. (qui eft égale à
L1I1I
8i8 EQU
zéro dans certains cas, plus grande que zéro
dans d'autres , & plus petite dans d'autres )
fe trouve , en faifant égales entr'elles , quel-
ques quantités parmi les racines deYéquation;
car il y a toujours autant de quantités a, by cy
d> &c. dans les racines de Y équation y qu'il
y a de coefficiens m> nyp, q, &c. on a donc
autant adéquations entrer, b ,c } d , &c.
& m , n , p , q , &c. qu'il y a de coef-
ficiens m , n , p , q; & on ne peut arriver
à une quantité ou équation finale, de la-
quelle a ,b , c y d , &c. aient difparu , que
dans le cas où quelques-unes des quancités
a y b , c y d y &c. feront égales ; autrement ,
après toutes les opérations ordinaires des-
tinées à faire évanouir les inconnues a y by
c y dy ( voye\ ÉVANOUIR) &c. il
en refteroit toujours une, puifqu'il y au-
roit autant adéquations que d'inconnues.
Prenons , par exemple , un des cas que
M. Fontaine a propofés, x1—- 3 x-\-i=o,
ou xx -—- m x -\- n ■= o ; on trouve que
( x — a ) ( x—b ) ou ( x — a+b }/—i )
( *— d— £)/— 1 ) ou (jc— b-\~a */— 1)
(x — 3— '.ay — 1) peuvent être les trois
fyftêmes des fadeurs de cette formule.
Or , pour que les deux premiers fyftêmes de
fadeurs deviennent les mêmes , il faut que
dans le premier fyftême b = a y & que
dans le fécond b=o; d'où Ton tire xx
-<— 2 a x-\-aa = x x — m x -|- n ; donc
m = 1 a , n =. a a = ^ ; donc dans le
cas de a = b yonamm — 4 /z = o. Main-
tenant pour que le fécond & le troifieme
fyftêmes de fadeurs deviennent le même ,
il faut que b = a dans les deux fyfrêmes ,
ainfi on aura x x — la x-\*aa-\-aa=o;
donc m ■-=■ 2 a, n =. iaa = ^^-y donc
4
mm — 2» = o; ainfi mm — 40 & mm —
2 n font les deux quantités égales ,. plus
grandes ou plus petites que zéro , qui doi-
vent déterminer ici les racines égales, ou
les racines réelles, ou les racines imagi-
naires , & de plus le figne & la forme des
racines.
20. On voit afîez par la nature de la
méthode de M. Fontaine-, qu'un fyftême
de fadeurs étant donné dins le fécond ,
ç>u même dans le troisième degré , on
trouvera fa, nature de la formule d' équation
EQU
qui en réfuïte , c'eft - à - dire , le figne de
chaque coefficient de cette formule ; mais
on ne voit pas , ce me femble , avec la
même clarté comment on déterminera la
formule qui réfulte d'un fyftême de fac-
teurs dans les équations plus compofées
que le troifieme degré ; ni s'il fera toujours
pofïîble d'affigner exadement toutes les
formules qui réfultent d'un même fyftême
de fadeurs, en cas que ce fyftême puifte
produire plufieurs formules. î! feroit à fou?
haiter que ceux qui travailleront dans la
fuite d'après la méthode de M. Fontaine %
s'appliquafïent à développer ce dernier
objet.
3°. M. Fontaine fuppofe que la quantité
qui eft = o dans h cas de la coïncidence
de deux fyftêmes de fadeurs , eft néceilài-
rement plus grande que zéro pour l'un de
ces fyftêmes de fadeurs , & plus petke
pour l'autre. Il eft vrai qu'il arrive le plus
fouvent qu'une quantité , égale à zéro dans
Phypothefe de deux quantités qui coïn-
cident , eft pofitive & négative dans les.
deux cas immédiatement voifins ; mais
cela n'arrive pas toujours. Par exemple,
lorfqu'une courbe de genre parabolique
touche fon axe , & que par conféquent
l'abfcifTe x répondante à l'ordonnée y=o,
a deux racines égales , il arrive fouvenc
qu'en faifant x plus grande ou plus petite
qu'une de ces racines , on aj pofitive dans
les deux cas. Ce n'eft pas tout. Il pour-
rait arriver que dans les cas infiniment voi-
fins , ou extrêmement voifins de celui qui
a donné l'égalité à zéro , la quantité formée
àe m y n yp y q y &c. fût plus grande que
zéro pour un de ces cas , & plus petite pour
l'autre ; mais eft il bien certain que dans les
cas qui ne feront pas fort voifins de celui
qui a donné l'égalité à zéro , il y en aura
toujours un qui donnera la fondion >o,
& que l'autre donnera la meml fondion;
<^ o.' Une courbe qui coupe fon axe ea
un point , a près de ce point en deffus &
en défions des ordonnées de difFérens
fignes ; mais il eft très-poffibîe que toutes
les ordonnées au deffus & au dcffous ne
foientpasnécefTairemônt de difFérens fignes,
parce que la courbe peut encore couper
fon axe ailleurs. M. Fontaine dit que s'il
y a plufieurs fondions =0 , il fera toujours
E QU
facile de reconnoître laquelle de ces
fondions eft toujours plus grande que
zéro dans l'un des deux fyftêmes . &
toujours moindre dans l'autre ; il fem-
ble que , fuivant fon principe , dès qu'une
fonction eft égale à zéro dans le cas de
la coïncidence de deux fyftêmes de fac-
teurs , elle eft toujours plus grande que
zéro dans un de ces fyftêmes , & moindre
dans l'autre. S'il y a des cas où cela puiffe
n'avoir pas lieu ( comme M. Fontaine
femble l'infmuer ) , pourquoi , dira-t-on,
n'arriveroit - il pas quelquefois que cela
n'auroit lieu dans aucun cas ?
Enfin , M. Fontaine détermine par le
calcul d'un feul cas numérique particulier
d'un des deux fyftêmes , celui où la fonc-
tion eft >o , & celui où la fbnéHon eft
plus petite. Cela peut être encore fujet à
difficulté ; car cela fuppofe que la formule
eft toujours ^> o dans un des cas , & tou-
jours <Co dans l'autre. Or , dira-t-on , ne
pourroit-il pas arriver que la formule fût,
à la vérité, toujours > ou <1 o , dans les
deux cas pris enfemble ; mais qu'après
avoir été plus grande que zéro dans l'un
de ces cas , jufqu'à une certaine valeur des
quantités a , b , c , à , &c. & plus petite
dans l'autre cas , elle devînt enfuite plus
petite que zéro dans *le premier cas , &
plus grande dans le fécond?
Nous ne prétendons point , par ces dif-
ficultés , attaquer , ni encore moins ren-
verfer la méthode de M. Fontaine ; elle
nous paroît pleine de fagacité & de fmefiè ,
& digne de toute l'attention des favans ;
nous la regardons comme une nouvelle
preuve du génie fupérieur que l'auteur a
déjà montré dans d'autres ouvrages ( poye^
Intégral & Tautochrone) ; nous
dèfïrons feulement que M. Fontaine trouve
ces difficultés aftèz capables d'arrêter les
géomètres , pour daigner les lever entiè-
rement dans un autre écrit , & mettre fa
méthode à l'abri même de route chi-
cane. Afin de l'y engager , voici à quoi
nous réduifons la queftion. La formule
eft ==0 dans le cas de l'égalité de certaines
racines ; foit cette formule appellée P.
Suppofons maintenant les racines inégales ,
en forte que 2 t foit leur différence ( c'eft-
à-dire , que -fc- t doive être ajouté à l'une ,
E Q U %\i)
& — t à l'autre) ; en ce cas la formule
deviendra P 4-i? 1 4- S 1 1 + Q t\ &c.
R y S > Q y défignant des quantités con-
nues : or, pour que la méthode de M. Fon-
taine ait Heu dans tous les cas, il faut,
que R ne foit jamais ±±z o , ou du
moins que fi R =0 , S le foit auffi , en un
mot que t fe trouve toujours à une puif-
fance impaire dans le premier des coeffi-
ciens ; autrement t éczr\t fuppofé très-petit ,
les deux formules feroient l'une & l'autre
>ou<o; t étant pofitif, ou négatif:
2°. qu'en fuppofant t pofitif, R t-\- S tt+
Q r3, &c. foit toujours du même figne , t
ayant telle valeur qu'on voudra: 30! qu'en
fuppofant t négatif jR t-\-S tt -f- Q r3 , &c.
foit toujours de figne contraire au précé-
dent , t ayant telle valeur qu'on voudra.
Ces trois propositions démontrées , il ne
reftera plus de doute fur la généralité & la
certitude de la méthode propofée par
M. Fontaine.
Il feroit encore à fouhaiter que l'auteur
donnât une démonftration de la méthode
qu'il propofe , pour approcher , aufïï près
qu'on veut , des racines des équations ; il
femble fuppofer encore dans l'expofe de
cette méthode , que quand une certaine
valeur de <?> rend === o une quantité ou
fonction de <P , deux autres valeurs de <P ,
l'une plus grande , l'autre plus petite , don-
neront l'une moins ou plus que zéro , l'autre
plus ou moins que zéro. Cela n'eft pas vrai
en général , mais cela pourroit l'être dans le
cas particulier de M. Fontaine ; & c'eft ce
qu'il feroit bon de prouver. Voye\ V article
Racine.
Il nous refte à faire quelques réflexions
fur les équations appliquées à la géomé-
trie. Nous avons indiqué au mot DÉCOU-
VERTE , par quel raifonnement Defcartes
eft parvenu à appliquer les équat-'ons indé-
terminées aux courbes ; les mots Courbe,
Différentiel, Tangente, &c. &
autres fembîables , font voir en dérail les
applications & les conféquences de ce prin-
cipe. On a vu au/Ii au mot CONSTRUC-
TION , comment on conftruit les équations
! par la géométrie. Il ne nous refte ici qu'un
! mot à dire fur la multiplicité des racines
! des équations en géométrie. Les obferva-
' tions que nous avons à faire fur ce fujet
LIII1 2
8io EQU
font une fuite de celles que nous avons déjà
faites fur les racines mukiples des équations
algébriques.
Suppofons , par exemple , qu'on pro-
pofe de divifer une ligne a en moyenne
& extrême raifon , nommant x la partie
cherchée de cette ligne , ou aura a : x : :
x:a—~ x'y d'où l'on tire xx-^-ax=aa; &
y — — t _L_ y ~ : la racine négative
de cette équation ne fauroit fervir ici „mais
elle ferviroit à la folution de ce problême :
trouver dans le prolongement de la ligne
donnée a une ligne x > telle que # : x : : x :
a-\-x ; dans ce cas la racine négative devient
pofitive , & la pofitive négative ; & V équa-
tion eft xx— ax =aa.
Si on propofe de tirer du point A une
ligne A E (fig. il d'algèbre ) dans un
cercle , telle que B O étant perpendicu-
laire au diamètre A D , & donnée de po-
fition , on ait FE=à une ligne donnée a y
©n aura en nommant B F y x y une équa-
tion du quatrième degré qui n'aura ni
fécond ,. ni quatrième terme ; cette équa-
tion aura deux racines pofitives B Ffk Bj y
telles que F E d'une part , &fe de l'au-
tre , feront égales â a ; & deux autres
racines égales aux deux précédentes & de
lignes contraires , parce qu'en achevant le
cercle , & prolongeant O B en defîbus ,
le problême aura deux folutions pareilles ;
fi a étoit plus grand que B D y les racines
feroient imaginaires.
Si on nommoit A F, B O.y b , AC , r ,
AB y c y on auroit££ — xx-\-cc=ax
ou 2 rct= x x -y- ax; la racine pofitive
eft A F y & la négative^/, parce que
cette racine négative , fi on la traitoit
comme pofitive , donneroit a x=Bfz —
B Ox=xx — b b — c c = x x -— 2 r c y
& non pas ax = B Cz = B F\ Voilà un
cas où deux racines de différens fignes
n'indiquent pas des pofitions diamétrale-
ment oppofées dans les lignes A F y Afy
qui repréfentent ces racines , mais feule-
ment le changement de figne du fécond
terme a x dans V équation du problême.
Dans ce dernier cas , c'eft-à-dire , en
prenant A F pour l'inconnue , l'équation
n'eft que du fécond degré , au lieu qu'en
prenant B F pour inconnue , elle monte
EQU
au quatrième ; d'où l'on voit comment , par
le bon choix des inconnues , on peut fim-
plifier un problême en plufieurs occafions»
Mais , dira-t-on , pourquoi le problême
a - 1 - il quatre folutions dans un cas , &
deux feulement dans un autre ? Je ré-
ponds que dans le dernier cas il a auffi
quatre folutions comme dans le premier ;
ou pour parler plus exactement , que B F
a quatre valeurs dans \qs deux cas ; car
BF=-\- \/ AP — AB*; ce qui donne
deux valeurs égales de différens fignes pour
chaque valeur de A F. Voyez encore d'au-
tres obfervations fur un problème de ce
genre à Y article Situation.
Autre queftion. On propofe d'infcrire
dans un redangle donné AB D E (fig. 1 1 y
alg.n.z.J un redangle abde, dont ks
côtés foient également éloignés des côtés
du grand , & qui foit à ce grand redangle
comme m eft à n : foit A B=a} AD
=byA C=x; on aura (a — 2 x) X
(&— 2;r): ab : : m : n y & on trouvera
par la révolution de cette équation y qu'en
fuppofant m <^n y x a deux valeurs réelles
& pofitives ; cependant le problème n'a
évidemment qu'une folution ; mais il ren-
ferme une condition que l'algèbre ne peut
pas énoncer; favoir , que le -redangle a h
d e foit au dedans de l'autre : fi on avoir
ab : (2 x — a)(zx=b)::n: m y on
trouveroit la même équatioiiy & cependant
ce ne feroit plus le même problême. Le
parallélogramme redangle qui fatisferoit â
cette queftion , feroit alors celui qu'on voit,
(fig. n yn. jjy dans lequel AC eft égal à
la plus grande valeur pofitive de a;, &
A C = C a ; le côté a d eft éloigné de
A D comme le côté c a de A B , & ainfî
du refte ; mais le redangle abc <i n'eft pas
au dedans de l'autre ; condition que l'al-
gèbre ne peut exprimer. Voye\ SITUA-
TION.
Sur les équations différentielles y expo-
nentielles y &c voyei Différentiel ,
Exposant, Exton entiel, Intégral,
Construction , &c.
On appelle quelquefois équation y cm
géométrie Ù en méchanique y ce qui n'cfl
qu'une fimple proportionnalité indiquée
d'une manière abrégée > par exemple %
E QU
quand on dit qu'un re£tangîe eft égal au
produit de fa bafe par fa hauteur , cela
lignifie explicitement ; fî on a deux rec-
tangles , & qu'on prenne une quantité
quelconque linéaire a pour la mefure com-
mune de leur bafe & de leur hauteur ;
que B foit le nombre de fois ( entier ou
rompu , rationnel ou irrationnel ) que la
bafe de l'un contient a ; que H foit le
nombre de fois que la hauteur du même
contient a$ que b foit le nombre de fois que
la bafe de l'autre contient a; que h foit
le nombre de fois que la hauteur du
même contient a y les aires de ces deux
reâangles feront entr'elles comme le pro-
duit des nombres , B , H , efl au produit
des nombres , b , h. De même , quand on
dit que la vîtefTe d'un corps qui fe meut
uniformément , eft égale à J'efpace divifé
par le temps , cela veut dire explicitement :
fi deux corps fe meuvent uniformément,
& parcourent , l'un Pefpace E pendant le
temps T y l'autre l'efpace e pendant le
temps t ; qu'on prenne une ligue a pour
commune mefure des efpaces E y e & un
temps * pour communes mefures des temps
Ty ty les vîtefles feront comme le nombre
~ divifé par le nombre j , eft au nombre
j divifé par le nombre y Voye^ MESURE ,
Vitesse k&c. (O)
Équation d e l'horloge , eft la
même chofe que Y équation du temps.
Voyez l'article fuivant.
ÉQUATION DU TEMPS, en Aflronomie,
eft la différence entre le temps vrai ou ap-
parent , & le temps moyen ; c'eft-à-dire la
réduction du temps inégal apparent , ou du
mouvement inégal , foit du foleil , foit
d'une planète , à un temps ou à un mou-
vement moyen , égal & uniforme. Voye^
Temps ù Mouvement.
Le temps ne fe mefure que par le mou-
vement ; & comme le temps en lui-même
coule toujours uniformément, on fe fert
pour le mefurer , d'un mouvement qu'on
îuppofe égal & uniforme , ou qui conferve
toujours la même vîtefîe.
Le mouvement du foleil eft celui dont
on fe fert communément pour cela , parce
que ce mouvement eft celui qu'on ohferve
E Q U 821
Te plus facilement : cependant il manque de
la principale qualité néceftàire pour mefurer
le temps , c'eft-à-dire, de l'uniformité. En
effet , les aftronomes ont remarqué que le
mouvement apparent du foleil n'eft pas
toujours égal & uniforme ; mais que ce
mouvement tantôt s'accélère , tantôt fe
ralentit : il ne peut donc fervir à mefurer le
temps , qui eft uniforme par fa nature.
Voye\ Soleil.
Ainfî le temps mefure par le mouvement
du foleil , & qu'on appelle le temps vrai
ou apparent y eft différent du tems moyen
& uniforme y fuivant lequel on mefure &
on calcule tous les raouvemens des corps
céleftes.
Voici comme on explique cette inégalité.
Le jour naturel ou folaire n'eft pas propre-
ment mefure par une révolution entière de
l'équateur , ou par vingt-quatre heures équi-
noxiales , mais par le temps qui s'écoule ,
tandis que le plan d'un méridien qui a paffé
fous le foleil , vient à y repafîèr une féconde
fois par la rotation de la terre; & ce temps
eft la diftance qu'il y a entre le midi d'un
jour & le midi du jour fuivant. Voye\
Jour & Méridien.
Or , fi la terre n'avoit point d'autre mou-
vement que celui de fa rotation autour de
fon axe, tous les jours feroient exactement
égaux les uns aux autres , & auroient tous
pour mefure le temps de la révolution de
l'équateur : mais cela n'eft pas tout à fait
ainfl ; car tandis que la terre tourne autour
de fon axe , elle avance en même temps
dans fon orbite : de forte que quand un
méridien qui a pafte fous le centre du foleil
a fait une révolution entière , ce méridien
ne revient pas fous le foleil précifément >
comme il paroît par la figure.
Soit S îe foleil (PL afi.fig. $0) & foit
AB une portion de I'écliptique ; fuppofùns
que la ligne MD repréfente un méridien
quelconque , dont le plan prolongé parle
par le centre du foleil Iorfque la terre eft
en A ; imaginons enfuite que la terre avance
dans fon orbite , & qu'en faifant une révo-
lution autour de fon axe elle arrive en By le
méridien MD fe trouvera dans une po-
firion m ^/ parallèle à la première: par con-
féquentle méridien , dans ce nouvel état,
ne paftèra pas parle centre du foleil , . &
8i2 Ë Q U
les peuples qui l'habitent n'auront point
encore midi. Il faut pour cela que le mé-
ridien dm faffe encore un mouvement an-
gulaire, & décrive l'angle dB f, afin que
fon plan puiffe paffer par le foleil. Voye\
Terre.
Delà il s'enfuit que les jours folaires font
plus longs que le temps d'une révolution de
la terre autour de fon axe..
Cependant fi les plans de tous les méri-
diens étoient perpendiculaires au plan de
l'orbite terreftre , & que la terre parcourût
fon orbite avec un mouvement uniforme ,
Pangle dB F feroit égal à l'angle BSA,&
les arcs df & A B feroient femblables : par
conféquent l'intervalle d'un midi à l'autre
feroit toujours le même, puifque l'arc AB
& l'angle dB F feroient toujours de la
même quantité de degrés. Tous les jours
folaires feroient donc égaux , & le temps
moyen feroit le même que le temps
vrai.
Mais les chofes font bien autrement , car
la terre n'a point un mouvement uniforme
dans fon orbite ; elle décrit , lorfqu'elle eft
aphélie , un plus petit arc , & lorfqu'elle eft
périhélie , un plus grand arc dans le même
temps. Voyt\ plus bas EQUATION DU
Centre. D'ailleurs, les plans des méridiens
ne font point perpendiculaires à Péclipti-
que , mais à l'équateur ; & cette feule rai-
fon , indépendamment de l'inégalité du
mouvement de la terrre , doit rendre les
jours inégaux ; car l'écliptique fait avec
l'équateur un angle d'environ 23 degrés { :
& lion divife l'écliptique en plusieurs petits
arcs égaux qui repréfentent le chemin ( fup-
pofé uniforme ) du foleil pendant chaque
jour , & que parles pôles du monde & par
chacun des points de divifion ou fafïe paffer
des méridiens céleftes, les arcs de l'équa-
teur , compris entre ces méridiens , ne fe-
ront point égaux entr'eux comme les arcs
de l'écliptique; par conféquent la diftance
entre le moment où le foleil pafîè par un
méridien , & le moment du jour fuivant
où il retourne à ce même méridien , ne fera
pas le même pour tous les jours. Nous fubf-
tiruerons ici au mouvement réel de la terre,
le mouvement aoparent du foleil , qui pro-
duit le même effet , & rend la chofe un peu
plus facile à entendre.
E Q U
Ainfi en fuppofant même que le foleil
eût un mouvement uniforme dans l'éclipti-
que , le temps qui coule uniformément ne
pourroit être repréfenté par la diftance entre
le midi d'un jour & le midi d'un autre ;
les aftronomes ont donc été obligés d'in-
venter , pour la commodité de leurs calculs,
des jours fictifs , tous égaux entr'eux , &
moyens entre le plus long & le plus court
des jours inégaux.
Pour déterminer ces jours , on a pris
d'abord le nombre d'heures de la révolution
totale du foleil dans l'écliptique , & on a
divifé le temps total en autant de parties
qu'il y a d'heures , dont vingt-quatre com-
pofenr un jour.
De plus , comme nous ne connoifïons
point dans la nature des corps dont le mou-
vement foit uniforme, & que cependant
un tel mouvement eft la feule vraie mefure
du temps , on imagine un corps fictif , par
exemple , une étoile qui fe meut uniformé-
ment dans l'équateur d'occident en orient,
& qui , fans accélérer ni retarder jamais fon
mouvement , parcourt l'équateur , précifé-
ment dans le même temps que le foleil fait
fa révolution dans l'écliptique : le mouve-
ment de cette étoile repréfenté le temps égal
ou moyen, & fon mouvement diurne dans
l'équateur eft de 59' 8", c'eft-à-dire, le même
que le mouvement moyen du foleil dans
l'écliptique : par conféquent le jour égal &
moyen fe détermine par l'arrivée de cette
étoile au méridien , & il eft égal au temps
que les 360 degrés de la circonférence de
l'équateur mettent à faire une révolution
entière , & a $9' 8" de plus. Comme cette
addition de 59' 8" eft toujours la même,
les jours moyens font conftamment égaux
entr'eux.
Puis donc que le foleil va vers l'orient
inégalement, par rapport à l'équateur , il
arrivera au méridien quelquefois plutôt que
cet aftre imaginaire , & quelquefois plus
tard : delà vient la différence qu'il y a entre
le temps vrai & le temps moyen. On con-
noît cette différence quand on fait le lieu
de l'aftre imaginaire dans l'équateur, & le
point de l'équateur oui vient au méridien
avec le foleil ; car l'arc compris entr'eux
étant converti en temps , fait voir la diffé-
rence qu'il y a entre le temps vrai & le
E Q U
temps moyen : c'eft cette différence qu'on
appelle équation du temps.
On peut donc définir Y équation du temps,
le temps qui s'écoule tandis que l'arc de
l'Equateur , compris entre le point qui dé-
termine Pafcenfion droite du foleil , & le
lieu de l'aftre imaginaire , paflè par le mé-
ridien ; ou , comme Tycho l'exp'kjue , &
après lui Street , la différence emtQ h vraie
longitude du foîeil & fon afcenfion droite.
Trouver l'équation des jours folaiies y
c'eft-à-dire, convertir le temps vrai en temps
moyen , & le temps moyen en temps vrai.
i°. Si Pafcenfion droite du foleil eu égale
à fon mouvement moyen , le foleil imagi-
naire & le vrai parleront par le méridien
dans le même temps ; & par conféquent
le temps vrai eft confondu avec le temps
moyen.
2°. Si Pafcenfion droite eft plus grande
que le mouvement moyen , il faut fouf-
traire le dernier du premier ; & changeant
cette différence en temps folaire , la retran-
cher du temps vrai pour trouver le temps
moyen , ou l'ajouter au temps moyen pour
trouver le temps vrai.
3°. Enfin, fi Pafcenfion droite eft moindre
que le mouvement moyen , ôtez le premier
du dernier ; & changeant la différence en
temps folaire , ajoutez-la au temps vrai pour
trouver le temps moyen , ou ôtez - la du
temps moyen pour trouver le temps vrai.
Cette théorie de l'inégalité & de l'équa-
tion des jours naturels eft en ufage , non
feulement dans les calculs aftronomiques ,
mais aufli pour régler les horloges , les
montres , & autres inftrumens qui mefurent
le temps. Par-là nous connoifîbns pourquoi
une pendule , ou autre mouvement qui
mefure le temps moyen , ne s'accorde point
avec le foleil qui mefure le temps vrai,
mais va quelquefois avant , & quelquefois
après lui : c'eft pour cela que les cadrans
folaires & les horloges ne font jamais par-
faitement d'accord. Voye\ HoRLOGE &
Cadran.
Ainfi quand on dit , par exemple , à midi
du temps moyen , on parle du midi mefure
fur le mouvement de l'horloge ; mouve-
ment qui eft uniforme & femblable à celui
de l'aftre imaginaire , que nous avons fup-
pofé plus haut : & quand on dit à. midi
EQU 8*|
de temps vrai > il s'agit du moment où îé
foleil eft arrivé au méridien du lieu ; mo-
ment fouvent différent de celui où l'hor-
loge marque midi. De même quand on dit,
à Z heures t $ minutes après midi temps
moyen y on entend à z heures 1 5 minutes
marquées par ia pendule après le midi
moyen : & quand on dit z heures z $ mi-
nutes temps vi ai y on entend z heures î£
minutes après V inflan t du midi vrai.
On a fouvent befoin en aftronomie de
réduire le temps moyen en temps vrai, parce
que les mouvemens des planètes font cal-
culés dans les tables , par rapport au temps
uniforme ou moyen , & qu'il eft enfuite
néceflàire, pour fe conformer à l'ufage civil,
de connoître ces mouvemens , par rapport
au temps eftimé félon le mouvement du
foleil : de même on a befoin de réduire le
temps vrai en temps moyen , lorfqu'il s'agit
de comparer aux tables aftronomiques Pob-
fervarion de quelque phénomène.
C'eft l'équation du temps qui a produit
F 'équation de P horloge > qui n'eft autre chofe
que la quantité de temps dont unependule
bien réglée doit avancer ou retarder fur une
bonne méridienne , cette méridienne don-
nant toujours le midi vrai. On trouve dans
prefque tous les almanachs aftronomiques ,
comme dans la connoijjance des temps dans
Yétat du ciel de M. Pingre , &c. X équation
de l'horloge pour chaque jour. Nous ren-
voyons à ces ouvrages & à ces tables , &
plus bas à Yart. ÉQUATION , Horlogerie ,
ceux qui auront befoin de régler leurs pen-
dules fur le mouvement du foleil. Il nous
fuffit d'avoir expliqué ici clairement, d'après
les aftronomes modernes , en quoiconfifte
principalement l'équation du temps : nous
aidons principalement } car nous n'avons eu
égard jufqu'ici qu'à une des caufes de l'inéga-
lité des jours naturels , à celle qui vient de
Pobliquicé de l'écliptique : nous n'avons
toucha qu'en paffant une autre caufe de cette
inégalité, celle qui vient de l'inégalité réelle
du mouvement du foleil dans l'écliptique.
Pour avoir exactement Yéquation du temps
ou de l'horloge , il faut avoir égard à cette
féconde inégalité , & il faut que la table de
Yéquation de l'horloge , quand elle eft exac-
te, renferme cette inégalité & la précédente.
Cette table ne (àuroit être perpétuelle ,.à.
8i4 EQU
caufe de la préceftion des équinoxes & du j
changement: de l'apogée du foleil , qui fait
que l'inégalité de Ion mouvement n'cft pas
exactement la même à la hn de l'année ré-
volue : mais comme le mouvement d„- pré-
ceftion des équinoxes , & celui de 1 apogée
du foleil font fort lents > la table de Yéqua-
tion de l'horloge peut fervir iàns erreur ien-
fibîe pendant plufieurs années confécutives.
Il ne nous relie plus qu'à expliquer en
quoi confifte la féconde inégalité du mou-
vement du foleil , qu'on appelle équa-
tion du centre ,• c'eft l'objet de I' * article
fuivanr.
ÉQUATION DU CENTRE. Pour faire
entendre bien clairement ce que c'eft que
cette éqjation,i\ eft nécelTaire de comparer
le mouvement d'une planète dans les divers
points de fon orbite , avec le mouvement
d'un corps qui parcourroit la circonférence
d'un cercle d'un mouvement toujours égal
& uniforme. On fe relTouviendra d'abord
de ces deux principes ; i". que les planètes
décrivent autour du foleil des ellipfes ;
2°. que les aires décrites par les planètes font
proportionnelles aux temps. V. PlANETTE
Ù Kepler. Cela pofé , foit AEBF(Jig. $i,
n°. z ajiron.j l'orbite d'une planète , au
foyer de laquelle fe trouve le foleil en «S;
foit A B\ç grand axe , O Q le petit axe ,
on décrira du centre «S' de l'intervalle
SE ( que je fuppofe moyen proportionnel
entre AK & O K y c'eft-à-dire, entre les
deux demi- axes ) le cercle CE G F y dont
la furface fera par conféquent égale à celle
de I'ellipfe , comme cela eft démontré dans
les feâions coniques. Suppofons préfente-
ment qu'un corps célefte parcoure la cir-
conférence CEGF d'un mouvement tou-
jours égal , mais de telle forte qu'il achevé
fa révolution précifément dans le temps que
la planere parcourt la circonférence entière
de fon ellipfe : dans cette fuppofition , lorf-
que la planète fera à fon aphélie au point
A y le corps célefte , que nous fuppofons
emporté d'un mouvement toujours égal &
uniforme , fe trouvera pour lors dans la
ligne des apfides au point C7 & partant
fon mouvement repréfenrera le mouvement
égal , ou le moyen mouvement de la pla-
nète , puifqu'il décrira autour du point S
des fe&eurs de cercles proportionnels
EQU
aux temps, lesquels feront égaux aux aires
elliptiques que la planète a dû décrire dans
le même temps.
Supposons préfentement que le fecteur
de cercle CSM. repr éfente le mouvement
moyen de ce corps, ou l'angle proportionnel
au temps qu'il a dû décrire autour du pointa,
on prendra fur i ellipfe l'aire ASP , égale
à l'aire CSM ; & le lieu de la planere dans
fon oibite fera par conféquent au point P y
& l'angle MSD yqui eft la difT.'renre entre
le mouvement vrai &le mouvement moyen
de la planète , eft ce qu'on appelle X équation
du centre ou la projinaphérefe ( voy. PROS-
TH aphérèse) mais l'aire AC D P fera
égale au feâeur DSM; c'eft pourquoi l'aire
AC D P eft toujours proportionnelle à
Yéquation du centre. Au point R, 1 équation
du centre fera égale à l'aire ACEPA moins
l'aire E m R , & ainfi de fuite : d'où il
eft aiféde voir, i°. que Yéquation du centre
eft la plus grande aux points E >F; i°. qu'elle
eft nulle aux points A , B de l'aphélie ou
du périhélie ; 30. que depuis A jufqu-'en B
V équation du centre eft foujlractive , c'eft-
à-dire , doit fe retrancher du mouvement
moyen , & que depuis B jufqu'en A elle
eft additive y c'eft-à-dire , doit être ajoutée
à ce mouvement.
Les aftronomes ont calculé des tables de
Yéquation du centre , & c'eft par le moyen
de ces tables qu'ils déterminent le lieu vrai
du foleil & des planètes pour chaque jour :
nous avons donné au mot ELLIPSE la for-
mule pour Yéquation du cemre , & indiqué
la manière de trouver cette formule.
L'anomalie étant la diftance du lieu d'une
planète à fon aphélie , il s'enfuit que fi ,
depuis l'aphélie jufqu'au périhélie , on re-
tranche X équation du centre de l'anomalie
moyenne , c'eft-à-dire , de la diftance entre
le lieu moyen & l'aphélie , & fi on ajoute
cette même équation à l'anomalie moyenne,
depuis le périhélie jufqu'à l'aphélie, on aura
l'anomalie vraie, ou égalée, c'eft-à-dire ,
la diftance du Heu vrai de la planète à
l'aphélie. «
Pendant ce xviij fiecle , lorfque le foleil
eft au lbe. degré du Scorpion , ou la terre
au 10e. degré du Taureau , aiors X équation
de l'horloge , formée des deux inégalités
ci - deflus expliquée , eft la plus grande
qu'il
E Q U
qu'il eft poflîble , étant de 16' 11": c'eft
ce qui arrive le 3 novembre ; la pendule
retarde alors de cette quantité. Dès ce
moment la pendule retarde de moins en
moins jufqu'au 23 décembre à midi , qu'elle
s'accorde très- exactement , ou â très -peu
près avec le foleil. De là jufqu'au 15 avril
elle avance fur le foleil ; du 15 avril
jufqu'au 17 juin elle retarde , du 17 juin
jufqu'au 3 1 août elle avance , & du 3 1 .
août jufqu'au 23 décembre elle retarde.
En effet , fuppofant le 23 décembre à
midi un aftre placé dans l'écliptique qui la
décrive non uniformément , mais avec l'iné-
galité de mouvement que donne V équation
du centre du foleil , & fuppofant en ce
même inftant un aftre imaginaire qui ait la
même afcenflon droite , & qui décrive
uniformément l'équateur , on verra , par
les méthodes indiquées ci-deffus , que
jufqu'au 1 5 avril l'aftre imaginaire parlera
au méridien avant le foleil , qu'enfuite il y
pafTera plus tard jufqu'au 17 juin , Ùc.
Équation du mouvement des Pla-
nètes. 'L'équation du centre n'eft pas la
feule inégalité à laquelle le mouvement des
planètes foit fujet ; il eft encore d'autres
inégalités qui viennent principalement de
l'a&ion mutuelle que les planètes exercent
les unes fur les autres , ou de celle que le
foleil exerce fur les fatellites.
C'eft principalement dans la lune que ces
équations font fenfibles ; elles le font auffi
dans Jupiter & dans Saturne ; mais la
quantité n'en eft pas fi bien déterminée.
Sur quoi voye^ les articles LUNE , SA-
TURNE , JUPITER. Je me contenterai de
faire ici les obfer varions fui vantes à l'égard
de la lune.
i°. Depuis la publication de mon ou-
vrage , qui a pour titre , recherches fur les
dijférens points importans du fyjlême du
monde y Paris 2754^ j'ai trouvé moyen de
fimplifier à certains égards , & de rendre
encore plus exaétes à d'autres , les tables
du mouvement de la lune données dans
cet ouvrage. Dans les tables de correction
qui fe trouvent à la page 147 de la pre-
mière partie , on doit fupprimer entière-
ment la I table de la page 149 : dans
la XIII table , page 153 , X équation doit
être 1' 21" , au lieu de 1' ; & dans la XVI
Tome XII.
E Q U 8M
table, page 154, V équation doit être 39",
au lieu de i' 39".
2°. Outre les équations du mouvement
du nœud , qu'on trouve dans les tables des
Inft. afironomiquesy on a encore ces deux-
ci : 4' 45" multipliées parle finus du double
de la diftance de l'apogée de la lune au
nœud afcendant ; plus 8' 22" multipliées
par le finus du double de la diftance de la
lune au nœud , moins le finus du double
de la diftance de la lune au foleil. Toutes
les autres tables de Yéquation du nœud
peuvent être fupprimées : ainfi on peut
fimplifier beaucoup nos tables des pages
190 , 191 , 195 de l'ouvrage cité ; on les
réduira à deux de la forme fuivante.
I. Table. Diftance de l 'apogée de la lune
au nœud _, ajoutez en defcendant y &c.
p II. Table. Diftance de la lune au nœud,
ajoutez en defcendant , &c.
Diftance de la lune au foleil 9 ôtez en
defcendant } &c.
Dans la première de ces tables , la plus
grande équation fera de 4' 45" , comme
dans la féconde colonne de la page 191
de mon ouvrage : dans la féconde table ,
la plus grande équation fera de 8' 22" ,
comme dans la féconde colonne de la
page 190.
30. Dans les tables pour corriger Pincli-
naifon , page 102 du même ouvrage , on
peut fupprimer encore la féconde table
de la page 103 , & la première de la
page 104.
Les raifons de ces différentes correâions
aux tables publiées dans mon ouvrage ,
feront expliquées dans la troifieme partie de
ce même ouvrage , que j'efpere publier
bientôt , & qui contiendra beaucoup d'au-
tres remarques importantes fur les tables
de la lune.
Sur la conftru&ion & la force des tables
d'équation des planètes , voye\ l'article
Tables Astronomiques.
Equation Lunaire, en chronologie,
eft la même chofe que la proemptofe , ou
anticipation de la nouvelle lune. Voye\
Proemptose.
Equation Solaire , en chronologie y
eft la même chofe que la métemptofè ,
ou retardement de la nouvelle lune. Voye^
Métemptose.
Mmmmrn
Bi6 E Q U
EQUATION , Ç Horlogerie , &c J V équa-
tion eft cette partie de l'horlogerie qui in-
dique les variations du foleil , ou la diffé-
rence de fon retour au méridien.
Ayant parlé des ceux temps vrai & moyen
(voye\ ci-dejjus EQUATION du temps) , &
donné une idée de leurs caufes , il faut
patfèr à la defcription des machines qu'on
a employées pour les indiquer.
Les premières horloges qui ont été faites,
ont indiqué le temps moyen : la difpofition
de ces machines ne pouvoit marquer les
parties du temps que par des intervalles
égaux.
Ce ne fut que lorfqu'on eut déterminé
la quantité de variation apparente du foleil
par le moyen des obfervations agronomi-
ques , que l'on chercha les moyens de faire
fuivre aux horloges ces mêmes varia-
tions du foleil ; ce qui donna lieu aux
pendules à équation.
Les différentes efpeces de conftru&ions
que l'on a mifes en ufage pour faire mar-
quer le temps vrai & moyen , peuvent fe
réduire en général aux fuivantes. i°. Aux
pendules à équation qui marquoient les
deux temps par le moyen de deux aiguilles :
telle eft celle dont parle le P. Alexandre
dans fon traité des horloges ,p âge 343. Cette
pièce éroit dans le cabinet de Philippe II ,
roi d'Efpagne ; elle fut la première pendule
à équation connue.
Voici ce que dit M. de Sully , règle
artificielle du temps y dans fa réponfe au
P. Kefra , fur les premières équations.
« Il y a , dit-il , deux manières de pro-
» duire à1 peu près la même chofe ( de
» marquer l'équation ; ) l'une eft par une
« pendule dont les vibrations font réglées
» fur le temps égal ou moyen , & dont
» la réduction du temps égal à l'apparent ,
99 eft faire par le mouvement particulier
» d'une féconde aiguille de minutes fur le
» cadran ; & c'eft de cette manière qu eft
>j faite la pendule du roi d'Efpagne , &
» toutes les autres qu'on a faires jufqu'ici ,
n & que l'on appelle pendules d'équations.
» La féconde manière , qui eft celle
?> que j'entends , & qui n'a pas encore
» été exécutée , que je fâche , eft par une
t> pendule dont les vibrations feroient ré-
9) glc'es fur le temps apparent , & qui par ,
E Q U
» conféquent feroient inégales entr'elîes,
» Cène pendule ayant fon cadran à l'or-
» dinaire , fes aiguilles d'heures , de mi-
» nutes , de fécondes , feroient toujours
» d'accord , & montreroient uniquement
v & pxécifément le temps apparent, comme
» il nous eft méfuré par le foleil. » Cette
dernière conftruétion d'équation appartient
au P. Alexandre : c'eft la même dont je
parlerai bientôt.
Celles que l'on conftruifît en Angleterre,
étoient aufti fur le même principe . j'ignore
quelle étoit la difpofition intéiieure de ces
premiers ouvrages ; mais je fuppléerai à
cela en faifant la defcription de elle de
M. Julien le Roi , qui eft aufti à deux
aiguilles , & qui a été une des premières
pendules à équation.
La féconde eft celle du P. Alexandre ,
dont il a fait la defcriptii n c<ans ien traité
des horloges. Cette conft.uehon , toute
fimple & ingénieufe qu'elle eft , a trop de
défauts pour que je m'arrête à la décrire
en entier , j'en donnerai Amplement lidée
ci-après ; ceux qui feront curieux de la
connoître mieux , pourront recourir au
traité de l'horlogerie de cet auteur : je ne
crois pas qu'elle ait été exécutée ; elle
ne pourroit d'ailleurs marquer le temps
moyen.
Je puis comprendre dans ce fécond
genre , une conftruétion de M. de Rivaz ,
qui ne marque que les heures & minutes
du temps vrai ; mais elle eft exempte des
défauts de celle du P. Alexandre.
La troifieme eft celle du fieur le Bon :
cette conftrudion marque les heures , mi-
nutes & fécondes du temps vrai , & les
heures & minutes du temps moyen ; c'eft
par le moyen de plufieurs cadrans qu'il a
produit ces effets. Je neconnois cet ouvrage
que par l'extrait de la lettre de M. le Bon
à l'abbé de Hautefeuille , indiqué dans
le livre du P. Alexandre , page 342..
Les pendules d'équation à cercles mo-
biles font aufti de ce genre. La pendule à
équation que j'ai conftruite , ainfi que la
montre , peuvent y être comprifes.
Une dernière efpece de pendules à équa-
tion y eft celle dont une aiguille marque
les minutes du temps moyen ; & une aurre
la différence ou le nombre de minutes
E QU
dont le temps vrai en diffère. Cette der-
nière aiguille ne fait qu'une demi-révolu-
tion environ , pour répondre à 30' 53".
Cette quantité eft la fomme des variations
du foleil ; car on voit par la table & équa-
tion ci-après , que le foleil avance de 16' 9"
le premier novembre fur le temps moyen ;
& qu'au contraire il retarde de 14' 44"
fur le même temps le n février; & la
fomme de ces variations eft de 30' 53".
On peut voir la defcription de la pen-
dule dont il s'agit , dans le traité de
M. Thiout , ainfi que plufieurs conftruc-
tions adéquations qui y font décrites , dont
une partie font en ufage parmi les horlogers,
telle que celle de l'invention du fieur En-
derlin , favant artifte , que l'horlogerie
regrettera long-temps ; une 3e M. Thiout ,
auteur du traité ; une du fieur Regnaud ,
de Châlons. Je ne m'arrêterai fur aucune
de ces pièces , qui font d'ailleurs connues ,
mon but étant d'expofer ici ce qu'on a
trouvé depuis l'impreflion des traités de
M. Thiout & du P. Alexandre , ou qui
n'a pas encore été doRné au public.
On me permettra quelques remarques fur
le choix des conftru&ions & équations, & fur
ce qu'exige l'exécution de cette partie de
l'horlogerie.
Il y a trois fortes de perfonnes qui tra-
vaillent , ou fe mêlent de travailler à l'hor-
logerie ; les premiers , dont le nombre eft
le plus confiderable , font ceux qui ont
pris cet état fans goût , fans difpofition ni
talent , & qui le profeftent fans applica-
tion , & fans chercher à fortir de leur
ignorance : ils travaillent -Amplement pour
gagner de l'argent , & le hafard a décidé
du choix.
Les féconds font ceux qui , par une
envie de s'élever fort louable , cherchent
â acquérir quelques connoifîances & prin-
cipes de l'art , mais aux efforts defquels la
nature ingrate fe refufe.
Enfin , le petit nombre renferme ces ar-
tiftes intelligens , qui nés avec des difpo-
{itions particulières , ont l'amour du tra-
vail & de l'art , & s'appliquent à découvrir
de nouveaux principes , & à approfondir
ceux qui ont déjà été trouvés.
Pour être un artifte de ce genre , il ne
iuffit pas d'avoir un peu de théorie &
E QU 827
quelques principes généraux des méchani-
ques , & d'y joindre l'habitude de travail-
ler ; il faut une difpofition particulière
donnée par la nature. Cette difpofition
feule tient lieu de tout ; lorfqu'on eft né
avec elle , on ne tarde pas à acquérir les
autres parties. Si on veut faire ulage de ce
don précieux , le temps donne bientôt la
pratique , & un tel artifte n'exécute rien
dont il ne fente les effets , ou qu'il ne
cherche â les analyfer : enfin, rien n'échappe
à fes obfervations ; & quel chemin ne fera-
t-il pas dans fon art , s'il joint à ces dif-
pofitions Pémde de ce que l'on a décou-
vert jufqu'à lui ? II eft fans doute rare de
trouver des génies heureux qui réunifient
toutes ces parties néceftaires ; mais on en
trouve qui ont toutes les difpofitions natu-
relles , il ne leur manque que d'en faire
l'application ; ce qu'ils feraient fans doute ,
s'ils avoient plus de motifs pour les porter
à fe livrer tout entiers à la perfection de
leur art. Il ne faudroit , pour rendre un
fervice efTentiel à l'horlogerie & à la fo-
ciété , que piquer leur amour - propre ,
faire une diftin&ion de ceux qui font hor-
logers de nom , ou qui le font en effet ;
enfin , confier Padminiftration du corps de
l'horlogerie aux plus intelligens ; faciliter
l'entrée à ceux qui ont du talent , & la
fermer à jamais à ces miférables ouvriers
qui ne peuvent que retarder le progrès de
l'art , qu'ils ne tendent même qu'à détrui-
re ; ou , fi l'on veut que cette commu-
nauté fubfifte telle qu'elle eft , que Ton
érige du moins une fociété particulière ,
compofée des plus fameux artiftes qui fe-
ront juges du talent de ceux qui devront
en être reçus , & qui décideront du mé-
rite de toutes les nouvelles productions.
Cette digrefîîon , fi c'en eft une , doit être
pardonnée à mon zèle pour le progrès de
l'art.
On peut réduire à deux points effentiels
ou généraux , toutes les parties de l'hor-
logerie ; la conftru&ion , c'eft-à-dire , la
difpofition des différens méchanifmes &
l'exécution. L'une & l'autre font égale-
ment néceftaires pour rendre les effets que
l'on s'eft propofé ; fans l'intelligence de
Partifte , l'exécution la plus belle ne forme
que des parties féparées , qui n'ont point
Mmmmm 2,
8i8 E Q U
«d'ame , & ne peuvent rendre que très-
mal des effets ; & fans la pratique , le théo-
ricien ne peut mettre en exécution fes idées.
D'ailleurs , la pratique nous inftruit de bien
des phénomènes qu'on n'apperçoit qu'en
exécutant.
La conftruétion des ouvrages adéquation
a été jufqu'à préfent trop compoiée , &
les êtres multipliés fans raifon ; inconvé-
nient ordinaire aux nouvelles produftions.
Enderlin avoit employé fix roues de plus
qu'aux pendules ordinaires , pour fon
équation. On eft parvenu à les retrancher
toutes dans certaines conftructions , & à
n'en employer que trois ou quatre dans
d'autres.
Ce nombre de roues que l'on employoit,
a produit non feulement une augmenta-
tion d'ouvrage , mais encore un obftacle
affez grand pour la jufteile de V équation.
J'ai obfervé qu'une pendule conftruite avec
fix roues de quadrature , malgré tous les
foins apportés à l'exécution de ces roues ,
tant pour les arrondir que pour les fendre ;
j'ai obfervé , dis -je, que les aiguilles du
temps vrai & moyen s'éloignent & fe rap-
prochent à chaque révolution qu'elles font.
La pendule qui m'a donné lieu de faire
cette remarque , étoit exécutée avec foin ,
& les aiguilles s'éloignoient de trente fé-
condes. On conçoit que c'eft l'inégalité des
roues qui produit cet efïèt. Il ne faut pas
qu'elle foit fenfible , pour ne donner que
cette quantité ; il ne faut que faire atten-
tion à leur nombre : ainfî s'il y en a fîx ,
comme à celle en queftion , c'eft l'inéga-
lité de fix roues qui eft multipliée par la
différence de la longueur des aiguilles au
rayon des roues.
La conduite de la roue annuelle n'étoit
pas moins compofée ; on s'étoit attaché à
la faire mouvoir continuellement , afin
d'imiter par-là l'a progreflion infenflble de
l'augmentation ou diminution d'équation.
II me paroi: que cette précifion étoit affez
fuperflue , fi on envifage l'équation , non
comme un fimpîe objet de curiofité , mais
comme une chofe utile.
Si une pendule à équation ne fert simple-
ment qu'à contenter un curieux , on a rai-
fqn de ne lui rien laiflèr à defirer ; car dès-
Iqjcs l'augmentation de l'ouvrage ne doit
E QU
plus faire un obftacle ; mais fi ces fortes
de pièces font deftinées à un ufage réel , il
faut en faciliter l'exécution aux ouvriers
ordinaires , produire les effets avec le moins
de pièces pofîibles , & réferver pour des
artiftes choifis les opérations délicates qui
échappent au général.
La plus grande variation du foleil en
vingt-quatre heures , eft de 30 fécondes ;
or , fi le changement d'équation ne fe fait
qu'une fois par jour ( & en quelques heu-
res , comme de minuit à deux heures , par
exemple ) , au lieu de fe faire infenfibîe-
ment & par un mouvement continuel , il
s'enfuivra de-là qu'à fix heures du matin
l'aiguille du temps vrai marquera 7 { fé-
condes de plus qu'elle ne devroit , en fui-
vant la progreflion naturelle de la varia-
tion du foleil ; à midi elle marquera jufte
Véquation y & à fix heures du foir elle
marquera 7 £ fécondes de moins : ainfi
dans la plus grande variation journalière
du foleil , l'erreur qui réfultera d'une conf-
truction d'équation dont le changement ne
fe fera pas infenfiblement , fera de j" f ;
quantité même qui ne pourra être remar-
quée dans un cadran de 10 pies de dia-
mètre : mais d'ailleurs à midi elle fera
jufte ; ainfi on pourra voir le méridien &
régler la pendule en fe réglant fur l'aiguille
du temps vrai , comme avec les construc-
tions compofées. Voye\ les traités d'hor-
logerie de M. Thiout , du P. Alexandre ,
de M. Bertoud , & la defcription des arts
& métiers , imprimés à Neuchatel ; & au
mot Pendule , la defcription des pen-
dules à équation.
Je joins ici une table d'équation 3 qui
pourra feivir à tracer les courbes , & à
faire connoître la variation du fo'eil. Je
la drefîài il y a quelques années d'après
celle de la connoijjance des temps ; j'y fis
quelques changemens , qui m'ont paru en
rendre l'ufage plus facile.
Il y a dans la connoijjance des temps deux
tables différentes pour Y équation du temps;
je dirai dans la fuite de cet article la raifon
qui m'a fait préférer celle-ci.
M. Pingre , chanoine régulier de Sainte-
Geneviève , & correfpondant de l'académie
royale des fciences , dans fon état du ciel y
pour les armées 1574 & 1755 , dont il a
E Q U
été parlé au mot EphÉmÉRIDES , donne
aufîi une table de Y équation de l'horloge à
la dernière colonne de la première page
de chaque mois : cette table eft différente
de celle qu'on trouve dans la connoiffance
des temps à la dernière colonne de la fé-
conde page de chaque mois. Nous ne
faifons ici ufage ni de l'une ni de l'autre ;
mais celle de M. Pingre étant tantôt en
avance y tantôt en retard > nous paroît
plus co.nmode que celle de la connoif-
fance des temps , par la raifon qu'on verra
plus bas , & qui nous fait préférer la fe-
EQU 829
conde table de la connoiffance des][temps ï
la première.
Dans la table que je donne ici , la pre-
mière colonne indique le jour du mois ,
la féconde marque de combien le foleil
retarde ou avance fur la pendule : par
exemple , au premier janvier le foleil re-
tarde de 3' 59" , c'eft-à-dire , qu'il eft
midi vrai, quand la pendule marque midi
3' 5 9" ; la troifieme colonne marque la
différence d'un jour à l'autre : ainfi du pre-
mier au 2 janvier le foleil retarde de 29"
de plus , &c.
Table de la différence du temps vrai au temps moyen pour le Midi de chaque
jour y au Méridien de Paris.
Jours
JANVIER.
Différence du
retour du fo-
Jours
FÉVRIER.
Différence du
retour du fo«
dit
leil au Méri-
dien , en 24
du
leil au Méri-
dien, en 2.4
mois.
M.
5.
heures.
mois.
M.
s.
heures.
I
Retarde de
» 3
59
Sec. 29
I
Retarde de
14
5
Sec. 9
2
R.
4
28
29
2
R.
14
12
7
3
R.
4
56
28
3
R.
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R.
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De Vufage de la tahle ^équation , pour
régler les ouvrages d'horlogerie. Après avoir
parlé de la caufe des variations du foleil ,
de la conftru&ion des difïerens méchanif-
mes propres à imiter ces effets , des moyens
de les exécuter , & de fe fervir des tables
d'équation pour tailler l'ellipfe , je dois
m'arréter à Pufage que l'on fait de ces ta-
bles pour régler les pendules ordinaires ,
ainfi que les montres , & donner, des
méthodes pour en rendre l'ufage fa-
cile.
Les pendules & montres ne peuvent mar-
quer conftamment que le temps moyen.
Ces machines étant bien construites ne fau-
roient divifer le temps qu'en des parties
égales ; lors donc que l'on veut régler une
pendule par le méridien , il faut favoir fî
la quantité de temps écoulée entre le paf-
fage du foleil au méridien d'un jour , efl
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égale à celle de fon retour au même point
pour un autre jour.
Les tables d'équation fervent particuliè-
rement à indiquer les différences du retour
du foieil : ainfi il refte à donner les moyens
de s'en fervir ; avant de le faire , il eft à
propos de faire connoître les deux fortes
de tables à'éqiihtion que donne l'académie
des fciences , Iefquelîes font jointes & font
partie de la connoiffance des temps.
Quoiqu'il n'y ait qu'une feule équation
ou différence du temps vrai au temps
moyen du foieil , cette différence peut ce-
pendant être exprimée différemment , fui-
vant l'époque ou point d'où Ton part :
pour la former on a conftruit deux tables
$ équation , comme on le peut voir dans
la connoifîànce des temps.
Dans la première efpece de table , qui
eft celle que donne la connoiffance des
temps à la fixieme colonne de la féconde
page de chaque mois, pour tous les jours
de l'année, la variation du foieil eft tou-
jours dans le même fens ; en forte qu'une
pendule réglée fur le temps moyen , mife
le premier novembre ( époque que l'on a
choilie pour la conftrucîion de cette table )
avec le foieil à fon pafïage au méridien ,
avancera en certains temps de l'année de
30' 53" fans être jamais en retard; ainfi
le foieil retardera toujours fur le temps
moyen. Une pendule mife fur cette table
de X équation de l'horloge , ne fe trouvera
jufte avec le foieil qu'une fois par an , qui
eft le premier novembre , jour où elle eft
fuppofée avoir été mife avec lui à fon paf-
fage au méridien.
La féconde table $ équation de la con-
noifîànce des temps a pour titre , table du
temps moyen au midi vrai pour le méridien
de Paris. Dans celle-ci on a partagé la
fomme de la variation du foieil : ainfi une
pendule réglée fur le temps moyen ne peut
avancer que de 14/ 44" , mais doit retarder
de 16' 9" ; ces deux quantités forment la
même variation 30' 53" de la première
table.
Une pendule réglée fur cette féconde ef-
pece de table , fe trouvera quatre fois par an
avec le foieil ; les deux temps vrai & moyen
ne différeront pas l'un de l'autre le 1 5 avril ,
le 15 juin , le 31 août, & le 23 décembre.
E Q U 83î
Quoique l'une & l'autre table d'équation
puiffent également fervir à régler les mon-
tres & pendules , il auroit été fort mal-à-
propos d'éviter au public le choix entre
ces deux tables , en envifageant leur ufage
fîmplement relatif aux montres & pendu-
les , ou comme ne devant fervir qu'à ré-
gler ces machines.
Le temps moyen donné par l'une fera ,
il eft vrai , auffi propre à régler les pendu-
les , que le temps moyen donné par l'autre ;
mais ces deux temps paroîtront différer ,
quoiqu'étant au fond une même chofe ;
car , pour en donner un exemple , une
pendule qu'on aura réglée fur le moyen
mouvement du foieil , & qui aura été mife
fur la première efpece de table de l'équa-
tion de l'horloge , au paffage du folèil pac
le méridien , le premier novembre mar-
quera midi jufte , dans Pinftant de ce
paffage du foieil , tandis qu'une autre pen-
dule , auffi réglée fur le temps moyen par
la féconde table, retardera de 16' 9". Ce
même jour les deux temps moyens donnés
par ces deux tables , & marqués par deux
pendules , différeront donc entr'eux de
16' 9" , & ainfi des autres temps de l'année.
Cette féconde efpece de table , qui eft
celle que j'ai donnée ci-devant d'après celle
de la connoiffance des temps ; cette table ,
dis-je , me paroît devoir être uniquement
fuivie , puifque la première n'a point d'au-
tre propriété que la féconde , & que celle-ci
au contraire a un avantage ; c'eft que le
foieil dans le temps qu'il eït le plus éloigné
de fon moyen mouvement, ne l'eft que
de 16' cj' ; & l'autre au contraire ayant
toute l'erreur dans le même fens , peut en
différer de 30' 53".
Méthode pour régler une pendule par le
méridien y & lui faire juivre le temps moyen
ou égal. Il faut mettre la pendule au mo-
ment du pafîàge du foieil par le méridien ,
à la quantité de minutes & de fécondes
que la table indique , ayant égard , fi le
jour propofé le foieil avance, de mettre
en retard l'aiguille ; & au contraire s'il
retarde , d'avancer l'aiguille du nombre
de minutes & fécondes qui répond audit
jour.
On verra le lendemain fi la pendule fe
trouve au paffage du foieil par le méridien.
Nnnnn 2
836 E Q U
à la différence que la table marque» pour
ce jour ; fi elle fe rencontre , c'eft une
preuve qu'elle eft réglée ; au contraire fi
elle excède cette différence , foit en avance
ou en retard , il faut bailler ou hauffer
la lentille proportionnellement à l'erreur
qu'elle aura faite , & au fens dont elle fe
fera écartée de la table.
On doit mettre la pendule en retard ,
Il la table marque que le foleil avance ,
par la raifon que cette pendule étant pro-
pofée pour marquer le temps moyen , le
foleil ne peut avancer fans que ce temps
ne (bit en retard , & qu'au contraire il ne
peut retarder fans que le temps moyen
n'avance , puifque c'eft d'après la compa-
raifon de ces deux temps que la table a
été faite.
Exemple. Le 18 décembre on a vu le
méridien , & mis la pendule à 2 minutes
34 fécondes (nombre que la table marque
à ce jour ) : oa obfervera le lendemain fi
elle retarde de la quantité que la table
donne pour le iq , qui eft 2 minutes
4 fécondes ; fi elle fe rencontre a cette
quantité, c'eft une preuve qu'elle eft ré-
glée.
Si elle a avancé fur ce nombre , baiffez
la lentille ; au contraire fi elle a retardé ,
faites-la monter par l'écrou en raifon de
l'erreur qu'elle aura faite , & répétez la
même opération jufqu'à ce qu'elle fuive la
différence que la table indique.
On peut fe difpenfer de voir tous les
jours le méridien , & en biffer écouler
plufieurs , en fe fouvenant du nombre ,
afin que fi la pendule diffère de la table ,
on touche à la lentille en raifon du nom-
bre de jours écoulés , & de celui de
minutes & fécondes dont elle a avancé ou
retardé.
On peut auffi , lorfque la pendule eft
réglée , favoir l'heure du temps vrai , en
voyant par la table d'équation de quelle
quantité le foleil avance ou retarde fur le
temps moyen au jour propofé.
Méthode pour faire fuivre le temps vrai à
une pendule. Pour faire fuivre ce temps à
une pendule , il faut s'affujettir à conduire
l'aiguille chaque jour , fuivant que le foleil
varie ; car il n'y a que les pendules à équa-
tion qui puiffent fuivre cette variation. Il
E QU
faut donc avoir foin en faifant fuivre à une-
pendule ordinaire le temps vrai, d'y tou-
cher de temps à autre , en conduifant
l'aiguille fuivant que le foleil avance ou
retarde , & faire attention fi la pendule
s'éloigne chaque jour du foleil du nombre
de fécondes marquées à la dernière co-
lonne de chaque mois , en forte que le
mouvement de la pendule fuive toujours
le temps moyen : la différence dont le fo-
leil varie d'un jour à l'autre eft marquée à
la dernière colonne de chaque mois ; on
peut fe fervir de cette variation pour régler
la pendule propofée ; fi elle avance ou re-
tarde d'une plus grande quantité que cette
différence de 24 heures , il faut toucher à
la lentille à proportion de l'erreur.
Dans le cas où on ne pourroit pas voir
le foleil tous les jours , la méthode dont
je viens de parler pour faire fuivre le temps,
vrai à l'aiguille , & régler la pendule par
la troifieme colonne , ou excès de 24 heu-
res, deviendroit difficile.
Il faut donc , avant de faire varier l'ai-
guille comme le foleil , commencer par
régler la pièce fur le temps moyen ( par la
première méthode ) , après quoi il eft très-
facile de faire fuivre à l'aiguille le mouve-
ment du foleil , comme on le verra par
cet exemple , qui fuppofe la pendule ré-
glée fur le temps moyen , à laquelle on
veut faire fuivre les variations du foleil ou
le temps vrai.
Exemple pour régler la pendule fur le temps
moyen y en lui faifant fuivre le temps vrai.
Ayant mis le premier mars la pendule avec
le foleil à fon paffage au méridien , ob-
fervez le 13 du même mois le foleil, qui
depuis le premier s'eft approché de trois
minutes du temps moyen : voyez pour cet
effet la table & équation , laquelle marque
pour le premier mars , le foleil retarde de
12' 36", & le 13 de 9' 36"; donc il a
avancé de 3 minutes. Si la pendule eft ré-
glée fur le temps moyen , elle doit être en
retard du foleil de cette quantité ; fi elle
en diffère en plus ou en moins , il faut
monter la lentille fi elle retarde , & la baiffer
fi au contraire elle avance.
Pour régler une pendule à fécondes ou
d'obfervation , il eft à propos d'avoir une
montre à fécondes , que l'on arrête fur
E QU
midi , & à l'inftant du paflàge du foleil
par le méridien , on la laiiïè marcher ( les
montres à fécondes ont ordinairement un
petit levier qui fert pour cela ) , de forte
que cette montre donne exactement l'heure
du foleil ; car avec un méridien que j'ai
fait , }e fuis aflliré du pafïàge du foleil par
le méridien à cinq fécondes près , je puis
même dire à deux fécondes ; ainfi ayant
une table à? équation , on met la pendule
à la quantité de minutes & fécondes qu'elle
indique ; de cette façon on peut régler une
pendule avec beaucoup d'exactitude.
Quant aux pendules & montres ordi-
naires , il n'eft pas befoin de cette grande
précifion , & on ne doit pas même l'atten-
dre ; de forte qu'on peut négliger quelques
fécondes que l'on appercevra de variation
en un jour ; & même quand il y auroit
30 fécondes pour les montres , on ne doit
pas y faire attention ; le méridien peut
auflï ne pas donner exactement l'inftant
de midi. Cet art. eft de M. Ferdinand
BerthouD) horloger.
EQUERRE , f. £ (Géométr.) C'eft un
infiniment fait de bois ou de métal , qui
fert à tracer & mefurer des angles droits ,
comme L E M, Planche de Géom.fig. 42..
Elle eft compofée de deux règles ou jam-
bes , qui font jointes ou attachées perpen-
diculairement fur l'extrémité l'une de l'autre.
Quand les deux branches font mobiles à un
point , on l'appelle biveau ou faujje équerre.
Voye\ BlVEAU.
Pour examiner fi une e'querre eft jufte
ou non , décrivez un demi-cercle AE F
d'un diamètre à difcrétion ; & dans ce
demi- cercle tirez de chaque extrémité du
diamètre A & F des lignes droites , vers
un point pris à volonté dans la circonfé-
rence , comme E : appliquez Y e'querre aux
côtés de l'angle A E F, de manière que
fon fommet foit en E. Si Yéquerre s'ajufte
exactement aux côcés de l'angle , elle eft
Jufte ; autrement elle eft faufle. Harris
& Chambers.
On dit que deux lignes _, &c. font
ê? équerre, quand elles font perpendiculaires
Fune à l'autre.
f ÉQUERRE, (Aftron.) conftellation mé-
ridionale , introduite par M. de la Caille ,
& qui eft jointe avec la règle & le triangle
E Q U 8?7
aufiral en forme de niveau. Voye\ Trian-
( M. de la Lande.)
GLE
Équerre d'Arpenteur , en terme
d? Arpentage; c'eft un cercle de cuivre d'une
bonne confiftance , de 4 , 5 ou 6 pouces de
diamètre. PL d'Arp.jig. ij. On le divife
en quatre parties égales , par deux lignes
qui s'entre-coupent à angles droits au centre.
Aux quatre extrémités de ces lignes & au
milieu du limbe , on met quatre fortes pin-
nules bien rivées dans des trous quarrés ,
& très-perpendiculairement fendues fur ces
lignes , avec des trous au deiïbus de chaque
fente , pour mieux diftinguer les objets
éloignés. On évuide ce cercle , pour le
rendre léger.
xAu deflbus & au centre de Pinftrumenfi
fe doit monter à vis une virole , qui fert
à foutenir Y équerre fur fon bâton de 4 à 5
pies (fig. 18) y fuivant la hauteur de l'œil
de l'obfervateur. Ce bâton eft garni d'un
fer pointu par le bout qui entre en terre ,
& l'autre bout eft arrondi , pour que la
virole y refte jufte.
Toute la précifion de cet inftrument con-
fifte en ce que les pinnules foient bien exac-
tement fendues à angles droits ; ce que l'on
connoîtra facilement en bornayantpar deux
pinnules un objet éloigné , & un autre objet
par les deux autres pinnulesf II faut enfuite
tourner Y équerre bien jufte fur fon bâton ,
& regarder les mêmes objets par les pinnules
oppofées : s'ils fe rencontrent bien exacte-
ment dans l'alignement des fentes, c'eft une
marque de la jufteffe de I'inftrurflent.
Pour éviter de faufier cette équerre y il
faut , i°. enfoncer en terre le bâ*ton feul ,
& quand il eft bien affermi , placer ladite
équerre fur la virole , par le moyen de fa
vis.
On fait aufïï de ces fortes à'équerres où
l'on met huit pinnules, de la même ma-
nière que celles décrites ci-deftùs ; elles fer-
vent pour avoir les angles de 45 degrés ,.
ainfi qu'aux jardiniers pour aligner & planter
des allées d'arbres en étoile.
Voici la manière de fe fervir de cet ins-
trument. Suppofons qu'on veuille lever le;
plan du champ ABC DE (PL de l'Arp..
figure zq.) y on plantera des jallons ou
des piquets bien à plomb â tous les
angles ;. on mefurera la ligne A Cy & les.
838 E Q U
perpendiculaires qui tombent des angles fur .
cette ligne , & l'on écrira féparément ces
mefures. Pour trouver le point F> extré-
mité d'une des perpendiculaires , on plan-
tera des j allons à difcrétion fur la ligne AC ,
& l'on mettra le pie de l'inftrument fur
la même ligne , de manière qu'à travers
deux alidades oppofées on puifte voir deux
des jallons plantés fur cette ligne , & à tra-
vers les deux autres alidades, le jallon E.
Si dans cette dation le point E n'eft point
vilible , on reculera ou l'on avancera l'inf-
trument , jufqu'à ce que les lignes A F,
E jFfafïènt un angle droit en F: par ce
moyen on aura le plan du triangle A F E.
On trouvera de la même manière le point H
où tombe la perpendiculaire D H , dont
on mefurera la longueur avec celle de HFy
pour avoir le plan du trapefe E F H D.
On mefurera enfuite H C y qui fait un
angle droit avec HD > & on aura le plan
du triangle D H C. Il ne reftera plus après
cela qu'à trouver le point G, où tombe
îa perpendiculaire B G. On trouvera ce
point de la même manière que les autres ,
& on aura par ce moyen le plan de tout
le champ ABC D E, dont on aura l'aire
ou la furface en ajoutant enfemble les trian-
gles & les trapefes. Voy. Aire , SuFvF ACE,
Triangle,Trapese,&c-.V.^j/7Arpen-
teur,chaîne,lever un planj&y.fej
EQUERRE, (Architecl.) Y? equerre des
Architectes n'a rien de particulier : c'eft une
equerre commune , telle que celie^des Géo-
mètres , dont on a donné la defcription au
commencement de cet article. Il n'y a pref-
qu'aucunartoù elle ne foit d'ufage, & nous
y renverrons dans les articles fuivans.
EQUERRE , en Architecture _, s'entend
auiïl d'un lien de fer coudé , qu'on met
aux poteaux corniers d'une encoignure de
pan de bois , aux portes de menuiferie &
à d'autres ouvrages. (P)
EQUERRES , (Hydraul.) font des cou-
des qu'on eft obligé de faire à une conduite ,
lorfque le deffein d'un jardin vous affujettit
à des angles indifpenfables.
Equerre fe dit encore de groffes plates-
bandes de fer dont on garnit les angles des ré-
fervoirs de plomb élevés en l'air , pour fou-
tenir la pouîfée & l'écartement des côtés. (K)
EQUERRE , en terme de Bijoutier, eft un
E Q U
inftrument formant un triangle équilaréral f
dont ils fe fervent peur tracer des angles.
EQUERRE dont fe fervent les Graveurs
& DeJJlnateursy eft une planche de bois qui
a deux arêtes , perpendiculaires lune à
l'autre ; & un trou , pour pouvoir mettre
le doigt & lever Yéquerre facilement , &
fans toucher à l'encre dont ks arêtes peu-
vent être mouillées.
Equerre des Jardiniers , voye^
Equerre des Arpenteurs.
Equerre des Maçons, v. Equerre
des géomètres.
Equerre des Charpentiers, voy,
Equerre des Géomètres.
Equerre a épaulement, ÇCharp.J
Celle-ci ne diffère de Y equerre ordinaire B
qu'en ce qu'une des branches eft triple en
épaiftèur de l'autre : c'eft par cette raifon
qu'elle a un épaulement de chaque côté.
Cet épaulement fert à foutenir Yéquerre
ferme , lorfque l'on veut tracer une ligne.
Equerre du Charron,*-. Equerre
des Géomètres: ils en ont de grandes
& de petites.
EQUERRE, outil de graveur de poinçons
à lettres , eft un morceau de bois ou de
cuivre plié en equerre; en forte que la ligne
qui eft l'angle ou jonction des deux parties
de Y equerre y foit perpendiculaire au plan ou
face de la pierre à l'huile fur laquelle on
la pofe. Le deftous de Yéquerre eft garni
d'une femelle d'acier , qui glifîè fur la pierre
à l'huile. Lorfqu'on s'en fert pour dreiîer.
un poinçon par la face de la lettre , on place
le poinçon dans l'angle de Yéquerre 9 où on
le tient affujetti avec le pouce , pendant que
les autres doigts preflènt extérieurement
Yéquerre. On fait glifter le tout fur la pierre,
qui ufe à la fois la femelle d'acier de Y equerre y
& la face du poinçon où la lettre eft gravée,
qui par ce moyen eft parfaitement dreffée.
Voyt\ l'art. GRAVURE DES POINÇONS
A LETTRE.
Equerre des Ferblantiers, voy.
Equerre des Géomètres.
EquerreduMenuisier^.Equer.
du géomètre & du charpentier.
Equerre de l'Écrivain , voye\
Equerre du Géomètre.
Equerre de l'Arquebusier, voy.
Equerre du Géomètre.
E Q U
EQUERRE , en terme de Potier de terre,
eft une plaque de fer à plufieurs pans , qui
ferc de patron ou de modèle fur lequel on
coupe le carreau.
EQUERRE , en terme de Vitrier , eft une
grande équerre d'acier percée d'efpace en
eîpace , & à bifeaux en dedans : elle fert
à mettre les panneaux à Yéquerre.
Equerres des Clochers, ÇJurifp.)
OU ESQUIERS DES CLOCHERS & DES
Eglises, lignifient, félon quelques-uns, V en-
droit oh. font aflis les clochers; ou, félon d'au-
tres, Vefpace qui fe trouve d'un clocher à l'au-
tre. Plufieurs coutumes difent que le droit de
vaine-pâture pour les beftiaux d'une paroifte,
s'étend jufqu'aux equerres des clochers voi-
jfins , c'eft-à-dire , d'un clocher à l'autre.
Voy. les coutumes de Vitry, art. z i z; Châ-
lons, A£6% Chaumont,tf/r. zej,- Troyes,
1 69; Sens, / 4$; Melun, art. 30 z, & PATU-
RAGE , Pâture, Vaine-pature. ÇA)
EQUESTRE , adj. (Gramm.) eft un
terme dont on fe fert fur-tout dans cette
phrafe , flatue équeflre , qui lignifie une
flatue re pré f entant une perfonne à cheval.
Voye\ Statue.
Ce mot eft formé du latin eques,' ^che-
valier , homme de cheval ; de equus, cheval.
Voye\ Chevalier.
La Fortune équeflre , dans l'ancienne
Rome, étoitune ftatuede cette divinité à
cheval. Nous difons aulîi quelquefois une
colonne équeflre. Voye\ COLONNE.
Ordre équeflre, chez les Romains,fignifioit
Yordre des chevaliers, ou équités. Chamb.
Equestre, ÇHifl. anc) eft une épithete
que les anciens donnoient aux hommes , &
même aux divinités. Tite-Live & Plutarque
rapportent que les Romains piqués de ce
que les Etrufques refufoient de s'allier avec
eux , & de leur permettre d'époufer leurs
filles , étoient fur le point de leur déclarer
la guerre ; mais Romulus leur perfuada de
fe borner à enlever par furprife les filles de
leurs voifins ; dans cet objet , il fit publier
que fon peuple célébreroit un tel jour , des
jeux magnifiques à l'honneur de Neptune
équeflre ou confus : il invita les peuples des
environs de Rome à venir jouir de ce fpec-
tacle , & ce fut pour lors que les Romains
enlevèrent les Sabines.
On donnoit à Rome le titre d'ordre
E Q U 839
équeflre, aux chevaliers Romains. On a dé-
couvert une infinité d'inferiptions antiques,
qui défignent l'ordre équeflre. (V. A. L.)
EQUIANGLE, adj. en Géométrie, fe
dit des figures dont les angles font égaux.
Voye\ Angle.
Un quarré eft une figure équiangle. Voy.
Quarré. Un triangle équilatéral eft auftî
équiangle. Voye\ EqUILATÉRAL.
Quand les trois angles d'un triangle font
égaux aux trois angles d'un autre triangle ,
on appelle ces triangles équiangles entr'eux.
Voyei Triangle. CE)
Le mot équiangle s'emploie plus fouvent
dans ce dernier fens relatif, lorfqu'on com-
pare les angles d'une figure à ceux d'une au-
tre , que dans le premier fens , lorfqu'on
compare entr'eux les angles d'une feule fi-
gure. Cependant il eft utile de s'en fervir
dans les deux acceptions , pour éviter les
circonlocutions , ayant foin d'ailleurs que
ce mot ne fafte point d'équivoque ; une
figure équiangle tout court , eft une figure
dont les angles font égaux entr'eux ; une
figure équiangle à une autre ou deux figures
équiangles entr'elles , font deux figures dont
les angles font égaux chacun à chacun.
Peut-être feroit-on encore mieux de fe fervir
dans le premier cas du mot équiangulaire
( quin'eft pas même tout à fait horsd'ufage )
à l'exemple de quadrangulaire , & d'em-
ployer dans le fécond cas le mot équiangle :
une figure équiangulaire, deux figures équi-
angles , &c. ÇO)
EQUICRURAL, adj. (Géom.) Un
triangle équicrural eft celui dont deux côtés
font égaux , & qu'on appelle plus commu-
nément un triangle ifocele. Voye\ ISOCELE
& Triangle. CE)
On peut appeller équicrural , un angle ,
une figure dont les côtés font égaux. Mais
ce mot n'eft plus en ufage , parce que ceux
tfifocele & $ équilatéral y fuppléent. ÇO)
EQUICULUS, EQUULEUS, ou
EQUUS MIN OR, ÇAflron,) eft une
conftellation de l'hémifphere feptentrional ,
autrement nommé cheval ou petit chevah
Voyez Cheval, ÇA/îron.) ÇO)
EQUIDIFFÉRENT , adj. en Arithmé-
tique. Si dans une fuite de trois quantités r
il y a la même différence entre la première
& la féconde , qu'entre la féconde &. 1*
EQU
troifieme , on dit alors que ces quantités ,
l'ont continuement équidijj'érentes; mais fi
dans une fuite de quatre quantités , il y a
la même différence entre la première & la
féconde , qu'entre la troifieme & la qua-
trième , on appelle ces quantités dilcrete-
ment équidiférentes. Voye\ RAISON G
Rapport.
Ainfi , 3 , 6, 7 & io font difcrctement
équidiffe rentes; & 3 , 6 & Q continuement
équidifférentes. Harris & Chambers. Voy.
Discret, Continu & Quantité. K
auffi Proportion Arithmetiq. (EJ
EQUIDISTANT, adj. en Géométrie ,
eft un terme qui exprime la relation^ de
deux chofes , en tant qu'elles iont a la
même ou à une égale diftance 1 une de
l'autre. Voyei DISTANCE.
Ainfi on peut dire que les lignes paral-
lèles font équidiflantes, ou également disan-
tes ; parce que ni l'une ni l'autre ne s'eloi-
gne'ni ne s'approche. Voye\ PARALLELE.
Harris & Chambers. CE)
On peut néanmoins remarquer quil y
a cette différence entre équidiflant & paral-
lèle, que le dernier s'applique à une étendue
continue , ou confidérée comme telle , &
le premier à des parties de cette écendue
ifolées & comparées; ainfi on peut dire que
dans des lignes parallèles deux points quel-
conques correfpondans , c'eft-à-dire , fitues
dans la même perpendiculaire à ces deux
lignes , font toujours équidiflans; que dans
deux rangées d'arbres parallèles , chaque ar-
bre eft équidiflantâe fon correfpondant dans
l'autre allée. Equidiflant s emploie encore ,
lorfque dans une même portion d'étendue
on compare des particules fituées à égales
diftances les unes des autres ; ainfi dans une
feule rangée d'arbres plantés à égale dif-
tance l'un de l'autre , on peut dire que les
arbres Çont équidiflans; zuMeu que parallèle
ne s'emploie jamais qu'en comparant la po-
fition de deux portions d'étendue diftin-
guées. Telles font les différences^ des mots
parallèle & équidiflant : la Géométrie ,
comme Ton voit , a fes fynonymes ainfi que
la Grammaire. fOj
EQUILATÉRAL,ouEQUILATERE,
adj. (Géom.) fe dit de tout ce qui a les côtés
égaux. Ce mot eft formé des deux mots
latins #quus > égal , .& latus , côté.
EQU
Ainfi un triangle équilatéral eft celui dont
les côtés font tous d'une égaie longueur.
Dans un triangle équilatéral , tous les angles
font aufti égaux. Voye\ TRIANGLE &
Figure.
Tous polygones réguliers & tous corps ré-
guliers font équilatéraux. V. POLYGONE ,
RÉGULIER, Ùc. Harris & Chambers. (E)
Le mot équilatéral eft plus en ufage
q\î équilatere, cependant ce dernier n'eft pas
encore tout à fait profcrit ; il eft même en
quelques cas plus en ufage que l'autre ,
comme dans le cas fuivant.
Hyperbole équilatere eft celle dans la-
quelle les axes conjugués comme AB de font
égaux. Planche de coniques, fig. no.
Donc , i°. comme le paramètre d'une hy-
perbole eft une troifieme proportionnelle
aux axes conjugués , il leur eft égal dans
l'hyperbole équilatere : 20. fi dans l'équation
yz = b x 4- b xx : a qui eft l'équation gé-
nérale des hyperboles , nous faifons b = a;
l'équation y2- = a x -\- x x eft celle d'une
hyperbole équilatere. Voye\ HYPERBOLE.
Dans cette dernière équation , on prend
l'origine des coordonnés au fommet de l'hy-
perbole: fi on les prenoit au centre , l'équa-
tion de l'hyperbole équilatere rapportée à
fon premier axe feroit y y = xx — ^ ,
& rapportée au fécond axe, elle feroit y y
= xx+a-£.(0)
ÉQUILIBRE , f. m. en Méchanique ,
figniiie une égalité de force exacte entre
deux corps qui agifTent l'un contre l'autre.
Une balance eft en équilibre quand les deux
i parties fe foutiennent fi exactement , que
ni l'une ni l'autre ne monte ni ne defcend ,
mais qu'elles confervent toutes deux leur
pofition parallèle à l'horizon. C'eft delà
que le mot équilibre tire fon étymologie ,
étant compofé de cequus , égal , & libra ,
balance. C'eft pourquoi aufîi on fe fert fou-
vent du mot balancer ou contre-balancer
pour défigner Xéquilibre. Voye\ BALANCE
& Levier.
En général, la partie de la méchanique
qu'on appelle flatique , a pour objet les loix
de Xéquilibre des corps.
Pour que deux corps ou deux forces fe
faflent équilibre 3 il faut que ces forces foient
égales ,
E QU
égales , & qu'elles foient diredement op-
pofées Tune à l'autre.
Lorfque plufieurs forces ou puifTances
agiffent les unes contre les autres , il faut
commencer par réduire deux de ces puif-
fances à une feule ; ce qui fe fera en pro-
longeant leurs directions jufqu'à ce qu'elles
fe rencontrent ; & cherchant enfuite par
les règles de la compofition des forces la
direction & la valeur de la puiflance qui
réfulte de ces deux là ; on cherchera enfuite
de la même manière la puiflance réful-
tante de cette dernière , & d'une autre
quelconque des puifïànces données , & en
opérant ainfi de fuite , on réduira toutes
ces puifïànces à une feule. Or , pour qu'il
y ait équilibre _, il faut que cette dernière
puiflance foit nulle , ou que fa diredion
pafïè par quelque point fixe qui en déduife
l'effet.
Si quelques-unes des puifTances étoient
parallèles , il faudroit fuppofer que leur
point de concours fut infiniment éloigné,
& on trouveroit alors facilement la valeur
de la puiffance qui en réfulteroit & fa
diredion. V. la méchanique de Varignon.
Le principe de ^équilibre eft un des plus
effentiels de la méchanique , & on y peut
réduire tout ce qui concerne le mouve-
ment des corps qui agiflènt les uns fur
les autres d'une manière quelconque. Voye^
Dynamique.
Il y a équilibre entre deux corps , lorfque
leurs diredïons font exadement oppofées ,
& que leurs mafTes font entr'elles en raifon
inverfedesvîteffes avec lefquelles ils tendent
à fe mouvoir. Cette propofition eft reconnue
pour vraie par tous les méchaniciens. Mais
il n'eft peut-être pas auffi facile qu'ils l'ont
cru , de la démontrer en toute rigueur , &
d'une manière qui ne renferme aucune
obfcunté. Auffi la plupart ont -ils mieux
aimé la traiter & axiome que de s'appliquer
à la prouver. Cependant , fi on y veut
faire attention , on verra qu'il n'y a qu'un
feul cas où ^équilibre fe manifefte d'une
manière claire & diftinde ; c'eft celui où
les deux corps ont des mafTes égales & des
vîteffes de. tendance égales & en fens con-
traires. Car alors il n'y a point de raifon
pour que l'un jdes corps fe meuve plutôt
que l'autre. Il faut donc tâcher de réduire
Tome XII.
E Q U 841
tous les autres cas à ce premier cas fïmpîe &
évident par lui même; or, c'eft ce qui ne
laifïe pas d'être difficile , principalement
lorfque les mafTes font incommenfurables.
Aufîi n'avons-nous prefque aucun ouvrage
de méchanique , où la propofition dont
il s'agit foit prouvée avec l'exadituJe qu'elle
exige. La plupart fe contentent de dire
que la force d'un corps eft le produit de
fa mafTè par fa vhtfîe , & que quand cqs
produits font égaux , il doit y avoir équir-
libre , parce que les forces font égales ;
ces auteurs ne prennent pas garde que le
mot de force ne préfente à l'efprit aucune
idée nette , & que les méchaniciens mêmes
font fi peu d'accord là deftus, que plufieurs
prétendent que la force eft le produit de
la maffe par le carré de la vîreffe. Voye^
FORCES VIVES. Dans mon traité de dyna^-
nuque , imprimé en 174.3 •> Paëe 37 &
fuiv. j'ai tâché de démontrer rigcureufe-
ment la propofition dont il s'agit , & j'y
renvoie mes ledeurs ; j'ajouterai feulement
ici les obfervations fuivantes.
i°. Pour démontrer le plus rigoureufe-
ment qu'il eft pofîible la propofition dont
il s'agit , il faut fuppofer d'abord que les
deux corps qui fe choquent foient des
parallélipipedes égaux & redangles , dont
les bafes foient égales , & s'appliquent
diredement l'une fur fautre ; enfuite on
fuppofera que la bafe demeurant la même ,
un des parallélipipedes s'alonge en même
proportion que fa vîteffe diminue ; par ce
moyen on démontrera ^équilibre dans les
parallélipipedes de même bafe , en fuivant
la méthode de l'endroit cité dans notre
traité de dynamique.
2°. Quand un des parallélipipedes eft dou-
ble de l'autre , au lieu de partager la
vîteffe V du petit en deux , on peut par-
tager la maffe M du grand en deux autres
qui aient chacune la vîtefTe -, & dont,
outre cela , la partie antérieure ait en-
core la vîteffe 7> & la partie pofte-
i rieure la vîteffe - en fens contraire ; car
I par ce moyen les deux parties du grand
I corps fe feront équilibre entr'elles , & il
I ne reftera plus qu'une maffe M d'une
Ooooo
G
84Ï
part
E Q U EQU
animée de la vîtefTe V y & de l'autre , très cas ; c'eft-à-dire , par exemple
qu'une marte 7 ou M animée de la vi-
teftè f -f- 7 = ^c'eft-à-dire, que tout
fera égal de part & d'autre. On peut appli-
quer le même raifonnement aux autres
cas plus compofés.
30. Q.iand on aura démontré les loix de
Yequilibre pour des parallélipipedes de
même bafe , on les démontrera pour des
parallélipipedes de bafes différentes , en
employant le principe fuivant : fi deux
parallélipipedes > égaux, rectangles , Ùfem-
blables } font fixés aux deux extrémités d'un
levier , & qu entre ces deux parallélipipedes
» on en place dmx autres à égale difiance des
extrémités du levier > Ù qui agijjèntenfens
contraire aux deux premiers y avec la mime
vitejje de tendance > il y aura équilibre ;
proportion dont la vérité ne fera point
conteftée , mais qu'il eft peut-être difficile
de démontrer rigoureufement. Sur quoi
voye^Y article LEVIER.
40. On applique enfuite cette même pro-
position pour démontrer Yequilibre des
corps de figure quelconque , dont les martes
font en raifon inverfe de leurs vîtefiès ,
& qui agifTent l'un fur l'autre fuivant des
lignes qui partent par leur centre de gra-
vité. Par le moyen de ces différens théo-
rèmes , on aura démontré rigoureufement
& fans reftriâion la loi de Yequilibre dans
les corps qui fe choquent directement. A
l'égard de Yequilibre dans le levier , & autres
machines, voye^ Levier, Poulie, For-
ces MOUVANTES , ROUE , COIN , MA-
CHINE Funiculaire , Vis,&<:.
50. On a demandé plufieurs fois fi les
loix du choc des corps font telles qu'il ne
put pas y en avoir d'autres. Nous avons
démontré au mot DYNAMIQUE , que les
loix du choc dépendent de celles de Yequi-
libre : ainfi la queftion fe réduit à favoir
fi les loix de [équilibre font telles qu'il
re puifte pas y en avoir d'autres ; or , les
?o x de Yequilibre fe réduifent , comme
nous avons vu dans cet article , à Yequilibre
de deux corps égaux & femblables , animés
en fens contraire de vîtertes de tendance
égales. Tout fe réduit donc à favoir s'il
peut encore y avoir équilibre dans d'au-
fi
deux corps égaux dont les vîtefïès con-
traires font inégales , pourront fe faire
abfolument équilibre y ou ce qui eft la
même chofe , comme il eft aifé de le voir ,
fi un corps A animé d'une vîterte quel-
conque a y & venant frapper un autre
corps égal en repos , les deux corps relie-
ront en repos après le choc. Il femble que
ce dernier cas eft impoftible \ car au lieu
de fuppofer le fécond corps en repos ,
fuppofons-le animé de la vîtefTe — a égale
& en fens contraire à la vîterte a ; il eft
certain d'abord que dans ce cas il y aura
équilibre ,• fuppofons à préfent que dans
l'mftant où il eft animé de la vîterte — a,
par laquelle il fait équilibre au premier
corps , il foit animé de la vîterte -f* <z , il
eft évident , i°. que rien n'empêchant l'ac-
tion de cette dernière vîterte , puifque
l'autre— a eft détruite pat î'aclion du pre-
mier corps , rien n'empêchera ce fécond
corps de fe mouvoir avec la vîtefTe -7- a ;
cependant ce même corps animé des vîtertes
~\-a , — - a y eft dans un cas femblable à
celui du repos , où nous l'avons fuppofé ;
& puifqu'on fuppofe que ce fécond corps
en repos ne feroit point mu par le pre-
mier , ce fécond corps feroit donc tout à la
fois en repos & en mouvement ; ce qui
eft abfurde. Donc il n'y a de vrai cas
$ équilibre que celui des vîtertes égales &
contraires. Donc , Ùc.
6°. Donc quand deux corps font en
équilibre y en vertu de la raifon inverfe de
leur vîterte & de leurs maftès , fi on
augmente ou qu'on diminue fi peu qu'on
voudra la marte ou la vîrerte d'un des
corps , il n'y aura plus Yequilibre. Il faut
nécertàirement fuppofer cet:e dernière pro-
position , pour démontrer la proposition
ordinaire de Yequilibre dans le cas de l'in-
commenfurabilité des martes, voye\pag. 39
de ma dynamique ; car dans le cas des in-
commenturables on ne démontre que par
la réduction à l'abfurde ; & la feule abfur-
dité à laquelle on puiflb réduire ici ,
comme on le peut voir par la démonftra-
tion citée , c'eft qu'une marte pHis grande
fait le même efrèt qu'une moindre avec la
même vîterte. Il eft artez fingulier que pour
démontrer une propofition nécertàirement
E Q U
vraie , telle que celle de Yéquihbre des [
mafïès en raiion inverfe des vîtefïès , il j
faille abfoiument fuppofer cette autre pro-
pofition qui paroît moins néceflairement
vraie : qu'un corps en mouvement venant
frapper un autre corps en repos y lui don-
nera ne'ceJJ aire ment du mouvement. Cette
connexion forcée n'eft-elle pas une preuve
que la féconde proportion eft aufïi néces-
sairement vraie que la première ? Il me
femble que ce raifonnement n'eft pas fans
force , fur-tout fi on le joint à celui de l'ar-
ticle 5 précédent.
De tout cela il s'enfuit qu'il n'y a qu'une
feule loi porîible iï équilibre 9k un feul cas
où il ait lieu , celui des mafles en raifon
inverfe des vîtefïès ; que par conféquent
un corps en mouvement en mouvra toujours
un autre en repos : or , ce corps en mou-
vement , en communiquant une partie du
fien , en doit garder le plus qu'il eft pofli-
ble , c'eft-à-dire , n'en doit communiquer
que ce qu'il faut, pour que les deux corps
aillent de compagnie après le choc avec
une vîteffe égale. De ces deux principes
réfuîtent les loix du mouvement & de la
Dynamique ; & il réfulte de tout ce qui a
été dit , que ces loix font non feulement
les plus fimples & les meilleures , mais en-
core les feules que le Créateur ait pu établir
d'après les propriétés qu'il a données à la
matière. Voye\ DYNAMIQUE, PER-
CUSSION.
Sur X équilibre des fluides, voye\ FLUIDE,
Hydrostatique , &c.
Au refîe , on ne devroit , à la rigueur ,
employer le mot équilibre, que pour dé-
ligner le repos de deux puiflances ou deux
corps qui font dans un état d'effort conti-
nuel , &: continuellement contre - balancé
par un effort contraire , en forte que fi un
des deux efforts contraires venoit à cefler
ou à être diminué , il s'enfuivroit du mou-
vement. Ainfi deux poids attachés aux
bras d'une balance , font en équilibre dans
le fens proprement dit; car ces deux poids
agiffent fans ceffe l'un contre l'autre , & fi
vous diminuez un des poids , la balance fera
en mouvement. Au contraire , deux corps
égaux & durs qui fe choquent en fens op-
pofés avec des vîteffes égales , détruifent à
la vérité leurs mouvemens, mais ne font
E Q U
843
pas proprement en équilibre , parce que
l'effort réciproque des deux corps eft anéanti
par le choc ; après l'inftant du choc , ces
deux corps ont perdu leur tendance même
au mouvement, & font dans un repos ab-
folu & refpectif , en forte que fi on ôtoit
un des corps , l'autre refteroit en repos fans
fe mouvoir. Cependant pour généralifer les
idées , & fimplifier le langage , nous don-
nons dans cet article le nom d'équilibre à
tout état de deux puiflances ou forces éga-
les qui fe détruifent , fok que cet état foit
inftantané , foit qu'il dure aufîi long- temps
qu'on voudra. (O)
D émonftration métaphyfique du principe
général de M. Euler.
On trouve dans les mémoires de l'aca-
démie des fciencesde Berlin , année 1752.,
une démonstration métaphyfique du prin-
cipe général de Y équilibre , qui eft du cé-
lèbre M. Euler. Son utilité nous a engagés
à la placer ici , vu que d'ailleurs elle eft
affez fimple pour être à la portée de tous
les lecteurs médiocrement verfés dans le
calcul différentiel. Voici en quoi elle con-
fifte : mais comme Yéquilibre eft produit
par l'action des forces , il eft néceflaire
d'expliquer , avant toutes chofes , ce que
l'on entend par ce mot , afin de s'en for-
mer une jufte idée.
On donne en général le nom de force ,
à tout ce qui peut changer l'état d'un
corps , foit pour le faire pafîèr du repos
au mouvement , ou réciproquement du
mouvement au repos , foit enfin , pour
faire varier ce mouvement d'une manière
quelconque. Il y a deux chofes à confi-
dérer dans chaque force , fa direction ou
dans quel fens elle agit fur un corps, ôc
fa grandeur. La direction de la force eft
toujours exprimée par la ligne droite , fui-
vant laquelle la force tend à entraîner le
corps *, & on fe forme une idée de fa
grandeur , en prenant une force connue
pour l'unité , & en examinant combien
celle-ci eft contenue dans une autre force
quelconque.
Mais on peut encore fe former une idée
plus diftincte de ces chofes , en fe les
repréfentant de cette manière. Suppofe»
Ooooo 2,
E Q U
que le corps A (planche HT de Médian.)
foit attaché par la corde E Fy à la barre
M M y avec qui elle fait un angle droit.
Suppofez encore une barre N Ny parallèle
à la première , mais immobile , & que ces
deux barres foient jointes enfemble par les
filets ii , 22, 33, &c. perpendiculaires
à N Ny qui peuvent fe contracter ; en forte
que quand cela arrive , la barre M M &
le corps font obligés de s'approcher de
N N. Il eft évident que , fi l'on prend
chaque filet pour l'unité , & que le nom-
bre en [ok^= N y ce nombre exprimera
auffi la force totale de tous ces filets pour
tirer le corps A vers N Ny fuivant la di-
rection E F.
De là il fuit que l'action de cette force
eonfifte dans la contraction actuelle des
filets u, 22, &c. & que cette action fur
le corps A eft d'autant plus grande , que
les filets fe font plus raccourcis : on fuppofe
d'ailleurs que dans quelqu'état qu'ils foient,
ils aient toujours le même pouvoir de fe
contracter. Par conféquent le raccourcifre*-
ment des filets eft la jufte mefure de
l'actfon de la force totale N; fi donc ils
fe font raccourcis d'une quantité \y & que
le co*-ps ait été ainfi entraîné par un ef-
pace s=^ , l'action de la force fur le corps A
fera exprimée par la quantité N \ y qui
exprime auffi le raccourcifîèment total des
filets.
Que la diftance du corps A y à la barre
immobile NNy foit égale à x, & que la
longueur de la corde E F foit égale à b y
qui doit être une quantité confiante ;
a:— h exprimera la longueur des filets , &
N Çx — b ) la fomme des longueurs de
tous les filets. Or, cette quantité devient
de plus en plus petite par l'action de la
force; mais comme b eft confiant, il n'y
a que X qui puifTe diminuer ; par confé-
quent l'objet de la force eft de diminuer
-la quantité Nxy qui eft le produit de la
force IV, par la diftance du corps A à la
barre immobile N N. Il eft évident qu'on
peut fe paffer ici de la considération de la
diftance abfolue, puifque la force eft cen-
fée confiante ; car fi la barre N N étoit à
toute autre diftance du corps A , la même
contraction des filets produûoit toujours
. la même diminution dans la quantité Nx9
E QU
pourvu que cette barre fut toujours per-
pendiculaire à la direction E F, fuivant
laquelle on conçoit que le corps eft folli-
cité à fe mouvoir par la force N.
Après avoir ainfi expofé en quoi eon-
fifte faction d'une force , on en peut fa-
cilement tirer ce principe général ; que
toute force agit autant qu'elle peut : propo-
fition qui eft aftez évidente , pour être
admife comme un axiome par tous ceux
qui en auront compris le fens. Car l'action
de la force confiftant dans la contraction
des filets , ils ne cefïèront de fe contracter
tant qu'ils ne rencontreront pas d'obftacle
invincible. Par conféquent ces filets , &
partant la force qui en eft compofée ,
agira autant qu'elle pourra , ou jufqu'à
ce qu'elle rencontre un obftable invin-
cible.
Mais lorfqu'un corps , ou un fyftéme
de corps , eft en équilibre y les forces qui
le follicitent à fe mouvoir , font tellement
oppofées entr'elles , qu'elles ne fauroient
agir ou remuer le corps ; il faut alors que
l'action des forces foit la plus grande , ou
que les filets , dont les forces font com-
pofées , fe trouvent alors dans leur plus
grande contraction , en forte qu'il eft im-
pofîible qu'ils fe contractent davantage.
Ainfi un corps , ou un fyftéme de corps ,
fera en équilibre y quand les forces qui le
follicitent à fe mouvoir, fetont tellement
difpofées à l'égard du corps ou du fyf-
téme de corps , que la contraction des
filets foit la plus grande , ou que la fomme
des longueurs des filets pris enfemble ,
foit la plus petite qu'il eft pofî'ble. Que
l'on confidere , par exemple , dans un
fyftéme de corps , chaque force féparé-
ment , de même que fa direction , fur
laquelle on prendra une diftance arbi-
traire x ; nommant après cela la force qui
agit fuivanr cette direction NyN xy fera.
la fomme des filets dont cette force eft
cenfée compofée. Et dans le cas à' équilibre y
la fomme de tous ces N xy qui convien-
nent à chacune des forces prifes féparé-
ment , doit être la plus petite , puifque la
contraction des filets eft alors la plus
grande.
La force de ce raifonnement eonfifte en
ce que l'on réduit toutes les forces à un
E Q U
eemin nombre de filets femblabies & égaux
entr'eux , qui , par la faculté qu'ils ont de fe
raccourcir , compofent la force même. Ainfi
lorfque le corps eft en équilibre , il faut que
les filets de toutes les forces qui agifïent fur
lui , foient dans leur plus grande contrac-
tion , conformément à l'axiome ci-deftus.
Car , s'ils pouvoient encore fe contracter ,
ils, le feroient , & le corps ne feroit pas en
équilibre. Donc fi le corps eft en équilibre ,
la contraction de tous les filets eft la plus
grande , ou ils n'en fauroient recevoir au-
cune , ou ce qui revient au même , la fomme
de toutes les forces follicitantes eft la plus
petite.
Telle eft donc la règle générale , pour
trouver quel doit être l'état des corps folli-
cités par des forces quelconques , pourvu
qu'elles ne varient point fuivant la diftance ,
afin qu'ils foient entr'eux en équilibre. Sui-
vant cette règle , on confîdérera chaque
force à part ; on prendra fur fa direction
un point fixe , & on multipliera la force par
la diftance de ce point au lieu de l'applica-
tion de la force , ou par la diftance qu'il y
a de ce point au corps fur lequel elle agit.
On aftemblera enfuite tous ces produits ;
& la fomme qui en réfultera , fera un mini-
mum dans le cas d'équilibre. Et réciproque-
ment on pourra déterminer par la méthode
des plus grands & des plus petits , l'état
d'équilibre y lorfque les force1; font confian-
tes , ou que la quantité , N , qui a exprimé
jufqu'ici la force , ne dépend point de la
quantité x qui a été confédérée comme la
variable.
La force de la gravité eft de ce genre ; car
fa variation eft infenfible à de petites dif-
tances de la terre. Si donc on confîdere
un corps AB fig.J , dont les parties M
ne font follicitées à fe mouvoir que par
l'action de la gravité , fuivant la direction
verticale MP , & que l'on prenne à vo-
lonté fur cette ligne un point fixe P ,
qui foit dans l'horizontale N N ; on fera
la diftance M P ~x ; & nommant la mafTè
de la particule AT, dM> ce dM expri-
mera en même temps le poids de la par-
ticule M y ou la fojjfe avec laquelle elle
eft follicitée à fe mouvoir fuivant M P :
donc xdM eft, dans ce cas, le produit
qu'il faut mettre à la place de Nx , pour
E Q U 845
cette particule ; & partant la fomme de
tous les x d M qui réfultent de tous les élé-
mens du corps , fera la plus petite , lorf-
que le corps le trouvera en équilibre. Mais
on fait que la fomme de tous les x d'.Af ex-
prime le produit du poids entier du corps ,
par la diftance de fon centre de gravité à
la même ligne horizontale N N. Si donc on
fuppofe que M fuit le centre de ce corps ,
le produit M X G H } qui eft égal à la
fomme de tous les xdM , fera un mini-
mum en cas S'équilibre. D'où l'on voit que
les corps pefans ne fauroient être en équi-
hbie , à moins que leur centre de gravité
ne foit aufïi bas qu il eft poftible.
La démonftration que l'on vient de don-
ner du principe de X équilibre , fuppofe que
l'a&ion des forces fur les corps ne varie
point , à quelque diftance qu'elles en
foient. Car fi les forces ne font pas conf-
iantes , il faudra fuppofer le nombre des
filets variable pendant qu'ils fe contrac-
tent , puifqu'on les a envifagés comme
confervant toujours le même pouvoir.
Voici comment il faut envifager la chofe
dans le cas où fa force varie fuivant les
diftances. La force repréïentée par Nxy
doit étredJcompofée en fes élémens Ndx ;
& comme N , qui repréfente le nombre
des filets à chaque diftance Pi^eft varia-
ble , qu'on fuppofe ce nombre — -P > on
aura P d x pour élément de la force : donc
1 intégrale SPdx fera la jufte valeur qui
doit être mife à la place de Nx, quand
la force eft variable.
Afin de répandre un plus grand jour fur
ce fujet , il faut confidérer comment lès
formules Nx , que les forces confiantes
donnent , deviennent un minimum. Cela
arrive, lorfque leurs différentielles Ndxy
prifes enfemble , évanouiftènt : mais dans
ces différentielles , il n'eft plus queftion fi
la force N eft confiante ou non. Donc fi
la force eft variable , & qu'elle foit ~~P,
on aura Pdx , au lieu de Ndx, dont la
fomme doit être égalée à zéro ; par confé-
quent , la formule qui devient un minimum
en cas d'équilibre, doit être compofée de
celles-ci SPdx, que l'on doit tirer de.
chacune des forces follicitantes ; d'où l'on-
voit que dans le cas des forces confiantes,.
ou de P^=c:N , on. aura les mêmes for—
84<5
E Q U
mules Nx y pour rendre un minimum y que
celles que l'on a trouvées ci-deffus.
Tel eft donc le principe univerfel qui
convient à tout état ^équilibre. En vertu
de ce principe , il faut confidérer féparé-
ment chaque force qui foîlicite le corps
à fe mouvoir : fuppofez que ces forces
foient = P QR) Ùc & que les directions
fuivant lefquelles elles agitfènt fur le corps
M,fig. 8 , foient A F, BG , CH; pre-
nez à volonté fur ces dire&ions les points
fixes F y G y H ; & nommant A F x ,
B Gy y CH\ , on aura pour l'état ^équi-
libre SPdx + S Q dy-\-SRdi-\-,&c.
qui doit être un minimum. Pour la com-
modité du calcul , il convient de placer
les points fixes F > G , H , dans de certains
endroits plutôt qu'ailleurs : ainfi dans le
cas des forces centrales que l'on exprime
par de certaines fondions de la diftance
à leurs centres de forces , il faut placer ces
points dans les centres mêmes. Alors ,
P y Q y R y &c. pouvant être exprimés par
ces quantités » xn , (iyn , y\n y &c. Pex-
prefîion dont l'on devra faire un mini-
mum
7
fera,
71+ 1
xn+i
+n^yn+I +
+~iln + lJtt &c- & ce^a s'obfervera
dans tous les cas femblables.
Comme la force P fournit dans tous les
calculs une quantité pareille à celle-ci SPdx,
fi on nomme effort l'intégrale de cette quan-
tité réfultante de la force P , on pourra
renfermer le principe général d'équilibre
dans cette règle bien fimple :
Lafomme de tous les efforts que des for-
ces font fur un corps y doit être un minimum
pour que ce corps foit en équilibre.
Lorfque le corps dont on cherche l'état
d'équilibre y eft flexible ou même fluide ,
il en faut confidérer tous les élémens fépa-
rérnent , de même que les forces qui les
follicitent , pour en tirer d'abord tous les
efforts que chaque élément foutient.Enfuite
on trouvera , par le calcul intégral , la
fomme de tous ces efforts , ou l'effort total
que le corps éprouve , de laquelle on fera
un minimum , qui indiquera alors les condi-
tions requifes pour que le corps foit en
équilibre.
Il faut remarquer qu'il n'eft pas nécef-
EQ U
faire d'introduire dans le calcul de l'équi-
libre , les forces qui attachent le corps à
quelque objet fixe , ou qui le tiennent arrêté.
Ainh , fi on veut trouver par cette mé-
thode la courbure d'une chaîne fufpendue,
on ne fera pas attention à l'effort que fouf-
frent les clous auxquels la chaîne eâ fufpen-
due ; & lorfqu'il eft queftion de X équilibre
d'un fluide renfermé dans un vaifieau , il
n'eft pas néceffaire de confidérer hs forces
avec lefquelles le fluide preffe le vaifleau.
Il fuffira , dans l'un & l'autre cas , de confi-
dérer les feules forces de la gravité , pour
en déterminer l'état d'équilibre. La raifon
de cette diftin&ion eft aifée à comprendre,
par la manière d'envifager l'action des for-
ces ; favoir , dans la cqntradion des filets.
Ainfi , s'il y a des forces auxquelles le
corps ne fauroit obéir , comme celles qui
le tiennent à quelque objet immobile ,
elles n'entreront point dans le calcul , mais
feulement celles qui peuvent imprimer quel-
que mouvement au corps : on en prendra
les efforts , comme on l'a déjà dit , &
faifant des fommes un minimum y on trou-
vera , par ce moyen , l'état d'équilibre du
corps.
ÉQUILIBRE , (Economie animale) eft
un terme fort employé par Baglivi , &
adopté par plufieurs phyfiologiftes , mais
dans un fens qui n'eft pas exactement con-
forme à celui dans lequel il eft ufiré en mé-
chanique & en hydraulique.
L'égalité de forces entre des corps qui
agiflènt les uns fur les autres par leur gra-
vité fpécifique , ou par toute autre caufe ,
d'où réfulte la cefîàtion de leur mouve-
ment , dès l'inftant où cette égalité eft
établie ( en quoi confifte le véritable équi-
libre y pris à la rigueur ) , ne peut pas avoir
lieu dans l'économie animale , qui exige
un mouvement continuel dans tous les or-
ganes néceffaires pour l'entretien de la vie ,
& dans tous les fluides que ces organes font
deftinés à mouvoir : ainfi ce n'eft pas de la
théorie de Y équilibre proprement dit , qu'on
fe propofe de faire une application à la
phyfique du corps humain.
L'auteur cité , & ceux qui admettent
avec lui le terme d'équilibre dans la théorie
de la médecine , ont feulement prétendu
défigner par ce terme , ou par celui d'équi-
E Q U
Itbration , à défaut d'un autre plus pro-
pre , une égalité non abfolue , mais ref-
pective , une proportion dans les forces
actives & pafîives , qui peut être conçue
dans toutes les parties , tant folides que
fluides du corps animal , par rapport à ce
que chacune de ces parties doit opérer
pour la fonction à laquelle elle eft deftinée.
C'eft en vertu de cette proportion de
forces dans toutes les fibres qui compofent
les difFérens vaifTeaux dont eft formé le
corps humain , que chaque fluide eft retenu
en quantité déterminée , eft réglé dans fon
cours , & reçoit l'élaboration qui lui eft
nécefîàire, dans les canaux qui lui font pro-
pres; en forte qu'il eft confervé entr'eux
une égalité d'action & de réaction alter-
natives , qui ne laiffe point prédominer ,
d'une manière durable , les parties conte-
nues fur les parties contenantes, & réci-
proquement celles-ci fur celles-là, tant que
l'état de fanté fubfifte.
Cette difpofltion eft abfolument requife
pour cet effet : c'eft de la différence habi-
tuelle de cette difpofition dans les différens
fujets , que dépend aulli la diverfité des tem-
péramens , dont les uns font plus ou moins
robuftes que les autres , félon que cette
difpofition eft plus ou moins fufceptible ,
qu'il y foit porté atteinte par l'ufage ou
par l'abus des chofes néceffaires à la vie ,
que l'on appelle dans les écoles les chofes
non naturelles.
Cette forte ^équilibre, ainfi conçue dans
le corps humain , peut être confédérée de
trois manières différentes , par rapport aux
folides comparés entr'eux, par rapport aux
folides comparés avec les fluides , & par
rapport aux fluides comparés entr'eux-
mêmes ; c'eft ce qu'il eft néceflàire d'ex-
pliquer.
Pour que Yéquilibre , tel qu'on en a
donné l'idée , relativement à l'économie
animale, fubfifte entre les différens orga-
nes , il faut que le tifîu , le refïbrt de tous
les vaifTeaux , foit proportionné à la quan-
tité des liquides qu'ils doivent recevoir, au
mouvement qu'ils doivent communiquer à
ces ItqQi ^es , & à l'effort qu'ils doivent en
éprouver: ainfi les vaifTeaux lymphatiques,
par exemple . doi vent avoir autant de force
d'action & de réiiftance que les vaifTeaux
EQU 847
fanguins , refpectivement à la quantité, au
mouvement & à l'effort du liquide que
ceux-là reçoivent , contiennent & diftri-
buent à des vaifTeaux fubalternes de diffé-
rens ordres.
Ainfi dans un corps bien conformé , &
jouiflànt d'une fanté auffi parfaite qu'il eft
pofhble , tous les folides , dans les vaifTeaux
de toutes les efpeces , doivent avoir pro-
porticnnement la même force d'action , de
réfiftance & de réaction.
Mais pour que cette force puiffe être
exercée librement, il eft nécefîàire qu'il
exifte une proportion entr'elle & la quan-
tité , la confiftance des différens fluides,
refpectivement aux folides qu'ils contien-
nent ; d'cù s'enluit que Yéquilibre des fo-
lides entr'eux fuppofe nécefîàirement celui
des folides avec les fluides , & celui des
fluides comparés les uns aux autres : par
conféquent Yéquilibre dont il s'agit , dépend
principalement de l'état des parties folides
qui ont dans l'animal toute l'action , ou
naturelle , c'eft-à-dire , élaftique , ou Sura-
joutée , c'eft-à-dire mufculaire, tandis que
les fluides n'ont que des forces paffives, telles
que la pefanteur, la mobilité: celle-ci même
doit prefque annuller les effets de celle-là ;
de manière que la mafTe des humeurs ani-
males ne doit avoir de poids que pour être
fufceptible de recevoir un mouvement
réglé , pour réfifter à en trop prendre , &
non pour fuivre fa tendance comme corps
grave.
On doit fe repréfenter toutes les fibres
qui entrent dans la ftructure de l'animal ,
comme dans un état de diftractilité con-
tinuelle , plus ou moins grande , à pro-
portion que les vaifTeaux qu'elles forment
font plus ou moins remplis ou dilatés par
les liquides contenus : elles font dans un
état violent , attendu que , biffées à elles-
mêmes , celles qui font dans une pofition
longitudinale , tendent à fe raccourcir de
plus en plus , & les vaiflèaux à s'oblitérer par
la contraction des fibres circulaires , qui en
eft auffi un véritable raccourciffèment. Ces
effets n'ont jamais lieu dans les vaifTeaux
qui contiennent quelque liquide ; ils ne
peuvent jamais parvenir à l'état de contrac-
tion parfaite ; ils en approchent feulement
plus ou moins , à proportion qu'ils font
848 EQU
plus ou moins diftendus par la quantité &
l'effort des fluides qu'ils contiennent , tant
que la diftribution des fluides fe fait avec
égalité, c'eft-à-dire , proportionnément à
ce que chaque vaifîèau doit en recevoir
dans l'état naturel.
Tous les foîides , dans quelque e'tat qu'on
les confidere , foit defyftole , (bit de diaf-
tole , forment un reffort d'une feuie pièce ,
dont les parties foutiennent l'effort les unes
des autres , fans qu'aucune plie : mais s'il
arrive , par quelque caufe que ce foit ,
que les fibres ou les tuniques de quelques
vaiffeaux viennent à perdre de cette force
■de reflbit, celles de toutes les autres reftant
la même , les fluides éprouvant moins de
réfiftance à fe porter dans la partie affoi-
blie , y font pouffes plus abondamment , &
diminuent proportionnément leur effort vers
les vaiffeaux des autres parties, dont le ref-
fort n'a rien perdu de fes forces , & réfïfte
toujours également & plus efficacement ,
attendu que ces vaiffeaux peuvent fe ref-
ferrerde plus en plus, en fuivant leur dif-
pofition intrinfeque , qui étoit auparavant
fans effet excédant
Ainlî lorfque Yéquilibre eft rompu par
relâchement dans quelques unes des parties
contenantes, l'effort des fluides y devenant
de plus en plus fupérieur à la réfiftance des
folides , ceux-ci cèdent aufîi de plus en
plus , fe laiffent alonger au point que les
vaiffeaux qui en font compofés , fe dilatent
outre mefure , quelquefois jufqu'à fe rom-
pre : les liquides contenus n'éprouvant que
faiblement, ou point du tout, la réaction
des vaiffeaux trop dilatés , croupiflent &
dégénèrent de leurs qualités naturelles , ou
ils s'épanchent de la cavité de ceux dans
lefquels s'eft fait une folution de continuité ,
ou ils tranfudent par les pores les plus ou-
verts , à caufe de l'écartement des fibres ,
ou ils coulent plus abondamment qu'ils
ne devroient , pour le bien de l'économie
animale , par l'orifice forcé des vaiffeaux ,
qui fe trouve plus ouvert qu'il ne doit être
dans l'état naturel.
De tous ces différens effets s'enfuivent
des fympromes , dont la différence dépend
principalement de celle du fiege & des
fondions des organes qui pèchent par le
Jelâchement. Si ce vice a lieu dans le ti.ffu.
EQU
cellulaire qui appartient aux tégumens en
général , il en provient une leucojîegmatie;
fi ce n'eft que dans le tiffu cellulaire des
extrémités inférieures , il en réfulte feule-
ment Penfiure de ces parties ; s'il s'écablit
dans les vaiffeaux lymphatiques du bas-
ventre , ou de la poitrine , ou de la tête ,
il en eft produit une hydropifîe , ou un
engorgement fériëux des poumons , ou un
épanchement dans la poitrine d'humeurs
de même nature , ou une hydropifîe de
différente efpece.
Mais le mal n'eft jamais plus grand que
lorfque les vaiffeaux relâchés fervent à une
excrétion quelconque ; alors les liquides
contenus s'écoulant fans réfiftance par les
conduits qui leur font propres , font fuivis
par les autres parties de la maffe des hu-
meurs , qui font de confiftance à ne pas
trouver plus d'obftacle à s'écouler par la
même voie ; ce qui rend le flux continuel ,
ou prefque tel. Tous les autres vaiffeaux
du corps recevant & contenant à propor-
tion moins de fluides qu'il s'en porte plus
dans la partie foible , ont la liberté de fe
refferrer davantage : le chyle , avant de fe
changer en fang , la matière même du fuc
nourricier fe portent aufîi avec les parties
les plus fluides de la maffe des humeurs ,
vers les vaiffeaux les plus libres , les moins
réfiftans , c'eft-à-dire, vers ceux dont les
fibres ont perdu V équilibre : d'où il réfulte
que la déperdition des fluides en général ,
par la voie ouverte , venant à excéder la
réparation , il fe fait une diminution pro-
\ portionnée du volume dans toutes les par-
| ties du corps , attendu qu'il dépend prin-
| cipalement de la quantité des humeurs qui
I tiennent les vaiffeaux dans l'état de la dila-
' tation ; cette diminution fait l'amaigriffe-
ment. Le cerveau ne recevant pas une fuffi-
fante quantité de fluides travaillés pour être
changés en efprits animaux , il en réfulte la
foibîeffe , l'abattement , l'impuiffançe au
mouvement. Le fuc nourricier manquant
dans les vaiffeaux auxquels il doit être dis-
tribué , ils s'oblitèrent peu à peu ; d'où
le marafme. La partie relâchée devenant
comme un égoût , vers lequel tendent les
humeurs de toutes les parties , la plupart
des vaiffeaux deviennent vuides & affaifles ;
1 le corps fe deffeche , & la flexibilité nécef-
faire
EQU
faire aux folides en général , qui ne peut
être attribuée qu'à l'interpofition convena-
ble des fluides , venant à manquer confé-
quemment à leur déiàut , le mouvement
qui ne peut avoir lieu fans cette flexibilité ,
ceiTe , & la mort fuit.
Cette théorie convient à toutes fortes
de fluxions , de dépôts , d'amas confidé-
rables , & d'écoulemens d'humeurs qui
proviennent de la perte de X équilibre des
folides , par caufe de relâchement dans
quelque partie du corps que ce foit. On
peut regarder tous les effets provenans de
cette caufe , comme autant de diabètes :
les eaux ramaffées dans le ventre , dans la
poitrine , dans la tête , dans ie tifîu cellu-
laire des tégumens en général^ des pau-
pières , des bourfes en particulier , ne diffé-
rent aucunement des liquides qui s'évacuent
dans le diabètes proprement dit , provenans
du relâchement des tuyaux urinitères : les
jambes des hydropiques , qui fe crèvent
d'elles-mêmes , ne donnent-elles pas un
écoulement de férofité qui forme comme
un diabètes ? Ainfi les vaiffeaux lympha-
tiques de la tête , de la poitrine , du bas-
ventre , qui laifTent échapper continuelle-
ment dans les hydropifies de ces parties ,
le liquide qu'ils tranfportent , ne forment-
ils pas comme autant de fiphons qui fem-
blent , par une de leurs extrémités qui eft
leur principe , tremper dans îa maffe des
humeurs , & par l'autre répandre ce qu'ils
fucent ? Ainfi dans le relâchement des vaif-
feaux fecrétoires de l'urine , il fe fait un
écoulement de férofiré à laquelle fe mêlent,
à proportion que le relâchement augmente,
la lymphe , le chyle le plus fin , & enfuite
le chyle le plus groflier , pour ainfi dire ,
fous forme de lait ; ce qui rend , dans le
diabètes , proprement dit , les urines dou-
ceâtres & blanchâtres, quand il a duré un
certain temps : d'où s'enfuit la confomp-
tion , comme de toute autre évacuation
de cette efpece , dans quelque partie du
corps que ce foit. N'a - t - on pas vu des
plaies produire cet effet par d'abondantes
fuppurations , & devenir comme un égout,
par lequel s'écouîoit prefque toute la malle
des humeurs , à caufe du relâchement qui
furvenoit dans les folides de la partie ,
& de la moindre réfiftance qu'oifroient
Tome XII.
EQU 849
les vaiffeaux , toujours difpofés à s'ou-
vrir?
Les ventoufes ne produifent pas autre-
ment la tuméfaction des parties fur les-
quelles elles font appliquées , qu'en rom-
pant , par la diminution de la compreflion*
de l'air , Y équilibre de réfiftance dans les
vaiffeaux qui fe laifTent en conféquencu
engorger d'humeurs. Les animaux ne fe
gonflent fous le récipient de la machine du
vuide , que parce que le poids de l'air
étant aufïi diminué par la fuccion , s'oppofe
moins à l'effort des fluides , qui tendent
à dilater les vaiffeaux de l'habitude du-
corps : ceu?c-ci ne pèchent alors que par
défaut d'équilibre ; d'où l'on peut inférer
que la force qui le conferve dans l'écono-
mie animale faine , n'eft pas feulement
intrinfeque à l'égard des fibres , mais qu'elle
eft aufïi extrinfeque.
Il eft même , outre le poids de l'athmof-
phere , une autre caufe qui y contribue ,
qui , quoiqu'étrangere à chaque vaiffeau
en particulier , ne l'eft cependant pas à
l'animal même ; c'eft la preffion récipro-
que des vaiffeaux entr'eux , par laquelle ils
contre-balancent , les uns par rapport aux
autres , les efforts que les fluides font dans
leur cavité refpective , tendans à en écarter
les parois outre mefùre.
On voit , par tout ce qui vient d'être
expofé , les pernicieux effets que peut pro-
duire dans l'économie animale le défaut
d'équilibre caufé par la trop grande dimi-
nution du refîbrt dans les parties folides :
ce même défaut , occafîoné par la trop
grande élafticité dans les fibres d'une par-
tie , ou par leur rigidité , ou par la conf-
triction. fpontanée ou fpafmodique des
tuniques mufculaires des vaiffeaux , n'eft
pas une fource moins féconde de déran-
gement dans l'économie animale ; c'eft ce
qui femble fuffifamment prouvé par les
confédérations fuivantes.
Ainfi le refferrement d'un vaiffeau con*
fidérable , ou de plufieurs vaiffeaux dans
une partie quelconque , ou tout autre obf-
tacle formé au cours des humeurs , en
quelque organe que ce foit , peuvent pro-
duire la fièvre, ou dans les parties affec-
tées , fi la caufe n'eft pas bien considéra-
ble , ou dans tout le corps , en tant que
Ppppp
■
85o E Q U
les fluides pouffes vers cette partie , ne
pouvant pas y continuer leur mouvement
progreflif avec liberté , font repoufTés vers
leurs fources par l'a&ion même des vaif-
feaux engorgés ? qui "réagiflènt avec plus
de force , à proportion qu'ils font plus
diftendus au delà de leur ton naturel ; ce
qui dilate de proche en proche les troncs ,
& en force le refTort , qui , par fa réaction
fur les mêmes fluides repoufTés , les ren-
voie vers i'obftacle , d'où naît une efpece
de pléthore particulière entre I'obftacle &
les troncs des vaifTeaux embarrafTés ; ce
qui établit une forte de fièvre dans la par-
tie , comme on l'obferve , par exemple ,
dans un panaris commençant , par les for-
tes pulfatio;>r- qui fe font fentir dans tout
le doigt afFe&é. Si la caufe de I'obftacle
eft confidérable , un plus grand nombre
de vaifTeaux collatéraux participent à l'en-
gorgement , & de proche en proche l'em-
barras gagne , la circulation fe trouble ,
la pléthore devient générale , la puifîànce
motrice qui tend toujours à confèrver
X équilibre ou à le rétablir , augmente l'ac-
tion dans tous les vaifTeaux , à proportion
de la réfiftance : delà une forte d'agitation
fébrile s'établit dans tout le corps , laquelle,
fi la caufe eft de nature à fubfifter , donne
lieu à une véritable fièvre.
N'eft-ce pas à un défaut d'équilibre de
cette efpece , qu'on peut attribuer la plu-
part des indifpofitions que caufent les
commencemens de la groflèfïè à un grand
nombre de femmes ? le fang menftruel ne
s'évacuant point dans cette circonftance ,
& formant par conféquent une pléthore
particulière dans la matrice , qui augmente
de plus en plus , tant que le fœtus ne peut
pas encore confumer en entier ,*pour fà
nourriture & lbn accroiflèment , les hu-
meurs furabondantes , que la nature a
deftinées à cet ufage. Les vaiffeaux utérins ,
diftendus outre mefure , ne cèdent cepen-
dant que jufqu'à un certain point à leur
dilatation ultérieure j le tiraillement de
leurs tuniques forcées , qui approche du
déchirement , eft un fentiment fîimulant y
qui les excite à réagir extraordinairement
çn y attirant des forces furajoutées , par
l'influx du fluide nerveux & des contrac-
tions des fibres mufculaires ; ainû ils de-
E Q U
viennent par-là en état de réfifter aux plus-
grands efforts des humeurs , qui tendent
à s'y porter plus abondamment : il fe fait
d'abord une efpece adhérence dans le cours
des fluides de tous les vaifTeaux utérins ;
elle s'étend de proche en proche , comme
par l'effet d'une digue ou éclufe ; le refTort
des vaifTeaux réagiflans , étant un peu dé-
gagé , force enfuite ce qui refte encore de
furabondant , dans leur cavité , à refluer
dans les troncs des vaifTeaux , d'où ils ont
été diftribués ( ce reflux peut réellement
avoir lieu quand dans le cas dont il s'agit
ici , fi l'on convient qu'il fe fait dans la
réfolution des inflammations produites par
erreur de lieu y voye\ INFLAMMATION ,
Erreur de lieu ) : ce reflux , ainfi
conçu , o#de l'embarras dans le cours des
humeurs de la matrice , s'enfuit l'engor-
gement des mamelles , parce que le fang ,
qui trouve de la réfiftance à aborder dans
ce vifcere , fe replie par les vaifTeaux épi—
gaftriques vers les mammaires , qui logent
ainfi une partie des humeurs furabon-
dantes.
Mais la pléthore fe renouveîlant conti-
nuellement , il fuccede toujours de nou-
veaux fluides à placer : ils font repoufTés ,
& fe jettent toujours où ils trouvent moins
de réfiftance ; il s'en fait d'abord une déri-
vation dans tous les vaifTeaux collatéraux %
qui fe trouvent difpofés à céder ; ce qui
donne fouvent lieu à une plus grande fe-
crétion dans les glandes & dans tous les
filtres des inteftins , dont l'excrétion four-
nit fouvent la matière d'un cours de ventre :
ou les humeurs fe portent dans les vaifTeaux
de î'eftomac , les cÙftendent , tiraillent leurs
fibres mufculaires , les nerfs de ce vifcere ,
d'où s'enfuivent les mouvemens convulfifs ,
qui produifent des naufées , des efforts pour
vomir , & le vomifïement même , forfqu'if
y a des matières dans I'eftomac , qui pefent
fur Ces parois tendues , par l'engorgement
de Ces vaifTeaux qui le rend beaucoup plus
fufceptible d'irritation : ou le tranfport de*
humeurs fe fait vers les poumons , Iorfqu'ils
font d'un tifTu à proportion moins réfiftant
que les autres parties du corps ; il y occa-
fione des fuffocations , des oppreflions ,
des crachemens de fang , &c. ou il fe faic
dans les vaifTeaux des membranes du cer-
%£
E Q U
veau , de la fubftance , & il y caufe des
douleurs , des pefanteurs de tête , unaffou-
piffement extraordinaire , des vertiges, &c.
Tous ces effets (uppofent X équilibre rompu
entre les vaiftèaux utérins , qui réfiftent à
être engorgés ultérieurement , & les vaif-
feaux des autres parties , qui prêtent & fe
iaiffènt engorger par les humeurs furabon-
dantes , qui refluent de la matrice , ou qui ,
reftant dans la maffe , tendent à fe jeter
fur quelque partie foible , & s'y logent en
effet , en forçant fes vaifTèaux.
Mais fi toutes les parties réfiftent éga-
lement , le fang fuperflu reftant dans les
gros vaiffeaux , fans pouvoir être diftribué,
gène la circulation , caufe des défaillances ,
des fyncopes ; ce qui rend , dans ce cas ,
îa faignée fi falutaire , par la promptitude
avec laquelle elle rétablit Xéquilibre y en
dégorgeant les gros vaiffeaux : elle peut
aum" produire de bons effets dans tous les
autres engorgemens particuliers , par la
même raifon ; mais ils font moins fenfi-
blés : dans ce même cas encore , la nature ,
qui tend toujours à conferver ou à rétablir
V équilibre > peut avoir une autre refiburce
que la faignée ; tous les vaifTèaux étant
dans un état de réfiftance , & par confé-
quent de réaclion égale , peuvent quel-
quefois , par leurs forces combinées , vain-
cre celles des vaiffeaux utérins , & en for-
cer les orifices , donner lieu à un hémor-
ragie qui peut rétablir X équilibre perdu ;
c'eft par cette raifon que plufieurs femmes
ont des pertes pendant les premiers mois
de leur groffeffe , fur-tout les femmes ro-
buftes , fans aucun mauvais effet.
Tout ce qui vient d'être dit , peut con-
venir à bien des égards à ce qui fe paffe
dans la fuppreffion des règles , & peut tenir
lieu d'explication de ce que Ëoerhaave
dit fimplement être un détordre dans la
circulatiou , fans dire en quoi confident ce
défordre , ce changement , ce mouvement
renverfé dans le cours du fang , qu'il re-
ronnoît , fans en indiquer la caufe , fans
la faire preffentir même : il femble cepen-
dant qu'on peut en rendre raifon , de la
manière précédente , en fuivant la nature
dans fes opérations , fans rien fuppofer.
On voit , par exemple , pourquoi les
femmes groffes font fujettes à de fi fré-
EQU *5i
1 quenrês & de fi grandes agitations , à des
fréquences dans le pouls , qui en font une
fuite , fur - tout pendant le temps de la
digeftion , de l'entrée du chyle dans le
fang : effet que Ton peut regarde9*comme
étant des efforts que la nature fait pour
rétablir \ équilibre ,• efforts qui font vérita-
blement fébriles , & feroient de confé-
quence s'ils n'étoient pas fi irréguliers , &
le plus fouvent de très-peu de durée ;
parce que la caufe eft ordinairement de
nature à être aifément & promptemenc
détruite , ou peut fubfifter fans danger ;
il n'y a pas de vice intrinfeque dans les
humeurs ; elles ne pèchent que par l'excès
de quantité : il n'en eft pas de même dans
les fuppreflions du flux menftruel ; la caufe
étant le plus fouvent difficile à vaincre ,
occafione des efforts conrinuels de la na-
ture , pour détruire la pléthore & rétablir
X équilibre ; ce qui donne fouvent lieu ,
dans ce cas , à des fièvres confidérabîes ,
& dont les fuites peuvent être fâcheufes.
Ainfi , les inflammations occafionane
aufîi une forte de pléthore , plus ou moins
étendue , produifent la fièvre générale ou
particulière : le refferrement fpafmodique
des parties nerveufes dans un vifeere , dans
un membre , dans un tendon , dans un
tronc de nerf piqué , irrité , produit le même
effet ; de même auffi les irritations qui af-
fectent des membranes nerveufes , comme
celles des inteftins , la plèvre , la dure-mere ,
l'enveloppe des mufcles , le périofte , &c. les
remèdes irritans , tels , fur tout , que les
purgatifs, les vomitifs , les véficatoires ,
les fynapifmes , les phœnigmes , &c. fem-
blent n'attirer un plus grand abord d'hu-
meurs dans les parties où ils agiflènt , que
parce qu'ils excitent la réadion des vaif-
feaux éloignés vers ceux qui font d'abord
plus refferrés par l'irritation , mais qui font
bientôt forcés de céder à toutes les puif-
fances des fotides réunies contr'eux ; ce qui
opère une dérivation d'humeurs vers la partie
irritée ; dérivation qui eft , par cette raifon ,
le plus fouvent précédée d'une augmenta-
tion de mouvement dans tous les fluides ,
dans la circulation entière. N'eft-ce pas ainfi
que l'on peut concevoir la manière d'agir
des topiques irritans , dont on fe fert po: r ;
attirer la goutte dans les extrémités ? L'action
Ppppp l
g5* E Q U
des cautères actuels , du moxa , produit aufîï
à peu prés les mêmes effets : Yorgafme, dans
les parties fufceptibles d'impremons volup-
tueufes , fait ainfi naître une agitation gé-
nérale ^en tanc que la tenfion de leurs
parties nerveufes y forme des obftacles au
cours ordinaire des humeurs , qui refluent
dans tout le corps , y font une pléthore
pafïàgere , c'eft-à-dire, proportionnée à la
durée de la caufe de cztte tenfîon , & cette
pléthore celle avec le fentiment qui en a
été la caufe déterminante : c'eft ce qu'on
éprouve dans l'acte vénérien , dans la feule
érection de la verge , du clitoris , foutenue
par l'imagination échauffée , dans le gonfle-
ment des parties de la vulve , des mame-
lons : tout ce qui tend les nerfs plus qu'à
l'ordinaire , comme une épine dans un ten-
don , dans des chairs bien fenfibles , comme
les brûlures , ùc produit un plus grand
abord de fang dans les parties affectées ; d'où
s'enfuit un battement d'artères plus fort
dans ces parties , ou une agitation générale ,
à proportion de l'intenfité de la caufe , &c.
Il réfuîte de ce qui a été dit jufqu'ici fur
les différentes caufes qui peuvent déranger
l'équilibre de la machine dans l'économie
animale , que dans le relâchement , I'élaf-
ticité naturelle qui fubfifte dans les fibres ,
fuffit en général , pour leur donner un de-
gré de force qui détermine le cours des
fluides vers la partie qui a perdu de fon
refîbrt ; mais le défaut a équilibre y qui eft
produit par l'irritation , ne peut pas avoir
lieu , fans qu'il foit ajouté généralement à
tous les folides , une force qui puifTe l'em-
porter fur la réfiftance de la partie où fe fait
l'irritation ; en forte que dans ce cas , ils ac-
quièrent plus de force d'action fur les fluides
par un refièrreme nt qui dépend des nerfs ,
& X équilibre fe détruit tout comme fi les
parties irritées péchoient par relâchement ,
parce que celles-ci font forcées de céder à
l'action combinée de tous les vaifleaux du
corps contr'elle ; étant alors inférieures en
réfiftance •> elles ne tiennent pas contre l'ac-
tion des fibres , en général devenues plus
fortes , que dans l'état naturel , par un
moyen furajouté , qui leur eft commun à
toutes, vis unita fonior. Ainfi de de\}x
caufes oppofées , le relâchement & le reffer-
rement de* fibres ou des vai-leaux , il peut
e q u
également en réfulter un défaut d'équilibre
dans le corps animal.
Il eft naturel de conclure de tout ce qui
vient d'être expofé au fujet de l'équilibre
dans le corps humain , qu'il eft très-impor-
tant de s'inftruire de tout ce qui fert à
faire connoître les phénomènes , les loix
confiantes de cette condition requife pour
la vie faine , de cet agent , qui patoît jouer
un fi grand rôle dans l'économie animale ,
qui eft un principe fécond , d'où on peut
déduire une infinité de caufes , qui entre-
tiennent la fanté , qui produifent les ma-
ladies , félon les diverfes difpofitions des
folides entr'eux , & relativement aux fluides.
Les réflexions , fur ce fujet , femblent juf-
tifier la théorie des anciens médecins mé-
thodiques , qui vouloient faire dépendre
l'exercice réglé ou vicié de toutes les fonc-
tions , de ce qu'ils appelloient le jlriclum
& le laxum ; ils ne fe font vraifemblable-
ment écartés de la vérité à cet égard , que
pour avoir voulu tout attribuer à la difpo-
iirion des folides , fans reconnoître aucun
vice efTentiel dans les fluides. Baglivi a trop
fait dépendre l'équilibre, qu'il avoit jufte-
ment entrevu dans le corps animal , du
mouvement fyftaltique , qu'il attribuoit aux
membranes du cerveau; mais en ramenant
cette théorie aux vrais avantages que l'on
peut en titer, elle peut fournir de grandes
lumières dans l'étude de la nature & de {es
opérations , dans l'état de la fanté & dans
celui de maladie ; par exemple , à l'égard
de la diftribution des différentes humeurs
dans toutes les parties du corps , du mé-
chanifme des fecrétions en général , de l'in-
fluence du poids de l'air & de fes autres
qualités , du chaud , du froid , du Cec , de
l'humide, &c. fur le corps humain, fur
les poumons principalement , des évacua-
tions critiques &fymptomatiques , des mé-
taftafes , ùc. Voy. fur ce fujet l'article MÉ-
THODIQUE ; Profper Alpin , de medicina
methodica y & les œuvres de Baglivi. Si l'on
admet l'importance des réfulracs , qui dé-
rivent des* obfervations fur Véquilibre dar s
l'économie animale , tel qu'on vient de le
repréfenter, on ne peut pasrefufer de con^
.venir qu'elles doivent être aufîi d'une très-
grande utilité dans la pratique médicinale ,
pour établir les indications dans le traite*
E Q U
ment des maladies , & pour diriger Pad-
miniftration de la plupart des remèdes ,
comme les évacuans , dérivatifs y révulfifsy
fortifiansy reldchans. anodins y narcotiques y
antifpafmodiques y & autres qui peuvent
produire des effets relatifs à ceux-là. Voye\
ces mots & les articles qui ont rapport à
celui qui vient d'être terminé , tel que
Fibre , Fluxion , Relâchement ,
Spasme, &c. (d)
EQUILIBRE , terme de Peinture. Omne
corpus, niji extremafefe undique contineant,
librenturque adcentrum, collabaïur ruatque
nccefje eji : voilà un pafïàge qui me paroît
définir îe terme dont il s'agit ici ; & j'ef-
pere qu'une explication un peu détaillée de
ce texte , & un précis de ce que Léonard
de Vincy dit fur cette partie dans fon traité
t de la Peinture , fuffiront pour en donner
une idée claire. Pomponius Gaurie, qui a
compofé en latin un traité de la Sculpture ,
eiî l'auteur de la définition que j'ai citée;
elle fe trouve au chapitre vj y intitulé de
fiatuarum ftatu y motu y & otio. Toute ef-
pece de corps , dit-il , dont les extrémités
ne font pas contenues de toutes parts , &
balancées fur leur centre , doit néceffaire-
ment tomber & fe précipiter.
La chaîne qui unit les connoifîànces hu-
maines , joint ici la phyfîque à la peinture ;
en forte que le physicien qui examine la
caufedu mouvement des corps, & le peintre
qui veut en repréfenter les juftes effets,
peuvent , pour quelques momens au moins ,
îuivre la même route , & pour ainfi dire
voyager enfemble. On doit même remar-
quer que ces points de réunion ^fciences,
des arts , & des connoifîànces deî'efprit , fe
montrent plus fréquens , lorfque ces mêmes
connoiffances tendent à une plus grande
perfection. Cependant on a pu obferver auffi
(comme une efpece de contradiction à ce
principe , ) que fouvent la théorie perfec-
tionnée a plutôt fuivi que précédé les âges
les plus brillans des beaux-arts, & qu'au
moins elle n'a pas toujours produit les fruits
qu'on fembleroic devoir en efpérer. Je ré-
iervepourles/Twr/THÉoRlE&PRATlQUE
quelques réflexions fur cette fingularité, Il
s'agir dans cet article d'expliquer le plus
précifément qu'il eft poffible ce que l'on
entend par équilibre dans Part de peinture.
EQU 853
Le mot équilibre s'entend principalement
des figures qui par elles-mêmes ont du mou-
vement ; telles que les hommes & les ani-
maux.
Mais on fe fert auffi de cette exprefïion
pour la compofition d'un tableau; & je vais
commencer par développer ce dernier fens.
M. du Frefnoy , dans fon poème immortel
de arte graphicâ y recommande cette partie,
& voici comment il s'exprime.
Se u mulùs conflabit opus , paucifque figurîs ,
Altéra pars tabula vacuo ne frigida campo
Aut deferta fiet, dum pluribus altéra formis
Fervida mole fuâfupremam exurgit adoram:
Sed tibi fie pofitis rcfpondeat utraque rébus ;
Ut fi aliquid furfumfe parte attollat in una ,
Sic aliquid parte ex alla confurgat , & ambas
jEquiparet , geminas cumulande) xqualiter oras,
" Soit que vous employiez beaucoup de fi-
» gures , ou que vous vous réduifiez à un
» petit nombre ; qu'une partie du tableau
» ne paroifîe point vuide , dépeuplée , &
» froide , tandis que l'autre enrichie d'une
» infinité d'objets , offre un champ trop
» rempli : mais faites que toute votre or-
» donnance convienne tellement , que fi
» quelque corps s'élève dans un endroit ,
» quelqu'autre le balance , en forte que
>? votre compofition préfente un jufte équi-
té libre dans fes différentes parties. »
Cette traduction qui peut paroître moins
conforme à la lettre qu'elle ne l'eft au fens ,
donne une idée de cet équilibre de compo-
fition dont M. du Frefnoy a voulu parler ;
& j'ai hafardé avec" d'aurant plus de plaifir
d'expliquer fa penfée dans ce pafïàge , que
la traduction qu'en donne M. de Piles pré-
fente des préceptes qui , loin d'être avoués
par les artiftes , font absolument contraires
aux principes de l'art & aux effets de la
nature. Je vais rapporter les termes dont
fe fert M. de Piles.
« Que l'un des cotés du tableau ne de-
» meure pas vuide , pendant que l'autre
» eft rempli jufqu'au haut ; mais que l'on
» difpofe fi bien les chofes , que fi d'un
» coté îe tableau eft rempli , l'on prenne
» occafïon de remplir l'autre ; en forte qu'ils
m paroifïènt en quelque façon égaux, foie
854. EQU
t> qu'il y ait beaucoup de figures , ou qu'elles
» y foient en petit nombre. >>
On apperçoit affez dans ces mots , en
quelque japon , qui ne font point dans le ;
texte , que M. de Piles lui-même a fenti i
qu'il falloit adoucir ce qu'il venoit d'avancer : !
mais cet adoucifTement ne fiiffit pas. Il j
n'eft point du tout nécefîaire de remplir un
côté du tableau , parce que l'on a rempli
l'autre , ni de faire en forte qu'ils paroiffent ,
en quelque façon même , égaux. Les Ioix
de la compofition font fondées fur celles
de la nature , & la nature moins concertée
ne prend point pour nous plaire les foins
qu'on prefcrit ici à l'artifte. Sur quoi donc
fera fondé le précepte de du Frefnoy ? que
deviendra ce balancement de compofition
à l'aide duquel j'ai rendu fon idée? Il naîtra
naturellement d'un heureux choix des effets
de la nature, qui non feulement eft permis
aux peintres , mais qu'il faut même leur
recommander ; il naîtra du rapprochement
de certains objets que la nature ne préfente
pas affez éloignés les uns des autres , pour
qu'on ne foit pas autorifé à les raffembler
& à les difpofer à fon avantage.
En effet , il eft rare que dans un endroit
enrichi , foit par les productions naturelles ,
foit par les beautés de l'art , foit par un con-
cours d'êtres vivans, il fe trouve dans le
court efpace que l'on peut choifir pour
fujet d'un tableau ( qui n'eft ordinairement
que celui qu'un feul regard peut embraffer , )
un côté dénué de toute efpece de richeflès ,■
tandis que l'autre en fera comblé. La nature
garde plus d'uniformité dans les tableaux
qu'elle compofe ; elle n'offre point brufque-
ment le contraire de l'abondance & de l'ex-
trême aridité. Les lieux efcarpés fe joignent
imperceptiblement à ceux qui font unis;
les contraires font féparés par des milieux ,
d'où réfulte cette harmonie générale qui
plaît â nos regards: d'ailleurs, ce balancement
ne confifte pas feulement dans la place ,
la grandeur , & le nombre des objets ; il
a encore une fource plus cachée dans la dif-
pofition & l'enchaînement des mafTes que
forment la lumière & l'ombre. C'eft fur-
tout cet ordre ingénieux , ce chemin qu'on
fait faire à la lumière dans la compofition
d'un tableau, qui contribuent à fon balan-
cement & à fon équilibre 3 qui contentent
EQU
la vue , & qui font caufe que ce fens étant
fatisfait , l'efprit & l'ame peuvent prendre
leur part du plaifir que leur offre Pillufion
de la peinture.
J'infifterai d'autant plus fur ce principe
d'e'qu libre de la compofition , qu'il y a
un danger infini pour les artiftes dans l'affec-
tation d'une difpofition d'objets trop re-
cherchée , & que c'eft par cette route que
fe font introduits ces faux principes de
contrafte & de difpofition pyramidale.
Les beautés de la nature ont" un caractère
de {implicite qui s'étend fur fes tableaux
les plus compofés , & qui plaît dans ceux
qu'on pourroit accufer de monotonie.
Plufieurs figures dans la même attitude ,
fur le même plan , fans contrafte , fans
oppofition , bien-loin d'être monotones
dans la nature , nous y préfentent des va-
riétés fines, des nuances délicates , & une
union d'action qui enchantent. Il faut, pour
imiter ces beautés , une extrême juftefîè ;
& la naïveté , je l'avoue , eft voifiae de
la fécherefîe , & d'un goût pauvre qu'il
faut éviter avec autant de foin que le genre
outré. Mais c'en eft afîèz pour la lignifica-
tion de ces mots , équilibre de compofition.
Confultons Léonard de Vincy fur! ' équilibre
des corps en particulier.
« La pondération , dit-il chapitre cclx>
» ou X équilibre des hommes , fe divife en
t> deux parties : elle eft fimple , ou com-
» pofée. L'équilibre fimple eft celui qui
» le remarque dans un homme qui eft
» debout fur fes pies fans fe mouvoir.
» Dans cette pofition , fi cet homme étend
» les bra# en les éloignant diverfement
7) de leur milieu , ou s'il fe baiffe en fe
» tenant fur un de fes pies, le centre de
» gravité tombe par une ligne perpendi-
»> culaire fur le milieu du pié qui pofe.
» à terre ; & s'il eft appuyé également fur
» les deux pies , fon eftomac aura fon
w centre de gravité fur une ligne qui tombe
» fur le point milieu de l'efpace qui fe trouve
» entre les àeuK pieds.
» L'équilibre compofé eft celui qu'on voit
» dans un homme qui foutient dans diver-
» fes attitudes un poids étranger ; dans
» Hercule, par exemple , étouffant An tée
» qu'il fufpend en l'air , & qu'il prefïè
» avec fes bras contre fon eftomac. Il faut,
E Q U
» dans cet exemple, que la figure d'Hercule
» aie autant de fon poids au delà de la
» ligne centrale de fes pies , qu'il y a du
» poids d'Antée en deçà de cette même
w ligne. »
On voit par ces définitions de Léonard
de Vincy , que Yéquibre d'une figure eft
le réfuîtat des moyens qu'elle emploie pour
fe foutenir , foit dans une action de
mouvement , foit dans une attitude de
repos.
Mais comme les principes & les réflexions
excellentes de cet auteur font peu liés en-
femble dans fon ouvrage , je vais , en les
fondant avec les miennes , leur donner ,
s'il fe peut , un ordre qui en rende l'intelli-
gence plus facile , pour ceux même qui
ne pratiquent pas l'art de la peinture.
Quoique le peintre de figure ne puifTe
produire qu'une repréfentation immobile
de l'homme qu'il imite , l'illufion de fon
art lui permet de choifir pour cette repré-
fentation dans les actions les plus animées,
comme dans les attitudes du plus parfait
repos : il ne peut repréfenter dans les unes
& dans les autres qu'un feul inftant ; mais
une action , quelque vive , quelque rapide
qu'elle foit, eft compofée d'une fuite infinie
de momens , & chacun d'eux doit être
fuppofé avoir quelque durée : ils font donc
tous fufceptibles de l'imitation que le pein-
tre en peut faire dans cette fucceffion de
momens dont eft compofée une action.
La figure doit ( par une loi que la nature
impofe aux corps qui fe meuvent d'eux-
mêmes) pafTer alternativement de Y équi-
libre y qui confifte dans l'égalité du poids
de fes parties balancées & repofées fur un
centre , à la cefTation de cette égalité. Le
mouvement naît de la rupture du parfait
équilibre , & le repos provient du rétablif-
fement de ce même équilibre.
Ce mouvement fera d'autant plus fort,
plus prompt & plus violent , que la figure
dont le poids partagé également de chaque
côté de la ligne qui la foutient , en ôtera
plus d'un de ces côtés pour le rejeter de
l'autre , & cela avec violence & préci-
pitation.
Par une fuite de ce principe , un homme
ne pourra remuer ou enlever un fardeau ,
qu'il ne tire de foi-même un poids plus
E Q U 855
qu'égal à celui qu'il veut mouvoir , &
qu'il ne le porte du côté oppofé à celui où
eft le fardeau qu'il veut lever. C'eft delà
qu'on doit inférer -que pour parvenir à
une jufte expreffion des actions , il faut
que le peintre faflè en forte que fes figures
démontrent dans leur attitude la quantité de
poids ou de force qu'elles empruntent pour
l'action qu'elles font prêtes d'exécuter. J'ai
dit la quantité de force ; parce que fi la figure
qui fupporte un fardeau , rejette d'un côté
de la ligne qui partage le poids de fon corps,
ce qu'il faut de plus de ce poids pour ba-
lancer le fardeau dont elle eft chargée, la
figure qui veut lancer une pierre ou un
dard , emprunte la force dont elle a befoin,
par une contorfion d'autant plus violente,
qu'elle veut porter fon coup plus loin ;
encore eft -il néceffaire,'pour porter fon
coup , qu'elle fe prépare par une pofition
anticipée à revenir aifément de cette con-
torfion à la pofition où elle étoit avant que
de fe gêner : ce qui fait qu'un homme
qui tourne d'avance la pointe de fes pies
vers le but où il veut frapper , & qui en-
fuite recule fon corps , ou le contourne ,
pour acquérir la force dont il a befoin ,
en acquerra plus que celui qui fe poferoit
différemment; parce que la pofition de fes
pies facilite le retour de fon corps vers
l'endroit qu'il veut frapper , & qu'il y re-
, vient avec vîtefîè , enfin s'y retrouve placé
commodément.
Cette fucceffion d'égalité & d'inégalité
de poids dans des combinaifons innombra-
bles ( que notre inftinct , fans notre parti-
cipation & à notre infu , fait fervir à exécuter
nos volontés avec une précifion géométrique
fi admirable ) fe remarque aifément dès que
l'on y fait la moindre attention : cependant
elle eft encore plus viable , lorfqu'on exa-
mine les danfeurs & les fauteurs , dont
l'art confifte à en faire un ufage plus raifonné*
& plus approfondi. Les faifeurs & équilibre y
& les funambules fur-tout, en offrent des
démonftrations frappantes ; parce que dans
les mouvemens qu'ils fe donnent fur des
appuis moins folides , & fur des points de
furface plus reftreints , l'effet des poids eft
plus remarquable & plus fubit , fur- tout
îorfqu'ils exécutentleurs exercices fans appui,
& qu'ils marchent ou fautent fur la corde
■i
856 EQU
fans contre poids: c'eft alors que vous voyez
1 emprunt qu'ils font à chaque inftant d'une !
partie du poids de leur corps pour foutenir j
l'autre, & pour mettre alternativement leur |
poids total dans un jufte balancement , ou
dans une égalité qui produit leurs mou- !
vemens ou le repos de leurs attitudes : c'eft j
alors qu'on voit dans la pofition de leurs
bras l'origine de ces contraires de mem-
bres qui nous plaifent , & qui font fondés
fur la néceflité ; plus ces contraries font
juftes & conformes à la pondération nécef-
faire des corps , plus ils fatisfont le fpec-
tJteur, fans qu'il cherche à fe rendre compte
de cette fatisfa&ion qu'il relient ; plus ils
s'éloignent de la néceflité , moins ils pro-
duifent d'agrémens , ou môme plus ils
bleflent , fans ^qu'on puhTe bien claire-
ment fe rendre raifon de cette expref-
fion.
Ce font ces obfervations qui doivent en-
gager les artiftes à imiter Léonard de Vincy,
& à employer leurs momens de loifir à des
réflexions approfondies ; ils fe formeront
par-là des principes certains , & ces prin-
cipes produiront dans leurs ouvrages ces
beautés vraies & ces grâces naturelles, qu'on
regarde injuftçment comme des qualités
arbitraires , & pour la définition defquelles
en emploie fi fou vent ce terme de je ne fais
quoi: expreflion plus obfcure cent fois que
ce que l'on veut définir, & trop peu phi-'
lofophique pour qu'il foit permis de l'ad-
mettre autrement que comme une plai-
fanterie.
En invitant les artiftes à s'occuper férieu-
fement de X équilibre & de la pondération
des corps , comme je les ai déjà exhortés
à faire des études profondes de Panatomie ,
)q crois les rappeller à deux points fonda-
mentaux de leur art. Je ne répéterai pas ce
que j'ai dit de Panatomie ; mais j'ofe leur
avancer que la variété , les grâces , la force
de Pexpreffion ont auffi leurs fources
dans les loix de X équilibre & de la pon-
dération ; & fans entrer dans des détails
qui demanderoient un ouvrage entier, je
me contenterai de mettre fur la voie ceux
qui voudront réfléchir fur ce fujet. Pour
commencer par la variété , quelle refTource
n'a-t-elle pas dans cette néceflité de difpofi-
tions différentes , relatives à X équilibre P que
EQU
la nature exige au moindre changement
d'attitude î Le peu d'attention fur les détails
de cette partie , peut iaiftèr croire à un
artifte fuperficiel , qu'il n'y a qu'un certain
nombre de pofitions qui foient favorables à
fon talent ; dès que fbn fujet le rapprochera
tant foit peu d'une de ces figures favorites ,
il fe fentira entraîné à s'y fixer par l'habitude
ou par la pareffe; & fi l'on veutdécompofer
tous fes ouvrages & les réduire à leur jufte
mérite, quelques attitudes, quelques group-
pes , & quelques caracleres de têtes éter-
nellement répétés, offriront lefond médiocre
fur lequel on portera un jugement qui lui
fera peu favorable. Ce n'eft point ainfi
qu'ont exercé , & qu'exercent encore cet
art immenfe , les artiftes qui afpirent à
une réputation folidement établie ; ils cher-
chent continuellement dans la nature les
effets , & dans le raifonnement les caufes
& la liaifon de ces effets : ils remarquent,
comme je viens de le dire , que le moin-
dre changement , dans la fïtuation d'un
membre , en exige dans la difpofition des
autres , & que ce n'eft point au hafard que
fe fait cette difpofition ; qu'elle eft déter-
minée non feulement par le poids des par-
ties du corps , mais par l'union qu'elles ont
entr'elles par leur nature, c'eft-à-dire, par
leur plus ou moins de folidité ; & c'eft
alors que les lumières de Panatomie du
corps doivent guider les réflexions qu'on
fait fur fon équilibre. Ils fentiront que cette
difpofition différente qu'exige le moindre
mouvement dans les membres , eft dirigée
à l'avantage de l'homme par un infrincT:
fecret , c'eft-à-dire , que la nature le porte
à fe difpofer toujours de la façon la plus
commode & la plus favorable à fon deftein.
La jufte proportion des parties & l'habitude
des monveméns y concourent : delà naît
dans ceux qui voient agir naturellement
une figure bien conformée , l'idée de la
facilité , de l'aifance ; ces idées plaifent :
delà naît celle de la grâce dans les adions.
Pour Pexpreffion , comme elle réfulte du
mouvement que Pâme exige du corps , &
que ce dernier exécute , on fent qu'elle eft
ainfî fubordonnée aux principes phyfiques
des mouvemens corporels , auxquels il
eft obligé de fe foumettre , pour obéir à
Pâme jufque dans fes volontés les plus rapi-
de*
E Q U
des & les plus fpontanées. Cet article efi
de M. Watelet.
ËQUILLE , f. f. (Fontaines falante s.)
Ce terme a plufieurs acceptions : il fe dit
premièrement d'une efpece de croûte qui
fe forme au fond des poêles par la grande
ardeur du feu , & qui arrête les coulés lorf-
qu'on héberge muire : fecondement , d'un
outil tranchant , avec lequel un des deux
ouvriers qui hébergent muire rompt la
croûte qui couvre le coulé dans l'endroit
que lui indique le champeur, afin d'y jeter
de la chaux-vive détrempée qui arrête le
coulé , lorfqu'il arrive à l'eau de fe faire
iffue fous la croûte , & de s'échapper :
troifiémement, delà croûte qui s'eft formée
au fond des poêles après la falinaifcn ; celle-
ci fe porte à la petite faline , pour y être
employée avec les autres matières falées.
* ÉQUILLEUR , f. m. (Fontaines
falantes.) c'eft celui qui après la falinaifon ,
eft chargé de détacher I'équille du fond
des poêles ; ce qu'il exécute avec une mafïè
de fer.
ÉQUIMULTIPLE , adj. en Arithméti-
que & en Géométrie , fe dit des grandeurs
multipliées également, c'eft-à-dire , par
des quantités ou des multiplicateurs égaux.
Voye\ MULTIPLTCATION.
Si on prend A autant de fois que B 3
c'eft-à-dire, fî on les multiplie également,
il y aura toujours le même rapport entre les
grandeurs ainfî multipliées , qu'il y avoit
entre les grandeurs primitives avant la mul-
tiplication. Or , ces grandeurs ainfî égale-
ment multipliées , font nommées équi mul-
tiple s de l^urs prirWtives A & B ; c'eft
pourquoi nous difons que les équimuldples
font en raifon des quantités fimpîes. Voye^
Raison.
En Arithmétique , on fe fert en général
du terme équimuldple } pour exprimer des
nombres qui contiennent également ou un
égal nombre de fois leurs fous-multiples.
Ainfî 12 & 6 font équimuldples de leurs
E Q U 857
fous-multiples 4. & 2 ; parce que chacun
d'eux contient fon fous-multiple trois fois.
Voye\ Sou s -multiple & Multiple.
Hams & C'aambers. (E)
EQUINOCTIAL, voyei Equi-
NOXIAL.
ÉQUINOXE, f. m. En AJlronomie ,
eft le temps auquel le foleil entre dans
l'équateur , & par coniéquent dans un des
points équinoxiaux. Voye^ ËQUINOXIAL.
Le temps où le foleil entre dans le point
equinoxiaî du printemps, eft appelle par-
ticulièrement Yéquinoxe du printemps y &
celui auquel le foleil entre dans le point
equinoxiaî d'automne , eft appelle équinoxe
d'automne. Voye{ PE.INTEMPS & AU-
TOMNE.
Les équinoxes arrivant quand le foleil eft
dans l'équateur ( voye\ EQUATEUR ) , les
jours font pour lors égaux aux nuits par
toute la tetre , ce qui arrive deux fois par
an ; favoir , vers le 20 . jour de mars , & le
20e. defeptembre ; le premier eft Yéquinoxe
du printemps , & le fécond celui d'automne.
C'eft delà que vient le mot équinoxe, formé
de cequus , égal , & de nox } nuit. Depuis
Yéquinoxe du printemps jufqu'à celui d'au-
tomne , les jours font plus grands que les
nuits ; c'eft le contraire depuis Yéquinoxe
d'automne jufqu'à celui du printemps (*)
Comme le mouvement du foleil eft
inégal, c'eft-à-dire, tantôt plus vite, tantôt
plus lent ( fur quoi voyz\ plus haut C article
ÉQUATION DU CENTRE ) , il arrive qu'il
y a environ huit jours de plus de Yéquinoxe
du printemps à Yéquinoxe d'automne , que
de Yéquinoxe d'automne à Yéquinoxe du
printemps ; parce que le foleil emploie
plus de temps à parcourir les fignes fep-
tentrionaux , qu'il n'en met à parcourir les
méridionaux.
Suivant les obfervations de M. Cafîini ,
le foleil emploie 186 jours 14. heures 53
minutes à parcourir les fignes feptentrio-
naux, & 178 jours 14 heures 56 minutes
* Plufieurs av.reurs ont dit qu'il y avoit eu autrefois fur la terre un éqvlnoxe perpétuel, c'eft- à-dite ,
que l'équateur & l'écliptique étoiem d'accord. Depuis qu'on a reconnu qu'ils fe rapprochoient infenfi-
blement , on en a conclu que cet éçuinoxe perpétuel reviendroit encore. Mais la diminution actuelle de
l'obliquité de l'écliptique étant caufée par les attractions de Jupiter & de Vénus fur la terre, on voit
que cette diminution ne peut aller qu'à quelques degrés, & qu'il en réfultera enfuite une augmentation;
ainfî il n'y a rien dans l'aftronomie , qu| indique ni pour les fiecles paffés, ni pour les fiecles à venir r
un équlnoxe perpétuel. (M. de la Lande.)
Tome XII, Qqqqq
858 EQ U
à parcourir ies méridionaux : la différence
eft de fept jours 23 heures 57 minutes.
Le foleil avançant toujours dans l'éclip-
tique , & gagnant un degré tous les jours ,
ne s'arrête point dans les 'points des équi-
noxes y mais au moment qu'il y arrive il
les quitte.
Donc , quoiqu'on appelle jour de V équi-
noxe celui où le foleil entre dans le point
équinoxial , parce qu'il eft réputé égal à
la nuit , cependant cela n'eft pas de la
dernière pr Jcifion^ car fi le foleil en fe le-
vant entre dans Yequinoxe du printemps ,
en fe couchant il l'aura pafte & s'en fera
éloigné du côté du feptentrion d'environ
12 minutes; parconféquent ce jour-là aura
un peu plus de 12 heures , & la nuit à pro-
portion en aura moins. Il n'y a que les
habitans de l'éqiiateur qui ont un équinoxe
perpétuel ; car fous l'équateur les jours
font , pendant toute l'année , égaux aux
nuits , abftra&ion faite des crépufcules.
Voyc\ Equateur.
Le temps des équinoxe s , c'eft-à-dire ,
îe moment auquel le foleil entre dans
l'équateur , fe peut trouver de la ma-
nière fuivante , par obfervation , lorfqu'on
connoît la latitude du lieu où . l'on ob-
ferve.
Le jour de Yequinoxe ou celui qui le
précède , prenez la hauteur précife du
foleil à midi ; fi elle eft égale à la hau-
teur de l'équateur , ou au complément
de la latitude , le foleil eft dans l'équa-
teur au moment même de midi ; fi elle
n'eft pas égale , la différence marque la
déclinaifon du foleil. Le jour fuivant ob-
iervez comme la veille la hauteur du foleil
à midi , & trouvez fa déclinaifon. Si la dé-
clinaifon eft de différentes dénominations ,
c'eft-à-dire l'une nord & l'autre fud ,
Yequinoxe eft arrivé dans l'intervalle des
deux obfervations ; finon , ou le foleil
avoit déjà pafte Yequinoxe au temps de la
première obfervation , ou il n'y eft pas en-
core entré. Au moyen de ces deux obfer-
vations, il eft aifé de fixer le temps de
Yequinoxe par un calcul allez fimple. Cette
méthode eft expliquée plus au long dans
les infiitutions aflwnomiques de M. le
Monnier, p. ^7- & on peut, fi on veut,
y avoir recours. Mais M. le Monnier la
E Q U
regarde comme peu propre à donner le
moment de Yequinoxe , parce qu'une er-
reur de 5 fécondes dans la déclinaifon ,
en produit une de 5 minutes dans le mo-
ment de Yequinoxe. C'eft pourquoi il croit
qu'on doit chercher le moment de Yequi-
noxe par une autre méthode , qui conlifte
à employer pour cela les afcenfions droites
des étoiies , & qu'il explique page 388 de
ce mîme ouvrage.
On trouve , par les obfervations , que
les points {tes équinoxes & tous les autres
points de l'ecliptique , fe meuvent conti-
nuellement d'orient en occident contre
l'ordre des fignes. Ce mouvement rétro-
grade des points équinoxiaux , eft appelle
précejjion des équinoxes. Voye\ PrÉCES-
SION , NUTATION , &c.
ÉQUINOXE, (Médecine.) Les médecins,
font auiîi mention des équinoxes , parmi
les caufes des maladies , parce qu'ils déter-
minent le commencement du printemps
& de l'automne , qui font des faifons où
les variétés dans la température de l'air
font fi confidérables & fi fréquentes ,
qu'elles produifent ordinairement de gran-
des altérations dans l'économie animale.
Voye\ Air , Saison. ( d)
ÉQUINOXIAL , fubft. m. en Afirono-
mie y eft un grand cercle immobile de
la fphere, fous lequel l'équateur fe meut
dans fon mouvement journalier. Voye^
Sphère.
U équinoxial ou la ligne équinoxiale , eft
ordinairement confondue avec l'équateur ,
mais ce n'eft pas la même chofe ; l'équa-
teur eft mobile , la ligne équinoxiale ne
l'eft pas : l'équateur eft fuppofé tracé fur
la furface convexe de la fphere , mais la
ligne équinoxiale eft imaginée tracée fur
la furface concave du grand orbe. Voye^
EQUATEUR.
On conçoit la ligne équinoxiale ? en fup-
pofant un rayon de la fphere prolongé par
delà l'équateur , & qui , par la rotation
de la fphere fur fon axe , décrit un cercle
fui» la furface immobile & concave du
grand orbe.
Toutes les fois que le foleil , dans fon
mouvement apparent , arrive à ce cercle,
les jours & les nuits font égaux pour tout
le globe , ce qui n'arrive dans aucun autre
E Q U
temps de l'année. Voye\ ÉQUATE.UR.
C'eft delà que ce cercle tire fon nom.
Voye\ EQUINOXE.
\J êquinoxial eft donc un cercle que le
foleil décrit ou paroît décrire dans le
temps des équinoxes , c'eft-à-dire , quand
la longueur du jour eft exactement ou
fenfibîement éga'e à la longueur de la
nuit , ce qui arrive deux fois par an.
Êquinoxial fe prend auftî adjectivement;
ainfi outre les mots ligne équinoxiale, qu'on
emploie quelquefois pour défigurer Yéquino-
xial , on fe fert encore des manières de
parler fuivantes.
Points équinoxiaux y font les deux points
dans Jefquels l'équateur & l'écliptique fe
coupent l'un l'autre : l'un , qui eft au pre-
mier point du bélier, eft appelle Véquinoxe
du printemps : l'autre , qui eft au premier
point de la balance , eft appelle Véquinoxe
d'automne , fur quoi voye\ PRÉCESSION
& Zodiaque.
Colure êquinoxial ou colure des équi-
noxes y eft celui qui palîe par les points des
équinoxes. Voye\ COLURE.
Cadran êquinoxial y eft celui dont le
plan eft parallèle à l'équateur. Voye\ Ca-
dran.
Orient êquinoxial y eft le point où l'ho-
rizon d'un lieu eft coupé par l'équateur
vers l'orient ; il en eft de même de l'occi-
dent êquinoxial ,' ces points font le levant
& le couchant aux équinoxes , différens du
levant & du couchant d'hiver & d'été.
V. Levant , Couchant, Orient,
Occident , &c
France équinoxiale > eft le nom que
quelques auteurs ont donné aux pays qui
appartiennent à la France , & qui fe trou-
vent fous V êquinoxial ou fort près de ce
grand cercle. L'iile de Cayenne , qui ap-
partient aux François , & qui eft à 4. de-
grès de l'équateur, fait la plus grande partie
de la France équinoxiale. M. Barrere , mé-
decin de Perpignan, & correfpondant de
l'académie des feiences de Paris , a donné
un ejjaifur Ukiftoire naturelle de la France
équinoxiale.
Le mot êquinoxial doit s'écrire ainfi ,
fi on le dérive d'équinoxe , & même de
œquus & nox ; mais il doit s'écrire équi-
noclial > fi on le dérive de cequus ? & d'un
E Q U 859
des cas du mot noxy comme noclisj nocles ,*
nous avons préféré la première orthogra-
phe , comme plus conforme à la pronon-
ciation , & du moins aufîi conforme à
1 etymologie , cependant plufieurs écrivent
équinoclial. (OJ
ÉQUIPAGE , f. m. ( Gramm.) il fe dit
en plufieurs occafions de toutes les chofes
néceftaires pour commencer , continuer ,
& finir avee facilité & fuccès , certaines
opérations , ou agréables , ou utiles , ou
périlîeufes , &c. Ainfi on dit équipage de
guerre. Voyez ï article fuiv. EQUIPAGE
de Chasse, Équipage depeche,6i-.
ÉQUIPAGE , (Aftron.) fe dit deraflem-
blage des oculaires que l'on applique à une
lunette ou à un télefc'ope. L! 'équipage le plus
fort eft celui qui grofîit davantage. CM. DE
la Lande. J
Équipage DE GUERRE, fe dit en
France de différentes chofes utiles à la guer-
re , c'eft-à-dire , des chevaux , des harnois ,
des tentes , & autres uftenfiîes que les offi-
ciers , tant généraux que particuliers , font
porter avec eux. L'artillerie & ce qui con- •
cerne les vivres forment aufîi des parties
efîèntielles des équipages de l'armée. Les
équipages de l'artillerie font compofésdu
canon , des mortiers , & de toutes les ef-
peces d'armes & de munitions néceftaires à
leur fervice. Pour les vivres , fes équipages
confiftent en caiflons ou chariots couverts
pour voiturer le pain des troupes , les fa-
rines , £rc.
Les équipages de guerre des officiers doi-
vent être les moins nombreux , & les plr.s
fimples qu'il eft pofîible. Nous avons fur
cet fujet de très-bonnes ordonnances pour
limiter & fixer le nombre des équipages 9
mais qui ne font pas toujours oofervées
rigoureufement. Une trop grande quantité
d'équipages eft fort incommode & embar-
raflànte dans les marches ; le nombre des
chevaux & mulets augmente aufîi la cen-
fommation du fourrage dans les camps ;
ce qui oblige le général d'envoyer promp-
tement fourrager au loin , au grand pré-
judice de fa cavalerie , oc ce qui l'oblige
aufîi fouvent à quitter un camp avanta-
geux , parce que la difette & l'éloignement
des éburrages ne lui permettent plus d'y
fubfifter.
Qqqqq Z
Stfo E Q U
Les équipages de guerre fe divifent en
gros & en petits. Les gros comprennent les
chariots & les charrettes ; & les petits , les
chevaux de bât & les mulets. Lorfque le
général a deflèin de combattre , il débar-
raffe Ton armée des gros équipages. On les
envoie avec une efcorte fous le canon de
quelque ville des environs ou de quelque
porte fortifié. On s'en débarrafïè encore
dans les détachemens & dans les courfes
qu'on veut faire dans le pays ennemi,
parce qu'ils retarderoient la marche , &
qu'ils ne pourroient pas paftèr dans tous
les chemins. On n'a donc dans ces fortes
d'expéditions que les menus équipages ,
c'efî-à-dire , des mulets & âes chevaux de
bât. Les gros éguipages , comme chariots
& charrettes , font plus commodes que les
petits pour tranfporter beaucoup de ba-
gages avec moins de chevaux , mais ils ont
l'inconvénient de ne pas pouvoir aller dans
toutes fortes de chemins. C'eft pourquoi
les Romains ne fe fervoient guère que de
bêtes de charge pour porter les équipages
de l'armée; encore étoient- elles en petit
r.ombre , parce qu'il n'y avoit que les per-
fonnes d'..»n rang diftingué qui euftènt des
valets.
Dans nos armées , le général peut avoir ,
félon l'ordonnance du 20 juillet 1741 , tel
nombre de gros équipages qu'il juge à pro-
pos ; un lieutenant-général ne doit avoir
que trente chevaux ou mulets , y compris
ceux qui font employés aux attelages de
trois voitures à roues ; un maréchal de
camp , vingt chevaux , y compris les atte-
lages de deux voitures à roues ; & un
brigadier , colonel ou meftre de camp ,
feize chevaux , y compris une voiture à
roues feulement.
Il eft défendu aux lieutenans-colonels ,
capitaines ,' & aux autres officiers fubal-
ternes , d'avoir aucune voiture à roues ,
& un plus grand nombre de chevaux de
monture ou de bât , que celui pour lequel
ils reçoivent du fourrage.
Les officiers , qui , à caufe de leurs in-
firmités , ne peuvent fe tenir à cheval ou
en fupporter la fatigue , obtiennent une
permifîion du général pour avoir une
chaife roulante. Chaque bataillon ^eut
avoir un chariot ou une charrette pour un
E Q U
vivandier , qui campe avec le bataillon.
II eh eft de même pour un régiment de
cavalerie de deux ou trois efcadrons.
Les régimens de cavalerie , dragons , &
infanterie , peuvent aufTï avoir une char-
rette pour un boulanger. Il eft défendu
aux colonels d'avoir ces charrettes à la place
des vivandiers & des boulangers , auxquels
elles font permifes pour les befoins du ré-
giment; elles doivent être attelées de quatre
bons chevaux. Voye\ , fur cefujet , le code
militaire de Briquet , ou l'abrégé qu'en a
donné M. d'Héricourt, dans le livre intitulé
élémens de Van militaire,
Il eft du devoir du général de veiller à
la confervation des équipages de fon armée,
parce que leur enlèvement met les officiers
qui les ont perdus , dans de grands em-
barras , & qu'il leur ôte d'ailleurs la con-
fiance qu'ils peuvent avoir au général ;
attendu que cet inconvénient ne peut
arriver , félon M. de Feuquiere , que par
la faute du commandant , au moins les
enlévemens généraux; car il en arrive
tous les jours de particuliers par la faute
des valets qui s'écartent de la colonne des
équipages , & dont le général ne peut être
refponfable.
Les équipages de guerre de Charles XII ,
roi de Suéde , ne dévoient point être fort
confidérables : « fon lit , dit M. de Folard ,
» qui l'avoit vu en Scanie , confiftoit en
» deux bottes de paille , & une peau d'ours
» par deiTus. Il couchoit tout habillé ,
» comme le moindre de fes foîdats. Le
m comte de la Marck , ambafïadeur de
» France , que ce prince eftimoit infini-
» ment , lui perfuada de coucher dans un
» lit pour la première fois depuis la guerre ;
» mais quel étoit ce lit ! un feul matelas ,
» des draps , & une couverture , fans
* rideaux Toute fa vaiftelle étoit de
jy fer battu y jufqu'à fon gobelet. » Note
fur Polybe y tome V > 484.
L'ufage de la vaiiïèlle d'argent pour les
généraux n'eft pas ancien dans nos armées»
On prétend que le compte d'Harcourt
( Henri de Lorraine , mort le 25 juillet
1666 ), qui fcommandoit les armées du
temps de Louis XIII , & dans la minorité'
de Louis XIV , eft le premier qui s'en foit
fervi. Suivant l'ordonnance du 8 avril 1735 1
E Q U
les colonels, capitaines, officiers fubalter-
nes ou volontaires, ne peuvent avoir dans
leur équipage d'autre vaifTelle d'argent que
des cuillers , de fourchettes & des gobelets.
M. le Marquis de San da-Crux ayant prouvé
dans fes lé flexions militaires y t. I _, p. qij
& fuit', les inconvéniens des équipages trop
nombreux , obferve que leur excès vient de
la diverfité des mecs , que de cette diverfité
naît l'intempérance , & que de l'intempé-
rance viennent les maladies. « Les trop
jy grands équipages , dit ce favant ôt
» illuftre ofRcLr , font des fuites des foins
» honteux qu'on fe donne pour contenter
» fa bouche. Peut-on , fans indignation,
>y ajoute-t-il, entendre des généraux de
r> certaines nations, qui ne parlent jamais
» que de faufTes & de ragoûts , & font
>■> de leurs entretiens une converfation de
yy cuifinier ? Combien de fois arrive-t-il
>i qu'un général occupe fon imagination
r> des plats qu'on doit fervir fur fa table ,
» quand il ne devroit penfey qu'aux devoirs
9> importansduftTvice de fon prince?» (Q)
ÉQUIPAGE DE SIEGE , (Art mil.) Lorf-
qu'on fe propofe de former un équipage de
fiege y l'on ne fauroit apporter trop d'acli-
viré & de foins pour connoître 1-a force:
la fituanon de la place , & l'état de fa
garnifon ; fi l'on peut y former une ou
plusieurs attaques ; fi , pour fe mettre à
couvert d'une armée d'obfervation , l'on
fera obligé de creufer des lignes de circon-
vallacion. On doit donc connoître tous les
environs de la place, fur- tout les forêts
& les taillis , pour en tirer des bois pro-
pres aux conftruciions , aux fafcines , ga-
bions , &c.
Si la place qu'on fe propofe d'attaquer
n'eft fufceptible que d'un front d'attaque ,
il faudra moins de pièces de canon & de
mortiers , mais plus de munition pour
chacune de ces armes ; car lorfqu'on peut
attaquer une place par deux ou trois points -
difFérens , l'effort des afîiégés fe trouve di-
vifé , & par ce moyen le fiege n'eft pas fi
long. Il faudra donc plus de pièces & de
mortiers , mais moins de munitions , que
lorfque la place n'eft attaquable que par
un feul endroit , où l'effort des afîiégés
réunis doit contribuer beaucoup à la durée
du fiege.
E Q U 861
Si la place eft reflèrrée , les bombes y
feront un grand effet : l'on aura foin d'en
avoir quantité. Je ne prétends pas au refte
juftifier la barbarie qui porte un général
chargé de la conduite d'un fiege, à dé-
truire de fond en comble les maifons de la
place : je veux dire feulement , que lorfque
les ouvrages d'une place qu'on aftiege , fe
trouveront fujets à être enveloppés , tels
par exemple , que les ouvrages à corne , à
couronnes , dont les côtés feront longs , on
peut attendre tout le fuccès pofïible en y
jetant des bombes.
Si l'on eft près de plufieurs villes dont
on eft le maître , fi l'on peut avec sûreté
en tirer des approvifionnemens , & fi les
chemins ne font pas expofés à devenir
impraticables , par les pluies, les torrens,
&c. on pourra regarder ces places comme
faifant de féconds parcs , & il feroit inu-
tile de former des amas prodigieux de
munition , dont on fe trouveroit embar-
raffé à la fin du fiege ; mais dans ce cas,
il faut être bien sûr que l'armée d'obfer-
vation ne pourra point couper les commu-
nications & rendre inutiles les fecours que
l'on peut tirer de ces places..
Si l'on eft obligé de former des lignes ,
il faudra fe munir de quantité d'outils à
pionniers : un tiers de plus que le nombre
qu'on emploie à l'ouverture de la tranchée,
fera fuiïifant : dans le cas où on fera forcé
de faire des lignes , il faudra beaucoup
d'artillerie de campagne pour les garder.
Si l'on n'ufoit pas de précaution , il pour-
rait arriver que l'armée d'obfervation vînt
attaquer dans le même temps que la gar-
nifon feroit une fortie ; pour lors on feroit
forcé de lever le fiege. Il eft vrai que fi
la garnifon eft foible , l'on ne doit point
craindre fes forties , parce que fes attaques
n'ont de réuflite qu'autant que les afîiégés
font nombreux.
Si la place eft fituée fur des hauteurs ,
& qu'il n'y ait pas un fond affez confidé-
rable de terre , il faudra beaucoup de pics
à roc , peu de bêches , un approvisionne-
ment confidérable pour les mineurs : on
ne fauroit trop fe munir de facs à terre ,
& fur-tout de facs à faine. Si la place efl
environnée de rocs vifs, ou fi les ouvrages
font taillés dans le roc , ou enfin , fi l'on
Uz EQU
ne trouve pas un fond de terre afTez con- ;
fidérable pour former les lignes d'appro-
ches ; dans foutes ces circonstances , on
doit employer les facs à laine & réferver '
les facs à terre pour la construction des !
batteries , parce que ces ouvrages qui exi- t
gent de la folidité , font plus expofes à
l'artillerie de la place : l'intendant doit
fournir les facs à laine.
Si' la place eft fumée dans de la bonne
terre , il faudra fe pourvoir de quantité de
bêches : fi elle eft fituée dans une terre lé-
gère & fablonneufe , on aura foin d'avoir
plus d'efeoupes , que de bêches , quantité
de bois pour les fafeines & beaucoup de
facs à terre ; car les fables ne donnent
jamais une liaifon afïèz considérable pour
former des batteries foîides & à l'épreuve
des boulets. En fe fervant de facs remplis
de terre , on peut établir une batterie qui
réfiftera mieux à l'effort des boulets , que
fi l'on fe fût feulement fervi des terres
légères & des fafeines pour la conftruire.
Si la place eft fituée dans un terrein
marécageux , fujet aux inondations tant
naturelles qu'artificielles ; fi les folles font
remplis d'eau , il faudra fe fournir de tout
ce qui eft néceffaire pour y faire des
ponts , ou de bateaux , ou de chevalets ,
ou fur pilotis ; alors il eft efïentiel d'avoir ,
i°. quantités de bois pour la construction
des fafeines ; 2°. des bois de charpente ;
3°. de gros madriers , parce que l'on fera
obligé de former les batteries furv des di-
gues , & l'on doit obferver que ces digues
ne feront point d'une grande folidité, fi
Ton n'a pas l'attention de recouvrir les
terres tranfportées par de forts madriers:
on emploiera auffi des madriers pour les
petites communications; car dans un ter-
rein marécageux , on eft obligé d'ouvrir
un foffé pour l'écoulement des eaux , &
fur ces foffés l'on ne fauroit faire trop de
communications pour pouvoir fe porter
avec célérité à tel ou tel point d'attaque.
Si la place eft coudée ou avoifinéë d'une
groffe rivière , on fe fervira des bateaux
du pays pour les tranfports des munitions ;
ii faudra fe fournir d'un équipage de pont
proportionnel à la largeur de la rivière ;
l'on en reconnoîtra le fond & le courant:
ii l'eau eft dormante & qu'elle ne foit pas
EQU
fujette à déborder , on pourra faire pafTer
fur un pont de pontons de cuivre, des
pièces de 24. , chargées fur des chariots à
porte-corps ; l'on aura foin de doubler les
pontons. Voy. Ponts DE PONTONS. Si la
rivière eft fujette à fe déborder , ou qu'elle
ait un courant rapide , il ne taut point fe
fervir de cette efpece de pont. On doit
obferver que dans une attaque , les ponts
que l'on jette fur les rivières , doivent être
à demeure pour fervir de communication ,
& que les ponts de pontons de ébivre ne
pouvent pas réfifter long-temps : dans ce
cas , il fera plus prudent de conftruire des
ponts faits avec des bateaux du pays, ou des
pontons de bois , tels que ceux que l'on
exécute à Strasbourg & à Metz.
Si l'on trouve des bois près de la rivière,
pour lors , avec des foins & de l'induftrie ,
on pourra épargner beaucoup de dépenfes
au fouverain : fi l'on ne trouvoit pas des
bois taillis près de la rivière , il faudroit
fe pourvoir ailleurs de piquets , fafeines ,
brancards, gabions , blindes, chandeliers,
chafîîs de mine : mais ces fortes de tranf-
ports caufent toujours un embarras prodi-
gieux.
Le commandant de l'artillerie ignore
quelquefois fur quelle ville le général a
fixé fes defTeins : fouvent même la cour
fe contente d'ordonner qu'on aiTemblera
fur un certain point un équipage defiege y
elle fixe pour l'ordinaire le nombre des
pièces & des mortiers , fans autres détails ;
dans ce cas , le chef de l'artillerie doit fe
rappeller qu'il vaut mieux pécher par une
trop grande abondance , que par défaut
d'approvifionnement. Dans l'attaque d'une
place , le défaut d'approvifionnement peut
faire échouer l'entreprife , & occafioner la
levée d'un fiege.
Dans les fieges les plus considérables ,
on peut fe régler fur 1000 boulets par
pièce; 500 bombes de 12 pouces de dia-
mètre , pour chaque mortier du môme
calibre ; 700 bombes de 8 pouces, & des
bombes d'obus, pour chaque obufier ou
mortier de ce diamètre. A l'égard du nom-
bre des pièces , il eft difficile d'en fixer un
état précis , parce qu'il dépend de la place
afliégée & du nombre d'attaques que l'on
propofe de faire.
E Q U
Si la défenfe eft opiniâtre & que le fîege
traîne en longueur , on aura le temps de
fe procurer des fecours ; mais dans tous
les cas , il eft de la dernière conféquence ,
i°. détenir un état exaâ de tout ce qui
fe confomme chaque jour ; 2°. de con-
noître les provifîons du parc , fa fituation ,
les chemins par lefquels on fait venir les
approvifionnemens , & le temps que les
voitures emploient pour arriver au parc.
On doit apporter la plus grande éco-
nomie dans les munitions de poudre , fur-
tout lorfqu'on n'eft encore qu'à la pre-
mière parallèle , c'eft-à-dire , à trois ou
quatre cents toifes du corps de la place.
Le commandant de l'artillerie doit em-
ployer les repréfentations les plus vives
pour empêcher l'abus de ces cannonnades
qui ne mènent à rien, puifque l'incerti-
tude des coups ne permet pas de fe pro-
pofer un grand effet de leurs feux. Il en
eft de même des batteries : l'on doit faire
attention à ce qu'on ne les multiplie pas
inutilement , & faire des repréfentations à
ce fujet. Il nous paroît que dans les cir-
conftances où il s'agit de la diftrjbution
des canons , &c. on devroit s'en rapporter
à la prudence du chef de l'artillerie r offi-
cier qui n'arrive jamais à ce grade que par
une expérience confommée, & par des
talens reconnus. Dans X article S I E G E ,
iious entrerons dans des détails plus cir-
conftanciés. (H. D. P.)
ÉQUIPAGE D'UN V AISSEAU ,(Marine.)
On entend par ce mot le nombre des offi-
ciers , fo'dats & matelots qui font embar-
qués fur un vahTeau , pour fon fervice &
fa manœuvre , pendant le cours de la
campagne. Les vaiffeaux de guerre ont un
équipage bien plus fort & plus nombreux
que les vaiffeaux marchands : un vaifïèau
de 80 pièces de canon en a davantage qu'un
vaifïèau de 50.
L'ordonnance de la marine, de 1689 ,
règle le nombre d'hommes qui compofent
Y équipage d'un vaifïèau , félon fon rang.
Ceux du premier rang , prearier , fécond
& troifïeme ordre , ont 8co , 700 & 600
hommes $ équipage.
Ceux du fécond rang y premier , fécond
& troifïeme ordre, ont 500, 450 & 400
hommes.
EQ U 863
Ceux du troifïeme & quatrième rangs ont
350 & 300 hommes.
Aujourd'hui les équipages font plus forts
que dans ces temps-là ; cependant en 1704,
au combat de Malaga , le vaiffeau îè
Foudroyant , de 104 canons , avoit 9^0
hommes d'équipage. Le vaifïèau du Roi ,
l'Efpérance , de 78 pièces de canon , armé
en 1740 , avoit 660 hommes d'équipage. On
comprend dans V équipage y l'état-major ,
les officiers-mariniers , les matelots , les
foldats & les mouffes.
Dans un vaifïèau où il y a 8 à 900
hommes dt équipage , Pétat-major eft à peu
près de 1 5 à 20 perfonnes. Les officiers-
mariniers montent au moins à 100, ca-
nonniers environ $0 , matelots 450 , foldats,
250 ; mais ceci eft fufceptible de beaucoup
de variétés , fuivant les circonftances & la
deftinftion de l'armement. (Z)
ÉQUIPAGE DE PONT , voye\ PONT.
ÉQUIPAGE D'ATTELIER, (Marine.) fe
dit dans le port , de toutes les machi-
nes & outils qui fervent pour la conf-
trudion. (Z)
ÉQUIPAGE DE POMPE. (Marine.) Il
fe dit de toutes les pièces & garnitures qui
font nécefïaires pour la mettre en état de
fervir. (Z)
ÉQUIPAGE , (Hydraul) On dit V équi-
page d'une pompe , ce qui renferme feule-
ment les corps , les piftons , les fourches ,
les tringles , & les moifes qui les attachent
à des chaffis qui font à coulifïes , & qui
fe peuvent glifïèr dans les rainures des
dormans ou bâtis de charpente fcell es dans
les puits & citernes où on conftruit des
pompes. (K)
ÉQUIPAGE: on nomme ainfi , dansle
commerce de terre y tout ce qui fert à
conduire les charrettes , chariots & autres
voitures par terre ; ce qui comprend les
chevaux , leurs felles , traits & attelages :
on le dit aufïi des chevaux, mulets &
autres animaux de charge des mefïàgers
& voituriers.
Les chevafux & équipages des voituriers
& autres' perfonnes qui veulent faire entrer
ou fortir des marchandifes en fraude des
droits du roi , ou celles qui font cenfées
de contrebande , font fujets à confifcacion
par les ordonnances du roi pour les cinq'
86*4 E Q U
grofîès fermes , aides & gabelles. Diction-
naire de Commerce > de Trévoux 9 Ù
Chambers.
EQUIPAGE , (Architecture.) fe dit dans
un attelier , tant des grues , gruans , chè-
vres , vindas . chariots & autres machines ,
que des échelles , baliveaux , dofîès , corda-
ges , & tout ce qui fet.t pour la conftruclion
& pour le tranfoort des matériaux. (P)
ÉQUIPE , f. f. terme de Rivière ,• c'eii
une fuite de bateaux attachés à la fuite les
uns des autres , & allant à la voile , quand
le vent eff favorable ; ou tirés par des
hommes , quand le vent eft contraire. Ce
terme eft fur-tout ufité fur la Loire.
ÉQUIPE , ad), en Blafon : il fe dit d'un
cavalier armé de toutes pièces. Il fe dit
auiîi d'un vaiffeau qui a les voiles & fes
cordages.
La Nauve , de gueules à la nef équipée
d'argent , furmontee de trois étoiles d'or.
EQUIPEMENT ou ARMEMENT ,
f. m. ( Mar.) c'eft l'aftèmblage de tout ce
qui eft néceffàire , tant pour la manœuvre
du vaiffeau , que pour la fubfiftance &
armement des équipages. (Z)
EQUIPER UN VAISSEAU , (Mar.)
c'eft l'armer , & y mettre toutes les mu-
nitions , agrès & apparaux néa.flàires pour
la campagne , de même que le nombre de
matelots & de foldats. (L)
EQUIPOLÉ, adj. terme de Blafon,
qiii fe dit de neuf carrés mis en forme
d'échiquier , dont cinq , favoir ceux dts
quatre coins & du milieu , font d'un métal
différent de celui des quatre autres.
Saint Prieft en Forez , cinq points d'or
équipolés à quatre d'azur.
ÉQUIPOLLENŒ, f. f. adjed. terme
de Logique. Lorfque deux ou plufieurs ex-
preffions ou proportions lignifient une feule
& même chofe , ces expreflions ou ces pro-
pofitions font dites équipoHemes; & la pro-
priété qu'elles ont d'exprimer la même chofe
de diftete-tes façons, fe nomme équipol-
lence. V. Synonyme & Equivalent.
EQUIPOLLENT , adj. (Jurijp.J fe
dit d une chofe qui équivaut à une autre ;
ainfi l'on dit que le feigneur peut prendre
un droit de mutation pour tous les contrats
de vente , & autres équipollens à vente ,
c'eft - à - dire , pour tous les actes , qui
EQU
quoique non qualifiés de ventes > opèrent
le même effet.
Équipollent étoit aufîî un droit qui fe
levoit fur les chofes mobilières du temps
de Charles VI , pour les frais de la guerre ;
au lieu de 12. deniers pour livre qui fe
levoient ailleurs. Voye^ EQUIVALENT.
Équipollent fe dit auffi quelquefois en
Languedoc , pour équivalent , qui eft un
fubfide qui fe paie au roi. Voye\ ci-après
ÉQUIVALENT. (A)
EQUIPONDERANCE , f. f. Équi-
PONDÉRABLE, adj. (Phyf.) On a cru de-
voir conferver ces mors déjà employés par
quelques chymiftes , pour exprimer une
idée que ne renferme pas allez exactement
le terme d'équilibre. L'équilibre eft une
égalité de forces qui agifîènt en fens con-
traire. Véquipondérance eft l'égalité de pe-
fanteur ou d'attraction au centre de la terre.
L'équilibre dépend des rapports compofés
des maffes , des vîtefies , des réfiftances , de
la longueur des leviers , &c. L'équipondé'
rance ne dépend que de la gravitation pro-
pre des deux corps comparés. Un corps eft
équipondérable à l'eau , îorfqu'il fe foutient
indifféremment dans toutes les parties de
ce fluide , fans éprouver aucune action qui
tende à le déplacer ; c'eft-à-dire , lorfque
ni ce corps , ni le fluide ne font attirés avec
une force fupérieure. 11 y a plufieurs moyens
chymiquesde produire ou de détruire Véqui-
pondérance entre deux corps; mais tous ces
moyens fe bornent à changer la gravitation
propre de l'un des deux. Voye\ DISSOLU-
TION, (M. de Morveau.)
§. ÉQUIPPOLÉS , adj. pi. (terme de
Btajon.J fe dit quand un écu eft rempli de
neuf carrés en forme d'échiquier , que l'on
nomme points ; ceux des quatre angles oc
celui du milieu étant d'un émail & les
quatre autres de différent émail : on bla-
fonne les cinq premiers points, en y ajoutant
le mot équippolés _, enfuite les quatre points
qui reftent.
De la Roche de Sainte- Hypolite, en
Franche-Corftté; cinq points d' 'or équippolés
à quatre d'azur.
De Salornay , de Pufigny , en Bour-
gogne ; cinq points d'or équippolés à quatre
de gueules. ( G. D. L. T. )
* EQUIRIES, f. f. (HijLanc.) fêtes
inftituées
E Q U
InîVifué'es par Romulus en l'honneur du
dieu Mars ; on les célébroit le 27 de février
dans le champ de Mars , par des courfes
à cheval.
ÉQUISSONNANCE , f. f. (Mufiq.)
nom par lequel les anciens diflinguoient des
autres confonnances celles de l'octave & de
la double octave , les feules qui fafTent pa-
raphonie. Comme on a anfli quelquefois
befoin de la même diftinction dans la mu-
fîque moderne , on peut l'employer avec
d'autant moins de fcrupule , que la fer.fa-
tion de l'octave fe confond très- fou vent à
l'oreille avec celle de l'uniflon. (S)
ÉQUITATION , f. f ( Hiji. anc. ù
mod.J c'eft l'art de monter à cheval.
De V ancienneté de l'équitadon.Ù de Vu-
fage des chevaux dans Us armées. L'art de
monter à cheval , femble être aufîi ancien
que le monde. L'Auteur de la Nature , en
donnant au cheval les qualités que nous lui
connoifîbns , avoit trop fenfibîement mar-
qué fa deftination , pour qu'elle pat être
long-temps ignorée. L'homme ayant fu , par
un jugement fur & prompt , difcerner dans
la multitude infinie d'êtres différens qui
Tenvironnoient , ceux qui étoient particu-
lièrement deilinés à fon ufage , en auroit-il
négligé un fi capable de lui rendre les fer-
vices les plus utiles ? La même lumière qui
dirigeoit {on choix lorfqu'il foumettoit à
fon domaine la brebis , la chèvre , le tau-
reau , Péclaira fans doute fur les avantages
qu'il devoit retirer du cheval , foit pour
paffer rapidement d'un lieu dans un autre ,
foit pour le tranfport des fardeaux , foit
pour la facilité du commerce.
Il y a beaucoup d'apparence que le cheval
ne fervit d'abord qu'à foulager fon maître
dans le cours de fes occupations paifibles.
Ce feroit trop préfumer que de croire qu'il
fût employé dans les premières guerres que
les hommes fe firent entr'eux : au com-
mencement , ceux-ci n'agirent point par
principes ; ils n'eurent pour guide qu'un
emportement aveugle , & ne connurent
d'autres armes que les dents , les ongles ,
les mains , les pierres , les bâtons ( a ).
E Q U 865
L'airain & le fer fervirent enfuite leur fu-
reur ; mais la découverte de ces métaux
ayant facilité le triomphe de l'injuitice &
de la violence , les hommes , qui îormoient
alors des fociétés naiflàntes , apprirent , par
une funefte expérience , qu'inutilement ils
compteroient fur la paix & fur le repos ,
tant qu'ils ne feroient point en état de re-
poulTer la force par la force : il fpllutdonc
réduire en art un métier deftru&eur , &
inventer des moyens pour le pratiquer avec
plus d'avantage.
On peut compter parmi ces moyens ,
celui de combattre à cheval : aufîi l'hiftoire
nous attelte-telle que l'homme ne tarda
point à le découvrir & à le mettre en pra-
tique : l'antiquité la plus recuite en offre
des témoignages certains.
Les inclinations guerrières de cet animal ,
fa vigueur , fa docilité, fon attachement,
n'échappèrent point aux yeux de l'homme ,
& lui méritèrent l'honneur de devenir le
compagnon de fes dangers & de fa gloire.
Le cheval paroît né pour la guerre ; fi
l'on pouvoit en douter , cette belle def-
cription qu'on voit dans le livre de Job
Çch. xxx jx y v. 19.) fufhroit pour le prou-
ver : c'eft Dieu qui parle , & qui interroge
le faint patriarche.
« Eft-ce de vous , lui demande-t-il , que
» le cheval tient fon courage & fon intré-
» pidité ? vous doit -il fon fier henniiîe-
m ment, & ce foufrle ardent qui fort de
» fes narines , & qui infpire la terreur ? II
» frappe du pié la terre , & la réduit en
» poudre ; il s'élance avec audace , & fe
» précipite au travers des hommes armés :
» inacceiT.ble à la crainte, le tranchant des
» épées , le fixement des flèches , le brillant
» éclat des lames & des dards , rien ne
» l'étonné , rien ne l'arrête. Son ardeur
» s'allume aux premiers fons de la trom-
» petre ; il frémit ; il écume , il ne peut
» demeurer en place : d'impatience il mange
j » la terre. Enrend-il fonner la charge , il
J » dit , allons : il reconnoît l'approche du
J m combat , il diftingue la voix des chefs
j » qui encouragent leurs foldats : les cri*
(4) Arma antlqua mari us , ungues , tUntefcue fuerunt ,
Et iapldes > & item fylvarum fragmina ratnl , &C.
Lucretiiis , de rerum natura , lib. V
Tome XII.
Rrrrr
%66 E Q U
»> confus des armées prêtes à combattre,
?5 excitent en lui une fenfation qui l'anime
» & qui l'intéreflè. n
Equus p.aratur in diem belll > a dit le plus
fage des rois. Prov. ch. xxj.
L'unanimité' de fentiment qui règne à
cet égard chez tous les peuples , eft une
preuve qu'elle a fon fondement dans la na-
ture. Les principaux traits de îa defcription
précédente fe retrouvent dans l'élégante
peinture que Virgile a tracée du même
animal :
Continua pecoris generofi pullus in arvis
Altius ingreditur 3 & mollia crura reponit.
Primus & ire viam, & fluvios tentare minaces
Audet , & ignoto fefe committere ponti ;
Nec vanos horrct Jlrepitus. . . . •
. . Tum fi qua fonum procul arma dedêre ,
Stare loco nefcit ', micat auribus , 6» tremit artus ,
Çolleclumquc premens volvit fub naribus ignem.
Virg. Georg. lib. III , verf. j$.
Homère (II. I. XIII.) le plus célèbre de
tous les poètes , & le chantre des héros, dit
que les chevaux font une partie eflentielle
des armées , & qu'ils contribuent extrême-
ment à la victoire. Tous les auteurs anciens
©u modernes qui ont traité de la guerre ,
ont penfé de même ; & la vérité de ce ju-
gement eft pleinement juftifiée par la pra-
tique de toutes les nations. Le cheval anime
en quelque forte l'homme au moment du
combat ; fes mouvemens , fes agitations
calment cette palpitation naturelle dont les
plus braves guerriers ont de la peine à fe
défendre au premier appareil d'une bataille.
A la noble ardeur qui domine dans ce
fuperbe animal , à fon extrême docilité pour
la main qui le guide , ajoutons pour dernier
trait qu'il eft le plus fidèle & le plus recon-
noiffant de tous les animaux , & nous au-
rons rafTèmbîé les puifTans motifs qui ont
dû engager l'homme à s'en fervir pour la
guerre.
EQU
Fidelijfimum inter omnia animalia y ho~
mini eft canis atque equus 3 dit Pline , Clip.
VIII y ch. xl.J AmiJJbs Jugent dominos >
ajoute-t-il plus bas ( ' ibid.ch. xlij.) lacry-
mafque interdùm defiderio fundunt. Homère
( Iliade y liv. XVII y) fait pleurer la more
de Patrocle par les chevaux d'Achille. Vir-
gile donne le même fentiment au cheval de
Pallas , fils d'Evandre :
.... Pofitis infignibus JEthon
h lacrymans , guttifque humectât grandïbus ors,
iEneid Lib.Xl , v. 8 p.
L'hiftoire (b) n'a pas dédaigné de nous
apprendre que des chevaux ont défendu ou
vengé leurs maîtres à coups de pies & de
dents , & qu'ils leur ont quelquefois fauve
la vie.
Dans la bataille d'Alexandre contre Porus.
( Aul. Gell. noctium Attic. I. V> ch. ij y & Q.
Curt. /. VIII) , Bucéphale couvert de blef-
fures & perdant tout fon fang , ramafla
néanmoins le refte de fes forces pour tirer
au plus vite fon maître de la mêlée , où il
couroit le plus grand danger : dès qu'il fut
arrivé hors de la portée des traits . il tomba ,
& mourut un inftant après ; paroifTant fa-
tisfait , ajoute l'hiftorien , de n'avoir plus
à craindre pour Alexandre.
Silius Italicus ( l. X.) & Jufte Lipfef in
epiftol. ad Belgas.) nous ont confervé un
exemple remarquable de l'attachement ex-
traordinaire dont les chevaux font ca-
pables.
A la bataille de Cannes , un chevalier
Romain nommé Clcelius y qui avoit été
percé de plufieurs coups , fut laiffé parmi
les morts fur le champ de bataille. Annibal
s'y étant tranfporté le lendemain , Claelius ,
à qui il reftoit encore un fouffie de vie prêt
à s'éteindre , voulut, au bruit qu'il enten-
dit , faire un effort pour lever la tête , &
parler ; mais il expira aufîi-tôt , en pouffant
un profond gémifTement. A ce cri , fon
cheval qui avoit été pris le jour d'aupara-
vant , & que montoit un Numide de là
( b) Occlfo Sohytarum Regulo es provocatione d'rmicante, hofiem (cùm victor ad fpoîiandum venijfet) ah equa ejuf
Iciibus morfuque confeclum ejfe. ..... Ibidem Phylardms refert Centaretum è Galatis in pralio , occifo Antiocho ,
goûta equo ejus , confeendiffe ovantem ; at illum- indignatione accenfum , demptis franis ne régi pojfct , prxcipitemi
in. abmpta ijfe exanimtumqus unà, Liv. VIII , c, xiij , de Pline.
E QU
fuîte d'Annibal , reconnoifïànt la voix de
fon maître, drefïe les oreilles, hennit de
toutes fes forces , jette par terre le Numide,
s'élance à travers les mourans & les morts ,
arrive auprès de Clslius : voyant qu'il ne
fe remuoit point , plein d'inquiétude & de
trifteflè , il fe courbe comme à l'ordinaire
fur les genoux , & femble l'Inviter à monter.
Cet excès dafFe&ion & de fidélité* fut ad-
miré d'Annibal , & ce grand homme ne
put s'empêcher d'être attendri à la vue d'un
fpe&acle fi touchant.
Il n'eft donc pas étonnant que par un jufte
retour, (s'il eft permis de s'exprimer ainfi)
d'illuftres guerriers , tels qu'un Alexandre
& un Céfar , aient eu pour leurs chevaux
un attachement fingulier. Le premier bâtit
une ville en l'honneur de Bucéphale : l'autre
dédia l'image du fien à Vénus. On fait
combien la pic de Turenne étoit aimée du
foldat françois, parce qu'elle étoit chère
à ce héros (c).
Le peu de lumières que nous avons fur
ce qui s'eft parle dans les temps voifins du
déluge , ne bous permet pas de fixer avec
précifion celui où l'on commença d'em-
ployer les chevaux à la guerre. L'écriture
(Gen. ch. xiv.) ne dit pas qu'il y eût de la
cavalerie dans la bataille des quatre rois
contre cinq , ni dans la vi&oire qu'Abraham
bientôt après remporta fur les premiers ,
qui emmenoient prifonnier Loth fon neveu.
Mais quoique nous ignorions , faute de dé-
tails fuffifans , Pufage que les patriarches
ont pu faire du cheval , il feroit abfurde
d'en conclure qu'ils eurent l'imbécillité ,
fuivant l'expreflion de S. Jérôme [Comment,
du chap. xxxv j. ^"Ifaïe ) , de ne s'en pas
fervir.
Origene cependant l'a voulu croire. On
ne voit nulle part, dit-il , (Homélie xviij J
que les enfans d'Ifraël fe foient fervis de
chevaux dans les armées. Mais comment
a-t-il pu favoir qu'ils n'en avoient point? il
E Q U Mj
faut, pour le prouver, une évidence bien
réelle & des faits conftans. La loi du Deu-
téronome, (ch. xvijy v.iG.) dont s'appuie
S. Jérôme, non multiplicabit fibi equos y
n'exclut pas les chevaux des armées des Juifs;
elle ne regarde que le vo\,Jibi y encore (d)
ne lui en défend-elle que le grand nombre ,
non multiplicabit. C'étoit une fage prévoyan-
ce de la part de Moïfe, ou parce que le peuple
de Dieu devoir habiter un pays coupé , fec ,
aride , peu propre à nourrir beaucoup de
chevaux ; ou bien , félon que l'a remarqué'
M. Fleury , pour lui ôter le defir & le
moyen de retourner en Egypte. C'eft appa-
remment par la même raifon qu'il fut or-
donné à Jofué ( 17. 6. ) de faire couper les
jarrets aux chevaux des Chananéens ; ce
qu'il exécuta après la défaite de Jabin roi
d'Azor (vers l'an du monde 2.^59 , avant
J. C. 1445.) David (IL Reg. viij. 4,) en
fit autant à ceux qu'il prit fur Adarefer ; il
n'en réferva que cent.
Quoi qu'il en foit du fentiment d'Or/î-
gene , la défenfe portée au dix-feptieme
chapitre du Deutéronome , le vingtième
chapitre du même livre (e), & le quinzième
de l'Exode ( equum & afeenforem dejecit in
mare ) , font autant de preuves certaines que
du temps de Moïfe l'art de Ve'quitation &
l'ufage de la cavalerie dans les armées
n'étoient pas regardés comme une nou-
veauté.
Le premier endroit où ce légiflateur en
ait parlé avec une forte de détail , elt au
quatorzième chapitre de l'Exode , où il dé-
crit le partage de la mer rouge par les If-
raélites (an du monde 2513, avant J. C.
1491 , félon M. Boffuet. ) Pharaon qui les
pourfuivoit , fut englouti par les eaux avec
fes chariots de guerre , fes cavaliers , &
toutes les troupes qu'il avoit pu rarTembler.
Son armée , fuivant Jofeph , étoit com-
pofée de 200 mille hommes de pié , fo mille
cavaliers , & 600 chars (/).
(<:) Chez les Scythes , Athéas leur roi panfoit lui-même fon cheval, perfuadé que c'étoit là le moyen de
fe l'attacher davantage , & d'en retirer plus de fervice : il parut étonné , lorfqu'il fut , par les arabafladeurs
de Philippe , que ce prince n'en ufoit pas ainfi. Vie de Philippe de Macédoine , liv. XIII, par M. Olivier.
(d) Salomon avoit mille quatre cents chariots ,& douze mille cavaliers. /// des rois, ch. x, verf. i<Si
II Paralip. ch. jv , v. 24. S.
(<r) Si vous allez au combat contre vos ennemis , & qu'ils aient un plus grand nombre de chevaux & de
chariots , & plus de troupes que vous , ne les craignez pas , &c . -ty. 1 .
(/) L'Exode dit de même, fix cents chars. Le nombre de l'infanterie & de la cavalerie n'y eft poiajÇ
fpécifié.
Frrrr 2.
868 E Q U
Si les livres du Pentateuque n'offrent j
point de preuve plus ancienne de l'ufage de
la cavalerie dans les armées , c'eft que con-
formément au plan que Moïie s'étoit tracé,
il n'a pas dû nous instruire des guerres que
les Egyptiens avoient eues contre leurs voi-
fins avant la délivrance des Juifs , & qu'il
s'eft borné feulement à raconter les faits ef-
fentiellement liés avec l'hiftoire du peuple
de Dieu.
Mais outre qu'il feroit abfurde de pré-
tend: e établir en Egypte l'époque de Ytijui-
tau m par une cavalerie fi nombreufe qu'elle
égale ce que les plus grandes puifîances de
1: Europe peuvent en entretenir aujourd'hui ,
on doit encore obferver que les chevaux
ont toujours fait une des principales richef-
fes des Egyptiens (g). D'ailleurs le livre de
Job (h) y probablement écrit avant ceux
de Moïfe , parle de Yéquitation & de che-
vaux employés à la guerre, comme de chofes
généralement connues.
L'hiftoire profane eft fur ce point entiè-
rement conforme à l'Ecriture-fainte. Les
premiers faits qu'elle allègue , & qui ont
rapport à Yéquitation > fuppofent tous à cet
art une antiquité beaucoup plus grande :
difons mieux , on ne découvre en nul en-
droit les premières traces de fon origine.
On voyoit, félon Diodore de Sicile ,
liv. I) gravée fur de la pierre dans le tom-
beau dOlimandué, l'hiftoire de la guerre
que ce roi d'Egypte avoit faite aux peuples
révoltés de la Bactriane : il avoit mené
contr'eux , difoit-on , quatre cents mille
hommes d'infanterie , & vingt mille che-
vaux (i). Entre cet Ofîmandue & Séfoftris
qui vivoit long-temps avant la guerre de
E Q U
Troye, & avant l'expédition des Argonautes,
Diodore compte vingt-cinq générations :
voilà donc la cavalerie admife dans les
armées, bien peu de fiecles après le dé-
luge»
Séfoftris , le plus grand & le plus puif-
fant des rois d'Egypte , ayant formé le àeC-
fein de conquérir toute la terre , aflembla,
dit le même hiftorien (Diodore de Sicile ,
/. I y) une armée proportionnée à la gran-
deur de l'entreprife qu'il méditoit : elle
étoit compofée de fix cents mille hommes
de pié , vingt -quatre mille chevaux , &
vingt-fept mille chariots de guerre. Avec
ce nombre prodigieux de troupes de terre ,
& une flotte de quatre cents navires, ce
prince fournit les Ethiopiens , fe rendit
maître de toutes les provinces maririmes ,
& de toutes les ifles de la mer-rouge , pé-
nétra dans les Indes , où il porta fes armes
plus loin que ne fit depuis Alexandre : re-
venant fur fes pas , il conquit la Scythie,
fubjugua tout le refte de l'Afie & la plupart
des Cyclades , paiîà en Europe ; & après
avoir parcouru la Thrace , où fon armée
manqua de périr , il retourna au bout de
neuf ans dans fes états , avec une réputation
fupérieure à celle des rois fes prédécelTeurs.
Ce prince avoit fait drefïèr dans les lieux
qu'il avoit fournis , des colonnes avec l'inf-
cription fuivante en caraderes égyptiens(£):
Séfoftris } roi des roisy a conquis cette pro-
vince par fes armes. Quelques-unes de ces
colonnes s'étoienteonfervées jufqu'au temps
d'Hérodote , & cet hiftorien ( /. II, ) ajoute
qu'il y avoit encore alors fur les frontières
de l'Ionie deux ftatues en pierre, de Séfoftris;
l'une , fur le chemin d'Ephefe à Phoce'e j
(g) Il y a apparence que du temps du patriarche Jofeph, les rois d'Egypte avoient des gardes à
cheval, & que ce font eux qui courent après Benjamin, & qui l'arrêtent. H-Jloire des Juifs par Jofeph,
liv. I.
(A) On peut en conclure que les chars font poftérieurs à la fimple cavalerie : Job ne parle que de
celle-ci, c. xxxjx, v. iS, 19 6* fuiv. Au verf. 1S, il eft dit que l'autruche fe moque du cheval & de
celui qui le monte : les verfets fuivans contiennent la belle description du cheval qu'on a vue ci-devant.
(i) Le fentiment de Marsham & de Nevton qui a fuivi le premier eft infourenable , fuivant M. Freret
même. Ces deux Anglois font Séfoftris poftérieur à la guerre de Troye ; mais il eft évident , par tous le*
anciens, que ce roi d'Egypte a vécu long-temps avant le fiege de Troye & l'expédition des Argonautes..
Mém. de lut. de î acad. dis Infcrip. tom. Vil , pag. 745. De cette expédition à la guerre de Troye , il y a au
moins foixante & dix ans d'intervalle. En fuppofant Séfoftris antérieur aux Argonaures du même nombre
d'années ; & en comptant trois générations par fiecle , il n'y auroit qu'un petit nombre de fiecles d'intervalle
entre le déluge & Ofimandué.
(k) In cippis illis pudendum rirl , apud gentes qu'idem finnuas & pugnaces, apud ignavas autem & timidas ».
femina , exprejjit : ex prxcipuo hominis mimbro , animarum in Jingulis affeBionem , pofieris evidentijfimam fore raïus,
Diod. Ub. 1 , ex verfioae Rhodomam.
EQU
fautre , fur celui de Sardis à Smyrne. Un
rouleau portant une infcription, j'ai conquis
cette terre avec mes épaules , peu différente
de celie qu'on vient de lire , traverfoit la
poitrine de ces ftatues.
Ninns , roi des AfTyriens , fiVune pre-
mière entrsprife conTe la Ba&riane , qui
ne (ni réuflît pas. Ii réfolut quelques années
après d'en tenter une féconde ; mais con-
noiffant le nombre & le courage des habi-
tans de ce pays , que la nature avoit d'ail-
leurs rendu inaccefTible en plufieurs en-
droits , il tâcha de s'en afTurer le fuccès en
mettant fur pie une armée â laquelle rien
ne pût réfifter : elle montoit , pourfuit Dio-
dore , félon le dénombrement qu'en a fait
Ctéfias dans fon hiftoire , à dix-fept cents
mille hommes d'infanterie , deux cents dix
mille de cavalerie , & près de dix mille fix
cents chariots armés de faux.
Le règne de Ninus , en fuivant la fup-
putation d'Hérodote , que l'on croit la plus
exacte , & qui rapproche beaucoup de nous
la fondation du premier empire des AfTy-
riens , doit fe rencontrer avec le gouver-
nement de la prophéteiTe Débora , 514 ans
avant Rome , 1267 ans avant Jefus-Chrift ,
c'eft à-dire , qu'il eft antérieur à la ruine de
Troye , au moins de 80 (/) ans. On con-
viendra aifémcnt qu'une fï grande quantité
de cavalerie en fuppofe l'ufage établi chez
les AfTyriens plufieurs fiecles auparavant.
Tout ce qui nous refte dans les auteurs
fjr Fhiftoire des difFJrens peuples d'Afie ,
démontre l'ancienneté de Véquication : elle
étoit ( dit Hérodote , /. IV) , connue chez
les Scolorhes , nation Scythe , qui comp-
taient mille ans depuis leur premier roi ,
jufqu'au temps où Darius porta la guerre
contr'eux.
Par un ufage aufîi ancien que leur mo-
narchie-r4e.xoi fe rendoit tous les ans dans
le lieu où l'on confervoir, une charrue , un
joug , une hache & un vafe , le tout d'or
mafîif , & que Ton difoit être tombés du
ciel ; & il fe faifoit en cet endroit de grands
EQU 8<$9
facriflces. Le Scythe , à qui pour ce Jour la
garde du tréfor itou confiée , ne voyoit
jamais, difoic-on, la fin de l'année : en
récompenfe , on affuroit à fa famille autant
de terre qu'il en pouvoit parcourir dans un
jour , monté" fur un cheval.
Que ce fait (oit véritable ou non , il eft
certain que les Scythes en général , eux qui
fous de3 noms différent occupoient en Alîe
& en Europe une étendue immenfe de pays ,
qui rirent plufieurs irruptions dans l'Afie
mineure, & qui dominèrent pendant 28 ans
fur toute cette féconde partie du monde ,
ont nourri de tout temps une prodigieufe
quantité de chevaux , & qu'ils faifoient du
lait de leurs jumens leur boiffon ordinaire.
Il feroit donc ridicule de penfer qu'ils euf-
fent ignoré l'art de monter à cheval ( m ).
Cela ne fouffre aucune difficulté , quand
on lit ce qu'Hérodote raconte des Amazo-
nes , femmes guerrières qui defcendoient
des anciens Scythes.
Les Grecs ( Hérodote , ibid. ) les ayant
vaincus en bataille rangée fur les bords de
Thermodon , firent plufieurs prifonnieres >
qu'ils mirent fur trois vaifleaux , & repri-
rent le chemin de leur patrie.
Quand on fut en pleine mer , nos hé-
roïnes faihfTant un moment favorable , fe
jetèrent fur les hommes , les défarmerent ,
& leur coupèrent la tête.Comme elles igno-
roient l'art de la navigation , elles furent
obligées de s'abandonner à la merci des vents
& des vagues , qui les portèrent enfin fur
un rivage des Palus Méotides , où étant
défendues à terre , elles montèrent fur les
premiers chevaux qu'elles purent trouver ,
& coururent ainfi tout le pays.
Ce fait s'accorde parfaitement avec ce que
l'abréviateur de Trogué Pompée ( Juftin ,
Iw. Il ,) rapporte de l'éducation des Ama-
zones : « elles ne paffoient pas , dit-il, leur
» temps dans l'oifiveté ou à filer ; elles
» s'exerçoient continuellement au métier
» des armes , à monter à cheval , & à-
» chafier. n Strabon , /. II. d'après Métro-
( / ) M. Boffuet, qui fuit cette chronologie , place le fiege de Troye l'an 1184 avant Jefus-Chrift.
(m) I! y avoit au nord- eft des Palus Méotides, des Scyrhes nommés Iyrces , qui ne vi voient que
du p oduit de leur chaffe , & voici comment ils la pra iquoient. Cachés parmi les arbres qui tioient li-
en grand nombre , & ayant près d'eux un chien & un petit cheva' couché fur le ventre , lis tiroient
fur la bête à fon pa/Tage, & rnontoient tout de fuite à cheval pour courir à fa pourfuite avec leur chien»
Hérodote , fi*. IV.
S7o E Q U
dore , &c. dit encore que les plus robuftes
des Amazones alloient à la chafie t & fai-
foient la guerre montées fur des chevaux.
Le temps de leur célébrité eft antérieur à
la guerre de Troye : une partie de l'Afie &
de l'Europe fentit le poids de leurs armes ;
elles bâtirent dans l'A fie mineure plufieurs
villes ( Juftin , /. 27. ) , entr'autres Ephefe ,
où il y a apparence qu'elles inftituerent le
culte de Diane.
Théfée étoit avec Hercule , lorfque ce
héros à la tête des Grecs remporta fur elles
la vi&oire du Thermodon. Réfolues de tirer
une vengeance éclatante de cet affront , elles
fe fortifièrent de l'alliance de Sigillus , roi
des Scythes , qui envoya à leur fecours une
nombreufe cavalerie commandée par fon
fils. Marchant tout de fuite contre les Athé-
niens , qui obéiflbient à Théfée , elles leur
livrèrent bataille jufque dans les murs
d'Athènes , avec plus de courage que de
prudence. Un différent furvenu entr'elles
& les Scythes empêcha ceux-ci de com-
battre : aufli furent-elles vaincues ; & cette
cavalerie ne fervit qu'à favorifer leur retraite
& leur retour.
Les annales des autres peuples , foit d'Eu-
rope , foit d'Afrique , concourent égale-
ment à prouver l'ancienneté de X équitation;
on la voit établie chez les Macédoniens ,
avant que les Héraclides euffènt conquis la
Macédoine ( Hérodote , IVIII. ) Les Gau-
lois , les Germains , les peuples d'Italie fai-
foient ufage des chars ou de la cavalerie
dans leurs premières guerres qui nous font
connues ( Diodore de Sicile , liv. V. ) Les
Ibériens ont de tout temps élevé d'excellens
chevaux , de même que les Arabes , les
Maures , & tous les peuples du Nord de
l'Afrique.
Les traits hiftoriques que nous venons de
rapporter , nous montrent évidemment ,
chez les AfTyriens & les Egyptiens , les che-
vaux employés de toute antiquité dans les
armées , à porter des hommes & à traîner
des chars. Les Egyptiens ont inondé l'Afie
de leurs troupes , pénétré dans l'Europe ,
& fondé plufieurs colonies dans la Grèce :
les Amazones & les Scythes , chez qui l'art
de X équitation étoit en ufage de temps im-
EQD
mémorial , avoient parcouru de même une
partie de l'Europe & de l'Afie , fur- tout de
l'Afie mineure , & s'étoient fait voir dans
la Grèce. De ces événemens , tous antérieurs
à la guerre de Troye , on pourroit con-
clure , fans chercher de nouvelles preuves,
que dans le temps de cette expédition ,
l'art de monter à cheval n'étoit ignoré ni
des Grecs ni des Troyens.
IL L'équitation connue che\ les Grecs
ayant la guerre deTroye. Cette propofition,
que nous croyons vraie dans toute fon éten-
due , a trouvé néanmoins deux contradic-
teurs célèbres, madame Dacier & M Freret :
fondés fur le prétendu filence d'Homère ,
& fur ce qu'il ne fait jamais combattre fes
héros à cheval , mais montés fur des chars,
ils ont prétendu que l'époque de X équitation
dans la Grèce & dans l'Afie mineure , étoic
poftérieure à la guerre de Troye, & que
les Grecs , de même que les Troyens , ne
favoient en ce temps - là faire ufage des
chevaux que lorfqu'ils étoient attelés à
des chars.
Il femble qu'une opinion fi finguliere
doive tomber d'elle-même , quand on ob-
ferve que les Grecs exiftoient long-temps
avant le pafïàge de la mer rouge , puifque
Argos étoit alors à fon fixieme roi \n) , &
que plus de quatre cents ans avant ce paf-
fage , l'Egyptien Ourane avoit franchi le
Bofphore pour donner des Ioix à ces Grecs ,
qui n'étoient encore que des fauvages , vi-
vans comme les bêtes des herbes qu'ils
broutoient. D'ailleurs plufieurs villes de la
Grèce n'étoient que des colonies des Egyp-
tiens ou des Phéniciens.L'Egyptien Cecrops
( environ i$ $6 ans avant J. C. ) qui vivoic
dans le fiecle de Moyfe , avoit fondé les
douze bourgs d'où fe forma depuis la ville
d'Athènes : prefque tout ce qui concernoic
la religion , les loix , les mœurs , avoit été
porté d'Egypte dans la Grèce. Sur quel
fondement croira-t-on que les Egyptiens
qui humaniferent & policerent les Grecs
leur euffent laifle ignorer l'art de l'équi-
tation y qu'ils poffédoient fi bien eux-
mêmes , & qu'ils n'eufient voulu feulement
que leur apprendre à conduire des chars ?
Comment ces Grecs , témoins des exploits
(«) Ce royaume d' Argos avoit été fondé par l'égyptien Danaiis, vers l'an 1476, avant Jefus-Chrift.
E QU
de Séfoftris , & qui avoient combattu
contre les Amazones , ne virent-ils que des
chars dans des armées où il y avoit indu-
bitablement de la cavalerie ?
Malgré la folidité de ces réflexions , il s'en
cft peu fallu que le fentimenc de M. Freret
& de madame Dacier , foutenu par un
profond favoir , n'ait prévalu fur les plus
grandes autorités : mais la déférence que
Ton accorde à l'opinion de certains per-
(bnnages , quand elle n'a point la vérité
pour bafe , cède tôt ou tard à l'évidence.
M. l'abbé Sallier (hifioire de V académie
des infcriptions 6? belles-lettres y tome VII >
p. 3J.J eft celui qui a coupé court au pro-
grès de l'erreur : il a démontré fenfiblement
que l'art de monter à cheval étoit connu
des Grecs long-temps avant la guerre de
Troye ; mais il ne réfout pas entièrement
la queftion : il finit ainfi fon mémoire.
a Le feul point fur lequel on ne trouve
a pas de témoignages dans Homère , fe ré-
» duit donc à dire que les Grecs dans leurs
» combats , devant Troye , n'avoient point
t> de foldats fervans & combattans à
» cheval. »
On va donc s'attacher à prouver , par
Pexamen àes raifons mêmes qu'a eu
M. Freret de croire le contraire , que
Yéquitation étoit connue des Grecs & des
Troyens avant le fiege de Troye , & que
ces peuples avoient dans leurs armées de
la cavalerie diftinguée des chars : nous
conjecturons que ces chars ne fervoient que
pour les principaux chefs , lorfqu'ils mar-
choient à la tête des efcadrons.
Madame Dacier , qui penfoit fur la quef-
tion préfente de même que l'illuftre acadé-
micien , » ne comprend pas, dit-elle, Çpréf.
*> de la trad. de t Iliade >é dit. ijfyi >p.6o.)
r> comment les Grecs , qui étoientfi fages,
» fe font fervis fi long - temps de chars au
» lieu de cavalerie , & comment ils n'ont
» pas vu les inconvéniens qui en nahToient. »
Sans examiner la difficulté bien plus grande
de conduire un char que de manier un
cheval , ni le terrein confîdérable que ces
chars dévoient occuper , elle fe contente
d'obferver , ajoute-t-elle , « que quoiqu'il
» y eût fur chaque char deux hommes
7> des plus diftingués & des plus propres
H pour le combat , il n'y eia avoit pour-
E Q U 871
» tant qu'un qui combattît , l'autre n'étant
» occupé qu'à conduire les chevaux : de
» deux hommes en voilà donc un en pure
» perte. Mais il y avoit des chars à trois
» & à quatre chevaux pour le fervice d'un
» feul homme : autre perte digne de con-
» fidération. » Madame Dacier conclut y.
malgré ces obfervations , qu'il falloit bien
que l'art de monter à cheval ne fût point
connu des Grecs dans le temps de la guerre
de Troye.
Quelle erreur de fa part ! Pour fuppofer
dans ce peuple une grande ignorance , il
faut ou qu'elle n'ait pas toujours bien en-
tendu le texte de fon auteur , ou qu'elle
n'ait pas aflez réfléchi fur les expreflions
d'Homère. On doit convenir cependant
qu'elle étoit fi peu fûre de fon opinion,
qu'elle a dit ailleurs ( Remarques fur le X.
liv. de V Iliade )\ « dans les troupes il n'y
» avoit que des chars ; les cavaliers n'étoienc
» en ufage que dans les jeux & dans les
» tournois. » Mais qu'étoient ces jeux &
ces tournois , que des exercices & des
préparations pour la guerre ? Et pourroit-on
penfer que les Grecs s'y fuflent diftingués
dans l'art de monter des chevaux , fans
profiter d'un fi grand avantage dans les
combats ?
M. Freret moins indéterminé (mém. de
litt. de VAcad. des infcript. tome VII y
p. z86Jnefe dément pas dans fon opinion.
» On eft furpris , dit - il , en examinant
» les ouvrages des anciens écrivains , fur-
» tout ceux d'Homère , de n'y trouver
a aucun exemple de Yéquitation y & d'être
» obligé de conclure que l'on a long-
tj temps ignoré dans la Grèce l'art de
fj monter à cheval , & de tirer de cet
» animal les fervices que nous en tirons
rj aujourd'hui , foit pour le voyage , foit
» pour la guerre. »
Telle eft la proportion qui fait le fujetr
de fa difïèrtation : elle eft remplie de re-
cherches curieufes & favantes , mais qui ,
toutes prifes dans leur véritable fens peu-
vent fervir à prouver le contraire de ce qu'il
avance;
Après avoir établi pour principe qu'Ho-
mère ne parle en aucun endroit de ks
poèmes , de cavaliers , ni de cavalerie ,,
il prétend que ce poète , quoiqu'il écrivît
872 E Q U
dans un temps où Véquitation étoit connue »
s'eft néanmoins abltenu d'en parler , pour
ne pas choquer fes le&eurs par un ana-
chronifme contre le coftume , qui eût été
remarqué de tout le monde. Cet argument
négatif eft la bafe de tous fes raifonne-
mens ; & M. Freret n'oublie rien pour lui
donner d'ailleurs une force qu'il ne fauroit
avoir de fa nature.
Pour cet effet , i°. il examine & combat
tous les témoignages des écrivains porté-
rieurs à Homère que l'on peut lui fuppofer ;
2°. ildifcute dans quel temps ont été élevés
les plus anciens monumens de la Grèce ,
fur Iefquels on voyoit repréfentés des ca-
valiers ou des hommes à cheval , pour
montrer qu'ils font tous poftérieurs à l'éta-
bliflèment de la courfe des chevaux dans
les jeux olympiques ; 30. il cherche à prou-
ver que la fable des centaures n'avoit dans
fon origine aucun rapport à Véquitation;
40. il termine fes recherches par quelques
conjectures fur le temps où il croit que l'art
de monter à cheval a commencé d'être
connu des Grecs.
Examen du texte d'Homère. Puifque
Homère eft regardé , pour ainfi dire , comme
le juge de la queftion , voyons d'abord fi
fon filence eft réel , & fi nous ne pouvons
pas t nu ver dans fes ouvrages des témoi-
gnages pofitits en faveur de Véquitation.
Dans le dénombrement ( ' îliad. I. II.)
des Grecs qui fuivirent Agamerrnon au fiege
de Troye , il eft dit de Méneflhée } le chef j
des Athéniens , « qu'il n'avoit pas fon égal
>j dans l'art de mettre en bataille toute forte
?> de troupes , foit de cavalerie , foit d'in-
» fanrerie. » Sur quoi il eft bon d'obferver
que les Athéniens habitoientunpays coupé,
montueux , très-difficile , & dans lequel
l'ufage des chars étoit bien peu prati-
cable.
On trouve , parmi les troupes Troyennes,
les belliqueux efcadrons des Ciconiens ; &
l'on voit dans rodyfléef/zV. IX,pag. z6zy
c'dit. zjqz.) que ces Ciconiens favoient
très-bien combattre à cheval , & qu'ils fe
défendoient aufti à pié , quand il le falîoit.
Quoi de plus clair que Poppofition de com-
battre à pie & de combattre à cheval ? Ils
étoient en plus grand nombre ; voilà donc
beaucoup de gens de cheval. Madame
EQU
Dacîer le dit de même dans fa tradn&ion:
elle penfoit donc autrement quand elle
compofa la préface de fa traduction de-
flliade.
Quand Neftor confeille Ç Iliad. I. VIL)
aux Grecs de retrancher leur camp: »nous
» ferons , leur dit-il , un foflé large &
»> profond , que les hommes & les chevaux
» ne puifïènt franchir ». Que peut-on en-
tendre par ces mots , fî ce n'eft des chevaux
de cavaliers ? Les Grecs avoient -ils natu-
rellement à craindre que des chars attelés
de deux , trois ou quatre chevaux franchif-
fent des foiTés ?
Ulyflè & Diomede (Iliad. I X.) s'étant
chargés d'aller reconnoître pendant la nuit
la pofition & les deffeins des Troyens ,
rencontrèrent Dolon , que les Troyens en-
voyoient au camp des Grecs dans le même
delTein , & ils apprirent de lui que Rhéfus ,
arrivé nouvellement à la tête des Thraces,
campoit dans un quartier féparé du refte
de l'armée. Sur cet avis les deux héros
coupent la tête de Dolon , preffent leur
marche , & arrivent dans le camp des
Thraces , qu'ils trouvèrent tous endormis ,
chacun d'eux ayant auprès de foi fes armes
à terre & fes chevaux. Ils étoient couchés
fur trois lignes ; au milieu dormoit Rhéfus
leur chef, dont les chevaux étoient auffi
tout près de lui , attachés à fon char.
Diomede fe jette aufti - tôt fur les Thraces,
en égorge plufieurs , & le roi lui - même :
après quoi , pendant qu'UlyfTe va détacher
les chevaux de Rhéfus , il efTaie d'en en-
lever le char ; mais Minerve lui ordonne
d'abandonner cette entreprife. Il obéit ,
rejoint UlyfTe , & montant , ainfi que lui ,
fur l'un des chevaux de Rhéfus , ils fortent
du camp & volent vers leurs vahTeaux ,
poufïànt les chevaux , qu'ils fouettent avec
un arc. Arrivés dans l'endroit où ils avoient
lahTé le corps de Dolon , Diomede faute
légèrement à terre, prend les armes de l'ef-
pion Troyen , remonte promptement à
cheval , & UlyfTe & lui continuent de
pouffer à toute bride ces fougueux cour-
fiers , qui fécondent merveilleufement leur
impatience. Neftor entend le bruit , &
dit : il me femble qu'un bruit fourd y comme
d'une marche de chevaux > a frappé mes
oreilles.
Tout
E Q U
Tout ïe&eur non prévenu verra fans doute
dans cet épifode une preuve de la con-
noiffance que les Grecs , ainfi que les
Thraces , avoient de Yéquitarion. Les ca-
valiers Thraces , couchés fur trois rangs ,
ont leurs chevaux & leurs armes auprès
d'eux : mais les chevaux de Rhéfus font
attachés à fon char , fur lequel étoient
fes armes: & c'eft-là le feul char qu'on
apperçoive dans cette troupe. D'où l'on doit
conclure que les chefs des efcadrons étoient
feuls fur les chars.
Quelle eft l'occupation d'Ulyiïè, pendant
que Diomede égorge les principaux d'entre
hs Thraces ? C'eft d'en retirer les corps de
côté , afin que le pafTage ne fût point em-
barraffé. Il l'eût été bien davantage par des
chars : cependant Homère n'en dit rien.
Penfe-t-on d'ailleurs qu'il eût été poiïible
à ces princes Grecs , de monter , & à poil ,
des courfiers fougueux , de les galoper à
toute bride , de defcendre & de remonter
légèrement fur eux , fi les hommes & les
chevaux n'avoient pas été de longue main
accoutumés à cet exercice ? Trouverions-
nous aujourd'hui des cavaliers plus leftes &
plus adroits ? C'eft aufïi fur cela que madame
Dacier fe fonde , pour croire qu'il y avoir
des gens de cheval dans les tournois , pour
fe fervir de fa même exprefïion.
Le bruit fourd qu'entend Neftor , n'eft
point un bruit qu'il entende pour la première
fois ; il diftingue fort bien qu'il eft caufé
par une marche de chevaux , & n'ignoroit
pas que le bruit des chars étoit différent.
Qu'oppofe M. Freret à un récit qui parle
d'une manière fi pofitive en faveur de Yequi-
tation ? « Le défaut de vraifemblance , dit-
» il , de plufieurs circonftances de cet épi-
y> fode , eft fauve dans le fyftéme d'Homère,
^ par la préfence & par la protection de
» Minerve , qui accompagne ces deux hé-
« ros , & qui fe rend vifïble , non feule-
» ment pour foutenir leur courage , mais
« encore pour les mettre en état d'exécuter
>i des chofes qui , fans fon fecours , leur
» auroient été impoffibles » : ainfi , félon
lui, le parti que prennent UlyfTa & Diomede,
de monter fur les chevaux de Rhéfus , pour
les emmener au camp des Grecs , leur eft
infpiré par Minerve: cette déeffe les accom-
pagne dans leur retour , & ne les abandonne
J'orne XII.
E Q U 87}
que Iorfqu'ils y font arrivés ; & comme
c'eft-là , ajoute-t-ii , le feul exemple de
Yéquuarion qui fe trouve dans les poèmes
d'Homère , on n'eft point en droit d'en
conclure qu'il la regardât comme un ufage
déjà établi au temps de la guerre de Troye.
Il eft vrai qu'Homère « regarde quel-
« quefois les hommes comme des inftru-
» mens dont les dieux fe fervent pour.exé-
» cuter les décrets des deftinées » ; mais
l'on doit convenir auffi que ce poè're , pour
ne point trop s'éloigner du vraifemblable ,
ne les fait jamais intervenir , & prêter aux
hommes l'appui de leur miniftere , que
dans les actions qui paroifTènt au defTus des
forces de l'humanité.
Le defir de fe procurer d'excellens che-
vaux & des armes couvertes d'or , fut ce
qui tenta Diomede & Ulyffe , & leur inf-
pira le defîèin d'entrer dans le camp des
Thraces , & de pénétrer jufqu'à la tente de
Rhéfus. Deux hommes , pour réufîir dans
une entreprife femblable , ont certainement
befoin de l'aftiftance des dieux ; UlyfTe im-
plore donc celle de Pallas , & la fjpplie de
diriger elle-même leurs pas jufqu'à l'endroit
où éroient les chevaux , le char , & les
armes de Rhéfus.
La protection de la déeffe fe fait bientôt
fentir : les héros Grecs arrivent dans le camp
des Thraces : un filence profond y règne ;
point de gardes fur les avenues ; tous les
cavaliers étendus par terre près de leurs
chevaux , font enfevelis dans le fommeil ;
le même calme & la même fécurité font
autour de la tente du chef. Alors Ulyffè
ne pouvant plus méconnoître l'effet de fa
prière , & enhardi par le fuccès , propofe
à fon compagnon de tuer les principaux
Thraces , tandis qu'il ira détacher les che-
vaux de Rhéfus : voilà une conjoncture ou
le fecours de la déefle devient encore très-
nécefïàire ; aufîi Homère dit qu'elle donna
à Diomede un accroiffement de force & de
courage : douze Thraces périffent de fa
main avec leur roi. Les chevaux détachés
par UlyfTe , Diomede peu content de ces
avantages , veut encore enlever le char de
Rhéfus ; mais la déefle , juftement étonnée
de cette imprudence , fe rend vifible à lui,
& le preffe de retourner au plutôt , de
crainte que quelque dieu ne réveille enfia
Sssss
874 EQU
les Troyens. Diomede reconnoifîant la voix
de Pallas , monte aufft-tôc à cheval , & part
fuivi d'Ulyffe. Jufque-là Homère a marqué
exactement toutes les circonftances de l'en-
treprife dans lefquelies la dcefTe prêta fon
fecours aux héros Grecs : il confifte à les
conduire sûrement à travers le camp , à
favorifer le maflàcre des Thraces & l'enlè-
vement des chevaux , à les obliger de partir,
lorfqùe l'appât d'avoir des armes d or les
retient mal-à-propos , mais nullement à ies
placer fur les chevaux ; & une fois forcis du
camp, elle les quitte,quoi qu'en ait dit M. Fre-
rec; car dansHomere, elle n'accompagne pas
leur retour, comme cet académicien l'avance
gratuitement. S'ilétoit vrai cependant, qu'ils
euffenc befoin d'elle la première fois pour
monter à cheval , fon fecours n'eût pas été
moins néceflaire à Diomede , quand il fut
obligé de fauter à terre pour prendre les
armes de Dolon , & de remonter tout de
fuite ; & Homère n'auroit pas manqué de
le faire remarquer , car il ne dévoie pas
ignorer qu'on ne devient pas fi vite bon
cavalier.
Difons donc que c'eft uniquement parce
qu'il étoit très- ordinaire dans les temps hé-
roïques de monter à cheval , qu'Homère
ne fait point intervenir le miniftere de Pallas
dans une a£iion fi commune.
Le XVe livre de l'Iliade nous offre un
exemple de Ye'quitativn , dans lequel cet art
eft porté à un degré de perfeâion bien fu-
périeur à ce que nous oferions exiger au-
jourd'hui de nos plus habiles écuyers. Le
ooete aui veut dépeindre la force & l'agilité
poète qui
d'Ajax qui paffanc rapidement d'un vaiiieau
à l'autre , les défend tous à la fois , fait la
comparaifon fuivante.
« Tel qu'un écuy.er habile , accoutumé
» à manier plufieurs chevaux à la fois , en
»■ a choifi quatre des plus vigoureux & des
» plus vîtes , & en préfence de tout un
» peuple qui le regarde avec admiration ,
» les pouffe à toute bride , par un chemin
» public , jufqu'à une grande ville où Ton
EQU
» a limité fa coiufe : en fendant les airs ,
» il paffe légèrement de l'un à l'autre , &
n vole avec eux. Tel Ajax , ùc »
(o) M. Freret veut qu'Homère , pour
orner fa narration , & la rendre plus claire ,
ait expliqué en cet endroit des chofes ancien-
nes par des images familières à fon fiecle ; tel
eft , ajoute-t-il , le but de fes comparaifons,
& en particulier de celle-ci : « tout ce qu'on
» en peut conclure , c'eft que l'arc ùeïéqui-
» taùon étoit commun de fon temps dans
» l'Ionie. Des fcholiaftes d'Homère lui font
« un crime d'avoir empruncé des compa-
n raifons de Xéquuation ; ils les ont regardé
yy comme un anachronifme , tant ils écoient
n perfuadés que cet art étoit encore nouveau»
» dans la Grèce du temps d'Homère. »
Mais ils ont cru , fans examen , & fans avoir
éciairci la queftion. Puifque dans toute l'éco-
nomie de fes poèmes , Homère eft fi exaô ,
fi févereobiervateur des ufages & des temps,
qu'il paroît toujours tranfporté dans celui
où vivoienc fes héros , & qu'on ne peut y
félon les mêmes fcholiaftes , lui reprocher
aucun autre anachronifme : par quelle raifon
croira-t-on qu'il fefoit permis celui-ci? Dira-
t-on qu'il n'avoir pas afièz de refiburce dans
fon génie pour varier & ranimer fes pein-
enres ? De plus , Homère n'a vécu que trois
cencs ans [p ) après la guerre de Troye : un
fi court intervalle eft -il fuffifant pour y
placer à la fois la naiffance & ies progrès de
Yéquitation > & pour la porter à un degré de
perfection duquel nous iommes encore tort
éloignés? Cette réflexion tire du fyftême de
M. Freret une nouvelle force , en ce qu'il
ne place dans l'Ionie la connoiftànce de l'art
de monter à cheval, que 150 ans après la
guerre de Troye.
Homère a fuivi conftamment les ancien-
nes traditions de la Grèce ; il dépeint tou-
jours fes héros , tels qu'on croyoit qu'ils
avoient été. Leurs caractères , leurs païïions,
leurs jeux , tout eft conforme au fouvenir
qu'on en confervoit encore de fon temps.
C'eft ainfi qu'il fait dire à Hélène , « je ne^
(o) Au V liv. de l'Odyffée , v. 366 , un coup de vent ayant brifé l'efquif qui reftoit à Ulyffe après la.
tempête qu'il effuya en Amant de lifte de Calypfo , il en faifit une planche fur laquelle il fauta , & s'y
pofa comme un homme fe met fur un cheval de felle. M. Freret feroit fans doute à C£tte comparaifon la<
même réponfe qu'à la précédente, quoique avec auflî peu de fondement.
[p) Selon les marbres d'Arondel , l«ï P. Pétau place Homère deux cents ans 3près la guerre de-
Troye.
E Q U
» vois (Iliad liv. III.) pas mes deux frères,»»
Cartor fi célèbre dans les combats à cheval,
Uirifoipf&> ^ & Pollux fi renomme dans les
exercices du cette. Ce pafTage ne taie aucune
impieffion fur M. Freret. Le nom de dom-
teur de chevaux , iW%i@' , de conduc-
teur, de cavalier, ou encore celui de retint*
vwtGnkfHmwt , confeenfores equorum, dont
fe fert , en parlant de ces mêmes Tynd ari-
des , l'auteur des hymnes attribués à
Homère ; tous ces noms font donnes quel-
quefois à des Grecs ou à des Troyens montés
fur des chars ; donc ils ne lignifient jamais
autre chofe dans le langage de ce temps-là.
Ce raifonnement efl-il bien jufte ? il le fe-
roit davantage , fi l'on convenoit que ces
mors ont quelquefois eu l'une ou l'autre li-
gnification : mais en ce cas , M. Freret ne
pourroit nier que le titre de conducleur , de
cavalier , iyipw hum* , que Neftor (Iliad.
XI ,v. 7à$) , donne au chef des Eléens ,
ne veuille dure ce qu'il dit effectivement.
Parce que ce chef combattoit fur un char ,
cela n'empêche pas qu'il n'ait commandé
des gens de cheval. On peut dire la même
chofe d'Achille & de Patrocle , qu'Homère
{Iliad. i Dénomme des cavaliers, îàrara*;xe»fa.
Plufieurs autres pafTages de l'Iliade, fem-
blent défigner des gens de cheval ; mais ils
n'ont fans doute paru dignes d'aucune con-
jfidération à M. Freret , ou bien il a craint
qu'ils ne fuffent autant de preuves contre
fon fentiment ( Iliad. liv. XVIII. ) On
voyoit fur le bouclier d'Achille , une ville
invertie par les armées de deux peuples dif-
ivrens : l'un vouloit détruire les afîiégés par
1s fer & par le feu ; l'autre étoit réfolu de
les recevoir à compofition. Pendant qu'ils
difputoient entr'eux , ceux, de la ville éranr
foi ris avec beaucoup de fecret, fe mettent
en embufeade , & tondent tout-à-coup fur
les troupeaux des afîiégeans : aufîi - tôt l'ai—
larme fe répand dans les deux armées ; tous
prennent à la hâte leurs armes & leurs che-
vaux , arma & equos properè arripiunt , &
l'on marche à l'ennemi. La célérité d'wn tel
mouvement convient mieux à de la cavalerie
qu'à des ciurs : n'eat-elle pas été bien ra-
lentte par le temps qu'il auroit fallu pour
préparer ces chars , & les tirer hors des deux
camps ?
Il eft dit dans le combat particulier de
E Q U 875
Ménelas contre Paris ( Iliad liv. III), que
les troupes s'afiïrent toutes par terre, chacun
ayant près de foi fes m mes & fes chevaux.
Doit-on entendre par ce dernier mot des
chevaux attelés à des chars ? Celui qui les
conduifoit , & celui qui combattoit de dûs,
étoient l'un & l'autre d'un rang difringué,
& n'étoient pas gens à s'aiieoir par terre ,
confondus avec les moindres foldats : d'ail-
leurs ils euffent été mieux afïïs dans leurs
chars ; c'étoit , pendant ce combat , la fi-
tuation la plus avantageufe , pour mieux
remarquer ce qui s'y pafïbit. Les gens de
chval , au contraire , en defeendent fort
fouvent pour fe déiaiTer , eux & leurs che-
vaux.
Dans le combat d'Ajax contre Hector
( Iliad. liv. VIL ) , on trouve encore une
preuve de Yéquitation. Le héros Troyen
dit à ion adveriaire : je fais manier la lance;
Ù fait à pied , foie à cheval , je faispouj/èr
mon ennemi.
Ne femble-t-il pas dans plufieurs com-
bats généraux , que l'on voie manœuvrer
de véritacles troupes de cavalerie?
« Chacun fe prépare au combat ( Iliad.
» liv. II ou bien XII ) , & ordonne à foa
»» écuyer de tenir fon char tout prêt , &
» de le ranger fur le bord du fofîé : toute
» l'armée fort des retranchemens en bon
n ordre : l'infanterie fe met en bataille aux
» premiers rangs , & elle eft foutenue par
» la cavalerie qui déploie fes ailes derrière
» les bataillons Les Troyens de leur
»> côté étendent leurs bataillons & leurs
»» efeadrons fur la colline. »>
Ici le mot chacun ne doit s'appliquer
qu'aux chefs : pour peu qu'on life Homère
avec attention , on verra qu'il n'y avoir
jamais que les principaux capitaines qui
fu fient dans des chars. Le nombre de ces
chars ne devoir pas être bien confidérabîe ,
puifqu'ils peuvent être rangés fur le bord
du fofïë. Quant à l'infanterie & la cava-
lerie , la difpofition en eu fimpîe , & no
| pourroit pas être autrement rendue aujour-
j d'hui , qu'il n'y a plus de chars dans ks
! armées.
Si les Troyens n'eufîènt eu que des
! efeadrons de chars , ce n'eft pas fur une
i colline qu'ils les eufiene placés; & l'on doit
! entendre par 'feadrons , ce que les Grecs
Sssss 2
876 E Q U
ont toujours entendu , & ce que nous com-
prenons fous cette dénomination.
La defcription du combat ne prouve
pas moins , que l'ordre de bataille , qu'il y
avoir & des chars & des cavaliers. « Hip-
» polochus fe jette à bas de Ton char , &
» Agamemnon , du tranchant de fon épée,
» lui abat la tête , qui va roulant au milieu
» de fon efcadron. » On lit dans le même
endroit , que l'écuyer d'Agaftrophus tenoit
fon char à la queue de fon efcadron.
Neftor renverfe un Troyen de fon char ,
& fautant légèrement deiTus , il enfonce
fes efcadrons ( Hp. XI ). Ne peut-on pas
induire delà, avec raifon , que les chefs
étoient fur des chars à la tête de leurs
efcadrons ? Cela n'eft-il pas plus vraifem-
blable que des efcadrons de chars ?
» L'infanterie enfonce les bataillons
j> Troyens , & la cavaierie preffè fi vive-
» ment les efcadrons qui lui font oppofés ,
?> qu'elle les renverfe : les deux armées
« font enfevelies dans des tourbillons de
«'poufTiere , qui s'élèvent de defTbus les
» pieds de tant de milliers d'hommes &
» de chevaux. «
M. Freret , lui-même , auroit-il mieux
décrit une bataille , s'il eût voulu faire
entendre qu'il y avoit de la cavalerie dis-
tinguée des chars , ou des chars à la tête
des efcadrons de gens de cheval ?
Il eft dit , dans une autre bataille , que
« Neftor plaçoit à la tête fes efcadrons ,
» avec leurs chars & leurs chevaux
» derrière eux , il rangeoit fa nombreufe
» infanterie pour les foutenir. Les ordres
» qu'il donnoit à fa cavalerie , étoient de
» retenir leurs chevaux , & de marcher en
» bon ordre , fans mêler ni confondre leurs
#> rangs. ( Iliad. Uv. IV. ) »
Si Homère n'eut voulu parler que de
chars , auroit-il ajouté au mot efcadron >
avec leurs chars Ù leurs chevaux ?
Qnc peut- on entendre par mêler & con-
fondre des rangs ? Pou voit-il y avoir plu-
sieurs rangs de chars ? A quoi eût été bon
un fécond rang ? le premier victorieux , le
fécond ne pouvoit rien de plus ; le premier
rang vaincu , le fécond l'étoit conféquem-
ment , & fans reftburce ; car comment
faire faire à des chars mis en rang , des
demi- tours à droite pour la retraite ?
E Q U
II paroît fuffiTamment prouvé par les
remarques que nous venons de faire fur
quelques endroits du texte d;Homere , que
l'art de monter des chevaux a été connu
dans la Grèce avant le fiege de Troye , &
qu'il y avoit même dans les armées des
Grecs & des Troyens , des troupes de ca-
valerie , proprement dite. Si ce poète n'a
point décrit particulièrement de combats
de cavalerie , on ne voit pas non plus qu'il
foit entré dans un plus grand détail , par
rapport aux combats d'infanterie. Son vé-
ritable objet , en décrivant des batailles ,
étoit de chanter les exploits des héros &
des plus illuftres guerriers des deux partis :
ces héros combattoient prefque tous fur
des chars , & l'on oferoit prefque afïurer
qu'il n'appartenoit qu'à eux d'y combat-
tre. Leur valeur & leur fermeté y paroif-
feient avec d'autant plus d'éclat , que leur
attention n'étoit point divifée par le foin
de conduire les chevaux. Voilà pourquoi
les deferiptions des combats de chars font
fi fréquentes , fi longues , fi détaillées.
C'étoit par ces combats que les grandes
affaires s'entamoient , parce que les chefs,
montés fur des chars , marchoient toujours
î à la tête des troupes : Homère n'en omet
I aucune circonftance , & pefe fur tous les
détails , parce qu'il a fu déjà nous inté-
| refier vivement au fort des guerriers qu'il
fait combattre. Son grand objet fe trouvant
rempli par-là , dès que les troupes fe mê-
lent , & que l'affaire devient générale , il
paffe rapidement fur le refre du combat ;
& pour ne point fatiguer le lecteur il fe
hâte de lui en apprendre l'ifïue , fans def-
cendre à cet égard dans aucune particu-
larité. Telle eft la méthode d'Homère ,
quand il décrit des combats ou des batailles.
Témoignages des écrivains pofiérieurs à
Homère. M. Freret qui s'étoit fait un prin-
cipe confiant de foutenir que les Grecs &
les Troyens au temps de la guerre de Troye
ne connoifîbient que l'ufage des chars , &
qu'on ne pouvoit prouver par les poèmes
dTiomere que l'art de monter à cheval
leur fût connu , réeufe conféquemment à
fon fyftême , les témoignages de tous les
écrivains pofU'rieurs à ce poète & parti-
culièrement tous ceux que les auteurs La-
tins fourniflent contre fon opinion»
E QU
« Virgile , dit-il, & les poètes latins , '
» ont été moins fcrupuleux qu'Homère ,
* & ils n'ont pas fait difficulté de donner
« de !a cavalerie aux Grecs & aux Troyens;
?> mais ces poètes poftérieurs d'onze ou
« douze fiecles aux temps héroïques , écri-
n voient dans un fîecle où les mœurs des
» premiers temps n'étoient pkis connues
»> que des favans leur exemple ,
» ajoute-t-il , ne peut avoir aucune auto-
» rite lorfquiis s'écartent de la conduite
» d'Homère. »
Si îe témoignage de Virgile , poftérieur
d'onze ou douze fiecles à la ruine de Troye ,
ne peut avoir aucune force , pourquoi M.
Freret veut-il que le fien poftérieur de trois
mille ans foit préféré ? Pourquoi n'admet-il
plutôt celui de Pollux auteur Grec , plus
moderne que Virgile, d'environ deux cents
ans ? Quant à ce qu'il dit que les mœurs
des premiers temps n'étoient connues que
des favans , ce reproche ne convient point
à Virgile : au titre H juftement acquis de
prince des poètes, il joignoit celui de /avant
& d'excellent homme de lettres.
De plus , fon Enéide , qu'il fut douze
ans à compofer , eft entièrement faite à
l'imitation d'Homère. Virgile ayant pris
ce grand poète pour modèle , & pour fujet
de fon poème des événemens célèbres qui
touchoient , pour ainfi dire , à ceux qui
font chantés dans l'Iliade , croira-t-on qu'il
ait confondu les ufages & les temps , &
méprifé le fuffrage des favans , au point de
faire combattre fes héros à cheval , s'il
n'avoir regardé comme un fait confiant
que Yequitarion étoit en ufage de leur
temps ?
Tout ce qu'on peut préfumer , c'eft que
Virgile s'eft abftenu de parler de chars
aufïi fréquemment qu'Homère , pour ren-
dre fes narrations plus int&effantes , &
parce que les Romains n'en faifoient point
ufage dans leus armées. Enfin les faits
cités par les auteurs doivent pafTer pour
incon eftables , quand ils font appuyés fur
une tradition ancienne , publique & conf-
tante : tel étoit l' ufage établi depuis un
temps immémorial chez les Romains , de
E Q U 877
nommer les exercices à cheval de leur jeu-
ne fie , les jeux Troyens.
Trojaqae niinc pueri, Trojanum dicitur
agmen. (En. I. V. v. 6'oz.J Virgile n'in-
vente rien en cet endroit , il fe conforme
à l'hifloire de fon pays , qui rapportoit
apparemment l'origine des courfes de che-
vaux dans le cirque , au defTein d'imiter
de femblables jeux militaires pratiqués au-
trefois par les Troyens , & dont le fou-
venir s'étoit confervé dans les anciennes-
annales du latium. Enée faifoit exercer fes
enfans à monter à cheval : Frcenatis lucent
in equis. ( Id. v. S 54-)
C'eft en fuivant les plus anciennes tra-
ditions grecques , que Virgile ( Géogr.
I. III y v. n 5. ) attribue aux Lapithes de
Péléthronium l'invention de l'art de monter
à cheval. Il nous apprend dans le même
endroit ( Ib. v. izj-J l'origine des chars
qui furent inventés par Eriéthonius , qua-
trième roi d'Athènes (q) depuis Cécrops ;
& ce qui fuppofe nécessairement que Ye'qui-
tation étoit connue en Grèce avant Eric-
thonius , c'eft que la tradition véritable ou
fabuleufe de ces temps - là rapporte que ce
fut pour cacher la difformité de fes jambes
qui étoient tortues , que ce prince inventa
les chars.
Hygin qui , de même que Virgile , vi-
voit fous le règne d'Augufte , a fait de
Bellérophcn un cavalier ( Fable 2.7 3 ) , &
dit que ce prince remporta le prix de la
courfe à cheval aux jeux funèbres de Pe-
lias , célébrés après le retour des Argonau-
tes : mais parce qu'on ignore dans quel
poète ancien Hygin a puifé ce fait , M. Fre-
ret le traite impitoyablement de commen-
tateur fans goût , fans critique , indigne
qu'on lui ajoute foi. Il en dit autant de
Pline ( lib. VII, cap. h'j.J, qui , en faifant
l'énumération de ceux auxquels les Grecs
attribuoient l'invention de quelque art ou
de quelque coutume > ofe , d'après les
Grecs , regarder Bellérophon comme l'in-
venteur de V équitation y & ajouter que les
centaures de ThefTalie combattirent les pre-
miers à cheval.
Pour réfuter ce qu'Hygin dit de Belle-
(,;) Il vr,oit environ 1489 an; avant Jefus-Chrift. Il fuccéda à Àrnphiûion , & inftkua les jeux panaché*
iques en l'honneur de Minerve.
naïques
878
EQU
E Q U
rophon , M. Frerec prétend premièrement ; avoient été en ufage dès le temps de Tolym-
...~ ci d.,„!\„Uc r r.L is-T \ i\™;*,;«„ ! „;^rt A>ua^„]^ ~~„ : _>~_ * ; __
piade d'Hercule , pourquoi n'en trouve-t-on
aucun exemple jufqu'à la trente- troificme
olympiade de Corœbus , céléhréfe l'an 6$
( t) avant J. C. jco ans après les jeux
funèbres de Pelops , & 240 ans après le
renouvellement des jeux olympiques par
Iphitus ? Ce raifonnement ne prouve rien
du tout : car on pourront avec autant de
raifon dire à M. Freret: vous affinez qu'au
temps d'Homère l'art de ï'équuation étoit
porté à un tel degré de perfection , qu'un
feul écuyer conduifoir à toute bride quatre
chevaux à la lois , s'élançant avec adrefîè
de l'un à l'autre pendant la rapidité de leurs
courfes ; .& moi je dis que fî cela étoit
vrai , on n'auroit pas attendu près de trois
cents ans depuis Homère , pour mettre les
courfes de chevaux au nombre des fpecla-
cles publics.
U y a quelque apparence que la nou-
veauté des courfes de chars fut la eau le
qu'on abandonna les autres pendant long-
temps , & qu'on n'y revint qu'après plu-,
fleurs fiecles : il falloir en effet bien plus'
d'art & de dextérité pour conduire dans
la carrière un char attelé de plufieurs che-
vaux , que pour manier un feul cheval.
Qu'on en juge par le difeours de Neftor
àÀntiloque fon fils ( Iliad. I XXIII.}
La fable & Homère après elle , ont parié
du cheval d'Adralte : ce poète le nomme
le divin Arion; il avoit eu pour maitte
Hercule ; ce fut étant monté fur Arion
( Pauf. II. vol. p. î8i , ) que ce héros
gagna des batailles , & qu'il évita la mort.
Après avoir pris Augias roi d'Elis , & après
la guerre de Thebes antérieure à celle de
Troye, il donna ce cheval à Adrafîe. Comme
on voie, dans prefque tous les auteurs qui en
ont parié , ce rapide couriier toujours feul ,
(r) Ces jeux, dit M. Freret, font poflérieurs de quelques années à ceux de Pélias, & c'eft ce que l'on
nomme V olympiade d'Hercule , qui combattit à ces jeux, & qui en régla la forme foixante ans avant la
guerre de Troye.
( s ) M, Freret cite en preuve la première olympionique de Pindare , où à propos de la victoire remportée
par Hiéron à la courfe des chevaux, ce poète rapporte l'hiftoire de Pelops, vainqueur à la courfe des
chars. iMais du temps d'Hiéron, à celui où l'on introduisit aux jeux olympiques les courfes des chevaux ,
il y a cent foixante ans d'intervalle : les exemples anciens ne pouvoient donc pas manquer à Pindare , s'il
avoit eu deffein d'en rapporter.
(*) Ce calcul de M. Freret n'eft ni le plus exact , ni le plus fuivi. L?s plus favans chrcnologiftes rap-
portent l'olympiade de Corœbus à l'an 776 avant Jefus-Chrift. L'époque de la fondation de Rome , liée avec
cette olympiade, femble donner à ce dernier fentiment toute la force d'une démonstration. Il fuit delà que
les courfes de chevaux furent admifes au nombre des fpectacles des jeux olympiques, cent vingt-huit ans
pta:ôt que M. Freret ne l'a cru.
que, félon Paufanias ( Lib. VI )> l'opinion
commune étoit que Glaucus , père de
Belîerophon , avoit dans les jeux funèbres
de Pelops , difputé le prix à la courfe des
chars : fecondement , que ces mêmes jeux
étoient repréfentés fur un très-ancien coffre,
dédié par les Cypfélides de Corinthe, &
confervé à Olympie au temps de Paufa-
nias (lib. V) , & qu'on ne yoyoit dans la
repréfentation de ces jeux , ni Bellérophon ,
ni de courfe à cheval. On peut îacilement
juger de la foîiduéde cette réfutation.
Le témoignage de Paufanias favorifant
ici l'opinion de M. Freret, il s'en rapporte
aveuglément à lui : mais il doit recon-
noître de même la vérité d'un autre pafiàge
de cet auteur , capable de renverier fon
fyftême.
Paufanias (lib. V) afTùre que Cafius ,
Arcadien , & père d'Atalante , remporta le
prix de la courfe à cheval , aux jeux funè-
bres de Pelops à Olympie (r). Ce fait qui
donneroit aux courfes à cheval prefque la
même ancienneté que celle qu'on trouve
dans Hygin , M. Freret foutient qu'il n'eft
fondé que fur une tradition peu ancienne :
Pindare , dit-il , n'en a pas fait ufage lorf-
qu'il a célébré des victoires remportées
dans les courfes de chevaux. « Dans ces
i) occafions , ajoute-t-il , l'hiftoire ancienne
» ne lui fournifTant aucun exemple de ces
» courfes, il a recours aux aventures des
» héros qui fe font diftingués dans les
» courfes de chars (sj. » Mais qui ne voit
que le poète a voulu varier fes deferiptions ,
en faifant de ces deux fortes de courfes un
objet de comparaison , capable de jeter
plus de feu , plus de brillant , plus d'énergie
dans fes odes ?
Si ces courfes à cheval , dit M. Freret ,
E Q U
on en a conclu avec afîez de vraifemblance,
que c'étoit un cheval de monture : mais
M. Frerec lui trouve un fécond qu'on
nommoit Cayros. Voilà un fait. Antima-
que Ça) l'afiiire ; il faut l'en croire : mais
il doit aufti fervir d'autorité' à ceux qui
ne penfent pas comme M. Freret. Or ,
Antimaque dit pofitivement qu'Adrâfte fuit
en deuil monté fur fon Arion. On a donc
eu raifon de regarder Arion comme un
E Q U S73
car il ne dit pas qu'ils fuiTent tons fur des
chars : d'ailleurs les chefs , dans les temps
héroïques, combattant pour l'ordinaire fur
des chars , il fe pourroit fort bien que le
fculpteur , qui ne s'attachoit qu'à faire con-
noicre ces chefs & par leur portrait & par
leur nom , n'ait repréfenté qu'eux , pour
ne pas jeter trop de confulion dans fes
bas -reliefs en y ajoutant un grand nombre
de figures d'hommes à cheval. Cette raifon
cheval accoutumé à être monté , fans nier ' eft d'autant plus plaufible , que dans !e
toutefois qu'il n'ait pu être quelquefois ! temps où ce coffre a été fait , il y avoit ,
employé à conduire un char. Antimaque j de l'aveu de M. Freret, au moins 150 ans
ajoute qu'Adrâfte fut le troifieme qui eut j que Xéquitation étoit connue des Grecs,
l'honneur de domter Arion : c'eft qu'il j Sur le mafïif qui foutenoit la ftatue
avoit appartenu d'abord à Onéus , qui le \ d'Apollon dans le temple d'Arayclé, Caftor
donna à Hercule. Tout cela ne prouve-t-il | & Pollux étoient repréfentés à cheval
(Pauf. /. III), de même que leurs fils
Anaxias & Mnafinoiïs. Paufanias rapporte
pas en faveur de Véquitation de temps an-
térieurs à la guerre de Troye ?
Monumens anciens. M. Freret fuit la j encore qu'on voyoit à Argos (lib. II. j
même marche dans l'examen des monu- \ dans le temple des Diofcures , les ftatues
mens anciens. Ceux où il n'a point vu de
chevaux de monture , méritent feuls quel-
que croyance , ils font autant de preuves
pofitives : les autres font ou factices , ou
modernes , on ne doit point y ajouter
foi.
( Paufan. /. V. ) Le coffre des Cypfélides
dont il a déjà été parlé , eft , félon cet
de Caftor & Pollux , celles de Phœbe &
Haïra leurs femmes , & celles de leurs fils
Anaxias & Mnafinoiïs , & que ces ftatues
étoient d'ébene , à l'exception de quelques
parties des chevaux. Il y avoit à Olympie
( Paufan. /. V. ) un grouppe de deux
figures repréfentant le combat d'Hercule
contre une amazone à cheval ; les mêmes
académicien , un monument du huitième 1 Caftor & Pollux étoient repréfentés à
fiecfe avant J. C. On y voyoit repréfentés ' Athènes debout , & leurs fils à cheval.
les événemcns les plus célèbres de l'hiftoire j ( Pauf. /. II. )
des temps héroïques , la célébration des
jeux funèbres de Pelias , plufieurs expédi-
tions militaires , des combats , & même
en un endroit deux armées en préfence :
dans toutes ces occafions , les principaux
héros étoient montés fur des chars à deux
ou à quatre chevaux , mais on n'y voyoit
point de cavaliers ; doit-on conclure qu'il
n'y en avoit point , de ce que Paufanias
n'en parle pas ? mais fon filence ne prouve
rien ici : au contraire , l'exprefîion qu'il
emploie donneroit lieu de croire qu'il y en
avoit. En décrivant deux armées repréfen-
tées fur r? coffre , il dit que l'on y voyoit
des cavaliers montés fur des chars ( Pauf.
/. V.) Ce n'eft point là affirmer qu'il n'y
en avoit point de montés fur des chevaux r
M. Freret qui rapporte tous ces monu-
mens , & quelques autres d'après Paufa-
nias , étale une érudition immenfe pour
montrer que les plus anciens font pofté-
rieurs à rétabliftèment de la courfe des
chevaux aux jeux olympiques. Quand on
en conviendroit avec lui , on n en feroic
pas moins autorifé à croire que la plupart
de ces monumens n'ont été faits que pour
en remplacer d'autres que la longueur du
temps ou les fureurs de la guerre avoient
détruits ; & que les fculpteurs fe font exac-
tement conformés à la manière difiinâive
dont les héros avoient été repréfentés dans
les anciens monumens , de même qu'à ce
que la tradition en rapportoit. La pratique
confiante de toutes les nations & de tous
(a ) Auteur d'un poëme de la Thébaïde ; il vivoit du temps de Socrate. Quintilien dit qu'en- lui donnait le
fécond ran» après- Homère » Adrien le mettoit au, deffus d'Homère même»
8So E Q U
les temps , donne à cette conjecture beau-
coup de vraifemblançe.
Quoique tous les monumens de la Grèce
fe fuient accordés à repréfenter les Tynda-
rides (x) à cheval ; quoiqu'un fait remar-
quable , arrive pendant la troifieme guerre
de Meffene (y ) , prouve manifeftement
l'accord de la tradition avec les fculpteurs ;
quoique cette tradition ait pénétré jufqu'en
Italie , & quoiqu'Homere lui-même en ait
dit , M. Freret ne peut fe réfoudre à croire
que Caftor & Polîux aient jamais fu mon-
ter à cheval : il veut abfolument que ces
deux héros & même Bellérophon , ne fuf-
fent que d'habiles pilotes , & leurs che-
vaux , comme celui qui accompagnoit les
ftatues de Neptune , un emblème de la
navigation.
M. Freret revient au récit de Paufanias
fur l'Arcadien Iaflîus , vainqueur dans une
courfe de chevaux , & cela à l'occafion
d'un monument qui autorifoit cette tradi-
tion : c'étoit ( Pauf. liv. VIII. ) une ftatue
pofée fur l'une des deux colonnes qu'on
voyoit dans la place publique de Tégée ,
vis-à-vis le temple de Vénus. Les paroles (\)
du texte de Paufanias l'ont fait regarder
comme une ftatue équeftre ; mais le fa-
vant académicien veut qu'elles figniflent
feulement que cette ftatue a un cheval
auprès d'elle , & tient de la main droite
une branche de palmier : d'où il conclut
qu'elle ne prouve point en faveur de Ye'qui-
tation y & qu'on l'érigea en l'honneur de
Iafîîus , parce qu'il avoit peut-être trouvé
le fecret d'élever des chevaux en Arcadie,
pays froid , montagneux ; où les races des
chevaux tranfportés par mer des côtes
d'Afrique , avoient peine à fubfïfter. Quand
une telle fuppofîtion auroit lieu , pourroit-
E Q U
on s'imaginer que cet Iaftîus , qui auroit
tiré des chevaux d'Afrique , où Véquuation
étoit connue de tout temps , eût ignoré
lui-même l'art de les monter, & ne s'en
fût fervi qu'à traîner des chars ?
Fable des antaures. La fable des cen-
taures» que les poètes & les mythologiftes
ont tous représentés comme des mon lires
à quatre pies , moitié hommes , moitié
chevaux , avoit toujours été alléguée en
preuve de l'ancienneté de Véquitation.
Toutes les manières dont on raconte leur
origine , malgré la variété des circonftan-
ces , concouraient néanmoins à ce but.
« Selon quelques-uns (Diodore , liv. IV.) ,
» Ixion ayant embrafTé une nuée qui avoit
» la refîemblance de Junon , engendra les
» centaures qui étoient de nature humaine :
» mais ceux - ci s'érant mêlés avec des
» cavales , ils engendrèrent les hyppocen-
« taures , monftres qui tenoient en même
>•> temps de la nature de l'homme & de
» celle du cheval. D'autres ont dit qu'on
?> donna aux centaures le nom tfhïppo-
» centaures } parce qu'ils ont été les pre-
» miers qui aient fu monter à cheval ; &
» que c'eft delà que provient Terreur de
» ceux qui ont cru qu'ils étoient moitié
m hommes , moitié chevaux. »
Il eft dit ( Diodore , ib. ) dans le récit
du combat qu'Hercule foutint contre eux ,
que la mère des dieux les avoit doués de
la force & de la vîteffe des chevaux , aufîi-
bien que de l'efprit & de l'expérience des
hommes. Ce centaure Neffùs , qui moyen-
nant un certain falaire , tranfportoit d'un
côté à l'autre du fleuve Evénus ceux qui
vouloient le traverfer , & qui rendit le
même fervice à Déjanire, n'étoit vraifem-
bîablement qu'un homme à cheval ; on
(*) Les Romains repréfentotent les Tyndarides à cheval. Denys d'Halicarnaffe , liv. VI, dit que le jour
de la bataille du lac Rhegille , l'an de Rome 258 & 494 avant Jefus Chrift, on avoit vu deux jeunes hommes
à cheval d'une taille plus qu'humaine qui chargèrent à la tête des Romains la cavalerie Latine , Se la mirent
en déroute. Le même jour ils furent vus à Rome dans la place publique , annoncèrent la nouvelle de la vic-
toire , & difparurent auffi-tôt.
(_y) Pendant que les Lacédémoniens célébroient la fête des diofeurcs, deux jeunes Mefleniens, revêtus
de cafaques de pourpre , la tête couverte de toques femblables à celles que l'on donnoit à ces dieux, &
montés fur les plus beaux chevaux qu'ils purent trouver , fe rendirent au lieu où les Lacédémoniens étoient
affemblés pour le facrifice. On les prit d'abord pour les dieux mêmes dont on célébroit la fête, & l'on fe
profterna devant eux : mais les deux MefTéniens profitant de l'erreur, fe jetèrent au milieu des Lacédémo*
niens , & en blefferent piulîeurs à coups de lances. Cette ailion fut regardée comme un véritable facrilege ,
parce que les Mefféniens adoroient auffi les diofeures. Paufanias, liv. IV.
ne
E Q U
fie fauroit le prendre pour un batelier ,
qu'en lui fuppofant un efquif extrêmement
petit , puifqu il n'auroit pu y faire palier
qu'une feule perfonne avec lui (a).
Prefque tous les monumens anciens ont
dépeint les centaures avec un corps humain ,
porté fur quatre pies de cheval. Paufanias
Cl. V.) allure cependant que le centaure
Chiron étoit repréfenté fur le coffre des
Cypfélides , comme un homme porté fur
deux pies humains , & aux reins duquel
on auroit attaché la croupe , les flancs &
les jambes de derrière d'un cheval. M. Freret,
que cette repréfentation met à l'aife , ne
manque pas de l'adopter aulîi-tôt comme
la feule véritable ; & il en conclut qu'elle
déligne moins un homme qui montoit des
chevaux , qu'un homme qui en élevoit.
Croyant par cette réponfe avoir pleinement
fatisfait à la queftion , il fe jette dans un
long dérail aftronomique , pour trouver
entré la figure que forment dans le ciel les
étoiles de la conftellation du centaure , &
la figure du centaure Chiron que l'on voyoït
fur le conve des Cypfélides , une relfem-
blance parfaite ; & il finie cet article en di-
fant que les différentes repréfentations des
centaures n'avoient aucun rapport à Xéqui-
tacion.
Une femblable alfertion ne peut rien
prouver contre l'ancienneté de l'art de mon-
ter à cheval , qu'autant qu'on s'eft fait un
principe de n'en pas admettre Pexiftençe
avant un certain temps. M. Freret , à qui la
foiblelfe de fon raifonnement ne pouvoit
être inconnue , a cru lui donner plus de
force en jetant des nuages fur l'ancienneté
de la fiction des centaures ; il a donc pré-
tendu qu'elle étoit poflérieure à Héfiode
& à Homère , & qu'on n'en découvrait
aucune trace dans c^s poètes.
Mais il n'y aura plus ri.n qu'on ne puilîe
nier ou rendre problématique , quand on
détournera de leur véritable fens , les ex-
prelTions les plus claires d'un auteur. Homère
Clliad. 1. 1 & II.) appelle les centaures des
mon/Ires couverts de poil, Qkp*s x*K*naUs
<fn,pri» opTxaun ; cette exprelîion qui pa-
role d'une manière lî précife fe rapporter à
Ë Q U 88i
l'idée que l'on fe formoit du temps de ce
poète , fur la foi de la tradition , de ces
êtres fantaltiques , M. Freret veut qu'elle
défigne feulement lagrofliéretê' & la férocité
de ces montagnards.
Enfin, quoique ces peuples demeurafTent
dans la TnelTalie , province qui a fourni la
première & la meilleure cavalerie de la
Grèce, plutôt que de trouver dans ce qu'on
a dit d'eux le moindre rapport avec Vequi-
tation ou avec fart de conduire des chars ;
M. Freret aimerait mieux croire qu'ils ne
furent jamais faire aucun ufage des chevaux ,
pas même pour les atteler à des chars \ il
fe fonde fur ce que dans l'Iliade les meil-
leurs chevaux de l'armée des Grecs étoient
ceux d'Achille &c. d'iïumelus, filsd'Admete ,
qui régnoient fur le canton de la ThelFalie
le plus éloigné delà demeure des centaures.
Un pareil raifonnement n'a pas befoin d*être
réfuté.
Conjectures de M. Freret. Le quatrième
& dernier article de la favante dilfertatioa
de M. Freret contient (es conjectures fur
l'époque de Xéquitation dans l'Aile mineure
& dans la Grèce ; elles fe réduifent à écablir
que fart de monter à cheval n'a été connu
dans l'Afie mineure que par le moy.n des
différentes incurfions que les Trérons & les
Cimmériens y firent , & dont les plus an-
ciennes étoient poftérieures de 150 ans à
la guerre de Troye , & de quelques années
feulement , fuivant Strabon , à l'arrivée des
colonies Eoliennes & Ioniennes dans ce
pays. Quant à la Grèce Européenne , il ne
veut pas que Xéquitation y ait précédé de
beaucoup la première guerre de Meflene ,
parce que Paufanias dit que les peuples du
Péloponnefe étoient alors peu habiles "dans
l'art de monter à cheval. M. Freret penfe
encore que la Macédoine eft le pays de la
Grèce où l'ufage de la cavalerie a commen-
cé ; qu'il a palTé delà dans la Thelîàlie ,
d'où il s'eft répandu dans le relie de la
Grèce méridionale.
Ainfi l'on voit premiérementque M.Freret
ne s'attache ni à déduire ni à discuter les
faits conllans que nous avons cités de Sé-
foftris , des Scolothes ou Scythes , & des
(«) Dcjanire étoit avec Hercule & Hyllus fon fils,.
Tome XII.
Ttttï
88i E.QV
Amazones.Il eft vrai qu'il nie que ces femmes
guerrières aient jamais combattu à cheval ,
parce qu'Homère ne le dit pas ; car le fi-
lence d'Homère eft par- tout une démonf-
tration évidente pour lui , quoiqu'il ne
veuille pas s'en rapporter aux exprefïions
pofitives de ce poe_e : mais cette afîèrrion
gratuite & combattue par le témoignage
unanime des hiftoriens , ne fauroit détruire
les probabilités que l'on tire en faveur de
l'ancienneté de Vequitation chez les Grecs ,
des conquêtes des Scythes & des Egyptiens ,
& des colonies que ceux-ci & les Phéniciens
ont fondées dans la Grèce plufieurs fiecles
avant la guerre de Troye.
Secondement , fixer feulement l'époque
de Vequitation dans la Grèce Européenne
vers le temps de la première guerre de
MefTene , c'eft contredire formellement Xé-
nophon (derep.Lacedxm.) , qui attribue à
Lycurgue les réglemens militaires de Sparte,
tant par rapport à l'infanterie pefamment
armée , que par rapport au-x cavaliers ; dire
que ceux-ci n'ont jamais fervi à cheval , &
dériver leur dénomination du temps où elle
défignoit auffi ceux qui combattoient fur
des chars, c'eft éluder la difficulté & fup-
pofer ce qui eft en queftion. Ces cavaliers ,
dit Xénophon , étoient choifis par des ma-
giftrats nommés hippagiritee > ab equitatu
congregando ; ce qui prouve une connoif-
fance & un ufage antérieurs de la cavalerie.
Cet établifTement de Lycurgue , tout fage
qu'il étok , fbufTrit enfuite diverfes altéra-
tions ; mais il ne fut jamais entièrement
aboli. Les hommes choifis, qui, fuivant l'in-
tention du législateur , avoient été deftinés
pour combattre à cheval , s'en difpenferent
peu à peu , & ne fe chargèrent plus que
du foin de nourrir des chevaux durant la
paix , qu'ils confioient pendant la guerre (h)
à tout ce qu'il y avoit à Sparte d'hommes
peu vigoureux & peu braves. M. Freret
confond en cet endroit Tordre des temps.
e q u
A la bataille de Leuâres , dit-il , la cavalerie
Lacédémonienne étoit encore très-mauvaifè,
| félon Xénophon ; elle ne commença à de-
venir bonne qu'après avoir été mêlée avec
I la cavalerie étrangère ; ce qui arriva au temps
I d'Agéfilaùs : ce prince étant paffé dans l'Afie
! mineure , leva parmi les Grecs Afiatiqucs
\ un corps de 1500 chevaux, avec Iefquels
il repafïà dans la Grèce , & qui rendit de
| grands fervices aux Lacédémoniens.
Agéfiîaùs avoit fait tout cela avant la ba-
taille de Leucrres. La fuite des éve-nemens
eft totalement intervertie dans ces réflexions
de M. Freret. Il fuit de cette explication ,
qu'encore que les cavaliers Spartiates n'aient
pas toujours combattu à cheval , il ne laif-
foit pas d'y avoir toujours de la cavalerie à
Sparte , mais à la vérité très-mauvaife : on
le voit fur-tout dans Phiftoire des guerres
kde MefTene. Paufanias , Vv. IV.
II eft à propos de remarquer que Strabon ,
fur lequel M. Freret s'appuie en cet endroit ,
prouve contre lui. Lorfque cet auteur dit
( Strabon , /. X. ) que les hommes choifis ,
que Fon nommoit à Sparte les cavaliers 3
fervoient à pié ; il ajoute qu'ils le faifoient
à la différence de ceux de l'ifîe de Crète :
ces derniers combattoient donc à cheval.
Or , Lycurgue avoit puifé dans l'iOe de
Crète la plupart de fes loix ; parconféquent
l'ufage de là cavalerie avoit précédé dans la
Grèce le temps où ce Iégiflateur a vécu.
S'il eft vrai qu'au commencement des
guerres de MefTene les peuples du Péio-
ponnefe fuiTent très-peu habiles dans l'art
de monter a cheval (c) , il l'eft encore da-
vantage qu'ils ne fe fervoient point de chars ;
on n'en voit pas un feul dans leurs armées,
quoiqu'il y eût de la cavalerie. Il eft bien
fingulierque ces Grecs , qui , dans les temps
héroïques n'avoient combattu que montés
fur des chars , qui encore alors fe faifoient
gloire de remporter dans les jeux publics le
prix à Iacourfe des chars , aient cefTé néan-
{b) Equos enim locupleùores alébant; cjim vtro in expeditionem eundum ejffit , veniebai is qui dejignatut trat , &
equum & arma . . . qualiofumque accipiebat , atqut militabat. Equis inde milites corporibus imbecilUs , animifquc
languentes imponebant. Xénoph. hift; Grecq. lib. VI.
(c) L'état de foible<Te où fe trouvoit aJors toute la Grèce , en général , étoit une fuite- de l'irruption des
Doriens de Theffalie , fous la conduite des Héraclides i cet événement , arrivé un fîecle après la prife de
Troye, jeta la Grèce dans un état de barbarie & d'ignorance à peu près pareil, dit M. Freret, à celui
où l'invafion des Normands jeta la France fur la fia du neuvième fiecle. Cela eft conforme à ce que rap-*
porte Thucydide, Uv. I; il fallut plufieursfiedes pour mettre les Grecs en état d'agir avec vigueur».
EQU
moins tout à coup d'en faire ufage à la
guerre , qu'on n'en voie plus dans leurs
armées , & qu'ils n'aient commence d'en
avoir que plufieurs fiecles après , lorfque
les généraux d'Alexandre fe furent partagé
l'empire que ce grand prince avoit conquis
fur Darius.
Une chofe étonnante dans le fyftême de
M. Freret , c'eft qu'il fuppofe néce-flaire-
ment que l'ufage des chars a écé connu des
Grecs avant celui âeYequication. La marche
de la Nature qui nous conduit ordinaire-
ment du (impie au compofé , fc trouve ici
totalement renverfée , quoi qu'en ait dit
Lucrèce dans les vers fuivans :
Et priùs eft rcpertum in tqui confceniere caftas ,
Et moderarier hune fr&no , dextrâque vigere ,
Quàpi hijugo curru belli ttntarc pericla,
Lucr. /. V.
Ce poète avoit raifon de regarder l'art
de conduire un char attelé de plufieurs che-
vaux , comme quelque chofe de plus com-
biné , que celui de monter & conduire un
feul cheval. Mais M. Freret foutient que
cela eft faux > & que la façon la plus fimple
& la plus aifée de faire ufage des chevaux,
celle par où l'on a dû commencer , a été
de les attacher à des fardeaux , & de les
leur faire tirer après eux : « par-là , dit-il ,
m la fougue du cheval le plus impétueux eft
» arrêtée , ou du moins diminuée. ... Le
» traîneau a dû être la plus ancienne de
» toutes les voitures ; ce traîneau ayant été
y) pofé enfuite fur des rouleaux, qui font
» devenus des roues lorfqu'on les a atta-
?y chées à cette machine , s'éleva peu à peu
» de terre , & a formé des chars anciens à
» deux ou à quatre roues. Quelle combi-
» naifon , quelle fuite d'idées il faut fup-
m pofer dans les premiers hommes qui fe
» font fervis du cheval ! Cet animal a donc
» été très-long-temps inutile à l'homme ,
» s'il a fallu , avant qu'il le prît à fon fer-
» vice , qu'il connût l'art de faire des liens,
» de façonner le bois, d'en conftruire des
EQU 883
» traîneaux. Mais pourquoi n'a- 1- il pu
» mettre fur le dos du cheval les fardeaux
» qu'il ne pouvoir porter lui-même ? Ne
» diroit-on pas que ie cheval a la férocité
» du tigre & du lion , & qu'il eft le plus
» difficile des animaux , lui qu'on a vu fans
» bride & fans mors obéir aveuglément à
» la voix du numide ? » Mais pour com-
battre un raifonnement auiïi extraordinaire
que celui de M. Freret , il fuffic d'en ap-
peller à l'expérience connue des îiecles paflés
& à nos ufages préfens : on ne s'avife d'at-
teler les chevaux à des charrues , à des char-
rettes , &c. qu'après qu'ils ont été domtés ,
montés, & accoutumés avec l'homme ; une
méthode contraire mettroiten danger la vie
du conducteur & celle du cheval. Mais
l'hiftoire dépofe encore ici contre cet aca-
démicien : par le petit nombre de chars que
l'on compte dans les dénombremens qui
paroiflent les plus exa&s des armées ancien-
nes , éV la grande quantité de cavalerie Çd)9
il eft aifé de juger que celle-ci a nécefTaire-
ment précédé l'ufage des chars. Ce n'eft pas
qu'on ne trouve fouvent les chars en nombre
égal , & même fupérieur à celui des gens
de cheval ; mais on a lieu de foupçonner
qu'à cet égard il s'eft gliffé , de la part des
copiftes , des erreurs dans les nombres. On
en eft bientôt convaincu , quand on réfléchit
fur l'impoiTibilité de mettre en bataille &
de faire manœuvrer des vingt ou trente
mille chars (e) : on obferve d'ailleurs , que
bien-loin de trouver dans les temps mieux
connus cette quantité extraordinaire de
chars , chez les peuples mêmes qui en ont
toujours fait le plus grand ufage , on en
compte à peine mille dans les plus formi-
dables armées qu'ils aient mis fur pied (f).
Pour terminer enfin cet article , je tire
de M. Freret même une preuve invincible
que V equitation a dû précéder dans la Grèce
j l'ufage des chars.
Selon cet auteur , les chevaux croient
1 rares en ce pays : on n'y en avoit jamais vu
I de fauvages , ils avoienr tous été amenés de
' dehors. Dans les anciens poètes , on voit
(<f) Lors du paflage de la mer Rouge, les Egyptiens avoient fix cents chars & cinquante mille hommes
de cavalerie, & Salomon fur douze mille hommes de cavalerie avoit quatorze cents chars. En faifant un
calcul, on trouveroit le commandant de chaque efeadron fur un char.
(<) Guerre des Philiftins contre les Ifraélites. Jofeph, liv. VI, ch. vij.
(f) Voyt\ l'expédition de Xerxès , & le dénombrement de fon armée , &c.
Ttttt 2.
884 E. Q U
que les chevaux étoient extrêmement chers,
& que tous ceux qui avoient quelque célé-
brité écoLnt regardés comme un préfent de
Neptune ; ce qui , dans leur langage figuré ,
fignifie qu'ils avoient été amenés par mer
des côtes de la Lybie & de l'Afrique.
Cela pofé ,. eft- il vraifembîable que quel-
qu'un ait rranfpoité de ces pays des chevaux
dans la Grèce , & qu'il n'ait pas enfeigné
à ceux qui les achetoient la manière la plus
prompte , la plus utile , la plus générale de
s'en fervirHl eft incontefrab'.e que Véqui.a-
tion étoit connue en Afrique long- temps
avant la guerre de Troye. Par quelle raifon
tes marchands en vendant leurs chevaux fort
cher aux Grecs, leur auroient-ils caché l'art
de les monter ? ou pourquoi les Grecs fe
feroient-ils chargés de chevaux à un prix
excefîif , fans apprendre les différentes ma-
nières de les conduire , de les manier , &
d'en faire ufage ?
M. Freret devoit , pour donner à fon fyf-
tême un air de vérité , prouver avant toute
autre chofe que l'art de monter à cheval
étoit ignoré dans tous les lieux d'où les Grecs
ont pu tirer leurs premiers chevaux. Ne
Payant pas fait, fa difïertation , malgré toute
Férudirion qu'elle renferme , ne pourra ja-
mais établir fon étrange paradoxe , & il de-
meurera pour confiant que V équitation 2. été
pratiquée par les Grecs long-temps avant
le fîege de Troye. Cet article eft de
M. D'AuTHriLLE \ y. commandant de
bataillon.
tÉQUITATION, ÇMéd.) 'vxwiU, 't7r*rx<rix,
equitatio , l'a&ion d'aller à cheval (*).
e q u
On a reconnu de tout temps que l'exer-
cice du corps étoit le moyen le plus fur &
le plus efficace pour conferverlafanré, pour
la rétablir lorfqu'elle fe trouve altérée &
dérangée. Chacun fait que les perfonnes qui
pafTent leur vie dans la molleill & fans faire
aucun exercice , ne jouiffent jamais d'une
bonne fanté , & qu'elles font fujettes à une
infinité de maladies. Leurs fibres font foi-
bles & relâchées , leur corps s'engourdit &
devient parefTeux. Elles commencent à per-
dre l'appétit , parce que les digeftions fe
font mal ; leur corps grofîit & fe charge
d'une mauvaife graillé , & elles font bien-
tôt dans l'incapacité de vaquer à rien. L'exer-
cice au contraire augmente les forces ; la
circulation du fang & de toutes les humeurs
fe fait mieux & avec plus d'uniformité ,
les fibres prennent de la force & de l'élaf-
ticité , toutes les humeurs reçoivent une
élaboration plus parfaite , le fluide nerveux
fe fépare en plus grande quantité dans le
cerveau pour fe répandre dans les nerfs , &
tous les mouvemens^ & toutes les fondions
du corps fe font avec plus de force &
d'aifance.
Mais fi l'exercice en général produit tous
ces avantages, celui du cheval a une grande
prérogative fur tous les autres. Il guérit
non feulement un grand nombre de ma-
ladies, mais il les prévient avant qu'elles
foient formées.
L'exercice du cheval opère ces effets fa-
îutaires fur notre corps , par le moyen des
fecoufîès réitérées qu'il imprime fur les fo-
lides ; ce qui occafione dans le fyftéme
( * ) Le mouvement du corps que procure Yêqultatlon lorsqu'elle 'eft modérée, peut être très-falutaire ; il
caufe de douces fecoufîès dans les vifceres de la poitrine & du bas- ventre •, il les applique & les prefîe fans
efforts les uns contre les autres ; il donne occafîon à ce que l'on change d'air, & que l'on refpire celui de
la campagne; il fait que ce fluide pénètre avec plus de force dans la poitrine ; il difpofe à l'excrétion des
matières fécales.
Il réfulte de tous ces effets combinés des changemens fii avantageux, dans les cas où Yéquitation eft faite à
propos, qu'ils font prefque incroyables. Elle convient en général aux perfonnes d'un tempérament foible»
délicat , dans les maladies qui produifent de grandes diminutions de force : on doit obferver qu'elle ne doit
pas avoir lieu pendant que l'eftomac eft plein d'alimens , mais avant le repas , ou lorfque la digeftion eft
prefque faite, attendu que les fecoufles que donne le cheval ne pourroient que caufer des tiraillemens
douloureux à ce vifcere par le poids des matières contenues.
L'expérience avoit appris à Sydenham à faire tant de cas de Yéquitation , qu'il la croyoit propre à guérir,
fans autre fecours, non feulement de petites infirmités, mais encore des maladies défefpérées, telles que
la confomption, la phthifie même accompagnée de fucurs nocturnes & de diarrhée colliquative, ôc il
témoigne, dans fa diifertation épiftolaire , n'être pas moins affuré de l'trricaciré de ce fecours dans cette
dernière maladie , que de celle du mercure dans la curation de la vérole , & de celle du quinquina contre les .
fièvres intermittentes : il avertie en même temps qu'il ne faut pas que ceux qui mettent en ufage l' équitation ».
fefatiguent tout d'un coup par. une courfe trop précipitée i mais qu'ils doivent faire cet exercice , d'abord.
E Q U E QV 885
vafculeux une action & une réa&ion fur réfultenr , la circulation du fang devient
les parois des vaifTeaux , qui augmentent le
mouvement des liqueurs qu'ils contiennent,
plus facile dans les ramifications de la veine-
porte & dans les vifeeres du bas-ventre , où
& procurent une circulation plus libre juf- il fe fait le plus fouvent des engorgemens ,
que dans les plus petits vaifTeaux capillaires ,
& entretiennent un jufte équilibre entre les
folides & les liquides , d'où dépendent uni-
quement la vie & la fanté.D'ailleurs, le retour
du fang pouffé dans les extrémités des vaif-
feaux veineux retourneroit difficilement au
principe du mouvement , s'il n'étoit
cœur
fécondé par l'action & la force des mufcles
que l'exercict en général , mais fur-tout celui
du cheval , favonfe. La circulation deve-
nant donc par ce moyen plus facile , plus
prompte , jufque dans les plus petits vaif-
Teaux , le fang & la lymphe fe trouvent plus
atténués , mieux préparés , & acquièrent en
un mot une plus grande perfection.
Cet exercice facilite fur-tout la circula-
tion dans les parties glanduleufes de tout
le corps où on fait qu'elle ne fe fait que fort
lentement , à caufe des circonvolutions des
vaiiîèaux & du défaut de leur refîbrt. La
lymphe d'ailleurs , qui s'y prépare , eft
d'une nature vifqueute & très - difpofée à
s'épaifîir & à produire des engorgemens
dans ces parties. L 'equitation développe en-
core , en accélérant l'action des folides &
le mouvement des liquides,, le principe
phlogiftique du fang & des différentes li-
queurs , & augmente par conféquent le
degré de chaleur du corps ; ce qui fait que
toutes les fonctions fe font avec plus de
facilité & d'abondance , fur-tout la tranf-
piration dont la diminution ou la fuppref-
fion occafîonent une infinité de maladies.
L'exercice dont nous parlons eft encore
très-efficace pour faciliter la digeftion des
alimens , pour débarrafTer l'eftomac des ma-
tières glaireufes & des crudités qui font la
fuite des mauvaifes digeftions. L'action que
cet exercice opère fur le diaphragme & fur
les mufcles du bas-ventre , facilite l'entrée
du chyle dans les veines laétées , & confé-
quemment la nutrition, la tranfpiration , les
digeftions , la fortie des excrémens & la
fecrétion de tous les vifeeres du bas-ventre.
Enfin , un des principaux avantages qui en
des ftafes & des obftruchons , parce que
cette veine eft destituée de pulfation comme
les artères , & d'ailleurs elle n'a point de
valvules pour empêcher le fang de técrogia-
der ; ce n'eft que par le moyen de l'action
des mufcles du bas-ventre & de celui du
diaphragme , que le fang y fait fon chemin.
La fituation du cavalier donne à toutes
les parties du corps , & fur-tout aux vifeeres
du bas-ventre ,. beaucoup moins de gène
que l'exercice du chariot, du carroffe, du
traîneau , &c. & la circulation du fang fe
fait auffi avec beaucoup plus d'aifance ;
d'ailleurs , l'air libre & qui change conti-
nuellement , que refpire un cavalier , eft
beaucoup plus falutaire que celui d'un car-
roffe, fur-tout s'il eft renfermé. Cependant
le luxe & h mollefïe l'ont prefque fait entiè-
rement abandonner de nos jours , fur-tout
aux dames, auxquelles fans contredit il feroit
encore beaucoup plus falutaire qu'aux hom-
mes. Les maladies nerveufes auxquelles elles
font fi fujettes, ne peuvent fouvent fe guérir
que par cet exercice. Les fecouftes douces
& réitérées qu'il procure & qui portent prin-
cipalement fur la poitrine & fur les vifeeres
du bas-venrre , font le moyen le plus fur
pour rétablir le ton & l'élafticité des fibres
des vaiiîèaux & des nerfs , pour défobftruer
les vifeeres engorgés , pour rendre la fluidité
nécefîaire aux liquides; en un mot, pour
rétablir la circulation dans cette unifor-
mité, fans laquelle on ne fauroit jamais jouir
d'une fan té ferme & durable.
Nous venons de voir les avantages géné-
raux que V equitation procure ; entrons dans
quelque détail fur les heureux effets de cet
exercice ; effets les plus falutaires & les plus
marqués , & fans Iefquels les remèdes les
mieux indiqués & les mieux appropriés ,
font le plus fouvent fans fuccès, fi on n'y
joint l'ufàge de cet exercice.
Tous les médecins conviennent que l'exer-
cice du cheval eft le remède le plus fur , le
plus efficace qu'on puhTe mettre en ufage
fort doucement & pendant un petit efpace de temps, enfuite en augmenter peu à peu !e mouvement
& la durée. Il rapporte un grand nombre d'exemples de très-belles cures qu'il a faites par ce moyen»-
Voyt\ la diifertation citée ci- deflus , parmi les œuvres de cet auteur. Voy.t\ Gymnastique, (d)
$$6 E Q U
contre la phthifîe , lors même que le poumon
< ft déjà ulcéré , & que fans ce moyen , tous
les autres remèdes font le plus fouvent fans
effet. Boerhaave , Sydenham , Hoffman
l'ont fur-tout recommandé comme le feul
& unique remède fur lequel on puifTe comp-
ter , & dont on puifïè attendre la guérifon.
Cet exercice efi encore très-utile dans la
plupart des maladies de la poitrine , fur-tout
dans l'afthme humoral & convulfif , dans
les toux opiniâtres , dans la palpitation du
cceur , qui vient ou de l'épai'îiilèment du
fang , ou des mouvemens fpafmodiques
des nerfs de ce vifcere. On a même des
exemples de perfonnes attaquées d'abcès au
poumon qui ont été guéries par le mouve-
ment du cheval en occalionant l'ouverture
& Pexpulfion de l'abcès.
C'eft un des plus grands remèdes dans
les maladies des vifceres du bas- ventre ,
qui font la fuite d'un fang épais & gluti-
neux , qui produit des ftafes , des obf-
truclions dans le foie , dans la rate , dans
le méTentere , dans les affections hypocon-
driaques , hyflériques & mélancoliques ;
& c'eft avec raifon que Baglivi & les pins
grands médecins l'ont regardé comme le
plus fur & le plus puiffant remède dans
toutes les maladies de ce genre.
On a aufTi fouvent réufii à difîiper les
jauniiTes les plus opiniâtres , produites par
les engorgemens de la bile dans les pores
biliaires , dans le conduit hépatique & cif-
tique , par l'exercice du cheval. Le célèbre
Frédéric Hoffman l'a auili très -recom-
mandé comme un remède dont il ayoit
vu des effets merveilleux dans les affections
cachectiques & fcorbutiques. J'ai eu occa-
iion plusieurs fois de guérir des diarrhées
habituelles qui duroient depuis plufteurs
années , & qui avoient refaire à tous les
meilleurs remèdes , en faifant monter les
malades à cheval matin & foir. Enfin , on
doit le regarder comme un des meilleurs
remèdes dans toutes les maladies , qui
reconnoiffent pour caufe la foibleffe du
> genre nerveux , qui font aujourd'hui fi
fréquentes.
Mais pour retirer de l'exercice du che-
val tous les avantages dont nous venons
de faire l'énumération , on doit obferver
avec exactitude les règles fuivantes. i°. On
e q u
doit choifir un cheval docile , bien drefTë',
dont les mouvemens ne (oient pas rudes 6c
fatigans , & fur lequel le cavalier foit afïis
à fon aife , fans avoir les jambes ni trop
tendues ni trop raccourcies dans l'étrier.
2°. On doit commencer cet exercice par
de petites promenades qu'on pourra infen-
fiblement prolonger chaque jour jufqu'à
trois ou quatre lieues le matin , & autant
fur le foir dans les maladies invétérées ,
opiniâtres , hypocondriaques , fcorbuti-
ques , & dans les affections de la poitrine.
Mais on doit fur-tout obferver la règle que
je viens de prefcrire , lorfque la maladie
vient d'un fang épais , & qui ne peut cir-
culer qu'avec beaucoup de peine & de
lenteur dans les petits vaifîèaux capillaires ;
car fi on donnoit un mouvement trop
violent & trop long au fang avant qu'il
foit atténué , & qu'il ait acquis une flui-
dité fumfante , ne pouvant faire fon che-
min dans les petits vaifîèaux , il feroit
obligé de s'arrêter & de rétrograder dans
les gros vaifîèaux ; ce qui produiroit des
douleurs dans les membres , & une lafîi-
tude générale de tout le corps , & dégoû-
terait le malade de cet exercice qu'il croi-
rait lui être nuifible. C'eft fur - tout les
hypocondriaques que cette règle regarde.
3°. On ne fauroit prefcrire au jufte le de-
gré d'aâion & de fecouffe qui convient
à chaque malade : cela dépend de la force ,
du tempérament, de l'âge du malade , de
l'habitude de monter à cheval , & de mille
autres circonffances fur lefquelles on ne
fauroit donner des règles précifes , & c'eft
fur quoi on doit confulter fon médecin ,
& fe confulter foi- même. En général , les
courfes violentes au galop , trop continuées,
font prefque toujours nuifibles , elles fati-
guent la poitrine en accélérant trop la ref-
piration , elles diminuent la tranfpiration
infenfible ; & l'expérience nous apprend
que les couriers à cheval , qui font ce
métier tous les jours , meurent la plupart
dans la fleur de leur âge , ou du moins
ils ne parviennent pas à un âge fort avancé.
4.0. On doit prendre cet exercice deux fois
le jour , le matin après le lever du foleil &
avant les grandes chaleurs , & l'après midi
fur les cinq à fix heures avant le coucher
du foleil ; on doit , dans les maladies de
E Q U
poitrine , éviter foigneufement^es'expofer
au ferein du foir , à la fraîcheur du matin ,
& à l'air humide & pluvieux. Il faut
auffi éviter de monter à cheval lorfque
l'eftomac eft trop chargé d'alimens , &
avant que la digeftion foit à peu près faite ;
le mouvement du cheval la trouble , la
dérange , & fait entrer des fucs grofliers
& mal préparés dans le fang , qui font la
caufe d'une infinité de maladies. Cette
E Q U 8S7
Comme l'exercice du cheval donne ordi-
nairement beaucoup d'appétit , on peut
permettre à ceux qui en font ufage , de
manger un peu plus que de coutume ;
mais il faut qu'ils s'abftiennent de toute
nourriture groffiere , venteufe & indigefte :
ils doivent aufîi obferver avec foin de ne
pas trop charger leur eftomac à la fois , &
de faire plutôt quatre repas par jour , fur-
tout dans les climats tempérés & froids ,
règle fouffre cependant quelque exception , j & cette règle regarde fur-tout les jeunes
car il y a des tcmpéramens , & fui -tout'
les bilieux , qui ne peuvent fupporter
aucun exercice violent , & fur-tout celui
du cheval , lorfque leur eftomac eft entiè-
rement vuide ; les perfonnes qui font dans
ce cas , doivent prendre un bouillon ou
quelque nourriture légère & de facile di-
geftion avant que de monter à cheval.
50. Les hypocondriaques & les perfonnes
qui font fujettes aux vents , feront bien
de porter une ceinture qui foutienne les
mufcles du bas - ventre & qui empêche
que les vents ne procurent trop de dilata-
tion aux inteftins , fur-tout s'ils font d'un
tempérament foible & délicat. 6°. Quoi-
que cet exercice foit utile & quelquefois
néceffaire en tout temps , il convient gé-
néralement mieux dans le printemps &
dans l'automne , & on doit , autant qu'il
eft pofîible , choifir un temps calme &
tranquille, & exempt d'humidité, & ne
point s'expofer d'abord après cet exercice
à l'air froid & humide qui cauferoit une
fuppreiîion fubite de la tranfpiration , qui
pourroit avoir des fuites fâcheufes ; & fi
le malade fe trouvoit altéré au retour de
fa promenade , il doit éviter de faire ufage
d'aucune efpece de boiflbn froide : elle
fupprimeroit la tranfpiration & pourroit
avoir des fuites fâcheufes , & même pro-
curer des maladies inflammatoires de poi-
trine. 70. On ne doit pas permettre à ceux
qui montent à cheval de prendre leur
repas d'abord après leur retour ; on doit
attendre au moins une heure , afin de
donner aux humeurs le temps de fe re-
mettre dans le calme , & la tranquillité
ordinaire ; car Sandorius a obfervé que
îorfqu'on prend fon repas d'abord après
l'exercice , la tranfpiration diminue confi-
dérablement ; ce qui eft fort nuifible.
gens , car les vieillards ont beaucoup moins
befoin de nourriture que les jeunes gens
qui font encore dans la vigueur de l'âge.
8°. Dans les maladies de poitrine , fur-
tout dans la phthifie , & dans les obftruc-
tions invécérées & opiniâtres , il ne fuffit
pas fouvent de s'en tenir à de {impies
promenades de cheval dont nous venons
de parler , mais il faut entreprendre de
longs voyages , fi on veut les déraciner
entièrement ; on a beaucoup d'exemples de
perfonnes qui ont été guéries des maladies
les plus opiniâtres , par le moyen des voya-
ges de longs cours, & fans prendre aucun
remède. Q°. Le trot du cheval eft pour
l'ordinaire le pas qui eft le plus falutaire
pour toutes les efpeces de maladies qui
demandent cet exercice ; mais on doit fe
procurer un cheval dont le trot foit doux
& qui ne fatigue pas trop le malade , fur-
tout s'il eft d'un tempérament délicat , &
qu'il foit affoibli par une longue maladie.
Ce pas , par les petites fecouffes réitérées
qui augmentent l'ofcillation des vaifleaux ,
eft beaucoup plus propre que tout autre à
détruire les engorgemens des glandes , des
vifeeres & des petits vaifleaux obftrués ,
& à rétablir le ton & le reflbrt de tous les
folides.
Après les règles que nous venons d'ex-
pofer fur l'exercice du cheval , qui font
d'une nécefïité indifpenfable pour la gué-
rifon des maladies , doit-on être furpris fi
on voit tous les jours beaucoup de per-
fonnes qui en font ufage fans en retirer
aucun effet falutaire , parce qu'elles ne
veulent point fe gêner dans leur genre de
vie ordinaire , ni fe mettre en peine d'ob-
ferver aucune des règles que nous venons
de preferire? (B)
En faifant fentir ici la nécefTité de l'exer-
8S8 E Q U
cice pour les hommes , nous n'avons garde
de ne pas comprendre les femmes fous
certe dénomination. En efFec la ftru&ure
de la femme , à l'exception des différences
fexuelles , eft toute femblable à celle de
l'homme. Principes , économie , fondions
animales , tout eft exactement conforme
& commun entre ces deux êtres. Le mou-
vement leur eft aufti également naturel.
L'agitation inféparable de l'enfance eft fa-
milière aux deux fexes. Tous deux à ce
bel âge font livrés de pafïion aux mêmes
exercices. Ce n'cft que la réferve de l'édu-
cation des filles , qui les empêche de fuivre
auffi librement le penchant que la nature
leur a donné pour tous les mouvemens
précipités , & fi on les y voit moins adon-
nées , on n'eft pas fans s'appercevoir aifé-
menr de l'état de contrainte où elles font ,
combien elles fouffrent impatiemment cette
gêne , & combien elles envient en ce
moment le fort des jeunes garçons de
leur âge.
Dans un âge plus avancé , ne voit -on
pas même dans les condrions fupérieures ,
de jeunes filles &: des femmes mariées ,
monter volontiers â cheval , aller à la
pêche , à la chaîTe , Ùc. ï Ces exercices
loin de prendre fur leur tempérament ,
au contraire le fortifient , & rendent leur
fanté plus aflurée. N'a-t-on pas vu fouvent
des femmes fuivre leurs maris à la guerre ,
& ne reculer pour aucune des fatigues ,
compagnes nécelTaires de ce dangereux
métier ?
D'autres , dans nos campagnes , labou-
rent , fouillent perpétuellement la terre ,
coupent les bleds , & partagent avec les
hommes les plus durs travaux de l'agri-
culture. D'autres , encore , plient fous le
poids des fardeaux , marchent tout le
jour , endurent les froids les plus rigou-
reux , comme les chaleurs les plus fortes,
couchent fur la dure , fans même que
la groftefîe leur ferve de prétexte pour
s'exempter d'un genre de vie aufîi dur &
an Ai pénible.
Qu'on ne nous allègue donc plus la
prétendue foibklTe des femmes , & ne
foyons pas afiez dupes pour compatir â la
parefife de nos dames du bon ton , & de
toutes nos petites maîtrefiès. Cette foiblefle
E Q U
dont elles prétendent fe couvrir , eft leur
propre ouvrage , & le prétexte ou l'effet
de leur feule molleffe. Ayons le courage
d'être un inftant rigoureux à leur égard.
Notre défaut de complaifance à ce point,
deviendra pour elles le fervice le plus fi-
gnaié que nous puillions jamais leur ren-
dre.
En attendant que nous puiftions leur
infpirer ce defir de s'adonner chaque jour,
pendant quelques heures , à un exercice
Llutaire , & jufqu'à ce qu'elles puilTent
prendre allez fur elles-mêmes , pour ne
pas redouter de donner à peu près autant
de mouvement à leurs pies , qu'elles en
donnent à leur langue, voici une mécha-
nique ingénieufe , qui peut avantageuse-
ment fuppléer à leur nonchalanre inaction ,
& à la pareffe criminelle de tous les hom-
mes qui fe dégradent affez , pour ne pas
craindre de leur reffembler.
Cette machine appellée tabouret ou fiege
d'equuation, eft la plus lefte & la plus
fimple qu'on ait encore imaginée , & de
beaucoup fupérieure au famtux tiémoujjoir
du teu aube de Saint-Pierre.
Elle confifte en un fiege folidement
placé au milieu d'un équipage de leviers
fufpendus ait plancher d'une chambre. Cet
équipage eft formé par deux perches de
jeune bois de frêne , traverfées dans le
milieu par un axe de rotation , qu'on
attache aux poutres d'un plancher De
l'extrémité de ces perches , defeendent des
courroies qui fouriennent un marche- pié ,
fur lequel on aftujettit , pour s'y aflèoir ,
un tabouret , ou même un petit fauteuil ,
élevé convenablement , & rendu mobile
fur quatre pies fixes. En tirant foi-même
de delTus le fiege , tantût un , & tantôt
deux cordons de foie , lefquels font jouer
enfemble ou fépaiément deux petits leviers
ajuftés entre les perches , on tait jouer &
marcher la machine \ & aftis fort à fon
aife , on fe donne tous les mouvemens
que l'on peut éprouver fur un bon cheval.
On peut auffi aller le pas , l'amble , le trot
& le galop , félon le degré de force ou de
légèreté que la perfonne qui monte la ma-
chine , a la volonré d'imprimer à fes mou-
vemens, & qu'elle peut accélérer ou ralentir
à fon gré.
Au
EQU
Au refte , ce fîege iïéquitarion eft tel-
lement combiné dans les mouvemens ,
qu'il repréfente encore les fauts en avant ,
\qs coups de derrière , les cabrioles du
cheval , les voltes & autres allures du
manège , ainfi que le balancement de
l'efcarpolette : en forte que l'on peut
prendre , afïis commodément , tous les
plaifirs du cheval, & autres mouvemens
que l'on veut , & de toutes les manières
dont on peut s'avifer , fans courir aucun
rifque , fans crainte de chute , d'autant
que les mouvemens ne fe peuvent point
répéter plus fouvent , ou plus vivement
qu'on ne le juge à propos, le tout fans
fortir de fa chambre.
D'ailleurs , cette machine , quoique très-
folide , & de l'équilibre le plus parfait ,
offre encore la commodité de fe brifer &
de fe démonter entièrement , pour pouvoir
être déplacée & tranfportée par-tout où
l'on peut avoir deffein de la replacer.
Elle a encore l'avantage de pouvoir s'éle-
ver au plancher de la chambre dans la-
quelle elle eft fufpendue , & de s'y fixer
de manière à ne point embarrafîer après
l'exercice.
Le fiege préfente en differens côtés tous
les appuis néceflàires à l'ufage des femmes,
des vieillards & des convaîefceas , qui ne
pouvant fe procurer par eux - mêmes les
fecouffes de Yéquitation , font dans le cas
d'employer le fecours d'une main étran-
gère. Un domeftique , en tirant les rênes
ou cordons de cette machine , lui fait
faire tous les mouvemens que la perfonne
qui prend cette forte d'exercice juge à
propos.
On voit , par cette defcription , de quelle
utilité & de quel avantage eft une ma-
chine d'une aufii ingénieufe invention , &
combien elle eft bonne à rappelîer la tranf-
piration fi néceflaire aux perfonnes âgées,
à certains valétudinaires , aux perfonnes
attaquées de la goutte , & en général à
tous ceux qui font dans le cas de mener
une vie fédentaire; enfin , combien elle eft
propre à diftiper les obftruâions , fources
de toutes les maladies , à chafîèr les ven-
tofités fi incommodes & fi nuifibles , à
procurer une plus libre circulation du fang
& de la lymphe , & par conféquent à
Tome XII.
EQU 889
ranimer la gaieté & l'appétit, & ainfi à
rétablir & maintenir la famé.
On peut aufïi , au lieu de tabouret ,
de fauteuil ou autre fiege , adapter à la
place un cheval artificiel , fellé & bridé.
Pour lors les mouvemens , quoiqu'effen-
tiellement les mêmes qu'avec un fimple
fiege , paroiftènt néanmoins plus réguliers ;
ce qui forme un avantage de la plus grande
confédération. En effet , au moyen d'un
femblable cheval artificiel , on peut pré-
parer de bonne heure les enfans aux pre-
miers élémens du manège , fans leur faire
courir aucuns rifques. Ainfi nous ne pou-
vons qu'inviter les perfonnes aifées , &
fur- tout les chefs de grande éducation ,
tels que les principaux àes fortes penfions ,
à faire l'acquifition d'une machine aufiî
utile. Par fon moyen , les parens auront
l'agrément de voir les enfans qu'ils leur
confient , accoutumés dès leurs tendres
années aux mouvemens du cheval , &
familiarifés à un exercice d'un avantage
& même d'une néceffité fi abfolue , qu'il
devroit entrer dans toutes les éducations.
M. Genneté , premier phyficien & mé-
chanicien de l'empereur , eft l'inventeur
de cette admirable machine. (4-)
ÉQUITÉ , fubft. f. C Morale , Droit
politiq.j c'eft , en général , cette vertu
par laquelle nous rendons à chacun ce qui
lui appartient juftement , conformément
aux différentes circonftances où chaque
perfonne peut être relativement à notre
égard & aux loix de la fociété.
On confond quelquefois Y équité avec la
jufiice ; mais cette dernière paroît plutôt
défignée pour récompenfer ou punir, con-
formément à quelques loix ou règles éta-
blies, que conformément aux circonftances
variables d'une a&ion. C'eft par cette raifon
que les Anglois ont une cour de chancel-
lerie ou d'équité , pour tempérer la févérité
de la lettre de la loi , & pour envifager
l'affaire qui y eft portée , uniquement par
la règle de Y équité & de la confcience.
Cette cour de chancellerie eft un des beaux:
érablifTemens qu'il y ait en Angleterre , &
des plus dignes d'être imité par les nations
ciyilifées.
En effet , l'intérêt d'un fouverain &
fon amour pour fes peuples , qui l'engage à
Vvvvv
890 EQU
prendre garde qu'il ne fe faflè rien dans
lbn empire de contraire au bien commun ,
demande auiïi qu'il redrefle , qu'il redifïe ,
& qu'il corrige ce qui peut avoir été fait
de te!.
Aïn&Véquité, prife dans ce fens particu-
lier, eft une volonté du prince, difpofée
par les règles de la prudence à corriger ce
qui fe trouve dans une loi de fon état, ou
dans un jugement civil de la magiftrature
établie par fes ordres , quand les chofes y
ont été réglées autrement que la vue du
bien commun ne le demanderait dans les
circonstances propofées ; car il arrive fou-
vent que la loi fe fervant d'expreflions
générales , où la foiblefle de l'efprit humain
étant telle qu'elle empêche les Iégillateurs
de prévoir tous les cas poflibles , les chefs
de l'état s'éloignent du but auquel ils ten-
doient fincérement.
L'amour du bien commun exige donc
alors , que les Iégillateurs même , après
avoir examiné de près les circonftances
du cas préfent mieux qu'ils n'ont pu le
faire en fenvifageant de loin, corrigent par
une cour d'équité, à la faveur de la con-
noiflance plus parfaite qu'ils ont des chofes
expofées à leurs yeux , ce qu'ils avoient
établi pour règle là deflus.
C'eft de la loi naturelle que tire toute fon
autorité un jugement favorable , où l'on
prononce, non à la rigueur, mais avec
un adoucilîèment équitable ; & par confé-
quent cette loi naturelle eft la vraie fource
de X équité y digne de toute notre attention.
Voyez Loi naturelle-.
Outre fon ufage très-important dans la
correction des Ioix civiles , & quand il
s'agit de faire de telles loix , elle eft de la
dernière nécefîité dans les cas où les loix
civiles fe taifent , & pour le dire en un
mot , dans la pratique de tous les devoirs
des hommes les uns envers les autres ,
dont elle eft la règle & le fondement.
En effet , ce n'eft point des conventions
humaines & arbitrales que dépend Y équité ;
fon origine eft éternelle & inaltérable , de
manière que fi nous étions libres du joug
de la religion , nous ne devrions pas l'être
de celui de X équité: aufli quelle joie, dit
M. de Montefquieu , quel plaifir pour un
hosnme , quand il s'examine , de trouver
EQu
qu'il a le cœur jufte ! Il voit fon être autant
au deflus de ceux qui ne goûtent pas ce
bonheur , qu'il fe voit au deflus des tigres
& des ours. Oui , Rhédi , ajoute cet aimable
& vertueux écrivain , fous le nomà'Usbek
ÇLçtt. Perf. Ixxxj. ) , fi j'étois fur de fuivre
inviolablement cette équité que j'ai devant
les yeux , je me croirois le premier des
hommes ! Voyez DROIT, JUSTICE,
ÉCONOMIE POLITIQUE, BlEN,
Mal, Ùc Article de M. le chevalier
DE JAUCOURT.
* Équité, (Mythol) divinité des
Grecs & des Romains. Ils la repréfentoient
tenant une épée d'une main , & une balance
de l'autre. Ils la confbndoient quelquefois
avec Aftrée & avec la Juftice ; quelque-
fois ils l'en diftinguoient. Pindare donne
trois filles à X Équité, la Paix, Eunomie ,
& Dicé.
EQUIVALENT, adj. ( Philo f. ) fe
dit de ce qui a la même valeur , la même
force & les mêmes effets qu'une autre chofe
Voyez Égalité.
II y a plufleurs fortes $ équivalence :
dans les proportions , dans les termes , &
dans les chofes.
Les propositions équivalentes font celles
qui difent la même chofe en différens ter-
mes , comme : il eft midi jufte : le foleïl
pajje au méridien au deflus de Vhori\on.
Les termes équivalens font ceux qui ,
quoique différens pour le fon , ont cepen-
dant une feule & même Signification ,
comme temps & durée y &c.
Les chofes équivalentes font ou morales ,
ou phyftques, ouftatiques : morales, comme
quand nous difons que commander ou
confeiller un meurtre , eft un crime équi-
valent à celui du meurtrier : phyftques 9
comme quand on dit qu'un homme qui
a la force de deux hommes , équivaut à
deux : flanques y comme quand un moin-
dre poids équivaut à un plus grand , en
l'éloignant davantage du centre. Cham-
btrs.
ÉQUIVALENT , ( Jurifpr.) eft une im-
pofition qui fe paie au roi dans la province
de Languedoc , fur certaines marchandifes :
on la nomme équivalent y parce qu'elle
fut établie pour tenir lieu d'une aide que
l'on payoit auparavant. Pour bien entendre
E Q U
ce que c'eft que cet équivalent , & à quelle
occaflon il fut établi, il faut obferver que
Philippe de Valois , dans le temps de fes
guerres avec l'Angleterre , ayant établi une
aide ou fubfide fur le pié de 6 deniers
pour livre de toutes les marchandifes qui
feroient vendues dans le royaume , le roi
Jean , du confentement des états , porta
ce droit jufqu'à 8 deniers , & Charles V ,
à 12 deniers , ce qui fait le vingtième ; &
pour le vin vendu en détail , il en fixa le
droit au huitième , & au quatrième du
prix , félon les difFérens pays où s'en faifoit
la vente.
Charles VI , au commencement de fon
règne , déchargea fes fujets de cette im-
poli tion.
Elle fut rétablie par Charles VII,
d'abord par tout le royaume , mais il la
fupprima en 1444 , pour le Languedoc
feulement , au moyen d'une fomme de
80000 livres qui fut promife & payée
pendant trois années. Pour former cette
fomme , il permit de lever un droit d'un
denier pour livre fur la chair fraîche &
falée , & fur le poiflbn de mer , avec le
fixieme du vin vendu en détail. Ce droit
fut nommé équivalent y parce qu'en effet il
équivaloit à ï'impofition de l'aide.
Les trois années étant expirées , & les
befoins de l'état étant toujours les mêmes ,
le Languedoc fut obligé de continuer le
même paiement , & même de l'augmen-
ter ; car fous prétexte que la fomme de
80000 livres ne fuffifoit pas pour indem-
nifer le roi de ce qu'il auroit pu tirer de
l'aide , la province confentit à Ï'impofition
d'un nouveau droit , montant à 1 1 1776 liv.
pour remplir ce qui manquoit à la valeur
de X équivalent ; à condition néanmoins ,
que fi la recette de X équivalent montoit
à plus de 80000 livres , il feroit fait di-
minution d'autant fur le nouveau droit ,
qui fut appelle , du nom de Ï'impofition
commune , aide.
En 14)6" , Charles VII diminua X équiva-
lent y & le réduifit à 70000 livres ; mais en
même temps il augmenta l'aide jufqu'à
nocoo livres.
Louis XI , en 1461 , céda le droit d'équi-
valent à la province , au moyen de 70000 1.
de préciput ; mais il ne paroît pas que
E Q U 891
ce traité ait jamais eu d'exécution , comme
il réfulte de la déclaration donnée à Lyon
par François I , en 1522.
On voit d'ailleurs , que Louis XI par des
lettres du 12 feptembre 1467, attribua la
connoiftànce de X équivalent , en cas de
refïbrt & de fouveraineté , à la cour des
aides de Montpellier ; & cette attribution
fut confirmée par plufieurs autres patentes
poftérieures , entr'autres par Charles IX ,
le 20 juillet 1565 ; de forte que nos rois ont
toujours joui de X équivalent jufqu'à l'édit
de Beziers , du mois d'octobre 1632 , par
lequel Louis X I 1 1 en fit la remife à la
province , & de toutes autres impofitions.
Les états foîliciterent néanmoins la révoca-
tion de cet édit , parce qu'il donnoit d'ail-
leurs atteinte à leurs privilèges ; & ils obtin-
rent en effet un autre édit au mois d'cdobre
1649 , qui confirma à la province la remife
entière du droit de X équivalent 9 confirmée
par celui de 1649 ; au moyen de quoi ce
droit eft préfentement affermé au profit de
la province : le bail monte annuellement à
335000 1. de forte que la province y rrouve
un avantage confidérable , attendu qu'elle
ne paie au roi fur cet article que 69850 liv.
l'aide étant demeurée à fon point fixe &
ordinaire de 120000 liv. Voye\ Patente
DE LANGUEDOC. Voyelle Jiy le du par-?
lement de Touloufe y par Cayron } page
zj3. (A)
ÉQUIVALENT eft aufîi le nom que l'on
donne en certaines provinces à uneimpofi-
tion qui tient lieu de la taille , comme on
voit par des lettres du 10 mai 1643 > regif-
trées en la chambre des comptes , portant
établiffement de ce droit au lieu de la taille
dans les ifles de Marennes. (A)
ÉQUIVALENT , en quelques lieux, eft
ce que le pays paie au roi au lieu du droie
de gabelles , & pour avoir la liberté
d'acheter & vendre du fel , & être exempt
des greniers & magafins à fel. Voye[ le
glq/f. de M. de Lauriere , au mot équi*
valent. ÇA)
ÉQUIVALENT eft auflï un droit qui fe
paie en quelques provinces , comme Au-
vergne & autres , pour être exempt du
tabellionage. Voye\ le glojf. de M. de
Lauriere ibid. (A)
ÉQUIVOQUE , f. f. CGramm.Jdoubk
Vvvvv 2.
-•'
S92 EQU
fens d'une phrafe , produit par fa mauvaife
conftruéfion.
Les équivoques font des exprefîions lou-
ches, qui rendent le difcours réellement obf-
cur , & embarraffent l'efpritdu lecteur pour
en découvrir le véritable fens. Les langues
qui demandent de la clarté , & la langue
Françoife en particulier , font ennemies de
ces fortes d'ambiguités de conftruclion. Il
eft vrai que toute la lecture de la période
en fait d'ordinaire comprendre le fens , dès
que 1 on y donne un peu plus d'attention ;
mais il vaudront mieux que cela n'arrivât
point ; car c'eft aux paroles à faire entendre
Je fens , & non pas au fens à faire entendre
les paroles. Si l'on vous relit deux fois ,
dit M. de Vaugelas, que ce foit pour vous
admirer & non pas pour chercher ce que
vous avez voulu dire. Le même critique a
juftement remarqué que la plupart des équi-
voques fe forment dans notre langue par
les pronoms relatifs , pofTèflifs , & démonf-
tratifs. Exemple du pronom relatif : c'efl
le fils de cette femme qui a fait tant de mal.
On ne fait fi ce qui fe rapporte à fils ou à
femme ; de forte que fi l'on veut qu'il fe
rapporte à fils , il faut mettre lequel au lieu
de qui. Exemple du pronom poffeftïf : il a
toujours aimé cette perfonne au milieu de-
fort adverfité. Cefon eft équivoque ; car on
ne fait s'il fe rapporte à cette perfonne ou à
il, qui eft celui qu'on a aimé. Il en eft de
même du pronom démonftratif.
Les équivoques fe font encore , quand un
mot qui eft entre deux autres fe peut rap-
porter à tous les deux , comme dans cette
période d'un célèbre auteur : je pafferai par-
dejjiis ce qui ne Jtrt de rien ; mais auffi
yeux- je bien particulièrement traiter ce qui
me femblera nécejfaire. Le bien fe rapporte
à particulièrement , & non pas à veux- je ;
c'eft pourquoi pour écrire nettement , il
faîloit mettre , aujjî vejux-je traiter bien
particulièrement y te non pasraujfi veux-
je bien particulièrement traiter.
Le équivoques fe font enfin , quand on
met quelques mots entre ceux qui ont du
rapport enfemble , & que néanmoins les
derniers mots fe peuvent rapporter aux
mots qui font entre deux ; un exemple le va
faire entendre : V orateur arrive à fon but y
qui eft de ptrfuader y d'une jaçon toute
EQU
particuhere. L'intention de celui qui s'ex-
prime ainfi , eft que ces mots , d'une façon
toute particulière > fe rapportent à ceux-ci ,
arrive à fon but j mais comme ils font pla-
cés , il femble qu'ils fe rapportent à per-
fuader : il fau droit donc dire , l'orateur
arrive d'une façon toute particulière à fon
but , qui ejl de perfuader.
Quoique ce précis , tiré de M. Vaugelas ,
puiiiè ici fuffire , il feroit bon d'étudier
toutes les obfervations de cet auteur, de
même que celles de nos meilleurs criti-
ques , fur les équivoques de conftruclion ;
car c'eft le défaut dans lequel tombent les
plus grands écrivains , parce qu'il eft très-
difficile de l'éviter , fi on n'y donne une
grande attention, & fi on ne relit fouvent
fes ouvrages à tête repofée , mais il ne faut
pas en même temps porter fes timides
fcrupules jufqu'à l'excès , énerver fon ftyle ,
& prendre l'ombre d'une équivoque pour
une équivoque réelle.
Equivoque fe dit aufTi dans notre langue
d'un terme à double fens , dont abufent feu-
lement ceux qui cherchent à jouer fur les
mots. Voye[ PoiNTE ou JEU DE MOTS.
Article de M. le chev. DE J AU COURT.
ÉQUIVOQUE, (Morale. ) difcours ou
propofition â double fens ; l'un naturel ,
qui paroît être celui qu'on veut faire en-
tendre , & qui eft effectivement entendu
de ceux qui écoutent; l'autre détourné, qui
n'eft entendu que de la petfonne qui parle ,
& qu'on ne foupçonne pas même pouvoir
être celui qu'elle a intention de faire en-
tendre. C'eft un expédient imaginé pour
ne point dire la vérité & ne point mentir
en même temps ; mais cet expédient n'eft
réellement qu'une tromperie condamnable
dans ceux qui s'en fervent , parce qu'ils
manquent à la bonne foi. Il n'y a , dit
très-bien un de nos auteurs modernes ,
que lafubtilité d'une éducation fcholaftique
qui puiffe perfuader que V équivoque foit un
moyen de fauver du naufrage fa fincérité ;
car dans le monde ce moyen n'empêche pas
de pafîer pour menteur & pour mal-honnête
homme , & il donne de plus un ridicule
d'efprit très-méprifable.
Cependant n'eft - il jamais permis de
fe fervir de termes ambigus , ou même
obfcurs ? Je réponds avec Grotius & PufFen-
E Q U
dorf, qu'on ne doit Jamais y avoir recours ,
à moins que ce moyen ne (bit néceffùire ,
par exemple , à i'inftruction de ceux qui
font confies à nos foins, ou à éluder une
quellion importance ou captieufe , qu'on
n'a pas droit de nous faire , ou à nous
procurer quelque avantage innocent fans
nuire à un tiers. Du refte , toutes les fois
qu'on eft dans l'obligation de découvrir
clairement fa penfée à quelqu'un , il n'y a
pas moins de crime à le tromper par une
équivoque que par un menfonge. Enfin ,
de l'aveu même des païens , c'eft un lâche
artifice & une infigne fourberie . que
d'avoir recours aux équivoques lorfqu'il
s'agit de contrat ou de quelque affaire d'in-
têrec. En un mot , les équivoques font fi
blâmables en général , qu'on ne peut ap-
porter trop de réferve à fpécifier les cas
fort rares où elles feroient innocentes.
Article de M. le cheval DE J AU COURT.
EQUIVOQUE, adj. (Médecine. ) eft
aufïi l'épithere que donnent les médecins
aux fignes qui ne conftituent pas efîentiel-
lement le caractère d'une maladie , & qui
ne la diftinguent pas d'une autre. Equivo-
que en ce fens eft.oppofé à univoque y qui
eft l'épithete des fignes qui conviennent
uniquement à une maladie , tirés des
fympromes qui en font inféparables. Voye\
5IGNE. (d)
EQUULEUS y voyez EqyicuLUS.
E R
ERABLE , f. m. aczr > (Hifi. nat. bot.)
genre de plante à fleur en rofe , compofée
de plufieurs pétales difpofés en rond. Il
fort du calice un piftil qui devient dans
la fuite un fruit compofé de deux , &
quelquefois de trois capfules , qui font ter-
minées chacune par un feuillet membra-
neux , & qui renferment une femence
arrondie. Tournefort infl. rei herb. Voye\
Plante. (I)
Erable , (Jardinage.) C'eft un arbre
de différente grandeur , félon les diverfes
efpeces de fon genre. Plufieurs de ces
érables croiffent naturellement en Europe ,
quelques-uns dans le Levant , & le plus
grand nombre en Amérique. Il eft peu
d'arbres qui raffemblenr autant de variété ,
E R A 893
d'agrément & d'utilité que ceux - ci , qui
croifiènt avec plus de vîteflÇ & d'uniior-
mité , qui s'accommodent m^x des plus
mauvaifes expofitions, & qui exigent moins
de foins & de culture ; qui refirent mieu . à
toutes les intempéries des faifons , & que
Ton puiffe pour la plupart multiplier avec
plus de facilité.
Toutes les efpeces d'érables que l'on
connoît , femblent faites pour la tempéra-
ture de ce climat : elles y réuiTiiTent à fou-
hait ; elles s'y foutiennent contre quantité
d'obflacles qui arrêtent beaucoup d'autres
arbres , & elles remplirent tout ce qu'on
en peut attendre. Dans les terres feches &
légères , dans les lieux élevés & arides ,
dans les terreins les plus fuperficiels , on
voit les érables profiter , groffir & s'élever
aufîi- bien que s'ils étoient dans les meilleures
terres de vallée. Les différentes efpeces de
cet arbre offrent à plufieurs égards une
variété dont on peut tirer grand parti pour
l'embelliffement des jardins : la verdure de
leur feuillage fait autant de différentes
nuances qu'il y a d'efpeces d'érables : la?
forme & la largeur des feuilles varient éga-
lement , elles paroiftènt de bonne heure
au printemps , & ne tombent que fort tard
en automne : il y a auffi quelques efpeces
qui donnent des fleurs d'une affez belle
apparence. On peut diftinguer les différen-
tes efpeces d'érables , en grands & en petits
arbres. Les grands érables forment de belles
tiges bien droites ; ils ont l'écorce unie &
l'a feuille fort grande : on peut les préférer
à beaucoup d'autres arbres pour faire des
avenues , des bofquers , & du couvert.
Les petits érables ont un accroifîement plus
lent , le bois plus menu , & la feuille plus
petite : iis font très-propres à former des
paîiifades & des haies à hauteur d'appui ,
à quoi ils conviennent fouvent d'autant
mieux , qu'ils ont le mérite fingulier de
croître à l'ombre & fous les autres
arbres.
Voici les différentes efpeces d'érables
les plus connues jufqu'à préfent.
\S érable- fycomore , grand arbre qui croît
narurellement dans quelques forêts de l'Eu-
rope & de l'Amérique feptentrionale , &:
plus ordinairement dans les pays de monta-
gnes. Sa tige eft fort droite, fon écorce e&
894 E R A
unie & roufsâtre : fa feuille efl large , lifte ,
découpée en cinq parties principales, d'un
verd-brun en deffus , & blanchâtre en def-
fous: fes fleurs viennent en grappes longues &
pendantes ; elles font d'une couleur herba-
cée , qui n'a nulle belle apparence: la graine
qui en provient eft à peu près de la forme
d'un pépin d'orange ; elle eft renfermée dans
une double écaille , qui eft terminée par une
aile légère. Cet arbre eft très-propre à faire
des allées & du couvert fur les lieux élevés
& dans les plus mauvais terreins ; il s'y fou-
tient contre les grandes chaleurs & les lon-
gues féchereffes , même dans les provinces
méridionales de ce royaume , où l'on n'a
pas eu de meilleure reflburce que de re-
courir au fycomore pour remplacer avec fuc-
cès différentes efpeces d'autres arbres qui
avoient péri fuccemVement dans une partie
du cours d'Aix en Provence , foit à caufe
de la grande chaleur de ce climat , foit par
rapport à la mauvaife qualité du fol. Cet
arbre réuflit également dans les bonnes terres
de la plaine & fur les croupes des montagnes
expofées au nord ; il ne redoute aucune
mauvaife qualité de l'air. M. Miller affure
que le fycomore foutient mieux qu'aucun
autre arbre les vapeurs de la mer. Mais un
autre avantage particulier à cet arbre , c'eft
qu'il réfifte parfaitement à la continuité &
à la violence des vents ; en forte que pour
fe garantir de leur impétuofité, & défendre
à cet égard les bâtimens , les plantations
& tout efpace que l'on veut abriter , c'eft
cet arbre que l'on doit y employer par pré-
férence.Le fycomore devient en peu de temps
un gros & grand arbre ; il fe garnit d'un
feuillage épais , qui donne beaucoup d'om-
bre & de fraîcheur : il eft fi robufte , que
les hivers les plus rigoureux de ce climat
ne lui portent aucun préjudice , même dans
fa première jeunefle , & qu'il foutient le
froid exceftif qui fe fait dans le Canada ,
où cet arbre eft fort commun , & où l'on
en tire la fève par incifion , dont on fait de
bon fucre. Le bois du fycomore eft fec ,
léger , fonore , brillant , & d'une qualité fort
approchante de celle du bois de hêtre : il
n'eft pas fujet à fe tourmenter , à fe déjeter
ni à fe fendre ; on l'emploie aux petits ou-
vrages des tourneurs , menuifiers , fculp-
teurs , armuriers , ébéniftes & luthiers.
E R A
Il eft propre aux mêmes ufages que le bois
du tilleul & du hêtre : c'eft le meilleur de
tous les bois blancs. On peut multiplier cet
arbre de graine , de branches couchées , ou
par le moyen de la greffe , fur les autres
érables, & même en plantant les racines
qu'on auroit retranchées du tronc d'un fy-
comore. Mais cet arbre a quelques petits dé-
fauts ; fes feuilles font d'un verd trop brun,
& elles font fujettes à être gâtées par les in-
fectes. Il eft vrai que fa verdure eft fort
brune , & même encore plus foncée lorfque
l'arbre commence à pouffer ; ce qui étant
entièrement oppofé au verd naiffant & ten-
dre de prefque tous les autres arbres , c'eft
un contrarie de verdure dont on pourra
tirer parti. On convient auftï que les han-
netons attaquent fouvent les feuilles du
fycomore ; mais ils ne l'endommagent pas
affez , pour que l'arbre faffe un afpecl défa-
gréable.
^ \1 érable fycomore panaché: c'eft une va-
riété de l'efpece précédente, dont cet arbre
ne diffère que par la couleur de fes feuilles ,
qui font plus ou moins bigarrées de jaune
& de verd , & qui font un agrément fîn-
gulier. On fait que ce mélange de couleurs ,
qui n'eft qti'un accident occafioné par la
foibleffc ou la maladie de l'arbre , ou par
la mauvaife qualité du terrein , ne fe fou-
tient dans la plupart des autres arbres pa-
nachés , qu'en les multipliant par la greffe ,
ou en couchant leurs branches , & nulle-
ment en femant leurs graines , attendu que
les plantes qui en naiffent , rentrent dans
l'état naturel. Mais il en eft autrement du
fycomore panaché , dont on peut conferver
la diverfité de couleur , non feulement en
couchant fes branches ou en le greffant fur
le fycomore ordinaire , mais encore en fe-
mant fa graine , qui produit des plants dont
la plupart font panachés.
%J érable plane > grand arbre qui fait une
belle tige très-droite , dont l'écoi ce eft liffe
& blanchâtre. Sa feuille a beaucoup de ref-
femblance avec celle du platane , ce qui lui
a fait donner le nom & érable plane ; mais
elle n'eft ni fi grande , ni fi épaiflè, ni d'un
verd fi tendre que celle du platane. Ses
fleurs viennent en bouquets de couleur
jaune, qui ont quelque apparence ; elles com-
mencent à paroître avant les feuilles , à la
E R A
fin d'avril. La graine qui en provient eft
plate & terminée par une aile , comme
celle du fycomore. Après le platane , c'eft
l'un des plus beaux arbres que l'on puifTe
employer pour rembeîlifTement des jardins ;
il a toutes les bonnes qualités du fycomore ,
avec lequel il a cant d'analogie & de ref-
femblance, qu'on peut faire à Y érable plane
l'application de tout ce que îôn vient de
dire du fycomore ; mais il n'a pas, comme
celui-ci , le défaut d'avoir des feuilles d'un
verd trop rembruni , ni d'être fujet aux at-
taques de quelques infe&es , qui au contraire
ne portent aucune atteinte aux feuilles de
Yérable plane , dont la verdure tendre &
agréable fe foutient avec égalité pendant
toute la belle faifon , & ne patte que fort
tard en automne. Son feuillage étant encore
plus fourni que celui du fycomore , il fait
un meilleur couvert , & de plus belles al-
lées en palifTade fur tige , pour Iefquelles
V érable plane eft des plus convenables; mais
il faut donner à ces arbres un quart de dif-
tance moins qu'aux tilleuls , parce que cette
efpece $ érable prend plus de hauteur que
d'extenfion. Cet arbre croît encore plus
promptement que le fycomore i j'ai vu fou-
vent des plants venus de femence en terrein
fec , s'élever jufqu'à douze pies en trois
ans. Les Anglois lui donnent le nom d'érable
de Norwege , parce que vraifemblablement
il leur eft venu de ce pays-là , où il eft fort
commun. Mais comme la plupart des jar-
diniers de Paris , & ceux des provinces à
plus forte raifon , confondent cet arbre avec
le fycomore y il eft à propos de rapporter
ici quelques caractères apparens , qui puif-
fent les faire diftinguer l'un de l'autre. V éra-
ble plane a P<*corce blanchâtre fur le vieux
bois, les boutons rougeâtres pendant l'hiver,
la feuille plate , mince , & d'un verd ten-
dre ; les fleurs jaunes , difpofées en bou-
quets relevés , & la graine applatie : le fy-
comore au contraire a la tige plus grofTe ,
la tête plus étendue , I'écorce roufsâtre , les
boutons jaunes en hiver , la feuille plus
'épaifle , plus brune , & un peu repliée en
deftus ; les fleurs d'un petit jaune verdâtre ,
bien moins apparentes , difpofées en grappes
pendantes , & fa graine eft ronde.
~U érable plane } panaché : c'eft une vériété
de l'efpece qui précède, & à laquelle on
E R A 895
peut appliquer ce qui a été dit plus haut
du fycomore panaché ; iî ce n'eft pourtant
qu'il n'eft pas encore certain qu'en femant
les graines de celui-ci, on doive s'attendre
que les nouveaux plants conferveront la
même variété.
Le petit érable plane , ou Y érable à fucre ;
arbre de moyenne grandeur ; qui croît na-
turellement dans la Virginie , où il eft fort
commun , & où on lui donne le nom d'éra-
ble à fucre. Sa tige eft très-droite & fort
menue , fon écorce eft cendrée ; les boutons
des jeunes branches font d'une couleur très-
brune pendant l'hiver : fa feuille a beaucoup
de refîèmblance avec celle de Y érable plane
ordinaire ; mais elle eft plus grande , plus
mince , & d'un verd plus pâle , tenant du
jaunâtre en deflus , mais un peu bleuâtre
en defïbus. Son accroiftement eft beaucoup
plus lent que celui deY érable plane dont on
a parlé ; il étend bien moins fes branches ,
& il ne fait qu'une petite* tête: il donne
de la verdure de très-bonne heure au prin-
temps , & avant tous les autres érables. Cet
arbre eft encore fort rare en France ; mais
il y en a plufieurs plants dans les jardins de
M. de Buffon à Montbard en Bourgogne ,
qui , quoiqu'âgés de dix ans , n'ont encore
donné ni fleur ni graine. Cet arbre eft très-
robufte , il foutient les grandes chaleurs
aufîi-bien que les longues fécherefles ; il ré-
fifte à l'effort des vents impétueux & à la
rigueur des grands hivers , & il prend p'us
d'accroifTement dans un terrein fec & élevé ,
que dans les bonnes terres de vallée. On
prétend que les habitans de la Virginie font
de bon fucre , & en grande quantité , avec
la fève qu'ils tirent de cet arbre parincifion.
\J érable blanc : arbre de moyenne gran-
deur , originaire de l'Amérique feptentrio-
nale , fur-tout de la Virginie , où il eft plus
commun qu'ailleurs. Il fait une belle tige
droite : fon écorce fur le vieux bois eft plus
blanche que celle d'aucune efpece d'érable ;
mais celle des jeunes rameaux eft rougeâtre ,
ainfi que les boutons , pendant l'hiver : fes
feuilles d'un verd brillant en deflus , & ar-
gentin en defîbus , font une des grandes
beautés de cet arbre ; elles deviennent rou<--
geâtres avant leur chute en automne. Dès
le mois de janvier , dans les hivers peu;
rigoureux , il commence à donner des fleurs-
$96 E R A
rougeâtres qui durent plus d'un mois , &
qui l'ont aflez apparentes pour faire un af-
pect agréable dans une telle faifon ; les grai-
nes qui fuccedent , & qui font de la même
couleur , font durer le même agrément
pour autant de temps : peu après , ces graines
fe trouvent en maturité , à moins que les
fleurs n'aient été flétries par les gelées du
printemps , qui gâtent fi fouvent les graines
en Bourgogne , que des arbres^de vingt ans
n'en ont point encore rapporte. Cet arbre
exige plus de choix fur la qualité du fol ,
que les aunes efpeces & érables ; il perd de
fa beauté dans les terreins fecs , élevés &
fuperficiels : ce n'eft pas qu'il n'y grofTiflè
& qu'il n'y prenne de l'élévation autant
que les autres arbres de fon genre ; mais il
n'y donne que de petites feuilles qui font
peu d'ombrage , & qui tombent de bonne
heure , fouvent même dès le commence-
ment du mois de feptembre dans les an-
nées trop feches. Il faut donc zY érable blanc
une bonne terre , quelque culture & de
l'humidité , pour l'amener à fa perfe&ion ;
du refte , il ne dégénère pas des efpeces qui
précédent , pour la viteffe de l'accroiftement
& les autres bonnes qualités qu'on leur a
attribuées.
1J érable blanc à grandes fleurs : arbre de
moyenne grandeur , que l'on nomme com-
munément en Angleterre Y érable Je Charles
Wager ? parce que c'eft cet amiral qui l'a
fait venir d'Amérique ; mais cet arbre n'eft
point encore parvenu en France. Il a beau-
coup de reffemblance avec le précédent ,
dont il ne diffère que par une beauté qu'il
a de plus. Ce font fes fleurs de couleur
écarlate , qui , au rapport de M. Miller ,
forment de très- grandes grappes , dont les
plus jeunes branches font fl bien garnies ,
qu'à une petite diftance l'arbre en paroît
tout couvert , ce qui eft caufe que l'on ne
fait plus tant de cas de l'efpece précédente ,
qui a moins d'agrément. C'eft tout ce qu'a
dit récemment M. Miller de ce bel arbre ,
qui auroit bien mérité quelque détail de
plus.
U 'érable à feuille de frêne : grand arbre
qui nous eft aufti venu de la Virginie où il
croit communément , & où il devient un
des plus gros arbres. Sa tige eft droite. Son
écorce eft cendrée fur le vieux bois , &
E R A
verte fur les jeunes branches. Sa feuille eft
différente de celle de toutes les autres ef-
peces d'érables ; elle eft compofée de trois
& le plus fouvent de cinq lobes ou petites
feuilles , tenant à une même queue & irré-
gulrérement échancrées ; ce qui a fait donner
à cet arbre le nom & érable à feuille de frêne y
quoique cette reflèmblance foit fort impar-
faite. Ses fleurs , d'une couleur herbacée qui
n'a nulle belle apparence , viennent en lon-
gues grappes pendantes & applaties. Les
graines qu'elles produifent font plates auiïi ,
j toujours jumel'.es , & recourbées en dedans.
! Cet arbre mérite qu'on s'attache à le mul-
I tiplier ; on peup en tirer de l'agrément pat:
j rapport à fon beau feuillage qui eft d'un
' verd tendre , & dont lafpecl a l'air étranger.
j II réuftit dans tous les terreins ; il réfifte à
l'intempérie des différentes faifons dans ce
climat. Son accroifïement eft très-prompt ,
& fa multiplication des plus faciles. Le plus
court procédé pour y parvenir , c'eft d'en
faire des boutures dont le fuccès n'eft jamais
équivoque , & conduit d'ordinaire à les voir
s'élever jufqu'à fept pies en deux ans; même
dans un terrein léger & fec , pourvu qu'on
leur fafîè de l'ombre. Il feroit avantageux
de multiplier cet arbre par l'utilité que l'on
pourroit retirer cie fon bois , qui eft d'aufTi
bonne qualité que celui des autres efpeces
d'érables.
L'érable à feuille ronde , ou l'opale : il
croît naturellement dans les pays méridio-
naux de l'Europe , fur-tout en Italie & par-
ticulièrement aux environs de Rome , où
il eft l'un des plus grands arbres de ce canton-
là , & où on lui donne le nom d'opale. Cet
arbre eft à peine connu en France : il eft
même très- rare en Angleterre , quoique
aflez robufte pour le plein air. Mais comme
M. Miller aflure que l'on fait cas de l'opale
en Italie à caufe de la beauté de fon feuil-
lage , qui faifant beaucoup d'ombre engage
à le planter le long des grands chemins &
proche des maifons de plaifance , il faut ef-
pérer que le goût qui règne pour l'agricul-
ture , portera les amateurs à faire venir des
graines de cet arbre pour le multiplier.
L' érable commun, ou le petit éi aide : arbre
très-commun en Europe, tantôt petit,tantôt
élevé , félon fa pofïtion , ou fuivant la qua-
lité du fol. Comme il ctoît volontiers dans
les
E R A
les mauvais terreins , on ne le voit ordinai-
rement qu'en fous-ordre & de Ja forme d'un
arbrifTeau dans les haies , les buiftbns , &
les places vagues ; mais s'il fe trouve en
bonne terre , & qu'on lui laifTe prendre fon
accroifîement parmi les autres grands arbres
des forêts, il s'élève & groffitavec le temps
jufqu'au point , que j'ai vu de ces érables
qui avoient plus de cinquante pies de haut,
& jufqu'à fept ou huit pies de pourtour.
Cet arbre fait de lui-même une tige droite ;
& fi on le voit fou vent tortu & rabattu ,
c'eft parce qu'il aura été endommagé par.
le bétail , ou dégradé par d'autres atteintes.
Son écorce eft brute, ridée, & fort iné-
gale , même fur les jeunes branches ; bien
différent en cela des autres efpeces à'érables, j
qui tous ont l'écorce très-unie. Sa feuille eft
petite , d'un verd pâle , & découpée en
cinq parties principales. Ses fleurs, verdâtres
& de peu d'apparence , viennent en bou-
quet. Ses graines font jumelles, plates, aiiées,
& plus petites que celles des grands érables.
Cet arbre eft très-robufte; il croît promp-
tement, il fe plaît dans tous les terreins , &
par préférence dans ceux qui font fabîon-
neux , élevés & fupernciels ; il fe multi-
plie aifément, & même par la fimple voie
des boutures ; il réufiit très-bien à la tranf-
plantation : on peut l'employer de toute
hauteur , fans qu'il faille retrancher beau-
coup de branches. On en fait ufage dans
les jardins , pour former des palifîades &
d'autres embellifîemens de cette efpece ;
mais le cas que l'on fait aujourd'hui de cet
arbre , n'eft pas fondé fur les feules bonnes
qualités que l'on vient de rapporter , il eft
d'une refîburce infinie pour fuppléer à la
charmille par-tout où elle refufe de venir ,
foit à caufe delà mauvaife qualité du terrein,
ou par le défaut d'air fufhfant. Le petit
érable a le mérite fingulier de croître avec
fuccès dans les terres ufées & défeclueufes,
& il réufîit également dans les endroits trop
reftèrrés & à l'ombre, & fous le dégoutte-
ment des autres arbres. Son bois eft blanc
& veiné , affèz dur , quoique léger , & d'un
grain fin & fec ; il eft bon à brûler , très-
propre aux ouvrages du tour , & fort utile
â d'autres petits ufages.
U érable de Montpellier: petit arbre qui
vient naturellement dans les provinces mé-
Tome XIL
E R A §97
rîdionales de ce royaume , fur-tout aux en-
virons de Montpellier où il eft commun.
Cet arbre peut être comparé à Y érable com-
mun pour le volume ; il fait quelquefois un
aftèz bel arbre. J'en ai vu qui s'étoient élevés
à plus de trente pieds , & qui en avoient
quatre de pourtour ; mais plus ordinaire-
ment il n'a pas moitié de ce volume , fur-
tout lorfqu'iî n'a pas été cultivé. Il ne croît
pas fi vite ni fi droit que le petit érable. La
couleur de fon écorce eft d'un brun rouf-
sâtre. Sa feuille eft petite , lifte , ferme &
découpée en trois parties qui font égales &
fans dentelures : elle eft d'un verd brun &
brillant en defîus, & d'un petit blanc bleuâtre
en deftbus. Ses fleurs difpofées en bouquet ,
font jaunâtres & aflez apparentes. Ses graines
font petites , rondes , ailées , & elles vien-
nent par paires ; on pourroit faire ufage de
cet arbre pour l'ornement d'un jardin , où
il feroit plus propre que le petit érable à
former des pahiïàdes ; fes jeunes rameaux
font plus fouples que ceux de ce dernier
arbre , il pouffe plus fbiblement , & fa ver-
dure eft plus belle. Quoique originaire des
contrées méridionales de ce royaume , il
réfifte parfaitement au froid de nos provinces
feptentrionales ; il garnit bien une paliftàde ,
fa verdure eft fiable , & fon feuillage n'eft
nullement fujet à la déprédation des infec-
tes ; il ne fe refufe à aucun terrein , il réufîit
bien à la tranfplantation ; mais ii n'eft pas
facile de le multiplier au loin , parce qu'il
faut femer fes graines au moment de leur
maturité ; elles ne lèvent pas dès qu'il faut
du retard pour les faire arriver à leur defti-
nation , à moins pourtant qu'on n'eût pris
la précaution , fi utile pour la plupart des
graines , qui eft de les envoyer dans de la •
terre.
L'érable de Candie: petit arbre originaire
desifles de l'Archipel, oùil eft fort commun.
C'eft le plus petit de tous les érables connus.
J'en ai vu de fort âgés que l'on avoit laifte
croître à leur gré dans un bon terrein , &
qui n'avoient que dix-huit pies de haut &
cinq pouces de diamètre. Cet arbre au pre-
mier afpect a beaucoup de reflèmblance avec
le précédent. Son écorce eft un peu gvife.
Sa feuille , qui eft aufîi découpée en rrois
parties , a quelques dentelures irréguiieres ;
elle eft comme celle de l'arbre précédent ,
Xxxxx
898 E R A
d'un verd foncé & brillant en de/Tus , &
du même verd en deflbus , & la queue qui
foutient cette feuille eft très-courte , au lieu
que dans l'autre efpece elle eft fort longue.
La fleur & la graine n'ont pas des différences
bien fenfibles. Cet arbre a toutes les bonnes
qualités de Yérable de Montpellier , & quel-
ques avantages de plus ; tels que la facilite
de pouvoir le multiplier par le fïmple moyen
des boutures, & le mérite particulier de
conferver fa verdure jufqu:à la fin de Tar-
riere faifon. De tous ks arbres robuftes qui
ne font pas toujours verds , c'eft celui dont
la feuille fe foutient le plus long-temps con-
tre les premières fraîcheurs de l'hiver ; en
forte que le plus fouvent elles font encore
bien faines au commencement du mois de
novembre.
Il y a encore trois ou quatre efpeces
^érables que l'on a découvertes dans le
Canada ", & qui font fi rares en Europe ,
qu'elle ne font point encore afïèz connues
pour en taire ici une defcription fatisfaifante.
Tous ces difFérens érables donnent pref-
qu'en même temps leurs fleurs à la fin
d'avril , ou au plus tard les premiers jours
du mois de mai , & leurs graines fe trouvent
en maturité au commencement du mois
d'octobre , à l'exception de celles de Y érable
blanc , qui mûrifïènt beaucoup plutôt. Mais
comme ces graines tombent bientôt après
leur maturité , & qu'elles font fujettes à être
difperfées par le vent à caufe de leur légè-
reté , il faut avoir attention de les faire
cueillir à propos , fi on veut les femer. L'au-
tomne eft le temps le plus propre à cette
opération ; car fi on attendoit au printemps ,
elles ne leveroient que l'année fuivante. Au
bout de deux ans , les plants feront en état
d'être tranfplantésen pépinière , où il faudra
les laifTèr trois ou quatre ans ; après quoi on
pourra les placer à demeure. Ces arbres
réufîifTent bien à la tranfplantation , qui leur
caufe peu de retard; ils foufFrent la taille en
été comme en hiver, & c'eft au commence-
ment du mois de juillet qu'il faut tailler les
palilîàdes formées avec les érables de la
petite efpece (c).
Nouvel article fur VEràble , par M. le
Baron de Tschoudi.
$. Érable , ÇBotJ en latin , acer; en
E R A
Anglois , mapple - tree ,• en Allemand ,
ahornbaum.
Car acier e générique.
Les érables portent , fuivant les efpeces ,
des fleurs hermaphrodites feulement , ou
bien des fleurs mâles & des fleurs herma-
phrodites fur le même individu ; ces der-
nières font compofées de cinq pétales , de
cinq étamines , terminées par des fommets
oblongs & d'un calice monopétale découpé
en cinq parties : au deiîus de l'embryon
s'élève un ftyle couronné par deux ftig-
mates recourbés : l'embryon fe change en
deux capfules plates , réunies par leur bafe
& jointes en manière de croifîànt : ces cap-
fules font pourvues d'une aile qui s'allonge
à mefure qu'elles groffiiïènt: elles renfer-
ment chacune une femence ovale.
Efpeces.
1. Érables à feuilles à* cinq lobes , iné-
galement dentelées , à fleurs en grappes.
Érable blanc de montagne dit fycomore.
Faux fycomore.
Acer foliis quinque lobis _, incequaliter
ferratis^floribus racemofis. Linn. Sp. plant*
Acer montanum candi dum. C. B. P.
Greater mapple falfe fycomore.
N. B. On en a une variété à feuilles pa-
nachées.
2. Érable à feuilles unies â cinq lobes
pointus , â dents aiguës , à fleurs en grap-
pes. Érable à feuilles de platane ou plane.
Érable de Norwege.
Acer foliis quinque lobis acuminatis, acutè
dentatis , glabris yfloribus corymbofis. Linn.
JFlor. Suec. Acer plantanoides. Munt. Hifi*
Noiway mapple.
N. B. Il y en a une variété à feuilles pa-
nachées.
3. Érable à feuilles à lobes obtus &
échancrés. Petit érable commun. Petit éra-,
ble des bois.
Acer foliis lobatis obtufis emarginatis.
Linn. Sp. plant. Acer cdmpeftre & minus.
C. B. P.
Common or lejjer mapple.
4. Érable à trois lobes peu marqués , à*
feuiHe* un peu dentelées & prefque pé-
E R A
rennes. Érable à feuilles de lierre. Érable
d'Orient. Érable de Candie. Érable tou-
jours verd.
Acer foliis fubtrilobis ferrulatis. Acer
creticum. Profp. Alpin. Acer Orientalis
hederx folio. Cor. Inft. reiherb. Acer foliis
fubtrilobis ferrulatis quafi perennenabus.
Hort. Col
Cretan mapple.
Ç. Érable à feuilles à trois lobes, très-
entières. Érable de Montpellier.
Acer foliis trilobis integerrimis. Prod.
Leyd. Roy. Lugd. B. Acer mfolia. C. B. P.
Montpellier- mapple.
6. Érable à feuilles composes , à rieurs
en grappes. Érable à feuilles de frêne. Éra-
ble à fucre de Virginie. Negundo.
Acer foliis compofitis ,fioribus racemqfs.
Hort. Cliff. Acer maximum foliis trifidis
vel quinque fidis Virginianum.VXvk. Phit.
Acer Negundo.
Ash leaved mapple.
7. Érable à cinq lobes , dentelés , glau-
ques pardefïbus , à longs pédicules verds.
Érable de Canada à fleur rouge herma-
phrodite.
Acer foliis quinque lobatis, dentatis, fub-
tùs glaucis , pedunculis longifjimis viridi-
bus.Hort. Col. Acer foliis quinque lobis fub-
tùs dentatis , fubtiis glaucis , pedunculisfim-
plicijfimis aggregatis. Linn. Sp. pi. Acerfio-
ribus rubris , folio majori fupernè viridi fub-
tîis argemeo fplendente. Chy t. flor. Virg.
Scarlet flowering mapple.
8. Érable à feuilles à cinq lobes , d'un
verd pâle & luifant pardeffus , glauques
pardefïbus , à pédicules courts & rouges.
Plane de Canada.
Acer foliis quinque lobis fupernè viridi
pallefcente lucidis, fubtàs glaucis, pedun-
culis brevibus rubefeentibus. Hort. Col.
Acer Virginianum folio majore fubtùs ar-
gemeofupra viridi fplendente : mas &fcemi-
na. Pluk. Phyt. Acer foliis quinque partito
palmatis acuminato dentatis. Linn. Sp. pi.
American fugar mapple, n°. 6, de Miller.
9. Érable à feuilles à trois lobes , poin-
tues & dentelées , à fleurs en grappes.
Érable à bois jafpé. Érable du jardin du
roi. Érable à très-larges feuilles , n°. 7 y de
Miller. Érable de Penfylvanie.
Acer foliis trilobis, acuminatis, dentatis ?
E R A S99
floritus racemofis. Sp. pi Linn. Acer foliis
ampliffimis tricufpidatim dejînintibus >
cortice jafpidem refereme. Hou. Col.
American mountain mapple.
10. Érable d'Amérique à trois lobes ,
terminés chacun par trois pointes aiguës ,
à bourgeons rouges.
Acer Ame ricanum foliis trilobis unoquo-
que lobo tricufpidatim de/mente > gemmi*
rubefeentibus. Hort. Col.
Ce dernier érable ne fe trouve dans au-
cun auteur.
Nous avons fous les yeux toutes les et-
peces de notre catalogue ; mais M. Duha-
mel annonce trois efpeces nouvelles qui lui
font venues de Canada, & qu'il n'a pas
décrites. On trouve en Angleterre une
variété appellée Charles Wager's mapple,
Y érable de Charles Wager ; elle porte des
corymbes de fleurs rouges plus étoffés , plus
rapprochés , & par conféquent d'un plus bei
effet que ceux de Y érable rouge commun ,
dont il tire apparemment fon origine. La
forêt d'Ardenne produit une variété du
petit érable commun , dont elle diffère
par fes feuilles qui font plus grandes & plus
pointues.
Le /2". 1
qu'un arbre d
eft le faux fycomore ; ce n'eft
la féconde grandeur; mais
j'en ai vu de prodigieux au bord d'un lac
dans la SuifTe. Il commence par pouffer des
branches divergentes qui fe rapprochent
enfuite; il s'arrondit enfin & forme une
belle touffe ; fes feuilles fe distinguent de
celles du /2°. z , en ce que leurs lobes font
émouflés par le haut , au lieu que dans
celles du fécond , ils font terminés par des
pointes aiguës : les premières font d'un
verd fombre & matte en deffus , & d'un
verd un peu cendré en deflbus. Les fécondes
ont leur partie fupérieure d'un verd gai &
luifant , & leur deffous d'un verd-jaune
brillant: les unes & les autres font fort
larges. L'écorce du faux fycomore eft
brune , celle du n°. z eft grisâtre : la touffe
du premier eft fort étendue , celle du fé-
cond eft plus raffemblée : les fruits du
n°. 1 font arrondis , ils forment par leur
réunion un angle curviligne ; ceux du
n°. z font applatis, & ils divergent fur
un angle reâiligne fort ouvert.
Le vrai fycomore eft une forte de figuier
Xxxxx z
ooo E R A
qui croît en Egypte & dans la Paîeftine ;
la. reffemblance des feuilles de cet arbre
avec celles du n°. i a établi leur fynony-
mie qui ne fert qu'à jeter de la confufion.
, Le taux fycomore eft propre à figurer
dans les parcs , où il réufîîra dans les plus
mauvaifes terres ; on peut aulli en former
des taillis qui croîtront très-vite ; le bois
en eft meilleur que les autres bois blancs ;
on en fait des planches d'un aflez bon ufage
pour l'intérieur des maifons ; il n'eft pas
mauvais pour les ouvrages du tour & pour
les arquebufiers : cet arbre fe multiplie par
les marcottes qui s'enracinent très-vite , &
il reprend même aflèz bien de bouture ;
mais pour le reproduire en abondance , il
faut avoir recours à la voie du femis : dès
que les graines font mûres , on les ftratirie
dans du fable mêlé d'une terre un peu
humide , dans une caiffe qu'on enterre con-
tre un mur , ou qu'on pofe dans un cellier ;
en février on les feme pêle-mêle avec le
fable & la terre , dans des rigoles creufées
avec l'un des angles de la houe , de la pro-
fondeur d'environ un pouce & demi : il
eft rare que ce femis ne réufliflè très-bien.
La féconde automne on plante les petits
arbres en pépinière à deux pieds les uns
des autres , dans des rangées diftantes de
trois pieds ; on ne doit, pas beaucoup les
élaguer les premières années , fi l'on veut
qu'ils prennent du corps ; au bout de cinq
ou fix ans , ils forment des fujets propres
à être plantés à demeure ; ils viennent paf-
fablement par-tout ; mais ils préfèrent les
terres humides & le bord des eaux. Le faux
fycomore réufTit dans certaines parties de
la Champagne, où les autres efpeces ne
font que languir. On eft dans Tufage en
Angleterre d'en planter le long de la mer ,
pour abriter des plantations plus pré-
cieufes.
Sa variété à feuilles panachées eft un
des plus beaux arbres qu'on puiffe voir :
les feuilles qui ont pris leur confiftance
font d'un verd obfcur , rayé d'un blanc
citrin & d'un verd clair ; mais dans les
feuilles récentes , ces raies tirent fur la
couleur de rofe. Rien de plus riant que
la touffe de ces arbres vue en defïbus ; la
lumière joue mieux à travers le tiffù tranf-
parent des panaches , qu'elle ne fait dans
E R A
les feuilles uniformes ; ainfi on jouit de
l'éclat adouci des rayons folaires , fans
éprouver leur chaleur ; & puifque les mois
de l'été ne procurent que peu d'arbres fleu-
ris , dont on puifle orner les bofquets de
cette faifon , le fycomore panaché imitant
les fleurs par la couleur de fes feuilles ,
doit y trouver une place diftingute ; il
peut s'élever de marcottes & de boutures ,
la graine même ne varie guère ; ce qui
prouve que la couleur jaune dont il eft
entiché , eft bien inhérente à fa nature ; &
lorfqu'on le voit croître aufli vigoureufe-
ment que le fycomore commun , on ne
peut guère fe perfuader que fon enlumi-
nure l'oit oc&fionée par une dépravation
de la fève ; au rette , il s'écufïbnne fort
bien fur l'efpece fimple : fi on fait cettQ
opération à la fin de juin ou au commen-
cement de juillet , les écuffons poufferont
le même été d'environ un pié : que l'on
attende jufqu'à la fin de juillet ou jufqu'au
mois d'août, ils ne s'élanceront qu'au prin-
temps fuivant ; mais alors ils formeront ,
d'un feul jet , une verge de cinq ou fix
pies , fi le fujet fur quoi l'on a poié l'écuf-
îon eft d'une grofleur paftable.
Le 72°. z faifoit autrefois l'ornement des
parcs & des jardins j mais comme il fe
dépouille de bonne heure , & que fa
feuille eft fouvent attaquée par les infectes ,
on fait à préfent moins de cas de ce bel
arbre ; ce feroit pourtant dommage de le
reléguer dans le fond des forêts, car il a
le mérite de verdoyer de très-bonne heure ,
& de plus il fe couvre , en avril, d'une pro-
digieufe quantité de grappes de fleurs d'un
jaune verdâtre qui font d'un afped très-
gracieux ; il fe multiplie & fe cultive
comme le n°. z3 fur lequel il peut s'écuf-
fonner ; toutefois la greffe y fait bourrelet;
ce qui montre quelque répugnance de la
part de fa fève , ou du moins fait foup-
çonner qu'il eft naturellement d'une plus
haute ftature que le faux fycomore. On
prétend que la liqueur féveufe de cet érable
évaporée , pourroit donner une forte de
fucre. Quelquefois , durant les chaleurs ,
les feuilles de ces deux premières efpeces
font couvertes d'un fuc extravafé , rafîèm-
blé en petits grumeaux blancs & fucrés ,
qu'on appelle vulgairement manne ,- on
E R A
fuppofe qu'elle eft tombée du ciel fous
la tbrme d'une rofée épaifïè : quoi qu'il
en foit , les abeilles en font d'amples
récoltes fur ces érables ; ainfi les inftitu-
teurs de ces précieux infectes doivent en
planter un certain nombre dans leur voi-
finage.
\J érable , n9. 5 , croît de lui-même dans
la plus grande partie de l'Europe ; on le
trouve communément dans les haies , où
il eft fort touffu & de bonne défenfe ; la
dent du bétail lui donne une forte de
tonte qui le fait garnir finguliérement : il
eft très-propre aufïi à former des paîiiTàdes de
la hauteur qu'on voudra ; fes feuilles qui
font petites , pendantes & joliment figurées
en trois lobes , font une tapifferie agréable,
lorfqu'au moyen du cifeau elles fe déve-
loppent fur un plan uni vertical : les jeu-
nes pouffes de cet érable font rouges , ce
qui ajoute une variété gracieufe aux nuan-
ces du verd naiffant. Dans les forêts dont
le fonds eft favorable à cet arbre , il de-
vient afTez haut. J'en ai vu un à l'Hermi-
tage ( château du prince de Croi ) qui avoit
deux pie's de diamètre & une hauteur
proportionnée. Comme le bois de cette
elpece eft très-dur , il fert aux arquebu-
siers , & faos doute qu'il feroit employé
avec fuccès par d'autres artifans , fî on
frouvoit de ces érables d'une belle croif-
fance ; il conviendroit donc d'en éle-
ver dans cette vue ; jufqu'à préfent on
les a tenus dans une forte d'efclavage ,
en arrêtant leur progrès ; ne devroit - on
pas au contraire les livrer à leur naturel ,
& les planter en quinconces , en allées &
en futaies , de préférence à bien d'autres
qui ne les valent pas ? Ils ne demandent
'pas une terre grafïè ; fouvent même ils y
périffent , au heu qu'ils réunifient dans des
fols où- le charme , qui n'eft point délicat
fur les alimens , ne fait que languir : il eft
certain aufîï qu'on en compoferoit de bons
taillis. Cet érable fe multiplie comme les
précédens ; mais fa graine , quoiqu'on
la feme en automne , ne levé que la fé-
conde année ; il eft bon d'en être pré-
venu.
L'efpece , n°.4, eft un arbre d'une taille
médiocre qui habite les ifles de l'Archipel ;
fes feuilles reffemblent à celles du lierre ;
E R A 901
elles ne font pas fi épaifTes que celles de
V érable fuivant , avec lequel il a d'ail-
leurs une grande reffemblance ; elles font
d'un verd luifant , & fur les jeunes ar-
bres en bonne expofition , elles fubfiftent
une partie de l'hiver ; ce joli érable , qui
eft afïèz dur , contribuera à la décoration
des bofquets d'été & d'automne ; fes fe-
mences ne lèvent quelquefois que la fé-
conde année ; mais on le multiplie aifé-
ment par les marcottes qu'on doit faire
en juillet ou en octobre ; il reprend
même de boutures , fi on y apporte les
précautions requifes. Voye\ l'article Bou-
TURE.
~U érable _, n°. 5 , a , comme nous venons
de le dire , ks feuilles plus épahTes que
celles du n°. A Les bords de leurs lobes
font auffi moins entamés , l'écorce eft
moins polie & moins brune , & l'arbre
paroit devoir atteindre à une plus grande
hauteur ; il ne fe dépouille que fort
tard. Du refte il fe multiplie comme le
précédent ; il eft indigène de la France
méridionale , & connu fous le nom d'éra-
ble de Montpellier. On feroit dos haies-
charmantes de l'un & de l'autre de ces
arbres ; leurs écufïbns prennent fur le fyco-
more , mais la pouffe qu'ils ont produite ,
périt la féconde année ; du moins cela
nous eft-il arrivé conftamment. Il n'eft pas
douteux qu'ils peuvent fe greffer l'un fur
l'autre ; mais ils prennent mal fur le petit
érable commun avec lequel ils ont pour-
tant beaucoup d'analogie.
\J érable y n°. 6 y pafïè pour le plus grand
des arbres de fon genre ; il s'élève fur un
tronc fort droit à une hauteur très-con-
fidérable ; fon écorce eft verte dans les
jeunes branches , & grife dans les ancien-
nes ; mais polie dans les unes & dans les
autres : fes feuilles font ordinairement
compofées de cinq follioîes oblongues ,
pointues & crénelées , elles fe diftinguent
au premier coup d'œil de tous les autres
érables j leur verd eft très-gai & tire furie
jaune 5 elles fubfiftent afîez long-temps.
Cet arbre doit être placé dans les bof-
quets d'été ; il fe multiplie comme les n°. 1
& £ ; il ne peut fe greftèr ni fur fycomore»,
ni fur plaine ; i'écuflbn même ne s'y colle
pas ; il porte fes ôeurs en grappes ; fai
901 E R A
femenceeft plus petite que celle des autres
érables de ce genre.
V érable , n°. J , paroît devoir ne former
qu'un arbre d'une taille moyenne ; fon
beau feuillage lui afîïgne une place dans
les bofquets d'été ; fes grappes de fleurs
rouges lui donnent entrée dans ceux du
printemps ; fon bois eft fuperbement
veiné ; on en fait de très- beaux bois de
fufil. Cet arbre s'écuffonne au mois d'août
fur le faux fycomore , & y réuiïit très-
bien.
Le n°. 8 fe diftingue du précèdent par les
caraderes exprimés dans fa phrafe ; il prend
moins aifément par l'écuiibn fur faux fy-
comore que le n°. J ; mais quoique fouvent
la féconde année il périffe une partie des
pouffes qui font provenues de la greffe , il
en réchappe néanmoins un affez grand nom-
bre pour qu'on doive ne pas négliger cette
voie de multiplication ; au refte , on le
reproduit fort aifément par les marcottes.
V érable > n°. $ , fe diftingue de prime
abord de tous les autres , moins encore par
la largeur & la figure extraordinaire de {es
feuilles , que par fon écorce gris blanc mar-
quée de ftries verdâtres ; il femble ne devoir
guère s'élever, parla raifon qu'il fleurit fort
jeune , & parce qu'étant écuflbnné fur fy-
comore , le fujet groflit trois fois plus que
la poufTè de fécuffon : comme la couleur
de fon écorce fait fa principale beauté , &
Qu'elle tranche avec celle de l'écorce du
fycomore ; comme aufli la difproportion
entre la groffeur du fujet & celle de la greffe
feroitunfort vilain effet, il convient de po fer
l'écuffon à deux ou trois pouces de terre ,
afin de pouvoir en le tranfplantant , enterrer
le nodus qui fe trouve à fon infertion. Cette
attention procure un autre avantage , ç'eft
qu'elle met ce bourrelet à portée de prendre
des racines qui feront vivre , de fa propre
fève , V érable greffé , & lui communique-
ront une vigueur finguliere ; au refte , il
faut s'attacher à l'obtenir franc du pié ; à
quoi l'on parvient au moyen des femences
qui mûriflent dans la France feptentrionals;
à leur défaut , il faut avoir recours aux bou-
tures , & fur-tout aux marcottes qui s'en-
racinent très-facilement : on coupe à quel-
ques pouces de terre un de ces érables greffés
bas j & on enterre enfui te les rejets qu'il a
E R A
fournis. Cette efpece poufle au printemps
de longs bourgeons couleur de rofe fort jolis,
qui lui affignent une place dans les bofciuets
deftinés à ces premiers momens de l'année
renaifTante , où les plus petits effets de la
végétation font précieux , parce qu'on fe
plaît à les épier ; fon écorce jafpée & fes
belles feuiHes lui donnent accès dans les bof-
quets d'été où l'on peut l'employer en tige
le long de petites allées , ou bien en forme
de buiffon dans le fond des mafïifs.
• *V érable _, n°. zo 9 pouffe au printemps
des bourgeons écailleux d'un rouge vif mêlé
de couleur de noifette qui font affez plai-
fans ; fon écorce eft grife ; il croît lente-
ment , & ne promet pas de devenir fort
haut ; il fe multiplie avec beaucoup de peine
par les marcottes , & je n'ai pu , jufqu'à
préfent , réuffir à l'écuflônner fur aucune
efpece à' érable.
On trouve dans le traité des arbres fir
arbufiesde M. Duhamel, les procédés dont
fe fervent les Américains pour tirer la li-
queur des érables. Cinquante pintes de cette
liqueur rendent ordinairement dix livres de
fucre ; le meilleur eft celui qui eft très-dur,
d'une couleur rouffe , un peu tranfparent ,
d'une odeur fuave & fort doux fur la langue.
On diftingue en Canada deux efpeces de
fucre d'érable : l'un s'appelle fucre a" érable 9
& l'autre fuc de plaine. Ce font nos n°. y
& 8 qui les produifent.
Erable , (Mat. méd. ) On ne fait point
d'ufage de \ érable parmi nous ; on regarde
cependant fon fruit & fes feuilles comme
de bons aftringens. L'infufîoi des feuilles
dans du vin , pafîè fur-tout pour un remède
contre le larmoiement involontaire, (b)
ER AILLÉ , adj. fe dit , dans les Manu-
factures en étoffés y lorfque la laine du filé a
été enlevée de deffus la foie qui la porte >
& que l'on voit cette foie à découvert. Il fe
dit encore de toute léflon faite à l'ouvrage
pendant ou après fa fabrique.
ERAILLEMENT des Paupières ,
voye\ ECTROPIUM.
ERAILLER , v. ad. terme d'ourdiffage;
c'eft tirer une étoffe , une toile , une gaze ,
de façon que les fils s'entr'ouvrent , fe fé-r
parent , & fe relâchent. La mouffeline , la
gaze & le crêpe font fort fujets à dérailler,
ERAJLLURE , f, f. terme d'oui diffage;.
E R A
il fe dit de Pendroit d'une étoffe , d'une
toile , ou d'une gaze , dont le tifïu s'eft fe-
paré dans la trame ou dans la chaîne , pour
avoir été tiré* trop violemment.
ERANARQUE , f. m. (Hifi. ancj
c'étoit , chez les anciens Grecs , un officier
public , dont la charge confîftoit â préfider
& à avoir l'infpedion des aumônes & des
provifions faites pour les pauvres.
Uéranarque étoit proprement l'adminif-
traceur ou l'intendant des pauvres. Lorlque
quelqu'un étoit réduit à la pauvreté , ou1
fait prifonnier , ou qu'il avoit une fille à
marier , & ne la pouvoit pourvoir faute
d'argent , Yéranarque afïèmbloit les amis &
les voifins de cette perfonne , & taxoit cha-
cun pour contribuer félon fes moyens & fon
état. D ici. de Trev.&c Chambers. (G)
ERARIUM, f. m. (Hifi. anc.Jétok le
tréfor de l'état fous les empereurs Romains.
Le temple de Saturne à Rome , où fe
gardoit ce tréfor , s'appelloit par cette raifon
cerarium y du mot ces > œris _, cuivre ; parce
qu'il n'y avoit pas eu d'autre monnoie à
Rome que de ce métal , avant l'an 485 de
fa fondation. Voyez Monnoie , ESPECE.
Ce fut Augufte qui le commença , & il
fut entretenu de ce que chacun y contribua
volontairement ; mais ces contributions ne
fuffifant pas pour les befoins de l'état , le
vingtième des legs & des fuccefTions fut
aftigné à ce tréfor , pourvu néanmoins que
les héritiers ou les légataires ne fuflènt pas
de proches parens , ou des pauvres.
On tira de la cohorte prétorienne trois
officiers , à qui on en confia la garde avec
la cualité de prcefecli cerarii. Chambers.
ÊRASTIENS , f. m. pi ( Hifi. eccléf.)
feâe ou parti de religion qui s'éleva en An-
gleterre durant le temps des guerres civiles,
en 1647. On l'appelloit ainfî du nom de
fon chef Eraftus. La doctrine de cette fefte
étoit que l'églife n'avoit point d'autorité
quant à la difeipline , c'eft-à-dire , n'avoit
point le pouvoir légitime d'excommunier ,
d'exclure , d'abfoudre , de prononcer des
cenfures , de faire des décrets , ùc. Cham-
bers. (G)
* E R A T O , (Myth. ) celle des neuf
mufes qui préfîdoit aux poéfies amoureu-
fes. On lui attribue l'invention de la lyre &
du luth ; & on la représente couronnée de
ERE 903
myrtes & de rofes , tenant une lyre d'une
main & un archet de l'autre , & ayant à Ces
côtés un amour debout avec fon flambeau.
Il y avoit aufïï une néréide du même
nom.
ERDING , (Géograph.) ville d'Allema-
gne , dans la Bavière inférieure , & dans la
préfecture de Landshut fur la petite rivière
de Sempt. C'eft le fiege d'une jurifdiûion
qui s'étend fur quelques bourgs , châteaux
& feigneuries qui l'environnent. Et fon ter-
roir produit les plus beaux grains de la
Bavière. Pendant la guerre de trente ans ,
elle fut faccagée par les Suédois à deux re-
prifes. (D. G.)
ERDOD , (Géogr.J Deux villes du
royaume de Hongrie portent ce nom , & le
donnent , l'une à I'illuftre famille d'Erdodi ,
& l'autre aux comtes de Salfy. Elles font
fituées , la première , dans la haute Hongrie
dans le comté de Sakmar , & la féconde
dans l'Efclavonie , dans le comté de Wero-
witz. (D. G.)
ERE , f. f. en afironomie y eft la même
chofe qu' époque 9 en afironomie. Voye\
Epoque , qui eft beaucoup plus ufité en ce
fens.
Le mot ère y félon quelques-uns , vient
du mot Arabe arach ou erach , qui fignifie
qu'on a fixé le temps. D'autres croient qu'il
vient des lettres initiales de l'époque des Es-
pagnols : Ab Exordio Regni îdugafii (OJ
Ere, (Chronol.) terme fynonyme à celui
$ époque y & qui défîgneun temps fixe d'où
on part pour compter les années chez dif-
férens peuples. Voye\ Epoque. Nous igno-
rons l'origine du mot ère ; mais il eft con-
facré aux époques particulières qui fuivent.
Ajoutons feulement fur cette matière , qu'on
peut confulterBaronius , Calvifius , Kepler,
Marsham , Onuphrius , Pétau , Pagi , Pri-
deaux , Riccioli, Salian,Scaiiger , Sigonius,
| Sponde , Vofîius , UfTerius , &c. Article de
M. le chevalier de Ja ucourt.
Ere des Abyssins ; voye[ Ere de
DlOCLÉTIEN , qui eft Vere dont les Abyf-
fins fe fervent.
Ere ACTIAQUE , (Chronol) époque
des Egyptiens , qui a pris fon nom de la
bataille d'Aâium , que l'armée d' Augufte
commandée par Agrippa gagna contre Marc-
Antoine , l'an 723 de la fondation de Rome ,
9°4
ERE
& qui entraîna l'année fuivante la conquête
de toute l'Egypte.
C'eft à cette conquête que Yere acliaque
doit Ton origine , fuivant l'ordonnance des
.Romains qui fut ponctuellement exécutée.
En effet on fe fervit depuis ce moment- là
de cette époque en Egypte , jufqu'à la pre-
mière année du règne de Dioctétien qui
tombe à l'an 284 de J. C. Alors Yere aclia-
que changeant de nom , fut appellée Yere
de Diock'tien, & parles chrétiens de.ee pays-
là , Yere des martyrs; parce que ce fut fous
le règne de cet empereur qu'arriva la dixième
perfécutionde leglife, où tant de martyrs
fcellerènt de leur fang la vérité de leur reli-
gion.
Quoique Yere acliaque tirât fa dénomi-
nation de la bataille d'Actium , elle ne
commença pourtant que le 29 août de
l'année fuivante , & l'on fixa ce. jour-là,
parce que c'étoit le premier jour du mois
de Fhoth qui faifoit de temps immémorial
le premier jour de l'an des Egyptiens. D'ail-
leurs , les Romains trouvèrent le 29 août
d'autant plus propre à régler le commen-
cement de la nouvelle ère d'Egypte , qu'ils
avoient réduit ce royaume fous leur joug
vers la fin du mois d'août.
C'eft auffi. pourquoi le fenat changea par
un décret l'ancien mois de Sextilis en celui
d'ylugujlus } & il ne s'en tint pas à cette
feule marque ,de baiTeiîe & de fiaccerispour
l'empereur. Mais fans nous y arrêter , ad-
mirons le fort des chofes humaines !• Octave
par la victoire d'Actium enlevé l'empire du
monde à Antoine ; & ce fut la poftérité
d'Antoine qui dans la fuite jouit de cet em-
pire , du moins pendant quelque temps ,
tandis que celle d'Augufte ne parvint ja-
mais à le pofféder , fie vos non vobis
Voye\ M. Prideaux, qui entre dans de plus
grands détails. Article de M. le Chevalier
DE J AU COURT.
Ere d' Alexandre , voye\ Ere Phi-
lippïque.
Ere d'Antioche , (Chron.) cette épo-
que dont fe fervent pkmêurs -écrivains ec-
cléfiafliques , commençait 49 ans avant
J. C. , en la 4 année de la 182, olympiade ,
l'an 705 de Rome. Ce fut aufîi la première
-année de la dictature de Jules Céfar , &:
celle de la liberté de la ville d'Amioche.
ERE
Quelques auteurs fixent cette ère d'après
l'autorité de Scaliger à la 48 année avant
J. C. : mais on prétend qu'ils fe trompent.
Voyei Pagi, dijj'ert. de periodoGraeco-Ro-
mana; Pétau, de doQ. 1 emp. I. X, cap. Ixij;
Riccioli, chronol. reform. I. III , cap. xyy
p. 1; art. de M. le chev. de J AU court.
* Ere Arménienne , qui eft encore
en ufage parmi les Arméniens. Elle com-
mence le 9 juillet de l'an du monde 4501 ,
ou après la naillance de J. C. 552.
Ere des Arabes , voye\ Hégire.
Ere de la Captivité ; elle commence
au temps où Nahuchodonofor conduifit à
Babylone Jéchonias , avec i8coo Juifs
d'Elite , l'an du monde 3349.
* Ere Chaldaïque ; Ptolomée en a
fait mention : elle commence au z6 fep-
ttmbre , de l'an du monde 3639.
Ere Chrétienne. (Chronol.) Elle
commence au premier jour de janvier après
la naiMance de J. C. , dont perfonne ne fait
1 aujourd'hui Tannée.
L'opinion commune de l'églife catholi-
que Romaine la met au 25 décembre 753
de la fondation de Rome. Sur quoi il faut
remarquer qu'il y a au moins huit opinions
différentes touchant l'année de la nailTance
de N. S.
La première opinion fuppofe cette naif-
fance en l'année 748 de la fondation de
Rome , fous le confulat de Lcelius Balbus ,
oc d'Antiftius Verus : c'eft l'idée de Kepler.
La féconde opinion la met en l'année 749
de Rome , fous le confulat de l'empereur
Augufte avec Cornélius Syîla : le P. Pétau,
jjefuite , e(t entr'autres de ce Tentiment.
La troiiierne opinion eft de ceux qui
croient que J. C. naquit l'an de Rome 750 ,
fous le confulat de Caîviflus Sabinus & de
Paflienus Rufus : c'eft l'avis de Sulpice
Sévère , &c.
La quatrième opinion eft de ceux qui
penfent que le Sauveur du monde eft né
l'an 751 de Rome , fous le confulat de
Cornélius Lentuîus , & de Valerius Mefïà-
îir.us : le cardinal Baronius , Sponde , Sca-
liger & Vofilus font du nombre de ceux
qui goûtent cette idée.
La cinquième opinion place la naiflànce
du Meffie en l'année 752 de Rome , fous
le coafulat d'Augufte avec Plantius Silvanus:.
le
ERE
îe P. Salian , Onufrius , &c. fuivent cette
conje&ure.
La fixieme eft la commune qui fixe la
naifTance de J. C. en Tannée 753 de la
fondation de Rome , fous le confulat de
Cornélius Lentulus & de Calpurnius Pifo :
c'eft le fentiment de Denys le Petit , de
Bede , Ùc & l'églife Romaine l'a autorifé
par fon martyrologe , le bréviaire , &
l'ancien calendrier.
La feptieme eft de ceux qui tiennent
pour l'an de Rome 754 , comme George
Herwart , &c.
La huitième eft de ceux qui prétendent
que le Sauveur naquit l'an 756 de Rome ,
deux ans plus tard que l'époque commune :
PauldeMiddelbourg a été de ce fentiment,
qui eft univerfellement rejeté.
Cette diverfité d'opinions vient des dif-
ficultés qu'il y a fur l'année de la mort
d'Hérode , qui vivoit encore lorfque
J. C. vint au monde, in diebus Herodis }
Matth. ch. n y v. zP fur îe commencement
de l'empire d'Augufte , dont on croit que
c'étoit la quarante-deuxième année , & de
celui de Tibère la quinzième année, ann. 1 5
imperii Cœfaris _, Luc , ch. iij. fur l'année
du dénombrement du peuple Romain fous
Cyrenius ou Quirenius , gouverneur de
Syrie , dont il eft parlé en S. Luc. ch. xj.
Voye^ DÉNOMBREMENT.
On trouve à tous ces égards les auteurs
fort partagés : les uns mettent la mort
d'Hérode l'an 754 de Rome, & les autres
quelques années auparavant: les uns com-
mencent le règne d'Augufte à la mort de
Céfar , d'autres à fon premier confulat:
les uns font commencer l'empire de Tibère
après la mort d'Augufte , & les autres
deux ans auparavant , parce que , difent-
ils , il étoit alors collègue d'Augufte. Il y
a eu plufieursdénombremensfousce prince,
& on a de la peine à fixer l'année de celui
dont il eft fait mention dans S. Luc.
Telles font les caufes qui ont produit
les différentes opinions fur le temps de la
naiffance de J. C. quoique dans l'ufage on
fuive Tannée de l'époque vulgaire.
Remarquons d'ailleurs que les anciens
Pères de l'églife n'ont pas commencé de
marquer les années par la naiffmce de J. C.
ils fe fervoient d'autres époques : ceux du
Tome XII. •
ERE 905
patriarchat d'Alexandrie prenoient la leur
de Yere acliaque > ou du jour de la bataille
d'A&ium : les chrétiens d'Egypte lui fubfti-
tuerent Yere qu'ils appelèrent dioclétienne ,
autrement dite des Martyrs. Enfin , les
autres chrétiens comptou-nt leurs années,
ou de la fondation de Rome , ou d'après
les faftes confulaires , ou félon la manière
des peuples , au milieu defquds ils vi-
voient.
Denys, furnommé le Petit, né en Scythie,
& qui demeuroit à Rome fous le titré
à1 abbé , au commencement du vj fiecle ,
crut qu'il n'é.oit pas honorable à des
chrétiens de compter leurs ann.'es du règne
d'un tyran qui avoit fait périr inhumaine-
ment tant de fidèles ; mais qu'il é.oit plus â
propos de fixer une époque de la naiffance
de celui pour lequel les chrétiens avoient
fi conftamment verfé leur fang. 11 fit
pour cet effet un cycle pafchaî , & en
affigna le jour au 25 décembre de Tan de
Rome 7<)3 , pour commencer k compter
Tan premier de Yere chrétienne , au mois
de janvier 754 du confulat de C. Céfar
& de Paul Emile. Cette ère fut généra-
lement approuvée par les chrétiens , peu
d'années après qu'elle fut introduite ,
c'eft - à - dire , vers Tan 527 : elle n'eut
pourtant fa vogue entière qu'environ cent
ans après , fous Charles Martel , au com-
mencement du vij fiecle que l'églife latine
la fuivit , & on Tappella depuis univerfelle-
ment Yere vulgaire.
Il eft néanmoins vrai que cette ère com-
mença trois ou quatre ans plus tard que la
véritable naifTance de N. S.?& que Denys
le Petit s'eft trompé environ de cet efpace
de temps dans la fixation de fon époque.
Sans en difeuter ici les preuves , je dirai
feulement que M. Vaillant le père a fait
voir en particulier , par des médailles de
Quintilius Varus & d'Antipas, fils d'Hérode,
que la naifTance de J. C. afîignée par l'églife
au 25 de décembre, doit être placée dans
la 549 année de Rome , puifque Jofeph
rapporte la mort d'Hérode à la fin de mars
de Tan 750 de la fondation de cetre ville.
Quoi qu'il en foit de l'opinion de M. Vail-
lant , fondée fur fes médailles , il ne faut
pas bétonner fi tant de perfonnes éclairées
ignorent les chofes les plus , cachées ,
Yyyyy'
ûo6 ERE
puifqu'ellesnefaventpasles plus communes.
Les chrétiens ne parlent que de la mort
de J.C. tandis qu'ils en ignorent réellement
l'année , de même que celle de fa naifTance.
La connoifTance qu'on pouvoit avoir de
l'une & de l'autre s'eft perdue peu à peu ,
& Ton eft en6n venu à n'en favoir plus
les dates. Article de M. k chevalier DE
J AU COURT.
Ere de Dioclétien , (Chronol.)
Epoque qui commença la première année
de l'empire de Dioclétien , c'eft-à-dire ,
l'an 284 après la naifTance de J. C. c'eft la
même que celle qu'on appelîa Yere des
Martyrs. V. ci-devant Ere ACTIAQUE.
Art. de M. le chevalier de Jaucourt.
* Er.e d'Edesse ; c'eft la même que
Yere a" Alexandre.
Ere d'Espagne. ÇChron.) Cette épo-
que des Efpagnols commence 38 ans avant
Yere chrétienne : elle eft d'un grand ufage
dans 1 hiftoire d'Efpagne , même dans
celle de la partie méridionale des Gaules ,
& dans une grande partie de l'Afrique.
Pierre IV , roi d'Aragon , abolit cette ère
dans fes états , l'an 1350 de J. C. on en
ufa de même dans le royaume de Valence ,
en 1358, aufïi bien qu'en Caftille en 1383,:
enfin , le roi Jean I l'abolit en Portugal ,
en 141 5. Article de M. le chevalier de
J au court.
* Ere Gélaléene ; c'eft Yere que
les Perfans fuivent aujourd'hui : elle com-
mence au 14 de mars de l'an de J. C.
1079.
* Ere des Grecs , dont il eft fait
mention au premier livre des Machabées :
elle commence au 13 de mars de Fan du
monde 3638.
* Ere des Asmonéens ; elle com-
mence au temps où Simon délivra entière-
ment Jérufalem de là domination des Sy-
riens , ou le 1,6 mai de l'an du monde 3808.
* Ere de l'Hégire que fuivent les
Turcs ; elle commence au temps où
Mahomet fe fauva de la Mecque , ou le
16 juillet de l'an de J.C. 622.
*.Ere Jezdéjerdique , en ufage
parmi les Perfans ; elle commence au
temps où Ofmarin , général des Sarrazins ,
défit & tua Jezdegerd , roi des Perfans , ou i
le- 16 juin de J. 0,6*32. '
ERE
* Ere ires Juifs , celle qu'ils fuivent
encore aujourd'hui, commence au 3 octobre
de la 189 année du monde.
* Ere Julienne ; elle commence à la
correction du temps ou du calendrier :
ordonnée par Jules Céfar l'an du monde
3905.
* Ere de Laodicée ; elle commence
l'an du monde 3Q00.
Ere du Monde. Voyei ce qui a été
dit à Yere chrétienne.
Ere des Martyrs. Voye^ Ere de
Dioclétien.
Ere de Nabonassar, (Chronol.)
fameufe époque aftronomique dont fe font
fervis Ptolomée , Cenforin , & autres au-
teurs. Elle a commencé la feptieme année
de la fondation de Rome , la féconde de
la huitième olympiade , 747 ans avant J. C.
c'eft-à-dire , avant le commencement de
Yere vulgaire , & l'an 3967 de la période
julienne.
Ce fut alors que l'ancien empire des
Afïyriens , ayant pris fin à la mort de Sar-
danapale , après avoir eu la dominatioa
de l'Afie pendant plus de 1300 ans , il fe
forma de (es débris deux empires , l'un
fondé par Arbaces , gouverneur des Medes ,
qui établit fon fiege à Ninive , & l'autre,
par Béléfïs , gouverneur de Babylone , qui
conférva pour lui cette ville, la Chaldée &
l'Arabie : voilà les deux empires qui ont
détruit les royaumes d'Ifrael & de Juda.
Béléfïs eft le même que Nabonaflàr, du
règne duquel commença l'époque dont il
s'agit ici , nommée ère de Nabonajfar. Ce
prince eftappellé dans l'écriture (Ifaïe /. z.)
Baladan, père de ce Moradac ou Mordace
Empadusy qui envoya des ambafTadeurs au
roi Ezéchias pqur le féliciter fur fa conva-
lefcence. Article de M. de Jaucourt.
Ere des Olympiades. Voy. Olym-
piades.
Ere des Patriarches ou des Pè-
lerinages ,\ elle commence au temps où
Abraham quitta Haran , l'an du monde
2023 : on rapporte à cette époque plufieurs
faits particuliers de la Bible.
* ÈRE PHILIPPIQUE, (Chron.) épo-
que particulière à l'Egypte.
Dès que Aridée , frère bâtard d'Alexandre-
le Grand , déclaré, roi , eut changé fannojrv.
ERE
en celui de Philippe , on appelîa ère philip-
pique la fuite des années , dont celle de !a
mort d'Alexandre eft la première. Cette
ère ne commença pas au jour de la mort
d'Alexandre , mais au jour de l'année où ce
conque'rant mourut, c'eft-à-dire , à notre 12
de novembre de l'an 323 avant J. C. A Yere
pkiVppique fuccéda Yere acliaque , l'an 724
de Rome ; & à cette dernière Yere de
Dioctétien , l'an 284 de J. C. Pour enten-
dre en gros l'hiftoire d'Egypte , il faut fe
rappeller la fuccefTion des diverfes ères qui
ont eu cours dans ce pays-là , & y appli-
quer les faits , afin d'éviter la confuhon :
le refre de cette hiftoire eft un abyme.
Art. de M. le chevalier de J au court.
L'ère philippique commence au 12 no-
vembre , ce jour étant le premier de l'année
rague Egyptienne. C'eft de cette époque
que Théon , Albategnius , Ùc. fe font fer-
vis. On peutobferver qu'entre les deux ères
de NabonafTar & la mort d'Alexandre ,
il s'eft écoulé précifément 424 années
Egyptiennes.
* Ere de Rome ; elle commence au
temps de la fondation de cette ville par
RomuIus,oule 21 avril de l'année 3190
du monde.
Eredes Séleucides. ÇChron.) Cette
époque très-céîebre s'appelloit en Orient
les années des Grecs. Voye\ ÉPOQUE.
C'eft à l'entrée du fage & brave Seleu-
cus dans Babylone , après la défaite de
Nicanor , l'an 312 avant J. C. que com-
mença Yere fameufe des Séleucides, cette
ère dont tout l'Orient , païens , juifs , chré-
tiens, mahométans , fe font fervis. Les
juifs la nomment autrement à la vérité;
ils l'appellent Yere des contrats , parce que ,
lorfqu'ils tombèrent fous le gouvernement
des rois Syro-Macédoniens , ils furent obli-
gés de l'employer dans toutes les dates des
contrats & des autres pièces civiles. Cepen-
dant ils s'y accoutumèrent fi bien , que
plus de 1000 ans encore après J. C. ils
n'avoient point encore d'antres époques:
ce ne fut qu'aîors qu'ils s'aviferent de
compter les années depuis la création du
monde , comme ils font aujourd'hui. Tant
qu'ils refterent en Orient , ils fuivirent la
coutume des nations d'Orient , où l'on
marquoit les années par cette ère ; mais
ERE 907
quand vers l'an 1040 ils en furent chafies
& obligés de fe jeter dans l'occident , &
de s'établir en Efpagne , en France , en
Angleterre & en Allemagne , ils apprirent
d^ quelques chronologiftes chrétiens à
compter depuis la création du monde.
La première année de cette ère de la
création , félon leur compte , tombe fur
l'an 953 de la période julienne , & com-
mence â l'équinoxe d'automne ; mais , fé-
lon Scaliger , la véritable année de la créa-
tion du monde tombe 189 ans, & félon
d'autres 249 ans plutôt que les juifs ne la
mettent dans leur ère : quoi qu'il en foit ,
cette ère des contrats n'eft pas encore tout
à fait hors d'ufage parmi eux.
Les Arabes la nomment tarie dilcarnain,
Vere du bicornu ou de V homme à deux cor-
nes. Les auteurs qui veulent que cette ère
regarde Alexandre fe trompent , puifqu'elle
ne commença que douze ans après la mort
de ce prince, favoir, au temps du réta-
bîifïement de Seleucus à Babylone; il faut
donc chercher l'origine de tarie dilcarnain
dans la perfonne de Seleucus , qui , effec-
tivement , au rapport d'Appien , étoit fi
fort ou fi adroit , qu'en prenant un tau-
reau par les cornes il l'arrétoit tout court ,
ce qui avoit donné lieu aux fculpteurs de
le repréfenter ordinairement avec deux
cornes de bœuf à la tête.
Les deux livres des Machabées ( I ,
Mach. j, 10,11) l'appellent Yere du royau-
me des Grecs , & tous deux l'emploient
dans leurs dates ; avec cette différence pour-
tant , que le premier de ces livres la fait
commencer au printemps , & l'autre à
l'automne de la même année. Le calcul
de ce dernier fe trouve par-là être le
même que celui qu'ont fuivi les Syriens ,
les Arabes , les Juifs , en un mot, tous ceux
qui fe fervoient autrefois de cette ère , oa
qui l'emploient, encore aujourd'hui, à la
réferve des feuls Chaldéens ; car ces der-
niers ne regardant pas Seleucus comme
bien établi à Babylone , avant le prin-
temps de l'année ft ivante , ils ne fixèrent
Yere des Séleucides qu'à cette époque, d'où
vient que toures les années de cette?/? corn.
mençoient aufli parmi eux dans la même
faifon.
Je ne déguiferai point qu'il y a dans la
Yyyyy 2
9o8 ERE
manière de compter des deus livres des
Machabées quelque chofe d'affez furpre-
nant, dont aucun critique , que je fâche ,
n'a jamais rendu raifon , ni le célèbre Uf-
cher , ni le favant Prideaux lui-même. Les
dates du premier livre des Machabées pré-
cèdent d'un an entier celles du ftyle de
Chaldée ; & celles du fécond livre des Ma-
chabées ne précèdent le ftyle de Chaldée
que de fîx mois. On fait bien que dans
Y ère des Séleuades le ftyle de Chaldée &
de Syrie différoit, en ce que le ftyle de
Chaldée commençoit fix mois après celui
de Syrie au printemps fuivant : mais d'où
vient la différence des ftyles qui eft encre
le premier & le fécond livre des Machabées ,
& d'où vient même que le premier livre
des Machabées eft le feul qui faiTe com-
mencer Y ère des Séleucides un an entier
avant le ftyle des Chaldéens ? Article de
M. le chevalier DE J AU COURT.
* Ere de Syracuse : elle commence
au temps où Timoléon rétaolit les affaires
des Syracufains , ou 1 an du monde 3607.
* Ere de Troye ; elle commence à la
prife de cette ville , ou l'an du monde
2766.
* Ere des Turcs. Voyei Ere de
l'Hégire.
* Ere des Tyriens ; elle commence
au temps où ces peuples recouvrèrent leur
liberté , ou l'an du monde 3825.
* EREBE , f. m. ( Mythol ) Ce mot
fignifie ténèbre. VErebe eft , félon Héfiode,
fils du chaos & de la nuit , & père du jour.
Les anciens ont encore donné le nom
à'érebe à une partie de leurs enfers ; c'eft la
demeure de ceux qui ont bien vécu. Il y
avoit une expiation particulière pour les
âmes détenues dans Yérebe.
ERECTEURS DU CLITORIS , ou
ISCHIO - CAVERNEUX , eft le nom
qu'on donne en anatomie à une paire de
m ifcîes qui viennent de la tubérofité de
l'ifchion , & qui s'infèrent au corps fpon-
gieux du clitoris , dont ils produifent l'érec-
tion dans le coïr. Voye\ CLITORIS.
$ ERECTEUR, ERECTION, ÇAnau
Phyfiol. ) les mufcles auxquels on a donné
le nom d'ère clears } ne mérirent certaine-
ment pas ce nom. Ils naiffent de Pifctiion
au; deftus.de la tubérofité , mais plus bas
ERE
que les corps caverneux du pénis, & ils
montent en dedans & en devant pour s'at-
tacher avec une infertion tendineule dans
les corps caverneux. Ils ne peuvent donc
qu'abaifter ces corps , & le pénis avec eux :
& leur adion doitècre de 1 éloigner du bas-
ventre , & de lui faire faire un plus grand
angle avec l'os pubis ; ce qui le proportionne
mieux avec la Situation piefque tranfverfale
du vagin. Ils ne peuvent en aucune manière
comprimer les veines du pénis.
Indépendamment de cette remarque , on
fent au premier coup d'ceil qu'il faut une
caufe beaucoup plus générale qu'un mufcle ,
pour une action fi généralement néceftaire
dans toutes les claiTes des animaux. Les
quadrupèdes à fang froid , les oifeaux , les
infectes ont un pénis fans mufcle éreâeur.
On n'a d'ailleurs qu'à faire attention à la
manière dont le mamelon du fein d'une
femme fe redrefte. Il eft petit , replié fur
lui-même & fans mufcle quelconque. Une
légère friction le relevé , le redrefte, le rend
cylindrique ;le fang fe répand dans fa fubf-
tance , l'échauffé & le rougit. Cette action
fi parallèle à celle du pénis fe pafTe fans qu'il
y ait une ombre d'action mufculaire. Uérec-
tion eft d'ailleurs trop durable dans certains
cas , pour être l'action d'un mufcle qui fe
relâcherait certainement, aucun mufcle ne
pouvant foutenir une contraction conti-
nuelle. Oh a vu V érection durer vingt -quatre
heures de fuite , & des mois entiers , fi l'on
en croit Aurélien.
Sans entreprendre de découvrir le fecret
de la nature , nous tâcherons d'en écarter
du moins l'erreur , & d'y remettre l'hypo-
thefe à fon jufteprix.
U érection fefait par une extravafation du
fang : les efprits étendroienc mal des facs
aufti folides , que le font les corps caver-
neux. Il eft facile d'imiter la nature en in-
jectant les artères des parties génitales : la
colle colorée entre dans les facs & les dilate :
on a reconnu dans l'animal vivant , que
c'eft le fang dont ils fe rempliftent dans
l'action vénérienne.
Ces facs font au nombre de trois ; nous
n'en dirons que le plus néceftaire. Le pénis
a deux corps caverneux qui naiflènt des
branches montantes de Fifcbion , fe rap-
prochent, font parallèles & adoflés, &.com-
ERE
muniquent encore enfemble & fe terminent
au commencement du gland par des culs-
de-fac prolongés en pointe.
Le troifieme fac eft plus lâche , il naît
par lui-même fous l'urètre, par une bulbe
un peu mi-partie, mais qui bientôt embraf-
fant l'urètre devient une enveloppe circu-
laire qui pafîè înférieurement entre les deux
corps caverneux du pénis jufqu'à fon ex-
trémité , fe replie enfuite , s'élargit , revient
contre elie-méme , & fe termine par un
bourlet incomplet , qui embrafïè prefque
tout le pénis , & même fes corps caverneux.
Tous les trois facs font remplis d'une cel-
lulofité à larges mailles , faites par des lames,
& fortifiées dans le pénis par des filets ten-
dineux.
Les corps caverneux du pénis fe dilatent
beaucoup plus fouvent que celui de l'urètre ,
ils forment une érection moins parfaite , telle
que la produit l'abondance de l'urine. Le
corps caverneux de l'urètre fe gonfle le der-
nier , & ne fe gonfle même que par une
irritation beaucoup plus grande ; quand il
s'eft gonflé , l'éjacuiation fuit ordinairement
de près.
Dans les animaux quadrupèdes , il n'y a
fouvenc qu'un feul corps caverneux au pénis,
mais celui de l'urètre fe retrouve dans le
plus grand nombre des efpeces.
Dans le clitoris , partie analogue au pénis,
l'urètre eft éloigné des deux corps caver-
neux analogues à ceux de l'homme. La
même ftruclure fe trouve dans les mâles
des grands oifeaux , comme de l'autruche
& du cafuel ; l'urètre ne perce pas le pénis.
Nous avons examiné les différentes caufis
de Y érection: l'une fe réduit à l'afrluence du
fang dans l'organe génital , & l'autre à une
irritation quelconque.
En liant les veines du pénis , en liant le
pénis tout entier , on produit une éreclion
& les corps caverneux fe gonflent: il eft vrai
qu'elle n'a jamais la roideur qui fuit l'irri-
tation , mais il eft bien difficile aufîi de
gêner entièrement par la ligature le retour
du fang , parce que les veines cutanées du
pénis communiquent avec les veines inter-
nes , par le moyen de la veine du prépuce ,
& que ces mêmes veines communiquent
encore avec les veines du fcrotum , qu'une
ligature qui ferre la veine du pénis ne fauroit
ERE 909
comprimer. Le gonflement du pénis dans les
cadavres eft analogue à celui que le fang
produit: l'air développé p?r les commence-
mens de la pourriture , gonfle aloxsles corps
caverneux.
L'autre caufe eft l'irritation qui elle-même
eft la fuite de piufiears ftimulus diffl'rens ;
le plus naturel , c'eft lapréfence d'une abon-
dance de liqueur fécondante, contenue dans
les véficules féminales. Il en naît un fenti-
ment particulier , quelquefois même dou-
loureux , avec une puiffante difpofition à
V éreclion; c'eft la voix de la nature qui de-
mande (es befoins. Cette caufe feule fuffic
pour produire l'éjacuiation fans aucune
irritation extérieure.
L'urine retenue dans la vefîie urinaire
produit des érections matinales , elle? a^it
même dans les enfans qui ne font que de
naître , & les met dans un état dont on les
auroit cru incapables.
Des ulcères dans la verge , l'action des
cantharides qui prive î'uretre de fa muco-
fité , le fouet même & les orties , ancien
remède des forcieres Romaines , le poifon
de la lèpre font un effet femblable , & les
cantharides pouffent la nature jufqu'à des
excès funeftes.
L'imagination fert de ftimulus ; elle eft
très-puiflànte dans la vigueur de l'âge. La
leclure , les peintures , le fouvenir des plai-
fîrs , l'amour d'une belle perfonne font tout
ce que pourroit faire le remède le plus actif.
Les parties odorantes d'une femelle de la
même efpece irritent les defirs de tous les
animaux mâles , & les portent à une efpece
de fureur remarquable , fur- tout dans les
chevaux.
Des mouvemens convuîftfs dans les nerfs,,
funeftes à toute la machine , irritent puif-
famment l'organe de la génération , & font
quelquefois tout ce que la jouifTance pour-
roit faire. Tel eft le pouvoir de l'épilepfie ,
celui des bleffures des nerfs , celui des poi-
fons , & fur-tout de l'arfenic.
Mais la nature ne conduit l'animal que
par l'attrait du bonheur. La caufe la plus
commune de l'érat dont nous parlons ,
c'eft la fenfibilité extrême des nerfs nom-
breux , & prefque fans enveloppe , qui rem-
pliffent la pulpe du gland. Le frottemene
excite dans ces nerfs une fenfation dont la*
910
ERE
vivacité efface toutes les autres fenfations de
l'animal.
Nous avons trouve les deux caufes de
Yénclion; l'immédiate , c'eft l'affluence du
fang dans les corps caverneux , pendant que
fon retour dans les veines eft gêné ; & la
caufe qui produit cette affluence , c'eft l'ir-
ritation de nerfs de l'organe génital. Il refte
à trouver le méchanifme par lequel l'irrita-
tion produit l'affluence du fang.
L'irritation des nerfs caufe en général une
congeftion du fang dans la partie irritée ;
la friclion feule de toute partie du corps
humain , l'inflammation , la douleur , pro-
duifent cet effet , & le frottement du ma-
melon du fein lie cette congeftion à celle
dont Yéreclion eft l'effet. _
Cette irritation paroît avoir deux effets
fur le mouvement du fang ; elle accélère
le torrent du fang artériel , qui fe porte à
la partie irritée ; delà la chaleur , la rou-
geur , un certain degré de tenfion , que le
retardement du fang veineux feul ne pro-
duiroit pas. Il eft difficile de découvrir le
méchanifme de cette congeftion , mais le
fait eft confiant. Le fang fe -porte avec vi-
vacité dans les artères mêmes de la partie
irritée ; l'exemple de l'œil rend cette aclion
vifible : elle le fait extravafer dans les parties
du corps , où des cellules font préparées pour
le recevoir , comme dans le mamelon , le
pénis , le clitoris.
La même irritation des nerfs arrête le re-
tour du fang veineux ; car fi ce retour n'étoit
pas rendu plus difficile & plus lent , il n'y
auroit aucune tumeur dans la partie irritée,
il n'y auroit qu'une circulation plus rapide.
On a cherché des mufcles qui irrités par
l'aftion nerveufe comprimaiTènt des veines ,
& fiffent l'effet d'une ligature. Nous avons
exclu les érecleurs. Les accélérateurs font en
effet quelque chofe de femblable , leur ac-
tion eft volontaire , elle eft la feule par la-
quelle la volonté ait quelque pouvoir fur
Yéreclion ; on peut l'augmenter par ce mufcle
oui comprime en effet de groffes veines nées
<b la bulbe de Turetre , & qui en empêche
le fang de revenir.
Les lévateurs de l'anus pourraient peut-
être relever tout l'appareil de l'urètre naif-
fant avec la proftate. Mais nous ne croyons
pas qu'on doive expliquer un phénomène
ERE
commun à tous les animaux par une
ftruâure particulière à un petit nombre
d'efpeces.
Seroient-ce des lacs que les nerfs forme-
roient autour des veines naiffantes? La pro-
babilité de cette conjecture a déjà frappé
Willis & Vieuflens ; & M. du Vernoy ayant
trouvé dans l'organe de l'éléphant un très-
beau réfeau de nerfs , l'a appliqué à l'action
dont nous cherchons la caufe.
On doit toujours être difficile à fe livrer
à tout ce que l'évidence n'appuie pas. Les
nerfs ne font point irritables: leurs petits
paquets droits , & parallèles comme ceux
des fibres mufculaires , ne fe raccourcifïènt
pas: le nerf partagé en deux s'alonge plutôt
qu'il ne fe raccourcit. Si le nerf ne fe rac-
courcit pas quand il eft irrité , il ne peut pas
ferrer les lacs qu'il formeroit autour d'une
veine : dans les corps caverneux même ,
ces lacs ne feroient qu'une hypothefe gra-
tuite.
N'exigeons pas de I'efprit de nous révéler
des fecrets dont les fens nous refufent l'accès.
Il paroît que l'irritation nerveufe accélère
au pénis le fang artériel , qu'elle en retarde
le retour dans les veines , & que Yéreclion
eft la fuite de ce pouvoir des nerfs. C'eft un
pas vers la vérité ; mais nous ne nous fen-
tons pas les lumières fuffifantes pour nous
conduire plus loin.
Il n'y a point de difficulté à expliquer le
relâchement qui fuit Yéreclion. L'irritation
nerveufe ayant cefte , fes effets difparoiffent
avec elle , le fang artériel ne fe porte plus
avec impétuofîté à l'organe , & le fang vei-
neux rentre dans la mafTe commune ; les
corps caverneux ne fe gonflent donc plus
par laffluence du fang , & ils fe défem-
pliffent par la fortie du fang qui les rem-
plifîbit. Une fimple caufe qui augmente la
contraction propre des corps caverneux , dif-
fipe Yéreclion } comme l'eau froide : la fai-
gnée des veines du pénis fait le même effet.
(H. D. G.)
ERECTION, f. f. (Grammaire.) fe dit
dans un fens figuré ; comme Yéreclion d'un
marquifat ou duché : les évêches ne peu-
vent être éngés que par le roi.
C'étoit anciennement un ufage de lever
ou d'ériger des ftatues aux grands hommes.
On demandoit un jour à Caton le cenfeur ,
ERE
pourquoi on ne lui avoit point érigé defiatut.
Demande^ plutôt, répondit-il , pourquoi on
m'en auroit érigé une.
Érection, ( Phyfiologie.J fe dit de
l'action par laquelle l'homme couché fe
levé , pour mettre fon corps debout; c'eft-
à-dire dans une fituation perpendiculaire
à l'horizon , de la tête aux pies.
La condition effentielle pour l'exercice
de cette action , confifte en ce que le cours
des humeurs fe faffe avec égalité dans toute
la fubftance corticale du cerveau & de
celle-ci dans fa médullaire , d'où il réfulte
une abondance fecrécion d'efprks animaux ,
qui puhTent être diftribués librement & en
jufte proportion dans tous les nerfs & dans
tous les mufcles ; en forte que les exten-
feurs d'un membre trouvent une certaine
fermeté dans les fléchiffeurs d'un autre
membre & réciproquement. V. MUSCLE.
L'érection y confédérée phyfiquement ,
préfente une très - grande complication
de mouvemens , qui font tous très- con-
sidérables , par la force nécefîàire pour
les produire , quoiqu'ils paroifïènt l'être
très-peu.
Il n'eft pas pofïible d'expliquer ici le
méchanifme de cette fon&ion mufculaire ,
quelque belle & quelqu'intéreffante qu'en
pourroit être l'expofition , parce qu'elle ne
renfermeroit guère moins que l'hiftoire de
tous les mufcles & de tous les os du corps
humain : il fuffit de dire ici que dans la
plupart des mouvemens , & particulière-
ment dans V érection , les os du baffin font
le point fixe commun à toutes les parties
de cet admirable édifice. Extrait ^'Haller.
Voye\ Mouvement musculaire ;
Borelli , de motu animalium. (d)
ÉRECTION , ( Médecine physiologique.)
eft le terme employé pour fignifier l'état du
membre viril , dans lequel il cefTe d'être
pendant & fe foutient de lui-même, re-
levé , dreffe ; en forte que le gland , qui
en étoit la partie inférieure , en devient la
fupérieure : cela fe fait conféquemment à
ce que les corps caverneux & fpongieux
qui compofent la verge font gonflés , ten-
dus ; ce qui la rend dure , ferme de
flafque & molle qu'elle étoit avant ce chan-
gement.
C'eft dans ¥ érection que confifte. la dif-
ERE 911
pofition nécelfaire pour l'intromiiïion du
membre viril dans le vagin , relativement
à la fonction à laquelle eft deftiné cet or-
gane pour la génération. C'eft dans le même
fens , quoique pour une fin différente , que
l'on dit du clitoris , qu'il eft fufceptible
à" érection > attendu que cette partie eft en
petit de la même ftruâure que la verge.
On peut encore regarder comme une
forte ^érection le gonflement qui furvient
aux mamelons de l'un & de l'autre fexes ;
fur- tout à ceux des femmes , dans lefquels
il eft plus marqué.
Toutes les parties dont il vient d'être fait
mention , ont cela de commun , qu'elles
pafîent à cet état d'érection , enconféquence
de l'imagination échauffée par la repréfen-
tation idéale ou phyfique des objets pro-
pres à exciter l'appétit vénérien , & fur-
tout de l'attouchement fenfuel ou de toute
autre impreffion extérieure , qui peuvent
mettre en jeu la fenfibilité dont ces orga-
nes font doués , & exciter Véréthifme des
parties nerveufes dont ils font compofés ,
qui empêche le retour par les veines , du
fang porté par les artères dans les cavités
ou cellules que l'anatomie démontre
dans la ftructure de tous ces différens
organes.
Le méchanifme de l'arrêt du fang , né-
ceffaire pour établir \ érection } a été diver-
fement expliqué , fur- tout à l'égard de la
verge ( voye\ Verge ) ; mais les raifons
que l'on en a données jufqu'à préfent , ne
paroifïènt pas entièrement fatisfaifantes ,
parce qu'il faudroit qu'elles piaffent conve-
nir à l'égard de toutes les parties fufcep-
tibles d'ére'clion ; attendu qu'il y a lieu de
croire que la nature n'opère pas le même
effet différemment dans l'une que dans
l'autre , c'eft cette caufe commune qui
refte à afïigner ; on ne peut en faire la
recherche que d'après l'expofition anato-
mique des parties mêmes : ainfi on ne peut
placer ce qui peut être dit à ce fujet, que
dans les articles concernant les différens
organes dont il s'agit. Voye[ les articles
Érecteurs, Verge, Clitoris ,
Mamelon , CoïT , Génération ,,
Grossesse, (d)
EREMONTS , f m. pi. terme de charron»
Ce font deux morceaux de bois quarrés „
5)1 2,
ERE
pofés & enchâffés fur l'avant-train , & qui
fortent en dehors & viennent embraflèr
le timon du carroffe.
ÉRESIE , f. f. erefiay (Hifl. nat. bot.)
genre de plante dont le nom a été dérivé
de celui de la patrie de Théophrafte dans
Fiile de Lesbos. La fleur des plantes de ce
genre eft monopétale , en forme de cloche
ouverte & découpée. II s'élève du calice
un piftil qui eft attaché comme un clou,
& qui devient dans la fuite un fruit rond ,
membraneux , & rempli de femences qui
tiennent à un placenta. Plumier , noya plant,
amer. gen:r. ifoye\ Plan TE. CI)
ÉRESIPELE , f. f. (Médecine.) eft le
nom d'une maladie inflammatoire , qui a
le plus fouvent fon fiege à la furface du
corps ; elle confifte dans une tumeur afïèz
étendue , fans bornes marquées , peu éle-
vée au deftiis du niveau des parties voifi-
nes , fans tenfion notable , accompagnée
de douleur avec démangeaifon , de cha-
leur acre & d'une couleur rouge tirant fur
le jaune ; qui cede à la prefïion des doigts ,
blanchit par cet effet , & devient rougeâtre
dès que la prefïion cette ; & ce qui carac-
térife ultérieurement cette tumeur , c'eft
qu'elle femble changer de place , à mefure
qu'elle fe difîipe dans la première qu'elle
occupoit ; elle s'étend de proche en proche
aux parties voifmes.
Le mot érejipele y ip'jxtmxxç, vient de
tfulpx, ruber y & de *'*«t , propi r", pres-
que rouge ; ce qui convient à la couleur de
cette tumeur , qui n'eft pas d'un rouge
foncé comme le phlegmon , mais plutôt
de couleur de rofe ; ce qui lui a fait don-
ner le nom de rofa par les Latins : Yc'refipele
a aufîi é:é appeîlée par les anciens ignis
face r y feu facré , à caufe de la chaleur
vive que l'on refTent dans la partie qui en
eft arfedée.
Ue'relipele peut être de différente efpece :
lorfqu'elie n'eft pas accompagnée d'autres
fympomes que ceux qui ont été mention-
nés dans la définition , elle eft fimpîe ; &
Iorfque le milieu de la tumeur eréfipeiateufe
eft occupé par un phlegmon , par un œdè-
me , ou par un fqairre , elle eft compofée
& prend différente dénomination en con-
féquence , félon la nature de la tumeur à
laquelle elle fe trouve jointe ; ainfi elle
ERE
eft dans ce cas-là , ére/ipele phlegmoneufe ,
œdemateufe ou fquirreufe : on la diftingue
en effentielle , fi elle ne dépend d'aucune
maladie antérieure , & en fymptomatique,
fi elle eft compliquée avec une autre ma-
ladie qui l'ait produite : elle eft encore
diftinguée en interne ou externe , félon
le différent fiege qu'elle occupe ; en bé-
nigne & en maligne , félon la nature des
fymptomes qu'elle produit ; en accidentelle
ou habituelle , félon qu'elle attaque une
feule fois , ou qu'elle revient plufieurs fois
& même périodiquement tous les mois ou
tous les ans , félon qu'il confie par plufieurs
obfervations.
Ue'réfipele externe affecte communément
la peau , la membrane adipeufe , & quel-
quefois , mais rarement , la membrane des
mufcles.
Lorfqu'elie eft interne , elle peut avoir
fon fiege dans tous les vifeeres , & vrai-
femblablement dans leur tiftu cellulaire
fur - tout ; mais alors il eft rare qu'on la
confidere autrement que comme une in-
flammation en général.
Le fang qui forme Véré/ipele eft moins
épais , moins denfe que celui qui forme
le phlegmon (ï-'oyé'çPHLEGMON) ; mais il
eft d'une nature plus acte & plus fufeep-
tible à s'échauffer : ces qualités du fang
étant pofées , fi fon cours vient à être
retardé tout-à-coup dans les extrémités
artérielles , & qu'il en parle quelques glo-
bules dans les vaifïèaux lymphatiques , qui
naiffent des artères engorgées , l'aclion du
cœur & de tout le fyftéme des vaiffeaux
reftant la même , ou devenant plus forte ,
toutes ces conditions étant réunies , la caufe
continente de Ye're'/ipele fe trouve établie
avec le concours de toutes les autres cir-
conftances qui conftituent l'inflammation
en général. Voye\ INFLAMMATION.
Les caufes éloignées de Véiéjîpele font
très-nom breufes ; elle eft fouvent l'effet
de différentes évacuations fupprimées ,
comme des menftrues , des lochies arrê-
tées , d'une rétention d'urine , mais plus
communément du défaut de refpiration
infenfibîe , occafionée par le froid ; elle
eft quelquefois produire par l'ardeur du
foleil à laquelle on refte trop long-temps
expofé ; par l'application de quelques
topiques
ERE
topiques acres , de quelque emplâtre qui
bouche les pores d'une partie de la peau ,
des répercuflîfs employés mal-à-propos :
le mauvais régime , l'ufage des alimens
acres , des liqueurs fortes , les mauvaifes
digeftions , fur-tout celles qui fourniflènt
au fang des fucs alkalins , rances , le trop
grand exercice , les veilles immodérées ,
les peines d'efprit contribuent aufli à faire
naître des tumeurs éréfipélateufes } qui peu-
vent être encore des fymptomes de plaies
& d'ulcères , dans les cas où il y a difpo-
fition dans la mafiè des humeurs : cette dif-
pofition qui confifte en ce qu'elles foient
acrimonieufes , & qui dépend fouvent
d'un tempérament bilieux , a aufli beau-
coup de part à rendre efficaces toutes les
caufes éloignées , tant internes qu'externes ,
qui viennent d'être mentionnées.
Le caraclere de Xéréfipele eft trop bien
diftingué par les fymptomes qui lui font
propres , rapportés dans la définition , pour
qu'on puifîè la confondre avec toute autre
efpece de tumeur , s'ils font bien obfervés.
Uéréjîpele n'eft pas toujours accompa-
gnée de fymptomes violens , fur-tout lorf-
qu'elle n'attaque pas le vifage ; cependant
il s'y en joint fouvent de très-fàcheux , tels
que la fièvre qui eft plus ou moins forte
& plus ou moins ardente ; les infomnies ,
les inquiétudes : & comme elle eft dans
plufieurs cas une maladie fymptomatique ,
dépendante d'une fièvre putride , par exem-
ple , les accidens qu'elle produit varient
félon les différentes circonstances.
Uérefipele n'eft pas dangereufe , lorf-
qu'elle eft fans fièvre-, & qu'elle n'eft ac-
compagnée d'aucun fymptome de mauvais
cara&ere ; & au contraire il y a plus ou
moins à craindre pour les fuites de la ma-
ladie , à proportion que la fièvre eft plus
ou moins confidérable , & que les autres
accidens font plus ou moins nombreux &
violens.
Uérefipele de la face eft de plus grande
conféquence , tout étant égal , que celle
qui affecte les autres parties du corps , à
caufe de la délicateffe du tifiu de celle du
vifage , dont les vaiflèaux ont moins de
force pour fe débarrafler de l'engorgement
inflammatoire. Cet engorgement eft ce-
pendant moins difficile à détruire que dans
Tome XII.
ERE 915
toute autre inflammation ; parce que la
matière qui le forme n'a pas beaucoup plus
de rénacité que les humeurs faines qui
coulent naturellement dans les vaiflèaux
de la partie afFeftée : ainfi elle eft très-dif-
poféeàla réfolution. Voye\ RÉSOLUTION.
Mais cette manière dont fe termine ordi-
nairement Xéréfipele n'eft pas toujours par-
faite , l'humeur viciée peut être diflbure ,
fans être entièrement corrigée ; en forte
qu'elle ne foit pas encore propre à couler
dans les autres vahTeaux où elle eft jetée
par l'action de ceux qui s'en font débar-
rafles : quelquefois elle ne cède qu'à la
force de ces derniers , & reprend fa confif-
tance vicieùfe , lorfqu'elle eft parvenue dans
des vaiflèaux voifins qui agiflènt moins ;
ainfi Yérefipele change de fiege comme en
rampant de proche en proche ; elle eft fou-
vent rebelle dans ce cas & donne beaucoup
de peine ; elle parcourt quelquefois la moi-
tié de la furface du corps , fans qu'on puifle
en arrêter les progrès , parce qu'alors le
fang eft pour ainfi dire infeclé d'un levain
éréfipélateiix > qui fournit continuellement
de quoi renouveller l'humeur morbifique
dans les parties afFedées ou dans les voifi-
nes : mais ce changement eft bien plus
fâcheux encore , lorfque le tranfport de
cette humeur fe fait du dehors au dedans ,
& fe fixe dans quelque vifcere ; alors Xéré-
fipele qui en réfulte , eft d'autant plus dan-
gereufe que la fon&ion du vifcere eft plus
eflèntielle : on doit aufli très-mal augurer
de celle , qui fans changer de fiege , tend à
la fuppuration ou à la gangrené ; car il
réfulte du premier de ces deux événemens ,
qu'il fe fait une fonte de matières acres ,
rongeantes , qui forment des ulcères ma-
lins , très -difficiles à guérir , & il fuit de
la gangrené éréfipélateufe y qu'ayant par la
nature de l'humeur qui l'a produite , beau-
coup de facilité à s'étendre , elle confume
& fait tomber comme en putrilage la fubf-
tance des parties affe&ées , en forte qu'il
eft très-difficile d'en arrêter les progrès &
prefque impoflible de la guérir.
Toute autre manière que la réfolution
dont Xéréfipele peut fe terminer , étant fu-
nefte , on doit donc diriger tout le traite-
ment de cette efpece d'inflammation , à la
faire réfoudre , tant par les remèdes interne?
Z^zzz
914 ERE
que par les topiques , d'autant plus que la
matière morbifique y a plus de difpofition
que dans toute autre tumeur inflamma-
toire. Pour parvenir à ce but fi defirable ,
on doit d'abord preferire une diète févere ,
comme dans toutes les maladies aiguës ,
qui confifte à n'ufer que d'une petite quan-
tité de bouillon peu nourrifTant , adou-
ciffant & rafraîchifîànt , & d'une grande
quantité de boiftbn qui foit feulement pro-
pre à détremper & à calmer l'agitation
des humeurs pour les premiers jours , &
enfuite à divifer légèrement & à exciter
la tranfpiration. Il faut en même temps
ne pas négliger lesremedes efïèntiellement
indiqués , tels que la faignée , qui doit
être employée & répétée proportionné-
ment à la violence de la fièvre , fi elle a
lieu ; ou à celle des fymptomes , aux for-
ces & au tempérament du malade , à la
faifon & au climat. Il convient de donner
la préférence à la faignée du pied , dans
le cas où Yéréfipele affecte la tète ou le vi-
fage. Il faut de plus examiner , à l'égard
de toute forte Yéréfipele > fi le mal provient
du vice des premières voies , & s'il n'eft
pas un fymptome de fièvre putride. Si la
chofe eft ainfi , d'après les fignes qui doi-
vent l'indiquer , on doit fe hâter de faire
ufage des purgatifs , des lavemens , &
même des vomitifs répétés : ces derniers
font particulièrement recommandés contre
Yéréfipele de la face , qu'ils difpofent à une
prompte réfolution , félon que le démontre
l'expérience journalière : on calmera le foir
l'agitation caufée par ces divers évacuans ,
en faifant prendre au malade un julep ano-
din ou une émulfion. Pour ce qui eft des
topiques , on ne peut pas les employer
pour Yéréfipele de la face , parce que hs
émolliens anodins , en relâchant le tifTu
déjà très - foible de cette partie, peuvent
difpofer l'inflammation à devenir gangré-
neufe , & parce que les réfolutifs atténuans
«émeuvent pas agir fans augmenter l'action
des folides , la réaction des fluides , fans
rendre la chaleur & l'acrimonie plus con-
fidérable ; ce qui difpofe Yéréfipele à s'exul-
cérer , & à caufer des douleurs extrêmes ;
ce qui peut être aufli fuivi de la mortifi-
cation; ainfi il vaut mieux n'employer au-
cun remède externe dans ce cas , que d'en
ERE
efïàver , dont il y a lieu de craindre de fi
mauvais effets.
Lorfque Yéréfipele occupe toute autre
partie de la furtace du corps , on peut
faire ufage avec beaucoup de fuccès, des
topiques émolliens réfolutifs , par le moyen
defquels on parvienne à relâcher plus ou
moins le tifTu de la partie affectée , à tem-
pérer l'acrimonie du fang & de la lymphe ,
à modérer la chaleur , à calmer la douleur ,
& à rendre plus fluides les humeurs qui
forment l'inflammation , afin d'en faciliter
au plutôt la réfolution. Il faut choifir parmi
ces remèdes , ceux qui font les plus propor-
tionnés à la nature du mal, & mêler à
propos les émolliens avec les réfolutifs , ou
les employer féparém&nt , félon l'exigence
des cas , fous forme de fomentations ou de
cataplafmes , qui doivent être diverfement
préparés , félon les différentes efpeces tféré-
fipeles. On doit auiîi en commencer ou en
cefîèr l'ufage plutôt ou plus tard , félon que
l'exigent les indications. Voy. EMOLLIENS,
RÉSOLUTIFS , ÙC.
Il n'eft aucun cas où l'on puifîè appli-
quer des remèdes répereuffifs fur Yéréfipele >
de quelque efpece qu'elle foit , non plus
que des narcotiques , des huileux. Les
premiers , en reflerrant les vaiffeaux , y
fixeroient la matière morbifique , & la dif-
poferoient à fe durcir , ou la partie à fe
gangrener , ou donneroient lieu à des mé-
taftafes ftmeftes. Les féconds , en fufpen-
dant l'action des vaifTeaux engorgés , ten-
droient également à produire la mortifica-
tion. Les troifiemes, en bouchant les pores ,.
en empêchant la tranfpiration, augmente-^
roient la jjléthore de la partie affectée > l'a-
crimonie des humeurs , & par conféquent
rendroient plus violens les fymptomes de
Yéréfipele. S'il fe forme des vefîies fur Yéré-
fipele _, par la férofité acre, qui détache Pé-
piderme & le fépare de la peau , ce qui
arrive fouvent, il faut donner ifTue à l'hu-
meur contenue, qui par fa qualité corro-
five & par un plus long féjour , pourroit
exulcérer la peau. On doit , pour éviter ce#r
mauvais effets , ouvrir ces vefîies avec des
cifeaux , en exprimer le contenu avec un
linge , & y appliquer quelque lénkif, fi
Férofion eft commencée par la nature du
mal, ou par mauvais traitement. Lorfque
ERE
Ve'rcfipele fe termine par la fuppuration ou
far la gangrené , il faut employer les re-
mèdes convenables à ces différens ëcars.
Voye\ Suppuration , Ulcère, Gan-
grené.
Lorfque Yëréfipelc ne provient pas d'une
caufe incerne , d'un vice des humeurs ,
& qu'elle eft caufée par la craflfe de la
peau , par l'application de quelque emplâ-
tre qui a pu arrêter la tranfpiration , embar-
raflèr le cours des fluides dans la partie , il
faut d'abord emporter la caufe occafio-
nelle , nettoyer la peau avec de l'eau ou du
vin chaud , ou de l'huile d'olive , félon
la nature des matières qui y font attachées :
Jorfquelles font acres , irritantes , comme
celles des fynapifmes , des phœnigmes , des
véficatoires , on doit laver la partie avec
du lait, ou y appliquer du beurre , ou l'oin-
dre avec de l'huile d'œufs. Dans les cas
où Yérefipele n'eft pas (impie , où elle eft
phlegmoneufe , éréfipéîateufe , elle parti-
cipe plus ou moins de l'une des deux tu-
meurs compliquées ', on doit par confé-
quent traiter celle qui eft dominante , ou
qui préfente les indications les plus urgen-
tes , fans avoir égard à l'autre : celle-là étant
guérie , s'il refte des traces de celle-ci ,
on la trouvera à fon retour félon les règles
de l'art. Voye\ PHLEGMON , ŒDEME. f<£)
Ere si PELE , Manège > Marëchall. )
maladie cutanée. Rien ne prouve plus évi-
demment l'uniformité de la marche & des
opérations de la nature dans les hommes
& dans les animaux , que les maladies aux-
quelles les uns & les autres font fujets : les
mêmes troubles , les mêmes dérangemens
fuppofent néceflàirement en eux un même
ordre , une même économie \ & quoique
quelques-unes des parties qui en confti-
tuent le corps , nous paroiftent effentie'Ie-
ment diffemblables , pour peu que l'on
pénètre les raifons de ces variétés , on n'en
eft que plus fenfiblement convaincu que ces
différentes apparences , ces voies particu-
lières qu'il femble que cette mère commune
s'eft tractes , ne fervent qu'à la rapprocher
plus intimement des ioix générales qu'elle
s'eft preferifes.
Quand on confidere dans l'animal Ye'é-
fipc'le par fes caufes externes & internes , &
quand on en envilàge le génie , le carac-
ERE 915
tere , les fuites & îe traitement , on ne
fauroit fô déguifér les rapports qui lient
& qui unifient la médecine & l'art vété-
rinaire. Cette maladie , qui tient & parti-
cipe aufli quelquefois des autres tumeurs
génériques , c'eft - à - dire , du phlegmon ,
de l'œdème & du fquirre , peut être en
effet dans le cheval eftèntielle ou fympto-
matique ; elle peut être également produite
conféquemment à l'acrimonie & à l'épaif-
fifTement des humeurs , ou conféquemment
à un air trop chaud ou trop froid ; à des
alimens échaufîàns , tels que l'avoine prife
ou donnée en trop grande quantité ; à des
exercices outrés , à un repos immodéré , à
des compreflions faites fur les parties exté-
rieures , à l'irritation des fibres du tégu-
ment en fuite d'une écorchure , d'une brû-
lure , du long féjour de la crafîè fur la
peau , &c. Les fignes en font encore les
mêmes , puifqu'elle s'annonce fouvent ,
fur- tout lorfqu'elle occupe la tête du cheval ,
par la fièvre , par le dégoût , par une forte
de ftupeur & d'abattement , & toujours ,
& en quelque lieu qu'elle ait établi fon:
fi.ge , par la tenfiôn , la douleur , la
grande chaleur , le gonflement & la rou-
geur de la partie ; fymptome , à la vérité >
qu'on apperçoit dans tous les chevaux ,
mais qui n'exifte pas moins , & que j'ai
fort aifément diftingué dans ceux dont la
robe eft claire , & dont le poil eft très-
fin.
Cette tumeur fixée fur les jambes de
l'animal , eh gêne plus ou moins les mou-
vemens , félon fon plus ou moins d'éten-
due ; elle eft pareillement moins formida-
ble en lui que Xé.ëfipele de la face & de la
tète , que quelques maréchaux ont prife
pour ce fameux mal de tête de contagion
fuppofé par une foule d'aureurs anciens &
modernes , & fur les caufes & la cure
duquel ils ne nous ont rien préfenté d'utile
& de vrai.
Quoi qu'il er. foit , les indications cura-
tives qui font offertes au maréchal , ne
différent point de celles qui doivent guider
le médecin. Les faignées plus ou moins
répétées , félon le befoin , détendront les
fibres cutanées , defobftrueront , v.iideront
les vaifîèaux , appaiferont la fougue du fan,? ,
faciliteront fon cours , & préviendront les
Zzzzz 1
9i6 E R F
reflux qui pourroient fe faire. Ces effets
feront aidés par des lavemens émolliens ,
par des décodions de plantes émollientes
données en boifîbn , & mêlées avec l'eau
blanche. Lorfque les fymptomes les plus
violens fe feront évanouis par cette voie ,
on purgera l'animal ; & quand on préfu-
mera que les filtres deftinés à donner ifîiie
aux humeurs viciées , ont acquis une fou-
plefle capable d'afTurer la liberté de leur
fortie , on prefcrira de légers diaphoniques,
tels que le gaïac & la racine des autres bois
mife en poudre , donnée à la dofe d'une
once dans du fon ; ou , fi Ton veut , on
humectera cet aliment avec une forte dé-
coction de ces mêmes bois , dans laquelle
on fera infufer une once de crocus métal-
lorum.
Quant aux topiques & aux remèdes
externes , les cataplafmes émolliens , ou les
cataplafmes anodins , feront employés pour
éteindre la chaleur , adoucir la cuifîbn &
relâcher la peau , dont l'épiderme fe fépare
quelquefois en forme de vefHe ou en
forme d'écaillés farineufes ; ce qui folli-
cite & précipite la chute des poils. On fe
fervira enfuite de l'eau de fleur de fureau ,
dans laquelle on fera diiïbudre du fel de
Saturne ; on l'aiguifera avec quelques
gouttes d'efprit - de - vin camphré , & on
en baffinera fréquemment la partie , pour
réfoudre enfin l'humeur arrêtée , & pour
faciliter la tranfpiration ; & par le fecours
de tous ces remèdes réunis , mais admi-
nistrés avec connoifîànce , l'animal parvien-
dra à une guérifon entière & parfaite, (e)
ÉRÉTHISME , f. m. ( Médecine. )
ifièio-fi®- , irritamentum. C'eft une forte
d'affection des parties nerveufes , dans
laquelle il s'excite une plus grande ten-
fion ou une crifpation de leur tiflu qui
fouffre quelqu'irritation , d'où s'enfuit plus
de fenfibiîité.
Cet état eft produit par le mouvement
déréglé & trop impétueux des efprits ani-
maux , qui font le principe de l'action de
tous les organes du corps humain. Voye^
Irritabilité , Spasme, (d)
ERFORT , (Géogr. modj ville d'Alle-
magne ; elle eft capitale de la haute Hon-
grie : elle eft fituée fur le Gère. Long. z8x
$$i lat.$i.^
ERG
* ERGANÉ , ( Myth.) furnom de
Minerve : il vient de ïcyov, art; ainfl
Minerve- Erga né , ou Minerve inventrice
des arts y c'eft la même chofe. En effet ,
on attribuoit à cette divinité linvention de
l'art militaire , de l'archite&ure , de l'our-
difîàge de la toile , du fil , de la tapifferie ,
des draps , du linge , &c. des chariots ,
de la flûte , des trompettes , de la culture
de l'olivier , &c. C'étoit à ces titres qu'elle
avoit un autel dans Athènes , & c'étoit-là
que facrifioient les defcendans de Phi-
dias.
'* ERGASTULE , f. m. ( Hifl. anc.)
c'étoit un lieu fouterrein ou cachot qui ne
receyoit le jour que par des foupiraux
étroits , où les Romains renfermoient à
leurs campagnes les efclaves condamnés
pour quelques forfaits aux travaux les plus
pénibles. Un ergafiuîe pouvoit contenir juf-
qu'à quinze hommes : ceux qui y étoient
confinés , s'appelloient ergafiules , & leur
geôlier , ergafiulaire. On y précipita dans
la fuite d'honnêtes gens qu'on enlevoit &
qui difparoifîbient de la fociété , fans qu'on
sût ce qu'ils étoient devenus. Ce défordre
détermina Adrien à faire détruire ces lieux.
Théodofe ordonna la même chofe par
une autre considération , le défordre caufé
dans la fociété par les ergafiules , lorfqu'ils
étoient mis en liberté par des factieux
qui brifoient leurs fers , & qui fe les afîb-
cioient.
* ERGATIES \ adj. pris fubftantive-
ment , fêtes que les Spartiates célébroient
en l'honneur d'Hercule.
ERG A VIC A y (Géogr. ancienne.) ville
des Celtibériens , dans l'Ëfpagne Tarrago-
noife , entre des montagnes , près de la
petite rivière de Gualdicla , que reçoit le
Tage vers le haut de fon cours. Ptolomée
en fait mention. On voit une médaille
d'Augufte, avec ces mots , Mun. Ergavica.y
& une autre de Tibère , avec le même
mot. Une ancienne infeription dans le
recueil de Gruter ,page 382. x nç-S > porte.
aufli ce nom :
M. Cal p. M. F.
Lu po Fl a m. p. h. c.
EX CO N V E N.
Cjesar, E rcav ic.
ERG
C'eft-à-dire, Marco Calpurnio Marci
filio y Lupo fiamini provinciœ Hifpaniœ
citerions y ex conventu. C oefarauguftano y
Ercai'icenjî.
Pline a rangé dans l'aiïèmblée de Sara-
gofTe Ç in Ccefaraugitflano conventu. J un
peuple qu'il nomme Ergavicenfes. Il n'y
a pas de doute qu'au XLC. livre de Tite-
Live, ch. 50, il ne faille lire Ergavica au
lieu de Ergavia qui y eft qualifiée noble &
puijjante cité.
Les Efpagnols tiennent que c'eft préfente-
ment Alcanni\a y à fept lieues de Tortofe.
Moralez croit que c'eft le lieu nommé
Penna-Efcrita ou Santaver. Dicl. Géogr.
la Martiniere , édition il 68. (C)
ERGOT, f. m. ( Hift. nat.J C'eft ainfi
que l'on appelle une forte de corne molle
qui fe trouve derrière le boulet du cheval ,
qui eft recouverte par le poil du fanon. On
a auffi donné le même nom aux châtaignes
eu lichenes du même animal , qui font
de petites tumeurs fans poil , de la grof-
feur d'une châtaigne , & de la confiftance
d'une corne molle : il y en a une dans
chacune des quatre jambes , placée , dans
celle de devant, en dedans du bras , un
peu au deflus & à côté du genou ; & dans
les jambes de derrière , un peu au deflus
& à côté du jarret. Mais les ergots propre-
ment dits , font derrière les boulets du
cheval & des animaux à pié fourchu :
ceux-ci en ont deux à chaque pié; ils
font compofés chacun d'une corne de
même nature que celle des fabots de cha-
que doigt. On nomme en terme de chajje y
les ergots du fanglier, du cerf, du che-
vreuil , &c. les gardes. On a auffi donné
le nom d: 'ergot aux éperons du coq. Voye\
Coq. (I)
ERGOT , (Agriculufy Econom. domefl.)
maladie finguliere dont le feigle eft atta-
qué. Quelques-uns donnent ce nom au
grain même qui eft attaqué de la maladie ,
& qu'on appelle auffi bled-cornu ; & ces
noms viennent en général de ce que le
grain de feigle malade a quelque reiîèm-
hlance avec la figure d'un ergot de coq.
Langius , médecin , & favant naturalifte ,
eft un des auteurs qui ent le mieux décrit
cette maladie du feigle, & fes effets funeftes.
Voye\ AcL Lipf. 1718 , pag. 30g. Les
ERG 917
grains attaqués font plus gros que les au-
tres , d'une couleur noire ; ont un goût
acre ; font fendus en plufieurs endroits T
fuivant leur longueur , bc. Le feigle ergoté y
mêlé dans le pain , produit des erîets fu-
neftes : c'eft fur-tout en 1709 qu'on la
obfervé. Les feigles de la Sologne conte-
noient près d'un quart de bled-cornu > que
les pauvres gens négligeoient de féparer
du bon grain , à caufe de l'extrême difette
qui fuivit le grand hiver : le pain infecté
de ce bled , donna à plufieurs une gan-
grené arFreufe , qui leur fit tomber fuc-
ceffivement & par parties tous les mem-
bres. Voyei mém. académie des fciences
1709 y pag. 63.
La plupart des auteurs qui ont parlé de
cette maladie , l'attribuent aux brouillards
qui gâtent les épis. M. Tillet , directeur de
la monnoie de Troies , combat cette expli-
cation , dans une excellente diflèrtation
fur la caufe qui corrompt les grains de
bled dans les épis ; difTertation couronnée
avec juftice par l'académie de Bordeaux
en 1754, & imprimée dans la même ville
en 175$. Comment, dit - il , les brouil-
lards qui produifent Y ergot dans le feigle ,
ne produifent-ils jamais cette maladie dans
l'orge , dans l'avoine , ni même dans une
quantité prodigieufe d'épis de froment fans
barbe , & où l'on ne voit prefque jamais
cY ergot ? D'ailleurs , les brouillards cou-
vrant ordinairement une certaine partie de
terrein , devroient produire un effet aflez
général ; or , fouvent un épi tft ergoté r
fans que fon voifin le foit ; un arpent eft
ergoté y fans que l'arpent voifin ait foufFert :
un épi même n'eft jamais entièrement
ergoté. Enfin , le feigle qui eft au haut des
pièces enfemencées , eft attaqué de Y 'ergot 9
comme celui qui eft au bas , & qui ferri-
bleroit devoir plus foufrrir de l'humidité &
du brouillard ; & le feigle eft ergoté dans les
années feches , comme dans les pluvieufes.
A ces preuves on peut ajouter les fufvantes.
U ergot n'eft pas une maladie particulière
au feigle, il attaque la plante appellée grame r*
loliaceum y le gramen micofuros de la plus
petite efpece , & l'ivraie. Ces trois plantes
font ergotées dans des lieux & des temps
fecs , comme dans des lieux & des temps
humides. Souvent ces plantes ne foufErent
9iS ERG
peint de Yergot dans des lieux inondés , où
le feigle & le froment font noyés fans ref-
fource. Vergoc ne vient donc point de
l'humidité. •
M. Tillet croit devoir plutôt l'attribuer a
la piquure de quelque infecte ; en exami-
nant plufieurs grains de feigle ergotes > il y
a apperçu un petit ver à peine fenfïble aux
yeux : ce ver renfermé dans un gobelet de
cryftal avec le grain ergoté > fe nourrit de
ce grain , & le confomme. En ce cas ,
Yergot feroit femblable à plufieurs maladies
qu'on obferve dans d'autres plantes; & qui
font caufées de même par des piquures
d'infeaes. Voye\ Gale , &c.
Langius croit qu'il y a de Yergot nuifible
à ceux qui en mangent , & de Yergot qui
ne l'eft pas. M. Tillet croit que Yergot eft
toujours nuifîble, mais qu'il doit être pour
cela en certaine quantité.
Le froment, félon les obfervations de
M. Tillet , eft aufTi fujet à Yergot; mais le
cas eft rare : la pouflîere des grains ergotes
ne paroît pas contagieufe comme la pouf-
fîere des grains de froment cariés. Voye\
V article GRAINS , où nous donnerons un
extrait plus étendu de l'excellent ouvrage
de M. Tillet ; ouvrage également recom-
mandable par l'importance de l'objet qu'il
fe propofe, & par l'intelligence avec laquelle
il l'a rempli.
L'auteur, depuis la publication de fa
diflertation imprimée à Bordeaux en 1755 ,
dédiée & préfentée au roi au mois de
mai de la même année , a ajouté à cette
diflertation de nouvelles réflexions , fruit
de fes nouvelles expériences , & imprimées
à Paris dans le cours du même mois de
mai. Voici en peu de mots un précis de
ce qu'on lit fur Yergot dans ces nouvelles
recherches.
M. Tillet a trouvé quelques épis ergotes y
tant dans les endroits où il avoit femé le
feigle pur , que dans ceux où il avoit été
fali avec la pouffiere de quelques ergots
broyés y preuve que cette pouflieren'a rien
de contagieux pour le grain.
Il a confervé , malgré le grand froid ,
plufieurs des infe&es ou petites chenilles
qu'il avoit trouvées dans les grains ergotes.
Quelques-unes fe changèrent en aflèz jolis
papillons d'une très-petite efpecejfèrablables
ERG
à d'autres que M. Tillet avoit vus fur
la furface de l'eau d'un cuvier expolé
au foleil , & qu'il ne fe rappelle point
d'avoir vus en pleine campagne. Ces papil-
lons avoient attaché à des grains de feigle
des œufs qui avoient produit les petites
chenilles , auxquelles les ergots ont fervi
de nourriture. Il y a apparence , fuivant
les obfervations de M. Tillet , que Yergot
commence à fe former par le fuintement
de la liqueur contenue dans le grain altéré
par l'infecte.
Parmi un grand nombre d'ergots , il n'y
en a qu'un très-petit nombre qui contienne
des chenilles ; ia plupart dss grains ,
altérés Amplement par Pinfede , félon
M. Tillet , ne reçoivent point d'oeufs , ou
les œufs périflent. Quelquefois une che-
nille confomme entièrement Yergot y & n'y
laifle que l'écorce , qui fert alors comme
d'enveloppe à l'infecte.
S'il y a des années où Yergot eft très*-
commun , & d'autres où il eft très-rare ,
il eft facile d'expliquer ces différences par
le temps plus ou moins favorable à la pro-
pagation des chenilles , les accidens qui
peuvent les faire périr, Ùc. C'eft ainfi qu'il
y a des années où les arbres à fruit fouf-
frenr considérablement , & d'autres où ils
font très - peu endommagés , félon que
l'année eft plus ou moins favorable à la
production des infedes qui dévorent ces
fruits. (O)
Aux obfervations de M. J'Alembert fur
Yergot , nous allons joindre celles que
M. Beguillet a cru devoir y ajouter.
Uergot ou bled cornu, bled fourchu, bled
hâve, eft une production monftrueufe qui fe
trouve plus fouvent dans les épis de feigle ,
& plus rarement dans ceux d'orge & de fro-
ment ; raifon pour laquelle Bauhin l'appelle
fécale luxurians ( fécale luxurians alitfque
or go & fecalis maver. Pin. 2.3 théatr. 43 ',4 J.
Lodicere, Linrueus tte d'autres botaniftes
donnent nom de clou à Yergot > clavusfûi-
finis } à caufe de fa forme aflez femblable
celle du clou de girofle. Au Mans où il
eft fort commun , on l'appelle mane , en
Bourgogne on le nomme ebrun : mais im-
proprement, parce que ce mot ne convient
ERG
qu'au bîed charbonné ; on le nomme en
Allemand ajfter-korn > mater-korn , &c.
Les grains ergotes fortent confidérable-
ment de leur enveloppe & s'alongent beau-
coup plus dans l'épi que les autres grains ,
ils en fortent droits ou recoquillés en façon
d'une corne noire à peu près comme Yergoc
d'un coq , d'où leur vient leur dénomina-
tion ôl ergot. Il y en a qui ont feize à dix-
huit lignes de long fur deux à trois lignes
de large ; d'autres ne font guère plus longs
que le grain , ils font plus légers fpécifique-
ment que les grains de froment , puifqu'ils
furnagent dans l'eau ; ils varient beaucoup
dans leur forme & leur longueur : il y en
a qui ont quelquefois plus de deux pouces
de long. M. Aymen dit en avoir un dans
fon herbier de plus de vingt-fix lignes de
long ; le nombre des ergots fur un même
épi eft indéterminé : il eft communément
depuis un jufqu'à cinq ; mais j'en ai trouvé
jufqu'à neuf & dix dans le même épi. Mais
on n'a jamais oui parler d'un épi totalement
ergoté i les autres grains de l'épi qui portent
Y ergot font bien conformés & ne fe reflèn-
tent aucunement de la contagion. Les grains
ergotes font noirs au dehors & formés dans
fintérieur d'une fubftance farineufe aflèz
blanche. Cette farine blanche ( dit M. Du-
hamel ) eft recouverte d'une autre farine
touffe ou brune qui, quoiqu'elle ait une cer-
taine confi fiance y peut s' écrafer facilement
entre les doigts; mais la corne de X ergot m'a
plutôt paru une fubftance fongueule aflèz
dure & comme cartilagineufe , du moins
quand elle eft deflechée ; car dans les com-
mencemens elle eft mollaflè & vifqueufe.
Cette fubftance deflechée fe bride aifément
en travers ; elle occafione , quand on la
rompt, le même bruit que les raves; elle eft
moins blanche & moins farineufe que celle du
feigle fain; elle approche, félon Ginani,dela
confiftance d'un fromage maigre defléché ,
qui vieillit & tend a la fermentation putride;
plus cette fubftance s'éloigne du centre du
grain , plus elle perd fa blancheur ; elle de-
vient uoirâtre ou rougeâtre près de l'enve-
loppe commune , ou plutôt à l'extérieur ; car
il n'y a point d'enveloppe. La furface de ces
grains eft raboteufe , & l'on y voit ordinai-
rement des rainures qui fe prolongent d'un
bout à l'autre ; indépendamment de ces
ERG 919
rainures aflèz régulières , on y trouve fou-
vent des fentes &r crevaflès qui ne me pa-
roiflènt point occafionées par des infec-
tes, comme on le dit communément; ce
font plutôt des gerçures, produites par le
deflechement trop fubit de cette excroif-
fanc^. V ergot tient moins à l'exédentele de
l'épi que les bons grains ; ce qu'il eft aifé de
vérifier , parce que les grains d'un même épi
ne fe trouvent jamais attaqués de Y ergot tous
à la fois. La caufe qui rend Y ergot moins
adhérent à l'épi que les bons grains , vient
de ce qu'il n'a point de germe , & par confé-
quent point de filamens qui l'attachent à
l'axe d'où il tire fa nourriture. La partie des
ergots qui fort de la balle eft arrondie ; fon
extrémité eft quelquefois fendue en deux ou
trois portions , fur lefquelles on apperçoit
une pouftiere noirâtre : fouvent l'on n'y voit
qu'une fîmple corrofion aflèz femblabîe à
celle qu'occafîone la rouille de fer. La partie
des ergots qui eft renfermée dans la balle eft
aiguë , ces balles , quoique faines , paroiflènt
plus brunes que les autres ; ce qui vient vrai-
femblablement de ce qu'elles étoient adhé-
rentes à Y ergot y lorfque fa fubftance étoit
mollaflè & vifqueufe. Au refte , la plante
ergote'e ne préfente rien d'extraordinaire ; on
y remarque cependant , félon M. Read ,
une végétation moins vigoureufe & un
deflè'chement plus prompt que dans les
autres.
J'ai remarqué à Y article Seigle, que cette
efpece de bled vient mieux dans les pays
froids & fecs , que dans les pays chauds ou
dans les terres humides , fuivant le proverbe
ancien ; il lui faut une terre poudreufe ,
parce qu'elle craint l'humidité , eft fujette
à dégénérer lorfqu'elle eft femée dans des
terres humides , ou lorfque le champ eft
ombragé par quelques bois ou collines. On
a conftamment obfervé que les terres froides
& humides font les plus favorables à la gé-
nération de Y ergot; j'en ai rarement trouvé
dans les champs fecs & découverts & bien ex-
pofés, rarement encore fur la crête des
filions ; j'en ai trouvé dans des fromens le
long d'une rivière , quoique cette maladie
foit très-rare dans le froment ; le feigle qu'on
feme en mars y eft plus généralement fujet
que celui qu'on feme en automne. M. Read
a toujours remarqué que rhivernache qui
çio ERG
à la nourriture des beftiaux , conrenoit ref-
peclivement plus S ergots que le feigle femé
fans mélange. M. Vetillart -, médecin du
Mans, prétend , d'après une expérience fui-
vie, que Yergot n'a lieu que dansles années
pluvieufes, fur-tout lorfque les pluies accom-
pagnent & fuivent le temps de la fîoraifon.
J'en ai cependant trouvé dans les années les
plusfeches , & dans des lieux fecs & arides;
mais il y eft beaucoup plus rare que dans
les lieux humides & couverts , & il paroît
comme prouvé que les années pluvieufes
le multiplient. Je dois ajouter , comme une
circonftance qui m'eft particulière , que j'ai
toujours trouvé beaucoup plus d'ergots dans
ces petits épis de feigle qui font fous les
autres , qui fieuriffent & qui mûrifïènt plus
tard , parce qu'ils font ombragés par les épis
plus élevés, bc. Voye[ ma D ifjertationfur
l'ergot , imprimée par ordre du gouverne-
ment en 1771. Lorfqu'on rendit compte
de cette differtation au bureau d'agriculture
du Mans , on remarqua , contre mon opi-
nion , que ce font toujours les tuyaux &
les épis les plus vigoureux qui preduifent le
plus à' ergots. Je conviens que les plus gros
épis fourniffent ordinairement un plus grand
nombre tf ergots; mais mon obfervation n'en
eft pas moins vraie que les talles & les petits
épis tardifs y font plus fujets que les autres.
L'ergot attaque aufîi , quoique plus rare-
ment, les autres plantes graminées. M. Tillet
a obfervé deux fois du froment ergoté dans
les environs de Troies : M. Read en a trouvé
cinq àfix épis auprès de Valencienne. Ginani
a trouvé du froment ergoté en Italie , mêlé en
affez grande quantité au bon grain : voici la
defeription qu'il en donne. Componevafi di
grani d'una circonferen\a per due 0 tre ed
anche quattro volte maggiore del volgare
frumento. Di fuori eranno bruni con certe
feanalature brève , e di dentro bianchi e
molto duri . . . Ji rompevano con facilita
per traverfo; V interna fofian^a era fimile
al vecchio magro fromaggio , e quando Ji
firito layano non dayan farina volatile
ma una polvere grève . . . molti feminai ma
non vi potti vedere alcuno di ejji ; il che
mi fece conofeere che eranno priyi delta
yirtîi vegettativa. Quefti corefpondevano
molto ad altri fimili grani che produce la
fegala i quali ho y.eduto alcunc rade yohe
ERG
f ne campi vicini alla città. Je m'étonne que
Ginani qui a écrit fi fort au long de toutes
les maladies du grain en herbe , n'ait dit que
ce peu de mots du bled ergoté, & qu'il n'en
ait cherché les caufes ni les remèdes ; ce
qu'il a fait avec tant de fuccès & de détails
fur les autres maladies : pour revenir au fro-
ment ergoté y M. Delu en a montré à M.
Duhamel , j'en ai moi-même trouvé quatre
ou cinq épis : Yergot du froment eft beau-
coup plus gros & bien plus court que celui
du feigle ; on trouve plus aifément du fro-
ment ergoté dans les champs de méteil , que
dans ceux enfemencés de pur froment ,
comme fi le voifinage du feigle pouvoic
communiquer cette maladie au froment;
cependant M. Tillet s'eft convaincu par
l'expérience , que la poufïïere de V ergot n'efl
point contagieufe comme celle cju charbon.
On a aufîi trouvé de Yergot fur plufieurs
efpeces de gramens , fur l'ivraie , fur l'orge f
félon M. Gleditfch , mais rarement.
Il ne paroît pas que les anciens aient connu
Yergot, à moins qu'on ne penfe qu'ils n'aient:
compris cette excroiffance fous le terme
générique de luxuries vegetum, dont parlent
Pline & Théophrafte: mais il eft d'autant
plus probable que cette maladie leur étoit
inconnue , qu'on cultivoit peu le feigle en
Italie où il réufïit mal. Pline dit qu'on n'en
femoit qu'au pie des Alpes , & qu'il n'étoic
bon qu'à appaifer la faim des plus néceffi-
teux. Aufîi Ginani ne parle du feigle ergoté
que dans une note ; & quoiqu'il rapporte
les mauvais effets qu'il produit en France ,
en SuifTe & en Allemagne , il n'en dit rien
pour l'Italie. Thalius , félon M. Read dans
fon excellent Traité du feigle ergoté , eft le
premier qui ait décrit ces grains particuliers,
& qui peut-être en ait trouvé la véritable
caufe. « Il arrive fouvent ( dit Thalius) que
» les grains d'un épi de feigle , lorfque les
» fleurs font tombées , & qu'ils commen-
» cent à prendre de l'accroiffement , con-
« tradent une maladie occajionée probable-
m ment par la trop grande quantité de fuc
yy qui s'y porte : d'où il arrive que l'écorce
» du grain encore tendre fe brife , & que
» fa fubftance interne s'enfle extraerdinai-
w rement ; alors on voit quelques - uns de
f) ces grains fortir de leurs balles , ils noir-
h ciffent ? & contiennent une farine d'une
i> confiftance
E R G
f^ confiftance «fiez épaiffe. » Il eft furpre-
riant que M. Read ni les autres phyficiens
ne fe foient pas arrêtés à une explication
auffi fimple qu'elle eft naturelle , & qui
conduit à croire que Yergot n'eft qu'une
fuite du défaut de conformation de l'ovaire ,
comme le charbon n'eft qu'un défaut de
conformation de l'ovaire dans le froment.
D'autres auteurs attribuent la génération
de Yergot à Pexceffive humidité de l'air
& du terrein. « Le feigîe devient ergoté ,
>y dit G. Bauhin , lorfque , dans le temps
» de fa fleur, il furvient des pluies copieu-
» Ces , fuivies d'un foleil très-chaud ; ce qui
« peut attirer , dans la plante , une plus
» grande quantité de fucs nourriciers qu'il
n n'en faut pour fon aliment : delà , la
fi rupture de l'enveloppe du grain & l'ac-
t> croisement extraordinaire de fafubftance
» interne. » M. Dodart remarque en effet
que cette production monftrueufe eft plus
ordinaire dans les années humides , & fur-
tout Iorfqu'après un temps pluvieux il fur-
venoit des chaleurs excefîives. M. le Mon-
r.ier a fait la même obfervation.- M. de
Salerne , qui a tant écrit fur les funeftes
effets de Yergot > apprit des payfans de So-
. logne , que le feigle ergoté venoit à la fuite
des pluies trop fréquentes dans le temps de
la fleur , qui fe corrompt & produit un
ergot , fur - tout dans les terres naturelle-
ment humides , & fi l'on a enfemencé les
terres trop tard. Cette dernière circonftance
eft d'autant plus remarquable , qu'en So-
logne , pays qui ne porte- que du feigle ,
d'où vient le nom de cette contrée Seca-
launia, l'on y a toujours fuivi & examiné
les caufes qui engendrent Yergot , à caufe
àcs funeftes effets qu'il y produit. On a
fait en Allemagne les mêmes obfervations ,
comme on peut le voir dans les annales de
Breflau pour 17 17.
Langius , Moeller & Schmieder , qui
ont écrit avec tant de fuccès fur Yergot y
l'attribuent tous trois aux vapeurs corro-
(ives des rofées qui s'élèvent du fein de
la terre. Langius croit qu'un air humide ,
chargé de particules nitreufes, fulfureufes,
& d'autres parties volatiles , s'amafle le long
de l'épi , diftend & comprime la balle ,
• pénètre la peau qui couvre le grain , la
difpofe à la putréfaction , & caufe dans
Tome XIL
ERG 921
le grain même une fermentation qui le
force à fe gonfler. Ce ramollifTement doit ,
félon lui , faciliter au fuc nourricier que
les racines attirent du terrein , & qui fe
porte en fi grande abondance dans l'in-
térieur du grain , qu'il rompt & fend la
peau qui lui fert d'enveloppe : la chaleur
des rayons folairesfait évaporer cette humi-
dité , donne une certaine confiftance à la
fubftance du grain , & occafione ces rugo-
fités qu'on apperçoit à la fuperficie. Lan-
gius accufe principalement la qualité cor-
rofive de la rofée ; il fe fonde fur ce qu'elle
eft plus fréquemment fenfible dans le temps
où l'on obferve des ergots y & qu'il a re-
marqué que ces grains étoient fouvent
couverts d'une matière vifqueufe & douce ,
qualités confiftantes & effentielles de ce
météore. Schmieder a fait les mêmes ob-
fervations , & penfe que cette rofée , dégé-
nérée en fubftance mielleufe qui s'attache
aux barbes des épis , eft produite par les
vapeurs acres & vifqueufes de la terre ,
qui , n'ayant pu être difîipées & raréfiées
par une chaleur fuffifante , retombe avec
les pluies fines , & s'attache aux barbes des
épis , auxquelles elle refte fi adhérente ,
que les pluies fines ne peuvent l'en déta-
cher : delà , cette fubftance s'infinue dans
les balles , pénètre le grain, & y occafione
une fermentation qui en fait croître la fubf-
tance. M. Fagon , médecin de Louis XIV ,
avoit déjà donné , au rapport de Fonte-
nelle dans Ykiftoire de V académie , la même
explication de la génération delVrgor ^qui
retenoit les mêmes qualités nuifibles que
la matière mielleufe à laquelle il devoit fa
naiftance. M. Tillet a remarqué que la
même fubftance mielleufe attachée à un épi
! d'ivraie , y avoit engendré Yergot. M. Adan-
! fon croit que Yergot a la même caufe que
j le givre ; c'eft-à-dire, qu'il rapporte toutes
\ les maladies des bleds au défaut de tranfpi-
ration. M. Gleditfch croit aufliquele clavus
Linncei ou aff'ter - korn y appartient aux
j vices dont peut être attaquée une tige de
I bled qui prend fon accroiffement en plein
! air , lorfqu'elle eft dans toute fa fleur , &
fur-tout quand les pluies abondantes font
I mêlées à de violentes chaleurs ; l'humi-
dité s'amaffe pendant l'efflorefcence dans
les calices autour du petit fruit tendre,/
Aaaaaa
9n ERG
caufe «ne moififrure qui dévore la pelli-
cule & l'exérieur , fans compter que le
iuc propre oj mielleux de la plante , &
retenu par la fecrétion convenable , ne fau-
roit s'en faire. Les étuis oucapfules des fe-
mences venant à crever , font en partie dé-
truis ; alors le grain imparfait qui'continue
fon accroifll-ment , devient calleux &d'un
blanc bleuâtre , tandis que la couleur ex-
térieure eft noire. Le fuc vicieux , dont
cette excroifiànce a été formée , paroît
avoir une àcrecé fluide toute particulière ,
qui peut donner lieu à des maux finguliers ,
de l'efpece des crampes , & qui vont juf-
qu'à rendre eftropié , quand il en entre
beaucoup dans le pain.
Enfin , M. Tillet combat avec avan-
tage ces explications dans une fameufe dif-
fertaLion couronnée à Bordeaux , & pré-
fenrie au roi en 175$. « Comment (dit-il)
les broîillards , les rofées qui produifent
Yergot dans le feigle , ne produifent - ils
jamais cette maladie dans l'orge , dans
l'avoine, ni même dans une quantité de
froment fans barbe , où l'on ne voit jamais
d'rrgot? D'ailleurs , les brouillards couvrant
ordinairement une certaine partie du ter- :
rein , dévoient produire un effet afTèz
général, & fouvent un épi eft ergoté fans [
que fon voifin le foit ; un arpent eft ergoté, j
fans que l'arpent voifin ait fouffert ; un épi !
mémî n'eft jamais entièrement ergoré : on
voit aufîi de Ye/got dans les années feches , j
quoique moins abondamment que les plu-
vieufes. Le feigîe femé dans un champ
inondé y a péri , au lieu de produire de '
Y ergot , &c. » Voyei l'article ERGOT.
Après avoir détruit les précédens fyftêmes
fur la formation de Yergot y M. Tillet y
lubftitue le fien. Je foupçonne que Yergot
eft produit par la piquure d'un infefte , J
qui fait des grains de feigle une efpece de .
gale ou excroifiance , qui commence par
le fuintement de la liqueur contenue daas !
le grain altéré par la tarière de l'infe&e.
En examinant plufieurs grains de feigle
ergoté , il a apperçu un petit ver à peine
fenfible aux yeux , qui fe nourrit de ce
grain , & le confomme. Il convient ce-
pendant que parmi un très-grand nombre
dergotés , il n'y en a qu1 un^petit nombre
qui renferme des chenilles, &c. On peut
ERG
voir fon fyftéme développé dans l'excellent
traité de l'ergot de M. Read , qui l'a re-
vêtu de toutes les probabilités dont il étoit
fufceptible , fans cependant y joindre de
nouveaux faits.
J'obferverai que M. Ray , hifi.pl. ij^-t ,
regardoit déjà , avant M. Tillet , l'excroif-
fance du feigle comme l'effet de la piquure
d'un infecte. M. Tiffbt , dans fon avis ait
peuple y p. 614 } attribue Yergot à la même
caufe. M. Gleditfch , dans fa diflertation
citée fur la nielle , parle par occafion de
Yergot y & croit que la piquure d'un infede
en peut être caufe , auffi-bien que le défaut
de fécondation. Ce fâcheux accident , dit-
il , arrive aufTi lorfqu'un infecte extrême-
ment petit , que Linnaeus , Anim. Suec,
p. 67^ définit fcarabœus minimus ater jh'
rilegus y ou quelqu'autre efpece de ver-
miflèau à laquelle on ne peut pas toujours
prendre garde , ronge certaines parties des
fleurs , ou ne fait peut-être qu'y mordre ,
à caufe de leur fuc qui a la douceur du miel.
II arrive en conféquence que ces parties de
fleurs venant à manquer , ou étant privées
des fucs qui dévoient les remplir , fe gâ-
tent , & s'affaiflant fur l'ovaire qui n'eft pas
encore difpofe à la fruclifi cation , le com-
priment fi fort , que fa pellicule eft obligée
de crever. On a vu que M. Gleditfch eft
plus heureux dans l'autre explication qu'il
en donne.
Pour moi , malgré le refpect dont je fuis
pénétré pour ces favans , j'ai peine à ad-
mettre la piquure d'un iniecle comme la
caufe première de tout le défordre qui
arrive aux grains ergotes , en fuppofant ,
comme on n'en peut douter d'après
M. Tillet dont on connoît l'exaclitude '&
la fagacité , que l'on trouve quelquefois des
chenilles dans Yergot y ou même , fi l'on
veut , dans tous les grains ergotes , il refte-
roit toujours lieu de douter fî c'eft la fubf-
tance de Yergot ou la liqueur mielleufe qui
l'entoure à fa nahTance , qui ont attiré
Finfe&e , ou lî c'eft l'infecte qui a produit
Yergot. Lorfque Yergot commence vers le
temps de la fécondation , le grain n'eft pas
encore formé : car perfonne n'ignore que le
germe ne commence à croître qu'après la
fleur pafTée : il eft garanti par la balle co-
riacée qui festde calice à la fleur, & qui
ERG
ferme l'approche aux papillons ou aux in-
fectes volans qui pourroient venir dépofer
leurs œufs fur le germe même , comme il
faudroit le fuppofer dans le fyftême de la
piquure du grain. Ne pourroit-on pas ré-
torquer les argumens de M. Tillet contre
lui-même ? Si Yergot étoit produit par une
piquure d'infecte , pourquoi trouveroit-on
Yergot en fi grande quantité dans le feigle,
tandis qu'on ne le trouve que très-rare-
ment dans l'orge & le froment ? Cette dif-
férence ne viendroit-elle pas plutôt du fuc
propre du feigle, qui eft plus gluant , plus
mielleux que celui de l'orge & du froment ?
Les infectes qui changent un grain de fro-
ment en ergot y rendent cette monftruofité
auffi fréquente dans le froment que dans
le feigle. Pourquoi Yergot feroit-il plus com-
mun dans les terres humides que dans les
lieux fecs & aérés, dans le creux des filions,
que fur le dos des mêmes filions , dans les
temps pluvieux & couverts , fuivis des rayons
ardenslors de lafloraifon , que lorfqu'iî fait
chaud & fec quand les feigles pafTent fleur ,
comme on l'a toujours remarqué? Pourquoi
le feigle, le gramen aquaticum fluitans ,&cc.
y feroient-ils plus fujets que les autres in-
feâes ? Pourquoi eft-ce que j'ai trouvé
beaucoup plus ày ergots dans ces petits épis
de feigle qui font fous les autres, & qui
viennent des talles qui fleurifTent&: mûrif-
fent plus tard que les épis plus élevés dont
elles font ombragées ? Pourquoi y a-t-il
moins d'ergots dans les champs femés
clairs , que dans ceux où les bleds font
touffus & verfés ? Pourquoi y en a-t-il
moins dans les champs bien labourés & bien
farcies , que dans les champs où la quantité
des mauvaifes herbes entretient plus d'hu-
midité fur les plantes environnantes ? Pour-
quoi eft-ce que ces circonftances feroient
toujours invariablement les mêmes, fi des
infectes en étoient la feule caufe? Enfin , &
cette raifon eft péremptoire , pourquoi n'y
auroit-il jamais de germe ni de pellicule de
fon dans Yergot ? Eft-ce que l'infecte qui pi-
que le grain , commenceroit toujours par en
confommer le germe , fans jamais en Iaif-
fer dans le bled ergoté ? eft-ce qu'il dévo-
reroit conftamment le fon , de préférence
au corps farineux ? &c. J'ofe encore
«pofer à M. Tillet l'incertitude qu'il a
, , . ERG.. .»M
même de fa propre opinion. Voici ce
qu'en dit M. Duhamel, fon co'aboratcurj
\ P- 333 des cïànens , tom. I : « M. Tillet
» eft très - porté à croire que Yeigot eft
y> produit par la piquure d'un infecte ,
» qui fait des grains de feigle une efpece
» de gale ; mais nous n'ofons , ni lui , ni
» moi , prononcer affirmativement fur ce
» point, v M. Read , qui a pleinement
adopté ce fentiment, devoit y mettre du
moins la même restriction , puifquïl n'y
ajoutoit pas de nouvelles preuves.
Il me paroît donc plus vraifemblable
d'attribuer Yergot ou le clou, foit à l'imper-
fection de la femence & au défaut de con-
formation de quelques-uns des ovaires de
la plantule féminale , comme dans le char-
bon , foit au dtfaut de fécondation de quel-
ques-uns des germes de l'épi , occafioné par
l'humidité & les vapeurs , qui empêchent
l'effet des parties fexuelîes & l'émiftion de
la poufTîere fécondante. ( Voye\ ci-deftus,
& ma difîlrtation latine déjà citée , ar-
ticle injlorefcentia. ) Le premier cas arrive
Jorfque la femence a été mal choifie , ou
lorfque le feigle eft femé dans un fable
brûlant , dans lequel on a mis trop de
fumier , puifqu'on remarque le même ac-
cident aux tiges de feigle qui viennent
quelquefois d'elles-mêmes fur des couches
de fumier feches ; le fécond cas , lorfque
le terrein eft humide ou lorfque la faifon
de la fleur eft trop pluvieufc. La plante du
feigle qui fe plaît , comme on l'a vu , dans
les terreins arides & dans les lieux froids &
élevés , ne pafte point aifément fa fleur ,
lorfqu'ellè eft à l'ombre , ou expofée à des
vapeurs humides. L'ovaire n'étant point
fécondé par la poufîîere génitale , la fève foi -
abondante Ù le fuc prop; e & mielleux de la
plante viennent prendre la plaie du germe
avorté, s'y amaflènt; & après avoir coulé
pendant quelque temps , ils forment, en fe
condenfant , ces differens corps plus ou
moins alongés , connus fous le nom $ ergot.
C'eft une circonftance particulière à* cette
maladie , que Yergot commence toujours
par le fuintement d'une liqueur mielleufe
â travers les valvules de la balle qu'elle
noircit ; & c'eft cette liqueur unie à la fubC-
tance farineufe , qui , en fe deftechant , de-
vient un ergot.
Aaaaaa 2.
9*4
ERG
On rend raifon , par ce moyen , pour-
quoi l'extrémité" extérieure de ces grains
ergotas eft conftamment plus groffe , plus
renflée que celle qui tient à la paille , &
pourquoi les balles de Vergot paroiffent
toujours faines , quoique plus noires que
les autres. On ne peut guère douter que
cette liqueur mielleufe qui accompagne
la formation de Vergot > ne foit le fuc
propre de la plante , qui fe corrompt & fe
vicie faute d'être dépuré par la circulation.
Lorfque ce fuc propre eft vicié dans
les vaifteaux intérieurs de la plante & de
l'épi , alors il forme ce qu'on appelle la
nielle : mais lorfque l'épi eft bien conformé,
à l'exception de quelques ovaires feulement,
ou lorfque ces ovaires fe gâtent & fe cor-
rompent dans le temps de la fécondation ,
alors le fuc propre _, accompagné de fubf-
tance farineufe , va former un dépôt en
place du germe avorté. Dans ce cas , il fe
change en un corps qui n'a ^oint de figure
confiante & déterminée, faute de moule
pour le contenir; & il s'alonge fous la
forme d'un ergot droit ou recoquiîlé plus
ou moins long , gros ou mince , fuivant
l'abondance de la matière qui le fournit.
Si Ja pouffiere de X ergot & de la nielle ne
paroît pas contagieufe comme celle du
charbon, c'eft qu'étant extérieure & def-
féchée par l'air & les rayons du foleil ,
elle perd une partie de fon activité ; au
lieu que celle du charbon, qui refte en-
fermée fous la pellicule du grain , conferve
toute fa force. L 'ergot paroît terminé par
une efpece de poche ou véficule deftechée
& flérrie , qui nreft vraifemblablement
que le germe ou plutôt l'enveloppe qui
devoit le contenir avant qu'il avortât. J'ai
bien examiné à la loupe cette capfule def-
féchée , qui paroît comme appofée fur
l'extrémité extérieure àe Vergot ,1k qui n'y
tient que légèrement ; j'ai trouvé que dans
plusieurs clous elle avoit conferve ta forme
du grain de feigle , telle à peu près qu'on
la trouve attachée aux racines de l'enfance ,
lorfque la plante a épuifé toute la fubftance
laiteufe de la fem«nce. J'ai conferve de ces
ergots que l'on voit terminés par l'enveloppe
deftechée du grain ; & cette obfervation
me paroît démontrer aux plus incrédules,
que Vergot n'eft formé que du fuc propre
ERG
de la plante, qui pouffe & chaffe au de-
hors le germe avorté faute de fécondation ,
ou par quelqu'autre caufe extérieure.
Je trouve dans les deux excellens mé-
moires de M. Aymen , inférés dans les
tom. III & IV des favans étrangers , de
quoi me confirmer de plus en plus dans
ce que j'ai dit fur les caufes de la production
de Vergot. Ce fa van t exad prétend que
Vergot du feigle & le charbon du froment ,
qui ne font que deux efpeces de maladies
du même genre & produites par la même
caufe , ne viennent que du défaut de fé-
condation ; que la différence de ces deux
maladies , dont l'une rend la femence du
feigle monftrueufe , & l'autre change la
fubftance intérieure du froment en une
pouftiere noire , fans altérer le fon ou l'en-
veloppe , dépend vraifemblablement de la
diverfe nature des vahTeaux qui compofent
ces femences ; que la fubftance farineufe
du feigle eft très-mucilagineufe ; ce qui
rend ces vaifîèaux propres à réfifter à l'ex-
tenfîon que peut occafioner la fève qui y
eft apportée , & que ces vaifteaux peuvent
être dilatés fans être rompus ; ce qui fait que
l'intérieur de Vergot eft blanc, & que la
femence devient monftrueufe ; que dans
le froment, au contraire, la fubftance interne
du charbon n'eft noire , que parce que les
vaifteaux farineux du froment étant moins
mucilagineux que ceux du feigle , ils fe
rompent plus facilement ; ce qui fait que
l'enveloppe conferve fa forme , & que la
fève extravafée fe change par l'évaporation
en une pouffiere noire , Ùc Quant, à la
caufe commune de Vergot & du charbon ,
elle ne peut être que Te défaut de fécon-
dation , puifqu'il y a de bons grains fur le
même épi où l'on trouve de Vergot & du
charbon ; puifque l'on ne voit point de
germe dans le grain charbonné, non plus
que dans Vergot; puifqu'en ^examinant les
épis charbonnés ou ergotes lors de la florai-
fon , on trouve que les ftylesoules ftigmates
font viciés , & que le charbon comme Vergot
confervent les ftigmates unis à leur extré-
mité fupérieure ; que fi ces vices paroiffent
être différens , ce n'eft que par quelques
fymptomes qui n'établiftènt pas le genre
* maladie , mais feulement l 'efpece venant
la même fburce ; que le manque de
ERG
fécondation dans ces grains fait qu'ils n'ont 1
que l'apparence d'une mole , qu'ils font une
rnafïe de matière aucrementcolore'e, figurée |
& renfermée fous des enveloppes de con-
fiftance & de nature différentes ; en un mot ,
une mafïè fans embryon & par conféquent
fans vie , Ùc.
M. Read qui combat ce fentiment , dit
qu'on ne peut comparer la deftruction
totale que nous offre le charbon , avec
PaccroifTement monftrueux qu'on obferve
dans Yergot; & que la même caufe ne peut
produire des effets fi oppofés , la diverfe
nature des vaifTeaux qui compofent la fe-
mence ne fuffifant point pour expliquer
cette différence eflentielle , &c. Mais
M. Read confond dans cette obje&ion la
nielle avec le charbon. Cette dernière ma-
ladie ne détruit pas les enveloppes du germe ;
le grain refte entier avec les ftigmates à fa
fommité ; il vient , comme V ergot , d'une
furabondance de fuc , puifque le grain
charbonné eft beaucoup plus gros que le
grain fain dans l'origine , & que ce n'eft
que par la defïication qu'il fe réduit , &
qu'il diminue de groffeur. II feroit donc
afièz probable que Yergot ne foit qu'une
efpece de charbon , comme le penfe
M. Aymen, dont les effets font différens
dans le feigle , à caufe du fuc plus vifqueux
de cette dernière plante ; cependant j'ai
peine à l'admettre , & l'on en peut voir
les raifons dans ma DijJ'ertatlon citée fur
Yergot : la principale eft qu'indépendam-
ment du charbon , dont la première eft
contagieufe tandis que V ergot ne l'efl pas ,
c'eft que le froment eft auffi fujet à Yergot,
quoique plus rarement que le feigle.
D'ailleurs , ce ne font point feulement les
ftigmates qujon trouve à la fommité de
Y ergot , mais la capfule entière du grain ; au
lieu que dans le charbon , la capfule ne
bouge point de la balle , & conferve la
forme extérieure du grain fain.
D'autres a voient déjà penfé , avant
M. Aymen , que le défaut de fécondation
ou la conformation imparfaite des ovaires
pouvoient occafioner cette forme monf-
trueufe. « Rien de plus commun ( dit
» M. Geoffroy , dans les mémoires de Va-
» cadémie zyzz) que de voir les biens
» de la terre manquer par la fuppreflion
ERG 925
» des fommets & de leur pouffiere
» Quand les blés font en fleur , on. crainc
» la nielle : qu'arrive- t-il enfuite ? L'épi
» noircit , les grains inféconds s'alongent ,
» & forment une corne fans germe , d'une
» fubftance plutôt approchant du cham-
» pignon que d'un grain de bled : le moins
» qu'il puifTe arriver ,' c'eft que les cellules
» foient vuides , &<;. » Cette explication
paroît confirmée par une obfervation de
M. Read , qui a toujours remarqué que
la partie fupérieure des épis eft en général
plus fournie d'ergots que l'inférieure"; ce
qui donne lieu de croire que la fituation
de la partie inférieure la difpofe à recevoir
plus fûremént la pouiïiere des étamines de
la partie fupérieure. On peut donc re-
garder le défaut de fécondation comme
l'une des caufes de Yergot; mais ce n'eft
point la feule : ce vice peut auffi provenir ,
comme je l'ai dit , de l'imperfection de la
femence , & d'un dérangement d'organi-
fation dans la ftrudure de quelques ovaires ,
puifque l'on remarque plus à' ergots lorfque
les femences ont été mal choifies , & ne
font pas parfaitement mûres , lorfque les
terres font humides , ou lorfqu'étant légères
& fablonneufes , elles font trop fumées ,
ou lorfque n'étant pas fumées du tout ,
elles ne peuvent fournir un aliment fuffi-
fant à la plante , ou lorfque les champs
n'ont été labourés que fuperficiellement , ou
lorfqu'on a femé plus tard , ou lorfque les
champs ont été mal farcies , ùc. Ainfi
Yergot peut être auffi attribué à des caufes
antérieures à ce qui fe paffe au temps de
l'efflorefcence. Toutes les plantes ont un
temps fixe , une faifon déterminée pour
fleurir ; ainfi toutes les caufes qui retardent
la floraifon , comme les femail'es tardives,
les terreins froids , humides , cruds , mal
labourés , mal farcies , Ùc concourent
à la production de Yergot & des autres
maladies du grain en herbe , & Ton y
remédie par les moyens contraires.
Pour confirmer tout ce que j'ai^dit de
la génération de Yergot, je rapporterai quel-
ques obfervations curieufes de M. Demoz^ ,
| qui m'ont été gracieufement communi-
quées par le bureau d'agriculture du Mans *
lorfqu'on y lut ma dijfertation far les bleâi
ergotù , M. Demozé , qui a fait un examen
9i(5 Ë R G
fuivi de Yergot avec l'attention la plus fcru-
puleufe à principio 3 eftime que cette ex-
croifîànce monltrueuie provient d'un lue
mielleux , ou liqueur gluante & fucrée ,
que la plante tire de la terre , & que les
gens de la campagne appellent manne : elle
fe fait jour par le moyen de l'épi , à l'en-
droit du fupport des germes ou femences ,
& s'épanche par petites gouttes plus ou
moins abondantes , de jour comme de nuit ,
pendant deux (ois vingt-quatre heures , &
quelquefois plus ; après quoi , ces gouttes
relient adhérentes à la balle , & y pren-
nent une confiftance dont la progrefllon
fucceflive forme V ergot plus ou moins long ,
& fous différentes formes , toujours noir
& gluant jufqu'à ce qu'il ait atteint fon
dernier degré de fécherefïe. Cette manne
qui n'eft que le fuc propre de la plante ,
n'eft point encore mal-faifante ; puifque les
enfans la recherchent & la fucent fans danger
apparents : mais lorfqu'elle eft reftee adhé-
rente à V ergot 9 elle acquiert par la fer-
mentation une âcreté mordicante qui rend
l'ufage de Yergot très-dangereux. C'eft la
faveur fucrée de cette liqueur mielleufe qui
y attire les mouches & les infecles , & qui
eft caufe que l'on trouve quelquefois dans
Yergot de petites chenilles dues à ces in-
fecles. Cette liqueur qui fort de l'épi fous
le fupport du grain de feigle , expulfe le
germe ou plutôt Pécorce de ce grain ; &
c'eft le corps étranger qu'on retrouve fou-
vent dans fa forme de grain au bout de Y ergot >
comme M. Liberge le fit voir à la féance
du 30 juillet 177 1. Mais ce qu'il y a de
plus fïngulier , c'eft que cette manne ou
liqueur mielleufe qui s'échappe du moyeu
de l'épi par les châtTes ou balles du grain ,
eft contagieufe ; & que fi elle coule fur
d'autres châlTes du même épi ou fur des
épis voifins ou inférieurs , elle y occafione
la même maladie , & change le grain en
eigot. Audi trouve-t-on fouvent de Yergot
Ë R G
dans les fromens - méteifs femés avec le
feigle , & rarement dam les champs femés
de froment pur.
Quelle que foit la caufe de Yergot y H
eft certain que lorfqu'il entre beaucoup de
grains ergotes Jans iepain, il caufe d'étranges
maladies , & produit des effets funeftes : cela
n'eft pas fiarprenanl! . quand on fe rap-
pelle l'acrimonie mou'icunte que Yergot
mâché p:oduit fur l'organe du goût. On
dit d'ailleurs que cette fubftance fermente
plus aiférne-nt que la farine ; ce qui vient
fans douie de ce qu'elle eft plus difpofée
à la corruption (a). C'eft fur- tout en 1709
qu'on en a fait l'obfervation : les feigles de
la Sologne contenoient près d'un quart de
grains cornus , que les pauvres négligèrent
de féparer du bon grain à caufe de l'extrême
difette qui fuivit le grand hiver : le pain
infeâé de la farine de ce mauvais bled ,
donna à plufieurs une gangrené affreufe ,
qui leur fit tomber les membres fucceiîive-
ment par parties. On peut confulter ce qui
eft dit dans les mémoires de l'académie des
fciences ann. 1709 >p- 63 ; dans Langius,
Acl. Lypf. ann. 2718 ; & dans un favanc
mémoire de M. àc Salerne , médecin d'Or-
léans, inféré dans les mémoires de Vacadém.
Il y eut encore une gangrené endémique &
très -redoutable , qui défola l'Orléanois &
le Blaifois en 1716: elle eft décrite dans
la collection académique > tom. III. part,
franc, pag. £Z$.
Cette terrible maladie eft endémique
dans la Sologne , & dans d'autres pays
011 le payfan eft aîTez pauvre pour être
réduit à cette nourriture empoifonnée ,
parce que dans les années de difette il fe
garde bien de cribler ces grains ergorés.
On a vu ( M. Duhamel cite le fait ) de ces-
pauvres gens à l'hôtel - dieu d'Orléans ,
auxquels il ne reftoit plus que le tronc. On
lit encore dans les mémoires préfente's à
l'académie , qu'une demoifelle charitable
(a) Langius, qui a fait plufieurs obfervations fur l'ergot , nous a appris que lorfque le grain vicié
a été macéré pendant vingt-quatre heures dans l'eau chaude, il s'en fépare une matière qui s'élève à
la fuperficie de l'eau , & y fait une croûte de diverses couleurs. Defcriptio morbomm ex efu davoruat
Seoalls , C. V. M. Aymen, qui a répété cette observation , prétend que cela ne vient que des divers
arrangemens des corps globuleux de la lève dont l'eau change la couleur ; c'eft peut-être par la même
raifon que Ye-rgot rend le pain violet : quoi qu'il en foit, cette matière macérée dans l'eau, fe corrompt
5c fe putréfie irès-promptement ; ce que l'on paurroit regarder comme la caufe principale des maladies
de corruption qui fuivent _l'ufage de l'ergot.
ERG
avoit une bonne recette contre ce mal af-
freux ; qu'elle l'arrêtoit par un topique
avec une eau compofée de quatre onces
d'alun , trois onces de virriol romain , &
trois onces de fel que l'on fait fondre dans
trois pintes d'eau réduites à une : on y
trempoit des linges , qu'on appliquoit fur
les parties gangrenées. M. Vétillart criti-
que amèrement la compofition de cette
eau efcarrotique , qui eft mal indiquée dans
le dictionnaire 'd'hijioire naturelle , au mot
feigle : il y fait des changemens , avec des
obier vations judicienfes fur la manière &
le temps de l'employer.
Un moyen plus certain , c'eft de pré-
venir le mal même , en féparant avant
tout , par le moyen du crible , ces grains
ergotes qui font plus gros que les autres.
Dès l'année 1676 , on propofoit à l'aca-
démie des fciences , comme le feul remède
à ce mal , de faire défendre aux meuniers
de moudre du feigle où il y aura des grains
ergotes : il eft fi aifé de le connoître , qu'il
n'eft pas pofîible de s'y méprendre. Sur
hs représentations de MM. de l'académie ,
M. de Pontchartrain en écrivit à M. l'in-
tendant d'Orléans : on donna les mêmes
ordres en 17 16.
Nicolas Langius , fameux médecin de
Bade , dont nous avons parlé plus haut ,
croit qu'il y a de Yergot plus nuifible à
ceux qui en mangent , & de Yergot qui
ne l'eft pas. M. Tillet croit que Yeigot eft
toujours nuifible , mais qu'il doit être pour
cela en certaine quantité. On prétend en-
core que Yergot perd fa mauvaife qualité ,
quand on le garde un certain temps. Le
mauvais feigle qui faifoit le pain violet , le
fait plus blanc & moins nuifible â la fé-
conde ou à la troifieme année ; mais dans
les années de difette , les payfans qui n'ont
point le temps de garder leurs grains , font
obligés de le confommer aufïi-tôt après la
moiffon ; ce qui les expofe à la fâcheufe
maladie dont nous avons parlé : car on
obferve que plus Yergot eft frais , plus il
eft dangereux ; il y a même des années
dans lefquelles on prétend qu'il eft plus
malin.
Corrhne on révoque aujourd'hui en
«îouteles effets mal-faifansdu feigle ergoté,
M. ScMegsr , célèbre médecin , a efîàyé
ERG 927
depuis peu de difculper Yergot âes accu-
fations graves qu'on lui a intentées ; je
vais réunir le témoignage des gens les plus
inftruits , à ceux dont nous avons déjà parlé
plus haut. M. Lemery , dans fon diàion-
naire des drogues y au mot fécale y dit que
ceux qui mangent du pain fait avec du
feigle ergoté , font attaqués d'une efpece
de mal de S. Antoine ; que leurs membres
fe corrompent dans les jointures , devien-
nent livides , noirs , fe détachent , & tom-
bent fans que les remèdes puiflènt en ar-
rêter le cours.
On lit , dans les mémoires de V académie >
Savans étrangers P tome III , page %j8 y
qu'après quelque ufage du pain de feigle
ergoté , on commence à refïèntir une ef-
pece d'engourdilTement dans les jambes :
la partie fe tuméfie , fans qu'il paroiffe le
moindre figne d'inflammation ni de fièvre.
Le mal fait des progrès dans les mufcles
& dans les parties couvertes des enve-
loppes communes : il attaque enfuite la
peau ; alors ou la partie fe fépare d'elle-
même âes chairs faines , ou elle devient
feche , racornie , noire , incorruptible, &
femblable en tout aux membres d'une
momie. Lorfque la maladie a fini aux
jambes , elle attaque les bras , & y pro-
duit les mêmes effets : le feul remède que
l'on connoiflè pour ce mal eft l'amputa-
tion. On a nommé cette maladie gangrené
feche. L'ergot produit encore des fièvres
putrides & malignes ; il tarit le lait aux
femmes ; il enivre , il affaiblit les fens :
enfin , quoique Lonicerus le vante comme
un bon anti - hyftérique , fon ufage eft
très-pernicieux , & doit être évité foigneu-
fement.
M. Lieutaud , dans fa matière médicale 9
^page 6iq. y dit que le feigle ergoté eft très-
' mal-faifant , & caufe à ceux qui en man-
gent durant quelque temps , une gangrené
feche & horrible , qui fait que leur? mem-
bres tombent d'eux-mêmes. Les auteurs
du dictionnaire de famé difent la même
chofe , au mot Feu S. Antoine , & indi-
quent pour la cure de cette maladie les
mêmes traitemens que pour la fièvre pef-
tilentielîe. Sauvages appelle cette maladie
Necrofis uflilaginea ou Yergot: on peut voit
dans la Nofologie de cet auteur ceux qui
928 ERG
en ont traité ; on peut auiîî confulter Do-
dart , la Hire , & fur-tout M. de Salerne
qui parle de vifu. Voyez les mémoires de
V académie y tome X, & les mémoires étran-
gers , ternes I Ù II , & le Met cure de
France , janvier zj/j.8 , page J $•
M. Tiffot, dans V Avis au peuple fur fa
famé, page $iq, féconde édition , rapporte
les fymptomes de la maladie qui attaque
ceux qui ont mangé quelque temps du
feigle ergoté : ils tombent dans une efpece
d engourdiffement & de ftupidité ; le ven-
tre devient gonflé & tendu ; ils maigrif-
fent , font jaunes , & fi faibles qu'ils ne
peuvent fe foutenir. La jambe ou le bras
s'engourdifTènt , deviennent violets ; la
peau eft froide , & la gangrené paroît aux
doigts des pies ou des mains : fi l'on n y
remédie promptement , le mal s'étend , &
tue le malade en peu de temps ; fouvent
les membres fe détachent à l'articulation ,
& tombent fans qu'il arrive d'hémorragie.
Il fe levé en différens endroits de petites
puftules remplies d'un pus très -clair; le
pouls eft concentré , & le fang que l'on
tire eft couenneux. On peut voir au même
endroit le traitement indiqué par cet ha-
bile médecin ; mais il preferit trop tôt
l'ufage de l'eau efeanotique qui ne doit
pas être employée dans la gangrené com-
mençante.
Au témoignage des médecins joignons
celui des botaniftes. M. Adanfon , dans
fes réfultats d'expériences déjà cités , dit ,
page q§ , que le feigle ergoté caufe des
maladies aux perfonnes qui mangent du
pain où il s en trouve même une petite
quantité. M. Buc'hoz , dans fon diclion-
naire des plantes y dit , au mot feigle , que
Yergot occafione de fâcheufes maladies.
M. Aymen , tiès-habiie botanifte , obferve
que les palmiers font fujets , comme le
feigle , à avoir des fruits ergotes ; & ce
qui n'eft pas moins particulier , c'eft que
ERG
les ergots de ces arbres produifent des
effets aum* fâcheux que ceux du feigle :
on en trouveroit peut-être la raifon dans
le grand rapport qu'il y a entre ces deux
plantes. Les botaniftes favent tous qu'il n'y
a aucun ordre naturel dans le règne végé-
tal qui ait plus de rapport avec un fécond
ordre , qu'en ont les palmiers avec les
graminées. Voye\ Adanfon , famille des
plantes , page z/f.. Je pourrois encore citer ,
fur les effets de Yergot , le dictionnaire
d'hijhire naturelle ; mais comme ce n'eft
qu'une compilation , cette autorité neferoit
pas d'un grand poids.
Enfin , le bureau de la fociété royale
d'agriculture du Mans , publia , il y a
quelques années , un avis fur l'efpece du
poifon connu fous le nom de feigle ergoté y
&c fur les maux qui réfultent de cette per-
nicieufe nourriture : on y joignit un mé-
moire fur la méthode curative qu'on doit
mettre en ufage fuivant les différens temps
de la maladie , par M. Vétiilard , méde-
cin du Mans. M. l'intendant de Bourgo-
gne , qui étend fon zèle & fa vigilance
fur tout ce qui peut intéreflèr le bien des
hommes , fit imprimer à Dijon , chez
Frantin , l'avis du bureau , avec le mé-
moire & un fupplément , pour le diftri-
buer gratuitement dans la généralité.
On affure dans cet avis , d'après les ex-
périences les mieux conftatées & la relation
des malheurs qui affligèrent il y a quelque
temps la Sologne , où il périt fept à huit
mille perfonnes dans un petit efpace de
temps, quelVr^or eft un poifon fubtil qui ,
lorfqu'il eft mêlé avec le bon grain en
certaine quantité , caufe aux perfonnes qui
en mangent du pain , les maladies les plus
cruelles , des vertiges , des fièvres mali-
gnes , la gangrené , & prefque infaillible-
ment la mort auffi fubite qu'elle eft dan-
gereufe {b) : c'eft dans la vue de prévenir
de tels maux , que M. févêque du Mans
(b) On y remarque auffi que Yergot eft également nuifible aux animaux qui en mangent. Un cochoa
ayant été nourri de fon de feigle ergoté , a péri au bçut de quatre mois , après avoir perdu les quatre
jambes & les deux oreilles. Deux canards nourris de feigle ergoté , ont également péri après avoir
perdu l'ufage des jambes. Ceci contredit les expériences faites fur différens animaux, par l'auteur d'une
Jcttre inférée au journal encyclopédique; mais en fuppofant ces dernières expériences exaûes , on n'en
pourroit rien conclure contre les effets de Yergot fur l'homme : on fait que l'amande amere qui ne lui
fait point de mal, eft un poifon pour la volatile *, au contraire les baies du garou , qui font un purgatif
dangereux & violent pour les hommes , font une fort bonne nourriture pour les oifeaux qui en tira*
grès-f.-iands ; d'où l'on peut conclure, qu'on ne doit pas ufer d'un aliment dont les animaux mangent
fie
ERG
fit publier , dans fa paroiffè d'Yvré , un
avis particulier pour engager les gens de la
campagne à ne porter au mouLn aucuns
feigies ou méteils ergotes , fans en avoir
auparavant féparé Y ergot par le crible.
Suivant M. Vétillart, les effets généraux
de Y ergot font de détruire le reifort des
nerfs & des vaifîèaux artériels , d'épaiffir le
fang qui , privé de l'action & du refîbrt des
vaifteaux artériels fur lui, fe coagule fur-
tout aux extrémités'de ces vaifilaux , ainfi
qu'aux parties les plus éloignées du centre
de la circulation , telles que les extrémités
inférieures : les fupérieures s'en trouvent
fucceffivement affe&ées; ces parties tom-
bent en. gangrené & en fphacele.
La gangrené , fuite de la nourriture du
feigle ergoté , eft annoncée par un mal-aife
le jour , une mélancolie poufïée jufqu'à la
ftupidité , un accablement univerfel , une
agitation la nuit , des peurs dans le fom-
meil , des douleurs vagues dans le dos ,
dans les reins , des contractions fpafmodi-
ques dans les mufcles des extrémités : ces
mouvemens font fouvent douloureux ; une
chaleur cuifante & momentanée fe faitfentir
à la partie menacée , le pouls augmente un
peu de vivacité , les urines font crues , le
ventre eft tendu , quelquefois douloureux ;
il ne fait que difficilement fes fondions.
Au fécond période , les fymptomes ci-
deffus augmentent d'intenfité ; les membres
affedés d'abord de mouvemens convulfifs ,
de douleurs , deviennent pefans & engour-
dis ; il fe manifefte dans quelques fujets un
feu eréfipélateux , que quelques auteurs ont
nommé feu de S. Antoine , qui d'un rouge
très-vif devient un peu violet.
Au troifieme période , la chaleur éréfi-
pélateufe , vive & cuifante , fe métamor-
phofe en un froid qui s'augmente à chaque
moment au point de devenir glacial : le
pouls fe concentre , le mouvement & le
fentiment s'éteignent peu à peu dans la
ERG 929
partie , l'extérieur du membre affecté perd
quelquefois fa couleur naturelle fans avoir
été précédé d'éréflpele ; il maigrit , fe def-
feche , & devient au quatrième période un
membre étranger dont on eft obligé de fe
débarraflèr ; il fe détache dans quelques-uns
à l'articulation par le feul effort de la na-
ture , & fans qu'il furvienne d'hémorra-
gie , lors même de l'amputation : cet ac-
cident n'eft point à craindre , tant le fang
eft coagulé.
Le pouls , à ce quatrième période , fe
fait à peine fentir : le mal qui pour l'ordi-
naire a commencé par l'extrémité inférieure,
gagne les fupérieures ; le mouvement ar-
tériel eft ralenti généralement , l'abatte-
ment eft extrême ; le vifage , fur -tout le
nez , devient froid glacial , une fueur de
même nature fe fait remarquer par tout le
corps qui a perdu la force de fouffrir ; les
yeux s'enfoncent dans les orbites , la voix
s'éteint , un délire fourd & quelques dé-
faillances font les annonces de la mort.
Les fymptomes énoncés dans les quatre
périodes ci-deiïiis font plus ou moins fen-
fîbles , fuivant les fujets & les circonftan-
ces. Quelques-uns font tout-à-coup pris
des fymptomes du fécond , même du troi-
fieme période , fans avoir éprouvé les pré-
cédens ; ce qui vient des tempéramens plus
ou moins forts , des fujets & de la quantité
plus ou moins confidérable d'ergots dont ils
ont fait leur nourriture : les indications à
remplir font différentes , félon l'état & le
période du mal , lorfqu'on eft appelle pour
y remédier.
Dans un fupplément qui eft à la fuite du
mémoire de M. Vétillart , on obferve que
tous les fymptomes de la maladie provenant
du bled ergoté , & les remèdes qu'on y a
appliqués jufqu'ici avec fuccès , montrent
qu'elle n'eft autre chofe qu'une fièvre ma-
ligne avec un point malin ou dépôt aux ex-
trémités , & que ce n'eft qu'en la rangeant
fans danger, parce qu'il peut devenir un poifon pour nous ; mais les expériences par lefquelles on préren-
droit prouver que l'ergot n'eft point pernicieux aux animaux qui enmangert , ne font rien moins que certaines.
Aufii l'avis du bureau d'agriculture du Mans ne manque- 1- il pas de recommander , par un P. S. , de brûler
l'ergot qu'on a féparé par le crible ou de l'enterrer , parce qu'il y auroit du danger à le laiffer manger dans
les baffes-cours par les beftiaux ou par la volatile, & qu'il n'y auroit pas moins d'imprudence à le jeter dans
l'eau, où il pourroit devenir également nuifible aux poiffons. On lit dans la collection académique, que
des poules, auxquelles on n'avoit donné que de l'ergot, rebutent cette nourriture &font reliées trois jours
fans manger, loco citate.
Tome XII.
Bbbbbb
93o E R I
dans la clafîè des fièvres malignes , qu'on
peut !a traiter convenablement. (M. Be-
guillet.)
EllGOT , f m. (Manège , Maréchaller.)
Nous appelions de ce nom un corps d'une
confiftance plus ou moins molle , d'un vo-
lume plus ou moins confidérable dans cer-
tains chevaux que dans d'autres , & d'une
forme vague & irréguliere , qui eft fitué
fur chaque jambe derrière le boulet , & que
le fanon recouvre ; communém ne il a moins
de dureté que la châtaigne , & cecte efpece
de corne eft dénuée toujours de poil. Je ne
fais quelle eft l'intention des maréchaux ,
qui pratiquent fur ce corps une incifion
cruciale , & qui le fendent ainfi dans le cas
des enflures des jambes , des boulets , &
dans celui des eaux , des mules traverfines ,
des grappes , &c. ; ce qu'ils appellent de'fer-
goter. Je ne leur ferai néanmoins aucune
queftion à cet égard , parce que je fuis rrès-
perfuadé que leur réponfe ne préfenteroit
rien de fatisfaifant. Ce dont je ne fuis pas
moins affuré , c'eft qu'une pareille opération
eft inutile , & en pure perte, (e)
ERGOTE , (Vémrie.) un chien eft
ergoté quand il a un ongle de furcroît au
dedans & au deffus du pie.
ERGUET , terme de pêche. Voye\ Fart.
Co.LF.RET.
ÉRIC ou HENRI , (Hijhire de Dane-
marck. ) nom commun à plufieurs princes
du Nord ; quelques hiftoriens de Danemarck
parlent de deux Eric y l'un qui régnoit
vers 846 , l'autre vers 8io, & qui tous deux
s'oppoferent d'abord au progrès de l'évangile,
& finirent par le protéger ; mais comme il
eft douteux qu'ils aient été rois de Dane-
marck, & qu'on a foupçonné qu'ils n'étoient
que d.s princes tributaires de cette cou-
ronne , nous regarderons comme le premier
roi de ce nom celui que quelques chroni-
ques fufpects ne placent que le troifieme.
Eric I, roi de Danemarck. Il étoit le
quatrième des fils de Suenon II. Après la
mort d'Ollaus fon frère , les états le cou-
ronnèrent en 1095 i il fo aux Vandales une
guerre opiniâtre , inonda de fang leur ca-
pitale , la livra aux flammes , ravagea leurs
campagnes , & fit ouvrir le ventre & dé-
chirer les entrailles des prifonniers ; tout
couvert de fang dune nation belliqueule ,
E R 1
il n'ofa punir l'audacieux arcLevêque d«
Brème , qui vouloit aftujettir tout le Dane-
marck à fa junfdi&ion ; il en appella au
pape , & client du faint fiege , alla hum-
blement plaider fa caufe à Rome contre fon
vaffal ; il obtint la canonifation de Canut I Vr
alla vifiter la terre fainte , & mourut en
Chypre l'an 1 105 , après avoir fait beaucoup
de mal à fes voifins , & peu de bien à fes
fujets. L'hiftoire le peint cependant afFable ,
éloquent , libéral , fur^tout envers les gens
egi'.îe.
Eric II, furnommé />/We lièvre & il-
lujire 9 roi de Danemarck. On lui donna le
premier de ces furnoms , lorfque fuyant de-
vant fes ennemis , il erroit de retraites en
retraites , fans fecours , fans amis ; & le fé-
cond , lorfque forti de fon afyle, plus ter-
rible que jamais , il écrafa fes perfécuteurs
au milieu de leurs triomphes. Il étoit fils
d'Eric le Bon ; mais né d'une alliance adul-
tère , il perdit par fanaifïànce les droits que
fes hautes qualités pouvoient lui donner fur
le trône. Canut fon frère ayant été afîàfîiné
par Magnus , fils du roi Nicolas , l'an 1 133 ,
il affembla la nation , cria vengeance , &
le même cri fut répété par les Danois ; on
courut aux armes , & pour venger la more
d'un homme , on en égorgea des milliers.
Eric fut proclamé roi par les Zélandois &
les Scaniens : l'empereur Lothaire appuya
cette révolution ; il efpéioit , en plaçant!; r/c
fur le trône , compter un vaffal de plus
parmi les têtes couronnées , & rendre le
Danemarck tributaire de l'empire. Le nou-
veau roi rechercha avec plus d'empreffe-
ment l'alliance des Norvégiens , plus utile
& moins dangereufe. Avec ces fecours %
il triompha fur mer , tandis que fes troupes
étoient défaites dans la Jtithie ; vainqueur
& vaincu prefque dans le même temps , il
alla chercher un afyle en Norvège. ïl n'y
trouva qu'une prifon ; le roi le fit arrêter ;
mais il fut tromper la vigilance de fes gar-
des , s'échappa , rafîèmbla quelques amis ,
eut bientôt une armée , mit en déroute celle
de Nicolas , & fut reconnu par tout le Dr-
nemarck après la mort de ce prince; il gou-
verna l'état avec fageffe , traita le clergé
avec fermeté , le peuple avec douceur , fes
officiers avec nobleffe ; mais les confeils per-
fides des peftes de cour le rendirent barbare ;
E R I
fl fit périr les enfans de Harald fon frère ,
quoique leur foibîefie fût un garant de leur
innocence , & qu'ils n'eufîènt point trempé
dans les complots que leur père avoit tramés
contre Eric. Celui - ci fut aflaffiné par un
certain Plogh , miniftre de la fureur des
Scaniens révoltés. Ce fut l'an 1138 que fe
cemmit ce régicide.
Eric III , roi de Danemarck , furnommé
Vigneau > ne fuccéda à Eric II que l'an
1140. La force de fon parti abattit les con-
currens à fes pies ; on le conduifît au trône
plutôt qu'il n'y monta lui-même ; il s'y en-
dormit dès qu'il y fut placé , fut le jouet
des prélats , l'efclave de fes courtifans , &
laifïà à Ces minières tout le fardeau du gou-
vernement ; il ne s'occupa que du foin de
fe Kourrir & de fe conferver ; il reconnut
bientôt qu'il avoit manqué fa vocation , &
qu'il étoit deftinl à la vie monaftique. Il
defeendit donc dans un cloître l'an n 44:
mais lorfqu'on lui annonça que la nation
s'afTembloit pour lui nommer un fuccefïeur ,
il en mourut de dépit.
Eric IV, roi de Danemarck, avoit vingt-
cinq ans accomplis lorfqu'il fuccéda à Val-
demar II , fon père , en 124 1 ; il avoit un
cœur droit , un efprit cultivé , des manières
affables , des mœurs fimples , un caractère
doux & pacifique ; refoludene jamais faire
la guerre , il le déclara hautement , & l'on
entendit aufîi-tôt murmurer la noblefîè qui
ne fubfiftoit alors que par les malheurs du
peuple , & tant d'hommes intérefîesà étouf-
fer , par le tumulte des armes , la voix im-
puiflànte des loix : mais bientôt les entreprî-
tes audacieufes de la ville de Lubec le for-
cèrent à prendre les armes ; il les quitta ,
dès qu'il le put , fatisfait d'avoir humilié
cette république. Mais à peine cette guerre
étoit-elle terminée , que fes trois frères lui
refuferent l'hommage qu'ils lui dévoient ,
réunirent leurs forces , & marchèrent contre
lui ; cette guerre fut longue & meurtrière ;
Eric fut enfin toucher le cœur de Chriftophe,
& l'exemple de celui-ci entraîna bientôt les
autres. La paix fut (Ignée , ChriMophe étoit
déjà rentré dans fes domaines. Abel & Canut
rentrèrent aufli dans leurs duchés de Sîef- j
wick & de Blecking , mais à condition d'en
faire hommage au roi. Cependant le perfide
Abel méditoit une vengeance digne de fon
ERÏ 93 r
cœur ; il attire Eric dans fon palais , 6\ au
milieu des carefles que fa faufie amitié lui
prodiguoit , le fait enchaîner & jeter dans
un bateau à la merci des flots ; il y périt
j Tan 1250. Abel jouit du fruit de fon crime ,
1 tint quelque temps le Danemarck dans l'il-
I lufïon , & perfuada à fes crédules fujets
I qu'il étoit le vengeur de fon frère lorfqu'il
en étoit l'afïailin. La vérité fut reconnue ;
Eric fut canonifé en 1256.
ERIC V , furnommé Glipping, parce que
(es paupières étoient fans cefïè en mouve-
ment. Il monta l'an 1259 > \ l'âge de dix
ans , fur le trône de Danemarck, à qui
l'ambition du clergé avoit lait efïuyer, pen-
dant le regne de Chriftophe , les fccouflès
les plus violentes ; les évéques refuferent de
le reconnoître : le pape Alexandre IV pré-
tendit aufîi qu'il perdoit tous Ces droits à
la couronne , s'il ne délivroit l'archevêque
de Lunden, que Chrifrophe avoit fait mettre
dans les fers. Il fembloit finguîier qu'un
roi du Nord eût befoin du fuffiage d'un
pontife Italien , pour obtenir celui de fes
fujets y le clergé fomenta les divifions qui
déchiroient l'état : Eric étoit fils de Chrif-
tophe ; un autre Eric , fils d'Abel , avoit
des prétentions fur le duché de Sle Vick ;
les évéques & les comtes de HolOein le li-
guèrent en fa faveur. On prit les armes ,
on en vint à une bataille ; deux généraux
Danois s'enfuirent lâchement , le roi fut
fait prifonnier , on lui rendit fa liberté ; il
reparut dans le Danemarck ; les deux gé-
néraux qui avoient donné aux foldats l'exem-
ple de la fuite , Yvon & Fingh , périrent
fur un échafaud. Eric , pour défendre fes
états contre de nouvelles irruptions , acheta
du duc de Slefwick , la vilie de Kolding ,
qu'il fit fortifier. Tandis qu'il veilloit ainfi
à la sûreté de (es états , les évéques manœu-
vroient fourdement contre lui ; chaque jour
on découvroit de nouvelles confpirations ;
Eric n'ofoit punir les coupables ; le pape
le menaçoit de fa colère , & le roi fe vit
contraint de prendre le pontife pour juge
entre fes fujers & lui ; ce fut par cette dé-
marche humiliante , qu'il acheta un repos
qu'il confacra tout entier au bonheur de Ces
fujets. Le mariage de fa fœur avec le Mar-
grave de Brandebourg , la tutele des en-
fans du duc Eric P des fecours accordés au
Bbbbbb 2
231 E R I E R I
duc Magnus , les fufFrages du peuple gagnés Ce qu'il y a de plus donnant dans cet évé-
en faveur du jeune Eric à qui la couronne nement , c'eft que ce fut au pape que le
fut afliirée , une alliance contra&ée avec la ; roi appella de la fentence lancée par ce pape
Suéde ; tels furent les foins qui partagèrent même. Ce ne fut qu'en 1303 qu'il reçut
les momens d'Eric fur le trône ; il protégea ' un pardon aufîi humiliant que le châtiment
le commerce , accorda aux habitans de j même. La fituation duDanemarck n'en fut
pas beaucoup plus heureufe ; le roi toujours
en guerre , tantôt avec la Suéde , tantôt
avec la Norvège , quelquefois avec l'am-
bitieux Chriftophe fon frère, fou vent même
menacé par des fcélérats qui en vouîoient à
Déventer & de Harderwik une partie du
territoire de Scanor , confirma les privilèges
de la ville de Lubec , lui en accorda de
nouveaux , lui permit de nommer un préfet
à Scanor & à Falfterbo ; i! fit un code de
police appelle birckeret _, châtia la révolte du j f-s jours, ne connut pendant plufieurs an-
duc de SIefwick , lui donna des fers , & i nées que les chagrins qui afîiegent le trône,
les brifa prefque auiîi - tôt. Il mourut l'an j Malgré toutes ces inquiétudes , fon goût
1286. On ne peut guère lui reprocher que ! pour les fêtes publiques fe réveilla. Il donna
la foibledè qu'il montra dans fes démêlés j des tournois dans la Vandaîie ; la ville de
avec les évêques & la cour de Rome. Il ' Roftoch fut alarmée du concours de princes
fouffi.it que le pape lui écrivît du ton dont 1 que cette fête devoit attirer dans fes murs ;
un fouverain écriroit à fon fujet. j elle refufa fes portes , on ouvrit la lice dans
Eric VI, roi de Danemarck , fils du j les environs; mais à peintes tournois furent
finis, que la ville fut afïiégée. Après une lon-
gue défènfe , elle fut forcée de fe rendre ; le
roi lui donna pour protecteur Henri de
en bas âge , & le roi de Norvège profita j Mecklenbourg ; il conquit enfuite I'ifle de
de fa ioibleiTe pour l'attaquer ; les troubles j Bourbon , accorda fa protection à la ville de
prêts à éclore dans le Danemarck , redou- Stralfund, dont le margrave de Brandebourg
bloient l'audace des Noiwég-ens. Pendant j prétendoit auflî être le protecteur. On fent
la minorité d'Eric y les états cédèrent à j afTez que , fi cette protection n'eût pas été
Valdemar , duc de Slefwick , quelques j payée fort cher par la ville , ces deux princes
précédent Eric _, défigné pour fuccéder à
fon père , fut reconnu par la nation aufîi-
tôt qu'Eric V eut fermé les yeux ; il étoit
domaines de la couronne , entr'autres , les
ifles d' Alfen , d'Arroê & de Fermeren ; dès
qu'Eric put régner par lui-même , il les
réclama , & voila la guerre allumée. Eric
débuta par une victoire navale ; mais les
complots du clergé , les menaces de la cour
de Rome le forcèrent bientôt à conclure
une trêve avec le roi de Norvège , pour
négocier avec l'églife irritée. Son mariage
avec Ingeburge , fille du roi de Suéde , qui,
en lui affurânr l'appui de cette couronne ,
ne fe feroient pas difputé avec tant de vio-
lence le droit de fecourir fes habitants. Le
roi l'emporta ; la protection du plus fort fut
préférée par nécefïité , quoiqu'elle fût la plus
dangereufe. Eric mourut l'an 13 19. C'étoit
un prince généreux, équitable, & quin'abufa
jamais du pouvoir fuprême. Un feul trait
fiimra pour faire connoître fon caractère.
Ayant découvert en 13 12 une confpiration
formée contre fa perfonne , il convoqua une
afïèmblée des états généraux , il y dévoila
auroit effrayé toute autre puiffance, ne parut j tout le projet de cet attentat , nomma les
pas inquiéter le clergé. Boniface Vili étoit ! chefs & même les complices, marqua l'heure
alors fur le faint fïege : cet homme impé- J
rieux s'étoit déclaré le maître & i ennemi j
des rois ; fi la France ne lui eut pas o : pofé i
un Philippe-le-Bel , il auroit difpofi; de
toutes les couronnes de l'Europe. Ce pape
condamna Eric à une amende de quarante-
neuf mille marcs d'argent , pour avoir fait
enfermer un archevêque. Enfin , il l'excom-
munia , lança un interdit fur fon royaume ,
& dégagea fes fujets du ferment de fidélité.
de l'exécution , répandit le jour de la vérité
fur toute cette conjuration , & finit par de-
mander aux états la grâce des coupables.
Eric VII , fils de Chriftophe II , fut
afïbcié par fon père au trône de Danemarck
l'an 1322. Chriftophe , accablé d'infirmi-
tés , vouloit rejeter fur ce prince le far-
deau entier du gouvernement ; mais celui-
ci étoit à peine en état de le partager ;
c'étoit plutôt un foldat qu'un roi , il
E R I
étoit moins miniftre que citoyen ; il dé-
fendit fon père avec beaucoup de courage
contre Tes fujets révoltas ; il fut pris, porta
fes fers avec une noble fierté , & fe montra
plus grand dans fa prifon que fur le trône ;
il combattit avec bravoure à la bataille de
Lohede ; mais toute fon armée ayant été
taillée en pièces , il fuivit la déroute géné-
rale ; malheureufement pour fa gloire , ce
fut dans fa fuice qu'il tomba de cheval : il
mourut de cette chute l'an 1332..
Eric VIII de Poméranie , roi de Da-
nemarck. Il fe nommoit d'abord Henri ; il
étoit fils de Wraciilas VII , duc de Pomé-
ranie , & de Marie de Meklenbourg ; celle-
ci étoit née du mariage de Henri de Mek-
lenbourg avec Ingeburge , fœur de Mar-
guerite , reine de Danemarck. Cette prin-
ceffe , qui avoit réuni fur fa tête les trois
couronnes , de Suéde , de Danemarck &
de Norwege , ayant confulté la nation
Suédoife fur le choix de fon fuccefTeur , on
lui laifTa la liberté de difpofer de fa cou-
ronne en faveur de celui des enfans de
Wratiflas qui lui paroîtroit le plus digne
de la porter. Elle défigna le jeune Henri ,
dont le nom fut changé en celui d'Eric.
Ce prince époufa , l'an 1406, Philippine,
fille de Henri IV , roi d'Angleterre , & fut
couronné roi de Suéde l'an 14.11. Il aimoit
la guerre , & ignoroit l'art de la faire ; à
peine fut-il fur le trône , qu'il prit les ar-
mes contre fa bienfaidrice ; le duché de
SIefwick étoit l'objet de cette querelle ;
les troupes d'Eric furent battues : Ulric de
Meklenbourg fut l'arbitre de ce différent ;
il jugea que la ville de Flensbourg devoir
refter en dépôt entre les mains de la reine ,
jufqu'à ce qu'on eût pefé , plus férieufe-
ment , les raifons des deux partis. Cet
examen devint inutile par la mort de la
reine : Eric fuccéda à fes trois couronnes.
Les premiers jours de fon règne promet-
toient un gouvernement doux & modéré ;
mais ces •j'pJiances s'évanouirent bientôt.
Le roi fit aflembler les états -généraux , &
déclara que les comtes de Hoïftein étoïent
déchus de tous leurs droits fur le duché
de SIefwick , parce qu'ils avoient porté
les armes contre la reine Marguerite , &
qu'ils avoient appelle l'étranger dans le
Danemarck. Il les condamna à reftituer à
E R I 933
I la couronne tous les frais de la guerre.
: Le duc de Brunfwick étoit tuteur des com-
| ces de Holftein ; il foutint avec fermeté les
| intérêts de fes pupilles. Déjà l'armée Danoife
j étoit dans le duché de SIefwick ; mais
'■ elle ne donna pas un combac fans être
: vaincue , n'invertit pas une ville , fans être
; forcée d'en lever le fiege. Contraint à
.offrir la paix , Eric efiuya la honte d'un
refus ; fa fureur s'affouvit fur les malheu-
reux habitans de l'ifle de Femeren , qui
furent maiïacrés fur les ruines de leurs vil-
lages , & fur les cendres de leurs moifîbns.
Eric le repentit bientôt de cette vengeance
atroce ; mais ces remords impuifîàns ne
réparoient point les maux que les foldats
avoient commis. Un traité d'alliance qu'il
conclut avec la Pologne , n'effraya point
fes ennemis. Il leur livra une nouvelle ba-
taille ; ce fut pour eux un nouveau triom-
phe. II courut enfuite l'Allemagne , impor-
tunant toutes les cours de fes plaintes ; il
parut à celle de l'empereur , peurfuivit fa
route jufqu'en Paleftine , & revint pour
être la victime de tous les défordres que
fon abfence avoit caufés. Il fallut repren-
dre les armes & efluyer de nouvelles dif-
graces dans le duché de SIefwick. Eric ,
défefpéré de ne pouvoir faire par lui-même
à fes ennemis tout le mal qu'il leur pré-
paroit , fouleva les habitans des villes de
Vandalie contre leurs magiftrats , renou-
vella fon alliance avec l'Angleterre , & tenta
en vain d'engager cette puiflànce dans fa
querelle. Cependant l'efprit de révolte fer-
mentoit en Suéde ; on reprochoit au roi
des fautes qu'il avoit commifes , on lui en
cherchoit d'autres dont il étoit innocent ;
la domination Danoife devenoit chaque
jour plus odieufe ; les remontrances du
peuple étoient fieres , les réponfes du roi
étoient dures : tout fe fouleva ; Eric vou-
lut parler en Suéde , il fit naufrage ; revenu
en Danemarck , ce prince tenta de nou-
veaux efforts pour châtier les Suédois re-
belles. Les Danois commençoient aufli à
fe laffer de fon joug ; il voulut déflgner
pour fon fuccefTeur Bogilas fon neveu ,
duc de Poméranie. Ce choix irrita la na-
tion ; Eric part , s'enfuit en PrufTè , veut
revenir en Suéde , éprouve encore les ca-
prices de la mer , eft rejeté en Dane-
934
E R I
marck , fe hâte de rafTembler toutes Tes
richefles , s'enfuie dans l'ifle de Gothland ;
on le rapelle en Suéde , il y repaiok , &
on le chafTè , les crois royaumes renoncent
à l'obéifïànce qu'ils lui avoient jurée. Il eft
contraint d'aller dans Pille de Gothland
cacher fon défefpoir & fon infortune. Ses
tréfors le confoloient de tout ; ce tut avec
cette arme qu'il caufa , dans la Scanie &
dans la Fionie , quelques révoltes momen-
tanées ; il employa encore fes richefie-s à ar-
mer des coifaires , qui allèrent ravager
les côtes , écumer les mers , & porter la
terreur jufqu'au centre des états fur lef-
quels il avoir, régné. Ce fut dans fa retraite
qu'il compofa une hifîoire chronologique
des rois de Danemarck.
Cependant Chriftophe de Bavière avoit
réuni fur fa tête les trois couronnes , que
les nations foukvées avoient arrachées au
malheureux Eric. On ne le laifîà pas tran-
quille dans le Gothland ; il fallut l'y atta-
quer pour rendre la liberté au commerce ,
& détruire les pirates qu'il envoyoir fur les
mers ; il fut afîiégé dans Wisby ; fon cou-
rage fe ranima : il fit voir que fi la nature
lui avoit refufé les talens d'un roi , elle lui
avoit au moins donné la bravoure d'un
foldat. La ville fut emportée d'aiTaut , il
fe retira dans la citadelle , le fîege conti-
nua & fut terminé par une capitulation ;
forcé de fortir de Pille de Gothland , il
s'embarqua fur la flotte Danoife ; on lui
offrit dans le Danemarck un féjour agréa-
ble , fi toutefois il en eft pour un fouve-
rain détrôné ; il le rejeta , & ne voulut
point être témoin de la gloire de fon en-
nemi , ni demeurer parmi [es fujets qui
l'avoient perfécuté. Eric retourna en Po-
méranie , où il vécut dix ans encore ; il
ne lui manqua plus , pour être heureux ,
que de perdre le fouvenir de fa grandeur
paiîee. Il mourut l'an 1459 à l'âge de yj
ans. Ce prince étoit plus foible que mé-
chant , plus furieux qu'opiniâtre. Le re-
pentir fuivoit de près les effets de fa co-
lère ; brave , mais ignorant Part de con-
duire une armée ; connoifïànt les intérêts
des puifîànces , mais n'ayant pas étudié le j
cœur humain ; fait pour régner fur un
peuple tranquille , le fardeau de trois cou-
ronnes étoit au defîtis de fes forces. Son
E R I
voyage en Paleftine fut fa plus grande faute
& i'époque de tous fes malheurs. Peu s'en
fallut même que le retour ne lui fût fermé
pour jamais. Il étoit à Bude. Un Syrien le
fie peindre, envoya fon portrait dans fa
patrie , & avertit fes amis que cet homme ,
deguifé fous l'habit de pèlerin , étoit le
plus puiflant roi du Nord. Il fut arrêté
dès qu'il parut en Syrie ; on alloit le traî-
ner devant le fultan. Mais il favoit que
dans Porient , comme dans le nord , le
plus taiouche fatellite n'eft pas infenfible
à l'appât de l'or ; il racheta fa liberté par
fes largefîès. (M. DE SACY. )
ERIC III , furnommé le f âge 9 ÇHifl. de
Sueae. ) roi de Suéde , defeendoit d'une
tamille iiluftre en Norwege. Gother , roi
de cette contrée , qui afpitoit non feule-
ment à s'affranchir du tribut qu'il payoit
au Danemarck , mais même à s'emparer
de cette couronne , l'envoya à la cour de
Frothon III vers le commencement de l'ère
chrétienne. Il devoit examiner les forte-
refîès du royaume , parcourir les côtes ,
épier les lieux propres à la defeente , fé-
duire les courtifans , & former un parti
pour fon maître dans les palais même de
fon ennemi. Eric étoit infinuant , avoit
l'extérieur doux , un langage emmiellé ,
une figure intérefTànte ; fon air de fran-
chife commençoit la perfuafion , fon élo-
quence faifoic le refte. « II venoit difoit-
» il , à la cour de Danemarck pour ad-
» mirer le jeune roi , profiter des Iumie-
» res de fes roiniftres , étudier les progrès
)> des arts , & enrichir fa patrie des con-
» noiffances qu'il venoit puifer parmi les
» Danois. » Frothon fut bientôt pris à
l'appât de fes louanges , & lui donna fa
confiance. Les courtifans ne l'eurent pas
plutôt vu , qu'ils l'eflimerent & jurèrent fa
perte. Grépa offrit au roi de l'affafîîner J
le prince rejeta cette offre avec horreur.
£Wc_,ponr fe venger , aceufa ce minifrre d'un
commerce criminel avec la reine. On ordon-
na un duel : Eric fut vainqueur; mais fi fa
vicloire étoit la feule preuve 62s défordres
de la reine , cette aceufation pouvoit bien
être une calomnie. D'autres guerriers pri-
rent la défenfe de la reine ; Eric combattit
& triompha encore. Frothon fe crut trop
heureux de pofféder à fa cour un tel
E RI
hsmme ; il en fit f->n miniftre : Eric aima
mieux régner en Danemarck fous le nom
de ce jeune prince , que d'être confondu
en Norvège dans la foule des courtifans.
Il rétablit l'ordre dans les finances , donna
aux loix une vigueur nouvelle , rendit
aux armes Danoifes leur premier luftre ;
Frothon paya tant de fervices en lui faifant
époufer fa fœur , & le dépura vers Gother
pour demander , en fon eo.ti , Àlvide ,
fille de ce prince. Gother conçut tout-à-
coup dans (on cœur une paffion violente
pour Gonnara ; c'étoit ainfi que fe nom-
moit l'époufe d'Eric , qui l'avoit fuivi dans
fon ambaifàde. Gother fit à ce miniftre
une propofition qui peint bien les mœurs
barbares de ce fiecle. « Cede-moi ta femme ,
» lui dit-il , & je te donnerai en échange
» pour toi-même cette Alvide , que tu
fi viens demander pour ton maître. » Eric
promit de lui rendre fa réponfe dans peu
de jours ; il profita de ce délai pour enlever
Alvide , & l'amena en Danemarck. Quel-
que temps après , les Huns vrnrent avec
une flotte nombreufe attaquer celle des
Danois ; Eric difperfa , prit ou brûla leurs
vaifïeaux , & ramena prifonnier Olimar ,
leur amiral. Delà , il pafTà en Suéde , ap-
pella le roi Alric en duel , fut blefle du
premier coup , tua fon ennemi du fécond ,
& pour prix de cette victoire , reçut des
mains de Frothon la couronne de Suéde ;
il ne fut point ingrat , il fecourut ce
prince contre les Norvégiens , & lui fit
remporter une victoire éclatante , lui
donna les confeils les plus fages , & du
fein de fes états , gouverna encore ceux
de fon bienfaiteur. Il avoit un frère nommé
Roller. Celui-ci donnoit des efpérances arTez
belles , mais inférieures à celles qu'Eric
avoit déjà remplies. Frothon entreprit de
le placer fur le trône de Norvège , &
réuflit ; mais bientôt fes fujets fe foule-
verent ; Frothon marcha à fon fecours
avec une armée navale , engagea une ac-
tion générale : la victoire balança long-
temps ; elle penchoit vers les Norvé-
giens , Iorfqu\Er/c parut avec quelques vaif-
feaux , & mit les Norvégiens en fuite.
Cependant Frothon mourut , & Eric
n'eut pas , pour les fuccefleurs de ce prin-
ce ; tout le refpeet qu'il avoit eu pour
ERI 93j
lui-même : fous Haral II il fit une irrup-
tion dans le Danemarck , conquit ce
royaume en peu de jours , & le perdit
plus rapidement encore ; il reparut , tomba
dans une embufcade , fut pris les armes à
la main ; le vainqueur offrit de lui IaifTer
la vie & de lui rendre fes états s'il vouîoit
lui payer tribut , & fe reconnoître vailàl
de fa couronne. Eric préféra la mort à
l'ignominie , Haraîd le fit expofer dans un
bois aux bêtes féroces , qui le dévorèrent.
Telle fut la fin de cet homme étonnant ,
dont l'hiftoire eft trop reculée dans les
fiecles de barbarie , pour que tant d'aven-
tures fingulieres puhTent mériter une
croyance aveugle.
Eric IV , roi de Suéde , étoitfils d'Ag-
nius ; il lui fuccéda l'an 188 de l'ère chré-
tienne ; s'il eût été feul fur le trône , il
pouvoit être un grand prince ; mais il fut
forcé de partager le pouvoir fuprême avec
fon frère Alric ; loin de s'occuper du foin
du gouvernement , tous deux ne fongerent
qu'à fe nuire ; après bien des tracafïèries qui
aviliffoient la majefté de leur rang, ils en vin-
rent aux coups, combattirent d'une manière
peu héroïque , & fe tuèrent tous deux.
Eric V , VI , VII & VIII , ne firent
rien de mémorable.
Eric IX , roi de Suéde. Après la mort
de l'infortuné Suercher , afîafîiné vers l'an
ii 49 , les Suédois 6V les Goths s'afîembie-
rent pour élire un roi; les fuffrages furent
partagés. Les Goths , à qui la mémoire du
feu roi étoit chère , proclamèrent Charles
fon fils ; les Suédois couronnèrent Eric y
fils de Jefvard ; cette double élection
alloit former deux royaumes , & féparer
deux nations qui dévoient n'en faire
qu'une ; les fages repréfenterent les fuites
funefles de cette diviflon ; que les deux
rois , nés ennemis l'un de l'autre , fe fe-
roient une guerre opiniâtre ; que les deux ,
victimes de leurs querelles , fe détruiroient
! par leurs propres mains , au lieu de fe réu-
! nir comme ils avoient fait jufqu'âlors pour
la défenfe commune. Leur fentiment fut
approuvé ; mais à une décifion dangereufe
on en fubftitua une plus dangereufe encore.
Eric devoit régner feul fur les deux na-
tions , Charles devoit lui fuccéder , & leurs
defcendants dévoient occuper le trône tour-
9]6 E R I
à- tour ; Eric fubjugua la Finlande , &
prêcha l'évangile l'épée à la main dans fa
conquête ; il crut que cette expédition
fuffifoit à la gloire de les armes. Défor-
mais il s'occupa du bonheur de fes états ;
réunit les anciennes loix dans un feul code ,
connu fous le nom de *S'. Eric lag , c'eft-
à-dire , loi de S. Eric. Il fonda des églifes
& des monafteres ; il détruifit les brigands ,
éclaira les démarches des plus fortunés fcé-
lérats , fut le fléau du vice & l'appui de
l'innocence ; les mœurs & la juftice étoient
alors fi peu refpec"tées , que ce prince équi-
table fut un tyran aux yeux de la moitié
de la nation. Les rebelles appelèrent Sca-
teller , roi de Danemarck , & Magnus fon
fils ; Eric y forcé de combattre avec peu
de troupes contre les forces réunies de fes
fujets & des Danois , voulut mourir en
roi au champ d'honneur. Il s'avança dans
la plaine d'Upfal , la bataille fe donna ,
Eric enveloppé par dix guerriers , fe dé-
fendit en héros , & mourut percé de coups ;
les vainqueurs lui tranchèrent la tête. Ce
fut vers l'an 1160 que ce bon prince périt
viclime de fon amour pour la juflice.
ERIC X , roi de Suéde , étoit fils de
Canut Erifcon. Après la mort de ce prince
vers 1191 , Suercher , fils de Charles , fut
élu ; Eric étoit réfolu d'attendre , d'après
le traité dont nous avons parlé ci-deflus ,
que la mort de celui-ci lui laifsât la cou-
ronne. Mais les Suédois furent plus impa-
tiens que lui ; fatigués du joug de Suer-
cher , ils proclamèrent Eric ; fon concur-
rent pafTa en Danemarck , revint , perdit
une bataille , s'enfuit , reparut encore à la
tête d'une armée , fut vaincu dans le même
lieu , & périt les armes à la main. Quoi-
que couronné par la fortune , deux fois
vainqueur & tout-puifîànt , Eric confentit
à renouveller avec les enfans de fon enne-
mi , le traité qui appelloit les deux familles
au trône tour-à-tour. Ce prince pafTa le
refie de fa vie dans un calme qui fit fon
bonheur & celui de fes fujets. Il mourut
vers lui.
Eric XI , roi de Suéde , furnommé
JLeipfe , éroit fils du précédent. Il étoit
bègue & paralytique : telle eft l'origine de
fon furnom. I! fut fur le trône tout ce
qu'un homme fi difgracié de la nature pou-
E R I
voit être. Il bégayoit fes ordres , maïs il
avoit l'art de les faire exécuter; incapable
d'agir par lui-même , il avoit le coup ci'œil
fur dans le choix dos minières qui agifToient
en ion nom.
La maifon de Folkunger étoit alors fi
puiflànte en Suéde , qu'elle afpiroit au
trône , & ne difïimuloit pas fes préten-
tions ; Eric trop foible pour abattre, par
un coup d'autorité , l'audace de cette fa-
mille , tâcha de la gagner par les bienfaits ;
il maria fes fœurs Hélène & Mirette à Ca-
nut & à Nicolas de Tofta , & époufa lui-
même Catherine , fille de Suenon Folkun-
ger , qui , pour être reine , ne refufa point
d'entrer dans le lit d'un paralytique. Le
roi fe repentit bientôt d'avoir élevé cette
famille ; elle fe forma un parti , fouleva la
nation , & lui mit les armes à la main
contre fon roi. Canut Folkunger étoit à la
tête de la révolte ; il préfenta la bataille à
Eric; la fortune ne fe décida point pour
la bonne caufe ; Eric fut vaincu , s'enfuit
en Danemarck ; & tandis que Canut fe
faifoit proclamer par une multitude infen-
fée , il reparut à la tête d'une armée Da-
noife , gagna une bataille fur Canut , fit
trancher la tête au fils de ce rebelle , força
la nation à rentrer dans le devoir , & re-
conquit fes états ; il fit partir aulli - tôt
Birger-jerl , l'un de fes parens , à la tête
d'une armée , pour foumettre les Trawaf-
tiens ; c'étoientdes peuples de Finlande qui
étoient encore plongés dans les ténèbres
de l'idolâtrie. Mais ces guerriers étoient
d'étranges convertifîeurs. Jamais Mahomet
ne cimenfa d'autant de fang les fondemens
de fa religion C'étoit le fer & la flamme
à la main qu'on annonçoit à ces peuples
innocens un Dieu mourant pour fes enne-
mis. Hommes , femmes, enfans , vieillards,
tout ce qui rejeta l'évangile fut impitoya-
blement mafTacré. Les ruines de leurs mai-
fons leur fervirent de tombeaux , & ce fut
avec ces débris enfanglantés que ces monf-
tres , tout dégouttans de carnage , élevè-
rent des temples au Dieu de paix qu'ils
venoient annoncer. Eric ne fut ni l'auteur
ni le t-moin de cette barbarie; ces hor-
reurs fe paiîerent loin de lui ; il mourut
avant même d'en recevoir la nouvelle Tan
■' 1250, Il ne laifîa point de poftérité.
Eric
E R I
Eric XII , roi d'une partie de la Suéde ;
il étoit fils de Magnus & de la reine Blan-
che : né avec des difpofitions heureufes ,
une ame fenfible, & des talens précoces ,
fon ambition excitée par les flatteries des
courtifans intéreffés à troubler l'état, fit
bientôt de ce prince un fils dénaturé. Il
eut un parti dès qu'il en demanda un. Sa
jeunefîè , fes grâces , tout attiroit les cœurs
de fon côté ; Te peuple courut aux armes :
le jeune Eric } fans remords, fans crainte ,
marcha contre fon père. Magnus chercha
des amis dans le Danemarck ; c'étoit la
refTource ordinaire des fouverains Suédois,
lorfque leurs fujets fe fouîevoient contre
eux : les rois de Danemarck fuivoient auffi
cet exemple, & châtioient l'indocilité de
leurs fujets en armant la Suéde contre les
rebelles. On alloit en venir aux mains, lorf-
qu'Eric _, duc de Mecklenbourg , & Adol-
phe , comte de Holftein , offrirent leur
médiation pour la paix ; elle fe fit , mais
à des conditions très-dures pour Magnus.
On lui laifïbit , il eft vrai , l'Uplande , la
Gothie , le Wermland , la Dalécarlie , la
Gothie occidentale, fille d'Oéland, &
une partie de la province de Halland ;
mais il fut contraint de laiffer à fon fils la
Scanie , le Blecking , le refte du Halland ,
la Smalandie & la Finlande. Ce fut en
I3H <ïue ^ut conclu ce traité, auffi dan-
gereux pour la Suéde , qu'injurieux à l'au-
torité paternelle. Eric jouit peu de fon
ufurpation , il mourut vers l'an 1356; on
ignore le genre de fa mort. PufFendorf
affure , un peu légèrement , que fa mère ,
jaloufe de l'eftime publique que fon fils
avoit fu gagner, le fit empoifonner; on
ne doit point hafarder , fans preuve , des
faits révoltans qui outragent la nature ; les
récits des autres hiftoriens , quoiqu'oppofés
entr'eux , font cependant plus probables :
les uns veulent qu'Eric foit mort naturel-
lement . & que les ennemis de la reine
aient faifi cette occafion de la calomnier ;
d'autres prétendent qu'Eric, devenu im-
périeux & féroce , fut égorgé par fes fu-
jets. Il eft aflèz vraifemblable qu'un prince
qui haïfïoit fon père, n'aimoit pas {es
peuples.
Eric XIII , voye^ ci-defus Eric VIII,
duc de Poméranie , roi de Danemarck ,
Tome XII,
E R I 937
de Suéde & de Norvège , huitième roi
de ce nom en Danemarck , & le treizième
en Suéde.
Eric XIV étoit fils de ce Guftave-Vafa ,
qui fut le deftructeur de l'union de Calmar ,
le vainqueur de Chriftiern II , & le libéra-
teur de la Suéde. Il fuccéda à ce grand
homme fan 1560, & refpecla peu fes der-
nières volontés ; il fit infirmer par les états
tous les articles du teftament qui lui pa-
roifïbient trop favorables à fes frères & à
fes fœurs. Il rendit les* comtés & les ba-
ronnies héréditaires dans les familles ; ces
titres avoient été jufqu'alors attachés à cer-
taines charges. La Livonie étoit le théâtre
de la guerre ; trois parties de cette pro-
vince s'étoient mifes fous la protection de
trois puifîànces , qui y fomentoient les
divifions le plus funeftes : Eric défendit,
contre la Pologne , la ville de Revel , &
la nobleffe d'Efthonie ; les Suédois avoient
encore préfens à leur mémoire les exem-
ples cle Guftave , fon génie fembîoit les
animer ; ils chafferent les Polonois , &
continrent les Danois. Eric fe perfuada
que ce fuccès étoit un titre pour prétendre
à la main de l'augufte Elifabeth , qui gou-
vernoit alors l'Angleterre ; il s'embarqua
pour aller l'époufer , mais les vents le re-
jetèrent fur les côtes de Suéde : iï perdit
bientôt de vue ce projet formé par l'amour
ou par l'ambition, & peut-être par ces deux
paffions à la fois. Ce prince , auffi impru-
dent que volage, voulut gêner le commerce
des villes anféatiques , & les empêcher de
traiter avec la Mofcovie : Frédéric , roi de
Danemarck , défefpérant de récablir jamais
l'union de Calmar , voulok au moins ra-
vager des états qu'il ne pouvoit conquérir.
II déclara la guerre au roi de Suéde ; ces
deux nations ne manquoient point de pré-
textes pour s'entr'égorger ; quand il n'y
avoit point de différents nouveaux , on ré-
veilloit les anciennes querelles. Au milieu
de ces troubles défaftreux , Eric s'occupoit
de projets galans , ofTroit fon cœur tour-à-
tour à Marie , reine d'EcofTe , à la princeflè
de Lorraine , fille de Chriftiern II , & par
un penchant irréfiftible, rerournoit à la
reine Elifabeth. Tandis qu'il nouoit ces in-
trigues & qu'il effuyoit des refus , la Mot
covie , la Pologne & le Danemarck f§
Cccccç
9)8 E R I
liguoient contre lui, & fon frère Jean épou-
foic une princefTe de Pologne. Eric tenta
en vain de décacher le Danemarck de cette
ligue ; fes ambaffadeurs furent arrêtes à
Copenhague. Le roi devint furieux à cette
nouvelle, & ce délire ne fut pas un trans-
port momentané'. Réfolu de Sacrifier fon
frère , il le fit affliger dans le château
d'Aboo ; après une défenfe de trois mois ,
ce prince fut pris , conduit à Stockolm &
condamné à perdre la tête comme rebelle ;
Eric lui accorda la vie , mais il le con-
damna à languir dans uneprifon perpétuelle,
fit périr plus de cent de fes domefliques ,
condamna aux mines ou bannit pour jamais
le refte de fes partifans. La vie de l'infortuné
Jean n'étoit pas en fureté dans fon cachot;
'Eric croyoit àl'aftrologie judiciaire ; de mi-
férables charlatans s'efforçoient de lui per-
fuader que fon frère devoit un jour lui don-
ner la mort, & fa crédulité penfa lui faire
commettre un fratricide. Une victoire na-
vale remportée fur les Suédois n'effraya point
Frédéric : la guerre continua. Ericy toujours
impatient de fe marier , envoya des am-
bafTadeurs en même temps à la cour de
HefTe & à celle de Londres ; les lettres fu-
rent interceptées , & les. deux rivales con-
çurent un mépris égal pour ce prince.
Cependant la réputation des armes Sué-
doifes commençoit à fe rétablir; l'amiral
Nicolas Horn remporta de grands avanta-
ges, prit, difperfa ou fit périr plusieurs ef-
cadresDanoifes;tout le nord delà province
de Halland fut conquis , on fe livra , fous
les murs deWarberg, un combat opiniâtre ,
où huit mille hommes relièrent fur le champ
de bataille, fans qu'aucun des deux partis
put fe flatter d'être vainqueur. Cependant
la pefte caufa des ravages déplorables dans
l'armée Suédoife ; d'un autre côté la Aorte
Danoife alla fe brifer fur les côtes de fille
de Gothland , & couvrit le rivage de fes
débris : Eric dans la capitale , effrayoit fes
ftijets par des actes de Cévérité les p!u5 im-
pofans ? il fit traîner Nils-Sture avec igno^
minie dans les carrefours de Stockolm
pour n'avoir pas , difôit-i! , montré affez de
courage dans un combat. Son defïèin éroit
d'avilir ce feigneur , que fa naifïance , fon
crédit, fesrichefies,fonambifion rendoient
tfongereux. Couvert de honte & de ridicule ,
E R I
il perdit en un jour tout Pafcendant qu'il
avoit fur l'efprit du peuple.
Ce coup d'erat indifpofa la nation : le
penchant du roi pour des femmes nées
parmi le peuple, la facilité avec laquelle il
fut la dupe d'un fourbe obfcur qui venoit ,
difoit-il , au nom des Norwégiehs lui fou-
mettre ce royaume ; la foi robufte qu'il avoit
pour l'aftroiogie , quelques accès de délire
qui troubloient fa raifon , la pitié qu'infpi-
roit le duc Jean toujours captif, la dureté
avec laquelle le roi perfécuta la famille de
Nib-Sture,îa bafîeiTe qu'il montra en lui
demandant pardon , la mort de ce feigneur
afTaiTiné de la main du roi mime , la gran-
deur d'ame avec laquelle cet infortuné retira
le poignard de fa plaie , le baifa & le rendit
au roi ; enfin , le précepteur 8 Eric maffacré
par les ordres de ce prince pour lui avoir
reproché fon crime ; tant de motifs réunis
révoltèrent tous les cœurs. Eric odieux à
lui-même comme à Ces fujets , déchiré de
remords , s'enfuit , erra dans la campagne ,
& fut ramené dans fon palais par fa maîtrefïè
Catherine , fille du peuple , qu'il avoit en-
levée dans un marché pour la placer fur fon
trône. Il crut regagner les cœurs aliénés en
brifant les fers de fon frère ; il exigea de
lui un ferment de ne jamais afpirer à la
couronne. Le peuple parut en effet voir
Eric d'un œil moins ennemi; mais le meurtre
de Martin Helfmg , qu'Eric tua pour avoir
. ofé lui confeiller de fe livrer moins à fon
favori Joran Peerfon ; la puiffance abfolue
qu'il accorda à ce nouveau parvenu , firent
une nouvelle révolution dans les efprits.
L'étendard de la révolte fut levé ; les chefs
étoient les ducs Jean & Charles , frères du
roi , Steen Ericfon & Thurebielk. Ils cou-
rurent de conquêtes en conquêtes , toutes
les villes leur ouvroient leurs portes , toutes
les troupes â'Eric défertoient pour paffèr
dans leur camp ; enfin , ce prince fut afîîége
dans Stockolm ; fes défenfeurs étoient fes
plus grands ennemis; ils livrèrent la capitale
aux rebelles ; Eric s'enfuitdans le ohâfeau;
forcé de fe rendre, il vit tous les ordres de
l'état renoncer à la fidélité qu'ils lui avoient
jurée , & fut reconduit prifonnier dans le
château. Jean fut donc reconnu Tan 1 568 ;
Eric vécut dix ans dans fa prifon ; il tenta
' plus d'une fois de. s'évader. Une nation
E R I
fenfibîc oublia bientôt les crimes de ce
prince , & ne vit que fes malheurs ; la com-
paflion fuccéda à la haine , les querelles de
religion formoient des partis dans l'état :
quelques efprits remuans partaient de re-
placer Eric fur le trône ; Jean fon frère le
fit empoifonner l'an 1 578 ; ce qu'il y a de
plus étonnant , c'tft que les principatsx fé-
nateurs y confentirent; fon cadavre fut ex-
pofé à la vue du peuple , de peur que quel-
que fourbe, profitant de quelques traits de
reffemblance , ne vînt fous le nom d'Eric y
ameuter le peuple. Telle fut la fin déplo-
rable de ce prince qui feroit regardé comme
un monftre , fi fes crimes avoient été ré-
fléchis ; quand fon fang s'allumoit, il n'étoit
plus le maître de fes tranfports, & pour
l'honneur de l'humanité , il vaut mieux le
croire fou que méchant. CM. de Sacy.)
$. ERICHTON , ÇAftron.) nom que
l'on donne quelquefois à la conftellation
du cocher. Cet Erichcon étoit , non le fils
de Dardanus , mais un roi d'Athènes qui
fut déifié comme l'inventeur de plufîeurs
arts utiles , & fur-tout de celui des chars :
c'eft celui dont parle Virgile dans les vers
fuivans :
Primus Erichthonïus currus & quatuor au1, ut
Jungere equos , rapidifque rôtis infiftere riHor.
Ceorg. III. 113.
ERICHTHONÏUS y Ç Aftron.) nom
d'une conftellation aftronomique , qui eft la
même que le cocher, auriga. Voye[ Co-
cher. (O)
ERIDAN , f^/rVo/O conftellation mé-
ridionale que l'on appelle aujffi Padus y le
Pôy Nilusy mehy gijon, mulda & oceanas.
Phaëton fils du foleil , fi célèbre dans
l'antiquité , s'appeîloit d'abord Eridan ; il
donna fon nom à un grand fleuve d'Italie,
où il avoitété , dit- on , noyé après fa chute ;
& comme les Egyptiens rendoient au fleuve
du Nil une efpece de culte , on a auiTi pré-
tendu que c'éroit ce fleuve bienfaifant dont
iîs avoient voulu confscrer l'image parmi
les aftres , & qne les Grecs avoient tranf-
porté à leur hifroire. Cette confîellation
contient 56 étoiles dans le catalogue de
M. de la Caille : la plus belle * ou echernar
eft de première grandeur ; forr afcerffion
E R I 939
droite en 17^0 , étoit de i2d 5' 44" , &:
fa déclinaifon 58d 30' $0" méridionale
(M. de la Lande.)
ÉRIDAN , f. m. (Gtogr.) ancien nom
du Pô, que Virgile appelle le roi des fleuves
C Géog. liv. I y q8z ). Les «poètes l'ont
rendu célèbre par la fable de la chute de
Phaëton. Vqyei la peinture de Lucain dans
fa Pharfale de la traduction de Brébeuf,
qui eft un bon morceau dans cet endroit.
Voye\ le diclionn. de Trévoux. Article de
M. le chevalier de J au court.
ÉRIE , C Géogr. mod. ) grand lac du
Canada , d'environ 300 lieues de circuit.
^* ËRIENS, f. m. pi. (Hift. eccléf.)
hérétiques ainfii nommés d'Erius l'ancien",
qui vivoit fous Vaîentinien I , l'an 349 de
J. C. Il prétendoit qu'il n'y avoit aucune
différence entre un évêque & un ancien ;
que les évcques ne pouvoient conf-'rer l'or-
dre ; que la prière pour les morts étoit
fuperflue ; qu'il ne falloit prefcrire aucun
jeûne ; & qu'il ne falloit laifTer approcher
de la fainte cène , que ceux qui avoient:
abfolument renoncé au monde.
ÉRIGER , v. ad. terme qui dans Varc
de bâtir y fîgnifie élever; ainfion dit, ériger
un mur , ériger un pan de bois , &c.
ERIGNE ou AIRIGNE , f. f f. petit
inftrument de chirurgie y terminé par un
crochet , dont on fe fert pour élever &
foutenir des parties qu'on veut difféquer ,
afin de les couper plus facilement.
Il y a des érignes fimples qui n'ont
qu'un crochet , & des double* qui en ont
deux.
Cet inftrument eft compofé de deux
parfie%, de la tige & du manche. La tige
eft une pyramide d'acier , exactement cy-
lindrique , qui a environ trois pouces de
long ; fon extrémité poftérieure eft une
mitre qui eft ordinairement appuyée fur
uii manche; du milieu de la mitre, &
du côté poftérieur, qui eft plane & limé
grofïiérement , il s'élève une foie quarrée ,
d'un pouce &z demi de haut , qui s'ajufle
dans le manche , & y eft fixé avec du
maftic.
L'extrémité .intérieure eft une efpece
d'aiguille recourbée , crochue , &' fort
pointue : dans Yérigne double , c'ell une-
fourché ou doublé crdcnert
Cccccc 1
940 E R I
Cet inftrument eft monté fur un manche
d'ébene ou d'ivoire , qui peut avoir fix
lignes de diamètre* dans l'endroit le plus
large , & trois pouces de longueur; il eft
fait à pans , pour préfenter plus de furface ,
& être tenu, avec plus de fermeté.
Cet inftrument donne la facilité de difîe-
quer , & d'emporter de petites glandes
gonflées , qui ont échappé à l'extirpation
d'une grofte tumeur ; il eft aufti d'ufage
dans l'opération de I'anevrifme , pour fou-
lever l'artère , afin d'en faire la ligature ,
fans y comprendre le nerf & la veine. On
peut fe fervir aufîi d'une érigne d'argent ,
dont la pointe foit moufTe dans l'opération
de la hernie , pour faire Fincifion du fac
herniaire , &c. Cet inftrument fertplus en
anatomie qu'en chirurgie ; il convient fur-
tout pour foulever le filet nerveux dans
la diftèclion de ces parties. Voye\ les fig. $
& 20 y planche XXVI (Y)
ERIGONE, (Aftron.) nom que l'on
donne àlaconftellationde la vierge. Voyei^
Vierge , (Aftr.) (M. de la Lande)
ERINACEA. f. ZfHift. nat. bot.)
genre de plantes qui différent du genifia-
Jpartium , en ce qu'elles font chargées
d'épines. Tournefort , infi. rei. herb. Voye\
Plante. (I)
ERÏNACEUS, f. m. (Hifi. nat. bot)
genre de plante qui ne diffère à\ipolyporus>
que parce que la partie inférieure du chapi-
teau eft découpée en petites dents longues
& cylindriques , auxquelles tiennent des
femences rondes ou arrondies. Nova plant,
amer, gêner. &c. par M. Micheli. (I)
ERISSO , ÇGéogr. mod.) ville de Ma-
cédoine, dans la Turquie Européenne.
ERISSON , RISSON , GRAPPIN ,
f. m. (Marine.) c'eft une ancre à quatre
bras , dont on fe fert dans les bâtimens
de bas- bord, & dans les galères. (Z)
ERISTALIS, f. î.(Uifl.nat.) pierre
dont parle Pline , liv. XXXVII y ch. x;
il dit qu'elle eft blanche , & quand on
la tourne ou incline , elle paroît prendre
une nuance rougeâtre; c'étoit apparem-
ment une efpece d'opale. Voye\ Opale.
ERIVAN, (Géog.) autrement CHIR-
VAN , grande ville d'Afîe dans la Perfe ,
fur la rivière de Zengui , & capitale de
l'Arménie Perfienne , depuis que Cha-Sefi ,
E R M
roi de Perfe , l'enleva aux Turcs en 163^ :
eHe eft le fiege d'un patriarche Arménien.
M. Chardin a mieux connu Erivan y
qu'aucun de nos voyageurs , fuivanc la
remarque de M. Tournefort. Sa long, eft
&3 i z5i lat- 4° > *°- Elle eft bâtie fur une
colline , & toute remplie de jardins & de
vignes , qui produifent de très - bon vin.
Le kan ou gouverneur y vient feulement
quelquefois fe rafraîchir au fort des cha-
leurs, dans des chambres qui font conf-
truites fous le pont de Zengui : fon gou-
vernement lui vaut vingt mille tomans, &
paffe pour un fi beau pofte , que les habitans
du pays ne connoiffent rien au defïus. C'eft
fans doute par cette raifon qu'une femme
$ Erivan , qui avoit obtenu une grâce du
roi de Perfe, lui fouhaira mille fois, dans
les bénédictions qu'elle lui donna , que le
ciel le fît gouverneur à' Erivan. Article de
M. le Chevalier DE J AU court.
ERKELENS , ÇGéog. mod.) ville du
duché de Juliers en Aiface L0112. 2.4. 8;
lat. $1 , 6.
ERLACH , ( Géog. mod. ) ville du can-
ton de Berne , dans la Suifle.
ERLANG , ( Géog. mod. ) ville du
cercle de Franconie , en Allemagne ; elle
appartient au marquifat de Culemback , &
elle eft fituée fur la Regnitz. Long. z8 y
41; lat. 49, 38.
ERMELAND, (Géog. mod.) petite
contrée du Palatinat de Marienbourg , en
Pologne.
ERMES ou HERNES , adj. (Jurifr.)
terres ermes y font des terres défertes &
abandonnées fans aucune culture : ce mot
paroît venir du latin eremus y qui fignifie
déjen y d'où on a fait herema > dont il eft
parlé dans la loi 4, au code de cenjlbus.
Papon les appelle aufîi prcedia herema; &
la coutume de Bourbonnois, terres hermes 9
en Part. 53/ , fuivant lequel les terres
hermes & les biens vacans font au feigneur
jufticier. Il y a cependant de la différence
entre les terres ermes & les biens vacans :
les premières font des terres en friche &
déCertes , dont ort ne connoît point le der-
nier poftèfîèifr ; au lieu que les biens va-
cans font des biens qui ne font réclamés
par perfbnn* , comme une fucceffion va-
cante. (A)
E R N
ERMIN,f. m. (Comm.) c'eft ainfi
qu'on nomme dans les échelles du Levant ,
& particulièrement à Smyrne , le droit de
douane que l'on paie pour l'entrée & la
fortie des marchandifes. Les François ont
payé longtemps cinq pour cent de droit
â'ermin, tandis que les Anglois n'en payoient
que trois. Mais en vertu des capitulations
entre la France & la Porte , renouvellées
par M. de Nointel en 1673 , ce droit a
Àtè réduit à trois pour cent en faveur des
François , & de ceux qui vont au Levant
fous la bannière de France. On paie outre
cela un droit qu'on appelle le droit doré ,
qui va environ à un quart par cent. Diction,
du Comm. & de Cliambers. ( G )
ERMINETTE, f. f. ( Menuiferie. )
efpece de hache un peu recourbée , à l'ufage
des menuifiers ; ces ouvriers s'en fervent
pour dégroffir leur bois.
ERNAGIUM,(Géogr. anc.)?to\omêe
place ce lieu parmi les villes des Salyes :
l'itinéraire de Bordeaux à Jérufalem marque
Vin , à compter d* Arelate, celui d'An-
tonin vu , & la table Théodofienne vi
milles feulement. Il eft placé entre Gianum
& Arelate ; ce Gianum auquel Pline
ajoute le nom de Livii, n'eft point S. Rémi
en Provence , comme le dit M. d' Anville ,
& prefquetous les géographes; mais il étoit
fur un coteau au fud , à près de demi-
lieue de cette ville , où font deux beaux
monumens antiques que j'ai vus avec admi-
ration en .1769 , & où l'on remarque des
reftes de la voie Romaine ; M. de Valois
fe trompe encore plus , en plaçant Gianum
à Lanfac , entre Tarafcon & Arles. Pour
Emagium entre Arelate & Gianum , ce
n'eft ni Orgo ni Vernegues y comme l'ont
cru quelques auteurs ; ils font trop éloignés
d'Arles , & ne font pas fur le chemin an-
cien qui conduit de Cavaillon à Arles , en
pafîànt par Gianum : c'eft plutôt Saint-
Gabriel dans les environs d'Arles , du côté
qui tend vers Saint-Remi: on y a trouvé une
ancienne infeription rapportée par Scaliger
dans fes notes fur AuÂTone , où il eft fait
mention des Ernanginenfes : & focus Ar-
naginenfis eft mentionné dans la vie de
Saint - Céfaire d'Arles , citée par Honoré
Bouche. Voyei Not. Gai. d'Anville , pag.
sl$z > & le cinquante - neuvième vol. des
E R O 941
mém. Acad. des Belles-Lettres 3 /dit. in- 1 z 9
z773>P*g- &3?>CC0
ERNEE , ÇGe'ogr. mod.J ville du Maine
en France ; elle eft fituée fur la rivière qui
porte le même nom.
* EROMANTIE,f. f. (Divination.)
c'étoit une des fix efpeces de divination ,
pratiquée chez les Perfes ; elle fe faifoit par
le moyen de l'air. Voye[ Divination.
EROSION, f. f. (Médecine.} C'eft
une forte de folution de continuité , qui
fe fait imperceptiblement , & en détail ,
dans les parties folides du corps humain ,
par une chofe acre & mordicante , appli-
quée extérieurement ou intérieurement ,
qui eft d'une activité moyenne entre les
déterfifs & les cauftiques ; c'eft-â-dire , plus
pénétrante que les premiers , & moins
violente que les derniers ; les poifons , les
humeurs même de notre corps , qui dé-
génèrent & acquièrent de femblables qua-
lités , telles que la bile , l'urine , rendues
acrimonieufes ; Yérojion eft la même chofe
que la correjîon, que la diabrofe y huÇpôrts.
V&yei Corrosion, Diabrose,
&c (d)
EROSION , (Chirurgie. ) maladie des
dents , qui confifte dans l'inégalité de leur
émail. Cette maladie eft fort différente de
la carie , en ce que celle-ci eft un ulcère
en l'os ( voye\ Carie), & que vércfwn
n'eft formée que par des tubercules & des
enfoncemens à l'émail.
M. Bunon , chirurgien dentifte à Paris ,
& de mefdames de France , qu'une more
prématurée a enlevé au public , s'étoit
donné des peines & des foins incroyables
pour faire des obfervations utiles fur les
maladies des dents. Il avoit obfervé la
naiffance & les progrès des dents , avec tout
ce qui pourroit y avoir le moindre rapport ,
depuis le germe dans le fœtus jufqu'à l'âge
le plus avancé. Un travail long foutenu
par beaucoup d'ardeur & d'émulation pro-
duifit plufieurs découvertes , & entr'autres
celle de Yérojion. L'auteur a prouvé par
beaucoup de faits , que Yérojion étoit caufée
par les maladies de l'enfance , telles que la
petite-vérole, la rougeole , le rachitis , &c.
& que ces maladies ne faifoient imprefîion
que fur les dents qui étoient alors renfer-
mées dans leurs alvéoles. Ainfi , fi l'on
94i ERO
etoit exa& fur le choix des nourrices, on eVi-
reroic ou on éloigneroit la plupart des ma-
ladies qui tourmentent fi cruellement l'en-
fance , maladies d'où provient néceflàire-
ment la mauvaife qualité des dents , qui
prépare aux enrans un enchaînement de
douleurs pour toute la fuite de leur vie.
La carie eft l'effet ordinaire de Yerojion :
il eft cependant reftreint à certaines cir-
conltances : la qualité des dents , leur plus
eu moins de folidité , les impreflions plus ou
moins tortes que Yérofwn a faites , & l'ar-
r.ingement des dents donnent plus ou
moins lieu à la carie ; car celles qui font
ferrées , mal en ordre , & difpofées de ma-
nière à retenir certaines portions de limons,
eu les reftes de quelques alimens acres ou
acides , y font constamment les plusfujettes.
Quand ces difpofitions n'ont pas lieu , fi
Yerojion n'eft que Superficielle, fes impref-
fions peu profondes ( fur-tout fi les dents
en font exemptes , ou foiblement atteintes
dans leurs parties latérales ) , elles retiennent
difficilement ces particules de limon ou
d'alimens qui les font carier. Si la carie
vient à s'y former , elle fera bien moins de
progrès , principalement fur les grofîès mo-
laires & fur celles qui remplacent les mo-
laires de lait , pourvu néanmoins qu'on ait
eu l'attention d'empêcher la communica-.
tiondes dents de lait cariées fur ces fécon-
des dents.
M. Bunon , à la première infpection d'une
dent marquée d'erojion , difoit avec certi-
tude , en fuivant les principes & le temps
de la dentition , que la perfonne avoit eu
une maladie à tel âge , parce que fes ob-
fervations lui avoient fait connoître que
Yerojion étoit toujours une affeclion du
^erme de la dent , par une maladie fur-
venue dans le temps qu'elle étoit encore
dans l'alvéole. Cela eft d'une grande utilité
pour la pratique : aux exemples que l'au-
teur en a donnés dans fes deux trairés fur
les maladies des dents , j'en ajouterai un
qui me regarde perfonneîlement. La carie
d'une féconde petite molaire de la mâchoire
fupérieure m'obligea d'avoir recours à
M. Bunon : avant d'en faire l'extra&ion ,
il me dit que cette dent avoit fouffert de
Yerojion , & que la carie avoit été un effet
de l'altération de la furface émaillée de la
ERO
dent ; il ajouta que les dents Ce formant
ordinairement par paire , il appréhendok
que la pareille du côté oppofé n'en tûc
pareillement altérée ; il avoit raifon , &
par le moyen d'une petite fonde fi me fit
fentir que malgré fa bonté apparente il y
avoit un commencement de corrofion. H
me conferva cette dent , en enlevant au
moyen de la lime la carie qui n'étoit que
fuperflcielle , & qui continuant à faire du
progrès , ne fe feroit manifeftée que par
des douleurs cruelles , dont l'extraction de
la dent auroit été l'unique remède.
Les limes qui fervent à détruire les caries
fuperficieiles , font gravées , Plane. XXV*
fiS- 8. (Y)
* EROTIDES ou EROTIDIES , adj.
pris fubft. ( Mytk.) fêtes & jeux inftitués
en 1 honneur de l'amour. Les Thefpiens les
célebroient tous les cinq ans , avec magni-
ficence & foîemnité.
EROTIQUE , chanfon , ( Poefie. )
efpece d'ode anacréontique , dont l'amour
& la galanterie fourniflènt la matière. Rien
n'eft plus commun dans notre langue que
ces fortes de chanfons , & l'on peut afîurer
que nous en avons de parfaites. Nous vou-
lons que les penfées en foient fines , les
fenrimens délicats , les images douces , le
ftyle léger , & les vers faciles. La fubtilitel
des réflexions , la profondeur des idées ,
& les tours trop recherchés , y font des
délàuts ; l'efprit & l'art n'y doivent point
paroitre , le cœur feul y doit parler. La
chanfon erotique tire encore un grand agré-
ment des images , & des faits mytholo-
giques que l'auteur y fait répandre avec
goût. C'eft même dans la délicarefîè de leurs
rapports & des aîlufiorrj , que confifte prin-
cipalement la finefte de fon art. Une fiction
ingénieufe qui raffembleroit tout cela fous
un feul point de vue , rendroit une chanfon
de cette efp.ee beaucoup plus intérefTante ,
que celle dont les penfées détachées n'au-
roient pas cette incime liaifon. Quelques-
uns de nos poètes ont eu le talent de réunir
toutes les grâces dont nous venons de
parler , & nous ont donné des chefs-
d'œuvres en ce genre. Article de M. le
chevalier de Jav COURT.
Erotique (Mélancolie.) Voye^Jhlt-
LANCOLIE.
E R O
EROTIQUE, adj. (Médecine.) de tfot,
amour , d'où a été formé ipoltx.&'i c'eft
une épithete qui s'applique à tout ce qui a
rapport à l'amour des fexes : on l'emploie
particulièrement pour caractérifer le délire ,
qui eft caufé par le dérèglement , l'excès
de Pappitit corporel à cet éjard , qui fait
regarder l'objet de cette pafuon comme le
fouverain bien , & fait fo.ihaiter ardem-
ment de s'unir à lui ; c'eft une efpece
d'affeâion mélancolique , une véritable
maladie , c'eft celle que Willis appelle
troio-mania > & Sennert , amor infanus.
On diftingue l'amojr infenfé d'avec la
fureur utérine & le fatyriafis , qui font aufti
des excès de cette pafîion, en ce que ceux
qui font affectés de ces derniers ont perdu
toute pudeur ; au lieu que les amoureux
en ont encore , fouvent même accom-
pagnée d'un fentiment très - refpedueux ,
quelquefois déplacé.
Le délire erotique a diflFérens degrés ;
quelques-uns de ceux qui en font affe&és
aiment paflionnément un objet , dont ils
ne peuvent pas fe procurer la jouifïànce ;
cependant ils confervent la raifon , 6c fen-
tent parfaitement l'inutilité de leur pafîion ;
ils avouent leur égarement fans pouvoir
s'en corriger , parce qu'ils font portés
malgré eux à s'occuper de l'objet de leurs
defirs impuifîàns , par la caufe de leur mé-
lancolie amoureufe Çvoye^ MÉLANCOLIE
en général) : ils éprouvent toutes les fuites
de cette maladie , ne penfent ni à manger
ni à boire , ils refufent de fubvenir aux
befoins les plus preffans , & ils périfîènt ,
en fe voyant périr , fans pouvoir fe défendre
de l'affe&ion d'efprit qui les entraîne au tom-
beau. D'autres refîentent cette pafîion d'une
manière encore plus fâcheufe ; ils font
agités , tourmentés jour & nuit par les
inquiétudes , les chagrins , la triftefîe , les
larmes , la jaloufie , la colère même , &
la fureur , fenrimens auxquels ils fe livrent ,
en réfléchiflant fur leur malheureufe pafîion;
& il arrive fouvent qu'ils perdent l'efprit &
qu'ils fe donnent la mort lorfqu'ils défef-
perent de pouvoir fe fatisfaire : & au con-
traire lorfqu'ils s'imaginent qu'ils feront
heureux , & que leurs defirs feront rem-
plis , ils fe laifTent aller à des fentimens
de contentement , de joie immodérée ac-
E R O 943
compagnée de grands éclats de rire , lors-
qu'ils font feuls ; & quand ils fe trouvent
avec d'autres, ils tiennent à ce fujet ces
propos extravagans : ils s'expofent fouvent
à des dangers , dans Pefpérance de mettre
ie comble à leur bonheur.
On trouve une très - belle defcription
des effets de l'amour exceffif dans Plaute ,
in Cifiel. acl, ij y fcen. z ,• divers auteurs en
ont anfti donné de très-exades, tels que Paul
Eginete , lib. III y de re medicâ y c. xvij ;
Gaîien , lib. de prcecogn. ad pqfih. cap. vj ;
Valere- Maxime , Amatus Lufitanus , \ ?-
leriola , Sennert , Qc. On trouve dans
Tulpius un exemple d'érotomanie, qui avoit
jeté le malade dans la catalepfie : Manget
fait mention d'un amoureux phrénétîque
avec fièvre violente.
L'amour démefuré ne s'annonce cepen-
dant pas toujours par des fignes évidens ,
il fe tient quelquefois caché dans le cœur ;
le feu dont il le brûle , dévore la fubftance
de celui qui eft affeclé de cette pafîion ,
& le fait tomber dans une vraie confomp-
tion : il c$ difficile de connoître la caufe
de tous les mauvais effets qu'elle produit
en fîlence. Tout le monde fait comment
Erafiftrate connut l'amour d'Antiochus pour
Stratonice fa belle-mere ; en touchant le
pouls à l'amant en préfence de l'objet de
fa pafîion , l'émotion trahit fon fecret : on
peut de même découvrir la véritable caufe
d'une maladie produite par l'amour ,
lorfqu'on foupçonne cette pafîion , en par-
lant au malade de tout ce qui peut y avoir
rapport , & de la perfonne que l'on peut
croire y avoir donné lieu. Le changement
fubit du pouls , l'inégalité, l'altération des
pulfations de l'atrerequi fe font fentir alors ,
décèlent infailliblement le fecret de l'ame ,
fur-tout lorfque le pouls devient tranquille
après qu'on a changé de converfation.
On voit , par tout ce qui vient d'être
rapporté , tous les défordres que produit
dans l'économie animale la folie de l'amour ;
elle conftitue par conféquent une forte de
maladie très - dangereufe , fur - tout Iorf-
qu'elle eft portée à un certain degré d'excès ,
où les remèdes moraux , c'eft - à - dire , la
raifon , les réflexions , la philofophie , la
religion , ne font d'aucun fecours , tous
autres remèdes étant employés pjefqu'à.
944 E R R
pure perte dans cette affection. On peut
cependant tenter l'effet de ceux que la
pharmacie peut fournir de plus convenables
à rendre le calme à l'efprit , en appaifant
l'agitation des humeurs ; tels font les ra-
fraichiilàns , les adouciffans , comme le lait ,
les emulfions des femences froides , les
ti fanes appropriées , les bains , les anodins :
les préparations de plomb mifes en ufage
avec prudence, peuvent auiïi produire de
bons effets , comme étant propres à engour-
dir l'appétit vénérien : on doit accompagner
ces remèdes d'une diète très-févere : les
fâignées & les purgatifs peuvent auffi trou-
ver place dans ce traitement , félon les
différentes indications qui fe préfentent ,
tirées de l'âge , du tempérament , de la
force du malade. Voye\ AMOUR , PAS-
SION , MÉLANCOLIE, (à)
EROTYLOS , f. m. ÇHift. nat.) pierre
fabuleufe dont Démocrite , & Pline d'a-
près lui , vantent l'ufage dans la divina-
tion. Voye\ Divination.
ERPACH, (Géogr. mod.) château du
cercle de Franconie , en Allemagne. Long.
ERPSE , f. f. Voyei y ci-devant y ErÉ-
SIPELE.
ERRATA y f. m. terme de Littérature
& ft Imprimerie y qui fignifie une lifte
qu'on trouve au commencement ou à la
fin d'un livre , & qui contient les fautes
échappées dans l'impreffion , & quelquefois
dans la composition d'un ouvrage. Voye\
Imprimerie.
Ce mot eft purement Latin , & fignifie
les fautes y les méprifes ; mais on l'a fran-
che , & du pluriel latin on en a fait en
notre langue un finguîier : on dit un errata
bien fait.
Lindemberg a fait une differtation par-
ticulière fur les erreurs typographiques ou
fautes d'impreflion , de erroribus typogra-
phie! s Il en recherche les caufes , & pro-
pofe les moyens de prévenir ces défauts ;
mais il ne dit rien fur cette matière , qui
ne foit ou commun ou impraticable. Les
auteurs , les compofiteurs , & les correc-
teurs d'imprimerie , dit - il , doivent faire
jeur devoir : qui en doute ? Chaque auteur ,
çontinue-t-il , doit avoir fon imprimerie
phez lui : cela eft - il poffible ? & le
E R R
foufftiroit - on dans aucun gouverne-
menc
Quelqu'un a appelle l'ouvrage du P.
Haidouin fur les médailles , Yerrata de
tous les antiquaires ; mais il eft trop plein
de chofes fingulieres , hafardées , & quel-
quefois faufTes , pour n'avoir pas befoin
lui-même d'un bon errata. Les critiques
fur l'hifioire par Perizonius , peuvent être
à plus jufte titre appellées Yerrata des an-
ciens hiftoriens. Le dictionnaire de Bayle
a été regardé comme Yerrata de celui de
Moreri , cependant on y a découvert bien
des fautes ; elles font comme inféparables
des ouvrages fort étendus. Dicl. de Tré-
voux & Ckambers. (G)
ERRE , f. f. en terme de Marine , figni-
fie Yallure ou la façon dont le vaiflèau
marche. (Z)
Erres du Cerf , (Vén.) font fes
naces ou voies.
ERREMENS, f. m. plur. ( Jurifprud.)
les derniers erremens font les dernières
procédures qui ont été faites de part ou
d'autre dans une affaire. Ce terme paroît
venir du Latin arrhœ y d'où l'on a fait en
François aires ou erres y airemens ou erre-
mens y les procédures & productions étant
confidérées comme des efpeces d'arrhes ou
gages que les parties fe donnent mutuel-
lement pour la décifion du procès. Les erre"
mens du plaids étoient cependant oppofés
aux gages de batailles ; les premiers n'a-
voient lieu que dans les affaires civiles ,
les autres dans les affaires criminelles qui
fe décidoient par la voie du duel : cette
différence eft établie par' Beaumanoir ,
chap. vij y pag. 49 y Ug. 7 & 8; ch. ly p,
ZJZyÙ Ch. IXJ y p. 3l8.
On donne encore copie des derniers
erremens y c'eft - à - dire , des dernières
procédures , & on procède fuivant les
derniers erremens , lorfque l'on reprend
une conteftation dans le même état &
dans les mêmes qualités dans lefquelles
on procédoit ci-devant ; mais il faut pour
cela que l'inftance ne foit pas périe. Voye^
V ancien ftyle du parlement, chap. j & xjv;
Joan. Galli, queft. î6y ù zoo : Boutillier,
en fa fomme rurale ; la pratique de Ma-
fuer , & le gbfj. de M. de Lauriere au
moc Erremens, (A)
ERREUR,
E R R
ERREUR , f. £ (P/ulofJ égarement
de l'efpric qui lui taie porter un faux ju-
gement. Voyt\ JUGÈMTENT.
irlufîeurs phifotbpfaes ont de'cai'lé les
erreurs des fers , de l'imagination & des
paiTions : mais leur Weorie , trop impar-
faite , efl peu propre à éclairer dans la
pratique. L'imagination & les pafiions fe
replient de tant de manières , & dépen-
dent fi fort des cempe'ramens , des temps ,
& des circonftances , cuil eft impofiible
de dévoiler tous les reiïorts qu'elles font
agir.
Semblable à un homme d'un tempéra-
ment ioible qui ne relevé d'une maladie
que pour retomber dans une autre ; fei-
prit , au lieu de quitter fes erreurs , ne
fait fouvent qu'en changer. Pour délivrer
de toutes fes maladies un homme d'une
foible conftitution , il faudroit lui faire
un tempérament tout nouveau : pour
corriger notre efprit de toutes fes foi-
blefTes , il faudroi" lui donner de nouvelles
vues , & fans s'arrêter au détail de fes
maladies , remonter à leur fource même
& la tarir.
Nous trouverons cette fource dans l'ha-
bitude où nous fommes de raifon ner fur
des chofes dont nous n'avons point d'i-
dées , ou dont nous n'avons que des
idées mal déterminées. Ce qui doit être
attribué au temps de notre enfance , pen-
dant lequel nos organes fe développant
lentement , notre raifon vient avec encore
plus de lenteur , & nous nous remplirons
d'idées & de maximes , telles que le ha-
fard & une mauvaife éducation les pré-
fentent. Quand nous commençons à ré-
fléchir, nous ne voyons pas comment les
idées & les maximes que nous trouvons
en nous , auraient pu s'y introduite ; nous
ne nous rappelions pas d'en avoir été pri-
vés : nous en jouiffons donc avec fécurité",
quelque défèceueufes qu'elles foient : nous
nous en rapportons d'autant plus volon-
tiers à ces idées , que nous croyons fou-
vent que fi elles nous trompoient , Dieu
feroit la caufe de notre erreur; parce que
nous les regardons , fans raifon , comme
l'unique moyen que Dieu nous ait donné
pour arriver à la vérité.
Ce qui accoutume notre efprit à cette
Tome XII.
E R R 945
inexactitude , c'eft la manière dont nous
apprenons à parler. Nous n'atteignons
l'âge de raifon , que long - temps après
avoir contracté l'ufage de la parole. Si l'on
excepte les mots deftinés à faire connoitre
nos befoins, c'eft ordinairement le hafard
qui nous a donné occafion d'entendre
certains fons plutôt que d'autres, & qui a
décidé des idées que nous leur avons at-
tachées.
En rappellant nos erreurs à l'origine
que je viens d'indiquer , on les renferme
dans une çaufe unique. Si nos paffions
occafionent des erreurs 3 c'eft qu'elle.*
abufent d'un principe vague , d'une expref-
fion métaphorique , & d'un terme équi-
voque , pour en faire des applications
d'où nous puifTions déduire les opinions
qui nous flattent. Donc , fi nous nous
trompons , les principes vagues , les mé-
taphores , & les équivoques, font des
caufes antérieures à nos pafiions ; il fuf-
Êra par conféquent de renoncer à ce vain
langage , pour difîiper tout l'artifice de
Y erreur.
Si l'origine de Veneur eft dans le dé-
faut d'idées , ou dans des idées mal dé-
terminées , celle de la vérité doit être
dans des idées bien déterminées. Les
mathématiques en font la preuve. Sur
quelque fujet que nous ayions des idées
exactes , elles feront toujours fuffifantes
pour nous faire difeerner la vérité : fi au
contraire nous n'en avons pas , nous aurons
beau prendre toutes les précautions imagi-
nables , nous confondrons toujours touç.
Sans des idées bien déterminées , on s'éga-
reroit même en arithmétique.
Mais comment les arithméticiens ont-ils
des idées fi exactes ? C'eft que connoifTanc
de quelle manière elles s'engendrent , ils
font toujours en état de les compofer , ou
de les décompofer , pour les comparer
félon tous leurs rapports.
Les idées complexes font l'ouvrage de
l'efprit ; fi elles font défectueufes , c'eft
parce que nous les avons mal faites. Le
feul moyen pour les corriger , c'eft de les
refaire. Il faut donc reprendre les maté-
riaux de nos connoiftances , & les mettre
en œuvre , comme s'ils n'avoient pas été
employés.
Dddddd
946 ERR
Les Cartéfiens n'ont connu ni l'origine
ni la génération de nos connoiffances. Le
principe des idées innées d'où ils font partis ,
les éloignoit de cette découverte. Locke a
mieux réufli , parce qu'il a commencé aux
fens. Le chancelier Bacon s'eft aufîî apperçu
que les idées qui font l'ouvrage de l'efprit ,
avoient été mal faites , & que par confé-
quent pour avancer dans la recherche de la
vérité, il falloit les refaire : nemo , dit-il,
adhuc tantâ mentis confiantiâ & rigore in-
ventas efi, ut decrevcrit & Jibi impofuerit
theorias & notiones communes penitùs abo-
ie re , & intelle clum abrafum Ù cequum ad
particularia de integro applicare. Itaque Ma
ratio humana quam habemus, ex multafide,
£? multo etiam cafu, necnon ex puerilibus ,
quos primo haujimus, notionibus , farrago
quceaam efl Ù congeries. Quodfi quis œtate
maturây & fenfibus integris , Ù mente repur-
gatâ }fe ad experientiam Ù ad particularia
de integro applicet, de eo meliiis fperandum
efi.... Non eflfprs nijî in regeneratione fcien-
tiarum ; ut ea fcilicet ab experientiâ certo :
ordine excitentur Ùrursus condantur: quod
adhuc faclum ejje aut cogitatum , nemo , ut ;
arbitramur, ajfirmaverit. Prévenu comme
on l'étoit pour le jargon de l'école & pour
les idées innées , on traita de chimérique
le projet de renouveller l'entendement hu-
main. Bacon propofoit une méthode
trop parfaite , pour être l'auteur d'une
révolution ; celle de Defcartes devoit
réufïir ; elle laiflbit fubfifter une partie des
erreurs.
Une féconde caufe de nos erreurs , font !
certaines liaifons d'idées incompatibles qui
fe forment en nous par des impreflions
étrangères , & qui font fi fortement jointes
enfemble dans notre efprit , qu'elles y de-
meurent unies. Que l'éducation nous accou-
tume à lier l'idée de honte ou d'infamie à
celle de furvivre à un affront , l'idée de
grandeur dame ou de courage à celle d'ex-
pofer fa vie en cherchant à en priver celui
de qui on a éré ofïènfé^, on aura deux pré-
jugés ; l'un qui a été le point d'honneur des
Romains ; l'autre qui eft celui d'une partie
de l'Europe. Ces liaifons s'entretiennent &
fe fomentent plus ou moins avec l'âge. La '
force que le tempérament acquiert , les paf-
fions auxquelles on devient fujet , & l'état
ERR
qu'on embrafTe , en refTerrent ou en coupent
les nœuds.
Une troifieme caufe de nos erreurs, mais
qui eft bien volontaire , c'eft que nous pre-
nons plaifir à nous défigurer nous-mêmes,
en effaçant les traits-de la nature & en obf-
curcifîant la lumière qu'elle avoit mife en
nous;'& cela par le- mauvais ufage de la
liberté qu'elle nous a donnée.
C'eft ce qui peut arriver de diverfes ma-
nières : tantôt par une curiofité outrée , qui
nous portant à connoître les chofes au delà
des bornes de notre efprit & de l'étendue
de nos lumières , fait que nous ne rencon-
trons plus que ténèbres : tantôt par une ri-
dicule vanité qui nous infpire de nous dif-
tinguer des autres hommes , en penfant
autrement qu'eux , dans les chofes où ils
font naturellement capables de penfer aufïi-
bien que nous : tantôt par la prévention
d'un parti ou d'une fede , qui fait illufion
en certain temps & en certain pays : tantôt
par la fuite impofante d'un grand nombre
de vérités de conféquence , qui en éblouif-
fant nos yeux , font difparoître la faufteté
de leur principe : tantôt enfin par un intérêt
fecret qu'on trouve à obfcurcir & à mécon-
noître les fentimens de la nature , afin de
fe délivrer des vérités incommodes. Voyc{
Uefiaifur V origine des connoijjances humai-
nes , par M. l'abbé de Condillac. Article
tire des papiers de M. Forme y. Voye\
encore, fur les erreur s de l'efprit, X article
Evidence, $. z8> 38.
Erreur, (Jurifpr.) c'eft lorfque Ton
a dit ou fait une chofe , croyant en dire ou
faire une autre.
Uerreur procède du fait ou du droit.
L 'erreur ou ignorance de fait, confifte
à ne pas favoir une chofe , qui eft , par
exemple , fi un héritier inftitué ignore îë
teftament qui le nomme héritier, ou fi fa-
chant le teftament , il ignore la mort de
celui à qui il fuccede.
On appelle aufïi erreur défait , Iorfqu'un
fait eft avancé pour un autre , & que cela
eft fait par ignorance ; en ce cas, c'eft une
erreur ou un faux énoncé : fi le fait faux
étoit avancé fciemment, il y auroit de la.
mauvaife foi.
L'erreur ou ignorance de droit, confifte
s
ERR.
à ne pas favoir ce qu'une loi ou coutume
ordonne.
On peut être dans Veneur par rapport
au droit pofitif; mais peribnne n'eft pré-
fumé ignorer le droit naturel ; les gens
mêmes les plus (impies & les plus grofliers
ne font pas excufés à cet égard : nec in eâ
re rufiicitati venia prœbeatur. Lib. Il jcod.
de in jus voc.
L'ignorance où quelqu'un eft de fes droits,
peut venir d'une erreur de fait , ou d'une
erreur de droit. Par exemple , s'il ignore
qu'il fait parent , c'eft une ignorance de
fait ; s'il croit qu'un plus proche que lui
l'exclut , ne fâchant qu'il concourt avec lui
par le moyen de la repréfentation , c'eft
une ignorance de droit.
\1 erreur de fait ou de droit ne nuit
jamais au mineur.
A l'égard des majeurs, Yerreur de fait ne
leur préjudicie pas ; parce que celui qui fait
ainfi quelque chofe par erreur n'eft pas cenfé
confentir , puifqu'il ne le fait pas en con-
noiftànce de caufe : mais il faut pour cela
que Yerreur de fait foit telle qu'il paroifle
évidemment qu'elle a été le feul fondement
du confentement qui a été donné ; encore
l'aéte n'eft-il pas nul de plein droit, mais
il faut prendre la voie des lettres de refci-
fîon.
Si le confentement peut avoir été déter-
miné par plufieurs caufes , Yerreur qui fe
trouve par rapport à quelques-unes de ces
caufes , ne détruit pas l'acte , dès qu'il y a
encore quelqu'autre caufe qui peut le faire
fùbfifter.
L'ignorance des faits qui a induit en er-
reur eft toujours préfumée , lorfqu'il n'y a
pas de preuve contraire , excepté dans les
chofes qui font perfonnelles à celui qui al-
lègue Yerreur , parce que chacun eft préfumé
favoir ce qui eft de fon fait.
Lorfqu'un des contradans a été induit en
e-reur par le dol de l'autre , ce dol forme un
double moyen de reftitution.
L'erreur de droit n'eft point excufée à
l'égard des majeurs , car chacun eft pré-
fumé favoir les loix , & fur - tout le droit
naturel.
Néanmoins s'il s'agit d'une loi de droit
pofitif, & qu'il foit évident que l'on n'a
traité qu'à caufe de l'ignorance de ce droit,
ERR 947
il peut f avoir lieu à la reftitution : mais
fi Y2.de peut avoir eu quelqu'autre caufe , fi
l'on peut préfumer que celui qui n'a pas fait
valoir fon droit y a renoncé volontairement,
en ce cas Yerreur de droit ne forme pas un
moyen de reftitution. Voye\ au digefte le
titre de juris & façti ignorantiâ. ÇA)
ERREUR , en Agronomie , c'eft la dif-
férence entre le calcul & l'obfervation ;
ainfi Yerreur des tables de la lune eft la
quantité dont les tables donnent la longi-
tude calculée , différente de la longitude
obfervée : on marque ordinairement du
figne •+- , Yerreur qu'il faut ajouter aux
tables pour les accorder avec l'obfervation.
M. Halley avoit calculé les erreurs de fes
tables pendant dix-huit ans , pour fervir â
prédire les lieux de la lune dans les ufages
de la navigation. M. le Monnier a donné
les erreurs de Ces tables des Inflitutions
agronomiques pour l'année 1771 , dans fon
Afironomie nautique lunaire.
On appelle Y erreur $\m quart de cercle ,
la quantité qu'il faut ajouter aux hauteurs
qu'il indique ; erreur d'une lunette méri-
dienne , la quantité dont elle s'éloigne en
difFérens points du véritable méridien.
M. Cotes , célèbre géomètre d'Angleterre ,
a donné en 1722 , à la fuite de fon ou-
vrage intitulé , Harmonia menfurarum y un
mémoire intéreffant fur les rapports que les
erreurs ont les unes avec les autres , & fur
la manière de les calculer par les règles du
calcul différentiel. J'ai traité cette matière
encore plus au long dans le XXI II livre de
mon Afironomie. Ç,M. de la Lande.)
Erreur de Calcul, eft la méprife
qui fe fait en comptant & marquant un
nombre pour un autre. Cette erreur ne fe
couvre point , /. unie, cod.de err. cale. Voy.
V ordonnance de 1 66 '7 y titre xxix* art. z 1 .
Erreur commune, eft celle où font
tombés la plupart de ceux qui avoient in-
térêt de favoir un fait qu'ils ont cependant
ignoré. C'eft une maxime en droit que error
communisfacitjus , c'eft-à-dire qu'elle ex-
eufe celui qui y eft torn^é , comme ies autres.
11 y a dans les livres de Juftinien deux exem-
ples remarquables de l'effet que produit
Yerreur commune.
L'un eft en \zfomeuYe\o\barbarius Phi-
Dddddd 2.
948 E R R
lippus y au ff de officio prœtorum ; c'eft
l'efpece d'un efcîave qui avoit fait l'office
de préteur : la loi décide que tout ce qu'il
a fait eft valable.
L'autre eft \a\o\fi quis , au fT! defenatufc.
maeed. qui décide que fi un homme a traité
avec un fils de famille , qui pafîbit publi-
quement pour être père de famille ; ce fils
de famille ne pourra pas exciper contre lui
du bénéfice du macédonien , quia publicè...
jic agebat } fie contrahebat. (A)
Erreur de Compte, voye\ ci-devant
Erreur de Calcul.
Erreur de Droit; voye\ ce quia
été dit ci-devant au premier article fur le
mot Erreur. ( Jurifp.)
E R R
Erreur de Fait , voye\Ihidem.
Erreur, de Nom, eft lorfque dans un
a&e on nomme une perfonne pour une au-
tre , ou une chofe pour une autre. Une telle
erreur vicie le legs , à moins que la volonté
du teftateur ne foit d'ailleurs confiante. Voy.
la loi <) yft.de hcered. infiit. 0 leg. 4 y ff de
légat i s primo injlu. de légat. §. a.9. ÇA)
Erreur de Personne , c'eft-à-dire
lorfque l'on croit traiter avec une perfonne ,
& que l'on traite avec une autre , le contrat
eft nul. V. ce qui a été dit ci -devant au mot
Empêchement de Mariage. (A)
Erreur , ÇPropofuion d\) Voye\ au,
mot Proposition.
Erreur de Lieu , (*) ÇMéd.) error
( * ) On a adopté dans cet article l'hypothefe de Boerhaave , auteur des vaiffeaux du rang inférieur , c'eft
ainfi qu'il appelloit des vaiffeaux continus aux vaiffeaux rouges, artériels eux-mêmes & coniques, & dé-
croiffans comme eux, mais qui n'en reçoivent qu'une humeur plus fine que le fang; l'erreur de lieuch.cz ce
grand homme eft le paffage vicieux des globules rouges dans cette claffe de vaifleaux qui n'eft faite que pour
des humeurs plus fines. Nous employons le terme de vicieux , parce que dans l'ordre de la nature même il
fe fait de ces erreurs. Le fang qui fumte à travers les pores de la membrane pituitaire , & celui qui fous le
nom de règles s'extravafe dans la cavité de l'utérus , ne fe ramaffe en gouttes vifibles qu'après s'être ouvert
l'accès, depuis les artères rouges dans des vaiffeaux deftinés par la nature à charrier une liqueur tranfpa-
rente Se vifqueufe.
Il n'y a aucun doute que Y erreur de lieu ne doive être admife dans les nombreux exemples d'hommes plé-
thoriques , qui par quelque léger excès rendent du fang par les urines. On a vu des fueurs de fang , & des
diarrhées fanglantes fans aucune ruprure de vaifleaux. Dans tous ces exemples , le fang a pane des artères
aux canaux fecrétoires. L'injedion imite aifément cette erreur , l'eau, le mercure, l'air partent avec facilité
des artères des reins dans les uretères.
Une autre erreur de Heu très- commune , c'eft celle par laquelle le fang paffe dans les petites cellules du tiffu
qui remplit tous les intervalles des parties folides du corps humain. C'eft à cette erreur qu'on peut rapporter
le redreffement du mamelon du fein des femmes, la rougeur des parties enflammées, les noirceurs fubites
qui furviennent à des efforts, & dans lefquelles le fang a paffé dans les cellules placées fous la peau ; enfin
les taches des fièvres malignes.
Nous n'avons pas encore parlé des véritables erreurs de lieu , ni du fang qui a paffé des vaiffeaux rouges dans
^es artères lymphatiques. Ces artères n'ont pas été adoptées univerfellement : des perfonnes de beaucoup de
^énie ont remarqué que les maladies ne prouvoient pas ce que Boerhaave vouloit qu'elles prouvaffent.
Il eft vrai que dans l'œil enflammé il paroît fur la felérotique un beaucoup plus grand nombre de vaiffeaux
rouges , & que tous ces vaiffeaux font artériels , qu'ils donnent des branches , & que leur calibre diminue à
snefure qu'ils s'éloignent des vaiffeaux rouges. Mais ces nouvelles artères ne font pas des artères lymphati-
ques devenues rouges par une erreur de Heu , ce ne font que les artères rouges extrêmement fines , invifibles
avant l'inflammation , & que le fang a rendues vifibles en s'y portant avec plus de force , & dont les globu es
*'y l'ont multipliés. Dans le méfentere des quadrupèdes à fang froid, on ne découvre point de vaiffeaux-, n as
quand on expofe ces membranes au microfeope, on voit une infinité de vaiffeaux dans les intervalles , où il
n'en paroiffoic point. Ce font des veines généralement du calibre d'un feul globule, & ce globule n'a pas la
couleur affez forte pour fe rendre fenfible ; il ne devient vifïble que par la forte clarté qui eft l'effe: de la:
lentille de verre. Le vitré des poiffons paroit tranfparent •, mais une forte loupe , aidée d'un foleil bien vif *
y découvre des réfeaux & des anneaux d'artères rouges de la plus grande beauté. Il en eft de même des artères
du cryuallin , i'injedtion les rend fenfibles.
Si cetre preuve de l'erreur de lieu n'eft pas convaincante, elle ne doit pas faire rejeter la chofe même. Il y
a dans l'iris un exemple de vaiffeaux naturellement remplis d'une liqueur grife qui fortent du cercle de l'uvée,
& qui paroiilent ê:re des exemples affurés d'un rang de petites artères, dont la liqueur eft plus fine que le
fang.
Il n'en eft pas de même des ordres fucceffifs de ces vaiffeaux : il n'eft pas probable qu'il puiffe y avoir des:
vaiffeaux qui ne nailiént de l'artère rouge , que par l'entremife d'un grand nombre de vaiffeaux de diftérens
ordres. Ces petits vaiffeaux étant éloignés de îa fource du mouvement, déjà ralenti dans les dernières artères
rouges , il n'en refteroit prefque plus aux liqueurs fines , après une longue fuite de vaiffeaux décroiffans. Eî
cependant ces* liqueurs fines fe meuvent. avec rapidité : nous avons vu la tranfpiration, rendue vilible dans
E R R
îocl ; c'ell une expreflîon employée en mé-
decine pour défîgner le changement qui fe
faic dans le corps humain , lorfqu'un fluide
d'une nature déterminée & qui doit être
contenu dans des vaiflèaux qui lui font pro-
pres , fort de ces vaiflèaux & fe porte dans
d'autres voifins qui ne font pas naturelle-
ment deflinésàlerecevoir.Commece chan-
gement n'ell bien fenfîble que par rapport
au fang qui pafle de ces vaiflèaux dans les
lymphatiques ou autres , c'ell 3à propre-
ment ce que les médecins appellent erreur
de lieu.
Les globules rouges font la partie la plus
grofliere que l'on obferve dans le fang ; cette
partie ne peut être naturellement contenue
& mife en mouvement que dans les vaif-
lèaux du corps qui ont le plus de capacité.
La partie de ce fluide qui approche le plus
du globule rouge par rapport à fon volume ,
peut pénétrer dans des vaiflèaux dont la
capacité approche le plus des vaiflèaux
fanguins , mais qui donne l'exclufion aux
globules rouges , parce qu'ils font trop grof-
fiers pour y pénétrer, & peut admettre toutes
les autres parties des fluides plus fubtiîs. La
même choie a lieu vraifemblablement par
rapport aux difFérens ordres de vaiflèaux
qui diminuent de capacité les uns refpecti-
vement aux autres , jufqu'aux vaiflèaux les
plus Amples du corps humain , & la fanté
femble confifter principalement en ce que
les difFérens fluides relient chacun dans les
vaiflèaux qui lui font proportionnés. C'ell
dans les parties les plus groffieres de chaque
fluide , que réfide la qualité propre qui
ca racle rife.
Lorfqu'il arrive que la trop grande quai
tiré de fang , ou la raréfaction excefiîve
de ce fluide , ou fon mouvement trop im-
pétueux , dilate ^s propres vaiflèaux , &
conféquemment les. orifices des vaiflèaux
d'un genre différent , qui en naiflènt immé-
diatement au point de permettre le paflàge
des parties les plus groffieres du fang , qui
dévoient naturellement relier dans les vaif-
E R R 949
féaux fanguins ; ces parties pénètrent dans
les vaiflèaux continus où elies font étran-
gères : elles occupent un lieu , où elles ne
font admifes que par un effet contre nature.
Ce même effet peut auffi être produit fans
aucun changement dans les parties foîides
contenantes , fî la confillance des fluides
contenus , ou le volume â&s parties qui le
compofent , font tellement diminués qu'ils
puiflènt pénétrer dans des conduits ou ils
n'auroient pas pu être admis avec leur con-
fillance naturelle Le premier cas fe préfente
fouvent dans les inflammations confidéra-
bles ; & le fécond , dans les diflblutions
chaudes de la marte des humeurs , par l'effet
de quelque exercice violent , de quelque
caufe phyfique ou de tout autre de cette
nature.
L'ophthalmie fournit un exemple bien
marqué du paflàge du fang dans des vaif-
feaux de différent genre, par l'effet de l'in-
flammation : toute la conjonctive ou albu-
ginée , qui étoit avant l'ophthalmie d'une
blancheur éclatante , devient quelquefois
dans cette maladie d'un rouge très- foncé ;
ce qui ne peut pas fe faire fans que les vaif-
feaux lymphatiques foient eux-mêmes en-
gorgés de la partie rouge du fang , y ayant
ii peu de vaiflèaux fanguins diflribués dans
le tiffu de cette membrane de l'œil , dans
l'état naturel.
Cette forte d'erreur de lieu dans les in-
flammations efl d'ailleurs démontrée par
l'infpeclion anatomique , félon l'expérience
du célèbre Vieuflèns , rapportée dans fon
ouvrage intitulé novum fyfiema vaforum ;
car l'obfervation fréquente des cas dans les-
quels on a vu des femmes , qui dans la fup-
preflion des règles par la voie naturelle ,
éprouvoient un fupplément à cette évacua-
tion par les orifices des vaiflèaux galaclophe-
res , qui font autour des mamellons ; en forte
qu'il fe faifoit fans aucune folution de conti-
nuité dans les vaiflèaux fanguins , une vérita-
ble tranfmiflion des globules rouges , par les
conduits dellinés à ne porter ordinairement
l'air épais des mines, monter avec rapidité comme un nuage qui fortiroit de chaque doigt : le poids même
que le corps perd en peu de temps par une forte tranCpiration, confirme que la liqueur qu'exhalent les der-
niers vaiffeaux de la peau, n'eft rien moins que lente dans fes mouvemens.
Il n'y auroit donc d'autres erreurs de lieu , que celles qui fe font de l'artère rouge dans l'artère tranfparente ,.
dans le canal excrétoire, & dans le tifîu cellulaire. (//. Z>. G.)
95© ERR
que la lymphe , & à féparer de la maflè
des humeurs la matière du lait à l'occafion
de la groffeffe. Les crachats , dans la périp-
neumonie , ne font fouvent aufîi teints de
fang , que parce qu'il a été pouffe quelques
globules rouges dans les vaifïèaux fecrétoires
& excrétoires de l'humeur bronchique.
Il ne manque pas aufîi d'eiemples du
paffage du fang dans des vaifïèaux étran-
gers , par l'effet de la difîblution des hu-
meurs ; on le voit arriver dans les petites
véroles qui font accompagnées d'une û
grandefonte d'humeurs, qu'ayantperdu leur
confiftance naturelle , les plus groffieres
deviennent fufceptibles de pénétrer dans les
vaiffeaux les plus déliés ; ainfi les globules
rouges paffent par les couloirs des urines ,
& conflituent le pifîèment de fang ; ils font
poufîes dans les vaifïèaux cutanés , ils y
fourniffent matière à des fueurs fanglantes ;
ils y font des taches de couleur d'écarlate,
ou pourprées , &c. Voy. Sang , INFLAM-
MATION , Petite Vérole , Sueur ,
Pourpre , ùc.
On trouve même , dans l'économie ani-
male faine , des preuves du paffage du fang
dans des vaifïèaux de différens genres , que
l'on ne doit cependant pas appeîler erreur
de lieu y puifqu'il fe fait naturellement ; mais
qui fert à établir la poffibilité de celui qui
eft contre nature , & qui fe fait véritable-
ment par erreur de lieu ; elles font tirées de
ce qui fe pafTe dans l'écoulement du flux
menMruel ; il eft certain que le fang , après
s'être ramaffé dans les vaifïèaux utérins qui
lui font propres , dilate l'orifice des autres
vaiffeaux de la matrice , qui ne fervant ,
hors du temps menftruel , qu'à porter une
lymphe féreufe , pénètre dans ces vaiffeaux
& dans leur finus , & parvient à l'embou-
chure de ces mêmes conduits , qui aboutif-
fent à la furface interne de la matrice , où
il fe répand d'abord en petite quantité ,
mêlé avec la férofité fous forme de fanie ,
& enfuite de fang en maffe , jufqu'à ce que
ces vaiffeaux, dans iefquel» il eft étranger,
foient défempîis , & puifîènt fe refîèrrer au
point de ne plus permettre aux globules
rouges de pénétrer dans leur cavité. Voye[
Menstrues, (d)
\ ERREUR 9 (Comm.) défaut de calcul ,
omiiîion de partie , article mal porté fur
ERR
un livre , dans un compte , ou dans une
fa&ure.
Dans le commerce , on dit en ce divers
fens : il y a erreur dans cette addition ; vous
vous êtes trompé dans la facture que vous
m'avez envoyée un tel jour ; vous tirez
en ligne 1677 ^v- IO ^ au lieu de i6^j\.
10 f. pour 130 aunes de drap à ri 1. 15 f.
c'efî une erreur de 20 livres qui doit tour-
ner à mon profit ; j'ai trouvé plufieurs
erreurs dans votre compte ; l'article porté
en crédit le 1 juillet pour 1540 livres ne
doit être que de 153© liv. vous me débitez
le 20 août de 400 liv. pour ma traite du
3 dudit à Lambert , je n'en ai point de
connoiffànce.
Dans l'arrêté des comptes que les mar-
chands & négocians foldent enfemble ,
ils ne doivent pas omettre la claufe , fauf
erreur de calcul y ou omijfion de parties.
On dit en proverbe qu'erreur nefi pas
compte y pour faire entendre que quoiqu'un
compte foit foldé , fi l'on y trouve quelque
défaut de calcul ou omifïion de parties ,
on doit réciproquement s'en faire raifon.
Dictionnaire de Commerce de Trévoux (j
de Chambers. (G)
ERRHINS , adj. pi. (Pharmacie.) Ce
mot vient du grec b, in, dans, & plv,
nafus y nez.
C'efr ainfi qu'on appelle tous les remè-
des qui font défîmes à être introduits dans
le nez.
Ces remèdes fe préparent fous différentes
formes ; tantôt ils font liquides , tantôt
^j^des , tantôt c'eft une poudre , quel-
■fcfois c'eft un liniment , une pommade ,
un onguent.
Ceux qui font fous forme liquide , ou
bien en poudre , fe reniflent.
Ceux qui font folides fe forment en
petits bâtons pyramidaux , qu'on introduit
dans les narines , & qu'on y laifle autant
de temps qu'il eft néceffaire.
Les linimens , les pommades , les on-
guens fe portent dans le nez avec le bout
du doigt.
Les remèdes errhins font quelquefois
deftinés à provoquer l'éternument , & alors
on les nomme fiernutatoires. V. STERNU-
TATOIRES. La véritable figniflcation du
mot errhin eft celle que nous venons de
ERR
lui donner avec les auteurs les plus exacts ;
mais ce n'eft pas dans ce fens générique
que la plupart l'ont pris : quelques - uns
ont reftreint le nom à'errhin aux remèdes
qui excitoient doucement l'excrétion des
narines, & ils ne les diftinguoient des
fternutatoires que par le degré d'aclivité ;
quelques autres déiiniffent Yerrhin par la
forme liquide ; d'autres prétendent au con-
traire que la conflftance pulvérulente ,
molle , liquide ou folide lui eft indiffé-
rente, &c.
La lignification du mot errhin étant
bornée , félon fon acception la plus ordi-
naire , à défigner les remèdes qui évacuent
la membrane pituitaire , nous obferverons
que les errhins les plus doux peuvent de-
venir fternutatoires , fur certains fujets ,
& que les fternutatoires , au contraire ,
peuvent n'être que des évacuans doux pour
d'autres fujets. La manière d'agir de ces
remèdes eft donc la même ; ils opèrent
une irritation fur la membrane pituitaire ,
& ils déterminent une évacuation par fes
couloirs , en excitant avec plus ou moins
d'énergie l'excrétion de l'humeur qu'elle
fépare. V. EXCRÉTION Ù IRRITATION.
Cette irritation portée à un certain point ,
détermine cette fecoufle violente & con-
vulflve de plufieurs organes, qui eft connue
fous le nom 8 éternument ; fecoufle inutile
à l'évacuation des narines , mais que l'on
cherche à exciter dans certain cas , pour
une autre vue. Voye\ EternUMENT Ù
Sternutatoire.
Les errhins, confédérés comme évacuans,
s'emploient le plus fouvent contre les in-
commodités connues dans le langage ordi-
naire fous le nom de fluxions, & fur-tout
de celles qui attaquent les yeux & les oreil-
les , principalement lorfqu'elles font abfo-
lument féieufes. Voye\ Fluxion. Les
affections véritablement inflammatoires des
yeux & des paupières font plutôt augmen-
tées que diminuées par Fufage des errhins,
quoiqu'à vrai dire , ils deviennent bientôt
fi indifferens par une courte habitude , que
Je médecin ne peut guère compter fur ces
fecours.
L'ufage prefque général du tabac , qui
eft un errhin ( que la plupart des preneurs
de tabac s'appliquent continuellement fans
ERU 951
le favoir, comme M. Jourdain faifoit de
la profe ) , & même le feul que nous em-
ployions aujourd'hui , a rendu ce fecours
encore plus inutile , ou du moins plus ra-
rement applicable ; comme l'habitude de
boire du vin a privé la plupart des hommes
d'une grande refïburce^contre plufteurs
maux, (b)
ERS , f. m. ÇHift. nat. Bot.) Eri'um,
genre de plante à fleurs papilionacées. Le
piftil fort du calice , & devient dans la fuite
une filique dont les deux faces font rele-
vées en ondes ou en nœuds ; elle renferme
des femences arrondies : ajoutez aux carac-
tères de ce genre , que les feuilles font
rangées par paires fur une côte. Tourne-
fort, infiitut, rei herb. Voyei PLANTE.
Ers ou OROBE. (Pharmacie & matière
médicale. J jLa femence , ou plutôt la farine
de Vers, eft la feule partie de cette plante
qui foit d'ufage en médecine : les anciens
médecins la réduifoient en poudre , & la
donnoient incorporée avec le miel dans
l'afthme humide , pour faciliter Pexpe&o-
ration. Galien , dans fon premier livre des
facultés des alimens, dit que quoiqu'on ne
mange point la femence d'ers, à caufe de
fon mauvais goût & de fon mauvais fuc ,
cependant dans des difettes on a quelquefois
été obligé d'y recourir.
La farine d'ers eft une des quatre fari-
nes réfolutives , & elle n'a d'autre ufags
magiftral , que d'être un des ingrédiens
des cataplafmes qu'on prépare avec ces
farines. Voye\ Farine RÉSOLUTIVE. La
farine d'ers entre dans les trochifques fcilli-
tiques.
ERSE, f. f. (Marine.) c'eft une corde
qui entoure le moufle de la poulie, & qui
fert à l'amarrer. Voye\ Etro*PE. (Z)
ERTZEBURGE, (Géographie mol)
nom d'un des cercles de l'éle&orat de
j Saxe.
ERUCAGO , f f. (Hifl. nat. Bot.) genre
i de plantes à fleurs en croix. Il fort du ca-
! lice un piftil qui devient dans la fuite un
: fruit qui reflèmble à une petite marîue à
j quatre faces , dont les arêtes font relevées
en forme de crêtes. Ce fruit eft partagé
en trois loges , & renferme des femences
qyi font arrondies , pour l'ordinaire , &
9p ERU
qui ont un petit bec. Tournefort , infl. rei
heib. Voye\ PLANTE. (I)
ErUCAGO, (Matière médic.) Lémery
dit que Yérucagojegetumyfinapi echinatum,
J. B. eft incifive , atténuante , propre pour
raréfier la pituite du cerveau, & pour faire
écernuer. On 1«# attribue une qualité anti-
fcorbutique , comme à la vraie roquette ,
dont elle a les principes. Chambers.
ERUCÏR , (Vénerie.) Il fe dit d'un
cerf, quand il prend une branche dans fa
gueule , & la Cucq pour en tirer le lue.
ERUDIT, adj. m. ( Littérature. J On
appelle de la forte celui qui a de l'érudition
(voyez Érudition ) ; ainfi on peut dire
que Saumaife éteit un homme érudit. Eru-
dit fe prend aufîi fubftantivement ; on dit
par eîlipfe , un érudit, pour un homme
érudit : l'ellipfe a toujours lieu dans les
adjectif pris fubftantivement. V. ELLIPSE,
Adjectif, Substantif, Oc.
Les mots érudu &c docte font bornés à
déiîgner les hommes profonds dans l'éru-
dition ; /avant s'applique également aux
hommes verfés dans les matières d'érudi-
tion &: dans les feiences de raifonnement.
Voyei Sctence , Docte, Oc (O)
ÉRUDITION, f. ï. (Philofopiùe O
Littérature.) Ce mot , qui vient du latin
erudire , enfeigner P figniêe proprement &
à la lettre , [avoir } connoiflànce ; mais on
l'a plus particulièrement appliqué au genre
de favoir qui confifte dans la connoiffance
des faits , & qui eft le fruit d'une grande
lecture. On a ré!ervé le nom de [cience
pour les connoifiances qui ont plus immé-
diatement befoin du raifonnement & de
la réflexion , telles que la phyfîque , les
mathématiques, Octk celui de belles-lettres
pour les productions agréables de lefprit,
dans lefquelîes l'imagination a plus de part ,
telles que l'Eloquence , la PoJfie , Oc.
'L'érudition y confédérée par rapport à
l'é?at préfent des lettres , renferme trois
branches principales , la connoiffance de
l'hiftoire , celle des langues , & celle des
livres.
La connoiffance de l'hiftoire fe fubdi-
vife en p!ufieurr> branches ; hifîoire ancienne
& moderne ; hiftoire facrée , profane , ec-
cléfiaftique ; hiftoire de notre pays & des
pays étrangers; hiffoire des feiences & des
ERU
arts ; chronologie ; géographie ; antiquités
& médailles , Oc.
La connoiflànce des langues renferme
les langues favantes , les langues moder-
nes , les langues orientales , mortes ou
vivantes.
La connoiffance des livres fuppofe , du
moins jufqu'à un certain point , celle des
matières qu'ils traitent , & des auteurs ;
mais elle confifte principalement dans la
connoiflànce du jugement que les fa vans
ont porté de ces ouvrages , de 1,'efpece
d'utiiité qu'on peut tirer de leur ledure ,
des anecdotes qui concernent les auteurs
& les livres , des différentes éditions & du
choix que l'on doit faire entr'elles.
Celui qui pofféderoit parfaitement cha-
cune de ces trois branches , feroit un éru-
dit véritable & dans routes les formes :
mais l'objet eft trop vafte , pour qu'un
feul homme puiflè l'embraffer. Il fuffit
donc , pour être aujourd'hui profende-
menr érudit , ou du moins pour être cenfé
tel , de pofft'der feulement à un certain
point de perfection chacune de ces par-
ties : peu de favans ont même été dans ce
cas , & on paffe pour érudit à bien meil-
leur marché. Cependant , fi l'on eft obligé
de reftreindre la lignification du mot érlt-
du, & d'en étendre l'application, il paroît
du moins jufte de ne l'appliquer qu'à ceux
qui embraffent , dans un certain degré
d'écendue , la première branche de \ éru-
dition , la connoiffance des faits hifioriques,
fur-tout des faits hifioriques anciens , &
de l'hiftoire de plufieurs peuples ; car un
homme de lettres qui fe feroit borné, par
exemple , à l'hiftoire de France , ou même
à l'hiftoire Romaine , ne mériteroit pas
proprement le nom d'érudit ; on peurroit
dire feulement de lui qu'il auroit beau-
coup d'érudition dans l'hiftoire de France ,
dans l'hiftoire Romaine , Oc en qualifiant
le genre auquel il fe feroit appliqué. De
i même on ne dira point d'un homme verfé
j dans la connoiffance feule des langues &
! des livres , qu'il eft érudit , à moins qu'à
ces deux qualités il ne joigne une connoif-
fance affez étendue de l'hiftoire.
De la connoiflànce de l'hiftoire , des
langues & des livres , naît cette partie im-
portante de Y érudition y qu'on appelle cri-
tique ?
E R U
tique y & qui confifte ou à démêler le
fens d'un auteur ancien , ou à reftituer
fon texte , ou enfin ( ce qui eft la partie
principale ) à déterminer le degré d'auto-
rité qu'on peut lui accorder par rapport
aux faits qu'il raconte. Voye\ CRITIQUE.
On parvient aux deux premiers objets par
une étude affidue & méditée de l'auteur t
par celle de l'hiftoire de fon temps & de
fa perfonne , par le parallèle raifonné des
differens manufcrits qui nous en reftent.
A l'égard de la critique , confédérée par
rapport à la croyance des faits hiftoriques ,
en voici les règles principales.
10. On ne doit compter pour preuves
que les témoignages des auteurs originaux ,
c'eft- à-dire , de ceux qui ont écrit dans le
temps même , ou à peu près ; car la mé-
moire des faits s'altère aifément , fi on eft
quelque temps fans les écrire : quand ils
parlent fimptement de bouche en bouche ,
chacun y ajoute du fien , prefque fans le
vouloir. « Ainfi , dit M. Fleury , premier
» difcours fur Itiijl. ecclef. , les traditions
» vagues des faits très-anciens , qui n'ont
» jamais été écrits , ou fort tard , ne méri-
» tent aucune créance , principalement
» quand elles répugnent aux faits prouvés :
» & qu'on ne dife pas que les hiftoires
n peuvent avoir été perdues ; car , comme
» on le dit fans preuve , on peut répondre
t9 auili qu'il n'y en a jamais eu ».
2°. Quand un auteur grave & véridique
d'ailleurs , cite des écrits anciens que nous
n'avons plus , on doit , ou on peut au moins
l'en croire : mais fi ces auteurs anciens
exiftent , il faut les comparer avec celui
qui les cite , fur-tout quand ce dernier eft
moderne ; il faut de plus examiner ces au-
teurs anciens eux - mêmes , & voir quel
degré de créance on leur doit. « Ainfi , dit
» encore M. Fleury , on doit confulter les
» fources citées par Baronius , parce que
» fouvent il a donné pour authentiques des
» pièces fauffes ou fufpectes , & qu'il a
» fuivi des traductions peu fidèles des
» auteurs grecs ».
3°. Les auteurs , même contemporains ,
ne doivent pas être fuivis fans examen :
il faut favoir d'abord fi les écrits font véri-
tablement d'eux ; car on n'ignore pas qu'il
y en a eu beaucoup de fuppofés. Voyez
Tome XII.
E R U 95}
DÉCRÉTAIES , &c. Quand Fauteur eft
certain , il faut encore examiner s'il eft
digne de foi , s'il eft judicieux, impartial ,
exempt de crédulité & de fuperlhion ,
aflèz éclairé pour avoir fu démeLr !e vrai ,
& aflèz fincere pour n'avoir p s été tenté
quelquefois de fubftituer au vrai , fes con-
jectures , & des foupçons dont la fineffe
pouvoit le feduire. Ceiui qui a vu eir plus
croyable que celui qui a feulement oui-
dire , l'écrivain du pays plus que l'écrivain
étranger , & celui qui parle des aftaires de
fa doctrine , de fa iecle , plus que les per-
fonnes indifférentes , à moins que l'auteur
n'ait un intérêt vifible de rapporter les
chofes autrement qu'elles ne foi. t. Les enne-
mis d'une fecie , d'un pays , doivent fur-
tout être fufpe&s ; mais on prend droit
fur ce qu'ils difent de favorable au parti
contraire. Ce qui eft contenu dans les
lettres du temps & les aâes originaux ,
doit être préféré au récit des hiftoriens :
s'il y a entre les écrivains de la diverfité,
il faut les concilier ; s'il y a de la contra-
diction , il faut choifir. Il eft vrai qu'il
feroit bien plus commode pour l'écrivain
de fe borner à rapporter les différentes
opinions , & de laiffer le jugement au lec-
teur : mais il eft plus agréable pour celui-ci ,
qui aime mieux favoir que douter , d'être
décidé par le critique.
Il y a dans la critique deux excès à fuir
également , trop d'indulgence , & trop de
févérité. On peut être très bon c'. rénen ,
fans ajouter foi â une grande qu nti é de
faux actes des martyrs , de raufies vie-, des
faints, d'évangiles & d'epî très apociiryph.es,
â la légende dorée de Jacques de Vora-
gine , à la fable de la donation de Conf-
tantin , à celle de la papefie Jeanne , à
plufieurs mêmes des miracles rapportés par
Grégoire de Tours , & par d'autres écri-
vains crédules , &c. mais on ne pouiroit
être chrétien en rejetan: les prodiges , les
révélations & les autres faits extraordinaires
que rapportent S. Irenée , S. Cyp'-ien 9
S. Auguftin , Ùc. auteurs refpe&ank-s ,
qu'il n'eft pas permis de regarder comme
des vifionnaires.
Un autre excès de critique eft de donner
trop aux conjectures : Erafme , par exem-
ple, a rejeté témérairement, félon M. Fleury,
Eeeeee
954
E R U
quelques écrits de faint Auguftin , dont le .
(tyle lui a paru différer de celui des autres
ouvrages de ce père '•, d'autres ont corrigé'
à?s mots qu'ils n'entendoient pas , ou nié
des faits , parce qu'ils ne pouvoient pas
les accorder avec d'autres d'une égale ou
d'une moindre autorité , ou parce qu'ils
ne pouvoient les concilier avec la chrono-
logie dans laquelle ils fe trompoient. On a
voulu tout favoir & tout deviner ; chacun
a rafiné fur les critiques précédens , pour
ôter quelque fait aux hifloires reçues , &
quelque ouvrage aux auteurs connus : cri-
tique dangereufe & dédaigneufe , qui
éloigne la vérité en paroifTant la chercher.
Voye\ Fleury , premier difcours fur Vkift.
eccl. , ch. iij Ù v. Nous en avons extrait
ces règles de critique , qui y font très-bien
développées , & auxquelles nous renvoyons
le leéteur.
\] érudition eft un genre de connoifïànce
où les modernes fe font diftingués par deux
raifons: plus le monde vieillit, plus la ma-
tière de X érudition, augmente , & plus par
conséquent il doit y avoir d'érudits ;
comme il doit y avoir plus de fortunes
lorfqu'il y a plus d'argent. D'ailleurs , l'an-
cienne Grèce ne faifoit cas que de fon
hiftoire & de fa langue, & les Romains
n'étoient qu'orateurs & politiques : ainfi
Y érudition , proprement dite , n'étoit pas
extrêmement cultivée par les anciens. Il
fe trouva néanmoins à Rome , fur la fin
de la république , & enfuite du temps
des empereurs , un petit nombre d'érudits,
tels qu'un Varron , un Pline le naturalise ,
& quelques autres.
La tranllation de l'empire à Conftanti-
nople , & enfuite la deftruclion de l'em-
pire d'Occident anéantirent bientôt toute
cfpece de connoifTànces dans cette partie
du monde : elle fut barbare jufqu'à la
fin du xv fiecle ; l'Orient fe foutint un
peu plus long-temps ; la Grèce eut des
hommes favans dans la connoifîance des
livres & dans l'hifroire. A la vérité ces
hommes favans ne lifoient & ne connoif-
foient que les ouvrages grecs , ils avoient
hérité du mépris de leurs ancêtres pour
tout ce qui n étoit pas écrit en leur lan-
gue : mais comme fous les empereurs Ro-
mains ,* & même long-temps auparavant ,
E R U
plwfieurs auteurs Grecs , tels que Poîybe,
Dion , Diodore de Sicile , Denys d'Hali-
carnaffe , ùc. avoient écrit l'hiftoire Ro-
maine & celle des autres peuples , l'éru-
dition hiftorique & la connoifîance des
livres, même purement grecs , étoient dès-
lors un objet confidérable d'étude pour
les gens de lettres de l'Orient. Conftanti-
nople & Alexandrie avoient deux biblio-
thèques confidérables ; la première fut dé-
truite par ordre d'un empereur infenfé ,
Léon i'Kaurien : les favans qui préfidoient
à cette bibliothèque s'étoient déclarés con-
tre le fanatifme avec lequel l'empereur per-
fécutoit le culte des images ; ce prince ,
imbécille & furieux , fît entourer de faf-
cines la bibliothèque , & la fit brûler avec
les favans qui y étoient renfermés.
A l'égard de la biblioiheque d'Alexan-
drie , tout le monde fait la manière dont
elle fut brûlée par les Sarrafins en 640 ,
le beau raifonnement fur lequel le caiife
Omar s'appuya pour cette expédition , &
l'ufage qu'on fit des livres de cette bi-
bliothèque pour chauffer , pendant fix
mois , quatre mille bains publics. Voye\
Bibliothèque.
Photius , qui vivoit fur la fin du IX
fiecle , lorfque l'Occident étoit plongé
dans l'ignorance & dans la barbarie la plus
profonde , nous a laide , dans fa fameufe
bibliothèque , un monument immortel de
fa vafte érudition : on voit , par le grand
nombre d'ouvrages dont il juge , dont il
rapporte des fragmens , & dont une grande
partie eft aujourd'hui perdue , que la
barbarie de Léon & celle d'Omar n'a-
voient pas encore tout détruit en Grèce :
ces ouvrages font au nombre d'environ
180.
Quoique les favans , qui fuivirent Pho-
tius , n'aient pas eu autant ^érudition que
lui , cependant long-temps après Photius,
& même jufqu'à la prife de Conftan-
tinople par les Turcs , en 1453 , la
Grèce eut toujours quelques hommes ins-
truits & verfés ( du moins pour leur
temps ) dans l'hiftoire & dans les lettres ,
Pfellus , Suidas , Euftathe commentateur
d'Homère , Tzetzes , BefTarion , Genna-
dius , &c.
On croit communément que la def-
E R U
trucVion de l'empire d'Orient fut la caufe
du renouvellement des lettres en Europe ; !
que les favans de la Grèce , chaiTés de
Conftantinople par les Turcs , & appelles
par les Médicis en Italie , rapportèrent la j
lumière en Occident : cela eft vrai jufqu'à
un certain point ; mais l'arrivée des favans
de la Grèce avoit été précédée de l'inven- ;
tion de l'imprimerie » faite quelques années i
auparavant , àes ouvrages du Dante , de ;
Pétrarque & de Boçace , qui avoienc ra- |
mené en Italie l'aurore du bon goût ; j
enfin , d'un petit nombre de favans qui j
avoient commencé à débrouiller & même
à cultiver avec fuccès la littérature la-
tine , tels que le Pogge , Laurent Valla ,
Phileîphe & quelques autres. Les Grecs
de Conftantinople ne furent vraiment
utiles aux gens de lettres d'Occident , que
pour la connoifTance de la langue grecque
qu'ils leur apprirent à étudier : ils for-
mèrent des élevés , qui , bientôt , éga-
lèrent ou furpaflerent leurs maîtres. Ainfi ,
ce fut par l'étude des langues grecque &
latine que Y érudition renaquit : l'étude
approfondie de ces langues & des auteurs
qui les avoient parlées , prépara infenfi-
blement les efprits au goût de la faine lit-
térature ; on s'apperçut que les Démof-
thene & les Cïcéron , les Homère & les
Virgile , les Thucydide & les Tacite
avoient fuivi les mêmes principes dans
l'art d'écrire , & on en conclut que ces
principes étoient les fondemens de l'art.
Cependant , par les raifons que nous avons
expofées dans le difeours préliminaire de
cet ouvrage , les vrais principes du goût
ne furent bien connus & bien développés
que lorfqu'on commença à les appliquer
aux langues vivantes.
Mais le premier avantage que produifit
lécude des langues fut la critique, dont
nous avons déjà parlé plus haut : on purgea
les anciens textes des fautes que l'ignorance
ou l'inattention des copiftes y avoient in-
troduites ; on y reftitua ce que l'injure des
temps avoit défiguré ; on expliqua par de
favans commentaires les endroits obfcurs ;
on fe forma des règles pour diftinguer les
écrits vrais d'avec les écrits fuppofés , règles
fondées fur la connoifTance de l'hiftoire, de
ja Chronologie , du ftyîe des auteurs , du
E R U 955
goût & du caractère des différensfiecles. Ces
règles furent principalement utiles, lorfque
nos favans , après avoir comme épuifé la lit-
térature latine & grecque, fe tournèrent vers
ces temps barbares & ténébreux qu'on ap-
pelle le moyen âge. On fait combien notre
nation s'eft diftinguée dans ce genre d'étude ;
les noms des Pithou , des Sainte Marthe ,
des Ducange , des Valois , des Mabillon ,
Ùc. fe font immortalifés par elle.
Grâces aux travaux de ces favans hommes,
l'antiquité & les temps poftérieurs font non
feulement défrichés , mais prefque entière-
ment connus , ou du moins aufli connus
qu'il eft pofTible , d'après les monumens
qui nous relient. Le goût des ouvrages de
bel efprit & l'étude des feiences exactes a
fuccédé parmi nous au goût de nos pères
pour les matières à? érudition. Ceux de nos
contemporains qui cultivent encore ce der-
nier genre d'étude , fe plaignent de la pré-
férence exclufive & injurieufe que nous
donnons à d'autres objets ; voye\ Vhifioire
de Facad. des Belles-Lettres , tome XVI.
Leurs plaintes font raifonnables & dignes
d'être appuyées ; mais quelques-unes des
raifons qu'ils apportent de cette préférence
ne paroifTent pas aufîi inconteftabies. La
culture des lettres , difent-ils , veut être pré-
parée par les études ordinaires des collèges ;
préliminaire que l'étude des mathématiques
& de la phyfique ne demande pas. Cela eft
vrai ; mais le nombre de jeunes gens qui
fortent tous les ans des écoles publiques ,
étant très - confîdérable , pourroit fournir
chaque année à X érudition des colonies &
des recrues très- fuffifan tes , fi d'autres rai-
fons , bonnes ou mauvaifes , ne tournoient
les efprits d'un autre côté. Les mathéma-
tiques , ajoure-t-on , font compefées de par-
ties diftinguées les unes des autres, & dont
on peut cultiver chacune féparément; an !i«_u
que toutes les branches de X érudition tien-
nent entr'elles & demandent â être embraf-
fées à la fois. Il eft aifé de répondre, i°.
qu'il y a dans les mathématiques un grand
nombre de parties qui fuppofent la connoif-
fance des autres ; qu'un aftronome , par
exemple , s'il veut embrafTèr dans toute
fon étendue & dans toute fa perfection la
feience dont il s'occupe , doit être très-verfé
dans la géométrie élémentaire & fublime ,
Eeeeec i
95* ERU
dans l'analyfe la plus profonde , dans la
mechanique ordinaire & tranfcendante ,
dans l'optique & dans toutes fes branches , !
dans les parties de la phyfique & des arts
qui ont rapport à la conftruction des inf-
Crâniens ; 2°. que fi V érudition a quelques
parties dépendantes les unes des autres , elle
en a aufli qui ne fe fuppofent point réci-
proquement ; qu'un grand géographe peut
être étranger dans la connoiftànce des anti-
quités & des médailles ; qu'un célèbre an-
tiquaire peut ignorer toute lhiftoire mo-
derne ; que réciproquement un lavant dans
l'hiftoire moderne peut n'avoir qu'une con-
noiftànce très-générale & très-légère de l'hif-
toire ancienne , & ainfï du refte. Enfin , dit-
on, les mathématiques offrent plus d'efpé-
rances & de fecours pour la fortune que
Y érudition : cela peut être vrai des mathé-
matiques pratiques & faciles à apprendre ,
connue le génie , l'architecture civile & mi-
litaire , l'artillerie : Ùc. mais les mathéma-
tiques tranfeendantes & la phyfique , n'of-
frent pas les mêmes refîburces , elles font
â peu près à cet égard dans le cas de \ 'éru-
dition ; ce n'eft donc pas par ce motif qu'elles
font maintenant plus cultivées.
II me fembîe qu'il y a d'autres raifons plus
réelles de la préférence qu'on donne aujour-
d'hui à l'élude des feiences , & aux matières
de bel efprit. i°. Les objets ordinaires de
Yérudition font comme épuifés par le grand
nombre de gens de lettres , qui fe font ap-
pliqués à ce genre , il n'y refte plus qu'à
glaner ; & l'objet des découvertes qui font
encore à faire , étant d'ordinaire peu im-
portant , eft peu propre à piquer la curiofité.
Les découvertes dans les mathématiques &
dans la phyfique , demandent fans doute
plus d'exercice de la partie de l'efprit, mais
l'objet en eft plus aterayant , le champ plus
vafte ; & d'ailleurs , elles flattent davantage
Famour-propre par leur difficulté même. A
l'égard des ouvrages de bel efptiti, il eft fans
doute très-difficile i & plus difficile peut-
être qu'en aucun autre genre , d'y produire
des chofes nouvelles ; mais la vanité fe fait
aifémenr illufion fur ce point ; elle ne voit
que le plaifir de traiter desfujets plus agréa-
bles , & d'être applaudie par un plus grand
nombre de juges. Ainfi les feiences exactes
& les belles-lettres , font aujourd'hui pré-
E R U
férées à Yéru dition 3 par la même raifon qui
au renouvellement des feiences leur a fait
préférer celle-ci , un champ moins frayé &
moins battu , & plus d'occafions de dire
des chofes nouvelles , ou de pafler pour en
dite ; car i ambition de faire des décou-
vertes en un genre , eft , pour ainfi dire ,
en raifon compofée de la facilité des dé-
couvertes conhdérées en eiLs-mêmes , &
du nombre d'occafions qui fe préfentent de
les fane , ou de paroître les avoir faites.
2°. Les ouvrages de bel efprit n'exigent
prefqu'aucune lecture ; du génie & quel-
ques grands modèles fuffifent : l'étude des
mathématiques & de la phyfique ne de-
mande non plus que la lecture réfléchie de
quelques ouvrages ; quatre ou cinq livres
d un afîèz petit volume , bien médités, peu-
vent rendre un mathématicien très-profond
dans l'analyfe & la géométrie fublime ; il
en eft de même à proportion des autres
parties de ces fciences.LV>W/fto/z demande
bien plus de livres ; il eft vrai qu'un homme
de lettres qui , pour devenir érudit y fe bor-*.
neroit à lire les livres originaux, abrégeroit
beaucoup fes lectures , mais il lui en refte-
roit encore un afîez grand nombre à faire ;
d'ailleurs , il auroit beaucoup à méditer ,
pour tirer par lui-même , de la lecture des
originaux , les connoifîances détaillées que
les modernes en ont tirées peu à peu , en
s'aidant des travaux les uns des autres , &
qu'ils ont développés dans leurs ouvrages.
Un érudit qui fe formeroit par la lecture
des feuls originaux , feroit dans le cas d'un
géomètre qui voudroit fuppléer à toute
lecture par la feule méditation ; il le pourroit
abfolument avec un talent fupérieur , mais
il iroit moins vite , & avec beaucoup plus
de peine.
Telles font les raifons principales qui ont
fait tomber parmi nous Y érudition;, mais fi
elles peuvent fervir à expliquer cette chute ,
elles ne fervent pas à la juftifier.
Aucun genre de connoiftànce n'eft me-
prifable ; l'utilité des découvertes , en ma-
tière à' érudition , n'eft peut-être pas auffi
frappante , fur - tout aujourd'hui , que le
peut être celle des découvertes dans les feien-
ces exactes ; mais ce n'eft pas l'utilité feule ,
c'eft la curiofité fatisfaite , & le degré de
difficulté vaincue , qui font le mérite des
E R U
découvertes : combien de découvertes , en
matière de fc'.ence , n'ont que ce mérite ?
combien peu même en ont un autre?
L'efpece de fagacité que demandent cer-
taines branches de V érudition , par exemple
la critiqua , n'eft guère moindre que celle
qui eft néceffaire à l'étude des Sciences ,
peut-être mime y faut- il quelquefois plus
de finjiTe ; l'art & Pufage des probabilités
& djs conjectures, fuppofent en général un
efprit plus fouple & plus délié , que celui
qui ne fe rend qu'à la lumière des démonf-
trations.
D'ailleurs , quand on fuppoferoit ( ce
q.ui n'eft pas ) qu'il n'y a plus abfolument
de progrès à faire dans l'étude des langues
favantes cultivées par nos ancêtres , le Latin,
le Grec , & même l'Hébreu ; combien ne
refte t-il pas encore à défricher dans l'étude
de plufieurs langues orientales , dont la
connoiffance approfondie procureroit à no-
tre littérature les plus gra ids avantages? On
fait avec quel fuccès les Arabes ont cultivé
les fciences ; combien l'aftronomie , la
médecine , la chirurgie , l'arithmétique &
l'algèbre leur font redevables ; combien ils
ont eu d'hiftoriens , de poètes , enfin
d'écrivains en tout genre. La bibliothèque
du roi eft pleine de manufcrits Arabes ,
dont la traduction nous vaudroit une in-
finité de connoiflances curieufes. Il en eft
de même de la langue Chinoife. Quelle
vafte matière de découvertes pour nos
littérateurs ? On dira peut-être que l'étude
feule de ces langues demande un favant
tout entier , & qu'après avoir pafTé bien
des années à les apprendre , il ne reftera
plus affez de temps pour tirer de la lec-
ture àes auteurs les avantages qu'on s'en
promet. Il eft vrai que dans l'état préfent
de notre littérature , le peu de fecours que
l'on a pour l'étude des langues orientales ,
doit rendre cette étude beaucoup plas
longue , & que les premiers favans qui s'y
appliqueront , y confumeront peut-être
toute leur vie ; mais leur travail fera utile
à leurs fuccefïèurs ; les dictionnaires , les
grammaires , les traductions fe multiplie-
ront & fe perfectionneront peu à peu , &
la facilité de s'inftruire dans ces langues
augmentera avec le temps. Nos premiers
favans ont paffé prefque toute leur vie à
E R U 957
l'étude du Grec ; c'eft aujourd'hui une
affaire de quelques années. Voilà donc une
branche d'érudition _, toute neuve , trop
négligée jufqu'à nous , & bien digne d'exer-
cer nos favans. Combien n'y a-t-il pas en-
core à découvrir dans des branches plus
cultivées que celle-là? Qu'on interroge
ceux qui ont le plus approfondi la géogra-
phie ancienne & moderne , on apprendra
d'eux , avec étonnement , combien ils trou-
vent dans les originaux de choies qu'on
n'y a point vues , ou qu'on n'en a point
tirées , & combien d'erreurs à rectifier dans
leurs prédéceflèurs. Celui qui défriche le
premier une matière avec fuccès , eft fuivi
d'une infinité d'auteurs , qui ne font que
le copier dans fes fautes mêmes, qui n'ajou-
tent abfolument rien à fon travail ; & on
eft furpris , après avoir parcouru un grand
nombre d'ouvrages fur le même objet, de
voir que les premiers pas y font à peine*
encore faits , lorfque la multitude le croit
épuifé. Ce que nous difons ici de la géogra-
phie , d'après le témoignage des hommes
les plus verfés dans cette fcience , pourroit
fe dire par les mêmes raifons , d'un grand
nombre d'autres matières. Il s'en faut donc
beaucoup que X érudition foit un terrein où
nous n'ayions plus de moifïbn à faire.
Enfin les fecours que nous avons aujour-
d'hui pour Yérudition , la facilitent telle-
ment , que notre pareffe ferok inexcufable ,
fi nous n'en profitions pas.
Cicéron a eu , ce me femble , grand
tort de dire que pour réufîîr dans les ma-
thématiques , il fuffit de s'y appliquer ;
c'eft apparemment par ce principe qu'il
a traité ailleurs Archimede de petit homme,
homuntio : cet orateur parloit alors en
homme très - peu verfé dans ces fciences.
Peut-être à la rigueur , avec le travail feul r
pourroit -on parvenir à entendre tout ce
que les géomètres ont trouvé ; je doute
même fi toutes fortes de perfonnes en
feroient capables , la plupart des ouvrages
de mathématiques étant afîcz mal faits , &
peu à la portée du grand nombre des
efprits , au niveau defquels on auroit pu
cependant les rabaifter {voye\ Elémens ù
Logique) ; mais pour être inventeur dans
ces fciences , pour ajourer aux découvertes
des Defcartes & des Newton , il faut un*
9Î8 ERU
degré de génie & de taLns auquel bien peu i
de gens peuvent atteindre. Au concraire ,
il n'y a point d'homme qui , avec des yeux ,
de la patience , & de la mémoire , ne
puifïè devenir très-érudit à force de ledure. j
Mais cette raifon doit - elle taire méprifer
Yérudition ? nullement. C'eft une railbn de
plus pour engager à l'acquérir.
Enfin , on auroit tort d'objeder que
Yérudition rend l'efprit froid , pefant , in-
fenfible aux grâces de l'imagination. Ve'ra-
dition prend le caradere des efprits qui la
cultivent ; elle eft hérifTée dans ceux-ci ,
agréable dans ceux-là , brute & fans ordre
dans les uns , pleine de vues , de goût ,
de fmefTe , & de fagacité dans les autres :
Yérudition , ainfî que la géométrie , laifle
l'efprit dans l'état où elle le trouve ; ou
pour parler plus exactement , elle ne fait
d'effet fenfible en mal , que fur des efprits
que la nature y avoit déjà préparés ; ceux
que Yérudition appefantit , auroient été
pefans avec l'ignorance même ; ainfl la
pet te , à cet égard , n'eft jamais grande ;
on y gagne un favant , fans y perdre un
écrivain agréable. Balzac appelloit l'érudition
le bagage de l'antiquité; j'aimerois mieux
l'appeller le bagage de l'efprit, dans le même
fens que le chancelier Bacon appelle les
richeflfes le bagage de la vertu : en effet ,
Yérudition eft à l'efprit , ce que le bagage
eft aux armées ; il eft utile dans une armée
bien commandée , & nuit aux opérations
des généraux médiocres.
On vante beaucoup , en faveur des
fciences exades , l'efprit philofophique
qu'elles ont certainement contribué à ré-
pandre parmi nous ; mais croit-on que cet
efprit philofophique ne trouve pas de fré-
quentes occafions de s'exercer dans les
matières ^érudition ? Combien n'en faut-il
pas dans la critique , pour démêler le vrai
d'avec le faux ? Combien Phiftoire ne
fournit -elle pas de monumens de la four-
berie , de l'imbécillité , de l'erreur , & de
l'extravagance des hommes , & des philo-
fophes même ? matière de réflexions aufti
immenfe qu'agréable pour un homme
qui fait penfer. Les fciences exades , dira-
t-on , ont , à cet égard , beaucoup d'avan-
tage ; l'efprit philofophique , que leur
&ude nourrit , ne trouve dans cette étude
E R U
aucun contre-poids ; l'étude de Phiftoire ,
au contraire , en a un pour des efprits
d'une trempe commune : un érudit , avide
de faits , qui font les feules connoiflànces
qu'il recnerche & dont il fafte cas , eft en
danger de s'accoutumer à trop d'indul-
gence fur cet article ; tout livre qui con-
tient des faits , ou qui prétend en contenir ,
eft digne d'attention pour lui ; plus ce
livre eft ancien , plus il eft porté à lui ac-
corder de créance ; il ne fait pas réflexion
que l'incertitude des hiftoires modernes ,
dont nous fbmmes à portée de vérifier les
faits , doit nous rendre très - circonfpeds
dans le de^ j de confiance que nous don-
nons aux hiitoires anciennes ; un poète n'eft
pour lui qu'un hiitorien qui dépofe des
ufages de fon temps ; il ne cherche dans
Homère , comme ieu M. l'abbé de Lon-
guerue , que la géographie & les mœurs
antiques ; le grand peintre & le grand
homme lui échappent. Mais en premier
lieu , il s'enfuivroit tout au plus de cette
objedion , que Yérudition y pour être vrai-
ment eftimable, a befoin d'être éclairée
par l'efprit philofophique , & nullement
qu'on doit la méprifer en elle - même.
En fécond lieu , ne fait-on pas aufti quelque
reproche à l'étude des fciences exades ,
celui d'éteindre ou d'affoiblir l'imagination ,
de lui donner de la fécherefTe , de rendre
infenfible aux charmes des belles-lettres &
des arts , d'accoutumer à une certaine rai-
deur d'efprit qui exige des démonftrations ,
quand les probabilités fuffifent , & qui
cherche à tranfporter la méthode géomé-
trique à des matières auxquelles ellefe refufe?
Voye\ DEGRÉ. Si ce reproche ne tombe
pas fur un certain nombre de géomètres ,
qui ont fu joindre aux connoiflances pro-
fondes les agrémens de l'efprit , ne s'a-
drefte - 1 - il pas au plus grand nombre des
autres ? & n'eft - il pas fondé , du moins
à quelques égards? Convenons donc que
de ce côté tout eft à peu près égal entre
les lciences & Yérudition } pour les inconr
véniens & les avantages.
On fe plaint que la multiplication des
journaux & des didionnaires de toute ef-
pece , a porté parmi nous le coup mortel
â Yérudition y & éteindra peu à peu le goût
de l'étu4p J nous croyons avoir fuffifam-
E R U
ment répondu à ce reproche dans le âifcours
préliminaire y pag. xxxiv > dans YaveràJJe-
/72f/jfdutroifieme volume, & à la fin au mot
Dictionnaire, à l'an. Dictionnai-
res des Sciences & des Arts. Les par-
tifans de 1: 'érudition prétendent qu'il en fera
de nous comme de nos pères , à qui les abré-
gés y les analyses y les recueils de fentences ,
faits par des moines & dès clercs dans les
fiecles barbares , firent perdre infenfible-
menr, l'amour des lettres , la connoiflânce
des originaux , & jufqu'aux originaux mê-
mes. Nous fommes dans un cas bien diffé-
rent ; l'imprimerie nous met à couvert du
danger de perdre aucun livre vraiment utile:
plût à Dieu qu'elle n'eut pas l'inconvénient
de trop multiplier les mauvais ouvrages !
Dans les fiecles d'ignorance , les livres
étoient fi" difficiles à fe procurer , qu'on
étoit trop heureux d'en avoir des abrégés &
des extraits : on étoit favant à ce titre ;
aujourd'hui on ne le feroit plus.
Il eft vrai, grâces aux traductions qui
ont été faites en notre langue d'un très-
grand nombre d'auteurs , & en général ,
grâces au grand nombre d'ouvrages publiés
en François fur toute forte de matières ; il
eft vrai , dis -je , qu'une perfonne unique-
ment bornée à la connoifTance de la langue
Françoife , pourroit devenir très-favante
par la lecture de ces feuls ouvrages. Mais
outre que tout n'eft pas traduit , la lecture
des traductions , même en fait ^érudition
pure & (impie ( car il n'eft pas ici queftion
des lectures de goût) , ne fupplée jamais
parfaitement à celle des originaux dans leur
propre langue. Mille exemples nous con-
vainquent tous les jours de l'infidélité des
tradudeurs ordinaires , & de l'inadver-
tance des traducteurs les plus exacts.
Enfin , car ce n'eft pas un avantage à
paflèr fous filence , l'étude des fciences doit
tirer beaucoup de lumières de la lecture
des ancien^. On peut fans doute favoir
l'hiftoire des penfées des hommes fans
penfer foi-même ; mais un philofophe peut
lire avec beaucoup d'utilité le détail des
opinions de fes femblables ; il y trouvera
fouvent des germes d'idées précieufes a
développer , des conjeétures à vérifier , des
faits âéclaircir, des hypothefès à confirmer.
U n'y a prefque dans notre phyfique moderne
E R U 959
aucuns principes généraux , dont l'énoncé
ou du moins le fond ne fe trouve chez les
anciens ; on n'en fera pas furpris , fi on
confidere qu'en cette matière les hypothefès
les plus vraifembîables fe préfentent aftez
naturellement à l'efprit , que les combinai-
fons d'idées générales doivent être bientôt
épuifées , & par une efpece de révolution
forcée , être fucceflïvement remplacées les
unes par les autres, Voyei Eclectique.
C'eft peut-être par cette raifon , pour le
dire en paflant , que la philofophie moderne
s'eft rapprochée fur pîufieurs points de ce
qu'on a penfé dans le premier âge de la
philofophie , parce qu'il femble que la pre-
mière imprefïion de la nature eft de nous
donner des idées juftes , que l'on aban-
donne bientôt par incertitude ou par amour
de la nouveauté , & auxquelles enfin on eft
forcé de revenir.
Mais en recommandant aux philofophes
mêmes la lecture de leurs prédécefleurs , ne
cherchons point , comme l'ont fait quelques
favans , à déprimer les modernes fous ce
faux prétexte , que la philofophie moderne
n'a rien découvert de plus que l'ancienne.
Qu'importe à la gloire de Newton , qu'Em-
pedocle ait eu quelques idées vagues & in-
formes du fyftême de la gravitation , quand
ces idées ont été dénuées des preuves
nécefiaires pour les appuyer ? Qu'importe
à l'honneur de Copernic , que quelques
anciens philofophes aient cru le mouvement
de la terre , fi les preuves qu'ils en don-
noient n'ont pas été fuffifantes pour empê-
cher le plus grand nombre de croire le
mouvement du foleil ? Tout l'avantage à
cet égard , quoiqu'on en dife , eft du côté
des modernes , non parce qu'ité font fupé-
rieurs en lumières à leurs prédécefleurs ,
mais parce qu'ils (ont venus depuis. La
plupart des opinions des anciens fur le fyf-
tême du monde > & fur prefque tous les
objets de la phyfique , font fi vagues & fî
mal prouvées , qu'on n'en peut tirer aucune
lumière réelle. On n'y trouve point ces
détails précis , exacts & profonds , qui font
la pierre de touche de la vérité d'un fyftême ,
& que quelques auteurs affectent d'en ap-
pellet Y appareil, mais qu'on en doit regarder
comme le corps & la fubftance , & qui ert
font par conféquènt la difficulté & le mérite..
96o E R U
En vain un favant illuftre , en revendiquant
nos hyporhefes & nos opinions à l'ancienne
philofophie, a cru la venger d'un mépris
injufîe , que les vrais favans & les bons
efprics n'ont jamais eu pour elle; fa difièr-
tation fur ce fujet ( imprimée dans le
tome XVIII , des mém. de l'acad. des
belles-lettres , page sj , ) ne fait, ce me
fetnble , ni beaucoup de tort aux modernes,
ni beaucoup d'honneur aux anciens; mais
feulement beaucoup à Y érudition & aux lu-
mières de fon auteur.
Avouons donc d'un côté , en faveur de
Y érudition , que la le&ure des anciens peut
fournir aux modernes des germes de dé-
couvertes ; de l'autre , en faveur des favans
modernes, que ceux-ci ont poufTé beau-
coup plus loin que les anciens les preuves
& les conféquences des opinions heureufes ,
que les anciens s'étoient , pour ainfi dire ,
contentés de hafarder.
Un favant de nos jours , connu par de
médiocres traductions & de favans com-
mentaires , ne faifoit aucun cas des philo-
fophes , & fur-tout de ceux qui s'adonnent
à la phyfique expérimentale. Il les appelle
des curieux fainéans> des manœuvres qui
ofent ufurper le titre de /âges. Ce reproche
eft bien fingulier de la part d'un auteur ,
dont le principal mérite confiftoit à avoir la
tête remplie de partages grecs & latins , &
qui peut-être mériroit une partie du repro-
che fait à la foule des commentateurs , par
un auteur célèbre dans un ouvrage où il les
fait parler ainfi :
Le goût n'efi rien; nous avons l'habitude
De rédiger au long de point en point
Ce qu'on penfa ; mais nous ne penfons point.
Volt. Temple du goût.
Que doit- on conclure de ces réflexions ?
Ne méprifons ni aucune efpece de favoir
utile , ni aucune efpece d'hommes ; croyons
que les connoiflànces de tout genre fe tien-
nent & s'éclairent réciproquement ; que les
hommes de tous les fïecles font à peu près
fembiables , & qu'avec les mêmes données ,
ils produiroient les mêmes chofes : en quel-
que genre que ce foit , s'il y a du mérite à
faire les premiers efforts , il y a aufli de
E R U
l'avantage à les faire , parce que la glace
une fois rompue, on n'a plus qu'à fe laifler
aller au courant, on parcourt un vafte
efpace fans rencontrer prefqu'aucun obfta-
cle ; mais cet obftacle une fois rencontré,
la difficulté d'aller au delà en eft plus grande
pour ceux qui viennent après. (O) ,
ERUPTION, f. f. (Médecine.) Ce
terme eft ordinairement employé dans le
même fens qu exanthème > pour fignifier la
fortie de la matière morbifique fur la fur-
face de la peau dans les afFeétions cutanées,
qui forme des taches ou de petites tumeurs,
comme dans la fièvre pourprée , dans la
petite vérole.
L'adion qui produit l'apparition des taches
rouges dans la première de ces maladies ,
& celle des boutons dans la féconde , eft ce
qu'on appelle éruption. V. EXANTHEME , &
toutes les maladies exanthémateufes, comme
la petite vérole , la rougeole , la gale , Ùc.
Eruption fe prend encore dans un autre
fens , mais plus rarement : lorfqu'il fe fait
une excrétion abondante & fubite de fang,
de pus , par l'ouverture d'un vaiflèau , d'un
abcès, on lui donne le nom ^éruption, (d)
* ERYCINE, f. f. ouadj. ( Mythol. )
furnom de Vénus. Il lui venoit du mont
Erixen Sicile , où Enée lui éleva un temple
lorfqu'il aborda dans l'ifle ; la piété des
Egeftans l'avoit enrichi de vafes , de
fioles , & d'encenfoirs précieux. Dédale
y avoit confacré une vache d'or d'un travail
exquis. Il y avoit beaucoup d'autres ouvra-
ges de fa main. Voye[ dans Elien toutes
les merveilles qu'il raconte de ce temple.
Vénus Erycine avoit aufli dans Rome un
temple qui fut dédié par Fabius Maximus ,
lan 571. L. Portius en dédia un autre hors
de la porte Colline , l'an 571. Voye\ T.
Liv. de Mr. le Clerc.
* ERYMANTHE, f. m. (Géographie
ancienne & Mythologie.) montagne de
l'Arcadie, le firjour de ce terrible fanglier
qui ravageoit toutes ces contrées, qu Hercule
prit tout vivant , & qu'il conduisit chez
Eurifthée. Ce fur un de fes douze travaux.
* ERYNNIES , f. f. plur. (MythJ.)
c'eft ainfi que les Grecs appe! oient les furies.
Elles avoient un temple dans Athènes. Ce
temple des furies étoit voifin de l'Ar opage.
Voyez Furies.
*ERYNNIS,
E R Y
* ERYNNIS , f. ou adj. (Mythol)
Cérès Erynnis ou Cérès furieufe , tut àinfi
appellée par les Arcadiens , parce que ce
fut dans une caverne de l'Arcadie qu'elle
fe retira & que Pan la découvrit , lorfque
l'injure que Neptune lui fit , tandis qu'elle
parcouroit le monde pour retrouver Pro-
ferpine fa fille , lui eut aliéné fefprit. Cérès,
féduite par Neptune , alla fe laver dans un
fleuve , & fe réfugia dans le fond d'un
antre de la Sicile. Cependant la pefte &
la ftérilité ravageoient la terre : les dieux ,
inquiets du fort des hommes , cherchèrent
Cérès ; mais ils ne l'auroient point trouvée,
fï Pan ne l'eût apperçue en gardant fes
troupesux. Il en avertit Jupiter qui lui
envoya les Parques qui la décerminerent à
venir au fecours des hommes. Il n'eft pas
difficile d'appercevoir à travers les circonf-
tances de cette fable , des veftiges d'allé-
gorie , ni d'expliquer comment le voile de
l'allégorie enveloppe à la longue les faits
hiftoriques : la tradition en fe corrompant
commence cet ouvrage , & la poéfie
l'achevé.
. * ERYTRES , adj. pris fubft. ( Mythol)
Hercule futfurnommé Ery dires y d'un tem-
ple qu'il avoit à Erythrée en Ionie. La
ftatue humaine d'Hercule étoit placée fur
une efpece de radeau ,& reiïembîoit à des
ftatues Egyptiennes artiftement travaillées.
Le radeau s'arrête au promontoire de Junon,
à moitié chemin d'Erythrée à Chio : les
habitans de ces lieux emploient pour l'ame-
ner à bord tous les moyens que la marine
& la dévotion leur fuggerent ; mais c'eft
inutilement : un aveugle d'Erythrée , qui
fe mêloit de pêche avant que de faire le
métier de devin , annonce à fes concitoyens
que le feul moyen de mouvoir le radeau ,
c'eft de le tirer avec une corde filée des
cheveux des femmes Erythréennes ; les
femmes d'Erythrée aiment mieux conferver
leur chevelure que d'avoir un dieu de plus ,
& Hercule reftoit en mer , lorfque des
Thraciennes nées libres , mais efclaves dans
Erythrée , plus pieufes que les Erythréennes,
facrifierent la leur , & mettent les Ery-
thréens en pofTeflion du dieu. On récom-
penfa le zèle de ces Thraciennes , en leur
accordant le privilège exclufif d'entrer dans
le temple d'Hercule. Paufanias dit qu'on
Tome XII.
E R Z 961
montroit encore de fon temps la corde de
cheveux. Quant au pêcheur aveugle , il
recouvra la vue pour le refte de fes jours.
Voyei Miracle.
* ERYTHRÉE ou ERYTRÉENNE ,
adj. (Mythol) La fybille Erythrée eft la
première des quatre d'Elien , & la cin-
quième des dix de Varron. On dit qu'elle
prédit aux Grecs qui partoient pour l'expé-
dition de Troye , qu'ils prendroient cette
ville , & qu'Homère feroit de leurs
exploits la matière d'un ouvrage plein de
fables.
* ERYTHREUS, ou LE ROUGE ,
f. m. C Mythol) C'eft un des chevaux du
foleil.
ERYTHROIDE. Voy. Elythrotde;
ERZEROM, (Géogr.)v\\\e aftez grande
de la Turquie Afiatique , fituée fur l'Eu-
phrate , & bâtie dans une plaine au pie
d'une chaîne de montagnes , ce qui y rend
les hivers également longs & rudes. Elle
eft à cinq journées de la mer r.oire , & à
dix de la frontière de Perfe. On la regarde
comme le paflàge & le repofoir de toutes
les marchandifes dts Indes par la Turquie.
M. de Tournefort en parle fort au long
dans (es voyages , & ce qu'il en dit mérite
d'être lu. Long. 6,34, z£; lat. 39 3 5C >
3$ , fuivant le P. de Btze. Article de M. le
chevalier de Jaucourt.
È S
ES , prépofition qui n'eft aujourd'hui en
ufage que dans quelques phrafcs confa-
crées , comme maitres-ès-arts. Elle vient,
félon quelques-uns , du Grec h ou «<? in y
en ; & félon d'autres , c'eft un abrégé pour
en les , aies y aux.
Robert Etienne , dans fa grammaire ,
page y ZJ y en parlant des articles, dit qu'il
vaut mieux dire il eft es champs y que il eft
aux champs. Traité de la grammaire Fran-
foife , page 1 $69. Mais quelques années
après, Pufage changea. Nicot , en 1606 ,
dit qu'il eft plus commun de dire , il loge
aux forsbourgs y que es forsbourgs.
Es eft aufîi quelquefois une prépofition
inféparable qui entre dans la compofition
des mots ; elle vient de la prépofition latine
è ou e x y & elle a divers ufages. Souvent
Ffffff
ç6i ESC
elle perd Vs , & quelquefois elle le retient,
cfplanade , efcalade , &c. fur quoi on ne
peut donner d'autre règle que Pufage. (F)
ESCABEAU ou ESCABELLE , f. m.
( Menuif ) périt fïege de bois quairé , qui
n'eft ni couvert ni rembourre , qui n'a ni
bras ni doffier , & dont on ufoit autrefois
dans les falles à manger au lieu de chaifes.
Ce mot eft quelquefois fynonyme à mar-
chepié.
ESCABLON, f. m. (Ant -'g .) efpece de
piédeftal , ou de pierre , ou de marbre ,
ou de bois marbré qui va en diminuant
du haut en bas , qui peut avoir trois pies
de hauteur , & fur lequel on place dans
les cabinets & dans les galeries des buftes
& autres morceaux femblables.
ÉSCACHE , f. f. f Manège. J Nous nous
écarterons ici fans fcrupule de la définition
que nous trouvons du terme cTefcache y
dans le dictionnaire de Trévoux. Tous les
auteurs qui ont employé ce mot , l'ont
appliqué indifféremment à toutes fortes
d'embouchures , parce que toute embou-
chure a la pui (Tance d'efcacher en quelque
façon la barre ; & comme les anciens ne
connohToient qu'une feule manière d'afîèm-
bler les branches au mors , les éperonniers
modernes qui l'ont totalement abandonnée,
ainfi que nous avons abandonné nous-
mêmes le terme d!efcache y pour désigner
une embouchure , Font adapté mal-à-pro-
pos à cette ancienne monture. Elle étoit
telle , qu'au lieu de la fonçure & du cha-
peron , chaque extrémité du canon étoit
prolongée en un allez long triangle , pour
embrafier la broche du banquet & venir
cacher fa pointe dans une mortaife au
deffus de l'appui du canon fur les barres.
On comprend que les branches ne pou-
voient point être aufli fondement fixées
qu'elles le font par les méthodes que nous
avons préférées, Voye\ EMBOUCHURE, {e)
ESCADRE, f.f. (Marine.) C'eft un
nombre de vaiffeaux réunis enfemble fous
le commandement d'un officier général ,
foit heucenant général , foit chefd'efcadre.
Il faut au moins 4 ou 5 vaifTeaux en-
femble pour qu'on leur donne ie nom
Vefcadre.
Loi fqu'une efcadre eft considérable , c'eft-
à-dire , compofée de quinze ou vingt vaif-
E S C
féaux , on la partage en plusieurs divifîons,
& le plus ordinairement en trois ; chaque
divifion a fon commandant particulier aux
ordres du commandant général.
Les armées navales font partagées en
France en trois efcadre s ; favoir , Vefcadre
blanche , Vefcadre bleue , & Vefcadre bleue
blanche. Voye\ ARMÉE NAVALE. (Z)
ESCADRON , f. m. (Art. miln.) agmen
equejbe , turma equefiris. Dans la première
origine , on difoit agmen quadratum , d'où
il eft aifé de conclure que du mot Italien
quadro , les François ont fait celui defca-
dron , comme on difoit il n'y a pas encore
cent ans :
Aux fcadrons ennemis on a pu fa valeur
Peupler les monumens.
Racan, de VAcad. Franc,
Ducange le fait venir de fcara 3 mot de la
baffe latinité :
Bellatorum acies quas vulgari fermons,
f car as vocamus.
Hincmar , aux évèq. de Rheimsy c. j,
Scaram quam nos turmam vel cuneum
appellare confuevimus.
Air»oin, iip. IV, c. xxvj.
Les Efpagnols difent efcadro ,per avar
forma quadrada ; les Allemands appellent
l'efcadron ,fchwvadron , gefwader ou reucer
fchar , qui veut dire bande de reifîres.
Efcadron eft un afîemblage de gens à
cheval deftinés pour combattra ; le nombre
des hommes , celui des rangs & des files ,
ainfi que la forme qu'on doit donner aux
efeadrons y a varié de tous les temps , &
n'eft point encore déterminée ; l'efpece de
gens à cheval , la quantité qu'on en a , les
occurrences , & plus encore l'opinion de
ceux qui commandent , ont jufqu'àpréfent
fait la loi à cet égard.
Les deux plus anciens livres que nous
ayions , l'un facré, & l'autre profane, ne
nous difent rien de l'ordre dans lequel on
faifoit fervir la cavalerie : Moyfe nous ap-
prend feulement qu'avant lui Tufage de
monter à cheval étoit connu ; & Homère
ne nous enfeigne tien de la manière dont
&
I
ESC
les Grecs & les Troyens fe fervoïent de leur
cavalerie dans la guerre qu'ils eurent en-
femble. Voye^ EQUITATION. Ainfi nous
parlerons de celle des temps moins reculés ,
comme on fe l'eft propofé par le renvoi du
mot cavalerie à celui tfefcadron : & après
avoir dit quelque chofe de fon utilité , de
(es fervices , des fuccès qu'elle a procurés ,
Ùc. on expliquera les différentes formes
^n'on a données à la cavalerie, cjomprife
ous le nom d'efcadron.
Les plus grands capitaines ont toujours
fait un cas particulier de la cavalerie ; les
fervices qu'ils en ont tirés , le grand nombre
de fuccès décififs , dus principalement à ce
corps dans les occafions les plus importantes
dont l'hiftoire ancienne & moderne nous
a tranfmis le détail ; enfin le témoignage
unanime des auteurs que nous regardons
comme nos maîtres dans l'art de la guerre ,
font autant de preuves indubitables que la
cavalerie eft non feulement utile , mais
d'une nicefTité abfolue dans les armées.
Polybe attribue formellement les victoires
remportées par les Carthaginois à Cannes
& fur les bords du Teflin , celles de la
Trébie & du lac de Thrafymenne , à la
fupériotité de leur cavalerie. « Les Cartha-
» ginois , dit-il , (liv. III 3 chap. xxiv.) eu-
9) rent la principale obligation de cette vic-
» toire , auiïi-bien que des précédentes , à
» leur cavalerie , & par-là donnèrent à
v> tous les peuples qui dévoient naître après
n eux , cette importante leçon , qu'il vaut
» beaucoup mieux être plus fort en cava-
» lerie que fon ennemi, même avec infanterie
a moindre de moitié,que d'avoir même nom-
t> bre que lui de cavaliers & de fantaflins. »
La réputation dont jouit Polybe depuis
près de vingt fiecles , d'être l'écrivain le
plus confommé dans toutes les parties de
la guerre , femble mettre fon opinion hors
de doute ; il n'a d'ailleurs écrit que ce qui
s'eft paiTé pour ainfi dire fous fes yeux ,
& il a pour garans de fon précepte tous les
faits dont fon hiftoire eft remplie , les vic-
toires d'Annibal auili-bien que fa défaite à
Zama ; & l'on peut regarder la féconde
guerre punique , comme la véritable épo-
que de l'établifTement de la cavalerie dans
les armées ; avant ce temps les Grecs & les
Romains en avoient très-peu , parce qu'ils
ESC 963
en ignoroient Pufage , & que d'ailleurs les
Grecs n'eurent long-temps à combattre que
les uns contre les autres , & dans des pays
frériles où la cavalerie n'auroit pu trouver
à fubfifter , & qui étoient coupés de mon-
tagnes impraticables pour elle. La fameufe
retraite des dix mille n'eit pas un exemple
qui prouve que les Grecs fulTent fe pafTer
de cavalerie ; il n'y a qu'à les écouter, pour
s'afîurer qu'ils étoient au contraire très-con-
vaincus qu'elle leur auroit été d'un grand
fecours : « hs Grecs , dit Xénophon en
parlant de cette retraite dont il fut un des
principaux chefs , » s'affligeoient beaucoup
n quand ils confidéroient que faute de ca-
» valerie la retraite leur devenoit impofîible
>y au cas qu'ils fuiTent battus , & que vain-
» queurs ils ne pouvoient ni pourfuivre les
n ennemis , ni profiter de la victoire ; au
» lieu que Ti/rapherne , & les autres géné-
» raux qu'ils avoient à combattre, mettoient
t) facilement leurs troupes en fureté toutes
» les fois qu'ils étoient repoufTés. » Ce paf-
fage prouve bien que fî les Grecs n'eurent
pas de cavalerie dans les temps de la guerre
des Perfes , c'eft qu'ils n'avoient pas les
moyens d'en avoir. Les uns étoient pauvres,
& regardoient la pauvreté comme une loi
de l'état , parce qu'elle étoit un rempart
contre la mollefîè & contre tous les vices
qu'introduit l'opulence , aufîi dangereufe
dans les petits états qu'elle eft nécefîàire dans
les grands. Les autres plus riches furent
obligés de tourner leurs principales vues du
côté de la mer , & l'entretien de leur flotte
abforboit les fonds militaires , qui auroienC
pu fervir à fe procurer de la cavalerie.
Les Grecs une fois enrichis des dépouilles
de la Perfe , crurent ne devoir faire un meil-
leur ufage des tréfors de leurs ennemis ,
qu'en augmentant leurs armées de cavalerie.
Ils en avoient à la bataille de Leudres , &
celle des Thébains contribua beaucoup à la
victoire. On leur compte aufll cinq mille
chevaux fur cinquante mille hommes à la
bataille de Mantinée , & ce fut à ù cava-
lerie qu'Epaminondas dut en grande partie
la victoire. C'eft à fa fage prévoyance que
les Thébains durent chez eux cet utile éta-
bliffement , qui doîr être regardé comme
l'époque du rôle le plis brillant qu'ils aieac
joué fur la terre. Ce général , le plus grand
Ffffffi
964 ESC
homme peut-être que la Grèce ait produit ,
entendoit trop bien l'art de la guerre pour
en négliger une partie auiïi efîentielle. Dés
ce moment les Grecs ne le tiennent plus fur
la défenfive ; on les voit porter la guerre
jufqu'aux extrêmicés de l'Orient : de'fèin
que jamais Alexandre n'eût fans doute ofé
concevoir , fi fon armée n'avoit été com-
pofée que d'infanterie. On fait que les Thef-
Taliens ayant imploré le fecours de Philippe
contre leurs tyrans , il les défit , & qu'il
s'attacha par-ià ce peuple dont la cavalerie
éroit alors la meilleure du monde ; ce fut
elle qui, jointe à la phalange macédonienne ,
fit remporter tant de vidoires à Philippe &
â fon fils : c'eft cette cavalerie que Tite-
Live appelle Alexandrifortitudo. Quant aux
Romains , il eft encore vrai que dans leur
premier temps ils n'eurent que très-peu de
cavalerie. L'hiftoire nous apprend que Ro-
mulus n'avoit dans les armées les plus fio-
rifîantes de fon règne , que mille chevaux
fur quarante - fix mille hommes de pies :
ce qu'on en peut conclure , c'eft que Ro-
mulus n'étoit pas fort riche ; la dépenfe qu'il
eût été obligé de faire pour s'en procurer
davantage & pour l'entretenir , auroit de
beaucoup excédé fes forces , dans un temps
fur-tout où il avoit tant d'autres établiffe-
mens à faire : d'ailleurs les environs de
Rome , le feul pays qu'il pofîedoit & ceux
d'Italie en général , étoient peu propres pour
la guerre : enfin les premières guerres des
Romains furent contre leurs voifins , qui
comme eux n'étoient pas en état de s'en
fournir , & dans ce cas , les chofes étoient
égales de part & d'autre. Les conquêtes &
les alliances que firent par la fuite les Ro-
mains , leur donnèrent les moyens d'aug-
menter leur cavalerie ; celle que les peuples,
devenus fujets ou alliés de Rome , entre-
tenoient pour elle à leurs dépens , étoic en
ce genre la principale force des armées Ro-
maines; mais cette cavalerie étoit mal armée.
Les Romains ignorèrent long-temps l'art
de s'en fervir avec avantage ; & c'eft cette
inexpérience qu'on peut regarder comme le
principe de tous les malheurs qu'ils effuye-
rent dans les deux premières guerres puni-
ques : dans la première , Regulus eft en-
tièrement défait par la cavalerie Carthagi-
noife ; & dans la féconde, comme on l'a
ESC
déjà dit , Annibal bat les Romains dans
toutes les occafions. La cavalerie faifoit au
moins le cinquième de fes troupes ; aufti
Fabius n'eft pas plutôt à la tête des armées
Romaines, qu'il prend le fage parti d'éviter
le combat; &que pour n'avoir rien à fouf-
fi ir ce la cavalerie Carthaginoife, il eft obligé
de ne plus conduire fes légions que fur le
pié des montagnes.
Les Carthaginois firent enfin fentir aux
Romains l'obligation d'être forts en cava-
lerie , ils le leur apprirent à leurs dépens ,
& les Romains ne commencèrent à ref-
pirer que lorfque des corps entiers de ca-
valerie Numide eurent paiTé de leur côté :
ces défertions qui afFoibliiToient d'autant
l'ennemi , leur procurèrent infenfiblement
la fupériorité fur les Carthaginois. Annibal
j obligé d'abandonner l'Italie pour aller au
• fecours de Carthage , n'avoit plus cette
formidable cavalerie avec laquelle il avoit
remporté tant de victoires : à fon arrivée
en Afrique , il fut joint par deux mille
chevaux ; mais un pareil renfort ne fégaloit
pas à beaucoup près à Scipion , dont la
cavalerie s'éroit augmentée par des recrues
faites dans l'Efpagne nouvellement conqui-
fe , & par la jonction de Mafiniftà roi des
Numides , qui avoit appris des Grecs à
bien armer fa cavalerie , & à la bien faire
fervir : ce fut cette fupériorité qui , au
rapport de tous les hiftoriens , décida de
la bataille de Zama. « La cavalerie , dit
» M. de Montefquieu ( caufe de la gran-
it deur & de la décadence des Romains J y
» gagna la bataille & finit la "guerre. » Les
Romains triomphèrent en Afrique par les
mêmes armes qui tant de fois les avoient
vaincus en Italie.
Les Parthes firent encore fentir aux Ro-
mains avec quel avantage on combat un
ennemi inférieur en cavalerie. " La force
» des armées Romaines , dit Fauteur ci-
» deftiis cité , confiftoit dans l'infanterie
« la plus ferme , la plus forte & la mieux
» difciplinée du monde ; les Parthes n'a-
» voient pas d'infanterie , mais une cava-
« lerie admirable ; ils combattoient de
» loin & hors la portée des armes Romai-
« nés , ils afliégeoient une armée plui'ôt
» qu'ils ne la combattoient ; inutilement
» pourfuivis , parce que chez eux fuir
ESC
y, c'était combattre : ainfi ce qu'aucune
>? nation n'avoit pas encore fait ( d'éviter
» le joug ) , celle des Parthes le fit, non
h comme invincible, mais comme inac-
f> cefïible. » On peut dire plus , les Parthes
firent trembler les Romains ; & c'eft fans
doute le péril où cette puiflànte rivale mit
plus d'une fois leur empire en Orient , qui
les força d'augmenter confidérablement la
cavalerie dans leurs armées. Cette augmen-
tation kur devenôit d'autant plus nécef-
faire , que leurs frontières s'étant fort
étendues , ils n'auroient pu , fans des trou-
pes nombreufes en ce genre , arrêter les
încurfions des barbares: d'ailleurs , le relâ-
chement de la difeipline militaire leur fit
infenfiblement perdre l'habitude de fortifier
leurs camps , & dès-lors leurs armées au-
roient couru de grands rifques , fans une
cavalerie capable de réfifter à celle de leurs
ennemis ; enfin , l'on peut dire que prefque
toutes les difgraces effuyées , ainfi que la
plupart des avantages remportés par les
Romains , ont été l'effet , les unes de leur
infériorité, les autres de leur fupériorité
en cavalerie.
Si l'on veut lire avec attention les com-
mentaires de Céfar, on y verra que ce
grand homme qui dut fes principaux fuc-
cès à Ton inimitable célérité, fe fervoit fi
utilement de fa cavalerie , qu'on peut en
quelque forte regarder fes écrits comme
la meilleure école que nous ayions en ce
genre.
Quand il feroit vrai que les anciens fe
fufîènt paffés de cavalerie , il n'en réful-
teroit pas qu'on dût aujourd'hui n'en point
faire ufage : autant vaudroit - il prétendre
qu'on fît la guerre fans canon , ces deux
proportions feroient d'une nature toute
fembîable ; ce font des fyftêmes qu'on ne
pourra faire approuver que Iorfque toutes
les nations guerrières feront convenues en-
tr'elles d'abolir en meme temps l'ufage de
la cavalerie & du canon.
Pour ne parler que de nos temps & de
nos plus grands généraux ( fes Turenne &
les Condé ) , on fait que M. de Turenne
dut la plupart de Ces fuccès , pour ne pas
dire tous , à la cavalerie : ce général , fans
doute comparable aux plus grands perfon-
nages de l'antiquité , avoit pour maxime
ESC 96$
de travailler V ennemi par détail y maxime
qu'il n'auroit pu pratiquer s'il n'eût eu
beaucoup de cavalerie ; aufïï fes armées
furent - elles compofées prefque toujours
d'un plus grand nombre de gens de che-
val , que de gens de pie.
La célèbre bataille de Rocroi nous ap-
prend le cas que faifoit le grand Condé
de la cavalerie , & combien il favoit la
faire fervir avec avantage. Cette viâcire
fixe l'époque la plus flonfîànte de la nation
Françoife ; c'eft elle qui commence le règne
de Louis le Grand.
Dans cette fameufe journée , les manœu-
vres de cavalerie furent exécutées avec au-
tant d'ordre , de précifion & de conduite ,
qu'elles pourroient l'être dans un camp de
difeipiine par des évolutions concertées ;
jamais l'antiquité dans une affaire générale
n'offrit des traits de prudence & de valeur
tels que ceux qui ont fignalé cette vidoire ;
elle raflèmble dans fes circonftances tous
les événemens finguliers qui diffinguent les
autres batailles , & qui caradérifent les
propriétés de la cavalerie. « Jamais bataille,
» dit M. de Voltaire , n'avoit été pour la
» France ni plus glorieufe , ni plus impor-
» tante ; elle en fut redevable à la conduite
y> pleine d'intelligence du duc d'Anguien,
» qui la gagna par lui-même , & par l'effet
» d'un coup-d'œil qui découvrit à la fois
y> le danger & la refiburce ; ce fut lui qui
» à la tête de la cavalerie attaqua par trois
» différentes fois , & qui rompit enfin cette
m infanterie Efpagnoîe jufque - là invinci-
» bîe ; par lui le refpect qu'on avoit pour
» elle fut anéanti , & les armes Françoifes
» dont pîufieurs époques étoient fatales à
y> leur réputation , commencèrent d ecre
» refpeétées ; la cavalerie acquit fur- tout
» en cette journée la gloire d'être la meil-
» leure de l'Europe. »
II n'eft point étonnant que les plus grands
hommes aient penCé d'une manière uni-
fprme fur la neceffité de la cavalerie ; il ne
faut que fuivre pié à pié les opérations
de la guerre pour' fe convaincre de l'im-
portance dont il eft , qu'une armée foit
pourvue d'une bonne & nombreufe cava-
lerie.
A examiner le début de deux armées,
on verra que la plus forte en cavalerie doit
966 ESC
nécefîaîrement impofer la loi à îa plus foï-
ble , foit en s'emparant des pofiês les plus
avantageux pour camper , foit en forçant
l'autre par des combats continuels à quitter
fon pays , ou celui dont elle auroit pu fe
rendre maîtreiïe.
Alexandre dans fon pafTàge du Grâhi-
que , & Annibal dans Ion début en Italie
par le combat du Tefïin , nous fournifTènt
* deux exemples , qui donnent à cette pro-
portion la force de l'évidence.
Or , deux victoires dont tout l'honneur
appartient à la cavalerie , & l'influence
qu'ellesont eu l'une & l'autre fur les évé-
nemens qui les ont fuivis , prouvent com-
bien ce fecours eft effentitl aux premières
opérations d'une campagne. Si l'on en veut
des traits plus modernes & analogues à no-
tre manière de faire la guerre , la dernière
nous en offre dans prefque chacun de nos
fuccès , ainfi que dans les circonftances
malheureufes.
Dans les détails de la guerre , il y a
quantité de manœuvres , toutes fort efTen-
tiel'es , qui feroient impraticables à une
armée deftituée de cavalerie ; s'il s'agit de
couvrir un deflein , de mafquer un corps
de troupes , un pofte , c'eft la cavalerie qui
le fait. M. de Turenne fit lever le fiege
de Cazal en 164O , en raflemblant toute
la cavalerie fur un même front ; les enne-
mis trompés par cette difpofition , perdi-
rent courage , prirent la fuite : jamais
vicloire ne fut plus complète pour les
François , dit l'auteur de l'hiftoire du
vicomte.
A la journée de Fleurus , M. le maré-
chal de Luxembourg fit faire à fa cavalerie
un mouvement à peu près femblable , fur
lequel M. de Valdec prit le change; ce
qui lui fit perdre la bataille (1690). C'eft ,
dit M. de Feuquieres , une des plus belles
actions de M. de Luxembourg.
La fupériorité de la cavalerie donne la
facilité de faire de nombreux détachemens ,
dont les uns s'emparent des défilés, des
bois , des ponts , des débouchés , des gués ;
tandis que d'autres , par de faufiès mar-
ches , donnent du foupçon à l'ennemi,
& l'afFoibliflent en l'obligeant à faire di-
verfion.
Une armée qui fe met en campagne eft
ESC
nri corps compofé d'infanterie , de cava-
lerie , d'artillerie & de bagage ; ce corps
n'eft parfait qu'autant qu'il ne lui manque
aucun de (gs membres ; en retrancher un ,
c'eft l'affaiblir , parce que c'eft dans l'union
de tous que réfide toute la force , & que
c'eft cette union qui refpe&ivement fait la
fureté & le foutien de chaque membre.
Dans la comparaifon que fait Iphicrate
d'une armée avec le corps humain , ce
général Athénien , dit que la cavalerie lui
tient lieu de pié , & l'infanterie légère de
main ; que le corps de bataille forme là
poitrine , & que le général en doit être
regardé comme la tête. Mais fans s'arrêter
à des comparaifons , il fufht d'examiner
comment on difpofe la cavalerie lotfqu'on
veut faire agir , pour fentir l'étroite obli-
gation d'en être pourvu. C'eft elle dont
on forme la tête , la queue , les flancs ;
elle protège , pour ainfi dire , toutes les
autres parties , qui fans elle courroient rif-
que à chaque pas d'être arrêtées , coupées,
& même enveloppées ; s'il eft queftion de
marcher , c'eft la cavalerie qui afTure la
tranquillité des marches , c'eft à elle qu'on
confie la fureté des camps , laquelle dépend
de fes gardes avancées ; plus elle fera nom-
breufe , & plus fes gardes feront multi-
pliées : delà les patrouilles pour le bon
ordre & contre les furprifesen feront plus
fréquentes , & les communications mieux
gardées ; les camps qui en deviendront plus
grands , en feront plus commodes pour
les nécefîités de la vie ; ils pourront con-
tenir des eaux , des vivres , du bois & du
fourrage , qu'on ne fera pas obligé de
faire venir à grands frais avec beaucoup
de peine & bien des rifques.
On peut confiderer que de deux ar-
mées , celle qui fera fupérieure en cavalerie
fera l'ofFenfive , elle agira toujours fuivant
l'opportunité des temps & des lieux , elle
aura toujours cette ardeur dont on eft
animé quand on attaque ; l'autre obligée
de fe tenir fur la défenfive , fera toujours
contrainte par la néceflicé des circonftan-
ces , qu'une grofîè cavalerie fera naître à
fon défavantage à chaque moment ; le
foldat fera toujours furpris , découragé 9
il n'aura fièrement pas la même confiance
que l'attaquant. Lorfqu'une armée fera
ESC
pourvue d'une nombreufe cavalerie , les
détachemens fe feront avec plus de Faci-
lité ; tous les jours forciront de nouveaux
partis , qui fans cefîl1 obfédant l'ennemi ,
le gêneront dans toutes fes opérations , le
harcèleront dans fes marches, lui enlé/e-
ront fes détachemens , fes gardes , & par-
viendront enfin à le détruire par les dé-
tails ; ce qu'on ne pourra jamais efpéter
d'une armée foible en cavalerie , quelque
forte qu'elle foit d'ailleurs : au contraire ,
réduite à fe tenir enfermée dans un camp
d'où elle n'ofe fortir , elle ignore tous les
projets de l'ennemi, elle ne fauroit jouir
de l'abondance que procurent les convois
fréqu ns , on les lui enlevé tous ; ou s'il
en échappe quelques-uns ; ils n'abordent
■qu'avec des peines infinies. C'eft la cava-
lerie qui produit l'abondance dans un
camp ; fans elle point de fureté pour
les convois : il faut qu'à la longue une
armée manque de tout ; vivres , fourra-
ges , recrues , tréfors , artillerie , rien ne
peut arriver , fi la cavalerie n'en aflure le
tranfport.
Les efcortes du général & de Ces Iieure-
nans font aufli de (on refîbrt , & c'eft elle
feule qui doit être chargée de cette partie
du fervice. La guerre fe fait à l'œil. Un
général qui veut reconnokre le pays &
juger par lui-même de la pofltion d.s en-
nemis , rifqueroit trop de fe faire efcorter
par de l'infanterie ; outre qu'il nepourror:
aller ni bkn loin ni bien vite , il fe mectroit
dans le danger de fe faire couper & enle-
ver , avant d'avoir apperçu les troupes de
cavalerie ennemies chargées de ce te opé-
ration» Le feul parti qu'ait à prenire un
général , s'il manque de cavalerie , c'eft
de ne pas pafïèr les gardes ordinaires : or
que peut- on attendre de celui qui ne pou-
vant connoître par lui-même la difpofition
de l'ennemi , ne fauroit en juger que par
le rapport des efpions ? & le moyen que
fes opérations puiflènt être bien dirigé- s,
fi faute de cavalerie il ne peut ni prendre
langue , ni envoyer à la découverte , ni
reconnoître les lieux?
La vîtefTe , comme Je remarque Mon-
Éecuculli , eft bonne pour le fecret , parce
qu'elle ne donne pas le temps de divulguer
Us deflèins y c'eit par -là qu'on faifit les
ESC 967
momens , & c'eft cette qualité qui diftin-
gue particulièrement la cavalerie ; prompte
à fe porter par-tout où fon fecours eft né-
celîàire , on l'a vu fouvent rétablir par fa
célérité des affaires que le moindre retar-
dement auroit pu rendre défefpérées. La
vivacité la met dans le cas de profiter des
moindres défordres ; & fi elle n'a pas tou-
jours l'avantage de vaincre, elle a en fe
retirant celui de n'être jamais ro-alement
vaincue. La victoire , lorfqu'elle eft l'ou-
vrage de la cavalerie, eft toujours com-
plète; celle que remporte l'infanterie feule
ne l'eft jamais.
La guerre eft pleine de ces occasions ,
dans lefquelles on ne fauroit fans rifque
accepter le combat. Il en eft d'autres , au
contraire , où l'on doit y forcer , & c'eft
par la cavalerie qu'on eft le maître du
choix.
Une armée ne peut fe paffèr de vivres ,
d'hôpitaux , d'artillerie . d'équipages ', îl
faut du fourrage pour les chevaux deftinés
à ces difFéiens ufages , il en faut pour ceux
des officiers-généraux & particuliers; &
s'il n'y a point de cavalerie qui foit char-
gée du foin d'y pourvoir, l'infanterie ne
pourra feule aller un peu loin faire ces
fourrages ; elle n'ira pas interrompre ceux
de l'ennemi , lui enlever Ces fourrageurs ;
la chaîne qu'elle formeroit ne feroit i\\.
aftez étendue pour embraftèr un terrein
fuffifant, ni affez épairT) pour . foutenir
rimpétuofité du choc de la cavalerie en-
nemie.
Pour peu que l'on confidere la variété
des opérations d'une armée , & l'étendue
de fes befoins , on ne peut dire que l'in-
fanterie foit feule en état d'y fufïire.
Dans la guerre de plaine & dans toutes
les occasions , par exemple , qui exigent
un peu de célérité , & qui font afîurément
très fréquentes , peut - on s'emp "cher de
convenir qu'elle ne foit d'une grande ni-
cerTué ? Eft- il queftion de traverfer une
rivière à la nage ou à gié? c'eft la cavalerie
qui facili e le paftàge en rompan la rapidité
de 1 eau par la force des efcadwns, ou parce
; que chaque cavalier peut porter en croupe
j un fan^ftïn. Si l'on veut prére;uerun grand
! fron. . fi l on veut déborder l'ennemi , l'en-
velopper , c'eft parle moyen de la,cavalerife
9*8. ESC
qu'on le fait , c'eft en détachant Couvent
des troupes de cavalerie qu'on maintient
le bon ordre fi néceftaire à une armée ; elles
empêchent les déïerteurs , les maraudeurs
de fortir du camp ; ce font elles qui veil-
lent à ce qu'il n'y entre point d'efpions
ou autres gens aufiï dangereux , & qui
procurent aux payfans la fureté chez
eux , & la liberté d'apporter des vivres au
camp.
Si l'on excepte les fieges qui font des
opérations auxquelles on ne peut procéder
que lentement , & pour ainfi dire pie* à
pié , on ne trouvera peut-être point d'au-
tres occafions à la guerre qui ne demandent
de la diligence , & conféquemment pour
laquelle les fervices de la cavalerie ne foienc
très - avantageux : & d'ailleurs perfonne
n'ignore que dans les fieges , la cavalerie
n'ait un fervice qui lui foit uniquement
afïèclé ; on l'a vu au dernier fïege de
Berg-op-zoom faire fes fondions , & par-
tager même celles de l'infanterie. Ce n'eft
pas le feul exemple qui prouve qu'elle eft
capable de fervir utilement en mettant pie
à terre.
Le premier fervice de la cavalerie dans
les lièges , & le plus important , eft celui
de l'inveftiflement de la ville qu'on veut
aiïiéger avant que. l'ennemi ait pu y faire
entrer du fecours ; veut-on , au contraire,
fecourir une ville menacée d'un fiege , ou
même qui eft aftiégée ; c'eft au moyen de
la cavalerie. Le grand Condé nous en fournit
un exemple dans le fervice qu'elle lui a
rendu en pareille occaficn ; il s'agiflbit de
faire entrer du fecours dans Cambrai que
M. de Turenne tenoit afliégé , le temps .
preftbit : le prince de Condé rafîèmble à !
la hâte dix-huit efcadrons 9 fe met à leur
tête , force les gardes , fe fait jour jufqu'à
la contrefcarpe , il oblige M. de Turenne
de lever le fiege. Ce fut un feul détache- !
ment de cent chevaux qui en quelque j
forte a donné lieu au dernier fiege de !
Berg-op-zoom, fiege à jamais glorieux pour i
1er armes du roi , & pour le général qui I
y a commandé ; car il eft à préfumer que j
le fiege eût été différé , ou que peut-être I
on ne l'eût pas entrepris, fi les grandes
gardes de cavalerie qu'avoient en avant les
ennemis , eulTent tenu afîèz de temps pour '
ESC
leur donner celui d'envoyer leur cavalerie ;
& enfuite le refte de leur aemée qui étoit
de l'aune côté, s'érabiir entre la ville &
notre camp : mais ces gardes firent peu
de réfiftance ; une partie fut enlevée t &
le refte prit la fuite.
La cavalerie n'eft pas moins néceffaire
. pour la détente d'une place , fi des afîiégés
en manquoient , ils ne pourroient faire de
forties , ou leur infanterie courroit rifque
en forrant de fe faire couper par la cavalerie
des ennemis.
Un état dépourvu de cavalerie , pourroit
peut-être garder pour un temps fes places
avec fa feule infanterie ; mais combien en
ce cas ne lui en faudroit-il pas? & que lui
ferviroient fes places fi l'ennemi , au moyen
de fa cavalerie , pénétroit jufque dans le
cœur du royaume ?
La levée & l'entretien d'un corps de
cavalerie entraînent deladépenfe; mais les
contrioutions qu'elle impofe au loin , les
vivres , les fourrages qu'elle en tire , la
fureté des convois qu'elle procure , & tant
d'autres fervices qu'elle feule eft en état de
rendre , ne dédommagent-ils pas bien avan-
tageusement de la dépenfe qu'elle occa-
fione ? D'ailleurs la cavalerie étant d'une
utilité plus générale pour les opérations
de la guerre , on ne fauroit dire qu'elle
foit plus à charge à l'état que l'infanterie ,
puifque la levée d'un efcadron n'eft pas
d'une dépenfe plus grande que celle d'un
bataillon , & que l'entretien de celui-ci eft
bien plus considérable.
Enfin , fi l'on s'en rapporte aux plus
grands capitaines , on fera forcé de con-
venir que l'avantage fera toujours le plus
grand pour celui des deux ennemis qui
fera fuperieur en cavalerie
Cyrus , Alexandre , Annibal , Scipion ,
jouiftent depuis plus de vingt fiecles d'une
réputation qu'ils doivent au fuccès que leur
a procuré leur cavalerie. Cyrus & Annibal
avoient une cavalerie très - nombreufe ;
Alexandre eft celui des Grecs qui , à pro-
portion de fes forces , en a eu le plus ; &
l'on ne voit pas que les Grecs fous ce prince,
non plus que les Perfes & les Carthaginois
du temps de Cyrus, aient été fur leur
déclin \ il fembleroit , au contraire , que la
vie de ces grands homraes pourroit être
regardée
ESC
regardée comme l'époque la plus floriflante
de leur nation.
Si les Romains , après avoir été vaincus
par la cavalerie des Carthaginois , triom-
phent enfin d'eux , c'eft que ceux-ci furent
abandonnes de leur cavalerie , que leur
enleva Scipion par fes alliances & Tes con-
quêtes ; & cette guerre qui avoit commencé
par être honteufe au peuple Romain , finit
par l'époque la plus floriflànte pour lui.
Les fuffrages des auteurs modernes , qui
ont le mieux écrit de l'art militaire , fe
réunifient avec l'autorité des plus grands
capitaines & des meilleurs écrivains de
l'antiquité. Il fembloit au brave la Noue ,
que fur quatre mille lances il fuffifoit de 2500
hommes d'infanterie. » Perfonne ne con-
» tredira , ajoute cet auteur , qu'il ne faille
» toujours entretenir bon nombre de gen-
» darmerie ; mais d'inlanterie aucuns efti-
» ment qu'on s'en peut pafler en temps
» de paix. » Mais on doit confidérer que
la Noue écrivoit dans un temps ( 1587 )
où l'infanterie étoit comptée pour peu de
chofe ; parce que les principales actions
de guerre confiftoient moins alors à prendre
des places , qu'en des affaires de plaine
campagne , où l'infanterie ne tenoit pas
contre la cavalerie. Sa réflexion ne peut
manquer de tomber fur la nécefîité qu'il y
a d'exercer pendant la paix la cavalerie ,
qui ne peut être bonne à la guerre fi elle
eft nouvellement levée.
Un auteur fort eftimé , & en même temps
grand officier (M. le maréchal de Puyfegur),
qui connoifîbit fans doute en quoi confifte
la force des armées , dont il avoit rempli
les premiers emplois pendant cinquante-fix
ans , propofe dans fes projets de guerre plus
de moitié de cavalerie fur une fois autant
d'infanterie.
Santa-Cruz veut qu'une armée foit tou-
jours compofée d'une forte cavalerie ; il
foutient même qu'elle doit être une fois
plus nombreufe que l'infanterie , fuivant
les circonftances : par exemple , fl les enne-
mis la craignent davantage , ou fi votre
nation eft plus propre à agir à cheval qu'à
pié ; la nature du pays où l'on fait la
guerre eft une diftinôion qu'il a oublié de
faire. «Un pays plain , dit M. de Turenne,
jy eft très - favorable à la cavalerie : il lui
Tome XII.
ESC 969
t> IaifTe route la liberté néceflaire â fon fer-
» vice , & lui donne beaucoup d'avantage
» fur l'infanterie. « Ce grand général , dont
les maximes font des loix , avoit toujours 9
comme on l'a déjà dit , dans fes aimées au
moins autant de cavalerie que d infanrerie ,
& on 1 a vu quelquefois avec un plus grand
nombre de cavalerie.
Enfin , Montécuculli , le Vegece de nos
jours , eftime que la cavalerie pefanre doit
au moins faire la moitié de l'infanterie ,
& la légère , le quart au plus de la pefante :
les fentimens de ces grands généraux de
nations différentes , ceux des anciens & des
plus grands capitaines , la raifon & l'expé-
rience , les opérations les plus importantes
de la guerre , & tous les befoins d'une
armée, font autant de témoignages de la
néceflité de la cavalerie.
C'eft fans doute à caufe de l'importance
des fervices de la cavalerie en campagne ,
que de tout temps on a jugé que dans les
occafîons où il fe trouve mélange des deux
corps , l'officier de cavalerie commanderoit
le tout , parce que les opérations de la
cavalerie exigent une expérience particu-
lière que ne peut avoir l'officier d'infan-
terie ; & l'on peut dire que fi celle - ci
attend la mort avec fermeté , l'autre y vole
avec intrépidité.
On a prouvé de tout temps que des
cavaliers épars n'auroient aucune folidité ;
c'eft ce qui a obligé d'en joindre plufieurs
enfemble , & c'eft cette union , comme
on l'a déjà dit , qu'on nomme efcadron.
Bien des peuples formoient leurs efcadrons
en triangle , en coin , en carré de toutes
efpeces : le lofange étoit. l'ordonnance la
plus généralement reçue , mais l'expérience
a fait fentir qu'elle feroit vicieufe , & a fait
prendre à toutes les nations la forme des
efcadrons carrés. Les Turcs feuls fe fervent
encore du lofange & du coin ; ils penfent,
comme les anciens , que cette forme eft
la plus propre pour mettre la cavalerie en
bataille fur toutes fortes de terreins , & la
faire fervir avantageufement aux diffé-
rentes opérations de la guerre , d'autant
plus facilement , qu'il y a un officier à
chacun de fes angles : d'ailleurs comme cet
efcadron fe préfente en pointe , ils croient
qu'il lui eft aifé de percer par un moindre
Ggiïggg
oyo £ S C
Intervalle ; que n'occupant pas un grand ^
efpace, il a plus de vivacité dans fes mou-
vemens , & qu'enfin il n'eft pas fujet , lors-
qu'il veut faire des conversons , à tracer
de grands circuits, comme V efcadron carré ,
qui eft contraint dans ce cas de parcourir
une grande portion de cercle. Mais fi les
efcadrons en lofange ont effectivement ces
avantages , ils ont aufli les défauts de ne
préfenter qu'un très-petit nombre de com-
battans ; les parties intérieures en font
inutiles , & la gauche n'en peut combattre
avec avantage. Cet efcadron , pris par un
autre , formé fur un carré long qui fe
recourbe de droite & de gauche , eft im-
manquablement enveloppé fans avoir la
liberté de fe défendre ; & lorfqu'il eft une
fois rompu , il ne lui eft plus pofïible de
fe reformer : ainfi il ne peut tout au plus
être bon que pour une petite troupe fer-
vant de garde , & plutôt faite pour avertir
& fe retirer que pour combattre. Voici en
deux mots quelles étoient les différentes
manières de former ces efcadrons en
triangle.
Les ThefïàHens , chez qui l'art de com-
battre à cheval étoit connu bien avant
la guerre de Troye , furent les premiers
qui donnèrent à leurs efcadrons la forme
d'un lofange : on fait que parmi les Grecs
cette cavalerie Theffalienne étoit en fort
grande réputation ; ce fut Iléon le Theffa-
Uen qui le premier établit cet ordre , &
dont il porte le nomù'ilé. Voye\ la tactique
d'EUen.
Celui qui commandoit V efcadron ou
lofange , s'appeloit iiarque ; il tenoit la
pointe de la tête ; ceux qui fermoient les
droites & les gauches du rang du milieu
étoient les gardes-flancs 3 & celui de la
queue fe nommoit le ferre-file.
Il y avoit quatre manières de former
1' 'efec.dron en lofange ; la première avec dés
files & des rangs , la féconde fans, rangs
& fans files , la troifieme avec des files ,
mais fans rangs , & la quatrième avec des
rangs & point de files.
Les Macédoniens , les Scythes & les
Thraccs trouvèrent les efcadrons en lofange
fcrop pefans ; ils en retranchèrent la queue ,
& formèrent , moyennant cette réforme ,
içe qu'ils appelleront le coin. On allure que
ESC
Philippe fut l'auteur de cette ordonnance :
quoi qu'il en foit , il ne parok pas que ce
fût là l'ordre qu'obferverent le plus commu-
nément les Macédoniens , puifque Polybe
Cl- VI y ch. xi j ,J nous apprend que leur
cavalerie fe rangeoit pour l'ordinaire fur
huit de hauteur ; c'eft, dit-il , la meilleure
méthode. Tacite nous apprend que les
Germains formoient aufli en coin les diffé-
rens corps de leur armée.
Les Siciliens & la plupart des peuples
de la Grèce formèrent de leur cavalerie
des efcadrons carrés y ils leur fembloient
plus faciles à former , & devoir marcher
plus unis & plus ferrés : d'ailleurs dans cet
ordre , le front fe trouve compofé d'offi-
ciers & de ce qu'il y a de meilleurs cava-
liers , & le choc fe faifant tout enfemble ,
a plus de force & d'impétuofité* Le lofange
ou le coin , au contraire , ne préfente qu'un
feul combattant , lequel étant hors de
combat caufe infailliblement la perte de
Y efcadron.
Les Perfes fe fervirent aufîi des formes
carrées pour former leurs efcadrons ; &
comme ils avoient une nombreufe cavalerie,
ils donnèrent à ces efcadrons beaucoup de
profondeur : les files étoient de douze ,
quelquefois de feize cavaliers , ce qui ren-
doit leurs efcadrons fi pefans , qu'ils furent
prefque toujours battus , malgré la fupé-
riorité du nombre.
Les Romains formèrent leurs efcadrons
ou leurs turmes fur une autre efpece de
carré , les carrés longs ; ils leur donnoient
un front & une épaiffeur beaucoup moins.
grands que les Grecs en général n'avoient
fait : c'étoit l'ufàge reçu parmi les Romains
pour la difpofition de leurs efcadrons ; mais
ils n'y étoient pas tellement afîùjettis, que
fuivant les circonftances ils ne changeaient
cet ordre. A la bataille de Pharfale nous
voyons que Pompée , de beaucoup fupé-
rieur en cavalerie , joignit enfemble quatre,
turmes , & forma fes efcadrons de quinze
cavaliers de front fur huit de hauteur ; ce
qui obligea Céfar , qui n'avoit que trente-
trois turmes , chacune de trente hommes ,
de les ranger fur dix de front & trois de
hauteur , fuivant l'ufage ordinaire.
L'ufagede ne faire combattre la cavalerie -
que fur un feul rang, a duré long -Xejmjpst,
ESC
en Europe dans les premiers temps de notre
monarchie ; Tefpece de cavalerie , les armes
offenfives & défenfives exigeoient cet or-
dre : il a duré jufqu'au milieu du règne
de Henri II , qui , voyant les files de gen-
darmerie aifément renverfl'es par les efca-
drons de lances & par ceux de reiftres que
l'empereur Charles V avoit créés , donna
à notre cavalerie la forme carrée , mais avec
une exceflive profondeur. Cet ufage , bien
que fujet à mille inconvéniens , a fub-
fifté en Europe depuis Henri II, jufqu'à
Henri IV , fous lequel les efcadrons de dix
rangs qu'ils avoient auparavant furent ré-
duits à huit , puis à fix rangs. Alors les
compagnies formoient autant Se/cadrons ;
elles étoient de quatre cents maîtres , & les
capitaines qui vouloient combattre à la tète
de leur compagnie , ne vouloient pas par-
tager le commandement en la partageant :
mais ces compagnies ayant depuis été mifes
à deux cents hommes , les efcadrons eurent
moins de front & moins de profondeur ;
ils étoient encore trop lourds , & ne furent
réduits à la proportion la plus conve-
nable , que lorfqu'on les enrégimenta fous
Louis XIII , en 1635. On les difpofafous
trois ou quatre rangs de quarante ou de
cinquante maîtres chacun ; c'eft-là l'ordre
que notre cavalerie obferve encore aujour-
d'hui , & c'eft en effet celui que l'expé-
rience a prouvé être le meilleur. Les
officiers les plus expérimentés eftiment que
Vefcadron de cavalerie fur trois rangs , à
quarante-huit maîtres chacun , eft préfé-
rable à tout autre , étant le plus jufte
dans fes proportions ; celui de cent vingt,
à quarante maîtres par rangs , peut être bon
quand les compagnies font foibles , parce
qu'il comporte huit divifions égales : l'autre
peut être divifé en feize.
Quelques perfonnes cependant fe font
élevées contre la méthode de former nos
efcadrons fur trois rangs , & ont foutenu
qu'il feroit plus avantageux de leur en donner
un quatrième : quoique leur fyftême puiffe
être appuyé de l'autorité des Guftave &
des Turenne , qui donnoient à leurs efca-
drons quatre , quelquefois même jufqu'à
cinq rangs de profondeur , il faut croire que
fi l'ufage de faire combittre les efcadrons
fur trois rangs n'étoit pas effectivement le
ESC 97 1
meilleur , l'Europe entière ne l'auroit pas
adopté , ou ne l'eût pas au moins toujours
confervé depuis.
D'autres au contraire trouvent encore
trop de profondeur aux efcadrons difpofés
fur trois rangs , & prétendent que l'ordre
des efcadrons en brtaiile fur deux rangs eft
j le plus avantageux à la cavalerie. Ceux qrrt
j font prévenus de ce fentiment le foutien-
nent , parce que l'ancienne cavalerie & la
gendarmerie , qui ont fait fi long-temps la
principale force des armées de France , al-
loient à l'ennemi lur un feul rang. Mais que
conclure de là ? Dans ces temps reculés m
aucun peuple ne fbrmoit fa cavalerie en ef-
cadrons , les ennemis n'avoient alors à cet
égard aucun avantage fur nous ; d'ailleurs
cette cavalerie étoit compofée de l'élite de
la nobleiTe Françoife , hommes & chevaux:
étoient couverts d'une armure qui les ren-
doit prefque invulnérables , & qui auroit
donné une excefïive pefanteur à des efca-
drons ainfi compofés : leur arme offenfive
étoit la lance , qui ne permettoit pas noir
plus qu'ils combattirent en efcadrons. N'au-
reit-ce pas été perdre fans néceflité d'ex-
cellens champions , que de doubler de pareils
rangs? D'ailleurs on fait que cette cavalerie
fut toujours battue lorfqu'elle eut affaire
contre une autre difpofée fur plufieurs rangs
de hauteur.
La maifon du roi combat fur trois rangs:
comparable fans doute à tous égards à cette
ancienne cavalerie , elle lui eft de beaucoup
fupérieure pour la difcipline ; & s'il y avoic
un avantage réel de combattre fur deux
rangs , il eft aifé de penfer que cet ufage
eût été établi dans ce corps, à qui une longue
expérience a appris à toujours vaincre , &:
dont deux rangs paroiffent fuffire pour cela.
Le premier des trois rangs dans les efca-
drons des gardes-du-corps, eft compofé en-
tièrement d'officiers ; & quand il ne s'en
trouve pas fuffifamment pour le compléter,
on y admet les gardes qu'on nomme Cara-
biniers.
Si l'on veut comparer notre cavalerie avec
la maifon du roi , on fe croira forcé de lui
donner plutôt fix rangs que trois : ce font
bien les mêmes armes, mais ce ne font pas
les mêmes hommes ni les mêmes chevaux ;
la néceflité oblige pendant la guerre d'ajoutée
Gggggg 2-
97 1 ESC
aux bons cavaliers des cavaliers médiocres ,
& même de iinuvais , c'eft-à-dire de jeunes
gens ou de jeunes chevaux non exercés ,
dont il n'en1 pas poflïole de tirer un grand
fervice. SM eft un moyen de reme'dier à ces
défauts , ce né peut être qu'en donnant à
cette cavalerie la meilleure forme dont elle
eft fufceprible ; elle doit être folide , mais
en même temps facile â mouvoir; & pour
cela il faut que la hauteur de Yefcadron foit
proportionnée à fa longueur , de manière
qu'il n'occupe ni trop ni trop peu de terrein.
La difpolinonde Yefcadron fur trois rangs ,
eft fans contredit la plus propre à réunir ces
avantages: on efpere le démontrer , eo fup-
pofanr toujours que les efjadrons doivent
erre de cent vingt à cent quarante-quatre
hommes ; car s'ils étoient de cent & au
deffous de ce nombre , il feroit nécefïàire
de ne leur donner que deux rangs.
Le terrein qui dans un champ de bataille
contient la cavalerie en efcadrons difpo'és
fur trois rangs, eft déjà d'une étendue très-
confiderable. Si on ne donnoit plus que deux
rangs à ces efcadrons , on feroit obligé de
prolonger la ligne d'un tiers ; cela eft évi-
dent.
Qui ne voit d'un premier coup d'œil
combien une pareille difpofltion entraîne de
difficultés ; car enfin quand il feroit poiîible
de trouver pour toutes les occafions des plai-
nes aftez vaftes pour former fur deux rangs
deux lignes de cinquante efcadrons chacune
( nombre aujourd'hui le plus ordinaire dans
les armées ) , que d'inconvéniens ne réfulte-
t-il pas de la trop grande étendue d'un champ
de bataille, où le général ne pouvant juger
de tout par lui-même , ne fauroit donner
des ordres à propos (a) ? Les fecours arri-
vent trop tard , les momens font précieux
à la guerre; & d'ailleurs , quelle apparence
que des ailes, compofées Ôl efcadrons formés
fur deux rangs , puhTent tenir contre le choc
d'autres efcadrons plus forts d'un rang ? Ce
font les ailes qui , comme on fait , décident
prefque toujours du fort des batailles ; dénuée
de leur fecours , l'infanterie eft bientôt prife
tout à la fois en flanc & en queue par la ca-
valerie ennemie, & de front par l'infanterie ;
ESC
on ne fauroit donc trop rapprocher des yeux
du général la cavalerie ; & la meilleure ma-
nière de le faire , eft d'en former les efca-
drons fur trois rangs ; le pofte qu'elle occupe
n'en eft déjà que trop éloigné : d'ailleurs fes
combats font vifs , de peu de durée , &
prefque toujours décififs. Le général feul
par fa prélence eft en état de parer à mille
accidens que toute la prudence humaine
n'auroit pu prévoir.
La trop grande étendue d'un efcadron
rend fa marche flottante & inégale ; ics mou-
vement font moins légers & plus difficiles ;
il eit fort à craindre qu'il ne s'ouvre ou
qu'il ne crtve par quelque endroit ; alors
un tel efcadron eft vaincu avant que d'avoir
combattu. Sa véritable force coniïfte à être
également ferré de toutes parts , mais fans
gène ; l'union en doit être parfaite : car ,
comme le remarque Monrécuculli , « tout
» l'avantage à la guerre confifte à former
» un corps folide , fi ferme & fi impéné-
» trable , qu'en quelque endroit qu'il foit
w ou qu'il aille , il y arrête l'ennemi comme
» un baftion mobile , & fe défende par lui-
» même. »
Les mouvemens de Y efcadron fur deux
rangs ne peuvent être que fort lents & fort
difficiles à exécuter ; il ne faut pour l'arrêter,
ou au moins pour retarder confidérabîement
fa marche , qu'un fofle , un ravin , une
haie , une hauteur ou un ruifteau , qui fe
rencontrent fur fa route ,* plus l'efpace de
terrein qu'il doit parcourir fera étendu , &
plus il y a lieu de préfumer qu'il trouvera
de ces obftacles à vaincre ; obftacles bien
moins à craindre pour Yefcadron fur trois
rangs , qui peut plus aifément les éviter ou
les vaincre par le peu d'étendue de fon front»
DansYefcadron fur trois rangs , le premier
de ces rangs eft compofé de l'élite de toute
la troupe ; ce ne font que des officiers , des
brigadiers , des carabiniers , ou au moins
les anciens cavaliers , dont les exercices , la
valeur & l'expérience font garants de leur
conduite ; elle fert d'exemple , & pique
d'émulation les deux rangs qui fuivent. Dans
Yefcadron ordonné fur deux rangs , ils font
l'un & l'autre d'un tiers plus nombreux 'r
(a) Melius eft poft aciem pluta ftrvare prafidia , quùm latius militent ffargere. Veget, lib. III, cap. xxvj.
ESC
& il eft impoffible que le premier rang de
celui-ci foit auffi-bien compofé que le pre-
mier rang de Yefcadron fur trois ; on fera
forcé d'y admettre des hommes de recrues
qui n'auront point été exercés , des chevaux
neufs , ou des chevaux rétifs , qui n'étant
point faits au bruit de la guerre , rompront
infailliblement Yefcadron. Les officiers d'ail-
leurs dans un efcadron fur deux rangs feroient
trop éloignés les uns des autres ; & ce feroit
perdre un des avantages les plus confidéra-
bles des efcadrons François fur ceux de leurs
ennemis , dont le nombre des officiers eft
moins grand , mais qui , placés fur un front
plus étroit & plus convenable, deviendroient
â proportion plus forts que le nôtre , dif-
perfés fur un front trop étendu.
Si le premier rang de Yefcadron qui n'en
a que deux , eft une fois entamé , peut-on
préfumer que le fécond , compofé de ce qu'il
y a de moindre en hommes & en chevaux ,
puiflè oppofer une grande réfiftance ? Il n'en
eft pas ainfi de Yefcadron fur trois rangs , les
vuides du premier font remplis par les ca-
valiers du fécond , & ce qui manque à celui-
ci , fe prend dans le troifieme rang.
On peut encore fe procurer d'autres grands
avantages d'un troifieme rang , en ne le fai-
fant pas participer au choc, & le faifantrefter
un peu derrière les deux premiers ; il fert en
ce cas à fixer un point de ralliement; & ce
dernier objet mérite une grande confidéra-
tion , puifqu'un efcadron , comme l'on fait ,
lorfqu'il eft une fois rompu , ne fe rallie
qu'avec beaucoup de peine. Ce troiileme
rang peut encore dans le même cas fe
rompre à droite & à gauche , par le centre ,
& fe porter fur les flancs & les derrières de
Yefcadron ennemi , ou s'oppofer à de pa-
reilles petites troupes qu'il détacheroit pour
la même opération.
Les feuls avantages que préfente Yefca-
dron fur deux rangs , c'eft que plus de gens
y combattent à la fois , & qu'il peut efpérer
de déborder celui de l'ennemi par la plus
grande étendue de fon front , fans craindre
d'être débordé lui-même ; mais ces avan-
tages , à les examiner de près , ne font point
fi réels qu'ils paroifïènt ; car enfin on veut
qu'il embrafTe , & que même il déborde le
front de Yefcadron qui lui eft oppofe : mais
que deviendra fon centre attaqué par un
ESC 97j
ennemi , dont Yefcadron plus léger dirigeant
toute fon action dans cette partie , l'aura
infailliblement ouvert , avant qu'il ait eu le
temps de courber fes flancs? que lui fer-
vira-t-il alors d'avoir débordé l'ennemi , &
que deviendront fes ailes débordantes après
la déroute de leur centre ? Ces prétendus
avantages ne féduifent jamais que les gens
accoutumés à juger des chofes fur les appa-
rences & dans le cabinet ; pour les gens du
métier que l'habitude continuelle des exer-
cices rend feuls juges compétens de ceue
matière , ils ne s'y bifferont point furpren-
dre ; ils penfent tous que de toutes les formes
à donner à un efcadron de^avalerie , celle
des trois rangs à quarante-huit cavaliers eft
fans contredit la meilleure. On ne doit ce-
pendant pas pour cela négliger d'exercer les
efcadrons de cavalerie fur deux rangs ; car
comme dans cet ordre ils font plus difficiles
à manier , cette méthode rendra plus aifée
les évolutions de Yefcadron fur trois rangs.
L'intention du Roi, expliquée par l'inftruc-
tion du 14 mai 1754, eft que toute la ca-
valerie foit exercée , tantôt fur deux rangs ,
tantôt fur trois , & qu'elle fâche combattre
de ces deux manières.
Tout ce qui vient d'être dit , touchant
l'obligation de former les efcadrons fur trois
rangs , ne doit cependant s'entendre que de
ceux qui auront un front affez étendu , c'eft-
à-dire de quarante ou de quarante - huit
maîtres \ car pour ceux qui ne pourroient
avoir que trente-deux cavaliers de front , il
faut , pour qu'ils aient une jufte proportion ,
qu'ils foient fur deux rangs de quarante-
huit chacun.
Aujourd'hui, fuivant l'inftruction du 14.
mai 1754, les efcadrons de cavalerie fe for-
ment fur deux ou trois rangs , à proportion
de la force des compagnies , & comme
l'ordonne celui qui commande. Us font cha-
cun de quatre compagnies : la première, d'un
régiment compofé de douze compagnies
faifant trois efcadrons, forme la droite du
premier efcadron ; la féconde , la droite du
fécond ; & la troifieme , celle du troifieme ;
la quatrième , prend la gauche du premier
efcadron y la cinquième , celle du fécond r
& la fîxieme , celle du troifieme : la fep-
tieme fe met à la gauche de la première
compagnie au premier efcadron. 3- la huitième
974 ESC
à la gauche de la deuxième au fécond ef-
cadron , & la neuvième à la gauche de la
troifieme , au troifieme efcadron ; la dixième
fe place entre la feptieme & la quatrième ; la
onzième entre la huitième & la cinquième ,
enfin la douzième entre la neuvième & la
fixieme.
i 3 «
5
ii
8
2
6
12
9
3
4
10
7
i
Quand le régiment eft plus fort ou plus
foible , on fuit Te même ordre , en plaçant
alternativement les compagnies fuivantleur
ancienneté (£) dans chaque efcadron. Le
commandant de chaque efcadron fe tient
feul en avant du premier rang vis-à-vis le
centre , entre la troifieme & la quatrième
compagnie de X efcadron; en fuivant l'ordre
ci-defîîis, le commandant du premier ef-
cadron eft en avant de l'intervalle entre la
feptieme & la dixième compagnie du régi-
ment , & ainfi dans les autres.
ES C
Les majors & aides-majors n'ont point
de place fixe ; ils fe divifent & fe tiennent
à portée des commandans , pour recevoir
leurs ordres.
Les capitaines & lieutenans font dans le
premier rang : favoir , les deux capitaines des
compagnies de la droite , à la droire de leur
compagnie , & les deux de la gauche, à la
gauche ; les deux lieutenans des compagnies
de la droite , à la gauche de leur compagnie ,
& ceux de la gauche , à la droite ; les uns
& les autres font couverts fur la droite , de
deux brigadiers , & fur la gauche , de deux
carabiniers ; ceux-ci devant fermer les gau-
ches des premiers rangs de chaque com-
pagnie.
Les maréchaux des logis fe tiennent en
ferre -file derrière le centre du dernier rang.
Les deux étendards fe placent au premier
rang à la cinquième file , lorfque X efcadron.
eft lur trois rangs ; mais s'il eft fur deux ,
on le met à la feptieme.
Les quatre trompettes font fur un rang à
la droite de X efcadron , & les timbales der-
rière les trompettes du premier efcadron.
{b) Le régiment du colonel général a depuis la paix douze compagnies ; celui de royal des carabiniers
en a quarante , & chacun des autres en a huit. Ce nombre augmente à la guerre.
4 io 7 i
a
j j c f e h h j j c e h h j j d bhh j j d f b h h
oooooooooooooooooooooooolooooooooo ooo////
oooooooooooo
oooooooooooo
oooooooooooo
ooooooooo ooojoo oooooooooo
s s
oo oooooo oo o © ooo oo oooo ooo m
OOOOOOOOO OOOjOOOOOOOOOOOO
g g
I, 4, 7^ io, rangs des compagnies du premier efcadron d'un régiment qui en a trois.
a, commandant.
bb, capitaines de la droite.
n, capitaines de la gauche.
dd, lieutenans de la droite.
et, lieutenans de la gauche.
ff, eprnettes avec les étendard».
fffg , maréchaux des logis.
hhhhhhhhi brigadiers.
jjjiijjj» carabiniers.
Il II, trompettes.
m, timbaliers.
ooooo, cavaliers.
ESC
A l'égard des efcadrons de dragons ,
•ufîards , & des autres troupes légères ,
ur manière de combattre étant différente
S celle de la cavalerie , chacun de leur
ang formant autant de troupes détachées ,
pour entretenir le combat , & pouvoir
attaquer de toutes parts , il feroit fort bon
qu'ils fufïènt plutôt fur quatre rangs que
fur trois.
Il faut de plus que ces rangs foient éga-
lement mêlés d'anciens & de nouveaux ,
contre ce qui fe pratique dans la cavalerie ,
dont le premier rang eft toujours compofé
des meilleurs & plus anciens cavaliers.
Auteurs qui ont écrit , particulièrement fur
la cavalerie.
Georges Bafia > le gouvernement de la
cavalerie légère. A Rouen, 1616, in-folio.
Jean-Jacques de lValhau\en y art mili-
taire à cheval. Zuphen , 1620, in-folio.
Hermanus Hugo , de militiâ equeflri
antiquâ & nova. Antuerpiœ , 1 630.
Lecocque- Madeleine , fervice de la cava-
lerie. Paris , in-zz. 1720.
De Langais _, devoir des officiers de ca-
valerie. Paris, in-iz. 1725.
Cet article efi de M. D'AUTHVILLE ,
commandant de bataillon } qui fe propofe de
faire imprimer inceftamment des mémoires
qui auront pour titre , effaifur la cavalerie.
Voye\ ÉQUITATION.
§ Escadron , ( An militaire. Tactique
des Grecs.) Les anciens auteurs militaires
bous difent tous qu'on ordonnoit autrefois
les troupes de cavalerie fous les différentes
formes d'un carré parfait , d'un carré long ,
d'une lofange ou d'un coin ; mais il n'en eft
aucun qui nous ait donné une idée bien
claire de toutes ces difpofitions ; & nous
croyons devoir joindre des figures & un
fupplément à cet article. Les ThefTaliens ,
nation qui fut toujours très - puifïànte en
cavalerie , avoient accoutumé de ranger
leurs efcadrons en lofange : ils font même
les premiers qui fe foient fervis de cette
ordonnance. Jafon à qui quelques-uns en
ont attribué l'invention , l'introduifitdans
leur cavalerie , & la regardoit comme la
feule qu'on pût employer en toute forte de
conjonctures. En effet , une troupe ainfi
ES C 97$
difpofée pouvant faire tête dé tous cotés
avec un égal avantage , ne fauroit être
prife en flanc , ni par derrière: les meilleurs
cavaliers & les mieux montés garnirent
toutes les faces de la lofange , & les officiers
en occupent les angles. L'ilarque ou com-
mandant , eft à la pointe de l'angle de la.
tète : les angles de la droite & de la gau-
che font fermés par deux officiers nommés
gardes-flancs y & celui de la queue par le
ferre-file , voye\ fig. 8 } planches de V Art
militaire. Tactique des Grecs y dans le
Supplément des planches.
Les Scythes & les Thracesfaifoient leurs
efcadrons en forme de coin ; & la même
méthode étoit pratiquée par les Macédo-
niens : ils l'avoient apprife de leur roi
Philippe , qui paiTe pour en être l'inventeur.
Ce prince croyoit cette difpofîtion fupé-
rieure à l'ordonnance carrée , en ce que
tous les officiers font également diftribués
autour de la troupe. D'ailleurs , comme
la tête de cette troupe fe termiae en une
pointe très - aiguë , il lui eft aifé de fe
porter légèrement par - tout où il eft né-
ceftàire , & d'enfiler diredement le moin-
dre intervalle. J'ajouterai qu'elle exécute
les mouvemens de converfion & de ré-
verfion , avec bien plus de vivacité & de
promptitude que les efcadrons carrés , dont
le front très-étendu eft obligé d'embrafîêr
un terrein plus confidérable en traçant fa
portion de circonférence ( fig. 10 ). Les
Perfes au contraire , les Siciliens & la plu-
part des peuples de la Grèce ont fait
ufage de l'ordonnance carrée : ils préten-
daient qu'étant plus facile à former , &
plus commode pour faire marcher les ca-
valiers enfemble & les contenir en ordre ,
on ne devoir pas balancer à lui donner la
préférence , à l'excluflon des précédentes ;
ce qui fait qu'elle fe forme aifément ,
c'eft que les cavaliers y font difpofés par
rangs & par files : elle a de plus fur les au-
tres l'avantage que tous les chefs de file y
combattent à la tête , & tombent en
même temps fur l'ennemi.
Parmi les différentes troupes carrées ,
les Grecs eftimoient davantage celles dont
la longueur eft double de la profondeur ;
qui ont par exemple huit ou dix chevaux
de front,. fur quatre ou cinq de hauteur»,
97<* ESC
Cette difpofition les rend exactement car-
rées , parce que la longueur d'un cheval de
la tête à la queue étant double de fon
épaiflèur , on ne peut avoir les proportions
qu'exige cette figure qu'en mettant une
fois moins de chevaux dans les files que
dans les rangs. Quelques perfonnes pré-
tendent qu'un cheval eft piefque trois fois
plus long qu'il n'eft large à l'endroit des
épaules ; & félon eux , la longueur d'une
troupe qu'on veut rendre carrée , doit être
triple de fa profondeur , de forte que fi
l'on place neuf cavaliers de front , il fuf-
fit d'en mettre trois en file. (Jig. 1 1).
La cavalerie , de même que les armés à
la légère , fe poftoit dans les batailles ,
paflbit où l'on jugeoit qu'elle pouvoit être
employée avec avantage. On la mettoit en
avant , & fur les ailes de la phalange ou
même en dernière ligne , après le corps
des armés à la légère.
Chaque efcadron étoit ordonné en îo-
fange ( Voyei LOSANGE ) , & compofé de
64 cavaliers. Il y en avoit quinze au pre-
mier rang , treize au fécond , onze au troi-
fîeme ; en diminuant ainfi jufqu'à l'unité.
Le porte-enfeigne fe plaçoit dans le fécond
rang , à la gauche du chef de ce rang.
Cfig-J50
Soixante-quatre efcadrons formés de la
même manière , compofoient tout le corps
de la cavalerie , qui étoit de quatre mille
quatre-vingt-feize cavaliers.
Deux efcadrons faifoient une épilarchie ,
troupe de 128 cavaliers.
Deux épilarchies , une tarentinarchie ,
qui en contenait 2^6.
Deux tarentinarchies , une hipporchie
de 512.
Deux hipporchies , une éphipporchie
de 1024.
Deux hipporchies , une telos de 2048.
Deux telos , une épitagme , ou le corps
entier de la cavalerie , compofé de 4096
cavaliers.
Les Grecs avoient aufli des efcadrons
carrés , mais qui n'étoient tels que par le
terrein qu'ils occupoient , & nullement
par le nombre de cavaliers qui les compo-
foient. Ce nombre n'étoit point déterminé ;
le général l'augmentoit ou le diminuoit
félon fes deflêins & fes vues particulières,
ESC
! La feule règle à laquelle on s'attachoit f
| étoit de donner à ïefcadron une longueur
qui fût double de fa hauteur.
Les Perfes , les Siciliens , & la plupart
des peuples de la Grèce , ne penfoient pas
qu'aucune autre ordonnance pût balancer
I les avantages de celle-ci , foit par la facilité
, de la former , foit par rapport au fervice
j qu'ils en attendoient en toute occafion ;
aufli la préféreront- ils conftamment à toutes
les autres.
La troupe d'infanterie qu'on lui oppo-
foit , empruntoit de la cavalerie même ,
la meilleure manière de lui réflfter avec
fuccès. Elle formoit un coin. ÇVJ
ESCADROïsNER , v. n. c'eft dans
Y art militaire faire les différentes évolu-
tions qui appartiennent à la cavalerie. Voy.
ÉVOLUTIONS. CQJ
ESC AETES , f. m ( Jurif prudence.) font
des héritages & des rentes non nobles , qui
proviennent de la fuccefîion des prédécef-
feurs de ceux auxquels ils appartiennent.
Voye\ Ly ancien fiyle de la coutume de Nor-
mandie y tit. des fuccejjions _, page 301 9
édit. de lAAz. (A)
ESCALADE, f. f. c'eft dans Y art mili-
taire l'attaque d'un lieu ou d'un ouvrage
par furprife , en franchiffant les murs ou les
remparts avec des échelles.
La méthode de s'emparer des villes par
Yefcalade étoit bien plus commune avant
l'invention de la poudre qu'aujourd'hui :
aufli les anciens , pour s'en garantir , pre-
noient-ils les plus grandes précautions. Ils
ne terrafïbient point leurs murailles , & ils
les élevoient beaucoup , en forte que non
feulement il étoit befoin d'échelles pour
monter defTus , mais encore pour en des-
cendre dans la ville. Les tours , dont la
muraille étoit flanquée , étoient encore plus
élevées que la muraille , & l'efpece de
petit chemin qu'il y avoit du côté intérieur
de cette muraille , & fur lequel étoient
placés les foldats qui défendoient la ville ,
étoit coupé vis-à-vis de ces tours , en
forte que l'ennemi , pour être parvenu au
haut de la muraille , n'étoit , pour ainfi
dire , encore maître de rien. Cependant ,
malgré ces difficultés , les efcalades s'entre-
prenoient fouvent. II y a apparence que la
longueur du temps qu'il falloit employer
pour
ESC
pour faire brèche au mur de la ville , fai-
foit prendre ce parti , & que le canon
pouvant faire une ouverture au mur afTez
promptement , on a infenfiblement , pour
ainfrdire , perdu l'ufage de s'emparer des
villes par Vefcalade.
Il fe peut bien aufîi que la difpofition
de nos fortifications modernes y ait con-
tribué : les anciens n'ayant point de dehors ,
on pouvoit s'approcher tout d'un coup du
bord de leur fofîe , defcendre dedans , &
appliquer des échelles le long, du mur. Nos
dehors ne permettent pas un^fi facile accès
au corps de la place : cependant Iorfque le
fofîe eft fec , comme il faut communé-
ment qu'il le foit dans les efcalades y il ne
feroit pas impofîible , fi la place n'avoit
pour tout dehors que des demi-lunes &
Ton chemin couvert , de parvenir à Vefca-
lader> fur-tout fi la garnifon en étoit foible ;
car ces fortes d'entreprifes ne peuvent guère
réufîir contre une garnifon nombreufe , en
état de bien garnir fes poires & de les bien
défendre : mais quand on fuppoferoit trop
de difficultés pour y réufîir dans nos villes
fortifiées à la moderne, il fe trouve fou-
vent dans les pays où l'on fait la guerre ,
des villes qui ne font entourées que de
murailles terrafïees , & devant lefquelles
il n'y a qu'un fimple foffé. Contre ces
fortes de villes Vefcalade pourroit s'employer
& réufîir heureufement , comme elle a
réufïi à Prague au mois de décembre
1741.
Pour bien réufîir dans Vefcalade d'une
ville , il faut d'abord une connoifîance
parfaite de la place & de fes fortifications ,
afin de fe déterminer fur le coté le plus
facile à efcalader & le plus négligé par
l'ennemi.
Il faut avoir provifion d'un grand nom-
bre d'échelles , afin de pouvoir faire mon-
ter un plus grand nombre de gens en
même temps ; être muni de pétards ,
pour s'en fervir pour rompre les portes &
donner entrée aux troupes commandées
pour foutenir l'entreprife.
Pour trouver moins d'obftacîe de la
part de l'ennemi , il faut le furprendre :
un ennemi qui feroit fur fes gardes à cet
.égard, feroit bien plus difficile à être forcé,
Tome XII.
ESC 977
parce qu'il eft aifé de fe défendre contre
Vefcalade lorfqu'on eft prévenu.
Mais dans le trouble que caufe d'abord
fon exécution inattendue , l'ennemi ne
penfe pas à tout , ou du moins il ne peut
parer à tout. On l'attaque de tous côtés
afin qu'il partage fes forces : il ne lui eft
pas facile de démêler , parmi les attaques ,
quelles font les faufTes & quelles font les
véritables ; il eft donc obligé de foutenir
également tous fes poftes, & pendant qu'il
eft occupé d'un côté , on entre dans la
place par un autre.
Il eft donc efTentiel de cacher à l'ennemi
le defTein de l'entreprife que l'on médite
contre lui: pour cela il faut qu'il ne foit
pas inftruit de la conftrudion des échelles
nécefïàires en pareil cas ; & s'il ne s'ea
trouve pas un nombre fuffifant dans les
magafins , il faut en faire conftruire fecré-
tement.
On peut faire des échelles qui fe démon-
tent, c'eft à-dire, compofées de plufieurf
parties ; elles fe tranfportenî beaucoup plus
facilement : on s'en fervit de cette efpece
pour Vefcalade de Genève en i6o2~
Lorfque tout eft préparé pour l'entre-
prife , & qu'il ne s'agit plus que d'aller
l'exécuter , on prend la quantité de monde
dont on juge avoir befoin , tant en infan-
terie qu'en cavalerie. La cavalerie peut
fervir à charger l'ennemi affemblé dans les
différentes places de la ville , lorfqu'on lui
en a donné l'entrée , à le difîiper promp-
tement , & à favorifer la retraite , fi l'on
eft dans l'obligation de fe retirer , & s'il y
a des plaines à pafTer dans la retraite. On
mené aufîi des ferruriers & des charpentiers
avec foi , pour s'en fervir fuivant le befoin
& l'occafion.
On dirige la marche de manière qu'on
arrive devant la. ville une ou deuK heures
avant le jour , & l'on ne néglige aucune,
attention pour que l'ennemi n'en puifîè
être informé de perfonne. S'il fe rencontre
quelqu'un en chemin , il faut l'arrêter , &
arriver devant la place avec Je plus grand
filence. Comme on doit être informé des
chemins que l'on a à tenir , des défilés qu'y
faut pafïer , on eft en état de juger du temps
que pourra durer la marche : il eft impor<-
t#nt d'en faire le calcul exact ; car il pour-
Hhhhhii
978 ESC
roit arriver que l'année étant trop long-
temps en marche , arriveroit trop tard de-
vant la place pour commencer l'attaque
avant le jour ; auquel cas, à moins d'une
grande fupériorité , il faudroit prendre le
parti de s'en retourner. Il arrive quelque-
fois , fuivant la fituation des lieux , qu'on
fait arriver les troupes devant la place par
difFérens chemins ; en ce cas , la marche
eft moins longue & moins embarraffante :
mais les officiers qui conduifent chaque
corps , ne doivent , pour aucune circons-
tance particulière , retarder leur marche ,
afin d'arriver devant la place à l'heure qui
leur aura été indiquée , & que les diffé-
rentes attaques commencent toutes en
même temps, ou aux heures dont on fera
convenu ; car il eft quelquefois à propos ,
fur-tout lorfque la ville eft fort grande , de
ESC
d'une bien plus prompte expédition ; &
les autres y defeendent par les degrés ou
efcaliers que l'on pratique ordinairement
aux arrondiffemens de la contrefearpe & à
fes angles rentraos.
Dès que l'on eft defeendu dans le fofTé ,
on applique avec la plus grande diligence
les échelles contre le rempart ou fon revê-
tement , & on fe hâte de monter promp-
tement fur le rempart , fans confufion &
fans trop charger les échelles : lorfqu'il y a
un corps de ioo ou 150 hommes de montés,
on fait venir les ferruriers & les charpen-
tiers pour rompre la porte la plus prochaine.
A mefure que les troupes montent fur le
rempart , on les range en bataille ; & fi l'en-
nemi fe préfente , on le charge vigoureu-
fement la baypnnette au bout du fuiil , fans
tirer , pour ne point donner une trop forte
les commencer fucceflivement. La première ' alarme aux corps-de-gardes voifms : quand
attaque attire d'abord toute l'attention de on eft en aff.z grand nombre fur le re.m-
l'ennemi , qiii s'y porce promptement ; la ! part , & que 1 on a fait ouvrir une porte
féconde l'oblige de partager fon attention ; ! pour faire entrer dans la ville les troupes
& lorfque les premières attaques, oui or- j du dehors , on s'étend tout le long du
dinairement font fauftes , ont attiré la plus | rempart pour s'en rendre folidement le
grande partie de la garnifon , on commence maître , & enfuite on fe joint avec le corps
la véritable , dans laquelle on doit trouver \ qui eft entré par la porte , pour charger l'en-
moins de réfïftance.
nemi dans tous les lieux de la ville où il
On voiture les échelles fur des chariots ; peut fe retirer. Si lorfqu'il n'y a encore
devant la place ; ces chariots font précédés 1 qu'un petit nombre d'hommes de montés
de la plus grande partie des troupes deftinées
à cette expédition , lefquclles font auffi
précédées de quelques compagnies de gre-
nadiers qui font leur avant-garde.
Etant arrivé auprès de la ville on s'y met
en bataille , toujours dans un grand filence ;
on diftribue les échelles aux premiers foîdats
qui doivent commencer Vefcaîade , & qui
doivent être les plus braves & les plus vigou-
reux de la troupe.
On partage les troupes de l'attaque en
plufieurs petits corps , comme de 100 ! fiper.
fur le rempart , l'ennemi venoit pour les
charger , ils fe défendroient du mieux
qu'ils pourroient contre lui , en fe
faifant un rempart des différentes chofes
qu'on peut trouver fur le rempart ,
comme des branches des arbres qui font
communément defius ; & s'en faifant une
efpece de retranchement , derrière lequel
on fe tient jufqu'à ce qu'il foit monté
fur le rempart un nombre d'hommes
fuffifant pour charger l'ennemi & le dif-
ou 120 hommes commandés par leurs
officiers, & l'on s'avance auprès de la place.
S'il y a un chemin couvert , on fe fert des
Serruriers pour en faire Jauter les barrières
avec le moins de bruit qu'il foit poffible.
Les troupes, après y être entrées , cherchent
â defeendre dans le fofïe ; les foldats qui ont
des échelles s'en fervent , fuppofé qu'il foit
profond & revêtu , & qu'on ne puifîè pas
le gliflèr le long de fon talus- , ce qui eft
Si l'ennemi eft exact à faire fes rondes ,
qu'il s'apperçoive que les troupes font dans
le fofïe , & prêtes à monter , qu'il fafîe tirer
les fentinelles pour donner l'alarme à la
ville , on ne laifïèra pas de monter promp-
tement. Comme il faut toujours quelque
efpace de temps pour qu'il vienne du fe-
cours , on peut en profiter pour monter
fur le rempart , en aftèz grand nombre pour
s'y foutenir contre les troupes de garde ,
ESC
qui font les premières qui peuvent fe pré-
senter fur le rempart pour en défendre
accès.
S'il y a un château ou une citadelle dans
la ville , qui loit , comme il eii d'ufage ,
partie dans la ville & partie dans la cam-
pagne, il faudra y donner Vefcalade en même
temps qu'à la ville , afin que l'ennemi n'y
trouve point de retraite , & que prefTé de
tous côtés , il foit dans la nc'cefhté de fe
rendre.
Le temps le plus favorable pour furpren-
dre les villes dont le foffé eft plein d'eau ,
efî l'hiver pendant une forte gelée : on
peut franchir aifément le foffé en pafTant
fur la glace , & monter fur le rempart , le
pié des échelles étant pofé fur la glace du
foffé. Un gouverneur attentif a foin, dans
les gelées , de faire rompre tous les jours
la glace de les foffés : mais il peut s'en
trouver qui négligent cette attention ; &
d'ailleurs ceux qui font chargés de 1 exécu-
tion peuvent la faire avec tant de négli-
gence , qu'il foit encore pofîible de fe fervir
delà glace pour planter les échelles au pié
du rempart, & pour franchir le foffé. C'eft
à ceux qui fe chargent de ces fortes d'en-
treprifes , de bien faire obfeiver la con-
duite du gouverneur & celle de ceux qu'il
charge de l'exécution de fes ordres , pour
voir la manière dont ils les exécutent , &
pour prendre leur parti en conféquence.
Elémens de la guerre des Juges, II vol.
A l'égard des précautions à prendre con-
tre les efcalades, elles confident à avoir con-
tinuellement aufTi de petits partis dans les
environs de la place, pour être par eux
inftruit des démarches de l'ennemi , &
faire des rondes continuelles pendant la
nuit , pour que perfonne n'entre dans le
foffé de la place , fans qu'on en foit in-
formé. On peut aufli pratiquer une cuvette
dans le foffe , planter des paliffades à quel-
que diftance du mur , pour empêcher l'en-
nemi d'y appliquer fes échelles , garnir les
flancs des bâfrions de pièces de canon
chargées à cartouche avec des balles d'un
quarteron , ou de la ferraille , pour tirer
fur ceux qui voudroient efealader la place
vis-à-vis les courtines ; mettre dans les
corps-de-gardes à portée du rempart , des
hallebardes, des faux emmanchées de revers,
ESC 979
& foutes, autres fortes d'armes propres à
donner fur l'ennemi lorfqu'il paroît au haut
de l'échelle , & à le pouf Ht dans le (ofle ;
garnir le rempart d'une grande quantité
de poutres cylindriques , pour les faire
rouler fur les échelles , & fur ceux qui
font defîiis : & fi la garnifon ne fe trouve l
pas en aflèz grand nombre pour pouvoir
occuper tout le rempart , on doit attacher
fur la partie fupérieure du parapet des che-
vaux de frife , ou autre chofe qui puifîè
empêcher l'ennemi de pafîèr pardtfibs
pour fauter fur le rempart. Le rempart
doit aufli être garni de bombes & de gre-
nades toutes chargées , pour faire rouler
dans le foffé fur l'ennemi. On doit aufli
avoir des artifices préparés pour jeter fuc
lui, comme fafeines goudronnées , barils
foudroyans , pots à feu , &c. & jeter aufli
dans le foffé une grande quantité de balles
à feu pour l'éclairer , & que )e canon de
la place puifTe faire un grand effet fur les
troupes qui font dedans. On peut encore
garnir aufli le fofîe de chaufîès-trapes , de
petits fofTés couverts de claies & de terre ,
pour que l'ennemi ne s'en apperçoive point ,
& qu'il tombe dedans : il peut y avoir au
milieu de ces petits fofTés une palifTade ,
ou plutôt quelques longues pointes de fer
difpofées de manière à enferrer ceux qui y
tomberont , &c. (Q)
Escalade des Titans , grande &
belle machine du prologue de Nais , dont
on trouvera la figure & la defeription dans
un des volumes des planches gravées. ÇBJ
* ESCALE , f. f C Commerce. J On
nomme ainfi , fur les cotes d'Afrique , ce
qu'on appelle une échelle dans le Levant ,
c'eft-à-dire un lieu de commerce où les
marchands nègres viennent apporter leurs
marchandifes aux Européens : on le dit
aufïi des endroits où les Européens vont
faire la traite avec eux.
Au Sénégal , il y a quantité de ces efcales
le long de la grande rivière & de la rivière
du Morphil , les unes à trente lieues , les
autres jufqu'à cent lieues & davantage de
l'habitation des François.
On nomme aufïi efcales fur l'Océan les
ports où abordent les navires pendant leurs
voyages , foit pour rafaîchifîèment & autres
chofes nécefîàires , foit pour y décharger
Hhhhhh 2.
ç8o ESC
partie de leur fret , ou pour recevoir des
raarchandîfes dans leur bord.
Les efcales en France pour Terre-Neuve
font Oleron , Brouage & la Rochelle ,
c'eff- à-dire , celles où les navires fe four-
nirent ordinairement de fel , & fouvent de
bifcuit , pour leur pêche.
Faire efcaler , c'eft entrer dans un port
pour s'y rafraîchir, ou y prendre ou!
décharger des marchandiles en paffant. |
Dictionnaire de Commerce de Trévoux & i
de Chambers. (G)
* ESCALETTE ou ECHELETTE, C £ !
C Manufacture en foie. ) C'eft un paralle'li-
pipede de bois bien e'quarri , où l'on a pra-
tiqué cinquante coches , & chaque coche ;
capable de renfermer huit cordes de femple; i
il eft de la largeur jufle de la feuille du |
defîin , qui contient cinquante dixaines i
pour les métiers ordinaires de quatre cents !
cordes. Vefcalette fert pour la lecture du ,
defïîn. i
ESCALETTE , ÇRubanier.) efpece de |
peigne de bois , fervant à mettre les foies
en largeur fur les enfubles lors du ployage. |
On arrange les foies dans fa denture , lorf- !
qu'elles font prêtes à être ployées fur l'en- I
lubie : Vefcalette , garnie de fes dents de
fil- de- fer , a deux petits montans à cha-
que bout , terminés en tenons pour entrer
dans les moratifes du deffus ; les trous du
deffus reçoivent les petites chevillettes , qui
tiennent ces deux pièces unies enfemble.
Voici l'ufage de Vefcalette; on met une
plus grande ou plus petite quantité des fils
de la chaîne ( ordinairement c'eft une por-
tée , quand on a un encroix par portée )
dans chacune de fes dents , fuivant la lar-
geur que l'on veut donner au ployage ;
enfuite le ployeur faifant agir le bâton à
tourner de la main droite ( voye\ Bâton
A TOURNER), il conduit de la gauche
Vefcalette , ce qui fert à arranger les foies
de la chaîne uniment & également fur
I'enfuble , qui doit les porter jufqu'à la
fin de l'ouvrage ; il conduit , dis-je , Vef-
calette , mais doucement , en tournant de
temps en temps Vefcalette devers lui , pour
que les foies s'enroulent en plus petite ,
enfuite en plus grande largeur ; ce qui
s'exécute , afin que ces mêmes foies ne fe
trouvent point amoncelées toutes en un
ESC
tas, &a fu jettes par -là à ébouler: ce qu
mettroit une confufion très - nuifible fur
I'enfuble ; confufion qu'il faut toujours
éviter dans ce métier , d'ailleurs afîetf
confus.
ESCALIER, DEGRÉ, MONTÉE,
fynonymes : ces trois mots défignent la
même chofe , c'eft - à - dire , cette partie
d'une maifon qui fert par plufieurs mar-
ches à monter aux divers étages d'un
bâtiment , & à en defcendre. Mais efcalier
eft aujourd'hui devenu le feul terme d'u-
fage. Degré 'ne fe dit plus que par les bour-
geois , & montée par le petit peuple. Degré
s'employoit dans le dernier fiecle, pour figni-
fier chaque marche d'un efcalier y & le mot
de marche étoit uniquement confacré pour
les autels. Nous aurions peut-être bien fait
de conferver ces termes diftincHfs , qui
contribuent toujours à enrichir une langue.
Article de M. le chevalier de J au-
COURT.
Escalier, du latin fcaloe , montées;
c'eft , dans un bâtiment , une pièce dans
laquelle font pratiquées des degrés ou mar-
ches , pour monter & defcendre aux difFé-
rens étages élevés les uns au deffus des
autres. Ces degrés fe font dé marbre , de
pierre , de bois , félon l'importance de
l'édifice , & le foutiennent en l'air par
différentes efpeces de voûtes , dont la
pouffée eft retenue parles murs qui forment
la cage de V efcalier.
Il fe fait de plufieurs fortes cVefcaliers ;,
favoir , à trois rampes , comme celui des
Tuileries confirait en pierre ( voye\ celui
du plan , faifant partie de la diftributibn
d'un palais, dans le s planches d' Architeâ.) 'y
à deux rampes , comme celui de Saint-
Cloud , de marbre ; à une feule rampe ,
tels que font la plupart de ceux de nos
hôtels à Paris , & que l'on appelle , félon
la diverfité de leur figure & de leur conf-
truclion , efcaliers triangulaires, cintrés , à
jour, fphériquesy fufperidus, d vis faint-
Gille, en arc de cloître, &c.
La fituation des efcaliers, leur grandeur,
leur forme , la manière de les éclairer , leut
décoration , & leur conftru&ion , font au-
tant de confédérations importantes à obfer-
ver pour parvenir à les rendre commodes ,,
folides & agréables..
ESC
De leur iïtuation. Anciennement on pîaçoit j
les efcaliers hors œuvre du bâtiment ; en- j
fuite on les a placés dans 1 intérieur & au
milieu de l'édiiice , tel qu'on le voit encore j
aujourd'hui au palais du Luxembourg ; à j
préfent on les place à côté du veftibule , I
ainfi qu'on le remarque au château des \
tuileries, ayant reconnu que les efcaliers $2.- j
ces dans le milieu du bâtiment mafquoienr. !
l'enfilade de la cour avec celle des jardins.
Flufieurs architectes regardent comme ar- j
bitraire de placer les efcaliers à la droite ou f
à la g;;uche du veftibule ; cependant il faut
convenir que la première Situation eft plus
convenable , parce qu'il femble que nos
befoins nous portent plus volontiers à cher-
cher à droite ce qui nous eft propre: néan-
moins il y a des circonftances où l'on peut
s'écarter de cette règle , lorfque par rapport
à l'exporition & à la diverlité des afpects
d'un bâtiment, il paroît néceftàire de placer
à droite les appartenons de fociété pour
jouir d'un point de vue , qui très-fouvent
dans une maifon de plaifance ne fe ren-
contre que de ce côzé ; autrement on ne
peut trop infifter , foit préjugé , foit habi-
tude , fur la nécefïité de placer les efcaliers
comme nous le recommandons , & de les
fîtuer de manière qu'ils s'annoncent dès
l'entrée du veftibule. Voye\ VESTIBULE.
De la grandeur des efcaliers. La gran-
deur des efcaliers en général dépend de
l'étendue du bâtiment , & du diamètre
des pièces. Rien n'eft plus contraire à la
convenance , que de pratiquer un efcalier
principal trop petit pour monter à des appar-
temens fpacieux , ou d'en ériger un trop
grand dans une maifon particulière. Par la
grandeur d'un efcalier y on doit entendre
l'efpace qu'occupe fa cage , la longueur de
fes marches , & le vuide que l'on obferve
entre fes murs d'échiffre ; car il eft bon de
favoir que dans tous les genres & efcaliers
deftinés à l'ufage des maîtres , la hauteur
des marches , leur giron , & celle des
appuis des baluftrades, des rampes , doivent
par-tout être les mêmes. On entend encore
par la grandeur d'un efcalier _, non feule-
ment la furface qu'il occupe , mais aufîi
fon élévation qui n'eft jamais moins que de
deux étages , & fou vent beaucoup plus ,
ce qu'il faut éviter néanmoins; il eft mieux '
ESC 981
de pratiquer un efcalier particulier pour
monter aux étages fupérieurs , aux comUesy
aux terrafîès , &c. à moins qu'il ne s'agifte
d'une maifon économique , ou à loyer.
De la différente forme des efcaliers. La
forme des efcaliers eft aufti diverfe que celle
des batimens. Les anciens les faifoient pref-
que tous circulaires ; enfuite on les a faits
quadrangulaircs ; aujourd'hui on les faic
indistinctement de formes variées , félon
que la diftribution des appartemens , l'iné-
galité du terrein ou la fujétion des iftues
femblent l'exiger : il eft cependant certain
que dans les batimens de quelque impor-
tance , les formes régulières doivent avoir
la préférence , ces efcaliers étant du nom-
bre de ces chofes où la (implicite des formes
doit prévaloir fur le génie & l'invention ;
confédération pour laquelle , fans avoir
égard aux exemples de nos modernes à
ce fujet , on ne peut trop recommander de
retenue & de vraifemblance dans la forme
& la difpofîtion d'un efcalier; & fi quel-
quefois on fe trouve contraint de faire les
côtés oppofés des murs de cage difîembla-
bles , il faut que cette licence annonce visi-
blement une nécefîité indifpenfable d'avoir
voulu concilier enfemble la diftribution des
appartemens , la décoration des façades ,
& en particulier la fymmétrie de cette forte
de pièces.
De la manière la plu s convenable dy éclairer
les efcaliers. Quoiqu'il femble qu'on fafïe
ufage des efcaliers , autant denuit que de
jour , il n'en eft pas moins vrai qu'on doive
être attentif à répandre une lumière égale'
fur la furface de leur rampe & de leurs
paliers ; ce qui n'arrive pas lorfqu'on les
éclaire feulement fur l'une dé leur face ,
parce que les rampes qui font oppofées à
la lumière , font prefque toujours obfcures:
défaut que l'on remarque dans le plus grand
nombre de ceux* de nos hôtels- à Paris. Pour
éviter cet inconvénient , ne conviendroit-
il pas de les éclairer en lanterne ? alors la
lumière plongeroit fur chaque rampe , ce
qui rendroit leur ufage plus facile , prin--
cipalement , comme nous l'avons déjà
remarqué , lorfque les marches , \es paliers'
& les rampes fe terminent au premier
étage. On a vu pendant long - temps le
fuccès de cette lumière pratiquée- ainfi. ai
982 ESC
X efcalier des ambafTadeurs à Verfailles , qui !
a été démoli ; & cet exemple devroit fer-
vir d'autorité pour tous ceux qui deman-
dent quelque confidération : d'ailleurs, il
eft poffible de mafquer les lanternes que
nous propofons par la hauteur des baluftra-
des extérieures , lorfqu'on ne voudroit pas
rendre leur élévation apparente dans les
dehors.
De la décoration des efcaliers. La con-
venance ici , comme par-tout ailleurs , doit
préfider dans la décoration d'un efcalier ,
relativement à la matière dont il eft conf-
truit ; on doit ufer de retenue pour la mul-
tiplicité ces membres d'architecture , & la
prodiga'ité des ornemens ; en général la
(implicite doit être de leur refîbrt ; la
douceur des rampes , la longueur des mar-
ches , la grandeur de leur cage , le rapport
de leur dimenfîon , la fymmétrie , & l'ap-
pareil de la conftruétion femblent devoir
faire tous les frais de leur décoration , afin
qu'il fe rencontre une progrefîion fenfible
de richefles entre la magnificence de ces
genres de pièces & celle des appartenons ,
qui chacune féparément doit être décorée
félon fon ufage & Ta deftination. Les efca-
liers des bâtimens de Paris qui paroifTent
décorés le plus convenablement , font ceux
des hôtels de Touloufe , d'Auvergne , de
Tiers : ceux des hôtels de Soubife , de
Luynes , de Tunis , &c. qu'on s'eft apperçu
après coup être trop fimples , & où l'on a ,
par un excès oppofé , répandu trop de
richeflè , montrent afTez qu'il ne s'agit pas
d'avoir pour objet d'imaginer un beau ta-
bleau. La vraifemblance doit avoir le pas
fur tout ce que le génie le plus fertile
peut produire d'élégant ; confidération
pour laquelle il eft eiïentiel que l'archi-
tecte préfide à tout ce qui fe fait dans un
bâtiment , en fuppofant qu'il ait acquis
une connoifTance de tous les arts relatifs à
l'art de bâtir.
Plus il eft néceflàire d'admettre de la
magnificence dans un efcalier , plus il eft
eftèntiel d'éviter que les paliers du premier
étage mettent à couvert la première rampe
du raiz-de - chauffée. Rien n'eft mieux ,
en mettant le pié fur la première marche ,
que de découvrir la partie fupérieure de la
cagç. & toute la lanterne qui doit l'éclairer ;
ESC
mais en fuppofant qu'on ne fafîe pas ufage
de ces lanternes , au moins faut - il éviter
les fujecs coloriés dans le plafond , ou les
calottes qui les. terminent. Cet ouvrage de
peinture tranche trop fur le revêtiffement
des murs de cage , qui ordinairement font
tenus de pierre , de plâtre , ou de ftuc ,
ainfi qu'on le remarque à Y efcalier de la
bibliothèque du roi , & dans plufieurs de
nos maifons royales. La fculpture y paroît
plus convenable , ou au défaut de celle-ci
on doit y peindre des grifailles qui expri-
ment les arcs doubleaux , les nervures , &
les compartimens qu'on auroit mis en
œuvre , fi cette partie fupérieure avoit été
voûtée. Et fi enfin un fujet colorié peut
entrer pour quelque chofe dans la décora-
tion d'un efcalier y ce ne doit être qu'en
fuppofant que les revêtiffèmens feront de
marbre de couleurs variées , tel qu'étoit
celui des ambaffàdeurs à Verfailles , un
des beaux ouvrages qui aient été faits dans
ce genre.
De la conflruciion des efcaliers. La conË
tru&ion eft la partie la plus eftèntielle d'un
efcalier: elle confifte dans l'art du trait ;
& la beauté de l'appareil ne fuffifant pas
pour donner aux voûtes une forme trop
élégante, la magie de l'art doit êtremefurée
à l'ufage des pièces 011 on le met en œuvre.
I! faut que ceux qui les fréquentent trouvent
une forte de fureté à les monter & â les
defcendre , fans pour cela qu'on foit dif.
penfé de donner de la grâce aux courbes qui
en compofent les voûtes. De toutes les
pièces d'un appartement , celle dont il. eft
queftion exige le plus la réunion de la
théorie avec la pratique , afin de joindre
une folidité réelle & apparente à tout ce qui
peut contribuer à rendre fon ordonnance
agréable. Ici l'art & le métier doivent être
un ; l'appareilleur , l'architecle , le décora-
teur doivent fe montrer par-tout : en un
mot rien de fi fatisfaifant qu'un bel efcalier
dans un édifice d'importance ; rien qui
montre tant Pinfuffifance d'un architecte ,
lorfque quelques-unes des parties que nous
recommandons ici manquent eftentielle-
ment dans leur fituation , leur forme , leur
décoration & leur conftruétion.
R gle la plus convenable pour çonflater ta
hauteur & le giron des marches. Le pas ordi-
ESC
naire d'une perfonne qui marche de niveau
eft communément de deux pies ; d'où il
paroîc que la longueur du pas horizontal eft
double de celui fait perpendiculairement :
or , pour la joindre enfemble , il faut que
chaque hauteur de marche prife avec Ton
giron compofe un pas ordinaire qui égale
h longueur de deux pies ; pour cet effet ,
fi on ne donne qu'un pouce de hauteur à
une marche , il faut lui en donner vingt-
deux de largeur; il la marche a deux pouces
de haut, qui valent autant que quatre pouces
de large , elle ne doit avoir que vingt pouces
de giron ; fî elle a trois pouces de hauteur ,
la largeur doit être de dix-huit ; ainn de
fuite. Cette proportion eft confirmée par
l'expérience , quoiqu'elle ne foit pas toujours
obfervée dans la plupart de nos efcaliers ;
mais du moins faut-il éviter l'inégalité des
girons dans les rampes comprifes dans une
même cage , de même que les refTauts dans
les appuis ou baluftrades, & ne jamais donner
plus de fix pouces à la hauteur des marches.
V. Mur d'Echiffre,Giron,Marche.
On peut aufîi renvoyer les amateurs de
la pièce du bâtiment dont on vient de par-
ler , au célèbre Palladio , un de ces hommes
rares qui par leur génie & leurs talens tra-
vaillèrent dans le xvj fiecle avec le Trifïin ,
Scammozzi, Bramante,Vignole, & quelques
autres , à taire revivre les anciennes beautés
de l'architecture , & à rétablir les règles
du bon goût fi long-temps écliplées par la
barbarie. Paliadio eft le premier qui ait décrit
les chofes les plus curieufes que nous ayions
fur les ouvertures , la fituation , la gran-
deur , les formes , & la conftruction des
efcaliers, & il y a joint des deffins à ces def-
criptions; ils font à la fuite du premier livre
de fon ouvrage d'architecture , qui parut
à Rome en 1570, in-folio. (P)
ESCALIER , (Antiquit.Jles efcaliers que
l'on a découverts dans les magnifiques mai-
fons de la ville d'Herculane , n'ont qu'une
feule rampe droite & fort étroite ; quelques-
uns font en marbre. Prefque tous les temples
des anciens Grecs ou Romains avoient des
perrons extérieurs qui en vironnoient l'édifice
lorfqu'il y avoit un përiftiîe : mais ils em-
pîoyoient un fimple perron pour commu-
niquer au* portiques fous lefquels on tenoit
les aiTemblées pabliques. Les efcaliers àes
ESC 983
anciens étoient formés par la réunion des
pierres de 12, 15 , 20 pies de long. Dans
l'amphithéâtre d'Arles en France , on trouve
trois efcaliers taillés dans une feule pierre.
Quelques mauvais architectes tentent d'in-
troduire en France l'ufage de tailler trois
marches dans la même pierre.
Pline , liv. XIV, rapport* que de fon
temps on voyoit dans le temple de Diane
à Ephefe , un efcalier qui étoit fait d'un cep
de vigne que l'on avoit apporté de la Calabre.
Dans Rome on trouve un efcalier à vis
dans les colonnes trajanes & antonines , qui
font des tours rondes de brique , revêtues
de plaques de marbre. Dans la même ville
il y a un efcalier dans les colonnes torfes de
bronze, qui forment le baldaquin de S.Pierre.
On pratique ordinairement des efcaliers dans
les flatues coloffales. A Conftantinople fc
en Egypte , on place des efcaliers extérieurs
en fpirale faillante autour des minarets ; on
lie les pierres avec du plâtre mêlé de chaux.
La crainte de l'humidité & de la pluie a
engagé les chartreux de Lyon à faire autour
de leur dôme un efcalier extérieur en petites
barres de fer. Les anciens n'employoient
point le fer dans les bâti mens , parce qu'en
fe rouillant il fait éclater les pierres : ils pré-
féroient l'ufage du cuivre. ( V. A. L. )
ESCALIER , (Hydr.) On pratique dans
la conftruclion des cafeades des efcaliers de
pierre , dont la plupart font en fer à cheval ,
avec un baflin qui en occupe le milieu ; quel-
quefois ces efcaliers font de gazon. Voye\
Escalier de Gazon. (K)
Escalier de Gazon , ( Jard. J Rien
n'eft fi commode dans les jardins en terrafîe ,
que de fréquens efcaliers. On préfère au-
jourd'hui aux efcaliers de pierre ceux de
gazon , qui cependant ne conviennent que
dans des talus ou glacis , dans des bofquets,
dans des vertugadins & amphithéâtres de
gazon.
Autant qu'il eft nécefTaire de laiftèr une
petite pente fur les girons des marches de
pierre , pour faire écouler l'eau qui pour-
riroit les joints de recouvrement , autant il
la faut conferver pour le maintien du gazon,
en tenant les girons des marches de gazon
très-droits.
Ces efcaliers doivent être doux & peu
riombreux en marches de fuite , fans y
984 ESC
trouver des paliers ou repos. Il les faut tondre
au cifeau tous les mois , les battre après la
pluie ou l'arrofement : ce qui entretiendra
long-temps leur beauté. (K)
Escalier , (Charp.) Il y a âesefcaliers
de différentes fortes. On appelle efcalier à
noyau recreufé y ou colet rampant 3 celui qui
laiffe un jour au milieu de deux limons ;
efcalier à un noyau , celui qui eft comme
une vis , & ne laiffe aucun jour au milieu ;
efcalier à deux noyaux, celui qui a un limon
entre les deux noyaux , mais fans aucun
jour ; efcalier à quatre noyaux , celui qui
laiflè un jour carré au milieu.
ESCALIN, f.m. (Comm.) petite mon-
noie de cours dans la Flandre Autrichienne ,
évaluée à environ 12 fous de notre argent.
ESCAMOTES , f. f. (Comm.) toiles de
coton qui fe tirent du Levant par la voie de
Smyrne. Elles fe fabriquent à Menemen ;
elles portent 30 pies de Smyrne , évalués
a dix cannes de Marfeille.
ESCAMOTER , v. ad. en terme de
brodeur au métier > c'eft faire difparokre les
bouts d'or ou de foie , &c. en les tirant de
deffus l'ouvrage en defîbus. On fe fertpour
cela d'une aiguille dans laquelle le fil eft
entré deux fois , & tbrme un anneau dans
lequel fe prend le bo'ut , & fe paffe deffous
Ja pièce.
ESCANDILLONAGE , f. m. (Jurifp.)
eft un droit dû à quelques feigneurs féodaux
pour la vifite ., examen & étalonnage des
poids & mefures. Ce terme vient du mot
échantillon y qui étoit quelquefois ufité en
cette matière pour étalon : Y échantillon étoit
la règle des autres poids & mefures ; d'échan-
tillon on a fait efchanteler } ou efchantiller.
La charte* des libertés du Mont - Royal de
Tan 1287, porte : ùfi dicatur menfurafalfa,
vel ulna , ad menfuras vel ulnas efchantil-
landas vocentur duo vel très burgenfes me-
itores de villa y & illi cujus eft menfura vel
ulna .& in prœfentia eorum efchantilletur y
Ù videatur utrum fit falfa vel non.
Le terme ftéchantiller eft encore ufïté à
Lyon pour les poids , & fîgnifie confronter
un poids avec le poids original. Le règle-
ment du 28 feptemhre 1689 , ordonne que
le fermier du droit de marque fur l'or &
fur l'argent fera tenu de fe fervir dans l'argue
4e Lyon de poids éçhantillés fur la matrjçe
ESC
du poids de marc étant au greffe de la
monnoie de Lyon ; il eft vifible que de ce
mot échantiller on a fait efchantillonage >
pour fignifier l'action d'efchantiller & le
droit qui fe perçoit pour cette opération ,
& que dans la fuite on a prononcé & écrie
efcandillonage pour efchantillonage. Voye\
S. Julien dans fon hifl. de Chdlons3p. 394;
la coutume de Lodunois , tit. de moyenne
juftice ; art. z ,• Begat , fur la coût, de Bour-
gogne y art. 2 8j ; Boizard , en fon traité
des monnoies. Voye\auffi ÉCHANTILLON,
Etalon , Mesures , Poids. (A)
ESCAPADE, f.f.fyV/a/z^J C'eft ainfi
que l'on a nommé autrefois & que l'on
nomme encore aujourd'hui l'action licen-
cieufe , fougueufe & déréglée d'un cheval ,
qui fe révolte & qui refufe d'obéir & de
fe foumettre. Voye\ FANTAISIE. Ce)
ESCAPE , terme d'architeâure, Voye^
Congé.
ESCARBALLE , (Comm.) c'eft ainfi
qu'on appelle les dents d'éléphans du poids
de vingt livres & au deffous.
ESCARBITE , f. f. (Marine.) c'eft un
morceau de bois creufé d'environ huit pouces
de long , fur quatre de large , dans lequel
on met de l'étoupe mouillée , pour tremper
les ferremens dont fe fervent les calfats
quand ils travaillent. (Q)
ESC ARBOT , f. m. (Hift. nat. Infeclol)
fcarabœus } Jhrcorarius , pilularius , feu
cantharus , infeâe du genre des fearabées ;
il a le corps large , épais , de couleur noire,
luifante , & mêlée d'une teinte de bleu. Il
porte deux antennes dont l'extrémité eft
divifée en plufteurs filets ; Ces pattes font
dentelées. On le trouve dans le fumier &
dans l'ordure la plus puante ; c'eft pourquoi
on lui a donné le nom de ftercorarius ; &
parce qu'il en fait des pelotes avec fes pattes ,
on l'a appelle pilularius. On le nomme auftï
par la même raifon fouille-merde. Voye\
Scarabée, Insecte.
Nous ajouterons ici un extrait des favantes
obfervationsquePieriusValerianarecueillies
au fujet du fearabée , dans le vol, in-folio de
fes Hiéroglyphes. Cet auteur dit qu'Apion ,
furnommé Cimbalum mundi , avoit fait un
gros livre pour juftifier les Egyptiens fes
compatriotes , fur ce qu'ils adoroient Yef-
carbot comme vraie image de la divinité.
ESC
ia. Les Egyptiens difoient que Vefcarbot
reprefente le monde , parce qu'il roule fes
excréïnens , il les arrondit en globe , il y
dépofe (es petit* , firc. 2°. Ii eit l'emblème
de -la génération , parce qu'il enterre les I
boules dans lefquelles il a inféré fes œufs ; j
elles reftent fous terre vingt -huit jours,
pendant lefquels la lune parcourt les douze ;
lignes du zodiaque : le vingt-neuvième jour j
le père des cfcarbots déterre la pilule , va
laver & nettoyer fes petits , enfuite il les
porte fur fon dos , Ùc. Tous ces détails font
les fymboles de l'origine & de la naiiïànce
du roi de la terre , je veux dire , de l'homme.
3°. Le fcarabée chez les Egyptiens étoit
fembléme du fils unique , parce qu'ils
croyoient que chaque efcarbot étoit mâle &
femelle. 4.0. Il étoit l'emblème de la divinité
qui a pris un corps humain. Pierius rap-
porte à ce fujet une idée de S. Auguftin ,
qui s'accordoit aflez avec les hiéroglyphes
des Egyptiens. Ce favant , dans fes Solilo-
ques y dit: bonus Me fcarabxus meus non eâ
tamîim de caufâ quodunigenitus y quod ipfe-
met fui auâor mortalium fpeciem induerit,
fed quod in hacfxce noflrafefe polutaperitfè
ex hac ipfa nafci homo poluerit. Le prophète
David difoit : ego fum permis fcarabxus _,
non homo. f°. \J efcarbot étoit l'emblème du
père , parce que les Egyptiens croyoient que
tous ces infe&es étoient mâles. 6°. Il n'eft
pas étonnant que les Egyptiens , qui vou-
îoicnt défigner la valeur , le courage, l'âge
viril & la force de l'homme , peignifTent un
efcaibot y pour rappeller perpétuellement à
leurs foîdats l'idée des vertus guerrières : ils
forçoient tous les militaires â porter un an-
neau , fur lequel on gravoit un efcarbot y
c'eft-à-dire , un animal perpétuellement cui-
rafle , qui travaille & qui fait fa rende pen-
dant la nuit. Les Romains firent aufïi graver
des ejcarbotsfm les enfeignesque porcoient
certaines légions. 70. Ces infedes étoient
aufli regardés comme l'image du foleil , fur-
tout l'efpece que l'on appelloit x luron, parce
qu'elle a trente pattes , & la tête reflemble
à celle du chat : cette efpece eft fort vigou-
reufe & fort active, fur-tout pendant h
nuit. 8°. L'efpece des fearabées que nous
appelions cerfs-volans y étoit chez les Egyp-
tiens l'emblème de la lune , parce qu'elle
porte deux cornes qui refiemblent au croif-
Tome XII.
ESC 985
fant de la lune. Pline dit que les plongeurs
gravoient fur leurs amulettes la figure de
cette efpece de fcarabée , pour fe preferver
de la crampe. Q8. Vefcarbot nommé mono-
ceros y c'eft-à-dire , qui n'a qu'une corne f
étoit l'emblème de Mercure. Pierius Va-
lerian ajoute dans cet article , qu'autrefois
dans la Capadoce, pour faire périr les che-
nilles , les hannetons & les cantharides, qui
dévoroient les moiflbns , los habitans enga-
geoient les femmes qui étoient dans leurs
jours critiques, à vaguer dans les champs
les pies nuds , les cheveux épars , fans
ceinture , en courant du côté de l'occident^
répétant à haute voix un vers grec , dont le
fens eft, fuye\ y cantharides, un loup fau-
page pous pourfuit. 10*. Les Egyptiens, pour
déligner un homme mort de la fièvre , repré-
fentoient un fcarabée qui avoit les yeux
tranfpercés par une aiguille. 1 1°. Enfin , les
Egyptiens qui vouloient dépeindre un
homme amolli par la volupté, le défignoienc
par un fcarabée environné de rofes ; ils
croyoient que l'odeur des rofes énervoit ,
endormoit & faifoit mourir le fcarabée.
Dans l'ouvrage in-folio qui a pour titre ,
Amphitheatrum fapientix joco ferix Dor-
napi 9 Hanopix 1619 , on trouve deux élo-.
ges de X efcarbot; le premier eft fait par
Gafpar Dornavius ; le deuxième eft compofé
par Ulyfle Aldrovandus. Ces auteurs obfer-r
vent , i°. que mal à-propos on méprife le
fouille-merde : 2°. que les fages alchymiftes
les imitent & tâchent de tirer de l'or , la pa-
nacée & mille excellens remèdes des excré-
mens: 30. que les fages agricu'teurs ont ap-
pris du fcarabée à chercher les richefles , le
principe de la vie , le ciment , le fel am-r
moniac , & l'aliment de leur feu , dans le
fumier : 40. que les gourmands qui font des
rôties des entrailles de la bécafTe, n'ont point
droit de blâmer Vefcarbot; 50. que les fages
doivent toujours coafidérer cet infecte
comme un modèle de tempérance , d'inno-
cence , de prudence , de fagefte , d'activité,
de continence & d'équité ; en un mot , ils
ne doivent point être étonnés de ce que
Vefcarbot étoit fous la tutele & fous la pro-
tection de Jupiter Catebate ou leppufeur.
V écriture nomme les hérétiques fcarabxus
damans de ligno.
Nous nous fommes beaucoup étendus fur
Iiiiii
986 ESC
cette matière , pour donner une idée des
fondemens finguliers de la philofophie mo-
rale des anciens. Il nous refèe à ajouter que
les infeâologiftes adoptent le fyftéme de
M. Linné au fujet des fcarabées. Us font un
ordre particulier des infe&es qui ont un
fourreau qui couvre leurs ailes , & qui ont
la mâchoire tranfverfale. Dans le premier
rang , ils mettent le cerf-volant , le rhino-
céros , le hanneton , le fcarabée verd de
rofes , le fouille-merde , le kakerlaque , &c.
Dans la féconde clatte , ils renferment les in-
feâes nommés dermejies ou les dijjequeurs:
dans la troifieme claiTe , les caflides ou tor-
tues : dans la quatrième , les coccinelles :
dans la cinquième , les chryfomelles : dans
la lixieme , les curculis , c'eft-à-dire , les
chareneons : dans la feptieme , les cerambix,
c'eft à-dire,les capricornes: dansla huitième,
les leptures : dans la neuvième , les carabes:
dans la dixième , les mordeles ou fcarabées
fauteurs : dans l'onzième , les cincideles :
dans la douzième , les bupreftes : dans la
treizième, les dytifques: dans la quatorzième,
les élaters ou reflbrs : dans la quinzième ,
les cantharides : dans la feizieme , les
méloes : dans la dix-feptieme , les neltidales :
dans la dix -huitième , les perce -oreilles :
dans la dix-neuvieme , les couftilles : dans
la vingtième , les blattes : dans la vingt
& unième , les grillons. ( V. A. L.J
EscARBOT , (Mat.méd. ^Pharmacie.)
Vefcarbot _, en latin fcarabaus y eft plus
connu chez les apothicaires fous le nom de
fcarabée , que fous celui tfefcarbot. Voye\
Scarabée.
*Escarbot , Ç Myth.) cet infe&e fut
adoré des Egyptiens. Porphyre dit dans
Eufebe , qu'ils font tous mâles. Uefcarbot
eft dans la table ifiaque , & dans une infi-
nité d'autres anciens monumens égyptiens.
Les Bafilidiens ne l'avoient pas oublié dans
leurs pierres magiques. V. Basilidiens.
ESCARBOUCLE, f. m. ( ' Hifl. nat.
Litholog.) carbunculus > anthrax, pierre
précieufe à laquelle les anciens ont donné
ces noms , parce qu'elle reflembloit à un
charbon ardent lorfqu'on l'expofoit au foleil.
Dans ce fens, toutes les pierres tranfparentes
de couleur rouge , fur-tout le grenat , font
des efcarboucles. Ons'eft imaginé que le vrai
tfcarbouck des anciens brilloit même dans
ESC
les ténèbres autant qu'un charbon ardent ;
& comme on n'a point vu de pierre qui
eût cette merveilleufe propriété , on a cru
que Vefcarboucle des anciens étoit perdu ;
car on ne peut pas dire que les pierres qui
reftent lumineufes pendant quelque temps
dans les lieux les plus obfcurs , y brillent
comme des charbons ardens. Il y a tout lieu
de croire que Vefcarboucle des anciens n'étoit
qu'un pierre tranfparente , de couleur rouge
comme le grenat , qui réfifte plus qu'un
autre à lacîion du feu ; c'eft encore un
caractère que Théophrafte attribue à
Vefcarboucle: (I)
ESCARE,f. f. (Chirurg.J en grec \<r%«.y*.
On devroit donc écrire efchare , pour con-
ferver l'étymologie ; mais l'ufage en a autre-
ment décidé.
Uefcare eft une efpece de croûte faite fur
la peau par des cautères actuels & potentiels,
ou par toute autre caufe externe, comme par
le frottement violent , la comprefîion , la
ligature , la contufion , lagelée , la brûlure ,
&c. C'eft pourquoi le nom dyefcare fe donne
aux chairs brûlées , meurtries , contufes ,
& deftéchées , que la fuppurarion détache
d'une partie vivante. Voici comme Vefcare
fe forme.
Les cautères actuels qu'on met en ufage
pour la produire , font une croûte fur la
partie à laquelle ils font appliqués , en
échauffant les humeurs , qui venant à fe
raréfier par l'exceflive chaleur qui leur eft
communiquée , rompent les vanTeaux qui
les contiennent , en forte que leurs molé-
cules les plus fubtiles s'exhalant en l'air , la
partie demeure en croûte , feche , & privée
de nourriture.
Les cautères potentiels agiftent fur la peau
par la qualité de leurs fels qui déchirent la
tifîure des folides : les chairs étant forcées
de fe défunir par cette action des fels , for-
ment une fubftance morte , qui ne recevant
plus de nourriture, fe deftèche & s'en-
croûte.
Dans la brûlure , la partie extérieure des
chairs ne peut effuyer l'action du feu , fans
que le tiiïu des folides ne foit totalement
altéré. Alors les fibres étant détruites & con-
fondues , ne font qu'un débris informe qui
{ n'a plus de part à la vie du refte du corps
animal ; & cette chair morte ne tenant plus
ESC
à rien , tombe bientôt d'elle-même , tandis
que les fluides font répandus fous les folides
féchés & brûlés ; ce qui conftitue Yefcare.
La même chofe arrive intérieurement par
la caufticité d'un venin acre & peftilentiel.
Ainfi Yefcare peut être produite intérieure-
ment par quelque humeur corrofive , ca-
pable de détruire le tifïu des chairs en les
abreuvant.
Uefcare qui naît d'une caufe externe , fe
rétablit en ôtant cette caufe ; Yefcare qui
vient d'une caufe interne & maligne , fait
àss progrès d'une façon cachée , & très-
difficile à détruire ; on peut le tenter par
les corroborans antiputrides. JJefcare qui
procède d'un frottement violent , & dont
la caufe perfifte , demande à être traitée
comme l'inflammation. Voy. INFLAMMA-
TION , Gangrené, Mortification.
Art. de M. le Chevalier DE J AU COURT.
ESCARLINGUE, (Manne.) voyejr
Carlingue.
ESCARMOUCHE , f. f. en terme de
guerre > eft une efpece de combat fans ordre
ou de rencontre, qui fe fait en préfence
des deux armées , entre de petits corps de
troupes qui fe détachent exprès du corps ,
& qui engagent un combat général & ré-
gulier.
Ce mot femble être formé du mot françois
efcarmouche , qui a la même lignification ,
& que Nicod dérive du grec x*?f*ri> qui
fignifie en même temps combat £>' réjouif-
fance. Ménage le fait venir de l'allemand
fchirmen ou fckermen7k défendre: Ducange
dit qu'il vient âefcarmuccia , petite action,
defcara & muccia, qui fignifie un corps de
troupes en embufcade ; parce que la plupart
des efcarmouches fe font par des troupes en
embufcade. Chambers, Trev.&Dic7. étymol.
Les efcarmouches s'engagent quelquefois
malgré le général ; fouvent aufîi elles lui
font utiles pour amufer l'ennemi , & lui
cacher quelques difpofitions particulières de
l'armée. " Une maxime générale pour les
» efcarmouches , dit M. le marquis de Feu-
» quieres, c'eft de les faire engager par peu
» de troupes , & de les foutenir avec beau-
» coup , étant d'une grande conféquence
« de ne point accoutumer l'ennemi à ra-
» mener impunément ceux par qui on a fait
» commencer Y efcarmouche , qu'il faut tou-
E S C 987
» jours faire foutenir par un corps plus Cf»n-
n fidérable que celui de l'ennemi. » C'eft
le terrein qui décide de la nature des troupes
que l'on fait efcarmoucher : ainfi fi le terrein
eft ouvert & libre , on fe fert de cavalerie ;
d'infanterie , s'il eft fourré ; & s'il eft de
l'une & l'autre efpeces, on y emploie de la
cavalerie & de l'infanterie. On eft fouvent
obligé dans les retraites d' efcarmoucher pour
arrêter la marche de l'ennemi , & s'oppofer
aux différens corps de troupes légères qui
veulent harceler l'armée qui fe retire. Voye^
dans les études militaires de M. Bottée ,
p. 438 y la manière & efcarmoucher , & les
différens mouvemens auxquels on doit exer»
cer le foldat pour lui faire exécuter facile-
ment l'ordre qu'il doit obferver en efcar-
mouchant. (Q)
ESCAROTIQUE , f. m. ( Chimrg. )
tout médicament qui appliqué extérieure-
ment fur les chairs , y produit des croûtes
ou des efcares , en brûlant , en rongeant,
ou en confumant ces chairs. Un efcarotique
s'appelle autrement caujhque ou cautère.
V. ces deux mots. Article de M. le Cheva-
lier de Jaucourt.
ESCARPE , f. f. c'eft dans la Fortifi-
cation le côté du revêtement du rempart ,
qui fait face à la campagne. Voye^ REVÊ-
TEMENT. Uefcarpe commence au cordon ,
& elle fe termine au fond du foiTé. La ligne
qui termine le fofTé du côté de la campagne,
fe nomme contrefcarpe y parce qu'elle eft
oppofée à Yefcarpe. V. CONTRESCARPE.
CQJ
ESCARPIN, f. m. ÇCordonn.) la plus
légère des chaufïures d'hommes ; c'eft un
foulier à fi-nple femelle. Voye\ SOULIER.
ESCARPOLETTE , f. f. ( Gymn. )
exercice de campagne qui confifte à s'aflèoir
& à fe balancer fur une planchette , attachée
par fes extrémités à deux cordes quife ten-
dent à deux arbres éloignés d'une diftance
convenable , & qui la tiennent fufpendue en
l'air à la hauteur qu'on fouhaite. Une ou
deux perfonnes entretiennent la planchette
en volée , en poufTant les cordes , lorfque la
planchette eft defcendue â fon point le plus
bas , du côté où elle va remonter.
ESCARTABLE , adj. (Fauconnerie.)
fe dit des oifeaux fojets à s'écarter, tels que
font les plus vêtus &1js plus coutumiers de
Iiiiii 2
9*8 ESC
monter en eftbr , quand le chaud les prefie.
ESCART-DOUCE , f. £ (Corn.) coton
qui vient d'Amérique par la voie de Mar-
feille.
ESCARTS ou ESCAS , f. m. (Jarifpr.)
eft un droit dû au feigneur dans quelques
coutumes fur tous les biens-meubles & ca-
teux qui viennent & échéent , foit par do-
nation , fuccellion , ou autrement , d'un
bourgeois ou bourgeoife , en la main d'une
perfonne foraine , c'eft-à-dire qui n'efr pas
bourgeois ou bourgeoife du lieu. Ce droit
eft au Aï dû par la femme ou fille bourgeoife
qui fe marie à un forain. Ce droit parok être
un reftedelafervitudeperfonnelle où étoient
autrefois tous les fujets de ces feigneurs , &
fïnguliérement du droit que ces feigneurs
avoient de fuccéder à leurs fujets main-
mortables qui ne furent affranchis qu'à de
certaines conditions , telles que ce droit
ftefcarts ou efcas dans les coutumes de la
ville & échevinage de Douai , ch. xv. Ce
droit eft de 10 liv. pour ioo liv. Il eft auftî
parlé* de ce droit d'efcas & des meubles ef-
cajjables , c'eft-à- dire , fujets à ce droit dans
la coutume locale de Seclin & de la Baflee
fous /Lille , où ce droit eft du dixième , &
a lieu fur les meubles cateux & héritages
réputés pour meubles. Voye\ le glojjaire de
M. de Lauriere , au mot Efcarts. (A)
Esc ARTS , f. mJ^Com.) c'eft ainfî qu'on
appelle certains cuirs qui viennent d'Alexan-
drie : on donne le même nom en Barbarie
a la plus mauvaife forte de ceux que les
Francs négocient avec les Maures. Les bons
s'appellent forouoc.
ESCAS ,(Jurifprud.) eft la même chofe
qu' efcarts. Voy. ci- devant Es C A RTS. (A)
ESCASS ABLE , (Jurifprud.) meubles
efcajjables, c'eft-à-dire , fujets au droit d'ef-
carts ou efcas. V.ci-depant Escarts. (A)
ESCAVESSADE, f. f. (Manège.) ex-
preflionquifignifie proprement unelecouftè
des longes d'un cavefto.n quelconque qu'un
cavalier tient dans fes mains lorsqu'il eft à
cheval , & par le moyen defquelles il prétend
relever l'animal , le placer , le retenir , ùc.
ou une fecoufle de la longe feuie placée à
l'anneau du milieu de ce même caveftbn ,
& donnée par exemple , par le piqueur ou
le palefrenier à pié , dans le temps qu'un
cheval trottant à la longe fur les cercles ,
ESC
hâte trop fon aétlon & veut paflèr â celle
du galop. Voye\ Longe.
U efcavejjade eft un châtiment , puifqu'il
en réfulte un coup plus ou moins fort du
caveftbn fur le nez du cheval.
Nous avons banni cet appareil d'inftru-
mens plus ou moins cruels , ces caveflbns
de chaînes , ces caveftbns retors , ces fe-
quettes , d'une , de deux , ou de trois pièces,
& nous ne faifons ufage dans de certains
cas que du fîmple caveftbn brifé , lequel
eft compofé de trois pièces unies & de fer ,
repliées de manière qu'afttmblées par char-
nières , elles embraflent précifément le nez
de Panimal. Ces trois pièces font fixées fur
cette partie par le moyen de deux montans
de cuir auxquels elles font fufpendues , par
une fougorge , un frontail , & un petit bouc
de cuir , qui avec elles achèvent de former
poftérieurement la muferolle. De chacune
de ces pièces , part un anneau de fer ; j'ai
déjà parlé de l'utilité de celui du milieu :
à l'égard àes deux autres , ou de chacun
de ceux qui font dans les côtés , on y pafte
des rênes , lorfqu'on ne veut pas confier la
bouche de fon cheval au palefrenier que l'on
charge de le promener , ou deux longes de
cordes tenues par deux hommes difterens
pour fe rendre maîtres de l'animal , fars
s'expofer à lui ofFenfer les barres ; & fou vent
encore on a la précaution de garnir ce ca-
veftbn , & de le rembourrer dans la crainte
de faire une impreflion trop vive , & de
blefter ou d'entamer la partie fur laquelle
il repofe.
Le cavefîbn dont nous nous fervons pour
arrêter & pour maintenir un cheval dans
les piliers , eft très-fort , & uniquement fait
avec du cuir. Quelques-uns l'appellent ca-
vejjine. Il eft pareillement compofé d'un
deftiis de têre , d'une fougorge , dr un fron-
tail , de deux montans & d'une muferolle ,
aux deux côtés de laquelle font fermement
arrêtés deux anneaux de fer deftinés à re-
cevoir les longes qui s'y bouclent , par celle
de leurs extrémités qui fe trouve garnie
d'un cuir , tandis que l'autre eft engagée
dans le trou pratiqué dans les piliers. Voye^
Piliers.
Tous les écuyers étrangers vantent una*-
nimement les eftèts admirables du cavef-
fon ; félon eux , il n'eft que ce moyen de
ESC
retenir , de relever , d'alléger , d'aflbuph'r
le cheval , d'affurer fa tête & de le drefler
en un mot , parfaitement & à toutes fortes
d'airs fans offenfer fa bouche ; en confé-
quence , ils ne ceffent de nous reprocher
l'ebftination avec laquelle ils croient que nous
affectons de ne p3s vouloir les imiter en ce
point. Nous n'avons d'autre reponfe à leur
faire , fi ce n'eft que , fi par le fecours de
la bride feule nous parvenons à conduire
l'animal à un degré de perfection qui ne le
cède point à celui où ils le mètrent eux-
mêmes , notre méthode doit inconteftable-
ment obtenir la préférence. Ainfi il feroit
fuperflu de nous perdre les uns & les autres
dans de vains raifonnemens ; & une quef-
tion que l'on peut décider par les faits ceflè
bientôt d'en être une.
Je fais qu'on pourroit nous oppofer ttau-
torité du fameux duc de Newkaftle ; mais
quelque refpectable qu'elle foit , elle ne
fauroit l'emporter fur l'évidence d'une
preuve aufli convaincante ; d'ailleurs , il
n'eft pas douteux qu'il eft très-difficile que
des mains habituées dans des manèges à
n'agir qu'avec une force confidérable , &
à opérer fur des chevaux de manière à les
précipiter dans une contrainte , telle que
celle dont les eftampes qui ornent l'ouvrage
de cet auteur célèbre nous préfentent une
image fidelle , puifïènt revenir à ce fenti-
ment fin , fubtil & délicat , qui diftinguera
toujours le véritable homme de cheval de
cette multitude innombrable de prétendus
praticiens qui n'en ont que la forme &
l'apparence (e)
ESCAUT , (Géogr. moderne. J rivière
des Pays-bas. Elle prend fa»fource à Beau-
revoir , village du Vermandois , paffe dans
la Flandre : elle fe divife en deux branches ,
dont 1 une va dans le voifinage de Berg-op-
zoom , & fe nomme YEfcaut oriental y &
l'autre à Flefïingue , & fe nomme YEfcaut
occidental ; ces deux branches fe jettent
dans la mer d'Allemagne.
ESCUARS , CMarine.J Voy. Echars.
ESCHE -iTEUR , f. m. (HiJL moderne.)
ito\t autrefois en Angleterre le nom d'un
officier qui avoit foin des efchéats ou efeas
an roi dans une certaine étendue de pays ,
fc d'en certifier l'échiquier ou la chancel-
lerie. Voye\ ESCAS^
ESC 989
Il étoit nommé par le lord tréforier ;
cette charge ne duroit qu'une année ; &
perfonne ne pouvoit la pofleder plus d'une
fois en trois ans. Mais comme elle dépen-
doit principalement de la cour des forêts ,
elle n'exifte plus aujourd'hui.
On trouve dans la collection de Rymer
plufieurs actes d'Henri VIII & d'Elifabeth,
qui commencent par ces mots : Rex efcae-
torifuo in comitatu Wigormœ ; Regina ef-
caetorifuo , &c. Chambers. (G)
ESCHILLON , f. m. (Manne.) eft un
terme dont fe fervent les matelots de la
mer méditerranée , qui fignifie une nuée
noire y dont fort une longue queue qui eft
une forte de météore que les matelots crai-
gnent autant que la plus forte .tempête :
cette queue va toujours en diminuant ; &
s'alongeant dans la mer , elle en tire l'eau
comme une pompe ; en forte que l'on voit
cette eau qui bouillonne tout autour , tant
l'attraction paroît violente. La fuperftition
de ceux qui craignent cette nuée , fait qu'ils
piquent dans le mât un couteau à manche
noir , perfuadés qu'en faifant cela ils dé-
tourneront l'orage. Voyez PucHOT.
(Z)
ESCHILSTUNA , (Géographie.) ville
de Suéde , dans la Sudermanie & dans-
la préfecture de Nykioping , au bord du.
lac de Hielmar , qui commence delà à
fe jeter vers le Maler. Son nom lui vient
d'Efchil , faint homme , qui , l'an 1082 ,.
paflà d'Angleterre en Sudermanie , pour
y porter la lumière de l'évangile , & qui
réuflïflànt avec éclat dans cette entreprife ,
devint le premier évêque de la contrée.
Dans le fîecle pafïe , cette ville fut réunie
avec celle de Karl-Guftavsftadt , qui en
eft tout proche , & qui après cette con-
jonction occupe avec elle la quarante &
unième place à la diète dans l'ordre des.
villes. ( I). G.)
m * ESCHINADES , ou ECHINADES,,
f. f. pi. ^Mythologie.) Cinq naïades Etolien-
nes fù^F un facrifice de dix taureaux ,
auqudMlîes invitèrent tous les dieux cham-
pêtres^ excepté Achéloiïs. Ce fleuve cour-
roucé gonfle fes eaux , & entraîne dans la
mer , & les nymphes , & le lieu de leur
facrifice. Neptune touché de leur fort les
métamorphofa en iiles , & ce font elles
990 ESC
qu'on connoît aujourd'hui fous le nom de
Curfolaires.
ESCHRAKITES , ou ERASKITES ,
f. m. ( Hiftoire moderne. ) fe&e dephilofo-
phes mahométans , qui adhèrent à la doc-
trine & aux opinions de Platon.
Ce mot eft dérivé de l'Arabe fchraka ,
qui lignifie briller y éclairer comme le fo-
leil , de forte que efchrakite femble figni-
fier illuminé.
Les efchrakites ou platoniciens maho-
métans font confifter le bonheur fuprême
& le fouverain bien dans la contemplation
de la majefté divine , & méprifent l'idée
grofïiere & matérielle que l'alcoran donne
du paradis. Voye^ MaHOMÉTISME.
Ils évitent avec beaucoup de foin toute
forte de vices , confervent autant qu'ils le
peuvent légalité & la tranquillité d'ame ,
aiment la mufique , & s'amufent à com-
poser de petits poèmes ou chants fpirituels.
Les fchéics ou prêtres , & les principaux
prédicateurs dt.s mofquées impériales , font
efchrakites. Diâionnaire de Trévoux &
Chambers. ÇQ)
ESCHWEGfi, (GéogrJ ville d'Alle-
magne , dans îe c ircle du haut Rhin , &
dans la Hefie inférieure fur la rivière de
la Wtria. C'eft une des plus anciennes de
l'Empire , &: Turc des premières qu'aient
tenue en fief les ducs de Biabant , faits
landgraves de Hefte fous l'empereur Adol-
phe, vers la fin du XIII. fiecle. Elle appar-
tient , avec le bailliage , qui eft de fon
refïbrt , à la branche apanagée de HeiTe-
Rheinfels- Wanfried ; & elle renferme
entr'autres un château & deux églifes de
paroifiès. Le pont de pierre qu'elle a fur
la Werra , eft un des endroits de pafTage
les plus fréquentés entre la HefTe , la Thu-
ringe , & les pays de Brunfwick. CD. G.)
ESCLAMÈ , (Manège. ) terme qui
n'eft pas moins inufité que le mot eflrac.
L'un & l'autre étoient fynonymes. V'oye^
Etroit.
ESCLAIRE. Ç Fauconnerie. yf^Çt ainfi
qu'on appelle un oifeau dont le Çtfps eft
d'une belle longueur , & qui n'éW point
épaulé. On dit que les efclaires font plus
beaux voleurs que les gouîîans , ou ceux
qui font courts & bas aflis.
ESCLAVAGE, f. m. ( Droit naturel,
ESC
Religion > Morale. ) Vefclavage eft 1 eta-
bliflement d'un droit fondé fur la force ,
lequel droit rend un homme tellement
propre à un autre homme , qu'il eft le
maître abfolu de fa vie , de les biens , &
de fi liberté.
Cette de'finition convient prefeue éga-
lement à Yefclavage^c'ivil , & à Yefclapage
politique : pour en crayonner l'origine , la
nature & le fondement , j'emprunterai bien
des chofes de l'auteur de l'efprit des loix ,
fans ra'arrêter à louer la folidité de fes
principes , parce que je ne peux rien ajouter
à fa gloire.
Tous les hommes naiftent libres ; dans
le commencement ils n'avoient qu'un nom ,
qu'une condition ; du temps de Saturne &
de Rhée , il n'y avoit ni maîtres ni efclaves,
dit Plutarque : la nature les avoit faits tous
égaux ; mais on ne conferva pas long-temps
cette égalité naturelle : on s'en écarta peu
à peu , la fervitude s'introduifit par degrés,
&: vraifemblablement elle a d'abord été
fondée fur des conventions libres , quoique
la nécefTité en ait été la fource & l'origine.
Lorfque par une fuite néceflaire de la
multiplication du genre humain on eue
commencé par fe laflèr de la fimplicité des
premiers fiecles , on chercha de nouveaux
moyens d'augmenter les aifances de la vie,
& d'acquérir des biens fuperflus ; il y a
beaucoup d'apparence que les gens riches
engagèrent les pauvres à Travailler pour
eux , moyennant un certain falaire. Cette
reftource ayant paru très -commode aux
uns & aux autres , plufieurs fe réfolurent
à aflurer leur état , & à entrer pour tou-
jours fur le ruême pié dans la famille de
quelqu'un , à condition qu'il leur fourni-
roit la nourriture & toutes les autres chofes
néceiiàires à la vie ; ainfi la fervitude a
d'abord